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M. Bertin Mampaka Mankamba (cdH). - La presse nationale a mis en évidence les nouvelles pratiques utilisées par le plus grand CPAS du pays, celui d'Anvers, qui visent à utiliser systématiquement les réseaux sociaux pour mener des enquêtes sociales, par exemple pour contrôler certaines situations en relation avec l'octroi du revenu d'insertion et de toutes les aides qui peuvent être octroyées par les CPAS.
Nous sommes tous d'accord qu'en période de crise, il faut faire la chasse au gaspillage et à la fraude sociale car la survie et l'efficacité de notre système de sécurité sociale en dépendent.
Cependant, si les pratiques que j'évoque ont été largement décriées, on apprend à ce jour qu'elles font tache d'huile et se généralisent dans d'autres communes.
Je ne citerai pas les communes concernées. Il s'agit de celles qui ont une majorité politique prédisposée à ce genre d'interprétation de la loi.
Il est clair que les technologies évoluent de plus en plus. Nos concitoyens s'approprient les nouveaux médias sociaux : Facebook, LinkedIn, Twitter, etc. Cette situation n'a pas été envisagée à l'époque où nos dispositions relatives aux enquêtes sociales et la loi sur l'octroi du revenu d'insertion ont été adoptées. Le contexte évolue donc et engendre une espèce de vide juridique laissant les institutions et les bénéficiaires dans l'incertitude. Tout au plus peut-on se reporter au principe général selon lequel l'ingérence dans la vie privée n'est possible que si les informations recherchées sont absolument indispensables pour vérifier les conditions d'octroi de la prestation sociale. Les exceptions au droit fondamental à la vie privée ne sont en effet autorisées que de manière très restrictive.
Des 589 CPAS de notre pays, combien se servent-ils des réseaux sociaux comme outil d'enquête sociale ? Combien de personnes ont fait l'objet d'une exclusion ou d'une sanction relative au bénéficie du revenu d'insertion, sur la base d'une enquête sociale menée sur Facebook, LinkedIn et les autres réseaux sociaux ? Ces décisions de refus ou de suspension ont-elles fait l'objet d'un recours auprès des tribunaux compétents ? Il existe en effet une tendance systématique à contester les décisions des CPAS auprès du tribunal de travail et la gestion de ces dossiers entraîne une importante charge financière.
Avez-vous, madame la ministre, des propositions visant à améliorer les dispositifs en vigueur afin d'éviter les dérapages ? En effet, en l'absence d'une disposition claire, ces derniers se sont certainement déjà produits et se produiront encore. Il s'agit notamment de protéger la vie privée des personnes qui se sentent désormais épiées, de manière tout à fait légale. La Commission de la protection de la vie privée pourrait-elle être sollicitée pour éclairer les intervenants sociaux, les institutions et les juristes qui défendent les CPAS ?
Mme Maggie De Block, secrétaire d'État à l'Asile et la Migration, à l'Intégration sociale et à la Lutte contre la Pauvreté. - Je ne dispose pas du nombre de CPAS qui se serviraient des réseaux sociaux comme élément d'examen de la situation d'un client, ni du nombre de personnes exclues du bénéfice du revenu d'intégration sur la base d'enquêtes sociales menées sur les réseaux sociaux. Par ailleurs, je n'ai pour le moment pas connaissance de l'existence d'une jurisprudence sur ce point.
Conformément à la réglementation sur le droit à l'intégration sociale de la loi du 26 mai 2002, le CPAS effectue son enquête sociale par tous les moyens disponibles et légaux qui peuvent être mis à sa disposition. Notez que la simple consultation d'un réseau social ne peut se suffire à elle-même : une enquête sociale individuelle doit toujours être effectuée car elle est imposée par la loi. Cette enquête doit permettre au centre de récolter des informations nécessaires permettant d'aboutir à un diagnostic précis sur l'existence et l'étendue du besoin d'aide et proposant les moyens les plus appropriés d'y faire face.
Il est à noter que lorsqu'une personne diffuse un contenu sur un réseau social, elle dispose du choix de déterminer quelles informations elle rend accessibles et à quel public. Ce que la personne poste sur les réseaux sociaux de manière volontaire en choisissant de le rendre accessible à tout le monde sans restriction ne fait plus partie de la sphère de sa vie privée. En conséquence, la consultation d'informations rendues volontairement publiques ne constitue pas une atteinte à la vie privée.
M. Bertin Mampaka Mankamba (cdH). - Je comprends que vous n'ayez pas les chiffres sous la main aujourd'hui. Je ne m'attendais du reste pas à les avoir immédiatement, j'espérais simplement que vous soyez mise au courant par un collaborateur bien zélé et bien informé d'un problème encore récent mais qui semble se propager.
Je voulais attirer votre attention pour que vous puissiez anticiper le mal avant qu'il ne s'étende. Nous savons tous que le nombre de recours contre des exclusions ou des refus de minimex est en hausse.
Je ne vous mentirai pas : certains CPAS recommandent aux demandeurs de déposer un tel recours et de les mettre dans une situation où le CPAS sera contraint d'accorder son aide. Cela entraîne des frais, et donc un risque d'augmentation des frais de fonctionnement d'un certain nombre d'institutions.
Je comprends que vous pensiez que celui qui rend publiques ses informations personnelles n'a qu'à s'en prendre à lui-même mais je crains néanmoins qu'indépendamment de ce cas, il y ait une augmentation du nombre de recours. Il est donc important de préciser publiquement que cet outil peut être utilisé juridiquement, ce que fait d'ailleurs votre administration dans les dossiers d'immigration.