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21 MARS 2013
Anorexie mentale
L'anorexie mentale est une affection psychique qui entraîne des troubles de l'alimentation. Une personne anorexique est généralement quelqu'un qui a commencé par faire un régime dans le but de perdre du poids. L'amaigrissement apparaît ensuite comme un signe de maîtrise et de contrôle, au point de devenir, au fil du temps, un instrument au service de la maîtrise et du contrôle du corps.
La principale raison pour laquelle les personnes anorexiques restreignent leur alimentation est le fait qu'elles associent la minceur au bonheur. Mais ce trouble de l'alimentation peut être lié aussi à un manque de confiance en soi et à une tendance au perfectionnisme.
Un grand nombre d'études et de rapports internationaux révèlent d'ailleurs que de toutes les affections psychiques, l'anorexie mentale est, avec la boulimie nerveuse, celle qui engendre le taux de mortalité le plus élevé. Celui-ci se situe en effet entre 5 et 10 %. Il n'y a toutefois que très peu de chiffres concrets disponibles en ce qui concerne la situation en Belgique.
Environ 95 % des personnes atteintes d'anorexie mentale sont des femmes et près de 1 % de l'ensemble des adolescentes souffrent également de ce trouble de l'alimentation. Les hommes n'en sont toutefois pas épargnés.
L'anorexie apparaît le plus souvent au cours de l'adolescence, mais elle peut survenir aussi durant l'enfance ou à l'áge adulte.
L'indice de masse corporelle
L'indice de masse corporelle (IMC) est un moyen simple pour déterminer si le poids d'une personne est insuffisant ou trop élevé. On le calcule en divisant le poids exprimé en kilogrammes par la taille exprimée en mètres et élevée au carré. L'Organisation mondiale de la santé considère qu'un IMC compris entre 18 et 25 correspond à un poids normal et qu'en dessous de 18, il indique une insuffisance pondérale.
Le traitement de l'anorexie mentale
Une personne qui souffre d'anorexie mentale peut s'adresser en premier lieu à son médecin traitant ou faire appel à un centre de guidance scolaire ou encore à une équipe mobile.
Il y a probablement aussi une majorité de personnes anorexiques qui consulte un thérapeute (psychologue), même si on ne dispose pas de chiffres précis en l'espèce. Les centres de soins de santé mentale peuvent d'ailleurs accueillir aussi ce type de patients.
En outre, un grand nombre de personnes souffrant d'anorexie mentale sont prises en charge dans des établissements psychiatriques qui ne sont pas directement spécialisés dans le traitement des troubles de l'alimentation.
Enfin, il existe en Flandre et en Wallonie plusieurs cliniques ou établissements psychiatriques spécialisés dans le traitement de ce type de troubles, mais il faut beaucoup de chance à une personne anorexique pour pouvoir bénéficier d'une prise en charge dans une telle structure.
Cela étant, il importe de veiller à ce que le traitement de l'anorexie mentale repose sur un accompagnement de qualité.
Les conséquences possibles de l'anorexie mentale
Si elle a des conséquences incalculables sur le plan psychologique, l'anorexie mentale a aussi des conséquences physiques et sociales qui donnent à réfléchir.
Sur le plan physique, les conséquences possibles sont la constipation, les défaillances cardiaques, les troubles menstruels, la diminution du volume systolique du cœur, la fatigue, le ralentissement du rythme cardiaque et l'arythmie cardiaque, les calculs rénaux, les troubles gastriques, l'irritation de l'intestin. Si elles perdurent pendant plusieurs années, ces pathologies peuvent s'avérer fatales. Sur le plan social, l'anorexie mentale aura pour conséquence que la personne sombrera dans la solitude, présentera un comportement asocial et finira par se trouver dans une situation d'isolement social.
L'anorexie en tant que sujet d'actualité
De plus en plus de jeunes filles et de femmes souffrent d'anorexie. Un élément frappant à cet égard est l'affirmation selon laquelle le milieu de la mode favoriserait l'anorexie en valorisant la minceur extrême. Certaines jeunes filles s'efforcent d'ailleurs de ressembler aux mannequins filiformes parce qu'elles pensent que telle est la norme dans notre société contemporaine.
L'Internet
L'éloge de l'anorexie passe aussi par l'Internet. Il existe en effet des sites « pro-ana » (pro-anorexie) qui font l'apologie de l'anorexie et où des personnes atteintes d'anorexie se rencontrent, expliquent comment elles s'y prennent pour maigrir et ce qu'elles mangent, s'encouragent mutuellement, se motivent et échangent des conseils. Ce type de « communauté » constitue un réel danger.
Certains pays ont pris des mesures afin d'éliminer ces sites pro-anorexiques ou tenter de les enrayer. Ainsi, les États-Unis ont interdit ces sites et l'Espagne en a fermé un qui prônait l'anorexie.
L'anorexie dans le milieu de la mode
Dans le milieu de la mode, l'anorexie mentale a déjà causé la mort de plusieurs mannequins. C'est notamment pour cette raison que des mesures ont été prises dans ce milieu afin de lutter contre cette maladie. Ainsi, l'Espagne mène une lutte active contre l'anorexie et, en Grande-Bretagne, la ministre de la Culture, de la Communication et des Sports a appelé les créateurs à boycotter les mannequins décharnés.
La situation en Belgique
Une étude épidémiologique sur la prévalence des troubles de l'alimentation dans six pays européens montre qu'en Belgique, 0,96 % de la population totale souffre (a souffert) d'anorexie mentale. Ce chiffre porte sur la population belge totale de plus de dix-huit ans. Si on restreint ce groupe en considérant la seule tranche d'áge des dix-huit à vingt-neuf ans, on observe un quasi-doublement des chiffres et si on le limite encore à la seule population féminine ágée de dix à trente ans, on constate qu'environ 3,7 % de cette population souffre/a souffert d'anorexie mentale.
Avant que les chiffres de cette étude ne soient publiés, la tendance en Belgique était de considérer que les chiffres épidémiologiques relatifs aux Pays-Bas étaient valables aussi pour notre pays ou étaient à tout le moins comparables. Or, on constate aujourd'hui que les chiffres de la Belgique dépassent nettement ceux des Pays-Bas.
En Flandre, il existe déjà plusieurs structures spécialisées dans la prise en charge des personnes qui souffrent de ce trouble de l'alimentation:
— l'UZ Gent, Centrum voor eetstoornissen (Gand);
— le « PC Broeders Alexianen », afdeling « Ter Berken » (Tirlemont);
— l'UPC Leuven,Campus Kortenberg, afdeling Sint-Lucas (Kortenberg);
— l'UPC Leuven,Campus Gasthuisberg: dagziekenhuis kinder- en jeugdpsychiatrie (Louvain);
— le ZNA, Paola kinderziekenhuis, afdeling eetstoornissen (Wilrijk);
— la « Eetkliniek » (Jette);
— le PC Zoete Nood Gods, afdeling Providentia (Lede).
En Wallonie aussi, il existe plusieurs centres de soins susceptibles d'accueillir des personnes anorexiques:
— le Domaine-ULB-Erasme (Braine-l'Alleud);
— l'Hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola (Bruxelles);
— le CHU de Liège;
— le CHU-N. D. des Bruyères (Chênée);
— la Clinique St. Joseph (Liège);
— les Cliniques universitaires de Mont-Godinne, Service de psychosomatique (Yvoir);
— la Clinique de la Ramée (Bruxelles);
— les Cliniques universitaires Saint-Luc (Bruxelles).
La Belgique prévoit donc clairement des possibilités de traitement de l'anorexie mentale. Il est toutefois indéniable qu'il vaut toujours mieux prévenir que guérir, car le nombre de patients anorexiques en traitement ne représente que le sommet de l'iceberg. La plupart des personnes qui souffrent de l'une ou l'autre forme d'anorexie ne se font pas (encore) soigner.
En outre, il n'est pas facile pour une personne qui souffre d'anorexie mentale de franchir le pas vers le traitement médical. Il faut généralement des mois (voire des années) pour qu'une personne anorexique prenne conscience qu'elle a besoin d'aide.
L'UZ Brussel et l'UZ Antwerpen constatent que le nombre de jeunes enfants souffrant d'anorexie mentale ne cesse d'augmenter, principalement chez les treize-quatorze ans. Ces hôpitaux universitaires déplorent à la fois le manque de chiffres disponibles en Belgique sur la prévalence de la maladie chez les jeunes adolescents et l'absence d'infrastructures de qualité pour leur venir en aide. Ces jeunes ont besoin d'un accompagnement pluridisciplinaire, assuré par une équipe composée de psychologues, de médecins et de diététiciens. L'UZ Brussel et l'UZ Antwerpen relèvent également la nécessité de développer les soins ambulatoires.
À l'étranger
Aux Pays-Bas, un système de fenêtre ouvrante (pop-up) a été introduit sur les sites pro-anorexiques. Ces fenêtres ouvrantes contiennent un message d'avertissement qui s'affiche automatiquement à l'écran avant que l'internaute ne puisse cliquer pour accéder à un site pro-anorexique. Une étude scientifique réalisée entre octobre 2006 et septembre 2007 par l'Université de Maastricht, en collaboration avec le ministère néerlandais de la Santé publique et de l'Environnement (Rijksdienst voor de volksgezondheid en milieu, RIVM), a permis de constater que plus de 33 % du demi-million de visiteurs enregistrés n'ont pas cliqué pour accéder au site pro-anorexie.
En Italie, un code de bonne conduite destiné à lutter contre l'anorexie a fait l'objet d'une convention entre le gouvernement et les représentants de l'industrie de la mode italienne. Ce code de bonne conduite prévoit entre autres un contrôle médical obligatoire pour les mannequins, afin de s'assurer que leur indice de masse corporelle (IMC) ne soit pas inférieur à 18, l'interdiction de défiler pour les jeunes filles en dessous de cette limite, l'interdiction d'exercer la profession de mannequin pour toute personne de moins de seize ans et l'incitation, pour les représentants du secteur, à compléter les collections de mode par des plus grandes tailles. Ce code ne prévoit pour ainsi dire aucune modalité de sanction pour les mannequins qui l'enfreignent et n'a, dès lors, aucune force juridique.
En Australie, les magazines, les agences de mannequins et les créateurs de mode sont contrôlés par le biais d'un code de conduite qui demande de ne pas employer de mannequins de moins de seize ans ni de mannequins présentant un indice de masse corporelle trop faible, et d'insérer un message signalant les photos retouchées par ordinateur.
En Israël, une loi interdisant d'employer des mannequins trop maigres a été adoptée le 5 mars 2012. Cette loi a été élaborée après concertation avec les principales maisons de mode et agences de publicité. Elle est censée lutter contre l'anorexie chez les jeunes et réduire la prévalence des troubles de l'alimentation au sein de ce groupe de population en Israël.
Cette loi israélienne prévoit notamment:
— l'obligation d'insérer un avertissement dans les publicités qui manipulent le poids des mannequins à l'aide de programmes informatiques comme Photoshop. Cette obligation concerne toutes les formes de publicité diffusées sur les chaînes de télévision, dans les magazines, les journaux, ..., israéliens;
— l'obligation pour les mannequins se présentant à une séance de photos de produire un rapport médical attestant que leur IMC est d'au moins 18,5;
— une clause de responsabilité pour les agences de publicité et les maisons de mode, dont la responsabilité peut être engagée en cas d'infraction aux règles en question.
En l'état actuel des choses, on ne peut pas encore se prononcer sur l'efficacité réelle de cette loi, dont l'entrée en vigueur en Israël précède à peine le dépôt de la présente proposition de résolution.
Le 24 septembre 2008, Mme Christiana Muscardini a posé une question écrite à la Commission européenne. Elle demandait, entre autres, comment la Commission considérait la promotion propagandiste de l'anorexie et s'il fallait y voir une forme de liberté d'expression ou un comportement à combattre. Elle interrogeait également la Commission sur l'ampleur du phénomène, en particulier en ce qui concerne l'incitation à l'anorexie par le biais de l'Internet et des médias. La Commission européenne a répondu que des mesures devaient être prises au niveau national, mais qu'elle ne possédait pas de données chiffrées concernant ce problème. Elle a néanmoins précisé qu'elle finançait déjà deux réseaux actifs dans ce domaine.
La France a déjà pris une initiative en déposant le 3 avril 2008 une proposition de loi relative à la lutte contre l'anorexie. Ladite proposition de loi visait à adapter le Code pénal français de manière à ce que l'incitation à l'anorexie et/ou à l'extrême maigreur soit punie d'une peine de deux ans de prison ou d'une amende de 30 000 euros. Cette proposition a finalement été rejetée à une courte majorité par le Sénat.
Initiatives parlementaires concernant l'anorexie
Au niveau fédéral, de nombreuses initiatives ont été prises pour aborder le problème de l'anorexie. Citons notamment:
— la proposition de résolution visant à lutter contre l'anorexie, déposée le 23 août 2007 par Mme Margriet Hermans et M. Berni Collas (doc. Sénat, nº 4-154/1 — S.E. 2007);
— la proposition de loi visant à combattre l'incitation à l'anorexie par les médias et par Internet chez les jeunes filles, déposée le 2 juin 2008 par Mmes Anne-Marie Lizin, Sabine de Bethune, Dominique Tilmans, Christiane Vienne et Olga Zrihen (doc. Sénat, nº 4-789/1 — 2007/2008);
— la proposition de résolution visant à lutter contre l'anorexie, déposée le 15 mai 2008 par Mmes Olga Zrihen, Margriet Hermans, Joëlle Kapompolé, Nahima Lanjri, MM. Jean-Jacques De Gucht et Philippe Mahoux, ainsi que Mmes Anne Delvaux et Dominique Tilmans. Cette proposition de résolution a été adoptée par le Sénat le 2 juillet 2008, après amendement (doc. Sénat, nº 4-755/4 — 2007/2008);
— ...
En outre, de nombreuses initiatives ont aussi été prises par la Région flamande (Parlement flamand) dans le cadre de la lutte contre ce phénomène.
Nele LIJNEN. |
Le Sénat,
A. Considérant que selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), un indice de masse corporelle de 18 est le minimum pour être en bonne santé;
B. Vu les propositions de résolution, déposées au Sénat, du 23 août 2007 et du 2 juillet 2008 (texte adopté précédemment par le Sénat) visant à combattre l'anorexie, qui abordent la problématique de l'anorexie;
C. Considérant que le système de la fenêtre surgissante utilisé aux Pays-Bas a déjà prouvé son efficacité;
D. Considérant qu'une tentative d'incriminer l'incitation à la maigreur extrême ou à l'anorexie a déjà été effectuée en France;
E. Vu le code de bonne conduite appliqué en Australie, qui a pour but de limiter le recours à des mannequins trop maigres et des photos retouchées;
F. Vu le code de bonne conduite destiné à lutter contre l'anorexie chez les top-modèles, signé par le gouvernement italien et les représentants de l'industrie de la mode italienne;
G. Considérant qu'Israël a adopté, le 5 mars 2012, une loi visant à lutter contre l'anorexie;
H. Vu la question écrite concernant l'anorexie et le web posée le 24 septembre 2008 par Cristiana Muscardini à la Commission européenne, à laquelle cette dernière a répondu notamment:
— qu'elle ne dispose pas de statistiques lui permettant d'évaluer l'ampleur du problème;
— que les mesures visant à lutter contre ce problème doivent être prises au niveau national;
— qu'elle finance actuellement deux réseaux, l'un faisant office de point de contact et l'autre de centre de sensibilisation pour le citoyen;
I. Considérant qu'il n'existe pas de chiffres spécifiques concernant le problème de l'anorexie en Belgique,
Demande au gouvernement:
1. de procéder à une évaluation des réalisations qui découlent des recommandations formulées dans la résolution relative à la problématique de l'anorexie, qui a été adoptée par le Sénat le 2 juillet 2008;
2. de réaliser, en collaboration avec les régions et les communautés, une étude d'évaluation susceptible de procurer des données plus précises sur la prévalence de l'anorexie en Belgique;
3. de réaliser une étude d'évaluation susceptible de procurer des données plus précises sur les listes d'attente dans les établissements résidentiels qui relèvent de la compétence de l'État fédéral;
4. d'étudier l'efficacité d'un système de fenêtre surgissante avertissant les personnes qui tentent de se connecter à un site pro-anorexie;
5. de conclure un code de bonne conduite avec le secteur de la publicité afin que ne soient plus utilisées, dans les publicités, des photos qui ont été retouchées dans le but de faire paraître les mannequins plus minces.
16 mai 2012.
Nele LIJNEN. |