5-1533/1

5-1533/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2011-2012

13 MARS 2012


La politique en matière de pensions


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES PAR

MME THIBAUT


I. INTRODUCTION

Au cours de sa réunion du 13 mars 2012, la commission des Affaires sociales a donné l'occasion à M. Vincent Van Quickenborne, vice-premier ministre et ministre des Pensions, de commenter sa politique en matière de pensions. Cet exposé figure au chapitre II du présent rapport. La commission y a ensuite consacré un échange de vues, dont le compte rendu fait l'objet du chapitre III.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE M. VINCENT VAN QUICKENBORNE, VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DES PENSIONS

M. Vincent Van Quickenborne, vice-premier ministre et ministre des Pensions, avance trois objectifs généraux. Tout d'abord: la Belgique a besoin d'un budget sain. À politique inchangée, le coût du vieillissement (en ce compris les pensions et les soins de santé) pour les pouvoirs publics augmentera de 3,6 % du PIB en 2030 et de 5,6 % du PIB en 2060. Il faut donc assurer des finances publiques saines, de manière à pouvoir supporter le coût supplémentaire du vieillissement. Alors que, selon le ministre, les surcoûts en matière de pensions peuvent encore être maîtrisés pour peu que les mesures nécessaires soient prises, ce sont surtout les surcoûts en matière de soins de santé qui l'inquiètent au plus haut point. Les progrès de la technologie prolongent l'espérance de vie, entraînant ainsi une augmentation de la consommation de médicaments. La question qui se pose est celle de savoir comment assurer le financement du système, si l'on souhaite empêcher l'apparition d'une médecine à deux vitesses. On parle ici de montants avoisinant les 30 milliards d'euros (pensions) et les 25 milliards d'euros (soins de santé) par an. Si l'on veut maintenir la solidarité entre les générations, il faudra que les pouvoirs publics puissent également supporter ces coûts à l'avenir.

D'autre part, il faut suivre la bonne stratégie en matière de marché de l'emploi. Il faut surtout miser sur l'activation de la population. En effet, la comparaison avec d'autres pays n'est pas flatteuse pour notre pays et la croissance du taux d'activité reste insuffisante, en tout cas par rapport aux pays scandinaves. Dans notre pays, les travailleurs entre vingt-cinq et cinquante-cinq ans sont pressés comme des citrons, si bien qu'ils aspirent à prendre leur retraite au plus vite. Il faut donc suivre une autre stratégie et une politique différente en matière de carrière professionnelle, prévoyant notamment un travail adapté pour les travailleurs plus âgés.

Enfin, il faut ajuster le budget et se débarrasser des charges d'intérêt excessives. Le gouvernement a déjà pris de nombreuses décisions en la matière.

Dans ce cadre global, le ministre mènera plusieurs réformes dans le domaine des pensions. Un premier train de mesures a déjà été adopté fin 2011:

— l'âge minimum de la pension anticipée est progressivement porté à soixante-deux ans (soixante ans actuellement), et ce, tant dans le régime privé que dans le régime public. La durée de la carrière des personnes qui veulent prendre leur pension de façon anticipée, est portée à quarante ans (actuellement, trente-cinq ans dans le régime des travailleurs salariés et 5 ans dans le régime public). L'âge légal de la pension reste fixé à soixante-cinq ans;

— les pensions publiques, qui jusqu'ici étaient calculées en soixante tantièmes et dont les cinq dernières années de la carrière servaient de période de référence, sont adaptées de manière à coïncider davantage avec le régime de pension des travailleurs salariés dans le secteur privé: le nombre de tantièmes est ramené à quarante-huit au maximum et la période de référence devient les dix dernières années de la carrière. L'ancien calcul en tantièmes continue toutefois d'être appliqué pour les personnes qui ont cinquante-cinq ans ou plus en 2012; la période de référence reste de cinq ans pour les personnes qui ont cinquante ans ou plus en 2012;

— un certain nombre de régimes de pension spécifiques, notamment celui des journalistes professionnels ou du personnel navigant, dans lesquels le calcul s'opère aujourd'hui sur la base de tantièmes avantageux particuliers, sont adaptés: ces pensions sont désormais calculées en quarante-huit tantièmes;

— les périodes assimilées, notamment pour les emplois de fin de carrière, sont désormais moins prises en compte dans le calcul de la durée de la carrière, avec toutefois une exception pour les prépensions accordées dans le cas d'entreprises en difficulté ou en restructuration ainsi que celles accordées dans le cadre de la CCT nº 96 (cinquante-six ans et au moins quarante années de carrière);

— un crédit-temps sans motif ne pourra plus être pris que pendant un an.

Les modalités des adaptations, tout particulièrement en ce qui concerne les mesures transitoires, font l'objet d'une concertation entre le gouvernement, les partenaires sociaux et les gouvernements des communautés et des régions, principalement pour ce qui est de la mise à disposition préalablement à la pension dans le domaine de l'enseignement, et pour ce qui est des montants de la pension pour les fonctionnaires qui dépendent des communautés et des régions. Plusieurs arrêtés royaux pourront être pris prochainement.

Le ministre insiste sur le fait que l'âge légal de la pension reste fixé à soixante-cinq ans. En revanche, les régimes de prépension et leurs variantes font l'objet de réformes. L'âge effectif de la retraite est beaucoup trop bas.

Pour l'avenir, le ministre distingue une dizaine de « chantiers en matière de pensions », qu'il commente.

Il s'agit en premier lieu de l'extension du deuxième pilier de pension, à savoir celui des pensions complémentaires. Parallèlement au premier pilier (la pension légale), au deuxième pilier (les assurances de groupe) et au troisième pilier (l'épargne-pension individuelle), le ministre considère l'acquisition d'un logement personnel comme le quatrième pilier. Ce dernier est important: il permet en effet de ne plus payer de loyer pendant la retraite, ce qui réduit considérablement les coûts mensuels.

Le ministre rappelle que la loi du 28 avril 2003 relative aux pensions complémentaires est en vigueur depuis le 1er janvier 2004. Dans le cadre de cette loi, 60 % des travailleurs acquièrent une pension complémentaire. Deux problèmes majeurs se posent en ce qui concerne le deuxième pilier:

— de nombreuses personnes ne peuvent bénéficier que d'une pension complémentaire très limitée qui, associée à une petite pension légale, ne leur garantit pas suffisamment un revenu convenable;

— 40 % de la population n'acquiert aucun droit à une pension complémentaire. Il s'agit surtout des personnes actives dans des secteurs financièrement moins porteurs ou des titulaires d'emplois précaires (secteur non marchand, employés de PME, agents contractuels, ...).

Pour régler ces problèmes, le gouvernement a formulé deux objectifs: celui d'accroître le nombre de bénéficiaires d'une pension professionnelle complémentaire (à terme, toute la population active devrait pouvoir en bénéficier) et celui de majorer les montants constitués. Ces objectifs seront concrétisés en concertation avec les partenaires sociaux, qui seront invités à prévoir des moyens pour les pensions complémentaires. Conformément à l'intention de maintenir la population plus longtemps dans la vie active, le taux d'imposition applicable aux pensions complémentaires qui sont prises à soixante ou soixante-et-un ans sera relevé. Il faut, en effet, penser de façon innovante vu qu'il est impensable d'augmenter les cotisations des employeurs ou des travailleurs. Il y a différentes possibilités: l'on pourrait permettre aux travailleurs de cotiser eux-mêmes, sur une base volontaire, pour une pension complémentaire, ou les employeurs et les travailleurs pourraient décider dans le cadre d'un accord interprofessionnel d'affecter la marge restante d'augmentation salariale à une pension complémentaire. On peut également laisser les chefs d'entreprises libres de choisir comment ils souhaitent constituer la pension complémentaire de leurs travailleurs, indépendamment des accords qui ont été faits au niveau du secteur concerné.

Le ministre met l'accent sur l'importance de ce deuxième pilier. Bien qu'il importe de garantir le paiement des pensions légales dans le cadre du premier pilier, il faut permettre au deuxième pilier de se développer de manière à maintenir le ratio de remplacement au niveau le plus élevé possible.

Le deuxième chantier relatif aux pensions consiste à rendre le travail plus attrayant après l'âge légal de la retraite. Bien que l'on puisse actuellement avoir un travail rémunéré sans que cela n'affecte la pension, il faut toutefois que ce revenu complémentaire soit limité. Quiconque dépasse ce montant n'apprend qu'un an plus tard qu'il perd la totalité de sa pension pour l'année en question. Le ministre estime qu'il s'agit d'une injustice et dispose de quelques propositions pour y remédier.

À partir de 2013, les personnes qui compteront au moins quarante-deux années de carrière seront autorisées à travailler après l'âge légal de la retraite sans que cela n'entraîne une réduction de leur pension. Les personnes qui compteront moins d'années de carrière pourront percevoir des revenus complémentaires jusqu'à un certain plafond, revenus auxquels s'ajoutera une pension réduite proportionnellement. La condition de carrière prévue pour le cumul illimité en matière de travail et de pension — plutôt que la condition d'âge de soixante-cinq ans — est nécessaire pour deux raisons. Outre qu'elles prennent leur retraite à un âge plus avancé, les personnes qui ont travaillé plus longtemps ont plus d'années de carrière. Qui plus est: les personnes qui travaillent plus longtemps paient plus longtemps des cotisations de sécurité sociale et des impôts. Si le ministre propose cette condition de carrière, c'est parce qu'il veut empêcher l'apparition d'effets de substitution. La réforme proposée a en effet un coût pour l'État vu que, si les gens savent qu'ils peuvent avoir des revenus complémentaires illimités durant leur retraite, ils prendront cette dernière plus tôt, ce qui entraînera pour la sécurité sociale une dépense supplémentaire immédiate. Pour permettre cette réforme, les budgets nécessaires ont dès lors été prévus pour les années 2013 et 2014.

Une troisième réforme consiste à rendre le prolongement de la carrière gérable. Il s'agit du débat le plus fondamental qui a été mené au cours des dernières semaines à la suite des réformes en matière de pension qui ont déjà été mises en œuvre, et ce tant dans les services d'incendie, dans l'enseignement, chez les pilotes de navire et dans tous les groupes professionnels dont les membres estiment, à tort ou à raison, exercer une profession pénible. Cette discussion est justifiée. On ne peut en effet plus considérer un groupe de manière « statique », c'est-à-dire en partant du principe qu'une personne fait le même travail du premier au dernier jour de sa carrière, mais il faut tendre vers une approche évolutive dans laquelle la teneur d'un travail évolue selon l'âge et l'expérience de l'intéressé. Il est en effet parfaitement compréhensible qu'un pompier ne puisse plus monter sur une échelle tous les jours à l'âge de 56 ans, mais une autre fonction au sein du corps des pompiers lui conviendrait peut-être. Tout cela requiert une autre politique des ressources humaines. C'est là que réside le grand défi.

Des initiatives ont d'ores et déjà été prises à cet égard. Le ministre renvoie, par exemple, au Fonds de l'expérience professionnelle ou aux usines que certaines entreprises ont déjà spécialement construites pour des travailleurs âgés. Il en va en effet de l'intérêt des entreprises concernées de maintenir plus longtemps leur personnel au travail en raison de la grande pénurie qui règne sur le marché du travail et qui, compte tenu du vieillissement de la population, va s'accroître.

Une quatrième réforme, probablement la réforme la plus délicate qui est mise en œuvre, concerne les pensions de survie. Les 600 000 personnes qui perçoivent actuellement une pension de survie conserveront leurs droits. À la lumière de l'objectif général d'activation, il conviendra toutefois de réformer ce régime: pour l'instant, il a pour résultat qu'après le décès de leur partenaire, les personnes veuves sont encouragées à rester dans une situation d'inactivité. Si le maître mot est l'activation de ce groupe, il sera cependant tenu compte de la durée de la carrière et du nombre d'enfants à charge. La législation actuelle est d'ailleurs une réaction à la tendance à l'individualisation des droits sociaux.

En ce qui concerne les pensions de survie, l'accord de gouvernement ne contient qu'un cadre, qui sera concrétisé par le gouvernement, en concertation avec le parlement et les partenaires sociaux. Le ministre se dit ouvert à un débat de fond avec la commission des Affaires sociales du Sénat. L'un des problèmes à examiner est la grande différence entre le régime des travailleurs salariés et celui des fonctionnaires.

Vient ensuite la réforme du bonus de carrière. Dans le cadre du pacte des générations, une composante d'âge et un bonus de pension ont été instaurés pour les personnes qui continuaient à travailler entre soixante-deux ans et soixante-cinq ans. Cet outil d'activation est trop peu connu: seuls 20 % de la population en ont déjà entendu parler. Il permet pourtant d'augmenter la pension d'un montant appréciable: les personnes qui exploitent entièrement les possibilités offertes par le bonus de pension en continuant à travailler entre soixante-deux et soixante-cinq ans peuvent bénéficier d'une augmentation mensuelle de leur pension à concurrence de 150 euros.

Ce bonus aurait dû être supprimé le 1er décembre 2011, si le parlement n'avait pas prorogé la mesure d'un an. Pour le 1er décembre, il faudra dès lors procéder à une évaluation du bonus de pension et une décision sera prise concernant la prorogation, l'adaptation ou la cessation de cette mesure. Elle est d'ailleurs trop peu connue: seulement 25 % des travailleurs qui peuvent y prétendre connaissent le bonus de pension.

Un sixième élément est la suppression de l'unité de carrière. La durée maximum de la carrière étant de quarante-cinq ans, les personnes qui travaillent plus de quarante-cinq ans ne se constituent pas de droits de pension complémentaires. Il n'y a donc pas d'incitant à continuer à travailler plus longtemps. Cela va changer: une personne qui reste professionnellement active après quarante-cinq ans de carrière pourra continuer à se constituer des droits de pension tant qu'elle ne percevra pas de pension. Il s'agit, en soi, d'un véritable bonus de pension.

Le ministre évoque ensuite la problématique de la lutte contre la pauvreté chez les personnes âgées. Les derniers chiffres indiquent que 15 % de la population vit dans la pauvreté. Un enfant sur quatre grandit dans une famille qui est considérée comme pauvre. Ce problème se pose également chez les personnes âgées. En Belgique, 20 % des pensionnés ont un revenu inférieur au seuil de pauvreté. Les pensions moyennes sont plutôt basses dans notre pays, bien qu'il faille nuancer cette affirmation: comme les pensionnés disposent chez nous d'un patrimoine propre supérieur à la moyenne (250 000 euros net par personne après déduction des dettes), ils peuvent plus aisément mener une vie confortable, même avec une petite pension. Ce « quatrième pilier de pension » est très important: un soutien modéré est accordé aux personnes qui veulent acquérir leur propre habitation. Contrairement aux Pays-Bas, où cette déduction est illimitée, la capacité financière des familles est prise en compte en Belgique.

Afin de remédier au problème des petites pensions, le gouvernement libérera un montant permettant d'adapter les pensions les plus basses au bien-être. Concrètement, il s'agit:

— en 2013 de 182 millions d'euros (164 millions dans le régime des travailleurs salariés et 18 millions dans le régime des travailleurs indépendants);

— en 2014 de 364 millions d'euros (325 millions dans le régime des travailleurs salariés et 39 millions dans le régime des travailleurs indépendants);

En outre, un montant annuel de 66 millions d'euros est également prévu pour les allocations d'assistance, c'est-à-dire la garantie de revenus aux personnes âgées (GRAPA), dont l'octroi éventuel est précédé d'une enquête sur les ressources du demandeur. Depuis le 1er septembre 2011, le montant de la GRAPA s'élève à 953,30 euros, ce qui est encore inférieur de 20 euros au seuil de pauvreté.

Le huitième chantier de pension est la réforme des pensions des femmes. Les femmes sont souvent victimes de leurs choix de carrière (abandon temporaire ou définitif du marché de l'emploi, travail à temps partiel). Pour pouvoir bénéficier d'une pension minimum, il existe aujourd'hui un seuil que beaucoup d'entre elles n'atteignent pas, à savoir deux tiers d'une carrière complète. Pour éviter que de nombreuses femmes ne se retrouvent dans une situation de précarité ou de pauvreté, le ministre cherchera des solutions, notamment en concertation avec les organisations féminines et de seniors et avec le Comité consultatif pour le secteur des pensions.

Différentes pistes de réflexion seront explorées. L'instauration d'un système de répartition des droits de pension sur la base duquel une personne pourrait transférer des droits de pension à son partenaire mérite notamment d'être envisagée; les discussions à ce sujet doivent encore démarrer. D'une manière plus générale, tant l'individualisation des droits que la solidarité sont importantes.

La fusion éventuelle du Fonds de vieillissement avec le Fonds d'avenir pour les soins de santé est le neuvième chantier de la réforme des pensions. Le Fonds de vieillissement a été créé en 2001 afin de faire face aux conséquences du vieillissement. Jusqu'en 2006, ce sont surtout des recettes non fiscales de l'État qui ont alimenté ce Fonds, pour un montant total de 14,033 milliards d'euros. Le Fonds d'avenir pour les soins de santé doit permettre de faire face aux dépenses qui, en raison du vieillissement, vont en croissant dans le secteur des soins de santé. Il dispose actuellement d'un montant de 1,262 milliard d'euros. La fusion des deux fonds en question sera examinée avec les collègues au sein du gouvernement.

Un dixième et dernier chantier relatif aux pensions concerne l'informatisation du secteur des pensions. Le gouvernement veut instaurer le système de « l'enveloppe orange », basé sur le modèle suédois, qui prévoit que chaque année, tous les citoyens reçoivent du gouvernement une lettre contenant un aperçu des droits de pension qu'ils ont déjà constitués ainsi qu'une simulation de la pension à laquelle ils peuvent s'attendre afin que les intéressés aient une idée des conséquences de leurs choix de carrière sur la constitution de leur pension. Une opportunité importante se présente de par le fait que, dans les différents régimes légaux de pensions, des banques de données contenant les données de carrière à prendre en considération pour la pension existent ou sont en cours de développement, qu'il faut maintenant intégrer:

— dans le régime des travailleurs salariés: la banque de données Argo, que les intéressés peuvent déjà consulter via l'interface www.mypension.be;

— dans le régime des travailleurs indépendants: la banque de données Eclips (en phase de test);

— dans le régime des fonctionnaires: Capelo (en développement).

Ces trois banques de données seront à l'avenir interconnectées par l'ASBL Sigedis, développeur d'applications informatiques pour la sécurité sociale. Elles doivent ensuite être également reliées à la banque de données des pensions complémentaires, qui est mise à jour sur la base des données communiquées par les organismes de pensions (assureurs de groupes et fonds de pension). Dans une phase ultérieure, on pourra également envisager de développer et d'intégrer dans le système une banque de données pour les pensions du troisième pilier (épargne pension individuelle). Les données relatives à la carrière des trois régimes légaux des pensions et des pensions complémentaires seront finalement intégrées dans une seule banque de données, où les données seront stockées dans un format utilisable pour toutes les branches de la sécurité sociale.

Il y aura ainsi un point de contact unique permettant aux pensionnés et aux futurs pensionnés de s'informer sur leur situation et sur leurs droits. Toutes les personnes actives recevront donc très régulièrement, dès le début de leur carrière, une estimation de leurs futurs droits de pension. Elles seront également informées de l'impact sur leur pension de certaines de leurs décisions relatives à leur carrière et, inversement, elles pourront aussi planifier leur carrière afin d'atteindre un niveau de pension donné. Enfin, le ministre n'exclut pas qu'à l'avenir l'on puisse aussi tenir compte, pour le calcul de la pension, des jours voire des heures prestés et non uniquement des années d'ancienneté.

III. ÉCHANGE DE VUES

A. Questions des membres

M. Siquet félicite le ministre pour sa présentation car il est d'avis que la législation en matière de pensions est la plus compliquée qui existe en Belgique.

Le grand déficit de la caisse des pensions vient du fait que l'État n'a jamais cotisé pour les personnes en situation de chômage ou d'invalidité, alors que les périodes de chômage ou invalidité sont prises en compte dans le calcul de la pension.

Une rente se distingue d'une pension. Une rente se calcule sur base des cotisations, c'est une capitalisation des cotisations. Tous les pays qui ont conçu les pensions sous la forme de rentes sont en difficulté à cause de la crise financière. En Australie, il faut travailler jusqu'à 80 ans pour avoir droit à une rente car les caisses sont vides suite à la crise financière.

Chez nous, la pension est calculée sur base de la carrière. Si l'on fait une distinction entre années assimilées (chômage, invalidité, accidents de travail, maladies professionnelles) et années de travail réelles, cela risque de heurter beaucoup de monde. Les personnes relevant du chômage ou du régime d'invalidité ne l'ont certes pas choisi et vont de cette manière être punies une seconde fois alors que c'était à l'État de prévoir les cotisations pour ces personnes dont il était en quelque sorte responsable.

Selon le sénateur, il n'existe que deux situations dans lesquelles la pension pourrait être individualisée: soit le cas de la pension de survie, soit le cas du conjoint séparé. Dans les autres cas, le droit à la pension est un droit individuel.

Mme Tilmans salue l'efficacité avec laquelle le ministre a pris en mains le problème des pensions.

Quand la mesure relative au travail autorisé dans le secteur public entrera-t-elle en vigueur ?

L'autorisation du travail volontaire après l'âge de la pension constitue une mesure indispensable qui était attendue de longue date. C'est là un pas important qui vient d'être franchi.

En matière d'amélioration de l'information sur les pensions, il y a certainement fort à faire. En Suède, les travailleurs reçoivent annuellement, dès le début de leur carrière, un relevé les informant du montant de la pension auxquelles ils auront droit sur la base des années prestées jusque là. C'est vraiment un incitant au travail. La membre est persuadée qu'il faut travailler dans cette direction chez nous. Enfin, la sénatrice souhaiterait connaître les montants du Fonds de vieillissement et du Fonds pour l'Avenir. La fusion des deux fonds va-t-elle entraîner la fusion des moyens, du personnel, de la localisation ?

M. Pieters remercie le ministre de l'opportunité d'avoir un échange de vues sérieux sur l'avenir des pensions. Cela fait en effet beaucoup trop longtemps qu'un tel débat n'a pas pu avoir lieu. Le ministre évoque aussi plusieurs chantiers en matière de pensions et l'intervenant voudrait émettre quelques commentaires et suggestions d'ordre général à ce sujet. Il y a aussi des chantiers dont le ministre n'a pas parlé.

Le ministre veut qu'un nombre accru de personnes disposent d'une pension complémentaire et souhaite que davantage de moyens soient libérés à cet effet. M. Pieters souligne néanmoins que la marge de manoeuvre financière est très limitée. Il tient également à prévenir que l'utilisation de la législation fiscale dans le but d'inciter les gens à constituer un deuxième pilier de pension semble avoir un effet de redistribution inverse.

En outre, il apparaît qu'en Belgique, les pensions complémentaires sont surtout versées sous forme de capital, contrairement à ce que font d'autres pays, qui optent principalement pour un paiement sous la forme d'une rente. Cela est également la conséquence de la fiscalité appliquée en la matière. Ce phénomène donne toutefois lieu à des situations dangereuses, étant donné que les pensionnés affectent le montant à un objectif utile lorsqu'ils le reçoivent, mais se trouveront, vers leurs quatre-vingts ans, face à des besoins de soins importants. Il faut éventuellement revoir la fiscalité du capital versé, puisque les pensions complémentaires n'atteignent pas leur objectif social.

L'intervenant se demande également si le gouvernement va finalement s'occuper des pensions complémentaires pour le personnel contractuel du secteur public.

Le ministre veut rendre le travail plus attrayant après l'âge légal de la retraite. En soi, M. Pieters n'y voit aucune objection, mais il souligne que les pensions belges sont des pensions de retraite et non des pensions de vieillesse. L'on reçoit la pension parce que l'on arrête de travailler à un âge donné. La mise en œuvre d'un régime dans lequel on peut avoir des revenus complémentaires illimités durant sa retraite est difficilement compatible avec le système actuel, bien que l'intervenant soit favorable à l'idée. M. Pieters plaide dès lors pour une limite d'âge donnée, soixante-cinq ans par exemple, plutôt que pour des critères de carrière minimum, comme le propose le ministre.

Le ministre a suggéré de réduire les cotisations sociales pour les travailleurs âgés. M. Pieters signale toutefois que cette compétence en matière de politique de groupes cibles sera transférée aux Régions. Conformément à l'accord de gouvernement, le ministre sera donc incompétent en la matière et pourra uniquement accorder des réductions de charges structurelles.

M. Pieters signale en outre qu'il est encore possible d'intervenir au niveau des « périodes assimilées », auxquelles quelques limitations ont été imposées à la fin 2011. Il plaide non pas pour leur suppression mais pour un équilibre accru entre leur détermination et leur financement.

Par ailleurs, l'intervenant se demande quelles sont les sanctions possibles en cas de vagues de licenciements, dans le cadre desquelles des travailleurs âgés sont remerciés. Il faut vraiment qu'un revirement culturel ait lieu en ce qui concerne les travailleurs âgés, à cet égard, il suffit d'observer l'âge des collaborateurs parlementaires ou de cabinet, qui est très bas.

Quant à la réforme des pensions de survie, M. Pieters comprend qu'une certaine réflexion soit requise parce qu'il s'agit en l'espèce d'une mesure particulièrement drastique. Par contre, le bonus de pension équivaut en réalité à la non-application d'un malus de pension. On parle d'un bonus uniquement pour des raisons politiques mais, en réalité, il faut cesser de parler de bonus ou de malus lorsque l'on veut faire travailler les travailleurs systématiquement plus longtemps.

M. Pieters estime que la question de l'unité de carrière est très vaste et va au-delà de la seule condition de carrière de 45 ans que le ministre a ébauchée; il faut également tenir compte du passage d'un statut social à l'autre, parmi le régime des travailleurs salariés, celui des fonctionnaires et celui des indépendants. Il s'agit effectivement d'un problème. Pour une série de catégories qui prétendent entrer uniquement en ligne de compte pour des carrières courtes (songeons par exemple aux parlementaires), il serait possible d'améliorer la coordination en compensant les droits qui sont perdus ailleurs. Actuellement, on utilise des tantièmes plus courts ou des années fictives, ce qui ne semble toutefois pas être la solution idéale.

D'après M. Pieters, les propos concernant les petites pensions sont corrects pour ce qui est de la garantie de revenus aux personnes âges (GRAPA) mais pas pour les plus petites pensions des travailleurs salariés et des indépendants. Il est en effet scandaleux que certaines personnes âgées vivent sous le seuil de pauvreté et la GRAPA est l'instrument idéal pour y remédier. La grande différence avec les pensions minimums est qu'il n'y a pas d'enquête sur les ressources et que l'on se base sur les statuts sociaux traditionnels — travailleurs salariés, fonctionnaires et indépendants — pour aboutir à une carrière la plus complète possible et compléter par la suite la pension acquise d'un montant déterminé. La question est de savoir si ce n'est pas contre-productif. En effet, il sera moins intéressant, en particulier pour les indépendants, de déclarer effectivement l'ensemble des revenus sur lesquels les droits de pension sont calculés, étant donné que la pension minimum obtenue de cette manière est relativement proche de la pension calculée sur les revenus effectifs. Si on a l'intention de remédier à la pauvreté dans ces catégories professionnelles, la GRAPA semble être l'instrument approprié.

Quant aux pensions des femmes, il faut effectivement, selon M. Pieters, chercher une solution. Par contre, le fait que l'on parle encore du fonds de vieillissement l'étonne. En effet, il ne s'agit en l'espèce que d'obligations que l'État lui-même a émises mais qu'il devra finalement aussi payer. Il ne s'agit donc nullement d'une tirelire pour les pensions. Il aurait fallu faire ce que le ministre a préconisé au début de son exposé, c'est-à-dire réduire la dette publique. Ce qui pourrait encore avoir réellement de la valeur dans le Fonds de vieillissement devrait au plus vite être affecté à la réduction de la dette de l'État.

L'informatisation du secteur est évidemment une bonne chose et il est également judicieux de pouvoir attirer l'attention des travailleurs sur les conséquences des décisions qu'ils peuvent prendre au cours de leur carrière. Toutefois, il convient aussi de dire à ces travailleurs qu'on ignore en réalité quelle sera leur pension, puisqu'elle dépendra de la réalité économique et des revenus de la population active lorsqu'ils partiront à la retraite. En Belgique, on dispose uniquement d'indications. La comparaison avec la Suède n'est pas tout à fait pertinente, parce les gens y savent ce qu'ils obtiendront en termes de pension nationale et à quel montant s'élève le capital des cotisations qu'ils ont versées.

Enfin, M. Pieters attire l'attention sur plusieurs domaines en matière de pensions qui n'ont pas été mentionnés dans l'exposé du ministre. Il faut ainsi réexaminer la problématique des pensions des fonctionnaires dans sa totalité. Pourquoi le ministre ne dit-il rien sur la péréquation ? Il faudrait revoir ce système car il pénalise surtout les fonctionnaires actuels: ceux-ci n'obtiennent pas d'augmentation salariale, en raison de l'effet que cela aurait directement sur les pensions de ceux qui sont déjà pensionnés aujourd'hui. L'intervenant plaide en faveur d'un système permettant de combiner la pension légale et une pension complémentaire. Certains travailleurs du secteur privé, qui bénéficient d'une pension légale et d'une pension complémentaire, s'en sortent d'ailleurs mieux que leurs collègues du secteur public qui ont le même niveau de revenus.

Ensuite, M. Pieters demande une meilleure équivalence. Il n'est pas normal que les bénéficiaires de revenus moyens voient, eux aussi, disparaître toute cotisation de pension supplémentaire dans la masse du financement global des pensions, et que le taux de remplacement ne dépasse parfois pas les 30 % pour le décile le plus élevé alors qu'il devrait atteindre 60 à 70 %.

Enfin, il est nécessaire de réexaminer la fiscalité et la parafiscalité en matière de pensions. Est-il normal que le travail soit taxé si fortement par rapport à ce qui le remplace à un âge plus élevé, c'est-à-dire une pension légale et éventuellement une pension complémentaire ?

Mme Douifi estime que le ministre a présenté les défis de manière objective. Personnellement, elle souhaite surtout mettre l'accent sur la problématique des soins de santé. En raison du vieillissement de la population et des meilleures conditions de vie, nous vivons tous plus longtemps que les générations qui nous ont précédés. Il est donc logique que nous travaillions tous plus longtemps. Cela nécessite cependant un meilleur encadrement et de bonnes conditions de travail pour les travailleurs âgés qui souffrent de plus en plus souvent de troubles physiques et de problèmes de santé, tels que des maux de dos, une fatigue précoce ou une incapacité à adopter certaines postures. Tous ces problèmes peuvent être abordés de manière scientifique, et les entreprises peuvent donc prévoir l'encadrement nécessaire. Elles doivent donc faire preuve d'une plus grande flexibilité, en particulier pour les métiers éprouvants, et faire en sorte de pouvoir proposer un emploi alternatif. Dans quelle mesure le ministre des Pensions s'est-il concerté à ce sujet avec la ministre de l'Emploi ? Quels sont les résultats de cette concertation ? Existe-t-il un plan pour élaborer des carrières et les adapter à l'âge des travailleurs concernés ? Un calendrier est-il prévu pour la mise en œuvre de ce plan ? Le ministre a-t-il l'intention d'aborder également les aspects liés à la santé dans le cadre de la concertation qui aura lieu avec les employeurs ?

Naturellement, tout ceci ne relève pas uniquement de la responsabilité du ministre des Pensions, mais il faut d'urgence veiller à ce que les travailleurs âgés soient maintenus au travail et ne soient pas les premières victimes des restructurations et des vagues de licenciements, comme c'est le cas aujourd'hui. Les partenaires sociaux devront prendre leurs responsabilités à cet égard.

Un problème plus spécifique concerne la déclaration et le traitement fiscal des pensions allemandes qui sont octroyées à certains travailleurs belges, notamment, mais pas uniquement, les travailleurs forcés durant la Seconde Guerre mondiale. Les autorités allemandes veulent agir dans ce domaine avec effet rétroactif. La charge de la preuve constitue l'une des grandes difficultés, et la confusion règne actuellement chez les intéressés. Quelles sont les pistes envisagées par le ministre pour faire la clarté et résoudre le problème sur le fond ? Quelles sont les directives données à l'administration fiscale ?

Ensuite, Mme Douifi souhaite avoir des précisions sur les mesures transitoires qui sont prévues pour ceux qui sont proches de la retraite et qui sont maintenant confrontés à la réforme des pensions, par exemple dans l'enseignement.

Enfin, l'intervenante souligne l'importance d'une bonne communication et d'une bonne information au moyen d'une campagne publique, de sites internet et de brochures.

Selon M. Daems, le dossier des pensions est très sensible: il concerne en effet 20 à 25 % de la population, et cette proportion va encore augmenter. Cependant, le fait qu'une personne reçoive une pension ne signifie pas toujours qu'elle reste passive. L'ensemble du débat sur les pensions ne peut être dissocié de la question de savoir comment maintenir en activité la plus grande partie possible de la société, sans qu'il s'agisse nécessairement d'une activité rémunérée. À l'heure actuelle, les actifs d'aujourd'hui sont solidaires avec les passifs d'aujourd'hui. Or, l'intervenant est partisan d'un système dans lequel les actifs d'aujourd'hui épargnent pour leur propre avenir, lorsqu'ils ne seront plus actifs. Le ministre a donc hérité d'un domaine politique passionnant et a directement eu le courage de procéder réellement à plusieurs réformes.

Le dossier des pensions est sensible également parce qu'il est lié au thème de la dépendance: en ce qui concerne son revenu, un pensionné n'a plus le droit à l'autodétermination, mais dépend totalement de l'État. C'est la raison pour laquelle l'intervenant défend, comme le ministre, la possibilité pour le bénéficiaire d'une pension de rester actif sur le marché du travail. C'est un élément essentiel pour assurer la viabilité de la sécurité sociale et pour éviter que les pensionnés de demain doivent s'en sortir avec une pension beaucoup moins élevée. Contrairement à l'intervenant précédent, M. Daems juge en effet qu'il est important de pouvoir informer à l'avance les futurs pensionnés sur le montant de pension auquel ils auront droit.

L'intervenant ne comprend toujours pas comment il se peut aujourd'hui qu'une personne ayant cotisé dans un certain système puisse recevoir une pension moins élevée qu'une personne qui n'a pas cotisé, même si cette dernière ne se trouvait peut-être pas dans les conditions pour pouvoir cotiser. C'est un véritable scandale qui dure déjà depuis des dizaines d'années. Cela devrait donc changer, sans que cela n'implique nécessairement que l'on réduise le montant octroyé aux personnes qui bénéficient déjà d'une pension aujourd'hui. Il faudrait au moins que les droits minimaux soient harmonisés, et qu'une personne qui a cotisé reçoive une pension plus élevée — ne serait-ce que d'un euro symbolique — qu'une personne qui n'a pas cotisé.

À court terme, la pension minimale des indépendants devrait être portée au niveau de la pension minimale pour les travailleurs salariés. Certes, un long chemin a été parcouru depuis 2001, mais il reste encore quelques progrès à accomplir, et il faudrait encore pouvoir libérer les moyens budgétaires nécessaires à cet effet au cours de la présente législature. L'intervenant déplore que cette question n'ait pas été abordée dès les premières réflexions sur la réforme des pensions. En fin de compte, il s'agit de traiter équitablement plus de 800 000 personnes actives.

M. Daems estime qu'il faut aussi revoir le traitement fiscal de la pension et du revenu complémentaire que l'on perçoit en tant que pensionné. L'un des grands problèmes dans notre fiscalité réside dans le fait que l'on reste bloqué dans la logique selon laquelle la déduction fiscale doit être traitée au taux marginal. L'intervenant est opposé à ce principe parce qu'il ne comprend pas pourquoi il faut réduire la motivation des personnes à mettre de l'argent de côté. Celui qui peut travailler en bénéficiant de la déduction fiscale marginale s'il cotise, voit son avantage fondre à mesure qu'il cotise. En réalité, il faudrait adopter le raisonnement inverse: celui qui augmente sa quotité exemptée d'impôt et rogne ses barèmes fiscaux, est motivé à en faire davantage. La déduction fiscale deviendrait ainsi également plus juste et égale pour tous.

Le sénateur souligne que la possibilité de bénéficier d'une pension tout en restant actif sur le marché du travail est essentielle pour le financement du système. Cela vaut non seulement pour la pension de retraite, mais également pour les pensions de survie, qui constituent actuellement un piège à l'emploi. Il faut donner aux gens la possibilité d'augmenter leurs revenus en fonction de leurs besoins en la matière. En effet, à l'heure actuelle, les revenus augmentent au fil de la carrière alors que les besoins diminuent généralement. Cela pose par ailleurs également problème car les charges salariales des travailleurs âgés sont très élevées alors que la rentabilité de ces travailleurs diminue bien souvent, si bien qu'ils coûtent au final à l'employeur davantage qu'ils ne lui rapportent. On devrait pouvoir remédier à cette situation, non pas en octroyant aux travailleurs concernés un salaire plus bas, mais en diminuant les charges sociales pour cette catégorie de travailleurs afin que les coûts restent gérables pour les employeurs. Cet élément doit être examiné en concertation avec la ministre de l'Emploi, mais M. Daems déplore que la note de politique générale soit si laconique à ce sujet. En effet, on ne peut pas garder les gens plus longtemps sur le marché du travail en se contentant de relever l'âge de la pension.

Outre le quatrième pilier de pension (soit l'acquisition d'un logement personnel), il existe, selon M. Daems, encore un cinquième pilier, à savoir le passage de la vie professionnelle active à une vie où l'on cesse d'être actif. Il est vrai qu'il s'agit en l'espèce d'une compétence qui relève en partie des entités fédérées, mais il devrait également être tenu compte, dans la constitution de la pension, de la période durant laquelle le pensionné est effectivement tributaire de soins. Alors que le coût des pensions se fera sentir ces prochaines années, il faudra faire face à celui des soins de santé d'ici une quinzaine d'années. Il s'agit, pour les pouvoirs publics, d'un poste de coûts plus précaire que le simple paiement des pensions. En effet, alors que l'on peut encore garder actives des personnes admises à la retraite, il n'en va pas de même pour les personnes tributaires de soins.

L'objectif du Fonds de vieillissement était en fait d'éviter l'affectation immédiate de deniers publics. On a investi des recettes dans des effets publics afin d'éviter qu'elles soient à nouveau dépensées. Si le Fonds de vieillissement était effectivement utilisé, cela équivaudrait à une augmentation de la dette publique. En effet, les montants en question ont été déduits de la dette publique. Cela ne change rien au fait que le concept est toujours défendable puisque ces moyens financiers auraient sinon à nouveau été affectés à d'autres choses, peut-être moins pertinentes. Par ailleurs, M. Daems estime que la politique de la dette publique doit être menée aux différents niveaux de pouvoir. Le Sénat pourrait éventuellement être le forum idéal pour ce faire.

En conclusion, il est important pour M. Daems que l'on soutienne la politique en matière de pensions et de réformes des régimes de pension. La réforme qui a été mise en œuvre fin 2011 l'a peut-être été de manière un peu brutale, mais c'était peut-être la seule manière de le faire. Pour l'intervenant, le ministre des Pensions peut poursuivre sur cette voie.

M. Van Rompuy souhaite surtout aborder la problématique des pensions dans une perspective européenne. Le Conseil européen a récemment épinglé deux faiblesses de notre pays en matière de compétitivité, à savoir les charges salariales qui sont trop élevées et l'âge effectif de la pension qui est trop bas. Ces deux éléments sont étroitement liés, car si l'on ne parvient pas, dans le cadre du vieillissement, à garder la réserve de main-d'œuvre à niveau, cela provoquera automatiquement une pression à la hausse sur les charges salariales. Si l'on veut éviter cette hausse des charges salariales, il faut donc que le taux d'activité dans notre pays s'accroisse. L'intervenant s'inscrit dès lors totalement en porte-à-faux avec ceux qui ne veulent prendre aucune mesure en matière d'activation de la population et qui n'entendent pas davantage lutter contre les charges salariales trop élevées. Cela n'est pas tenable ni logique d'un point de vue économique.

La question qui se pose est de savoir comment réaliser l'objectif européen fixé en matière de taux d'activité. Le gouvernement s'est-il assigné un objectif défini pour cette législature ? Il est vrai que quelques réformes importantes sont prévues dans l'accord de gouvernement, mais elles doivent également pouvoir être réalisées. Des négociations sont en cours sur les arrêtés d'exécution des lois qui ont déjà été adoptées. L'intervenant espère que cette législation ne sera pas vidée de son sens et que les modalités de mise en œuvre respecteront également les principes convenus dans l'accord de gouvernement. Le gouvernement doit tenir le cap qu'il s'est fixé.

M. Van Rompuy se réfère à une étude qui a été réalisée sur les effets de la déduction professionnelle (« jobkorting ») qui a été introduite il y a quelques années par le gouvernement flamand et qui a été supprimée entre-temps. Selon cette étude, l'effet principal de la mesure a été que de nombreux travailleurs sont passés à un régime de travail à temps partiel. Contrairement à l'effet escompté, l'avantage fiscal n'a donc pas été converti en un accroissement de l'emploi. En ces temps budgétaires difficiles, il faut oser se demander quel est le moyen le plus efficace pour garder les gens au travail.

Si l'intervenant approuve l'idée du ministre d'instaurer une conférence sur les pensions, il estime néanmoins que cette conférence ne peut pas se pencher uniquement sur les réformes qui seront nécessaires après 2014, mais qu'elle doit également examiner les réformes qu'il convient de réaliser dès à présent. Le ministre a assuré une mise en œuvre rapide conformément à ce qui était prévu dans l'accord de gouvernement, et il faut maintenant veiller à poursuivre sans délai les efforts fournis jusqu'à présent.

M. Claes soutient le ministre dans son approche tout en reconnaissant que la réforme des pensions n'est pas une mince affaire. Il s'agit en effet d'un thème très sensible. Les réactions divergent généralement selon que l'on a plus ou moins de cinquante ans. Les moins de cinquante ans, en particulier, réagissent de manière modérée, sans doute parce que la pension n'est pas encore pour eux un sujet de préoccupation vraiment concret. Pour cette catégorie de personnes, la réforme aurait même pu aller plus loin que les mesures qui ont été prises. En effet, ces personnes peuvent encore prendre des décisions concernant un éventuel tournant dans leur carrière et elles partent du principe que leur propre espérance de vie est encore plus longue que celle des personnes âgées actuelles.

Une série de mesures transitoires ont été adoptées pour les plus de cinquante ans. Suivant les réactions suscitées, différentes modifications ont été apportées aux mesures transitoires prévues initialement. Où en sont les discussions à ce sujet ? Dans quel sens vont-elles ?

L'intervenant ne voit en soi aucun inconvénient à ce que l'on remédie à quelques anomalies présentes dans les mesures transitoires adoptées initialement, mais il s'interroge sur le coût que cela aura. Il s'agit souvent de régimes de pension spécifiques. M. Claes cite l'exemple des mineurs, des pilotes et des journalistes professionnels. Quelles sont les mesures transitoires adoptées concrètement pour ces catégories ? Les mesures transitoires ont-elles été adaptées pour les catégories reprises dans les régimes dits « Canada Dry" ? Qu'en est-il de la prise en considération des derniers mois de travail précédant la pension ? Quel en est le coût ? La suppression de l'unité de carrière est une mesure en soi, mais la question du coût se pose également en l'occurrence.

M. Claes évoque la discrimination qui existe entre les personnes qui prennent leur pension la même année, selon qu'elles sont nées en décembre ou les mois précédents. Alors que la réforme initiale laissait subsister cette discrimination, il semblerait que le gouvernement ait à présent l'intention d'y remédier. Un autre point positif réside dans le fait que toute personne ayant à l'heure actuelle la possibilité de prendre sa retraite de manière anticipée conserve cette possibilité.

Mme Morreale s'inquiète du constat de la Cour des Comptes selon lequel la charge des pensions du secteur public, toutes entités confondues, a augmenté de 24,7 % entre 2006 et 2010, avec une hausse du nombre de bénéficiaires, supérieur à 350 000 personnes. C'est dire si le défi est important et s'il faut y faire face sur base de toutes les réflexions déjà menées sous la précédente législature et qui se poursuivent aujourd'hui.

La membre interroge le ministre sur le huitième chantier. Elle doute de la possibilité de choix de carrière qui s'offre aux femmes lorsqu'elles optent pour un temps partiel. La liberté est souvent limitée notamment par le milieu culturel qui est toujours le nôtre. Le travail à temps partiel en Belgique concerne une personne sur quatre. Les femmes connaissent davantage l'interruption de carrière et sont plus nombreuses dans les contrats temporaires (12 % de femmes contre 8,1 % d'hommes). Les femmes sont surreprésentées dans les secteurs les moins bien payés comme le nettoyage ou l'horeca et elles ont plus difficilement accès aux promotions. 40 % des femmes pensionnées vivent seules, contre 17 % des hommes.

Ces évolutions engendrent une détérioration du socle des pensions et menacent principalement la protection sociale des femmes. Les pensions dont bénéficient les femmes sont généralement nettement inférieures à celles des hommes. En 2010, la pension moyenne des travailleuses s'élevait à 629 euros par mois contre 1287 euros pour les hommes. Le risque de pauvreté est déjà une réalité pour un grand nombre de femmes isolées de plus de 65 ans. Sur 131 841 femmes, 26 % vivent en dessous du seuil de pauvreté. Ceci souligne à quel point la question des périodes assimilées les concerne.

Le grand changement apporté par la nouvelle loi sur les pensions tient à ce que certaines périodes ne compteront plus sur la base du dernier salaire mais sur la base du salaire minimum garanti par année de carrière, soit quelque 21 327 euros par an. Ce système sera en outre assorti d'une condition: la pension finale ne pourra pas dépasser 13 747 euros par an pour un isolé et un peu plus de 17 072 euros pour un ménage. Si ces conditions de plafond subsistent, les travailleurs dont le salaire est suffisant pour pouvoir prétendre à une pension supérieure à ce plafond perdront le bénéfice de l'assimilation. Ils percevront une pension incomplète et surtout inférieure à celle qui était envisageable avec l'ancien système d'assimilation.

Ce raisonnement inquiétait fortement les organisations syndicales. Est-il toujours d'application ? Quel est l'état de la question après la concertation qui a eu lieu ?

S'agissant des prépensions de travailleurs de moins de soixante ans, par exemple les travailleurs en équipe de nuit, ceux qui bénéficient de la prépension ordinaire à cinquante-huit ans, la prépension prévue dans les annciennes CCT métal, textile et transports régionaux, le ministre peut-il préciser ceux qui conserveront l'assimilation ? S'agira-t-il uniquement des prépensionnés d'entreprises en difficulté ?

Mme Winckel aborde trois thématiques.

La première concerne la réforme des pensions de survie. Pour pouvoir bénéficier d'une pension de survie, seules sont exigées, au moment du décès, des conditions de cessation ou de limitation des activités professionnelles ou encore de non cumul avec d'autres allocations sociales. C'est sur cette réalité précise qu'il faut s'interroger. Le choix de la pension de survie peut dans le chef d'une personne en âge de travailler constituer un redoutable piège à l'emploi.

Dans la note de politique générale, le ministre parle d'un assouplissement des règles de cumul entre pension de survie et revenu professionnel afin de lutter contre les pièges à l'emploi. La membre aimerait obtenir des précisions et savoir quand les premières mesures seront adoptées.

La deuxième thématique a trait à la transparence du système pour les travailleurs et donc pour les futurs pensionnés. Le ministre a-t-il un timing précis pour la mise en place du système d'information qui permettra aux travailleurs de savoir à tout moment à quel montant de pension ils auront droit ?

Enfin, la concertation avec les partenaires sociaux s'articule autour de deux axes. En ce qui concerne le secteur public, la membre a entendu dire que le ministre aurait prévu de prolonger la concertation sociale jusqu'à la fin du mois de mai. Quant aux pensions dans le secteur privé, les informations sont très disparates. Le ministre peut-il fournir une synthèse des assouplissements retenus pour le secteur privé, notamment sur la réforme des prépensions ?

B. Réponses du ministre

M. Vincent Van Quickenborne, vice-premier ministre et ministre des Pensions, pense que la question de savoir s'il vaut mieux verser une pension complémentaire sous la forme d'un capital ou d'une rente est très connotée idéologiquement. Le régime fiscal d'une pension complémentaire versée en capital est toutefois modifié: celui qui choisit de percevoir le capital à ses soixante ans sera désormais taxé à 20 % au lieu de 16 %. L'incitation fiscale à la prise de la pension complémentaire sous la forme d'une rente s'oppose à l'argument de la liberté de choix de l'intéressé. Le fait qu'au moins 80 % des pensions complémentaires en Belgique soient prises sous la forme d'un capital est peut-être lié à la culture de notre pays. Cette forme de versement comporte effectivement le risque que le capital ait été dilapidé au moment où les dépenses de soins de santé deviennent très élevées, mais le ministre estime que ce n'est pas un argument pour taxer davantage le capital.

Le ministre reconnaît que la pension complémentaire dans le secteur public constitue une priorité absolue. Les employeurs du secteur public doivent prévoir les moyens nécessaires à cet effet. En effet, les contractuels sont assis entre deux chaises: ils n'ont pas l'avantage de la nomination et ils ne bénéficient pas de la pension publique plus élevée qui est liée à cette nomination.

M. Van Quickenborne reconnaît que l'on remet quelque peu en cause la nature même de la pension de retraite en autorisant les pensionnés à exercer une activité professionnelle. Il juge toutefois que cette mesure est nécessaire. En revanche, on irait peut-être trop loin en transformant la pension de retraite en pension de vieillesse.

En ce qui concerne la réduction de charges pour les travailleurs âgés, le ministre indique que la compétence en la matière sera transférée aux Régions en 2014, ce qui n'empêche pas de prendre encore entre-temps, en concertation avec les entités fédérées, des mesures telles que le groupement d'une série de déductions professionnelles pour les travailleurs âgés.

Au sujet des périodes assimilées, il est nécessaire de trouver un nouvel équilibre. Plusieurs avancées ont déjà été réalisées, telles que l'exclusion de la période de chômage de longue durée. Cette mesure a corrigé l'anomalie en vertu de laquelle des personnes qui n'avaient pas été actives professionnellement pendant une longue période avaient finalement droit à une pension plus élevée que des personnes qui avaient travaillé toute leur vie comme indépendant. En ce qui concerne la prépension en particulier, on a ajouté une liste de groupes spécifiques, comme les métiers pénibles par exemple.

Le ministre indique que le régime belge des pensions prévoit aussi un « malus de pension » pour les personnes qui partent à la retraite anticipativement. Pour une personne qui arrête de travailler après 40 ans de carrière, par exemple, la pension est réduite de 5/45. Le malus a un effet encore plus marqué pour les indépendants, mais il est supprimé à partir de soixante-trois ans. À titre personnel, M. Van Quickenborne plaide en faveur d'un système qui prévoit à la fois un bonus et un malus de pension. Pareil système incite réellement les personnes à travailler plus longtemps et sanctionne financièrement la retraite anticipée. Il est vrai cependant que le malus de pension qui existait jusque dans les années '90 a été supprimé à la suite de l'augmentation de l'âge de la pension pour les femmes.

Dans son exposé introductif, le ministre a seulement parlé de l'unité de carrière « interne », et pas de l'unité de carrière « externe », qui concerne des personnes qui ont mené une carrière à la fois dans le secteur public et dans le secteur privé ou comme indépendant. Il y a lieu d'adapter le mode de calcul de la pension pour les personnes qui se trouvent dans cette situation.

Sur le principe, M. Van Quickenborne admet que la lutte contre la pauvreté chez les personnes âgées doit passer en premier lieu par la garantie de revenus aux personnes âgées, car un examen des moyens d'existence est réalisé dans le cadre de ce système. Néanmoins, il ne faut pas sous-estimer les efforts fournis pour augmenter la pension minimale des indépendants. Une opération de rattrapage est menée à cet égard depuis le début des années 2000. Par ailleurs, des efforts doivent aussi être fournis pour augmenter les pensions minimales pour les travailleurs salariés, et en particulier pour les femmes.

En ce qui concerne les conséquences des décisions en matière de carrière et le calcul de leurs effets sur la future pension, le ministre estime que l'on ne peut pas se contenter de présenter une estimation aux intéressés. Il faut pouvoir leur garantir une certaine sécurité, même s'il faudra encore discuter longuement de la manière dont tout le système devra être financé. Les déclarations de l'ancien ministre des Pensions, selon lesquelles l'État ne pourrait pas garantir les pensions après 2015, nuisent à la crédibilité du système et à la confiance de la population dans notre système de pensions. Dans ces conditions, la population n'est plus disposée à encore cotiser à la sécurité sociale.

Le ministre souligne l'importance de la récente réforme des pensions publiques. Il ne faut pas oublier que certains tantièmes datent de 1844 et que la dernière grande réforme a été réalisée il y a près d'un demi-siècle. Chez les fonctionnaires, le relèvement de la condition de carrière de 5 à 40 ans est une véritable révolution. Toutefois, d'autres mesures s'imposent. La révision du système de péréquation n'est pas prévue dans l'accord de gouvernement, mais le ministre pense personnellement qu'elle est inévitable.

En raison du plafonnement, le taux de remplacement des pensions légales belges est plutôt faible, surtout pour la classe moyenne et les gros salaires. En revanche, il n'y a pas de plafond pour la pension complémentaire, et en combinaison avec la déduction fiscale, on peut plutôt parler d'une solidarité inversée. Par conséquent, le premier pilier et le deuxième pilier de pension doivent s'équilibrer mutuellement. Ceux qui ne peuvent bénéficier que du premier pilier sont les dupes du système. C'est la raison pour laquelle d'aucuns demandent que l'on supprime le plafonnement dans le premier pilier et que l'on prévoie une plus grande solidarité dans le deuxième pilier. Le ministre est prêt à étudier cette piste, à condition qu'elle réunisse les deux éléments. En effet, nous avons aussi affaire à deux modes de financement différents (par répartition et par capitalisation) et à deux traitements fiscaux différents.

Le débat sur les pensions soulève une question qui a trop souvent été sous-estimée: comment permettre l'allongement des carrières d'un point de vue pratique ? Par ailleurs, il ne faut pas non plus adopter une attitude fataliste et partir du principe que l'on n'est plus capable de travailler après cinquante-huit ans. Dans les services d'incendie, par exemple, il existe bel et bien des métiers moins éprouvants, mais personne ne veut les accepter car ils sont moins intéressants financièrement. Néanmoins, des études montrent que l'on parvient à maintenir les personnes plus longtemps au travail lorsque les salaires restent au même niveau au cours des dernières années. En revanche, c'est plus difficile lorsque les salaires ne cessent d'augmenter. Les travailleurs âgés s'excluent ainsi du marché à cause de leur coût, mais ils acceptent difficilement la possibilité d'avoir un revenu moins élevé à un âge plus avancé. Cela pose la question de la solidarité entre les générations. Lorsqu'ils ont atteint un certain âge, la plupart des travailleurs ont sans doute déjà fait face aux plus grandes dépenses de leur vie (construction d'une habitation, éducation des enfants, etc.). Il faut absolument mener ce débat.

En ce qui concerne la taxation des pensions acquises sur le travail effectué en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, M. Van Quickenborne rappelle que la législation allemande a été assouplie sur certains points à la fin de l'année dernière. Néanmoins, la notion de « travail forcé » est encore et toujours interprétée de manière très restrictive par l'Allemagne. L'accord prévoit que l'État belge dressera une liste de toutes les personnes qui peuvent être identifiées comme travailleurs forcés et qu'il transmettra cette liste à l'État allemand, à la suite de quoi les personnes visées ne seront plus taxées.

Comme d'autres intervenants, le ministre déplore que l'on agisse trop souvent en situation de crise et que l'on manque d'une vision à long terme. C'est le cas aussi, par exemple, pour la « mise à disposition » dans l'enseignement flamand, qui n'a été réformée qu'après l'adaptation de la réglementation fédérale relative aux pensions. Mieux vaut pourtant prévenir que guérir.

Actuellement, on analyse le nombre de personnes ayant droit à une pension de survie qui recommencent à travailler et renoncent à leur droit à une pension de survie. Cette étude est nécessaire pour savoir combien de personnes redemanderaient éventuellement une pension de survie s'il était possible à la fois de travailler sans restriction et de conserver son droit à la pension de survie. Cette possibilité entraînerait, en effet, un coût considérable pour l'État. Pour 2013 par exemple, un budget de 40 millions d'euros a été prévu pour les personnes qui cumuleraient la pension de retraite avec un revenu du travail, dès lors que cette possibilité est prévue. Il faut aussi déterminer ce que la possibilité illimitée de cumuler un revenu du travail et une pension de survie coûterait à l'État. Des indices montrent que ce coût ne serait pas très élevé, auquel cas le cumul sera autorisé sans trop de problèmes.

À propos des mesures transitoires dans l'enseignement, M. Van Quickenborne renvoie aux décisions qui ont été prises avec les ministres communautaires de l'Enseignement. Ces mesures transitoires visent à empêcher que la perspective de la pension soit subitement repoussée de deux ans pour les enseignants. Les ministres communautaires ont formulé d'autres demandes supplémentaires qui ont été refusées, comme la demande de reporter l'entrée en vigueur. Indépendamment de la problématique de l'enseignement, le ministre rappelle que la condition de carrière a été portée de cinq à quarante ans pour l'ensemble du personnel public, mais que la période transitoire prévue à cet égard est plus étendue que dans le secteur privé, où la condition de carrière n'a été portée que de trente-cinq à quarante ans. Il en résulte qu'un grand nombre d'enseignants pourront encore partir à la retraite anticipée à soixante ans.

Le ministre déclare qu'il veut poursuivre sur sa lancée et mener encore plusieurs réformes, conformément à l'accord de gouvernement. Il indique par ailleurs que les personnes réagissent différemment selon qu'elles sont âgées de plus ou de moins de cinquante ans, mais aussi selon qu'elles sont déjà pensionnées aujourd'hui ou non. En effet, la majorité des pensionnés sont soulagés par les mesures adoptées, mais il a quand même fallu prendre un grand nombre de mesures transitoires pour le groupe des plus de cinquante ans. En conséquence du relèvement de l'âge de la pension de soixante à soixante-deux ans et des conditions de carrière à quarante ans, beaucoup d'entre eux risquaient en effet de devoir subitement travailler quelques années de plus que ce qu'ils avaient prévu. Des mesures transitoires très spécifiques ont été prises en faveur de certains groupes très spécifiques. C'est le cas notamment d'une mesure pour les mineurs de surface, qui ne concerne que douze personnes. Le syndicat des mineurs a maintenant lancé un appel aux intéressés pour qu'ils se signalent. Des négociations sont menées actuellement avec les pilotes au sujet de la réforme de leur régime de pension spécifique, lequel prévoit aujourd'hui une condition de carrière de trente ans seulement.

En ce qui concerne les observations formulées par la Cour des comptes sur les pensions du secteur public, le ministre insiste sur le fait que les chiffres cités ne tiennent pas compte des réformes déjà été opérées.

Enfin, M. Van Quickenborne déclare que les négociations sur la mise en œuvre concrète de la réforme des pensions déjà réalisée sont pratiquement terminées, et que les arrêtés royaux seront soumis prochainement au comité de gestion de l'Office des pensions, en ce qui concerne le secteur privé, et au Comité commun à l'ensemble des service publics, pour ce qui est du secteur public. Il se dit confiant quant à la possibilité de conclure un accord global avec les partenaires sociaux. Ensuite, tous les arrêtés d'exécution seront confirmés par une loi au printemps 2012, comme prévu. Naturellement, la population sera informée en toute transparence par divers canaux d'information, parmi lesquels les « numéros verts », où l'on répondra aux questions concernant les trois régimes de pension du point de vue du bénéficiaire.

La rapporteuse, La présidente,
Cécile THIBAUT. Elke SLEURS.