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25 NOVEMBRE 2011
La refonte de la SNCB unitaire en un Groupe SNCB le 1er janvier 2005, en exécution des directives européennes (2001/12/CE, 2001/13/CE et 2001/14/CE) du premier paquet ferroviaire, était dans un premier temps une répartition comptable d'actifs et de passifs entre les trois entités, la SNCB Holding, la SNCB et Infrabel. Par contre, dès le départ, la portée des compétences ainsi que la nécessaire collaboration sur le plan opérationnel au profit des voyageurs étaient beaucoup moins clairement délimitées et réfléchies.
Conformément à la séparation imposée par l'Europe entre la gestion de l'infrastructure et l'exploitation en vue du développement d'un espace ferroviaire européen commun, toutes les installations fixes relatives à l'infrastructure ferroviaire (les voies, la signalisation, les cabines de signalisation, les stations d'alimentation, ...) et les « fonctions essentielles » (attribution des sillons, tarification, ...) ont logiquement été confiées à Infrabel. Le matériel roulant, les ateliers et la politique de transport ont été confiés à la SNCB.
Lors de la création du Groupe SNCB, cette logique européenne n'a cependant pas été appliquée à tous les « assets » au sein de la structure de holding. En plus de la gestion des participations dans le capital de la SNCB et d'Infrabel, la SNCB Holding a aussi été chargée de l'acquisition, de la construction, de l'entretien et de la gestion des gares et de leurs dépendances, des activités de gardiennage sur le domaine des chemins de fer et de la mise à disposition de personnel pour les deux autres entités du Groupe, comme garant de l'unité du statut et du dialogue social. En outre, le Holding s'est également vu confier la gestion du réseau IT, y compris les contrats y afférents tant en ce qui concerne le matériel que les logiciels utilisés.
Les possibilités qu'ont Infrabel et la SNCB d'orienter la politique d'investissement de la SNCB Holding sont très limitées tant en ce qui concerne la rénovation, l'équipement et l'accueil dans les gares qu'en ce qui concerne l'aménagement et l'exploitation de parkings pour voitures et de parkings pour vélos. Ce sont pourtant là des investissements qui sont déterminants pour assurer le confort de voyage et le service aux clients, dont Infrabel et la SNCB doivent directement se justifier auprès de leurs clients.
Au niveau du personnel également, la SNCB et Infrabel ont des besoins spécifiques, souvent divergents, en termes de recrutements, de formation et de développement de carrière, alors que la Holding en sa qualité d'employeur unique de l'ensemble du personnel du Groupe SNCB veille, en vertu du contrat de gestion, à l'uniformité des règles de gestion du personnel dans les trois sociétés du Groupe SNCB.
La SNCB Holding s'est engagée à fournir à Infrabel et à la SNCB des services et des prestations de qualité qui sont définis dans les Service Level Agreements (SLA), en vue de coordonner et de soutenir les activités des trois sociétés et de s'assurer de la convergence des stratégies suivies au sein du Groupe.
L'expérience montre toutefois que la scission actuelle dans le cadre de laquelle la SNCB Holding fonctionne de facto comme une troisième entité opérationnelle au sein du Groupe SNCB, apporte une faible valeur ajoutée et est surtout une source de grande confusion et de nombreux problèmes de coordination, dont le voyageur est en fin de compte la victime.
Le rapport du 17 mars 2008 intitulé « Évaluation de la collaboration entre SNCB-Holding, SNCB et Infrabel », rédigé par Roland Berger à la demande de la ministre des Entreprises publiques, a permis de clairement cerner les problèmes qui se posaient aux niveaux opérationnel, des ressources humaines et de la gouvernance d'entreprise.
Les problèmes opérationnels identifiés en matière notamment d'ICT, de communication, de gestion des gares, de facility management et de gestion immobilière sont, selon le rapport, surtout dus à un manque de performance des services fournis par la Holding. L'absence de Service Level Agreements (SLA) appropriés et d'une claire répartition des tâches en est la cause.
En ce qui concerne la politique ICT, la Holding et les autres entités doivent se partager plus clairement les tâches et les responsabilités, étant entendu qu'il appartient à chaque entité de définir sa propre gouvernance IT.
En ce qui concerne la communication, il demeure nécessaire d'améliorer la coordination entre Infrabel et la SNCB de l'information des voyageurs par les différents canaux à disposition. Les possibilités supplémentaires offertes par Traffic Control en termes de communication n'ont pas encore été entièrement explorées.
En ce qui concerne la gestion des gares, une segmentation mieux structurée des gares et une répartition plus claire entre les entités des responsabilités en matière de gestion du matériel et des bâtiments et de normes de qualité (propreté, équipements) sont préconisées. Étant donné l'impact final de la gestion des gares sur la satisfaction des clients vis-à-vis de l'opérateur, les contrats entre la Holding, en tant que propriétaire, et la SNCB, en tant que concessionnaire, doivent être affinés et adaptés dans le cadre de la poursuite de la libéralisation du transport ferroviaire.
En ce qui concerne la gestion immobilière des bâtiments techniques et administratifs utilisés par la SNCB et Infrabel, le niveau et la qualité des prestations que l'on est en droit d'attendre de la Holding ne sont pas clairement définis. Dans ce domaine aussi, il s'indique de conclure les SLA appropriés entre les entités ou de confier directement les actifs à la SNCB et Infrabel.
En ce qui concerne la ponctualité, le rapport souligne que les causes sous-jacentes de la dégradation de celle-ci, comme l'âge avancé du matériel roulant et les travaux sur le réseau, n'ont en soi aucun rapport avec la collaboration au sein du Groupe. Cependant, comme les causes de retard ne sont pas toujours évidentes ou sont souvent multiples, la ponctualité fait trop souvent l'objet de discussions stériles entre les entités, à tel point que l'on a l'impression que ces discussions empêchent l'amélioration de la ponctualité. Il appartient à chaque entité de prendre les mesures nécessaires sur son propre terrain et de les appuyer par des plans d'action concrets.
En matière de gestion financière, le rapport souligne que les prix facturés par la Holding à Infrabel et à la SNCB pour les prestations fournies s'écartent trop des prix pratiqués sur le marché. Le rapport plaide en outre pour une plus grande transparence des flux financiers et des réaménagements institutionnels et financiers au sein du Groupe SNCB.
Les problèmes identifiés au sein de la Holding en ce qui concerne les ressources humaines s'expliquent principalement par la rigidité de la réglementation contenue dans le statut du règlement du personnel. En raison de la lenteur des adaptations de ce règlement, la politique menée ne répond pas suffisamment aux besoins des entités. Concrètement, il s'agit de procédures d'embauche inadaptées, de descriptions de fonctions archaïques et trop générales, de rémunérations trop peu attrayantes et d'une politique de carrière trop souvent fondée sur le seul critère de l'ancienneté au détriment de celui des compétences.
Les problèmes de ressources humaines sont fondamentaux pour un groupe dont 40 % du personnel actuel devront être remplacés dans les dix prochaines années en raison de la forme de la pyramide des âges et qui sera de plus en plus confronté à des professions en pénurie sur un marché du travail toujours plus restreint.
En ce qui concerne la sécurité ferroviaire, où la politique de RH joue un rôle crucial, une autonomie accrue en matière de politique du personnel est également indispensable tant du côté du gestionnaire de l'infrastructure que de la société de transport. La commission spéciale Sécurité du rail, qui a été instituée à la suite de la dramatique collision ferroviaire survenue à Buizingen, a formulé la recommandation suivante: « Lors de l'évaluation et la réforme des structures du Groupe SNCB annoncées, il faut examiner de quelle manière la SNCB et Infrabel peuvent augmenter leur emprise sur la politique du personnel pour ces fonctions au sein de ces entreprises. »
Le problème de gouvernance d'entreprise identifié par le consultant dans son rapport est lié au fait que des éléments contradictoires en soi sont réunis au sein d'un même groupe.
Ainsi, la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques définit la SNCB Holding, Infrabel et la SNCB comme trois entreprises publiques autonomes qui sont toutefois coordonnées par une holding. Par ailleurs, la Holding assume également de manière autonome une partie des missions opérationnelles nécessaires, aux côtés des deux entités opérationnelles.
Le consultant a conclu que tant la croissance future du Groupe SNCB que ses résultats seront compromis si les problèmes précités ne sont pas résolus.
Malgré l'existence de nombreuses structures de concertation, la structure tripartite du groupe empêche d'assigner des objectifs et des compétences bien définis à chacune de ses divisions. La concertation entre les entités est en outre parfois jugée inefficace ou considérée comme une perte de temps.
C'est pour ce motif que le rapport Berger recommandait d'opérer à court terme un choix réfléchi quant à la structure, dans le but de créer un cadre clair et stable au sein duquel les entités pourront se concentrer sur les défis spécifiques auxquels elles sont confrontées.
Une meilleure délimitation des compétences au sein du Groupe SNCB permettrait également d'anticiper la dynamique de libéralisation que l'on observe actuellement en Europe, et qui doit aboutir à la mise en place d'un réseau ferroviaire doté d'un gestionnaire d'infrastructure unique et totalement indépendant, et de plusieurs opérateurs.
Il ressort de la communication du 17 septembre 2010 de la Commission européenne concernant l'élaboration d'un espace ferroviaire unique européen que la Commission européenne a déjà entamé l'étude des options législatives pour l'ouverture du marché au transport intérieur de passagers. Ces activités préparatoires, dans le cadre desquelles tous les acteurs intéressés, en particulier les partenaires sociaux, sont consultés, devront permettre à la Commission européenne de réaliser en 2011 une analyse coûts-bénéfices générale de la concurrence présente dans le secteur du transport intérieur de voyageurs et de prendre ensuite de nouvelles initiatives pour 2012 au plus tard, conformément à la réglementation existante.
Dans sa communication, la Commission a déclaré qu'elle prendrait, dans le cadre de ces nouvelles initiatives, les mesures nécessaires pour veiller à ce que l'ouverture du marché entraîne une réelle amélioration du service et n'ait pas d'effets négatifs imprévus. Le problème des exigences plus strictes concernant la séparation institutionnelle entre les gestionnaires de l'infrastructure et les entreprises ferroviaires sera également examiné dans ce cadre.
La structure de holding actuelle, où la SNCB Holding détient des participations tant dans le gestionnaire de l'infrastructure, Infrabel, que dans la société de transport, la SNCB, n'est dès lors plus adaptée pour garantir à tous les opérateurs un accès non discriminatoire aux infrastructures essentielles, comme les gares et les parkings gérés par la Holding ou la SNCB, et aux autres services liés au rail, comme les gares de triage, les terminaux de marchandises, les gares de formation, les infrastructures d'approvisionnement en combustible, les infrastructures d'entretien et les autres infrastructures techniques.
La présente proposition de résolution vise à adapter la structure du Groupe SNCB sur la base d'une délimitation claire des compétences des différentes entités.
Afin d'éviter toute ambiguité en ce qui concerne l'exercice des compétences, nous demandons au gouvernement fédéral de réformer l'actuelle structure tripartite pour en faire une structure bipartite opérant une distinction claire entre le gestionnaire de l'infrastructure et l'opérateur, toutes les compétences opérationnelles liées à l'infrastructure étant confiées intégralement à Infrabel et toutes les compétences opérationnelles liées à l'exploitation étant confiées intégralement à la SNCB.
Tous les éléments d'actif et de passif, ainsi que les membres du personnel qui sont actuellement mis à disposition par la Holding doivent être transférés à Infrabel et à la SNCB conformément à ce partage des compétences.
Cela permettra d'obtenir une situation claire offrant plus de chances au marché ferroviaire belge de s'intégrer dans un espace ferroviaire européen commun et confiant la responsabilité finale aux entités qui sont en contact direct avec le client.
Cette dualité fondamentale est une option retenue par la plupart des États membres européens lors de la conversion de l'opérateur historique national. Les Pays-Bas, l'Espagne, le Portugal, la Grande-Bretagne, la Suède et le Danemark ne connaissent pas de structure de holding. La France et l'Allemagne possèdent certes une entité holding, mais celle-ci n'intègre pas d'activités opérationnelles et, dans ces pays aussi, on observe une évolution vers une structure dépourvue de holding.
Nous demandons par ailleurs au gouvernement fédéral de fixer, dans les nouveaux contrats de gestion 2013-2017, des règles claires et ambitieuses en matière de collaboration et de coordination, sur le plan tant stratégique qu'opérationnel, entre le gestionnaire de l'infrastructure Infrabel et la société de transport SNCB.
Guido DE PADT. | |
Rik DAEMS. | |
Nele LIJNEN. |
Le Sénat,
A. vu le rapport du 17 mars 2008 intitulé « Évaluation de la collaboration entre SNCB-Holding, SNCB et Infrabel », rédigé par Roland Berger à la demande de la ministre des Entreprises publiques, dans lequel ont été identifiés des problèmes importants au niveau opérationnel (gestion ICT, communication, gestion des gares, gestion immobilière, gestion financière), en ce qui concerne les ressources humaines et en matière de gouvernance d'entreprise;
B. vu les conclusions du rapport Berger, dont il ressort que tant la croissance du Groupe SNCB que ses résultats seront mis en danger si une solution n'est pas apportée aux problèmes mentionnés ci-dessus;
C. vu la recommandation du rapport Berger appelant à faire à court terme un choix fondé sur la structure du Groupe SNCB afin de créer un cadre clair et stable dans lequel les entités pourront se concentrer sur leurs défis spécifiques;
D. vu le rapport de la commission spéciale Sécurité du rail, qui contenait la recommandation suivante: « Lors de l'évaluation et la réforme des structures du Groupe SNCB annoncées, il faut examiner de quelle manière la SNCB et Infrabel peuvent augmenter leur emprise sur la politique du personnel pour ces fonctions au sein de ces entreprises »;
E. vu les nouvelles règles que les ministres européens des Transports ont provisoirement adoptées le 16 juin 2011 en faveur d'un marché ferroviaire plus concurrentiel, en particulier en ce qui concerne l'accès non discriminatoire aux services ferroviaires tels que les installations de maintenance, les terminaux, l'information des passagers et la billetterie pour tous les opérateurs présents sur le réseau;
F. vu la communication de la Commission européenne du 17 septembre 2010 concernant l'élaboration d'un espace ferroviaire unique européen, dont il ressort que la Commission européenne a déjà entamé l'étude des options législatives pour l'ouverture du marché au transport intérieur de passagers dans le but de lancer de nouvelles initiatives législatives au plus tard en 2012;
G. vu la structure de holding actuelle du Groupe SNCB, où la SNCB Holding détient des participations tant dans le gestionnaire de l'infrastructure, Infrabel, que dans la société de transport, la SNCB, et qui n'est pas adaptée pour garantir à tous les opérateurs un accès non discriminatoire aux infrastructures essentielles, comme les gares et les parkings gérés par la Holding ou la SNCB, et aux autres services liés au rail, comme les gares de triage, les terminaux de marchandises, les gares de formation, les infrastructures d'approvisionnement en combustible, les infrastructures d'entretien et les autres infrastructures techniques;
H. vu la dualité fondamentale entre la gestion de l'infrastructure et l'exploitation pour laquelle ont opté la plupart des États membres européens (notamment les Pays-Bas, l'Espagne, le Portugal, la Grande-Bretagne, la Suède et le Danemark) lors de la conversion de l'opérateur historique national et l'évolution vers une structure dépourvue de holding dans les États membres (la France, l'Allemagne) possédant une entité holding (sans activités opérationnelles);
I. vu les rationalisations et les augmentations de productivité qui peuvent être réalisées par le biais d'une répartition plus logique de toutes les tâches opérationnelles et de coordination au sein du Groupe SNCB, et le fait que cette réorganisation peut contribuer à rétablir l'équilibre financier dans le plan d'entreprise du groupe,
Demande au gouvernement:
1. au niveau européen, de plaider auprès du Conseil des ministres du Transport pour une séparation institutionnelle stricte de la gestion de l'infrastructure ferroviaire et de son exploitation;
2. de réformer l'actuelle structure tripartite du Groupe SNCB pour en faire une structure bipartite opérant une distinction claire entre le gestionnaire de l'infrastructure et l'opérateur, toutes les compétences opérationnelles liées à l'infrastructure étant confiées intégralement à Infrabel et toutes les compétences opérationnelles liées à l'exploitation étant confiées intégralement à la SNCB;
3. de veiller, en vue d'un accès non discriminatoire au réseau et dans le cadre de la libéralisation imminente du transport intérieur de voyageurs, à une indépendance stricte du gestionnaire de l'infrastructure et des opérateurs;
4. conformément à cette structure bipartite, de transférer à Infrabel et à la SNCB tous les éléments d'actif et de passif, ainsi que les membres du personnel qui sont actuellement mis à la disposition des deux entités par la Holding;
5. de créer une société spéciale de projet (SPV) pour la gestion des dettes commerciales (dette ABX historique) qui, en vertu des règles européennes, ne peuvent être remboursées au moyen de recettes du service public;
6. d'apporter les adaptations nécessaires à la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques, à l'arrêté royal de 2004 portant création du Groupe SNCB et aux contrats de gestion entre l'État fédéral et la SNCB Holding, Infrabel et la SNCB en vue de permettre cette réforme institutionnelle;
7. de fixer des règles claires et ambitieuses en ce qui concerne la coopération et la coordination, tant sur le plan stratégique qu'opérationnel, entre le gestionnaire de l'infrastructure, Infrabel, et la société de transport, la SNCB, dans les contrats de gestion avec l'État fédéral.
7 novembre 2011.
Guido DE PADT. | |
Rik DAEMS. | |
Nele LIJNEN. |