5-79/1

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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2010

9 SEPTEMBRE 2010


Proposition de résolution visant à créer la possibilité de prendre tout ou partie du congé pour raisons impérieuses en heures plutôt qu'en jours

(Déposée par Mme Nele Lijnen et M. Guido De Padt)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de résolution reprend le texte d'une propostion qui a déjà été déposée au Sénat le 4 décembre 2008 (doc. Sénat, nº 4-1045/1 - 2008/2009).

Lorsque certaines raisons impérieuses surviennent, le travailleur a le droit de s'absenter de son travail, sans rémunération. Ce congé pour raisons impérieuses est réglé par la CCT nº 45 du 19 décembre 1989. La loi du 29 mai 1991 a étendu ce droit à tous les travailleurs liés par un contrat de travail. Cette extension permet également aux travailleurs qui ne relèvent pas de la CCT susmentionnée de bénéficier néanmoins du congé social. Sauf dispositions contraires au niveau sectoriel ou au niveau de l'entreprise, le congé pour raisons impérieuses n'est pas rémunéré.

L'absence pour raisons impérieuses est autorisée pendant le temps nécessaire pour faire face aux problèmes, et ce, avec un maximum de dix jours de travail. Les travailleurs à temps partiel ont droit à un congé proportionnel à la durée de leurs prestations.

Par raison impérieuse, il faut entendre tout événement imprévisible, indépendant du travail, qui requiert l'intervention urgente et indispensable du travailleur, et ce pour autant que l'exécution du contrat de travail rende impossible cette intervention.

Sont acceptés comme raisons impérieuses:

— la maladie, l'accident ou l'hospitalisation du conjoint ou du partenaire cohabitant, d'un ascendant, d'un descendant, de même que d'un enfant adoptif ou d'un enfant dont il est tuteur ou parent d'accueil, d'une tante ou d'un oncle vivant sous le même toit;

— la maladie, l'accident ou l'hospitalisation d'un parent ou d'un allié au premier degré n'habitant pas avec le travailleur sous le même toit comme un parent, un beau-parent, un enfant ou un beau-enfant;

— les dommages matériels graves aux biens du travailleur (par exemple, un incendie ou une inondation dans l'habitation).

Le travailleur doit avertir l'employeur dans le plus bref délai. L'employeur peut demander une preuve de la raison impérieuse, par exemple un certificat médical.

Le congé pour raisons impérieuses est un instrument important permettant aux travailleurs de combiner travail et vie de famille à condition qu'il existe — comme le nom le dit — une « raison impérieuse ». Cependant, la mise en œuvre concrète de ces congés peut, selon nous, être rendue beaucoup plus efficace au moyen d'une intervention très simple.

L'article 4, § 1er, de la CCT nº 45 du 19 décembre 1989 prévoit que « la durée des absences ne peut dépasser dix jours de travail par année civile ». Autrement dit, on raisonne en termes de « jours ». Cependant, il ressort souvent de la pratique que les travailleurs confrontés à des raisons impérieuses n'ont pas nécessairement besoin d'interrompre leur travail pendant une journée entière, qui est d'ailleurs, en règle générale, non rémunérée.

Quelques exemples pratiques illustreront notre propos.

— Un travailleur qui constate, le matin, que son enfant est tombé malade, peut d'abord le conduire chez le médecin puis venir travailler s'il a trouvé quelqu'un pour s'occuper de l'enfant malade.

— Un travailleur dont le père ou la mère doit suivre un traitement médical en polyclinique pendant une vingtaine ou une trentaine de jours (ce qui est par exemple souvent le cas des patients cancéreux qui suivent une radiothérapie), a besoin d'un régime lui permettant de conduire quotidiennement son parent à l'hôpital, mais n'a pas nécessairement besoin de rester chez lui pendant dix journées entières.

— Un travailleur dont l'enfant ou le parent est hospitalisé ou doit suivre une rééducation en polyclinique n'a pas besoin de prendre dix journées entières de congé pour raisons impérieuses, mais trouverait bien plus d'utilité à un régime lui permettant d'arrêter le travail une heure ou quelques heures plus tôt tous les jours.

C'est surtout lorsque des travailleurs sont confrontés à des raisons impérieuses récurrentes (par exemple des enfants qui sont malades) ou de longue durée (par exemple un parent souffrant du cancer qui doit subir des rayons) que le système actuel n'apporte pas de réponse optimale aux besoins réels. Les travailleurs qui doivent épuiser leur contingent de dix jours, devront peut-être recourir contre leur gré au certificat médical classique.

Un système dans lequel la durée du congé est exprimée en heures plutôt qu'en jours serait également plus commode pour les employeurs, qui font souvent montre d'une très grande flexibilité lorsque leurs travailleurs doivent faire face aux situations susmentionnées. Dès lors que le congé pour raisons impérieuses doit être, en règle générale, pris à l'improviste, les employeurs sont brusquement confrontés à l'absence de membres de leur personnel, avec toutes les conséquences qui s'ensuivent pour l'organisation du travail. Si les travailleurs s'absentent quelques heures au lieu d'une journée complète, les employeurs pourront mieux faire face à pareille situation.

Attendu que l'adaptation du régime actuel de congé pour raisons impérieuses concerne tant les travailleurs que les employeurs, et attendu que le régime actuel a été fixé par CCT, il ne nous semble pas opportun d'introduire dès à présent une proposition de loi en la matière. Nous préférons laisser les interlocuteurs sociaux mener la discussion en vue d'aménager le système actuel.

Notre préférence va au remplacement du système actuel des dix jours par année civile par un système prévoyant un nombre global de 80 heures de congé (à raison de huit heures par journée de travail). Conformément à l'article 4, § 2, de la CCT nº 45 du 19 décembre 1989, les travailleurs à temps partiel jouiront d'un régime proportionnel à leurs prestations de travail. Si les interlocuteurs sociaux estiment que ce système est, pour des raisons légitimes, difficilement applicable, on peut également se rabattre sur une solution intermédiaire transformant une part substantielle des dix jours civils (au moins la moitié) en heures et maintenant le reste du contingent en jours. Pour des raisons de simplification administrative, cette option ne nous paraît toutefois pas la plus souhaitable.

En tout état de cause, nous souhaitons que les interlocuteurs sociaux et le gouvernement se mettent d'accord, dans un délai de six mois après l'adoption de la présente résolution, pour que les travailleurs puissent prendre en heures la moitié au moins des dix jours actuels de congé accordés pour raisons impérieuses par année civile.

Nele LIJNEN. Guido DE PADT.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION


Le Sénat,

A. Vu la CCT nº 45 du 19 décembre 1989 instaurant un congé pour raisons impérieuses;

B. Compte tenu des accords conclus entre les partenaires sociaux et sachant qu'il est préférable d'apporter les modifications éventuelles à la réglementation en vigueur en concertation avec eux;

C. Considérant que selon les règles d'application concrètes actuelles, le congé pour raisons impérieuses ne répond pas suffisamment aux besoins réels des travailleurs et qu'il serait préférable qu'il soit pris de la manière la plus efficace possible;

D. Considérant que le congé pour raisons impérieuses n'est pas rémunéré et que les travailleurs ne souhaitent pas recourir à cette forme d'interruption de travail au-delà du strict nécessaire;

E. Considérant que le congé pour raisons impérieuses survient généralement de manière inattendue et qu'il a des effets brusques sur le terrain et que les employeurs souhaitent dès lors également une réglementation ayant des répercussions minimales sur le processus de production;

Demande au gouvernement fédéral,

1. de charger les partenaires sociaux d'adapter la CCT nº 45 du 19 décembre 1989 instaurant un congé pour raisons impérieuses de manière à ce qu'une partie substantielle (à savoir au minimum cinq jours) ou l'ensemble des dix jours par année civile prévus à l'article 4, § 1er, puissent être accordés sur la base d'heures au lieu de jours à raison de huit heures par jour ouvrable pour les travailleurs à temps plein et proportionnellement à leurs prestations de travail pour les travailleurs à temps partiel, afin que les travailleurs puissent prendre cette forme de congé de la manière la plus efficace;

2. de réaliser cette adaptation dans les six mois de l'adoption de la présente résolution.

20 juillet 2010.

Nele LIJNEN. Guido DE PADT.