4-1411/6

4-1411/6

Sénat de Belgique

SESSION DE 2009-2010

18 NOVEMBRE 2009


Projet de loi portant modification du Code civil, de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus, de la loi du 26 juin 1963 relative à l'encouragement de l'éducation physique, de la pratique des sports et de la vie en plein air ainsi qu'au contrôle des entreprises qui organisent des concours de paris sur les résultats d'épreuves sportives et de la loi du 19 avril 2002 relative à la rationalisation du fonctionnement et de la gestion de la Loterie Nationale


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE LA JUSTICE PAR

M. VANDENBERGHE


I. INTRODUCTION

Le projet de loi qui fait l'objet du présent rapport relève de la procédure facultativement bicamérale.

Ce projet de loi, qui a été déposé à la Chambre des représentants par le gouvernement le 15 mai 2009 (doc. Chambre, nº 52-1992/01), était initialement soumis, dans son intégralité, à la procédure bicamérale visée à l'article 77 de la Constitution. Au cours de sa réunion du 18 juin 2009, la commission parlementaire de concertation a décidé de disjoindre les articles 2 à 9 et 27 à 72 afin de les soumettre à la procédure facultativement bicamérale visée à l'article 78 de la Constitution.

Le présent projet de loi a été adopté par la Chambre des représentants le 16 juillet 2009 par 84 voix contre 15 et 33 abstentions. Il a été évoqué par le Sénat le 17 juillet 2009.

Le 16 juillet 2009, la Chambre des représentants a adopté par 83 voix contre 14 et 34 abstentions un second projet de loi modifiant la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, en ce qui concerne la Commission des jeux de hasard (doc. Sénat, nº 4-1410). Ce projet, qui comprend les anciens articles 10 à 26, 73 et 74 du projet de loi nº 52-1992/01, est resté soumis à la procédure bicamérale visée à l'article 77 de la Constitution. La commission l'a examiné en même temps que le projet de loi portant modification du Code civil, de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus, de la loi du 26 juin 1963 relative à l'encouragement de l'éducation physique, de la pratique des sports et de la vie en plein air ainsi qu'au contrôle des entreprises qui organisent des concours de paris sur les résultats d'épreuves sportives et de la loi du 19 avril 2002 relative à la rationalisation du fonctionnement et de la gestion de la Loterie Nationale (doc. Sénat, nº 4-1411) qui fait l'objet du présent rapport.

La commission était par ailleurs saisie de la proposition de loi portant des dispositions diverses relatives aux jeux de hasard déposée par Mme Crombé-Berton le 5 février 2009 (doc. Sénat, nº 4-1162/1).

La commission de la Justice a examiné ces différents textes en présence du secrétaire d'État à la Coordination de la lutte contre la fraude, lors de ses réunions des 22 septembre, 7, 14 et 21 octobre et 10, 17 et 18 novembre 2009.

Elle a procédé à une série d'auditions lors de ses réunions des 7 et 14 octobre 2009 et sollicité l'avis écrit du professeur Rusen Ergec.

Le présent rapport doit être lu à la lumière du rapport sur le projet de loi relevant de la procédure obligatoirement bicamérale (doc. Sénat, nº 4-1410/3).

II. EXPOSÉS INTRODUCTIFS

A. Exposé de M. Carl Devlies, secrétaire d'État à la Coordination de la lutte contre la fraude, adjoint au premier ministre, et secrétaire d'État adjoint au ministre de la Justice, concernant les projets de loi nos 4-1410 et 4-1411

M. Devlies explique que le projet de loi, qui a été initialement déposé comme un tout à la Chambre des représentants et qualifié d'obligatoirement bicaméral, porte sur la modification de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs. La qualification est motivée par un avis du Conseil d'État (nº 41.153/2). Le Conseil d'État a estimé dans son avis que l'avant-projet accordait une nouvelle compétence au tribunal de première instance, en conséquence de quoi il règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution. Il s'est avéré que certains aspects relatifs au statut des magistrats détachés, portaient également sur l'organisation judiciaire. Étant donné que seuls les articles relatifs à la Commission des jeux de hasard concernent une matière obligatoirement bicamérale et que les autres articles règlent une matière facultativement bicamérale, le projet de loi a été scindé en deux projets distincts (doc. Chambre nos 52-1992 et 52-2121). Le projet de loi obligatoirement bicaméral (4-1410) concerne la Commission des jeux de hasard.

La Commission des jeux de hasard, instituée au sein du SPF Justice, est un organe d'avis, de décision et de contrôle en matière de jeux de hasard. Elle est assistée par un secrétariat, qui ne doit désormais plus être composé exclusivement de fonctionnaires du SPF Justice. Les modifications portent sur les points suivants: la fonction de président suppléant est supprimée et des règles sont élaborées en vue de pallier l'absence du président; le dirigeant du secrétariat assiste désormais aux réunions de la Commission des jeux de hasard avec voix consultative, et une allocation de traitement est octroyée au président de la Commission; la durée des mandats est portée de 3 à 6 ans et enfin, les compétences de la Commission des jeux de hasard sont élargies.

Pour rendre la sanction des contrevenants plus efficace, la loi en projet habilite la Commission des jeux de hasard à infliger des amendes. Pour l'heure, les seules possibilités dont dispose la Commission des jeux de hasard consistent à retirer ou à suspendre des licences, ou encore à prononcer une interdiction d'exploitation.

À l'avenir, la Commission des jeux de hasard pourra infliger une amende administrative chaque fois que le parquet classera le dossier pour des raisons d'opportunité ou s'abstiendra de prendre une décision dans un certain délai. La procédure que la Commission doit suivre à cet égard garantit le respect des droits de la défense du contrevenant.

Le projet nº 4-1411 modifie la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, et vise principalement à réguler de manière cohérente la législation sur les jeux de hasard.

En termes de politique à suivre, il s'impose d'étendre le champ d'application de la loi sur les jeux de hasard aux jeux de hasard offerts par le biais des instruments de la société de l'information (dont Internet), aux jeux médias et aux paris.

1. Une politique de licences contrôlée

La régulation des jeux de hasard est basée, tant dans l'ancienne que dans la nouvelle loi, sur l'idée de canalisation. Pour satisfaire le besoin manifeste du jeu chez les personnes, l'offre illégale est combattue par l'autorisation d'une offre de jeux légale « limitée ».

Comme la loi actuelle du 7 mai 1999, le projet de nouvelle loi sur les jeux de hasard part du principe que l'exploitation des jeux de hasard est a priori interdite. Des exceptions peuvent toutefois être prévues par un système de licences. L'interdiction d'exploitation de principe est maintenue comme point de départ, avec la conséquence que l'octroi de licences n'est permis que dans une mesure réduite compte tenu des limites prévues par la loi. Pour l'octroi des licences, la situation existante sert autant que possible de point de départ. Les licences sont délivrées par la Commission des jeux de hasard.

Cette politique de licences contrôlée par la Commission des jeux de hasard doit empêcher que l'exploitation des jeux de hasard se déroule en dehors de tout contrôle public et sans la moindre protection des joueurs. La loi sur les jeux de hasard est et reste une loi pénale, mais elle comporte un volet administratif, à savoir un système de licences.

2. L'étendue du champ d'application

Le projet de nouvelle loi a un champ d'application plus large et étend le système de licences, dans les limites prévues par la loi, aux paris, aux jeux de hasard offerts par le biais de l'ICT (dont Internet) et aux jeux médias.

2.1. Paris

À l'heure actuelle, la réglementation applicable aux paris présente de nombreuses zones d'ombre. C'est ainsi que l'administration fiscale est chargée de délivrer une licence pour l'organisation de paris sur les courses de chevaux, alors que, pour l'organisation d'autres paris sportifs, seule une déclaration préalable auprès de cette administration est requise. D'autres paris, comme les paris sur des événements non-sportifs, se trouvent, quant à eux, dans un vide juridique.

Le projet de loi uniformise la réglementation en intégrant les paris dans leur ensemble dans la loi sur les jeux de hasard. De cette manière, la compétence d'autoriser et de contrôler ces paris relève d'un seul organisme, à savoir la Commission des jeux de hasard.

2.2. Jeux de hasard proposés par le biais des TIC (comme les jeux par Internet)

Le développement des moyens de communication électronique, comme le téléphone mobile, la télévision interactive et surtout l'Internet, a pour conséquence qu'il est possible de s'adonner beaucoup plus facilement aux paris et aux jeux de hasard.

La loi du 7 mai 1999 ne réglemente par l'autorisation des jeux de hasard par le biais des instruments de la société de l'information (dont l'Internet). De ce fait, ils sont en principe interdits. En pratique, on assiste néanmoins à une multiplication débridée des jeux de hasard proposés par le biais de l'Internet. Les paris en ligne constituent à cet égard la tendance la plus récente.

Le seuil de l'offre en ligne est très bas: elle est accessible à tout moment et le joueur ne doit pas se déplacer. En outre, le jeu se déroule de manière totalement anonyme, de sorte que le joueur peut plus rapidement succomber à la tentation du jeu.

La nouvelle loi sur les jeux de hasard en projet entend canaliser la prolifération des jeux en ligne grâce à une politique de licences cohérente et contrôlée. À cet effet, les jeux de hasard proposés sur l'Internet sont réservés à ceux qui exploitent également les jeux de hasard dans le monde réel. Seules les entités titulaires d'une licence pour ces activités dans le monde réel peuvent proposer leur équivalent virtuel. Ainsi, un exploitant de casino titulaire d'une licence complémentaire ne pourra proposer sur l'Internet que des jeux de casino, et pas de paris par exemple. Comme elle le fait dans le monde réel, la Commission des jeux de hasard contrôlera également l'organisation et le bon déroulement des jeux de hasard dans le monde virtuel.

Une stricte réglementation des jeux proposés en ligne ne peut être mise en œuvre sans un contrôle effectif et efficace réalisé par la Commission des jeux de hasard. Un tel contrôle est impossible lorsque le serveur de la société qui propose des jeux ou paris en ligne se trouve dans un pays qui ne punit pas l'organisation de jeux de hasard en ligne et/ou qui la réglemente ou la contrôle à peine.

Il est toutefois possible à la Commission des jeux de hasard d'effectuer un contrôle et une surveillance efficaces des fournisseurs de jeux de hasard ou de paris en ligne qui proposent également ces activités dans le monde réel en Belgique et dont le serveur se trouve en Belgique. Le fait que ces sociétés disposent déjà d'une licence les autorisant à proposer les jeux en question dans le monde réel offre une garantie supplémentaire en ce qui concerne l'organisation des jeux en ligne et leur conformité, ainsi que la protection des joueurs.

Un contrôle effectif et efficace permettra de faire en sorte qu'en Belgique, seuls les sites autorisés soient accessibles sur l'Internet.

La Commission des jeux de hasard veillera à cet égard à l'information des joueurs au moyen de dépliants et de labels sur son site web. Elle tiendra également à jour une liste des licences délivrées, qui pourra être consultée par quiconque le souhaite.

2.3. Les jeux média

À l'heure actuelle, les jeux télévisés qui forment un « programme complet » ne sont pas réglementés par la loi mais uniquement par voie d'arrêté royal. Les jeux télévisés qui ne forment qu'une partie de programme échappent actuellement à toute réglementation. Il en va de même pour les jeux organisés par d'autres médias.

La nouvelle loi sur les jeux de hasard en projet prévoit qu'une licence est requise tant pour les jeux proposés dans le cadre d'un « programme télévisé complet » que pour les divers autres jeux auxquels il est possible de participer par le biais de la radio, de la télévision, des quotidiens et des périodiques.

3. Quelles sont les activités qui ne tombent pas dans le champ d'application de la loi nouvelle ?

Les jeux de hasard et paris de nature récréative restent exclus du champ d'application de la nouvelle loi sur les jeux de hasard.

Il s'agit des jeux exploités par des forains et des jeux de cartes ou de société. L'enjeu et le gain potentiel doivent toujours être limités.

Une autre nouveauté est le fait que certains jeux organisés par une association de fait à finalité sociale ou philanthropique ne sont plus considérés comme des jeux de hasard, pour autant qu'ils soient organisés de manière occasionnelle et au maximum quatre fois par an.

4. Des poursuites plus effectives

L'élargissement de l'incrimination est également un aspect important. Non seulement l'exploitant ou celui qui facilite l'exploitation, celui qui fait de la publicité ou recrute des joueurs est susceptible d'encourir une peine, mais aussi celui qui participe à des jeux de hasard non autorisés.

Le projet prévoit par ailleurs une interdiction de participation pour toutes les personnes qui peuvent influer directement sur le résultat d'un jeu de hasard. Ainsi, un entraîneur de football a une influence directe sur le déroulement du match parce que c'est lui qui décide en définitive quels joueurs montent sur le terrain.

5. Mesures de protection des joueurs

Selon la loi actuelle relative aux jeux de hasard, un joueur peut, sur sa propre demande, se voir refuser l'accès à certains établissements de jeux de hasard (plus spécifiquement les casinos et les salles de jeux). Le projet de nouvelle loi sur les jeux de hasard étend cette possibilité à tous les intéressés (comme la famille et les personnes chargées d'une mission d'assistance). Elle rend de surcroît ce droit également applicable aux jeux en ligne.

Le paiement par carte de crédit reste limité aux casinos. Dans tous les autres établissements de jeux de hasard et sur Internet, ce mode de paiement est proscrit.

La loi sur les jeux de hasard prévoit que l'accès aux établissements de jeux de hasard et la participation aux jeux de hasard ou aux paris sont interdits en deçà d'un certain âge. Ainsi, la participation à des paris (y compris ceux qui sont proposés sur Internet) est interdite aux mineurs. La participation aux jeux de hasard en ligne (autres que les paris) est interdite aux moins de 21 ans. L'objectif est de contrôler l'âge des joueurs par un système d'enregistrement et d'identification et, le cas échéant, d'exclure ces joueurs.

6. Europe

Le projet de loi est-il compatible avec le droit européen ?

La Cour de justice de l'Union européenne a confirmé dans plusieurs arrêts la nature particulière des jeux de hasard en tant qu'activité économique et elle s'est également prononcée, dans le cadre de ce secteur, sur les conditions spécifiques que sont tenus d'observer les États membres pour pouvoir imposer des restrictions à la libre circulation des services et à la liberté d'établissement.

Les jeux sur Internet doivent être abordés avec beaucoup de circonspection, étant donné les risques importants qu'ils impliquent. La Cour de justice de l'Union européenne a admis qu'un État membre doit pouvoir prendre des mesures de protection en cas d'incertitude quant à l'existence et à l'ampleur des risques pour la santé des personnes.

Conformément au point de vue de la Cour européenne de justice et au principe de subsidiarité, les États membres de l'Union européenne sont libres de définir leurs objectifs politiques en matière de jeux de hasard et de paris et, le cas échéant, de délimiter de façon précise le niveau de protection souhaité (Cour de Justice, 6 mars 2007, Arrêt Placanica [point 48]).

Tant le Parlement européen (résolution du 10 mars 2009 sur l'intégrité des jeux d'argent en ligne) que le Conseil ont insisté sur le fait qu'en vertu du principe de subsidiarité, la réglementation des jeux sur Internet relève de la compétence des États membres sur le territoire desquels les consommateurs se sont établis.

Des limitations à la libre circulation peuvent se justifier quand les conditions suivantes sont réunies:

— les limitations sont appliquées de manière non discriminatoire;

— les limitations peuvent se justifier par des motifs impérieux d'intérêt général;

— les limitations permettent d'atteindre les objectifs d'intérêt général;

— les objectifs ne peuvent pas raisonnablement être atteints par des mesures moins limitatives.

Ainsi, parmi les raisons impérieuses d'intérêt général, citons la protection du consommateur, la lutte contre la fraude (fiscale) et la criminalité (notamment les activités de blanchiment, le crime organisé et le terrorisme) et la prévention des problèmes sociaux en général. En d'autres termes, un État membre est libre d'imposer des restrictions au principe de la libre circulation pour autant qu'elles soient de nature à garantir la réalisation de l'un des objectifs précités. L'approche belge répond en tous points à ces conditions.

Les limitations doivent porter sur le type de jeu, le volume du jeu et le nombre d'opérateurs (C.d.J., 21 septembre 1999, Markku J. Läärä, Oy Transatlantic Software Ltd en Cotswold Microsystems Ltd, C-124/97, Jur., 1999, I-6067).

Pour déterminer si un règlement national permet d'atteindre les objectifs poursuivis, l'État membre doit être en mesure d'orienter et de contrôler effectivement les activités de l'entité qui dispose de ce droit d'exploitation et pouvoir surveiller efficacement ces activités.

La nécessité d'intervenir et de prendre rapidement des mesures se fera sentir avec davantage d'acuité pour les jeux en ligne vu l'expansion que ceux-ci connaissent et la vitesse à laquelle des firmes malhonnêtes peuvent les développer.

Cette politique de contrôle ne pourra être efficace que si les jeux en ligne sont réservés à ceux qui exploitent également des jeux de hasard dans le monde réel, ce qui fait obstacle à la création d'une offre supplémentaire de jeux en ligne.

La Commission européenne

Dans le cadre de la procédure européenne de notification relative au projet de loi modifiant la loi sur les jeux de hasard, la Commission européenne a émis un avis motivé et circonstancié et formulé une série de remarques.

Le gouvernement belge y a répondu dans le délai imparti.

Un avis motivé circonstancié

La Commission observe que les points suivants peuvent constituer une limitation à la libre circulation:

1. le fait que l'opérateur d'un autre État membre doit d'abord disposer d'une licence A, B ou F1 avant de pouvoir obtenir une licence supplémentaire pour les jeux sur l'Internet;

2. le fait que le serveur doit se trouver sur le territoire belge.

En ce qui concerne le point 1, le gouvernement belge a précisé que l'accès aux licences réelles était garanti de manière non discriminatoire aux entreprises établies dans d'autres États membres et/ou dans des États appartenant à l'EEE. Dans le cadre de l'évaluation des critères appliqués par le législateur belge, il est aussi tenu compte de manière systématique du fait que des conditions identiques et/ou plus strictes sont remplies dans le pays d'origine. Cela signifie que, conformément à la jurisprudence européenne, le respect des conditions n'est exigé qu'une seule fois. Les contrats d'exploitation d'une licence de classe A ou B, par exemple, sont octroyés en toute transparence et de manière non discriminatoire par les instances concernées. L'accès aux licences est entièrement garanti, pour autant que les concessions/accords existants soient respectés.

En ce qui concerne le point 2, le gouvernement belge souligne qu'il n'est pas possible de mener une politique de contrôle de qualité, complète et concluante et, au besoin, d'intervenir rapidement (notamment pour lutter contre la fraude et les pratiques de blanchiment d'argent), lorsque les opérateurs concernés peuvent installer leur serveur à l'étranger. Une étude technique a montré que cela ne permet pas un contrôle complet. Dans une telle éventualité, on ne peut pas se baser purement et simplement sur la compétence de contrôle d'un autre État membre, pour autant que celui-ci, à défaut d'harmonisation, dispose déjà d'une certaine compétence pour effectuer un contrôle conformément aux normes belges.

Outre un avis dûment motivé, la Commission européenne a aussi énoncé une série de remarques concernant les sanctions pénales qui peuvent être infligées aux joueurs et la limitation du nombre de licences. Sur ces points aussi, le gouvernement belge a réagi.

Un arrêt important a été rendu récemment, plus précisément le 8 septembre 2009, dans l'affaire qui a opposé la Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin à la Santa Casa da Misericordia de Lisboa et au gouvernement portugais.

Cet arrêt conforte totalement le projet de loi en ce qu'il interdit à des opérateurs d'organiser des jeux de hasard sur l'Internet s'ils ne possèdent pas déjà une licence leur permettant d'organiser des jeux de manière traditionnelle en Belgique.

B. Exposé introductif de Mme Crombé-Berton sur la proposition de loi nº 4-1162

L'oratrice se réjouit que le Sénat soit saisi des projets de loi en discussion. Elle félicite le secrétaire d'État d'en avoir pris l'initiative, et souligne l'important travail réalisé à la Chambre. Elle-même s'est beaucoup investie dans cette matière, dont elle souhaite définir les trois points essentiels.

Tout d'abord, la commission devra réexaminer la question des paris mutuels, sur laquelle il semble que le secrétaire d'État soit ouvert à un éventuel amendement. L'intervenante renvoie à l'expérience menée en Suisse en la matière, expérience qui semble très concluante.

Un deuxième aspect concerne le statut de la Commission des jeux. Il conviendrait d'examiner la question de l'autonomie de cette Commission, et celle de la confusion, dans le chef de celle-ci, de la fonction d'instruction et de jugement. Ce dernier point a d'ailleurs été abordé dans un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme.

Un troisième point concerne la protection du joueur et l'addiction au jeu. À cet égard, le texte en projet va dans la bonne direction, en permettant une saisine de la Commission des jeux par toute personne intéressée en vue d'une interdiction. Il s'agit là d'un point très positif. L'oratrice souhaiterait cependant qu'il y ait, au sein de la Commission, une cellule traitant spécifiquement de l'addiction. Ainsi, la mission d'interdiction, aujourd'hui exercée par des personnes ne disposant d'aucune compétence particulière dans le domaine psychologique, trouverait un appui auprès de cette cellule. Par ailleurs, lorsque le joueur est reconnu en état d'interdiction, il pourrait être orienté vers une cellule, cette fois extérieure à la Commission, qui pourrait le traiter. En effet, il ne suffit pas d'interdire, il faut aussi soigner. Or, il y aurait environ 200 000 personnes concernées de façon directe ou indirecte par l'addiction. Il s'agit donc d'un véritable problème de société.

L'oratrice souhaiterait que, sur ces trois thèmes, la commission procède à des auditions.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Mahoux ne peut s'empêcher de penser qu'un glissement de valeurs s'est opéré.

Il y a quelques années, la question des jeux de hasard était abordée sur le plan de l'éthique. Aujourd'hui, on l'aborde du point de vue de l'économie et du droit. L'intervenant ne peut que s'insurger contre ce changement, qui aboutit à une banalisation du jeu. Celle-ci est liée aux intérêts économiques et à la multiplication des supports, qui ne sont plus uniquement physiques mais aussi virtuels.

L'orateur pense qu'il faut remettre en avant le principe de l'interdiction globale, et le caractère d'exception de la pratique du jeu, tout en restant très attaché à la liberté individuelle.

Plutôt que d'aborder le problème par le biais des sociétés qui pratiquent le jeu, il est préférable de le faire à travers le joueur, en examinant en particulier les conséquences que le jeu peut avoir sur la situation individuelle des joueurs et sur la vie de leur entourage.

L'intervenant s'interroge sur l'effectivité des garanties mises en place. Ainsi, il ne suffit pas d'interdire l'usage des cartes bancaires en ligne. Quelle est la conséquence concrète de cette interdiction, pour le joueur lui-même et pour son entourage ? De quelle manière contrôle-t-on le respect de cette règle et les contournements éventuels de celle-ci ?

En ce qui concerne la possibilité pour la Commission des jeux d'imposer des amendes administratives, il y a le problème du double rôle d'instruction et de jugement, de la Commission, même si celle-ci n'est pas un organe juridictionnel.

L'orateur se dit également frappé par le fait qu'en ce qui concerne les jeux en ligne, il est plus facile de contrôler les sociétés qui organisent déjà des jeux. Cela signifie en pratique que l'on réserve à ces sociétés l'exclusivité de l'organisation des jeux en ligne.

L'intervenant s'interroge également sur le contrôle que l'on peut avoir dans le domaine du virtuel, en particulier sur le plan international. On avait dit qu'il était impossible de contrôler la pédopornographie sur internet. Or, il s'avère que ce n'est pas vrai, puisque l'on constate que, grâce à la mise en place de certains systèmes, des poursuites sont engagées et l'on met fin à des pratiques illicites. Quels sont les moyens dont dispose la justice à cet égard, sachant qu'une législation, en particulier pénale, non assortie de moyens de contrôle effectifs, est une mauvaise législation ?

Mme Taelman souhaite se rallier à la proposition d'organiser des auditions sur les quelques pierres d'achoppement qui subsistent après l'examen approfondi effectué à la Chambre. Il convient d'éviter de répéter les auditions qui, à la Chambre, ont été consacrées à l'ensemble du projet de loi.

L'intervenante se félicite que l'on puisse enfin examiner les projets de loi en discussion. En effet, au cours des dernières années, l'on a été confronté à de très grandes difficultés, notamment sur l'Internet. Elle adresse dès lors ses félicitations au secrétaire d'État.

M. Monfils déclare que, de manière générale, il se méfie des interdictions, limitations et contrôles en tous genres, surtout dans un pays aussi petit que le nôtre. Récemment encore, il était question de l'interdiction du poker dans les cafés. La seule conséquence a été que l'on joue chez soi en consommant de l'alcool, ce qui revient au même.

Le projet à l'examen octroie en fait un monopole aux services réels, c'est-à-dire essentiellement les casinos.

Un certain nombre de licences complémentaires seront donc octroyées notamment aux casinos, dans les conditions exposées par le secrétaire d'État. Mais la Belgique est entourée de pays tout à fait fréquentables, comme la France, qui, eux, vont autoriser des services virtuels, d'ailleurs contrôlés, sans passer nécessairement par un ancrage dans le monde réel. Qui poursuivra-t-on en pratique ? Sûrement pas le site, qui pourra déménager comme il veut, mais bien ceux qui jouent, grâce notamment à leurs cartes de crédit. Il faudra donc se lancer dans une analyse très précise de ceux qui jouent, ce qui ne semble pas une bonne formule.

Par ailleurs, si on limite trop l'activité des joueurs, ils iront jouer ailleurs. Il ne faut que très peu de temps pour aller de Liège à Maastricht, de Mons à Maubeuge ou d'Arlon au Luxembourg.

À propos de la question de la libre circulation, le secrétaire d'État a cité deux arrêts, dont l'orateur aimerait pouvoir disposer, car d'autres arrêts antérieurs ont un contenu quelque peu différent. Il ne faudrait pas que, quelques semaines avant la présidence belge de l'Union européenne, notre pays fasse l'objet de remarques des instances européennes, demandant de favoriser davantage la libre circulation.

Le secrétaire d'État a indiqué que l'on pouvait invoquer l'intérêt général. Mais, comme toujours, des notions telles que l'intérêt général, la sécurité publique, l'ordre public, doivent être confrontées au texte qui est présenté, au but poursuivi et à la situation visée. Si le secrétaire d'État dispose de garanties fournies par l'Union européenne concernant l'extension de la notion d'intérêt général à toute mesure, y compris monopolistique, que l'on pourrait prendre en Belgique, l'orateur n'aura plus d'objection.

M. Swennen déclare pouvoir souscrire largement au projet de loi. Il traduit en effet de grandes avancées en ce qui concerne l'encadrement des paris sur l'Internet. Toutefois, certaines interrogations et incertitudes subsistent. L'intervenant s'associe dès lors à la demande visant à organiser des d'auditions. D'aucuns affirment que le projet de loi privilégie la protection du joueur, mais l'intervenant trouve que cela ne transparaît pas toujours à la lecture du texte. On a parfois l'impression, en effet, que la rentabilité du secteur prime. L'intervenant renvoie en l'espèce au contournement de l'article 1965 du Code civil, qui dispose que la loi n'accorde aucune action pour une dette du jeu. Il note également le relèvement de l'offre conjointe des casinos de 50 euros par semaine à 400 euros par mois. Il subsiste aussi une zone d'ombre en ce qui concerne le statut de la Commission des jeux de hasard et les voies de recours correspondantes. L'on n'aperçoit pas non plus très bien comment seront réglementées les licences pour les établissements de jeux de hasard de classe 4, c'est-à-dire les agences de paris. Enfin, l'intervenant souligne que le gouvernement a demandé l'urgence en application de l'article 51 du règlement (voir la mention au bas de la p. 1 du doc. Chambre nº 52-1992/001), alors que la loi n'entrera en vigueur qu'au 1er janvier 2011. Il y voit une certaine contradiction.

En ce qui concerne la demande de procéder à des auditions, M. Devlies rappelle que des auditions ont déjà été organisées à la Chambre et que leur compte rendu figure intégralement dans le rapport.

En ce qui concerne les paris mutuels relatifs aux concours hippiques, la commission peut évidemment rouvrir la discussion et examiner un éventuel amendement.

Quant au statut de la Commission des jeux, le secrétaire d'État pense qu'il est bien réglé dans la version actuelle du texte en discussion. Il renvoie à l'article 8 modifiant l'article 15 de la loi sur les jeux de hasard, qui dit clairement que l'imposition de sanctions par la Commission des jeux de hasard requiert certaines garanties, telles que la séparation entre la mission de recherche et la compétence décisionnelle d'imposer des sanctions. En conséquence, il est établi une distinction fonctionnelle des tâches et le président ainsi que les membres de la Commission ne peuvent plus avoir la qualité d'officier de police judiciaire.

En ce qui concerne l'addiction au jeu, il s'agit effectivement d'un problème important. Les Communautés disposent également d'une compétence en la matière. Ce sont ces dernières qui doivent s'occuper de la problématique de l'addiction.

Le secrétaire d'État déclare ensuite, à l'intention de M. Mahoux, que ses préoccupations rejoignent les siennes. Le projet de loi est vraiment conçu dans le but de donner une protection maximale aux joueurs.

Il est important d'interdire les cartes de crédit, car ces cartes donnent accès à un crédit pendant une certaine période mais doivent être payées à la fin du mois. Ces cartes sont toutefois autorisées à l'heure actuelle dans les casinos, et il est très difficile de revenir en arrière sur ce point. Cette autorisation ne sera pas étendue à d'autres domaines.

Le secrétaire d'État ne pense pas que l'on puisse parler de monopole des casinos en matière de jeux virtuels. La loi actuelle limite le nombre de casinos et de salles de jeux. Tous ceux qui exploitent aujourd'hui une salle de jeux ou un casino, ou qui organisent des paris, ont la possibilité de demander un permis en vue d'offrir des jeux sur internet semblables à ceux qu'ils exploitent dans la réalité, et tout un chacun peut acheter un casino ou une salle de jeux et se mettre dans les conditions requises pour demander une licence internet.

En ce qui concerne le contrôle, il est tout à fait possible, et l'on dispose de tous les moyens techniques nécessaires pour contrôler l'offre. Le secrétaire d'État renvoie, sur ce point, à l'exposé de M. Marique (voir infra).

M. Monfils s'est référé à la situation aux Pays-Bas et en France. Le secrétaire d'État indique que les conditions, dans ces deux pays, vont dans le même sens qu'en Belgique, et qu'il n'y a donc pas d'avantage à s'y rendre pour s'adonner aux jeux de hasard.

Quant à la libre circulation, la jurisprudence européenne va tout à fait dans le sens de la législation en discussion. Il existe à ce sujet une série d'arrêts que le secrétaire d'État peut communiquer à la commission.

Enfin, le secrétaire d'État se déclare tout à fait disposé à éclaircir les sujets qui préoccupent encore le groupe sp.a. Il se réfère également aux discussions qui ont eu lieu à la Chambre, notamment dans le cadre des observations formulées par M. Landuyt.

En ce qui concerne la demande d'examen en urgence, le secrétaire d'État souligne qu'on assiste actuellement à une prolifération des paris sur internet, sans aucun contrôle. Il est donc urgent de se donner les moyens d'endiguer ce phénomène. D'autre part, avant que la loi puisse entrer en vigueur, il faut encore satisfaire à certaines exigences comme la promulgation et la notification de plusieurs arrêtés royaux indispensables dans le cadre de la législation à l'examen. L'intervenant est disposé à informer les commissions de la Justice du Sénat et de la Chambre de l'état d'avancement de ces arrêtés royaux. De même, il faut encore élaborer un nombre relativement important de protocoles techniques. La loi sortira ses pleins effets au plus tard le 1er janvier 2011, ce qui n'exclut pas que certains volets puissent entrer en vigueur plus tôt. Ainsi, l'objectif du législateur est que les dispositions relatives aux paris entrent en vigueur dès le 1er janvier 2010. Quant aux dispositions concernant l'Internet, elles sont soumises à de nombreuses exigences techniques, si bien qu'une entrée en vigueur avant le 1er janvier 2011 paraît difficilement réalisable. En soi, c'est déjà un défi considérable pour la Commission des jeux de hasard de régler tous les détails sur ce plan pour le 1er janvier 2011.

M. Marique (président de la Commission des jeux de hasard) rappelle que les jeux de hasard sont une matière sensible. Une régulation a été mise en place pour les casinos et les salles de jeux. Cependant, parallèlement à ce secteur qui est organisé et encadré, des jeux se sont développés sur internet où ils échappent à toute espèce de contrôle. Bien qu'interdits, ces phénomènes existent. Le projet de loi à l'examen n'instaure dès lors pas une interdiction nouvelle mais vise au contraire à assouplir une interdiction pour tenir compte des pratiques existantes.

Pour les jeux sur internet, le projet met fin à une situation de tolérance et vise à définir des modalités permettant de les organiser, de les contrôler et de les encadrer avec compréhension mais aussi fermeté.

En réponse à la question de M. Mahoux sur la nécessité d'une analyse éthique du jeu, l'intervenant souligne que c'est justement la réflexion éthique qui est le point de départ du projet à l'examen. Le texte en projet donne une forme juridique à des préoccupations éthiques centrées sur la protection du joueur. Il n'est pas basé sur une approche économique du jeu. Les auteurs ont voulu garantir le développement de valeurs morales importantes en matière de jeu.

M. Marique souligne que la protection des joueurs, qui vaut pour les jeux réglementés, doit être étendue aux jeux sur Internet. Le projet de loi prévoit une série de modalités visant à encadrer l'offre de jeux via Internet.

Le premier élément de contrôle est obtenu par la canalisation des flux financiers. Le secteur bancaire a déjà marqué son accord pour collaborer pleinement au contrôle financier afin d'orienter les flux financiers vers les opérateurs régulés.

Le second facteur est celui de l'encadrement de la publicité faite pour les jeux sur Internet. La publicité sera uniquement autorisée pour les opérateurs qui respectent les obligations légales. Les sociétés de publicité ne collaboreront pas avec des opérateurs qui restent en dehors du système.

Le troisième contrôle s'effectuera par les fournisseurs d'accès à Internet qui ont accepté de collaborer à condition que l'on puisse leur fournir une liste positive des opérateurs illégaux. Cela supposera une action pro-active pour rechercher les sites illégaux, ce qui aboutira à l'établissement d'une liste des opérateurs légaux et une liste des opérateurs illégaux.

L'intervenant pense que ces trois axes permettront de contrôler environ 95 % de l'offre de jeux via Internet. Il est conscient qu'il restera toujours une petite zone grise plus difficilement contrôlable sur laquelle la Commission des jeux de hasard devra concentrer ses efforts pour la réduire progressivement.

M. Marique fait le parallèle avec les mesures de contrôle d'Internet qui ont été mises en place pour lutter contre la pédopornographie. Dans ce domaine, le contrôle frise les 100 %.

La Commission des jeux de hasard enverra du personnel en formation auprès de la Federal Computer Crime Unit (FCCU) pour détecter les sites Internet illégaux. L'intervenant se réjouit du fait qu'une volonté politique se dégage pour créer un encadrement du jeu sur Internet et pour lutter contre certains abus dans ce domaine.

À la question du contrôle du poker, M. Marique précise que le contrôle ne se fait pas dans les maisons privées tant que le jeu conserve un caractère modeste. Ce n'est que lorsqu'il y a une certaine organisation et une exploitation du jeu que les services interviennent car on a quitté la sphère de l'amusement. Les décrets napoléoniens pris en cette matière sont toujours applicables. Sur dénonciation de deux particuliers, une intervention dans un domicile privé est possible, même la nuit.

M. Monfils trouve effrayant que des services de police puissent entrer dans un domicile privé lorsque des gens y jouent au poker. La liberté individuelle est de plus en plus brimée. Les gens ne sont-ils pas libres de dépenser leur argent comme ils le souhaitent, le cas échéant en jouant au poker ?

M. Marique répond que de telles descentes sont exceptionnelles. Il a connaissance d'un cas où les services de police ont trouvé une somme de 80 000 euros sur la table de jeu. Il fait par ailleurs remarquer que ces mesures ne visent pas à limiter la liberté individuelle.

Lorsque la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard a été adoptée, des voix se sont élevées pour qualifier cette législation de liberticide. Les limitations ou les interdictions qui sont imposées découlent du fait que le joueur, à partir d'un certain seuil, perd sa liberté. Le législateur veut garantir que le joueur ne perde pas son libre arbitre. Ce n'est dès lors pas la loi qui est liberticide mais c'est le jeu qui peut le devenir dans certaines circonstances.

M. Mahoux fait remarquer que le paradoxe est qu'en restreignant la liberté de jeu, on crée des monopoles et on renvoie les joueurs vers de grosses structures de jeu. Le projet de loi renforce ce monopole puisque seules les structures qui exploitent des jeux dans le monde réel pourront obtenir une licence pour offrir des jeux dans le monde virtuel. Cela a pour effet de réserver l'exploitation de jeux à quelques très gros opérateurs.

M. Marique répond qu'en France, où il existe un contrôle individuel des joueurs de poker et où ce jeu est exclusivement permis dans les casinos, 60 % des joueurs sont connus des services de police. L'intervenant en déduit qu'il est préférable que le cadre de jeu soit existant plutôt que de laisser les joueurs de poker se tourner vers des salles clandestines avec des risques de racket. Il est important que les joueurs soient connus et que l'on puisse assurer la sincérité et la stabilité du jeu. Tel n'est pas le cas dans des salles clandestines ni sur Internet.

En réponse aux questions sur la jurisprudence européenne, M. Marique rappelle que la Cour de Justice admet qu'une politique nationale puisse être menée dans chacun des États à condition que le principe de proportionnalité soit respecté. La législation nationale doit avoir des objectifs de protection du joueur, de lutte contre la fraude ou contre le blanchiment d'argent. Il renvoie notamment aux arrêts Laura nº C-368/95 et Schindler. Les jeux sont une compétence nationale et sont par conséquent exclus du régime général de la libre circulation des biens et des services.

Mme Taelman partage cet avis. Il faut éviter de recommencer au Sénat les auditions qui ont déjà eu lieu à la Chambre. L'intervenante renvoie aux thèmes ponctuels évoqués par Mme Crombé-Berton, notamment en ce qui concerne la pratique des courses hippiques et la protection des joueurs en Suisse.

Mme Crombé-Berton souligne que sa demande d'organiser des auditions n'est pas dilatoire. Les points suivants n'ont pas été suffisamment abordés à la Chambre et devraient faire l'objet d'une réflexion approfondie pour laquelle des auditions seraient fort utiles:

— le pari mutuel au niveau des courses hippiques. Il serait intéressant que la commission puisse être éclairée sur l'expérience suisse;

— le problème de l'addiction au jeu;

— le statut de la Commission des jeux de hasard et plus spécifiquement la séparation entre la phase d'instruction et de jugement. Il faut s'assurer que les décisions de la Commission des jeux de hasard ne seront pas attaquables devant la Cour de justice des Communautés européennes.

M. Mahoux demande que la commission réfléchisse également, lors de ses travaux, à la question des abus de faiblesse. Il pense notamment à des mesures de nature pénale à l'encontre de personnes qui exploitent une situation de faiblesse de personnes en état d'addiction au jeu. Il ne faudrait pas qu'au nom de l'intérêt économique, on passe sous silence la situation des victimes du jeu.

M. Vandenberghe rappelle l'existence des lois de 2002 et de 2005 relatives aux produits financiers, qui disposaient que l'exception du jeu ne pouvait plus être invoquée dans les transactions financières. L'intervenant s'était opposé à cette mesure à l'époque, mais ses réserves sur le plan éthique n'avaient pas été prises en compte.

La commission décide que des experts seront entendus sur les thèmes évoqués par Mme Crombé-Berton (cf. IV. Auditions).

IV. AUDITIONS

A. Exposé de M. Alain Dhooge, Président de l'Union professionnelle des agences de paris (UPAP)

M. Dhooge souligne que si l'organisation qu'il représente adhère totalement aux objectifs et à la nécessité de mettre rapidement le projet de loi à l'examen en application, il regrette toutefois que l'urgence ait fait place à la précipitation.

Comme ce fut souligné d'ailleurs par les représentants de la majorité à la Chambre, qui ont approuvé le projet de loi du bout des lèvres, la procédure d'urgence, le déni provisoire des remarques de la Commission européenne faisant suite à la notification obligatoire du projet et le transfert de nombreuses compétences au Roi posent ou pourraient poser de sérieux problèmes lors de la mise en œuvre de la loi à l'examen.

Au nom de la bonne gouvernance, garante de l'indispensable pérennité de la future loi et de l'équité entre tous les acteurs du marché des jeux et paris, l'intervenant attire l'attention sur les quatre points suivants:

L'exploitation de deux jeux de hasard

M. Dhooghe souligne que les sociétés de paris ont besoin de revenus supplémentaires pour être rentables. Deux opérateurs ont d'ailleurs fait faillite fin 2008. Une augmentation des recettes est indispensable si l'on veut que le secteur puisse rémunérer correctement les employés et indépendants qui y sont actifs.

L'UPAP insiste pour que le projet de loi soit amendé en ce qui concerne l'exploitation de deux appareils automatiques (classe II au lieu de classe III), afin d'assurer la viabilité et donc l'avenir des agences de paris.

Ces arguments n'ont pas été entendus ou retenus, parce qu'il serait difficile d'organiser un contrôle efficace quand les limites d'âge diffèrent pour les paris (18 ans) et pour ces jeux (21 ans), malgré qu'une telle différence existe bel et bien pour les débits de boissons pourtant librement accessibles aux mineurs, et ce, sans que cela pose de problèmes.

En outre, la Métrologie a confirmé à l'UPAP que, quels que soient les appareils autorisés, ceux-ci devront être pourvus d'un lecteur de carte d'identité, ce qui rend la pratique de tels jeux dans nos points de vente fixes encore plus sûre en termes de protection du joueur.

Compte tenu de l'importance cruciale d'un tel amendement pour le secteur confronté à de sérieux problèmes de rentabilité, de taxation asphyxiante et de concurrence déloyale — comme l'ont hélas démontré deux faillites importantes en octobre/novembre 2008 — l'UPAP formule les propositions suivantes:

— Première proposition

L'UPAP demande que les deux appareils de jeux de hasard autorisés puissent engendrer une perte horaire de 25,00 euros — comme c'était d'ailleurs prévu dans le projet de loi 2007 — au lieu des 12,50 euros prévus dans le projet de loi à l'examen.

Une telle exploitation peut se faire et se fera de manière contrôlée et responsable (dans un espace séparé, avec enregistrement), comme cela s'est d'ailleurs fait sans aucun abus ni infractions il y a quelques années quand cette possibilité existait.

Ce qu'on propose maintenant, ce sont des machines de type 3.3 en surstock chez quelques fournisseurs belges, parce que plus personne n'en veut depuis que de nouvelles règles ont été imposées et hypothèquent leur rentabilité.

De plus, en imposant des machines basées sur les mêmes activités que celles développées dans les agences (paris), comment trouver des fournisseurs pour un si petit parc (+/- 500) et, de toute manière, quel en serait l'intérêt ? C'est comme si on installait un distributeur de frites dans une friterie ! Il faut une certaine différenciation entre les produits proposés en agence et les produits automatisés. C'est un problème de nature politique et économique.

À défaut d'un consensus immédiat, il serait souhaitable de gommer toute référence à une perte horaire maximum chiffrée dans le dispositif du projet de loi (comme c'est le cas pour la classe I par exemple) et de déléguer au Roi l'autorité de fixer cette perte maximale après concertation entre le gouvernement et la Commission des Jeux.

— Deuxième proposition

Interdire l'accès de tous les paris, indépendamment du type de réseau dans lesquels ils sont exploités, aux personnes de moins de 21 ans, comme c'est le cas pour les établissements de classe I et II, ainsi que pour les jeux sur Internet.

L'accès aux établissements fixes de classe IV, ainsi que la pratique des jeux de hasard qui y sont proposés (y compris donc tous les paris), sont interdits à toute personne en dessous de 21 ans. Dans les seuls établissements fixes, l'exploitation de deux jeux de hasard automatiques similaires à ceux des classes II est autorisée aux mêmes conditions que celles imposées aux établissements de classe II.

La commercialisation des paris en dehors des établissements fixes de classe IV et l'octroi exclusif aux sociétés de courses belges de la prise de paris mutuels sur les courses étrangères pour assurer leur (re)financement est discriminatoire.

L'extension de l'engagement de paris en dehors des établissements de jeux de hasard fixes de classe IV.

L'exposé des motifs définit avec une grande pertinence les objectifs d'une politique de canalisation et de protection des joueurs (voir doc. Chambre, nº 52-1992/1, p. 4), mais certaines dispositions contenues dans le projet de loi et d'autres mesures approuvées par la Chambre nuisent en partie à ces objectifs indispensables et risquent d'aggraver la situation sur le terrain.

Ce sont précisément cette situation chaotique, l'absence de cadre légal pour tous les exploitants et le manque de contrôle efficace de tous les points de vente par les services compétents, qui ont poussé les autorités politiques à élaborer les mesures de canalisation à l'examen, ainsi qu'à répondre à la nécessité de mieux protéger le consommateur.

Canaliser les paris dans des établissements de jeux de hasard fixes, limités en nombre et agréés selon un véritable système de licence, est une exigence et une nécessité sociales. En dépit d'une limitation plus restrictive en matière de volume d'activités de jeu et malgré l'interdiction des paris sur les courses de chevaux et de lévriers à l'étranger, le législateur, en prévoyant une exception pour l'engagement de paris dans des points de vente qui exercent également d'autres activités (librairies, débits de boissons, etc.) et qui sont entièrement accessibles aux mineurs, manque à son devoir de cohérence et d'efficacité, porte préjudice au canal de distribution professionnel, responsable et contrôlable et instaure de surcroît une politique susceptible d'être jugée discriminatoire et contraire aux droits belge et européen.

Il est dès lors absolument indispensable:

1. de limiter précisément le nombre et la dispersion des établissements agréés;

2. d'interdire formellement l'engagement de paris dans les débits de boissons;

3. d'imposer une licence D pour les exploitants concernés;

4. de responsabiliser également ces exploitants sur le plan fiscal par le biais du paiement de la taxe sur les jeux et paris.

Mais en prévoyant une série d'exceptions à la politique de canalisation par le biais de distinctions en matière de produits et de distribution, la loi entre dans le flou et prête le flanc à des divergences d'interprétation que même les arrêtés d'exécution ne seront pas en mesure de contrer. La simple différence entre les licences F1 et F2, c'est-à-dire entre l'organisation et l'engagement de paris, pose déjà problème non seulement parce que les deux activités en question forment souvent un tout et ne peuvent donc pas toujours être dissociées, mais aussi parce que cette distinction permettra à des organisateurs établis à l'étranger d'exploiter le marché sans être soumis au moindre contrôle ni à la moindre contribution (comme le font actuellement de nombreux opérateurs de paris sportifs et opérateurs Internet), ce que la loi en projet vise précisément à éviter, entre autres choses.

L'octroi exclusif aux sociétés de courses belges de la prise de paris mutuels sur les courses étrangères pour assurer leur (re)financement.

L'exposé des motifs et les débats à la Chambre justifient ce nouveau monopole (qui renforce le monopole initial de l'organisation des paris sur les courses hippiques belges) par une argumentation économique pour le moins tronquée qui ne permet en aucun cas de faire abstraction des principes belges et européens d'équité et de non-discrimination qui doivent prévaloir dans toute politique de canalisation; d'autant plus que les auteurs du projet de loi prétendent tenir compte dans la mesure du possible de la situation existante.

Autoriser la prise de ces paris dans des points de vente non exclusifs à cette affectation est un déni supplémentaire de la protection du consommateur et, pire encore, des mineurs ! Un pari mutuel ou un pari à la cote reste un pari. Chaque forme de pari a ses vertus et ses limitations.

En effet, comme confirmé par la Commission des jeux lors des auditions organisées par la commission de la Justice du Parlement, la différence entre le pari mutuel ou le pari à la cote est imperceptible pour le consommateur.

Soutenir, comme l'a fait le secrétaire d'État lors des discussions en Commission à la Chambre des représentants, que le pari mutuel est socialement moins dangereux que le pari à la cote, procède d'une ignorance ou d'une mauvaise information.

Les paris sur les courses de chevaux et sur les courses de lévriers — qu'ils soient organisés en mutuel ou en bookmakings — sont réputés être des jeux socialement dangereux contrairement aux autres paris sportifs du simple fait déjà de la répétitivité des cycles de jeux (+/- 80 courses par jour !). La fréquence des courses — et donc des paris — augmente le risque d'assuétude au jeu.

Le législateur l'a d'ailleurs bien compris en limitant l'accès des paris sur courses hippiques étrangères et sur les courses de lévriers aux seules agences fixes. Une telle limitation doit être maintenue comme pertinemment justifiée dans l'exposé des motifs et comme d'ailleurs confirmée par le secrétaire d'État à la Chambre des représentants en rejetant un amendement introduit pour ouvrir le secteur des librairies à ce type de paris !

Cette thèse est juste, comme le démontre M. Serge Minet, éminent thérapeute clinicien en matière de problèmes d'assuétude liée aux jeux et paris (pour l'audition de M. Minet, voir ci-dessous).

La volonté du Sénat de revenir sur cette thèse au profit unique des sociétés de courses belges est incompréhensible. Ce serait faire abstraction d'une politique de canalisation et ce serait discriminatoire.

Se baser uniquement sur le Livre blanc des sociétés de courses présentant un modèle théorique peu réaliste et se baser sur le seul exemple de la Suisse romande, qui n'est pas transposable comme tel en Belgique de par un contexte historique, fiscal et de distribution différents, nous paraît pour le moins faire fi d'une analyse objective de toutes les données.

Si le législateur veut autoriser les paris sur les courses hippiques étrangères, il convient:

— d'autoriser l'exploitation de tels paris par tous les titulaires d'une licence F1 (en ce compris les sociétés de courses; il n'y a alors pas de problème);

— d'interdire toute exploitation de ces paris (au même titre que les paris à la cote sur les courses hippiques et sur les courses de lévriers) en dehors d'un établissement FIXE de classe IV.

Quant à l'obligation pour les sociétés de courses (prévue dans l'exposé des motifs) de céder une contrepartie de leur marge bénéficiaire générée par ces paris au profit des courses belges, on peut non seulement se poser la question de savoir s'il s'agit bien là d'une compétence fédérale et non pas d'une compétence régionale, mais également si de tels paris offrent une rentabilité suffisante pour dégager une telle redevance.

M. Dhooge pense qu'il est impossible pour les opérateurs ou la fédération d'absorber une telle redevance avec les taux de taxation actuellement en vigueur.

Fort de ses propres expériences partielles en matière de diminution fiscale sur certains paris, l'État français a bien compris qu'il devait poursuivre dans cette voie en vue de l'ouverture de son marché qui est exigée au niveau européen: le taux de taxation actuel sur l'ensemble des paris hippiques et sportifs passera en France de 12,5 % à 7,5 % en 2010 !

Précédemment, en Grande Bretagne et en Irlande de pareilles diminutions ont généré une hausse significative des enjeux (+40 %) et, in fine, un accroissement substantiel des recettes fiscales.

Rappelons aussi que les opérateurs de jeux sur Internet, jouissant d'une bonne réputation, sont soumis à une taxe équivalente maximale à 15 % sur la marge brute ... qui, elle, n'excède d'ailleurs pas 16 % du chiffre d'affaires.

Si les Régions ne modifient pas de toute urgence la charge fiscale totale sur l'ensemble des paris (taxe de 25 % maximum sur la marge brute), d'autres faillites (après celles de TIERCE FRANCO BELGE et de DUMOULIN fin 2008) seront inévitables et le marché belge sera désert, mais riche d'une loi de canalisation n'ayant presque plus rien à canaliser et à contrôler ... au profit d'opérateurs basés à l'étranger jouissant de régimes fiscaux favorables sans aucune contribution fiscale, sociale et économique.

Le respect des obligations sociales doit être imposé au même titre que celui des obligations fiscales.

L'UPAP trouve essentiel que tout opérateur voulant obtenir et, ensuite, exploiter une licence de jeu soit en ordre avec ses obligations sociales: c'est un principe d'équité et de responsabilité envers la collectivité, qui en a plus que jamais besoin.

On sait que les entreprises « indélicates » ou en difficulté commencent par le non-respect de leurs obligations ONSS.

Le critère de distance: un critère de canalisation efficace

Le projet de loi laisse au Roi un nombre important de dispositions et de critères à fixer, ce qui a d'ailleurs inquiété la Chambre des représentants, qui a, par conséquent demandé au secrétaire d'État — qui en a fait la promesse formelle devant l'Assemblée — de lui soumettre les futurs arrêtés d'exécution que son Cabinet préparera en concertation avec la Commission des jeux de hasard.

L'UPAP déplore que le quota maximum d'agences et, surtout, le critère de distance de 1 000 mètres prévu dans la législation actuelle aient été gommés dans le projet de loi approuvé par la Chambre. Ce dernier critère a pourtant prouvé pendant des décennies son objectivité et son efficacité en termes de canalisation et de contrôle.

Encore le week-end dernier, un article de presse se faisait écho de la pertinence d'un tel critère aux yeux des pouvoirs locaux.

M. Dhooghe plaide auprès du législateur pour qu'il réintroduise ces critères formellement dans la loi ou, à défaut, dans les arrêtés d'exécution.

B. Exposé de M. Philippe Casier, président de la Koninklijke Waregemse Koersvereniging, vice-président de la Fédération belge des courses hippiques ASBL et président de la Vlaamse federatie voor Paardenwedrennen VZW, et de M. Jean-Pierre Kratzer, vice-président de l'Union européenne du trot (UET) et président de la Fédération suisse des Courses (FSC).

1. Exposé de M. Casier

M. Casier souligne que le secteur des courses hippiques souffre d'un déficit d'image, notamment en raison du fait que le sport hippique est lié aux paris. Il rappelle que les paris hippiques sont canalisés par un système de licence. Le sort des paris et des courses hippiques sont intimement liés et le recul des uns a un effet direct sur les activités des autres et vice-versa.

Les paris mutuels sur les courses belges, qui étaient distribués en librairie, représentaient sur une base annuelle un chiffre d'affaires de 200 millions d'euros il y vingt ans. Ce chiffre d'affaires n'est plus que de 2 millions d'euros à l'heure actuelle, soit 1 % du chiffre d'affaire que l'on réalisait il y a vingt ans. Cela a un effet direct sur le financement des courses qui s'est réduit comme peau de chagrin. C'est la raison pour laquelle le secteur demande que ces produits puissent à nouveau être commercialisés en librairie, dans l'espoir de récupérer une partie du chiffre d'affaires d'antan.

Contrairement aux autres sports pour lesquels les fédérations jouissent de droits de télévision, ce n'est pas le cas pour le sport hippique. 65 % du financement des courses hippiques en Europe provient des paris.

L'intervenant souligne que le secteur des courses hippiques est obligé d'offrir des paris pour financer son sport. La base de l'activité est en réalité plus agricole. C'est de l'élevage de chevaux.

M. Casier pense que le pari est une façon démocratique d'être propriétaire d'un cheval. Le parieur peut se constituer « son » écurie de courses et suivre « ses » chevaux favoris. Grâce à son pari, il est plus impliqué dans son sport et il se sent propriétaire pour une petite somme.

La situation des hippodromes en Belgique est dramatique. Celui de Ghlin ne parvient à survivre que grâce aux subventions de la Région wallonne. En Région flamande, le décret du 26 mars 2004 portant des mesures de redressement au profit des courses de chevaux flamandes a été partiellement annulé par la Cour d'arbitrage, ce qui laisse le secteur dans l'incertitude. Enfin, en Région bruxelloise, l'hippodrome de Boisfort ne peut être relancé faute de financement.

Il est complètement faux de dire qu'il n'existe pas de différence entre le bookmaking et les paris mutuels. Le bookmaking est un système anglo-saxon qui comporte des risques et qui est géré par des sociétés étrangères cotées en bourse, recherchant leur propre bénéfice. Il s'agit en outre d'un produit d'appel pour d'autres paris, qui ne donne pas lieu au versement d'une contribution en faveur du sport concerné. Les agences de paris sont donc interdites dans la plupart des pays. En Belgique, 80 % des paris sont des paris mutuels sans risque pour l'opérateur, qui sont basés sur une répartition des gains, comme pour le Lotto, et qui sont gérés par le secteur de manière à garantir la qualité. Ces paris sont engagés dans des points de vente conviviaux et contribuent à soutenir le secteur. Il y a donc une différence fondamentale. Les paris mutuels sont des paris ouverts, uniquement sur les vainqueurs, sans avantage pour les opérateurs et intégrés dans une grande masse commune; ils représentent dès lors un jeu raisonnable. L'intervenant plaide en faveur d'une seule grande masse commune internationale dont le financement profiterait au secteur, ce qui entraînerait une diversification des sports concernés et une démocratisation.

En Belgique, des paris mutuels peuvent être pris sur les courses belges, mais pas sur les courses étrangères. Cela s'explique pour des raisons historiques puisque la Belgique applique un système de dérogation. Les courses belges étaient auparavant attractives et il n'était techniquement pas possible de faire des masses communes avec des courses étrangères. On n'a dès lors jamais trouvé nécessaire d'autoriser les paris mutuels sur les courses étrangères. Cette option doit cependant être revue en raison du déclin des courses belges.

Pour sauver le secteur hippique belge, M. Casier propose de s'inspirer de l'expérience suisse telle qu'elle sera décrite par M. Kratzer.

2. Exposé M. Jean-Pierre Kratzer, vice-président de l'Union européenne du trot (UET) et président de la Fédération suisse des Courses (FSC),

M. Kratzer fait remarquer que la Suisse est, comme la Belgique, un petit pays où la population n'atteint pas un seuil suffisant pour permettre le développement d'une industrie hippique et d'offrir des paris journaliers.

Jusqu'en 1988, seuls existaient les paris sur les courses suisses mais ils n'étaient pas rentables. Il n'existe que deux pays européens qui sont capables d'offrir des courses hippiques quotidiennes de qualité: la France et la Suède. L'idée a été d'offrir en Suisse le même produit que celui qui était proposé en France au travers du PMU en créant une masse commune.

Il a fallu choisir entre le pari mutuel ou le pari à la cote. Ces deux techniques de paris sont fondamentalement différentes. Le pari mutuel oblige l'opérateur à prélever sa marge et la masse est ensuite distribuée. Le joueur joue contre le joueur. Dans le pari à la cote, l'opérateur joue contre le joueur et il est libre de fixer son prix.

En Suisse, le pari à la cote est interdit.

Le monde des courses hippiques en Europe traverse une période difficile. Force est cependant de constater que dans les pays où le monopole du pari mutuel a été aboli, la crise du monde hippique tant pour ce qui concerne les courses que l'élevage, est profonde. C'est le cas de pays tels que l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas. Par contre, dans les pays où l'on a conservé le pari mutuel sous forme de jeu responsable et contrôlé, les courses sont florissantes. C'est le cas de la France, de la Suède, de la Norvège, de la Finlande, etc. C'est également le cas en Suisse romande qui a opté pour le pari mutuel sur les courses françaises. Par contre, la Suisse alémanique n'a pas opté pour cette formule et le secteur hippique y est en difficulté.

Le système de la masse commune consiste à prendre des enjeux dans deux pays. Le revenu brut des jeux, c'est à dire la part qui n'est pas redistribuée aux joueurs, est identique dans les deux pays et chaque pays applique sa loi fiscale et sa redistribution. La masse commune fonctionne en Suisse romande avec le PMU français. Un système de masse commune existe également entre la Suède et la Norvège, entre la Norvège et la Finlande, entre la Finlande et la Suède. Ces quatre pays travaillent en masse commune sur des paris mutuels.

En Suisse romande, la distribution des paris se fait dans les kiosques. Pour une population d'1,5 million d'habitants, la Suisse romande dispose d'un réseau de 160 points de vente. L'opérateur est la Loterie romande. Cet opérateur dispose d'un réseau de 1 800 points de vente pour ses autres produits. Le nombre de points de vente qui proposent des paris mutuels est beaucoup plus réduit.

L'idée de créer des agences spécifiques pour le jeu n'a pas été retenue. On a estimé que la création d'un endroit « pour » jouer, où tous les jeux seraient offerts, était de nature à encourager le jeu sur d'autres produits (effet accélérateur). Le pari hippique est un acte qui demande une analyse de la course, des chevaux, des drivers ou des jockeys. Le joueur prépare son ticket à la maison et va ensuite le porter au kiosque. C'est un acte réfléchi. L'intéressé ne se trouve pas dans un contexte de jeu.

M. Kratzer explique ensuite le principe du retour à la filière qui caractérise les paris mutuels. Le spectacle des courses et le pari hippique servent à rémunérer la filière des courses. Le retour qui est fait sur le chiffre d'affaires va pour partie à la Suisse et pour partie en France.

En France, une loi sur l'ouverture des marchés est en discussion. Il ne fait cependant aucun doute que le pari à la cote pour les courses hippiques restera interdit et que le principe du retour à la filière sera inscrit dans la loi.

L'Union européenne de trot (UET) plaide d'ailleurs auprès du PMU français et de l'opérateur suédois ATG afin qu'ils n'offrent des courses dans les pays en difficulté qu'à des opérateurs qui s'engagent à retourner à la filière locale un revenu sur les courses.

M. Kratzer souligne que le système de pari mutuel et le retour à la filière qu'il prévoit bénéficie à l'ensemble de l'activité hippique. Or, le cheval joue un rôle social, bien au delà des courses hippiques, et il existe des possibilités de développer ces activités.

Conclusions

M. Casier précise que les organisations qu'il représente sont très favorables au projet de loi à l'examen. Elles sont favorables au rôle que doit jouer la Commission des jeux de hasard et au contrôle qu'elle exerce sur le secteur.

L'intervenant demande que l'on permette à nouveau, comme cela se faisait dans le passé, de prendre des paris sur des courses étrangères dans les librairies. Pour le pari mutuel, il faut pouvoir atteindre une masse critique, ce qui justifie que l'on donne le monopole de ces paris aux sociétés de courses. Si l'on multiplie les masses, cela réduit la qualité du jeu. Il appartient au législateur de décider si une concurrence avec les agences hippiques doit être prévue. Cette option n'est pas celle retenue dans de nombreux pays.

Si le législateur opte pour un système de concurrence entre les paris mutuels et les paris à la cote, il faut dans ce cas veiller à ce que tous les acteurs contribuent à la filière hippique. Il faut que le Roi fixe des conditions égales pour les différents acteurs.

Le monopole attribué en France au secteur des courses hippiques pour le pari mutuel n'a fait l'objet d'aucune critique de la Commission européenne. Pour le pari à la cote, il n'y a pas de monopole possible. M. Casier fait cependant remarquer qu'en pratique, en Belgique, il n'y a plus qu'un seul opérateur pour les paris hippiques à la cote.

C. Exposé de M. Jacques Pijpen, avocat, expert en courses hippiques

L'intervenant indique que cela fait déjà plusieurs années qu'il est un auditeur attentif au sein des différents groupes de travail, l'un plus efficace que l'autre, qu'il se tient au courant des assemblées constitutives de fédérations et qu'il suit également les discussions interminables entre les bookmakers et les organisateurs de paris mutuels.

Depuis le début des années '70, il a toujours observé que la quasi-totalité des acteurs du secteur, y compris les organisateurs de courses hippiques, avaient l'esprit de clocher. L'intérêt général des courses hippiques, qui pouvait profiter à tout le monde, n'entrait jamais en ligne de compte. À l'époque où les courses hippiques se portaient bien, les moyens financiers étaient plus que suffisants et les recettes fiscales étaient à l'avenant, en dépit de la politique menée ou de son absence. Tout le monde était donc content.

Durant toute cette période, il est significatif par exemple que des bookmakers travaillaient au noir juste à la sortie des hippodromes et que cette pratique était même tolérée car son impact était marginal. Le PMU belge prospéra à partir des années '80, mais il n'eut jamais beaucoup d'influence, car les différentes sociétés de courses qui en composaient le conseil d'administration essayaient chacune de faire entrer un maximum d'argent dans leur propre caisse, là encore sans se soucier d'un quelconque intérêt général ou d'une vision plus globale.

Lorsque le Lotto fut créé, certains pays ont immédiatement réagi au niveau fiscal et sur le plan du marketing. Ils en retirent encore les fruits aujourd'hui. En Belgique, nous n'avons rien fait d'autre que de regarder avec résignation plusieurs compagnies devenir exsangues et être mises en liquidation. Il n'est plus nécessaire de décrire le cercle vicieux dans lequel nos courses sont entrées.

L'intervenant se permet de se mettre à la place du joueur moyen, bien qu'il affirme que le jeu est pratiquement le seul vice qu'il n'ait pas. Pourquoi le joueur moyen ne mise-t-il plus sur les courses de chevaux ?

Le spectacle présenté actuellement sur les pistes est tout sauf chatoyant, car la qualité fait défaut. Pourtant, à la base, parier sur les courses hippiques est une activité particulièrement amusante, car c'est la seule manière de commettre, en quelque sorte, un délit d'initié en toute légalité. Toutefois, en raison du manque criant de vedettes, tant pour les jockeys que pour les chevaux, il devient extrêmement compliqué de faire un pronostic sérieux. Dans le milieu, on parle aujourd'hui de courses de seconde zone dont le déroulement est aussi imprévisible qu'un tirage du Lotto, ce qui ne plaît évidemment pas aux joueurs. Ils veulent en effet pouvoir analyser les chevaux participants en fonction de leurs résultats antérieurs et contrôler ainsi leurs mises.

Il est logique qu'il n'y ait plus de vedettes: pourquoi élever encore des poulains d'un pedigree onéreux en étant pratiquement certain de ne jamais récupérer son investissement en Belgique.

Pour illustrer son propos, l'intervenant précise qu'un cheval à l'entraînement coûte en moyenne 1 000 euros par mois et qu'un cheval de course rapporte en moyenne 1 289 euros par an en Belgique.

La question est de savoir comment permettre à nos régions et à l'État fédéral de générer des recettes fiscales convenables sans devoir d'abord effectivement injecter de l'argent dans le secteur.

La réponse se trouve naturellement dans les paris. Il faut permettre aux joueurs de miser leur argent en toute transparence — un objectif dans le cadre duquel la Commission des jeux de hasard peut jouer un rôle de premier plan — dans une organisation taxée d'une manière plus raisonnable, ce qui aurait d'ailleurs un impact direct sur les paris illégaux. Une partie appréciable de la marge serait ensuite reversée au secteur qui pourrait alors proposer un produit de jeu attractif.

Il existe encore actuellement des tensions entre les agences de bookmaking privées et les organisateurs de paris mutuels, dont certains sont entrés dans la zone grise. L'intervenant est cependant persuadé qu'ils peuvent continuer à cohabiter à condition d'harmoniser leurs droits et obligations.

L'intervenant déclare que ses connaissances en informatique ne lui permettent pas d'imaginer vraiment une solution au problème des paris effectués sur nos courses via Internet par l'intermédiaire d'organisateurs installés dans des paradis fiscaux, qui commettent littéralement des vols au grand jour sans être présents « physiquement » chez nous. Des spécialistes affirment cependant qu'il est possible de régler également ce problème.

Il faut aussi pouvoir définir un cadre légal pour cette pratique. Dans ce domaine, l'arrêt rendu le 8 septembre dernier par la Cour de justice européenne dans l'affaire opposant la fédération portugaise de football et Bwin à Santa Casa constitue déjà un signe positif. Il est donc bel et bien possible d'interdire les jeux de hasard par Internet sur le territoire d'un État membre.

Par ailleurs, il était aussi possible auparavant de jouer au PMU belge chez certains marchands de journaux. Cela se faisait dans un petit local isolé et peu convivial dans lequel les joueurs étaient presque gênés de se rendre. Dans la pratique, les gens restaient dans le magasin pour jouer 20 euros au Lotto au vu et au su de tout le monde, avant de remonter leur col pour aller miser, à la sauvette, 50 malheureux cents sur les courses de chevaux. Cette situation doit également changer, car le secteur a encore contribué de la sorte à marginaliser le sport hippique. De nombreuses agences hippiques ont aussi beaucoup de choses à améliorer pour sortir leur environnement de la marginalité. À cet égard, l'intervenant pense que le contrôle social existant chez les marchands de journaux jouera également son rôle et que les risques de dépendance au jeu y seront extrêmement faibles.

Coopération avec la France

Par analogie avec ce qui a été réalisé en Suisse romande, une collaboration avec la France constitue assurément une piste à examiner pour le secteur hippique dans notre pays. Pareille coopération pourrait insuffler au secteur l'oxygène dont il a besoin. En effet, à peine 300 poulains trotteurs sont nés cette année en Belgique. Comment faire, dans ces conditions, pour organiser des courses convenables dans trois ou quatre ans ? En collaborant avec le pays voisin qui est le plus réputé pour les courses hippiques en Europe, on saisirait l'opportunité de créer une situation « win-win » intéressante. Sans vouloir en faire la publicité, on peut affirmer que le jeu Euromillions a prouvé que des masses plus importantes pouvaient parfois procurer des gains très élevés, ce qui est également un aspect important pour le joueur moyen. Ce serait une bonne chose d'en finir immédiatement avec cet esprit de clocher et d'avoir accès à de nombreuses expertises intéressantes au niveau international. L'intervenant pense aussi qu'il serait judicieux de pouvoir éventuellement organiser des courses dans notre pays à un moment où nos voisins de l'Hexagone ne peuvent pas proposer de produits aux joueurs.

En outre, il faut maintenir le rêve que constitue la possibilité de remporter un gros gain. Dans les pays scandinaves, il existe par exemple des produits de jeu à l'intérieur ou hors du champ de courses, comme les « golden » ou « super six », qui consistent à pronostiquer tous les vainqueurs d'une journée de courses complète.

Les probabilités de gain sont bien entendu très faibles, mais la cagnotte peut prendre des proportions gigantesques, car les montants non gagnés sont toujours reportés. Des initiatives de ce type sont parfois tentées aussi sur nos pistes, mais elles sont complètement inconnues du grand public.

En attendant que les plans de relance soient mis en œuvre — et ma nature optimiste me dit qu'ils le seront — nous devons éviter de laisser disparaître encore d'autres hippodromes. Chacun avec ses caractéristiques spécifiques, ils constituent en fin de compte le moteur de l'événement sportif que représente une course hippique. Il serait dès lors regrettable que des sites comme Boitsfort, dans le quartier européen, Groenendaal et Tongres suivent la même voie que Sterrebeek. Si nous laissons le champ libre aux promoteurs et aux groupes d'action, les fondements de nos paris disparaîtront. C'est là également un aspect auquel la classe politique doit être particulièrement attentive.

D. Échange de vues

On n'a pas voulu aller plus loin sans connaître la décision du législateur en la matière. Si ce dernier donne l'autorisation nécessaire, des mesures seront prises, mais de façon très progressive.

M. Mahoux croit savoir qu'en ce qui concerne les paris à la cote, il y aurait pratiquement une exclusivité de fait. Le marché se serait tellement concentré que la diversité des opérateurs serait devenue une fiction. Il s'agirait donc d'une fausse ouverture. L'orateur cite, à titre de comparaison, le cas de Stockholm, où il existe un seul grand casino, géré par l'État suédois en toute transparence, avec un profit automatique pour les fonds publics.

Quel est par ailleurs l'argument exact qui ferait que les paris à la cote ne pourraient pas se faire dans les librairies dès lors que certains souhaitent une large ouverture ? Qu'est-ce qui empêche de faire un pas supplémentaire, surtout s'il existe une quasi-exclusivité en la matière ?

M. Kratzer a déclaré qu'en France, en Suède et en Suisse romande, la situation des courses hippiques est assez bonne. Quels sont les paramètres qui déterminent que le système fonctionne bien ? Par rapport à un libéralisme généralisé, il serait interpellant de constater que le système fonctionne très bien lorsqu'il y a monopole.

M. Dhooghe répond que le seul monopole de fait existant en Belgique en matière de paris est celui des courses belges, puisque ce sont les sociétés de courses belges qui ont le droit exclusif d'organiser des paris sur leurs propres courses, que ce soit sur hippodrome ou en dehors de celui-ci. Pour ce faire, ils ont mandaté, en 1974, le PMU belge, qui est une émanation commerciale des sociétés de courses, pour accepter des paris en dehors de l'hippodrome. Le PMU dispose donc, ou disposait jusqu'il y a peu, d'un monopole de fait. Depuis quelques années, la situation a changé. Le PMU a, avec l'accord des sociétés de courses qui sont les administrateurs de cette organisation, repris en partie la société Tiercé franco-belge, second plus grand opérateur sur le territoire belge, et s'est ainsi aventuré dans les agences de paris. Malheureusement, cette société, qui était saine, a fait faillite l'année dernière, en raison de la taxation qui frappe cette activité, mais aussi parce qu'elle a été gérée comme le PMU, c'est-à-dire de manière très légère. Aujourd'hui, le PMU belge est d'ailleurs en faillite virtuelle et ne produit ni chiffre d'affaires, ni retour à la filière.

En ce qui concerne le segment du marché de l'UPAP, il est exact que, voici une dizaine d'années, il y avait une trentaine d'opérateurs sur le marché. Lorsqu'il a été question de l'ouverture des paris en Europe, la plupart de ces sociétés se sont fait racheter par des groupes plus importants. Aujourd'hui, il subsiste deux sociétés sur le marché, et sans doute y a-t-il une position un peu plus dominante dans le chef de l'une d'elles (Ladbrokes). Mais, sur le plan légal, la porte est ouverte à d'autres opérateurs éventuels, moyennant le respect de certains éléments contraignants. Cela suppose toutefois d'importants investissements et un certain savoir-faire. Il s'agit d'un métier dur, dans un marché complètement déséquilibré par une concurrence provenant principalement des paris sportifs, où les taxes ne sont pas payées en Belgique, où les opérateurs se succèdent... C'est cela qui devrait être régulé, au lieu d'opposer le pari à la cote et le pari mutuel. Contrairement à ce que l'on dit, dans le pari à la cote, ce n'est pas l'opérateur qui joue contre le joueur, mais c'est l'inverse. Il s'agit d'une nuance de taille.

Le pari mutuel a ses vertus. Mais que l'on ne parle pas d'Euromillions, car il s'agit là de jeux de hasard, alors que l'on souligne par ailleurs que les courses supposent une certaine connaissance. Compliquer les formules mathématiques pour offrir des gains fait que l'on s'éloigne du souci hippique et que l'on se dirige vers le jeu de hasard pur et simple. Si le législateur veut ouvrir le marché belge et le réseau des librairies aux paris mutuels, il n'y a aucune raison que le pari à la cote soit exclu. Sinon, que l'on ne parle plus alors d'une politique de canalisation, ni de la protection du consommateur, mais de protection des sociétés de courses et du cheval.

Mais on s'éloigne alors des objectifs qui ont toujours prévalu depuis dix ans. Il y a dix ans, on débattait déjà, en commission de la Justice, d'une loi similaire. Il avait été dit qu'il était impossible d'étendre la loi sur les jeux de hasard aux paris, en raison des problèmes de fraude dans les courses belges. Aujourd'hui, on inverse totalement la logique, en voulant adapter la loi à ce secteur et en lui créant un régime sur mesure. Cela ne pose pas de problème, pour autant toutefois que cela se fasse sans discrimination. Il existe un risque, si le texte demeure inchangé, qu'il fasse l'objet d'une annulation au moins partielle par la Cour constitutionnelle.

L'orateur rappelle les débats qui ont eu lieu en 2002 devant le Parlement flamand, et à l'occasion desquels on a réalisé un screening du secteur hippique, des agences de paris et du PMU. Ces débats, très longs et très fouillés, avaient abouti à un décret flamand assez équilibré, sous réserve de deux points inacceptables qui, en raison de l'urgence, n'ont pas été modifiés. Ce décret est aujourd'hui lettre morte, ce qui est regrettable pour les opérateurs d'agences de paris, pour les sociétés de courses et pour le PMU belge.

C'est pourquoi l'orateur insiste sur l'importance de la loi en projet. Le contrôle et la canalisation sont importants. On peut agir rapidement, mais il faut une solution équilibrée.

À la question de savoir pourquoi le système fonctionne bien en Suisse romande, M. Kratzer répond que l'actionnaire du pari mutuel, ce sont toujours les courses. Le résultat final va aux courses.

Le pari mutuel a été organisé pour financer les courses elles-mêmes.

En France, le PMU fait 9 milliards d'euros de chiffre d'affaires, et le bénéfice qui va aux courses est de 750 millions d'euros. En Angleterre, le chiffre d'affaires réalisé par les bookmakers est de 17 milliards, et le retour dans un pot commun est de 100 millions seulement. En Suède, en Norvège et en Finlande, le résultat est de l'ordre de 7 à 10 %. Combien Ladbrokes remet-il aux sociétés de courses belges ? Cette société va chercher à rapporter de l'argent à ses actionnaires, et ceux-ci ne sont pas les (sociétés de) courses.

En ce qui concerne la référence à Euromillions, l'orateur l'a faite uniquement pour expliquer le principe de la masse commune. En Belgique, il ne pourrait pas y avoir un seul gagnant pour 100 millions d'euros. Le principe de la masse commune est appliqué dans les courses parce que les sociétés de courses françaises sont en mesure d'offrir ce produit. Aujourd'hui, les bookmakers ont des accords avec les sociétés de courses françaises. Il n'est pas certain que la situation reste inchangée à l'avenir. Il faudra pour cela qu'il y ait un retour à la filière, et que les petits pays soient ainsi coactionnaires du PMU.

M. Casier ajoute que, lorsque le précédent orateur parle des « courses », il s'agit de tout le secteur. En effet, les courses supposent des prix, qui vont aux chevaux, donc à l'élevage, et à toute la filière.

Quant aux opérateurs, s'il est vrai qu'il y en a deux, l'un des deux dispose de 99 %, ce qui lui confère un monopole de fait. Dans le système proposé par l'orateur, il y aura deux opérateurs: les sociétés de courses avec leurs paris mutuels dans les librairies, et les sociétés à profit et à actionnariat, cotées en bourse, qui auront le secteur des agences hippiques, avec les courses et d'autres produits, et pour lesquels on demande une rétribution. Il y a donc deux systèmes en concurrence, et non deux opérateurs en concurrence.

À propos des paris dans les librairies, M. Monfils souligne que, si l'on s'engage dans cette voie, il n'existe qu'une seule possibilité: conclure des accords avec le Lotto. En effet, à l'heure actuelle déjà, il n'y a aucune librairie qui ne réclame la possibilité d'avoir le Lotto, lequel est d'ailleurs soumis à des conditions financières et de fréquentation. Les librairies qui ne l'ont pas sont de petites librairies, où l'on ne voit pas comment installer un quelconque système de paris.

Cependant, il n'est pas certain que la Loterie ne craindrait pas de perdre des clients au profit des courses de chevaux.

L'orateur aimerait savoir s'il existe d'autres possibilités qu'un tel accord avec la Loterie.

M. Casier répond qu'un accord avec la Loterie serait effectivement une excellente piste. Selon le projet de loi, la Commission des jeux est également compétente pour l'activité de paris qu'aurait la Loterie, même s'il n'y a guère d'habitude en ce sens aujourd'hui. La Loterie serait un excellent partenaire, comme elle l'est d'ailleurs en Suisse romande.

M. Coveliers se dit quelque peu surpris par l'excès de régulation qui prévaut dans le secteur. Chaque jour, l'on nous vante sur Internet des soi-disant profits enregistrés dans différents pays et si nous nous laissons tenter, la police fédérale nous envoie aussitôt un courrier électronique. L'on va donc s'efforcer de réguler les jeux de hasard. Le projet part du principe que l'exploitation de jeux de hasard est a priori interdite. Il convient peut-être de se demander s'il est vraiment nécessaire d'aller dans ce sens. En effet, il faut savoir que dans la société actuelle, l'on ne parviendra jamais à faire respecter une interdiction totale. Tout le monde sait aussi qu'une interdiction irréaliste produit l'effet contraire. Auparavant, l'on disait que cela avait même un effet « criminogène ». L'intervenant en veut pour preuve l'interdiction de fumer. On part donc d'une interdiction générale, tout en précisant que des dérogations pourront être accordées par le biais d'un système de licences dont l'attribution relève de la compétence de la Commission des jeux de hasard. Mais est-ce la bonne solution ? Dans la mesure où il est de toute façon possible d'organiser des jeux de hasard dans le monde entier, l'on peut s'interroger sur la pertinence d'une interdiction. Ne faudrait-il pas plutôt assigner un rôle de contrôle à la Commission des jeux de hasard, qui vérifierait si le jeu litigieux est organisé honnêtement ? Dans ce cas, la Commission des jeux de hasard aurait plutôt pour mission de protéger la personne qui conclut un contrat d'adhésion. L'intervenant est d'avis que ce point mérite réflexion. L'aspect « rêve » a effectivement son importance.

Enfin, l'intervenant estime qu'il vaudrait mieux fédéraliser cette matière, comme c'est le cas en Suisse.

M. Kratzer répond qu'en Suisse, il existe une loi fédérale qui fixe le cadre. En ce qui concerne les jeux de loterie, ils sont de la compétence des cantons. Les cantons romands se sont regroupés autour de la Loterie romande, et les cantons alémaniques autour de Swislos. Il existe une étroite coordination entre les deux sociétés de loterie.

Il y a vingt-deux ans, lorsque l'orateur a eu l'idée de travailler avec les sociétés de courses françaises et de créer le PMU, ses collègues de Suisse alémanique ne l'ont pas suivi, pensant qu'un jour, il y aurait plus de possibilités avec les bookmakers.

La loi suisse est assez stricte, car Internet est un instrument que l'on ne maîtrise pas. On lutte contre les opérateurs — en particulier pour les paris à la cote — qui choisissent des pays comme Gibraltar ou Malte pour y fixer leur siège et offrir des paris sur les mêmes produits sans payer d'impôt et en échappant à toute législation au niveau national.

M. Coveliers fait remarquer que Malte et Chypre sont membres de l'Union européenne.

M. Vankrunkelsven renvoie à l'exposé de M. Dhooghe, qui a déclaré que le secteur des agences de paris est prêt à rétrocéder une partie des recettes aux courses hippiques. Cette proposition généreuse n'arrive-t-elle pas trop tard, dès lors que le secteur des courses hippiques est déjà en crise ?

M. Dhooghe estime que l'on ne peut nullement parler de proposition tardive. Il a collaboré dès le départ avec le PMU belge en tant qu'agent principal des PMU et aujourd'hui encore, c'est lui qui vend le plus de paris pour le compte de la société de courses belge. Évidemment, le chiffre d'affaires a fortement baissé, étant donné que le produit est moins en vogue en raison d'un manque de qualité. Pourtant, dans les années '80, le chiffre d'affaires du PMU belge atteignait 6 milliards de francs. La perte ne s'explique pas uniquement par la concurrence du Lotto et d'autres jeux, mais aussi et surtout par le phénomène des paris frauduleux et par la situation du secteur des courses. De plus, il y a en Belgique un problème de pluralité de compétences entre l'État fédéral, d'une part, et les Régions, d'autre part. La taxation est une compétence régionale et elle est actuellement excessive. Une diminution de la taxation ferait augmenter le chiffre d'affaires, comme ce fut le cas en France, où la taxation a été ramenée de 12,4 à 7,5 %, ou en Angleterre et en Irlande, où la taxation est appliquée à la marge brute. Il est donc proposé aux Régions de diminuer la taxation et de prévoir des retombées pour les sociétés de courses, et ce non seulement pour les paris sur les courses hippiques mais aussi sur d'autres sports. Il faut en effet se donner les moyens de réinvestir dans les jeux. Si demain, l'on ne parvient pas à rétrocéder davantage au client et à mieux rétribuer les commissionnaires et le personnel, le marché s'effondrera. Il en va de même pour les librairies. En France, par exemple, le PMU paye aux agences une commission qui varie de 1,5 % à 2 %. En Belgique, cette commission s'élève au moins à 7 %, hors TVA. La taxation élevée affecte la rentabilité des paris sur les courses françaises. Si demain, le PMU français se tourne vers le marché belge, il voudra également travailler avec des exploitants professionnels.

En réponse à Mme Crombé-Berton, l'orateur déclare que les sociétés de courses travaillent avec le PMU français et deviennent, comme en Suisse romande, un agent pour celui-ci, avec des accords bilatéraux qui semblent satisfaisants dans ce pays. Mais il faut tenir compte de la réalité de notre marché. En Belgique, il existe une taxation excessive (15 % ou 11 % en Région wallonne sur le chiffre d'affaires). La marge brute moyenne du PMU français est d'environ 26 %. Il faut en déduire la taxe (12 % en moyenne en Belgique), les 7 % dus au PMU français. Le reste doit servir à payer le réseau de distribution. Actuellement, plus aucune librairie n'accepte de signer un contrat à moins de 7 % plus TVA sur les jeux et paris. D'autres opérateurs de paris sportifs offrent bien plus. Après paiement de tous ces postes, soit on conserve un petit excédent, soit on est en perte.

M. Delpérée se demande, en entendant la discussion, si la Commission ne devrait pas disposer d'un tableau économique et financier indiquant quelle est la part qui va au joueur, aux hippodromes, aux entreprises comme le PMU, à l'élevage, au sport hippique, à l'État fédéral, aux libraires, ce qui ira demain aux libraires, etc.

M. Kratzer indique qu'en Suisse, sur la marge brute, qui est de l'ordre de 26 ou 27 %, les cantons prélèvent une taxe annuelle d'environ 10 à 12 %. Les courses suisses reçoivent environ 3 % du chiffre d'affaires. Dans le coût même de distribution, on verse environ 6 % aux courses françaises. Il y a donc l'espace nécessaire pour rémunérer l'ensemble.

Il s'agit, dans chaque pays, d'étudier la situation. Il est possible que si, dans un pays déterminé, la charge fiscale est trop importante, elle empêche le jeu. C'est à examiner au cas par cas.

Dans les pays scandinaves, entre le PMU et la Suisse ou l'Italie, chacun des opérateurs y trouve son compte, et les sociétés de courses reçoivent un certain montant.

L'orateur pense qu'il existe également des possibilités en Belgique sur ce modèle, y compris avec le PMU français.

E. Exposé de M. Willemen, Centrum voor Alcohol en andere Drugproblemen (CAD Limburg VZW)

Ainsi que Mme Crombé-Berton l'indique dans l'introduction à sa proposition de loi, nombre de jeux de hasard modernes présentent des risques pour le joueur, et la dépendance au jeu peut causer d'énormes problèmes à l'intéressé et à son entourage. Il est bon, dès lors, que tous les jeux de hasard relèvent d'une seule Commission compétente dans le cadre d'une politique cohérente en la matière.

Le législateur refuse, à juste titre, de considérer l'industrie du jeu comme un secteur économique parmi d'autres. La loi sur les jeux de hasard a ainsi été examinée en détail, ici même, en 1998. Dix ans plus tard, nous en savons beaucoup plus sur la dépendance au jeu et nous pouvons également évaluer cette loi.

À ce propos, un lapsus freudien révélateur à la page 3 de la proposition de loi a frappé l'intervenant: « Conscient de la double nécessité de préserver le développement du secteur du jeu et d'en neutraliser les effets déstructurants, le législateur a adopté en 1999 un mode de régulation en forme de compromis. »

Cela fait immédiatement penser à l'instauration d'un pourcentage légal de redistribution minimal pour les jeux de hasard électroniques, en tant que « mesure de protection pour le joueur ». En tant que consommateur, le joueur en a peut-être pour son argent (gains fréquents), mais en tant que joueur, il croit à tort qu'il peut en retirer quelque chose, ce qui favorise précisément la dépendance, alors que l'industrie du jeu de hasard s'octroie des marges bénéficiaires beaucoup plus importantes. L'intervenant concède que des jeux de hasard auxquels le joueur gagne moins fréquemment ne donneront pas de faux espoirs de gain à ce dernier. Une perspective illusoire de gains est l'une des principales motivations du joueur dépendant à persévérer.

Récemment encore, l'appel lancé par l'administration communale de Beringen pour que l'on donne une suite concrète aux avis négatifs concernant les appareils de bingo dans les zones d'habitation fortement précarisées a illustré les lacunes de cette loi fédérale en matière de protection des joueurs vulnérables. Il convient toutefois de signaler que la loi de 1999 prévoit bel et bien des mesures de protection, comme l'EPIS par exemple.

Attaché au CAD Limburg VZW, Centra voor Alcohol- en Drugproblemen (qui a un contrat de collaboration avec la Vereniging Geestelijke Gezondheidszorg) en tant que travailleur social, l'intervenant y accompagne des personnes dépendantes du jeu dans leur processus de désaccoutumance. Au fil des années, cette ASBL s'est pleinement consacrée à la problématique des jeux de hasard, ce qui lui a permis de prendre conscience de l'importance qu'une législation peut avoir dans le cadre d'un problème de société d'une telle complexité.

Il s'agit d'une thématique dont il ne faut certainement pas sous-estimer l'impact social. À cet égard, nous ne songeons pas uniquement à l'importance économique de l'industrie du jeu. Actuellement, les jeux de hasard sont un problème pour quelque 100 000 Belges. Le fait que près de 10 000 personnes se soient déjà inscrites volontairement sur la liste d'exclusion de la Commission des jeux de hasard (casinos et salles de jeux automatiques) prouve également à quel point les joueurs problématiques sont nombreux. Le nombre de personnes qui entreprennent cette démarche augmente tous les ans; elles étaient 2 837 l'an dernier.

Au sein de son service également, l'intervenant assiste à une augmentation du nombre de demandes d'aide émanant de personnes confrontées à un problème de dépendance au jeu. Il y en a déjà eu 80 pour cette année, soit plus que pour l'ensemble de l'année passée. L'on retrouve la plupart des dépendants au jeu devant les appareils de bingo des cafés, dans les salles de jeux automatiques, dans les casinos, dans les agences de paris et sur l'Internet. Nous sommes convaincus qu'à l'heure actuelle, la majorité des recettes concernant les classes I, II et III proviennent de personnes dépendantes au jeu. L'âge minimum serait abaissé de 21 à 18 ans alors même qu'il est établi qu'une limitation à 1000 agences de paris fixes et à 60 agences mobiles vise surtout à protéger les joueurs compulsifs et les jeunes joueurs.

En tant que délégué du CAD, l'intervenant n'ira pas jusqu'à dire que l'activité qui consiste à parier est mauvaise en soi. Il estime en effet que le jeu donne à l'être humain la possibilité de rêver. C'est ainsi que chaque semaine, des millions de Belges misent un petit montant au lotto et s'achètent une petite part de rêve, tout en étant suffisamment conscients qu'ils ont très peu de chances de remporter une grosse somme. Le fait que la Loterie nationale offre cette possibilité à ceux qui veulent jouer est une bonne chose. Canaliser l'envie de jouer vers des jeux sûrs est donc l'un des objectifs de la Loterie nationale depuis sa création. Cela ne veut pas dire qu'il faut encourager la pratique du jeu dans notre société, la faire passer pour une activité normale et la promouvoir par une publicité incessante tendant à faire croire aux gens qu'ils peuvent engranger des gains facilement.

L'intervenant signale que récemment encore, un journaliste lui a téléphoné au sujet du nouveau billet à gratter « Poker ». Il déclare que le CAD ne voit aucune objection en soi à cette nouvelle forme de billet à gratter, mais qu'il n'est pas bon, socialement parlant, que la radio et la télévision fassent un tel matraquage publicitaire en faveur du produit « Poker », quand on sait que de plus en plus de jeunes se trouvent confrontés à des problèmes en s'adonnant au poker sur des sites Internet spécialisés.

Ce n'est pas le Belge qui remplit chaque semaine un bulletin du lotto qu'il faut protéger. Ceux qu'il faut protéger, ce sont ceux qui jouent pour fuir leurs problèmes, ceux qui jouent pour l'excitation que cela leur procure et ceux qui jouent en ayant la conviction qu'ils vont récupérer leur mise.

La dépendance au jeu d'une personne est fonction du nombre de facteurs de risque liés au triangle « Homme — Moyen — Environnement ».

On ne parviendra pas à infléchir directement les facteurs de risque inhérents à l'homme en promulguant une nouvelle loi. Par contre, une législation telle que celle qui existe sur les jeux de hasard est à même de peser un tant soit peu sur les éléments « Moyen — Environnement » et ce, par le biais de caractéristiques contextuelles et structurelles.

Du point de vue contextuel, la légalisation et l'accessibilité contribuent à accroître considérablement les risques de dépendance. Il y a suffisamment d'éléments qui prouvent l'existence d'un lien significatif entre une accessibilité accrue et une prévalence accrue des problèmes liés au jeu. Plus l'offre de jeux de hasard est grande, plus il y a de personnes dépendantes au jeu. C'est une question sur laquelle nous aimerions nous attarder ici, maintenant qu'il existe un projet prévoyant le transfert de la Commission des jeux de hasard du SPF Justice vers le Sénat.

D'un côté, on précise à la page 24 de la proposition de loi que les décisions relatives aux jeux de hasard et à la protection de la société dans ce domaine relèvent en grande partie de l'éthique et que le Sénat est le lieu par excellence où l'on peut débattre de ces questions.

D'un autre côté, on formule des propositions qui visent à légaliser davantage les jeux de hasard et ce, alors que la loi de 1999 accordait déjà au secteur du jeu une protection excessive par rapport à celle du joueur. Du point de vue social, on finit manifestement par trouver normal que des jeux de hasard très dangereux soient autorisés.

L'intervenant plaide pour l'instauration d'une interdiction des jeux de hasard dangereux mais certainement pas de tous les jeux de hasard. La limitation de l'offre, qu'il s'agisse d'alcool, de médicaments, de drogues illégales ou de jeux, est une composante essentielle d'une politique intégrée de lutte contre l'assuétude. La limitation de l'offre doit évidemment aller de pair avec une vaste campagne de sensibilisation et la mise en œuvre de mesures visant à accompagner/soutenir les personnes en difficulté (cf. tabac).

On a de plus en plus tendance à l'heure actuelle à envisager le jeu dans une perspective de santé publique. Plusieurs facteurs expliquent l'attrait grandissant du jeu parmi la population. Citons l'offre croissante de jeux de hasard, y compris de jeux présentant des risques élevés, l'apparition de nouvelles technologies et formes de jeu, l'accessibilité croissante des jeux de hasard pour les personnes défavorisées, notamment dans les quartiers très déshérités, la multiplication du nombre de personnes qui éprouvent des difficultés financières en raison de la crise et qui cherchent leur salut dans le jeu.

Il est évident que, du côté des pouvoirs publics, on souhaite que les jeux de hasard génèrent davantage de recettes. Mais il ne faut toutefois pas oublier que la dépendance au jeu est un problème qui est souvent occulté: rares sont les joueurs qui avouent être dépendants du jeu (aussi longtemps qu'ils jouent, ils sont persuadés qu'ils vont gagner à nouveau), l'entourage est souvent ignorant de la double vie que peut mener une personne qui s'adonne au jeu (qu'il s'agisse d'un conjoint, d'un enfant, d'un parent, etc.). Nombreuses aussi sont les personnes qui cherchent de l'aide pour cause de dépression et de pensées suicidaires et qui n'avouent pas à un médiateur que le jeu en est la cause. On peut donc dire qu'à l'instar du tabac, le jeu a un coût social (caché) particulièrement élevé et sans doute supérieur aux recettes qu'il génère.

Des statistiques montrent que la crise va inciter les gens à prendre encore plus de risques financiers en jouant. L'industrie du jeu est en plein essor et de plus en plus de gens ont un problème de jeu. L'argument de l'emploi n'est pas non plus approprié dans ce domaine, lorsque l'on compare le nombre d'emplois menacés avec le nombre de personnes qui ont un problème de jeu.

Si, dans cette matière éthique, une société décide d'autoriser les jeux de hasard, elle peut encore augmenter ou réduire les risques en adoptant des dispositions légales sur les éléments structurels. Les jeux les plus dangereux sont les jeux rapides qui permettent de faire immédiatement une nouvelle mise ou de continuer à jouer sans attendre et qui procurent régulièrement des gains. C'est d'autant plus le cas lorsqu'ils donnent au joueur l'impression de pouvoir influer sur les gains, par exemple à la roulette dans un casino, alors que chaque tour de jeu est indépendant du précédent.

C'est surtout le montant de la mise qui permet de déterminer si un joueur vulnérable rencontre ou non des problèmes (graves). À cet égard, il est préférable de limiter fortement les mises maximales. Pour réduire effectivement le risque, le législateur doit limiter réellement les mises maximales. Or, la proposition à l'examen ne contient pas de telles mesures structurelles susceptibles d'améliorer la protection. Les pertes maximales par heure prévues par la législation actuelle sont des moyennes qui ont été calculées de manière théorique et sur la base des mises les plus petites.

En réalité, la majorité des joueurs, surtout ceux qui développent ou qui ont déjà un problème de jeu, misent de grosses sommes et perdent ainsi, par heure, beaucoup plus que les 70 euros (dans un établissement de jeux de hasard de classe I), 25 euros (classe II) ou 12,50 euros (classes III et IV) autorisés.

L'intervenant déplore que l'âge minimal pour les licences A, A+, B, B+, F1, F1+, G1 et G2 soit fixé à 18 ans au lieu de 21 ans. Nous plaidons pour que l'âge minimal pour toutes les licences soit fixé à 21 ans. À 18 ans, le cerveau est loin d'être formé complètement, ce qui rend le joueur beaucoup plus vulnérable à la dépendance, celle-ci pouvant également prendre des formes beaucoup plus graves, qui compliquent la désaccoutumance par la suite.

D'un point de vue moral et dans un souci de coresponsabilité, il serait sans doute plus correct que les pouvoirs publics fournissent également de sérieux efforts au profit de la population et des services d'aide pour lutter préventivement et curativement contre la dépendance au jeu.

La dépendance au jeu présente une autre dynamique que l'alcoolisme et la toxicomanie, domaines dans lesquels l'entourage va beaucoup plus rapidement faire office d'incitateur externe à un changement de comportement. En ce qui concerne l'alcoolisme, un accident sous l'influence de l'alcool, un avertissement au travail ou une dispute avec un parent ou un partenaire va souvent constituer une motivation externe susceptible de déclencher une motivation interne. En général, le joueur dépendant cache son problème à son entourage direct pendant des années. Il faut souvent une crise grave pour que le joueur appelle à l'aide. Il est bon que son entourage puisse demander une mesure d'exclusion s'il s'inquiète pour la personne.

Dans le cadre de ce « souci d'ingérence », bien que l'intervenant soit partisan d'une concertation destinée à motiver le joueur à entreprendre lui-même des démarches, il serait encore bien mieux de pouvoir l'inciter à modérer ou à arrêter le jeu au moment où il commence à jouer plus fréquemment ou à miser plus d'argent. Cette période constitue en effet un moment charnière important entre l'amusement et la dépendance. L'industrie du jeu ne pratiquant pas actuellement d'autorégulation, il appartient au législateur d'imposer et d'organiser cet avertissement précoce.

Ce sont la honte et la volonté de régler son problème en essayant de gagner qui retiennent de nombreuses personnes dépendantes au jeu d'avoir recours à une assistance. En menant des campagnes qui visent à sensibiliser la population à cette problématique et qui présentent clairement l'ampleur et la gravité du problème, on pourra probablement à la fois améliorer l'accès à l'assistance pour ceux qui ont un problème de jeu et mettre la population en garde contre les dangers du jeu.

En résumé, l'intervenant souhaite donc

— soit, qu'il y ait moins de jeux de hasard dangereux ou que les jeux de hasard soient moins dangereux (limitation de la mise maximale, perte horaire maximale toujours liée au joueur en personne, ne pas donner l'illusion que le joueur a une influence sur le gain, limitation du gain maximal);

— soit, que l'on prévoie davantage de moyens en faveur de la prévention et de l'assistance en matière de jeu.

F. Exposé de M. Serge J. Minet, thérapeute clinicien, coordinateur scientifique de la Clinique du jeu pathologique Dostoïevski, centre Hospitalier Brugmann (ULB) Bruxelles

Réflexion relative à la protection du joueur dans une perspective de modification de la loi de 1999

En guise d'introduction, l'orateur cite les deux exemples suivants, tirés de cas cliniques, en vue d'illustrer la problématique des paris, et celle des librairies.

Le premier concerne un homme jeune, envoyé par un juge pour avoir commis des vols en vue de se donner la possibilité de continuer à parier sur des chevaux de course. Il exposait que le juge l'envoyait chez le thérapeute, contraint et forcé, parce qu'il était malade des paris. N'ayant plus d'argent, il estimait n'avoir d'autre ressource que d'aller en chercher ailleurs. Il ajoutait que de toute façon, la thérapie ne servirait pas à grand-chose, car il avait la certitude qu'il allait gagner aux courses, et développait, à l'appui de ses propos une connaissance incontestable de la matière des courses, faisant preuve d'une « paralogique » indubitable.

Il ajoutait, à titre d'élément de preuve tangible du fait qu'il allait gagner aux courses, que, lors de la dernière course, il avait misé sur un cheval gagnant. Alors que le cheval avait pris un bon départ et dépassé tous les autres, à quelques mètres de la ligne, il avait glissé et s'était cassé une patte en raison de l'état du terrain.

Ce patient était persuadé d'avoir « failli gagner ».Lorsque l'orateur soulignait qu'au contraire, il avait clairement perdu, cet homme concluait que le thérapeute n'avait rien compris, sans voir que l'état du terrain à un endroit déterminé était l'élément totalement imprévisible inhérent aux jeux de hasard.

Le second exemple concerne une libraire établie à la côte, et qui était en dépression nerveuse.

Elle se plaignait de ce qu'est une librairie le samedi soir à la côte, lorsqu'il y a la Loterie, l'Euromillions, ...: la file des joueurs qui viennent acheter des billets, l'argent qui défile, ...

Elle se déclarait incapable de poursuivre cette tâche, dès lors que le lendemain ou le surlendemain, les joueurs revenaient se plaindre, en la rendant responsable des pertes subies.

Ces deux histoires suscitent un malaise dans un débat économique, voire juridique. L'orateur ne cesse de proclamer depuis dix ans que, derrière le plaisir et la distraction du jeu, il y a une souffrance réelle, qui est apparemment minime, mais on n'en sait rien. Il existe en matière de jeu un secret qui vient se révéler dans ce que l'orateur appelle « la chambre des secrets », qui est le lieu de la thérapie.

L'orateur se réfère ensuite à la note qu'il a déposée, et qui est ainsi libellée:

« Le législateur a pu redéfinir le contexte d'une loi dont la modernité semble bien vouloir tenir compte de la dimension du jeu, en terme de protection sociale et de santé publique. Le législateur poursuit quatre objectifs: la protection de la société et de l'ordre public, la protection des joueurs, des exploitants et des intérêts fiscaux de l'État et des régions. L'exploitation des jeux de hasard reste interdite, à moins de disposer d'une licence. Nous sommes, dès lors, attentif à la volonté du parlementaire de poursuivre le débat, pour que la loi puisse encore mieux circonscrire la pratique et l'organisation des jeux de hasard et d'argent avec une maîtrise des effets juridiques dans le cadre d'un réel problème de Santé publique et de protection des joueurs.

À cet effet, je vous propose trois réflexions. La première portera sur la canalisation des jeux, la seconde sur les jeux en ligne et je terminerai par un amendement relatif à la proposition de loi de Mme Crombé-Berton.

Si le régulateur a pour mission:

— d'assurer la régularité des jeux;

— de contrôler la solvabilité et la transparence;

— d'encadrer la concurrence;

;

— d'assurer le professionnalisme des opérateurs;

;

— de faire respecter la loi et les arrêtés d'exécution par des moyens de contraintes (saisie, contrôle, amendes, retraits de certificats et de licence);

— d'assurer la cohérence de la canalisation du jeu.

Il va de soi que le régulateur a aussi pour mission de s'assurer que cette activité soit conduite et gérée par des professionnels responsables.

Si les jeux ne sont pas une activité économique comme les autres, l'ensemble des États considère que les jeux de hasard constituent bien une activité sensible, dès lors que la législation n'a pas encore trouvé une réelle cohérence face au développement récent du secteur des jeux de hasard à distance, des opérations de jeux sur Internet non encore sécurisées, des jeux de hasard télévisés qui recourent aux SMS surtaxés ou aux numéros à tarification majorée (les 0905, par exemple). De plus, les courses hippiques et les paris sportifs, les jeux de la Loterie nationale jouissent de législations particulières et périphériques. Le projet de loi modifiant la loi sur les jeux de hasard en y intégrant, entre autres, les paris, établit dans son exposé des motifs la justification légitime d'une politique de canalisation et de protection des consommateurs.

La logique qui prévaut, à mon sens, dans la modification de la loi de 1999, voudrait que l'on considère les paris sportifs, et les paris en général, au même titre que les jeux de hasard, comme étant soumis à la même préoccupation en terme de santé publique et de protection du joueur.

De manière préliminaire, il convient avant toute chose de ne pas se leurrer sur la distinction que le législateur entendrait faire entre le risque d'addiction plus ou moins élevé que présenteraient respectivement d'une part les paris à cote fixe ou conventionnelle et, d'autre part, les paris mutuels. Du point de vue du joueur, l'une et l'autre de ces formes de paris présentent un risque d'addiction identique. Il n'est rien de scientifiquement pertinent qui permette de démontrer la moindre dangerosité des paris mutuels par rapport aux paris à cote fixe ou conventionnelle.

À cet effet, il y a lieu d'observer que le projet de loi pourrait manquer de cohérence sur le principe de la canalisation et la protection du joueur, si certaines pratiques de jeux et de paris pouvaient être autorisées dans le cadre de débits de boissons ou de librairies.

La Commission des jeux de hasard avait émis, par exemple, et en son temps, de nettes réserves lorsque la Loterie nationale a voulu lancer son clone du Rapido (loterie électronique). Elle a considéré le Rapido comme un jeu de hasard et d'argent dangereux qui ne pouvait pas être accessible dans un débit de boissons dont l'ambiance pouvait contribuer à favoriser, lors d'un excès de consommation de boissons alcoolisées, la désinhibition du joueur et la perte de tout contrôle de l'activité ludique.

Rappelons que lorsque le Néerlandais Kingma (1993) a établi un profil de risque de dépendance aux jeux, il a montré, entre autres, que des facteurs de « répétabilité » des enjeux, ainsi que « l'ambiance » de l'environnement des jeux de hasard constituaient un haut risque de dépendance.

Si l'ouverture du marché entraîne indubitablement une augmentation des espaces de jeux, la littérature démontre qu'un accroissement de l'offre n'est pas sans lien avec l'augmentation du nombre de problèmes de jeu, l'offre étant positivement corrélée au nombre de joueurs pathologiques. On part généralement du principe qu'une grande disponibilité de jeux de hasard et la facilité d'accès à ces jeux donnent lieu à un comportement de jeu plus problématique. Par exemple, la présence d'un casino dans un rayon de 80 kilomètres, double, la prévalence du nombre de joueurs pathologiques (Gerstein et al., 1999).

L'exposition de mineurs d'âge à des jeux de hasard, quand bien même ne s'agirait-il encore que de paris, dans des librairies est également préoccupante d'autant qu'il s'agit d'une cible fragile à l'égard de laquelle les mesures de prévention les plus drastiques devraient idéalement pouvoir être prises.

L'accès à des jeux de hasard hors des lieux professionnels serait un manque de clairvoyance et une erreur de jugement, dès lors que le discours du législateur et celui des industriels du jeu font leur souci du développement d'un jeu responsable et de l'absolue nécessité d'une politique de prévention au sein des établissements de jeux; si tous les joueurs n'encourent pas le risque de devenir accroc bien heureusement, tous les jeux de hasard ne sont pas sans risque.

Un programme de prévention doit se situer au cœur d'un débat entre le souci du développement d'un produit commercial soumis à une rentabilité économique, et d'un devoir d'assistance à personnes en danger.

Il s'agit d'informer la clientèle, de détecter par signaux ou observation de comportements, ou questionnaires d'évaluation, d'orienter vers des personnes ressources (personne de confiance, centre d'aide, Commission des jeux, joueurs anonymes) ou de protéger un joueur, parfois malgré lui. Le personnel des industries des jeux, dûment informé et formé des caractéristiques et de l'évolution d'une dépendance au jeu, est, en effet idéalement placé, pour signaler et déceler rapidement des problèmes de jeu parmi leur clientèle.

À l'heure actuelle, les libraires et les cafetiers ne sont nullement ni sensibilisés ni formés à la prévention des jeux de hasard, tandis que les membres du personnel de casinos et de salles de jeux automatiques sont obligés, par la loi de 1999, de suivre un cours de psychopathologie des jeux, en vue de l'obtention d'une licence. Par ailleurs, la Loterie nationale et le Ladbrokes ont initié une formation à la prévention du jeu pathologique à destination de leur personnel et gérants d'agences.

La deuxième réflexion porte sur les jeux en ligne:

La situation actuelle démontre que le jeu en ligne sur Internet est offert par des milliers de sites qui présentent des niveaux de qualité et de garantie variables selon qu'ils se situent ou non dans l'Union européenne et qu'aucune législation nationale belge ni internationale ne peut encore régir. Les jeux de hasard et d'argent y sont agressifs; sans limitation de perte horaire moyenne; sans contrôle de la régularité; avec des offres de jeux gratuits qui provoquent le joueur; sans contrôle de la publicité; sans contrôle du flux d'argent; sans contrôle de l'âge des joueurs; sans protection des interdits; sans perception d'aucune taxe; sans avertissement sur les risques liés à un comportement addictif.

La littérature scientifique a démontré que l'ouverture du marché, et en l'occurrence du marché en ligne, entraînera indubitablement une augmentation du nombre de problèmes de jeu: l'offre étant positivement corrélée au nombre de joueurs pathologiques. De plus, les joueurs fragilisés en constitueront une cohorte de premier choix, à laquelle s'adjoindra une nouvelle clientèle demeurée, jusqu'alors, hors des espaces ludiques, comme les femmes au foyer, des jeunes, des personnes sans emploi, des personnes âgées isolées ou handicapées qui découvriront, puis s'initieront confortablement à la pratique des jeux de hasard à domicile, du fait de l'accessibilité, de l'anonymat, du confort et du caractère bon marché.

Selon une étude sur le jeu pathologique à l'initiative de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), il apparaît, nous rapporte le Dr Marc Valleur, que les gens qui étaient des joueurs pathologiques interdits de casino rechutaient sur Internet, beaucoup plus que ceux qui avaient rencontré le jeu sur Internet. L'offre étant extrêmement accrocheuse et sauvage. L'entrée dans l'addiction est facilitée par Internet. Le jeu se fait de manière solitaire, clandestine et cachée. D'après le professeur Griffiths de l'Université de Nottingham « il y a 10 fois plus d'addictivité quand le jeu est en ligne ». Dix fois plus.

Et enfin, je voudrais élargir la réflexion à propos de la proposition de loi de Mme Crombé-Berton:

La proposition d'élargir le mode de saisine de la Commission des jeux de hasard à toute personne justifiant d'un intérêt de solliciter l'interdiction d'un joueur qui se met en danger ou qui met en danger sa famille, est pertinente à condition que la loi de 1999 se renforce encore en incitant ou organisant, mieux que l'interdit, l'injonction d'un accompagnement thérapeutique d'un joueur vulnérable lorsqu'il est contraint à l'abstinence. La contrainte thérapeutique n'empêche pas, sur le plan clinique, d'établir une alliance thérapeutique et d'élaborer un travail motivationnel préparatoire à l'abstinence totale.

Par ailleurs, il n'est pas normal que la Commission des jeux de hasard ne soit pas encore dotée d'un organe psycho-médico-social susceptible d'accompagner un joueur interdit, ou de soutenir les familles qui en subissent les conséquences, mais aussi de procéder à l'expertise des personnes interdites souhaitant être réhabilitées. Pourquoi un joueur veut-il rejouer, à tout prix, déniant toute réflexion sur sa dépendance qui a provoqué un séisme financier, une catastrophe sociale et familiale ? Oui, pourquoi ?

La nécessité de disposer de structures de référence, pour prévenir les risques de dépendance et prendre en charge les victimes du jeu, n'est plus à démontrer. Si les pouvoirs publics et les régulateurs de jeux se préoccupent aujourd'hui davantage des conséquences de l'assuétude, ils échappent, une fois de plus, à la logique de l'effort financier qui devrait, de toute évidence et de toute urgence, encourager les services d'aide aux joueurs.

Pour conclure, nous pensons que la Belgique qui se veut être à la pointe de l'observation et de la prévention des risques des jeux de hasard se doit d'être critique à l'encontre du développement anarchique, et parfois peu éthique, des campagnes publicitaires et incitatrices à l'activité ludique, en général; le parlementaire se doit d'être attentif à l'octroi des mesures de crédits ou de prêts, sans contrôle, pour des joueurs en difficulté; le parlementaire se doit d'être inventif de toute mesure d'intervention sollicitée par la détresse d'une famille de joueurs encline à subir les effets dévastateurs des dettes de jeu; enfin, les chambres des représentants de la nation se doivent d'être actives et performantes pour soutenir les efforts de la recherche clinique et fondamentale de nos hôpitaux universitaires, afin de favoriser des modèles de prévention et de traitement performant.

La prévention de cette « maladie de la modernité » passe par un débat permanent entre les opérateurs du jeu, les acteurs de la santé mentale et du droit, les scientifiques, les politiques et les consommateurs pour mener une réflexion sociétale, qui secrète une pensée qui pense, invente et critique, voire dérange, dans une perspective de prévention et de protection des générations futures. »

M. Mahoux souligne que ce qui vient d'être dit constitue le problème fondamental dans la matière en discussion. C'est la préoccupation première de son groupe dans le présent débat, où l'on en arrive à voir légitimer le jeu, comme si l'on faisait l'économie des questions préalables. L'intervenant le déplore.

Un tel débat, pour être abordé correctement, devrait d'ailleurs être mené conjointement par les commissions de la Justice et de la Santé publique. L'intervenant rappelle que l'on se trouve dans le cadre d'une procédure d'évocation, qui donne au Sénat 60 jours pour examiner le texte. Le Sénat peut tenter de modifier le projet dans ce délai, à défaut de quoi il deviendra définitif dans sa version actuelle.

Or, l'intervenant a le sentiment que la manière d'aborder le problème n'a pas changé, puisque l'on continue à envisager les choses essentiellement du point de vue économique.

M. Minet répète que depuis 1999, il ne cesse d'attirer l'attention sur le problème de l'addiction au jeu. Il avait déjà été auditionné sur ce sujet à l'époque, lors de la discussion de la loi sur les jeux de hasard.

Mais il existe une sorte de silence, qui correspond à ce qu'est la pathologie du jeu et qui, comme les secrets de famille, continue à se transmettre de génération en génération.

G. Exposé de M. De Vocht, expert TIC

L'intervenant souligne que les jeux de hasard en ligne comportent quelques zones à risques:

1. L'identité du joueur et, dans ce contexte, la protection des jeunes, des joueurs compulsifs et des personnes socialement vulnérables.

2. L'identité et la moralité du fournisseur du jeu.

3. L'intégrité et l'honnêteté du jeu de hasard proposé.

4. L'exactitude et la transparence des flux financiers, et la fiscalité y afférente.

Il ne sera possible de réduire ces risques de façon concluante qu'en créant un cadre légal pour maintenir ces zones totalement sous contrôle. À l'intérieur de ce cadre légal, il faudra s'intéresser au plus près à l'utilisation de tous les moyens d'analyse et de contrôle liés à l'informatique.

Actuellement, un joueur belge dispose d'un accès illimité à des centaines de jeux de hasard en ligne, si bien qu'il se trouve dans une ou plusieurs zones à risques.

1. Les contrôles d'identité effectués par les sites de paris étrangers, même européens, sont soit inexistants, soit très limités. De nombreux sites de paris opèrent en effet dans les zones d'influence anglo-saxonne, où les cartes d'identité n'ont pas cours. Aujourd'hui, les jeunes, les joueurs compulsifs et les personnes socialement vulnérables disposent tous d'un accès illimité.

2. Actuellement, il y a peu de transparence sur l'identité des fournisseurs de jeux de hasard. Ils s'établissent rarement dans des juridictions strictement contrôlées. Cette absence de contrôle donne la possibilité à des organisations fantômes de proposer des jeux en ligne. Le blanchiment d'argent par un fournisseur de jeux en ligne est facile à mettre en place mais difficile à détecter et à prouver. Les poursuites que peuvent intenter les joueurs escroqués sont également entravées par le caractère international de l'enquête.

Le franchising ou netwerking constitue également un nouveau phénomène dans les jeux de hasard en ligne. Dans un tel cas de figure, l'exploitant signe un contrat avec le fournisseur d'un programme et n'a généralement aucun pouvoir sur le jeu, les joueurs, les mises et les paiements. L'exploitant perçoit seulement une commission mensuelle. Dans de nombreux cas, le pays où se trouvent les serveurs du logiciel en ligne n'est pas le même que celui où sont établis l'exploitant et/ou le fournisseur. Cette situation ne fait que compliquer l'enquête judiciaire. Exemple: l'entreprise australienne MergeGaming, dont les serveurs sont installés au Canada. L'un de ses membres en ligne est ReeferPoker.com. Leur site Internet n'indique nulle part à quel endroit ils sont établis. Il est seulement fait référence à MergeGaming et à Ingenic LTD, un organisme de paiement établi à Gibraltar qui gère toutes leurs transactions de paiement. L'intervenant attire l'attention sur l'imbroglio juridique que susciteraient des poursuites au pénal ou au civil.

3. Le joueur se voit rarement garantir sans restriction que le jeu de hasard en ligne se déroule en toute honnêteté. Un examen sommaire des prétendues « instances de contrôle » qui surveillent les sites de paris étrangers montre que leurs analyses et audits sont très superficiels. Dans la plupart des cas, la certification se borne à vérifier le logiciel qui génère les chiffres aléatoires (test RNG). Parfois, le fournisseur du logiciel est également actionnaire de l'instance de contrôle (exemple: MicroGaming, actionnaire d'Ecogra). Des exemples rencontrés dans le passé (Absolute Poker, UltimateBet et Pitbull Poker) ont montré qu'il est possible de manipuler de nombreux logiciels de poker en ligne. De soi-disant « super-joueurs » étaient capables de regarder dans le jeu de joueurs non impliqués dans la tricherie pour réaliser ainsi de plantureux bénéfices. Chez Absolute Poker et Pitbull Poker, les exploitants étaient complices; chez UltimateBet, il s'agissait des collaborateurs de la société de logiciels qui avait écrit le programme de poker en ligne.

4. Il faut pouvoir garantir l'exactitude des flux financiers entre le joueur et le jeu de hasard en ligne. Un joueur qui a gagné s'attend également à être payé correctement et rapidement. Aujourd'hui, peu d'exploitants en ligne sont capables d'accorder une telle garantie. Les flux financiers impliquant l'exploitant doivent également être rapportés correctement afin que la transparence fiscale soit totale.

La nouvelle loi belge sur les jeux de hasard impose le contrôle préalable et permanent afin de limiter tous les risques dans ces quatre zones.

1. Un joueur n'aura accès à un jeu de hasard en ligne autorisé qu'à certaines conditions (pas d'anonymat, âge légal, pas d'exclusion EPIS). La meilleure manière de contrôler le respect de ces trois conditions est que la Commission des jeux de hasard gère elle-même une infrastructure d'autorisations centralisée qui effectuera des contrôles en interrogeant le registre national et la banque de données EPIS. Si la Commission donne le feu vert en ligne, un laissez-passer digital temporaire sera établi au nom de ce joueur.

Ce laissez-passer permettra au joueur d'accéder au jeu de hasard en ligne. Il ne donne accès qu'à un seul site web à la fois et a aussi une durée de validité limitée. En outre, il est possible d'associer à ce laissez-passer une perte horaire maximale autorisée par la loi. Les joueurs auxquels la Commission des jeux de hasard n'accordera pas de laissez-passer valable (les jeunes, les joueurs compulsifs et les personnes socialement vulnérables) n'auront donc plus accès aux sites web autorisés.

2. La nouvelle loi sur les jeux de hasard se fonde sur un contrôle total du fournisseur du jeu. En dehors du contrôle légal, qui est exclu du champ de la présente discussion, les fournisseurs autorisés seront obligés d'héberger leurs serveurs sur le territoire belge. En outre, cet hébergement devra se faire dans un environnement physique non susceptible d'entraver un contrôle immédiat de la part de la Commission des jeux de hasard (pas d'utilisation partagée du même serveur). Les jeux de hasard en ligne utilisent un média qui évolue à un rythme effréné, ce qui signifie que les infractions commises par les détenteurs des licences devront être constatées le plus rapidement possible et que la Commission des jeux de hasard devra aussi pouvoir rassembler immédiatement les preuves nécessaires. Ceci s'applique également aux perquisitions avec saisie immédiate en matière pénale à la demande du juge d'instruction. Une intervention immédiate de la police ne peut être garantie qu'à la condition de ne pas devoir introduire de demande d'entraide judiciaire internationale. Il n'est possible de réaliser immédiatement un constat ou une saisie que si le serveur se trouve dans un établissement permanent en Belgique. Les constatations effectuées par la Commission des jeux de hasard doivent être exactes et complètes.

Toutes les composantes logicielles sont installées sur un système d'exploitation tel que Windows, Unix, etc. Tout contrôle effectué au sein du système d'exploitation (p. ex. à distance) dépend donc des règles que l'exploitant (ou une personne malintentionnée) y a introduites. L'exploitant a donc la possibilité de filtrer à l'aide de règles cachées les données que cette forme de contrôle fera apparaître. Dans le même ordre d'idées, il est parfaitement possible, techniquement, de « simuler » un serveur donné, c'est-à-dire de faire croire que les constatations sont effectuées sur un serveur donné alors que le véritable serveur reste invisible. Pour pouvoir garantir le caractère exact et complet des constatations, il faut que celles-ci puissent se faire en dehors du système d'exploitation. Seul un accès physique direct à tous les disques durs permettra le contrôle et la copie de toutes les données.

En outre, tout réseau est protégé des attaques extérieures par un ou plusieurs pare-feux.Toutes les constatations effectuées par Internet devront pouvoir traverser ces pare-feux sans restrictions. Ceci rend le contrôle d'autant plus complexe qu'un pare-feu est précisément conçu pour limiter l'accès depuis l'extérieur. Il ne sera possible de garantir des constatations exactes et illimitées que si le serveur est hébergé dans un établissement permanent en Belgique et que le contrôle peut s'effectuer à partir de l'extérieur. La Commission des jeux de hasard doit pouvoir recueillir en toute efficacité le matériel de preuve nécessaire. À l'heure actuelle, la manière la plus rapide de copier des données est toujours de réaliser une connexion directe sur le matériel (par exemple à l'aide d'un disque dur externe à connectique USB). Ce mode de connexion autorise une vitesse de copie d'environ 40 Mo par seconde. Dans le cas d'une copie à distance (par Internet), la vitesse de copie tombe à environ 1,5 à 4 Mo par seconde. Cela signifie qu'une copie effectuée par la Commission en local dans un établissement permanent en Belgique sera 10 fois plus rapide qu'à distance par Internet. Concrètement, cela veut dire que la copie d'un disque dur de 500 Go à partir d'un serveur en Belgique prendra environ 2 h 30, alors que la même copie effectuée à l'étranger par le réseau le plus rapide prendra environ 25 h. Il est impératif que l'accès physique aux parties internes du serveur soit exclusivement réservé à des personnes dûment mandatées (par exemple les titulaires d'une licence E).

Pour qu'un contrôle concluant soit possible, il est également nécessaire que le serveur fasse en permanence l'objet d'une vidéosurveillance, par analogie et suivant les modalités appliquées actuellement aux serveurs installés dans les établissements de jeux de hasard. C'est bien entendu difficilement réalisable si le serveur est localisé à l'étranger.

3. Pour éviter que des fournisseurs en ligne puissent utiliser des logiciels manipulables ou qui ne répondent pas aux normes légales belges (par exemple, en matière de pourcentage de paiement garanti), le programme devra être soumis au préalable à une analyse approfondie. La nouvelle loi impose que le logiciel soit préalablement approuvé par des laboratoires accrédités. Après ce contrôle préalable, la Commission des jeux de hasard aura alors aussi la possibilité de contrôler en permanence si le logiciel approuvé a été modifié.

4. Le nouveau cadre légal impose que l'infrastructure serveur des exploitants belges intègre des mécanismes de compte rendu permettant d'établir quotidiennement un relevé correct des données de jeux pertinentes (mise totale, gain total, etc.). Pour la Commission des jeux de hasard, il s'agit d'un moyen supplémentaire de contrôler le bon déroulement du jeu, mais aussi de s'assurer que la fiscalité est correctement perçue.

Le blocage des sites de paris en ligne illégaux constitue évidemment une nouvelle possibilité. Il va de soi que la mise en place de sites de paris en ligne garantis et parfaitement contrôlables doit coïncider avec une politique correcte de dissuasion et d'interdiction de sites Web non autorisés. Actuellement, plusieurs moyens techniques permettent de rendre certains sites Web inaccessibles. En attendant, les différents fournisseurs tant de services Internet que de logiciels en ligne collaborent en vue de mettre au point une technique infaillible pour bloquer l'accès aux sites Web illégaux.

Conclusion

Sans la nouvelle loi sur les jeux de hasard, les jeunes, les joueurs compulsifs et les personnes socialement vulnérables ont toujours la possibilité d'accéder en Belgique, sans aucun contrôle, à tous les jeux de hasard en ligne, et d'être victimes des pratiques malhonnêtes d'organisations criminelles.

La nouvelle loi sur les jeux de hasard canalisera non seulement cet accès dans le chef du joueur mais offrira également la garantie que les exploitants qui proposent des services et des transactions financières le font de manière honnête.

H. Échange de vues

M. Vankrunkelsven observe que l'orateur précédent parle de « sites autorisés ». Est-il vraiment possible de contrôler les sites internationaux ?

M. De Vocht fait référence à la disposition qui permet au parquet fédéral de faire fermer des sites Web. D'autre part, il ne s'agit pas d'un système infaillible. Il est en effet possible de recourir à différents artifices pour avoir malgré tout accès au site Web prétendument verrouillé. Au mois de juin dernier, les fournisseurs de services Internet et de noms de domaine ont eu une réunion importante à ce sujet en Australie et sont arrivés à la conclusion qu'à l'avenir, la meilleure protection passera par les navigateurs, auxquels on va donc intégrer des filtres. Bien entendu, cette évolution devra être soutenue par des dispositions légales. Le législateur doit adopter une loi permettant d'interdire ou d'entraver l'accès à certains sites Web en les verrouillant. Il faut également une disposition légale permettant de sanctionner le joueur belge qui accède à un site Web illégal. L'effet dissuasif doit également concerner les joueurs. Il faut qu'ils prennent conscience qu'ils s'adonnent à des pratiques illégales qui les exposent à des poursuites.

Mme Taelman est d'avis que le point faible de la loi sur les jeux de hasard réside dans le contrôle des activités qui ont lieu sur la Toile. Si le non-respect de l'interdiction légale ne donne pas lieu à des poursuites effectives, on n'aboutira à rien. Pour les parquets, les infractions à la loi sur les jeux de hasard n'ont jamais constitué une priorité.

L'intervenante se réfère également à ce propos à la disposition de la proposition de loi qui prévoit une interdiction des cartes de crédit. Elle estime que cette interdiction ne pourra aboutir que si un contrôle réel est également possible. N'y a-t-il pas un risque que l'on puisse contourner une interdiction éventuellement inscrite dans la loi ? Les Pays-Bas, par exemple, n'ont pas interdit l'utilisation de cartes de crédit. Dans ce cas, ne sera-t-il pas possible de parier à l'aide d'une carte de crédit néerlandaise ? Si l'on canalisait l'utilisation des cartes de crédit plutôt que de l'interdire, le système serait peut-être plus infaillible.

M. De Vocht souligne que les cartes de crédit sont depuis longtemps entrées dans les mœurs des internautes. L'Internet et les cartes de crédit interagissent étroitement. D'autre part, il existe une multitude de possibilités de contourner une interdiction des cartes de crédit. D'aucuns chercheront sans doute une échappatoire aux Pays-Bas, mais les bénéfices qu'ils percevront seront transférés sur leur compte en Belgique. La deuxième possibilité de contournement est offerte par les comptes électroniques (par exemple Netteller, qui est spécialisée dans la réception de fonds par carte de crédit, et qui permet d'avoir un compte en ligne sur différents sites). Il faut aussi tenir compte du fait qu'un site Web éventuellement hébergé en Belgique (tel que pokerhorse) aura également un site jumeau dans d'autres pays où les cartes de crédit seront malgré tout acceptées (par exemple, en France, en Grande-Bretagne, en Italie) et où il n'y aura aucun contrôle de la dépendance au jeu.

L'intervenant souligne également que chez KBC, la carte Visa des jeunes de 18 à 25 ans est plafonnée à 625 euros par mois. Ce montant est inférieur à celui que l'on peut miser actuellement dans un casino.

Il faut davantage de contrôle. La Commission des jeux de hasard pourrait ainsi intervenir en cas de comportement compulsif en matière de jeux.

M. Swennen souligne que le CAD déplore que l'âge minimum pour les licences soit porté à 18 ans. Le CAD plaide pour un maintien de l'âge minimum à 21 ans, en alléguant que le cerveau du jeune de 18 ans n'est pas encore parfaitement formé, si bien qu'il peut plus facilement tomber dans la dépendance, ce qui l'expose à des formes plus graves de comportements compulsifs. Cette thèse est-elle étayée scientifiquement, d'autant plus que la majorité, qui suppose une capacité de discernement suffisante, est fixée à 18 ans ?

Y a-t-il des exemples de pays qui appliquent la limite d'âge de 21 ans ?

M. Willemen répond que toutes les dépendances, y compris celles aux drogues et à l'alcool, sont liées au fonctionnement du cerveau. Il existe à cet égard des études scientifiques bien documentées qui attestent qu'en pariant, le joueur libère une quantité très importante de dopamine dans son cerveau. Le cerveau n'a achevé complètement sa maturité qu'à 24 ans. C'est la raison pour laquelle il est demandé de ne surtout pas abaisser l'âge mais plutôt de l'augmenter. Il est prouvé que plus la dépendance commence tôt, plus le sujet est vulnérable à un âge ultérieur. À la longue, le joueur compulsif ne peut plus se sentir bien que s'il parie.

En ce qui concerne la limite d'âge dans les autres pays, le mieux est de se pencher sur l'étude réalisée en Europe par la Commission des jeux de hasard. Dans certains pays, notamment aux Pays-Bas, l'accès au casino est autorisé à partir de 18 ans. Mais de nombreuses voix s'y élèvent à présent pour réclamer que cet âge soit porté à 21 ans, comme l'a encore récemment demandé le bourgmestre d'Eindhoven.

M. Willemen souligne que le degré de risque inhérent à un jeu de hasard est déterminé par plusieurs facteurs. Le pourcentage de redistribution entre bien sûr en ligne de compte puisque les joueurs imaginent pouvoir gagner beaucoup d'argent. La prévisibilité est un facteur susceptible de créer une dépendance: c'est le cas des « jeux rapides » où l'on connaît immédiatement le résultat de sa mise. Ces facteurs n'existent pas à la Loterie nationale. Les influences exercées de manière suggestive constituent également un élément important. C'est notamment le cas des tables de roulette au-dessus desquelles l'on suspend un tableau de chiffres qui éveillent chez le joueur l'impression illusoire qu'il peut prévoir les numéros qui sortiront.

M. Vankrunkelven fait également référence à la position écrite défendue par « Stanleybet » (texte en annexe).

I. Exposé de Mme Marianne Dony, présidente de l'Institut d'Études européennes, ULB

Mme Dony précise que son analyse des textes à l'examen se fait à l'aune du droit communautaire mais qu'elle n'abordera pas la question de la compatibilité des procédures, des sanctions, etc., avec la Convention européenne des droits de l'homme.

Mme Dony rappelle que la compétence première pour la politique en matière de jeux de hasard revient aux États membres. Ce n'est pas un domaine qui relève spécifiquement de la compétence de la Communauté européenne. La question de savoir s'il faut interdire ou non les jeux de hasard, les réglementer ou non, relève, en vertu du principe de subsidiarité, exclusivement des législations nationales. Le Parlement européen a exclu toute idée d'une réglementation européenne en cette matière. C'est peut-être regrettable car la compétence est attribuée aux États membres mais ceux-ci doivent respecter un certain nombre de balises fixées par le droit communautaire.

Les réglementations en matière de jeux de hasard adoptées par les États membres sont des restrictions aux différentes grandes libertés reconnues par le traité européen (principalement la liberté d'établissement et la liberté de prestations de services). Il faut savoir si ces restrictions sont fondées.

Le secteur des jeux de hasard n'est pas un secteur comme les autres. Les États membres y disposent d'une marge de manoeuvre plus large que dans d'autres secteurs où les principes du grand marché jouent pleinement.

Mme Dony renvoie à l'arrêt rendu par la Cour de justice le 9 septembre 2009 dans l'affaire Santa Casa (affaire C42/07). La Cour y rappelle que des restrictions à la libre prestation des services peuvent être justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général (sécurité publique, d'ordre public ou de santé publique). Les dangers des jeux de hasard sont suffisamment connus pour que l'on ne puisse contester les interventions des États en cette matière.

La Cour rappelle toutefois que les restrictions que les États membres peuvent imposer doivent remplir certaines conditions: elles doivent être propres à garantir la réalisation des objectifs invoqués par l'État membre concerné et ne doivent pas aller au delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre. Enfin, en tout état de cause, ces restrictions doivent être appliquées de manière non discriminatoire.

Mme Dony regrette que l'exposé des motifs du projet de loi manque de clarté sur ce point. Il eût été utile de mieux préciser de quelle manière les restrictions contenues dans le projet de loi permettent d'atteindre les objectifs de santé publique évoqués ci-dessous, qu'elles sont nécessaires pour atteindre ces objectifs et qu'elles ne sont pas discriminatoires.

Si le législateur veut se prémunir contre d'éventuels recours ultérieurs, il doit définir un cadre précis et expliquer de quelle manière la législation proposée prend en compte les trois conditions visées ci-dessus. La Cour de justice exige que la législation nationale atteigne de façon cohérente et systématique l'objectif poursuivi. L'intervenante ne dit pas que le projet à l'examen n'est pas cohérent ni systématique. Il serait cependant, dans un souci de sécurité juridique, souhaitable de justifier de quelle manière ces exigences sont rencontrées.

Il est par contre plus délicat d'interpréter la portée exacte de l'arrêt Santa Casa sur le plan du principe de proportionnalité. L'État membre dans lequel un opérateur veut s'établir doit-il ou non tenir compte de la législation de l'État d'origine dans lequel l'opérateur est légalement établi ?

Dans le domaine des jeux en ligne, la Cour de justice a semblé admettre que ceux-ci présentaient un danger spécifique et qu'une exception au principe de la reconnaissance mutuelle pouvait être admise dans certaines conditions. On peut cependant s'interroger sur la portée de l'arrêt Santa Casa. Est-ce un arrêt d'espèce lié aux circonstances particulières et au statut particulier de l'association qui bénéficiait du monopole au Portugal ? Ou est-ce un arrêt de principe qui établit une distinction entre les paris sur le dur et les paris en ligne ?

Si l'on considère qu'il s'agit d'un arrêt de principe, cela posera certaines difficultés pour une série de jeux et paris qui se situent entre les paris en ligne et les paris en dur. Comment qualifier les jeux de hasard organisés par les télévisions ? Faut-il les considérer comme des jeux en ligne ou comme des jeux en dur ? Si l'on opte pour la deuxième solution, cela signifie que l'on reste dans la jurisprudence classique de la Cour de justice et qu'une obligation plus grande pèse sur les États quant à la justification de la nécessité et de la proportionnalité de leurs mesures. Par contre, si on assimile les jeux télévisés à des paris en ligne, les États bénéficient d'une plus grande souplesse dans l'élaboration de leur législation.

Mme Dony pense que l'arrêt Santa Casa permet beaucoup plus facilement de justifier une exception au principe de la reconnaissance mutuelle mais il subsiste une série de zones d'ombre. Il y a encore une dizaine de recours qui sont pendants devant la Cour de justice et qui lui permettront de préciser sa jurisprudence.

La Commission n'a pas encore décidé du sort qu'elle allait réserver aux différentes actions en manquement qu'elle a intentées contre une série d'États. Elle a intenté des procédures d'infraction mais aucune d'entre elles n'a été soumise à la Cour de justice. Il est assez symptomatique de constater que la Commission n'a toujours pas pris position quant à la manière d'interpréter l'arrêt Santa Casa. Cela dénote une certaine gêne sur ce point.

J. Échange de vues

Mme Crombé-Berton reconnaît que l'arrêt Santa Casa est sibyllin. Son champ d'application paraît être restreint à un cas très spécifique. Il semble dès lors dangereux d'étendre cette jurisprudence à l'ensemble des jeux en ligne.

Le projet de loi à l'examen limite l'offre de jeux en ligne aux seules entreprises qui sont autorisées à proposer en Belgique des jeux dans le monde réel. Dans sa proposition de loi nº 4-1162, elle a suivi la même piste. Or, il semble que ce lien entre le monde réel et le monde virtuel peut poser problème car il a pour effet de restreindre le champ de la concurrence. Que se passera-t-il si les acteurs du monde réel ne souhaitent pas proposer de jeux en ligne ? À la limite, on pourrait n'avoir aucune offre de casinos en ligne en Belgique. On va écarter une série d'opérateurs spécialisés dans l'offre de jeux en ligne et qui sont légalement implantés dans un autre État membre au motif qu'ils n'exploitent pas de casinos dans le monde réel en Belgique. Ces opérateurs ne risquent-ils pas d'intenter des recours devant la Cour de justice puisque le régime légal proposé les prive d'un accès à l'offre de jeux en ligne en Belgique ?

L'intervenante remarque qu'en France, où une réflexion similaire est en cours, on a ouvert la possibilité d'obtenir une licence à l'ensemble des opérateurs européens en ligne à condition que l'opérateur n'ait pas son siège ni de filiale dans un paradis fiscal. Ce régime est beaucoup plus ouvert. La solution belge qui restreint très fort le champ des opérateurs potentiels est-elle conforme au droit européen ?

Mme Dony souligne que l'arrêt Santa Casa est très difficile à interpréter. Cet arrêt établit une exception au principe de la reconnaissance mutuelle. Le seul fait qu'un opérateur propose légalement un service dans le pays de son principal établissement n'est pas nécessairement une garantie suffisante pour lui permettre de proposer des services dans un État d'accueil. L'État d'accueil peut demander de respecter certaines conditions et exiger que l'opérateur obtienne une licence.

La question de l'obtention ou non de la licence n'est pas nécessairement liée à la question des conditions à remplir pour obtenir la licence. Ces deux questions sont différentes.

L'intervenante fait remarquer que dans d'autres matières, la Cour de justice a estimé qu'il pouvait y avoir abus de position dominante au regard du droit de la concurrence — approche différente de celle du marché intérieur — lorsque la réglementation d'un État crée une situation telle que l'offre ne peut plus être assurée parce que les personnes qui bénéficient du droit d'exercer une activité ne veulent pas ou ne peuvent pas l'assumer. Mme Dony renvoie à la jurisprudence de la Cour de justice dans le secteur des agences publiques pour l'emploi qui bénéficiaient d'un monopole sans assumer cette activité.

M. Delpérée demande si Mme Dony, au-delà des remarques qu'elle a déjà formulées, a également des critiques de fond à faire sur le projet de loi à l'examen.

Mme Dony a souligné que l'exposé des motifs expliquait de manière insuffisante dans quelle mesure les auteurs ont pris en compte les principes de cohérence et de proportionnalité. La procédure parlementaire ne permet cependant plus de modifier l'exposé des motifs. M. Delpérée demande comment il est encore possible de régler cette question.

Mme Dony confirme qu'elle a éprouvé beaucoup de difficultés à appliquer les critères généraux au projet de loi à l'examen.

À la lumière de l'arrêt Santa Casa du 8 septembre 2009, il semble que le fait d'exiger une licence pour les paris en ligne ne soit pas incompatible en soi avec le droit européen. Cet arrêt est cependant influencé par le contexte spécifique de l'affaire sur laquelle la Cour était amenée à se prononcer. Il y a une très grande continuité et cohérence dans la législation portugaise en matière de jeux de hasard. Cet élément a influencé tant l'avocat général que la Cour de justice. L'intervenante a d'autre part le sentiment que les arguments invoqués par la Ligue portugaise de football et la société Bwin à l'appui de la demande de décision préjudicielle n'étaient peut-être pas développés ni présentés de manière optimale. Cela pose par conséquent tout le problème de l'interprétation des arrêts de la Cour de justice lorsque face à un argumentaire très structuré d'une des parties, basé sur une législation très cohérente, la partie adverse se contente de renvoyer aux grandes libertés du Traité mais sans prouver que les garanties nécessaires sont fournies. Il n'est dans de telles conditions pas étonnant que la Cour fasse pencher la balance du côté de la sécurité plutôt que de celui de l'ouverture des jeux en ligne.

Mme Dony pense que les partisans des paris en ligne ont voulu faire rendre à la Cour de justice un arrêt de principe selon lequel la jurisprudence classique de la Cour en matière de prestations de services devait également s'appliquer aux paris en ligne. La Cour a cependant eu peur, au vu des dangers spécifiques des paris en ligne, et elle a adapté sa jurisprudence. Elle a estimé que la réglementation de l'État portugais n'était pas incohérente et qu'elle était justifiée. Il est cependant difficile de dire si l'on peut interpréter cet arrêt au-delà de ces circonstances spécifiques.

M. Vankrunkelsven indique qu'il n'est malheureusement plus possible de modifier le commentaire des articles en tant que tel. Lors de son exposé en commission, le ministre peut évidemment préciser la portée de l'article. Cela figure alors dans les travaux préparatoires.

Mme Taelman renvoie à la différence qui est faite dans les textes à l'examen entre les paris mutuels et les paris à cote, en termes de canaux de distribution. Est-ce compatible avec la réglementation européenne, eu égard à la forte exigence de cohérence ?

Mme Dony répond qu'il faut au préalable se demander s'il y a matière à appliquer le droit communautaire à la question spécifique de la concurrence entre le pari mutuel et le pari à la cote. Ce n'est que dans la mesure où il pourrait être établi que cette différence de traitement a pour effet de porter atteinte aux libertés fondamentales du Traité et qu'il y a une restriction à la concurrence que la Cour de justice pourrait se prononcer afin de voir si les restrictions sont justifiées. L'intervenante pense à première vue que c'est plus un problème d'égalité de traitement et de discrimination au sens du droit constitutionnel belge plutôt qu'un problème de droit européen. Pour qu'il y ait application du droit communautaire et de la jurisprudence de la Cour de justice, il faut que l'on puisse établir un lien direct entre la restriction à la concurrence et la question des libertés fondamentales garanties par le Traité.

La question de savoir si les sociétés de courses belges ont un monopole sur la prise des paris mutuels sur les courses hippiques étrangères pourrait être une question en relation avec la prestation transfrontalière de services. Par contre, la question de la contribution au secteur des deux types de paris est une question de droit interne.

Mme Crombé-Berton pense que la question la plus délicate est celle des jeux en ligne. Le projet de loi à l'examen limite le champ des paris en ligne en ce qui concerne la liberté d'établissement. Le projet de loi prévoit en outre que le serveur doit être localisé en Belgique. Cette dernière garantie n'est-elle pas suffisante pour que l'on ouvre le champ à tous les opérateurs européens en se basant sur le principe de la liberté d'établissement ?

Mme Dony répond qu'il faut être nuancé. L'arrêt Santa Casa précise que le seul fait qu'un opérateur soit autorisé dans un pays d'origine n'est pas en soi une garantie suffisante pour obtenir une licence dans un autre pays européen. La localisation du serveur est un élément à prendre en considération dans l'appréciation de la proportionnalité de la mesure mais on ne peut pas établir un lien entre cette exigence et la reconnaissance automatique des opérateurs étrangers. L'intervenante fait également remarquer que dans l'arrêt Santa Casa, l'opérateur qui souhaitait s'implanter sur le marché portugais avait son principal établissement à Gibraltar. Cela a probablement joué dans l'appréciation de la Cour quant aux garanties que peut offrir l'État d'établissement en raison du statut spécifique de Gibraltar.

Mme Dony pense que le danger inhérent aux législations sur les jeux de hasard est qu'elles sont par nature génératrices de recours, en raison des enjeux en présence. Même si le législateur fait preuve d'une très grande prudence, il n'échappera pas aux recours. Or, l'arrêt Santa Casa, même si c'est un arrêt de grande chambre, ne facilite pas la tâche des juristes car il est délicat à interpréter. Cette décision n'apparaît pas comme un arrêt de principe aux yeux de Mme Dony. Si tel devait malgré tout être le cas, faut-il en déduire que la Cour est revenue sur sa jurisprudence classique qui prévoit qu'il faut tenir compte des conditions fixées dans l'État d'origine ? Mme Dony en doute. Il faut en principe continuer à tenir compte des conditions fixées dans l'État de l'établissement principal sauf lorsqu'au vu de toutes les circonstances d'espèce, on peut douter de la capacité de l'État d'origine à atteindre les objectifs visés par la réglementation de l'État d'accueil.

K. Exposé de M. Vlaemminck, avocat

M. Vlaemminck précise que c'est en son nom personnel qu'il a répondu à l'invitation du Sénat et qu'il s'exprimera aujourd'hui; il a d'ailleurs déjà été auditionné par le Sénat dans le cadre de la loi de 2002 sur la Loterie nationale. Il signale en outre qu'il fut pendant des années attaché à l'« Europees Instituut » de l'Université de Gand et qu'il y est à présent professeur invité en droit européen. Il est aussi attaché à la commission d'experts du programme de recherche sur les jeux de hasard de la KULeuven. L'intervenant ne peut évidemment pas nier qu'à partir de 1994, il est intervenu devant la Cour de justice en tant que représentant de l'État belge dans l'ensemble de la jurisprudence liée aux jeux de hasard. Il est donc en mesure à ce titre de placer l'ensemble de la jurisprudence produite en la matière de 1994 jusqu'à l'arrêt récent Liga Portuguesa de Futebol Profissional dans une perspective juridico-historique et de fournir les éclaircissements nécessaires à cet égard. Il fait remarquer que quinze questions préjudicielles sont pendantes devant la Cour de justice mais que celles-ci ne sont plus renvoyées devant la Cour plénière, ce qui signifie que d'après la Cour, les questions de principe sont résolues, par exemple en matière de reconnaissance mutuelle. L'intervenant fera part de son point de vue en sa qualité d'observateur du débat européen, depuis le premier débat sur le marché intérieur en matière de jeux de hasard, mené en 1992 à l'initiative de la Commission européenne, en passant par le débat qui a lieu aujourd'hui — et jusqu'au sein du Conseil des ministres — au sujet de l'établissement et des services, jusqu'au débat qui anime le Parlement européen, en particulier au sujet des jeux en ligne.

L'intervenant est d'avis qu'il y a quatre grands principes à prendre en compte, à savoir le principe de subsidiarité, le principe de précaution tel qu'il est inscrit dans le Traité de Lisbonne, le principe d'intégrité et, enfin, le principe de solidarité.

Le premier principe est celui de la subsidiarité. Le Conseil européen des chefs d'État a précisé en 1992 à Edimbourg qu'en vertu du principe de subsidiarité, il n'appartenait pas aux institutions européennes de prendre des mesures d'harmonisation. La compétence en cette matière relève des États membres. Vu l'importance que revêt internet aujourd'hui, la situation a changé, mais, fondamentalement, le principe reste le même.

L'intervenant renvoie à l'arrêt Shindler rendu par la Cour européenne en 1994, qui énonce que les jeux de hasard constituent en soi une activité économique particulière à laquelle les principes normaux du traité ne peuvent pas être appliqués en tant que tels. C'est ainsi que l'avocat général a insisté en particulier sur le fait que les règles en matière de concurrence ne peuvent avoir aucun effet utile dans le secteur des jeux de hasard parce qu'elles ne conduisent qu'à une augmentation des risques d'assuétude au jeu.

La Cour a également estimé que, vu les principes socioculturels, économiques et moraux qui sous-tendent les législations relatives à la loterie et aux jeux de hasard, il est parfaitement normal que les États membres mènent leur propre politique en la matière et, plus encore, qu'ils le fassent suivant des modalités totalement différentes de celles d'un autre État membre. C'est un point qui fut aussi confirmé plus tard explicitement dans l'arrêt Anomar. L'arrêt Läära rendu en 1999 est un arrêt particulièrement pertinent dans le cadre du débat relatif à l'interprétation de l'arrêt du 8 septembre 2009. Dans cet arrêt, la Cour énonçait qu'il était parfaitement acceptable que les États membres, qui disposent d'un pouvoir discrétionnaire en matière de jeux de hasard, puissent décider du type de jeux, de leur volume et du nombre d'opérateurs.

En soi, ce principe implique déjà l'exclusion, dans les faits, du principe de reconnaissance mutuelle. Il est impossible qu'un État membre puisse décider du type de jeux et du nombre d'opérateurs dès lors qu'il y a obligation de tenir compte des licences délivrées dans un autre État membre.

La Cour de l'Association européenne de libre-échange (ALE), confrontée à ce problème dans le cadre de l'affaire norvégienne Ladbroke, l'a confirmé explicitement en énonçant, dans le paragraphe 88, qu'un État membre est parfaitement habilité à instaurer son propre système de licences sans devoir tenir compte des licences déjà octroyées dans d'autres États membres, étant donné qu'il peut vouloir tendre vers un niveau de protection différent.

L'intervenant précise que le principe de reconnaissance mutuelle est clairement formulé au § 69 de l'arrêt Liga Portuguesa de Futebol Profissional. L'audience de la Cour plénière fut particulièrement significative à cet égard, étant donné que tous les États membres, suivis en cela par le service juridique de la Commission européenne, précisèrent clairement qu'il n'y a pas de volonté de créer un marché purement concurrentiel en matière de jeux de hasard, vu les risques que ceux-ci renferment.

Cela vaut aussi bien pour les jeux « on-line » que pour les jeux « off-line ». On peut dire, en partant du principe de subsidiarité, que les États membres ont effectivement un pouvoir discrétionnaire qui leur permet de réglementer ce secteur. Toutefois, selon la jurisprudence, le cadre réglementaire doit avoir un objectif bien déterminé. L'objectif admis par la Cour est qu'il faut mener une politique de canalisation, c'est-à-dire créer un cadre qui permette aux joueurs d'évoluer dans un environnement contrôlé et transparent, dans lequel il soit possible de faire de la prévention et de soigner les personnes dépendantes du jeu mais aussi d'empêcher l'infiltration par les milieux criminels. Il ne faut pas oublier, ainsi que l'a précisé également Europol dans son rapport annuel, que le risque d'infiltration du crime organisé dans le secteur des jeux de hasard en ligne est particulièrement élevé. L'idée est donc de faire en sorte que les États membres développent une politique de canalisation dans les limites de leurs compétences et aient la possibilité de la mettre en œuvre de manière autonome.

Certains États membres adoptent ainsi une politique plus libérale que la Belgique, comme l'Italie et la France, et d'autres une politique beaucoup moins libérale, comme la Finlande, dont le législateur a complètement consolidé l'approche monopolistique dans la loi. Jusqu'à présent, le Parlement néerlandais a tout simplement interdit l'ouverture du marché en ligne. L'Allemagne a également fermé purement et simplement ce marché à la suite d'un arrêt rendu en 2006 par la Bundesverfassungsgericht. Il existe donc plusieurs approches.

Le principe de précaution implique de devoir se montrer très prudent lorsque l'on ne dispose pas de tous les éléments scientifiques pour connaître les risques. L'intervenant estime que le projet de loi à l'examen satisfait pleinement à ce principe. On propose d'ouvrir une partie du marché en ligne, car celui-ci est désormais une réalité, mais on le place dans un cadre contrôlable et réglementé.

Il y a de cela plusieurs années, la Bundesverfassungsgericht allemande a appliqué le même principe de précaution en matière de paris sportifs, en décidant que les Länder étaient habilités à limiter les paris sportifs étant donné que l'on ignorait dans quelle mesure une ouverture du marché influencerait négativement la dépendance au jeu. Cette décision n'est pas unique en son genre.

Le 19 mai 2009, dans le cadre d'une affaire relative au secteur de la pharmacie, la Cour de justice siégeant en assemblée plénière a jugé, sur la base du même principe de précaution, que les États membres étaient autorisés à limiter le marché des pharmacies à celles qui remplissaient les strictes conditions d'agrément dans l'État membre concerné. Cet arrêt indiquait déjà clairement la direction que suivrait la Cour dans l'affaire relative à la Liga Portuguesa de Futebol Profissional.

Il faut donc progresser prudemment, principalement dans le secteur des jeux en ligne qui a été clairement qualifié de plus dangereux par plusieurs institutions internationales et, en premier lieu, par l'organe professionnel de l'Organisation mondiale du commerce, et pour lequel les États-Unis ont été autorisés à restreindre sévèrement leur marché pour des raisons d'ordre public. La plus grande dangerosité des jeux en ligne a également été reconnue par le Parlement européen à une majorité de 85 % et par la Cour de justice, ainsi que par l'avocat général et le service juridique dans l'affaire relative à la fédération portugaise de football. Il est logique d'encadrer strictement les jeux de hasard et d'être prudent, comme le fait la Belgique en autorisant que des jeux soient proposés par plusieurs opérateurs qui ont déjà actuellement apporté la garantie qu'ils remplissent une série de critères stricts.

Le troisième principe est celui de l'intégrité. Le Parlement européen a mené tout un débat et publié un rapport sur l'intégrité des jeux en ligne. Deux points ont été soulignés à ce propos: d'une part, les règles de subsidiarité doivent sortir pleinement leurs effets, ce qui autorise donc les États membres à réglementer eux-mêmes le secteur et, d'autre part, les jeux en ligne nécessitent clairement un cadre réglementaire, et pas un cadre d'autorégulation. Il existe en effet un risque pour le consommateur en raison de l'accessibilité facile des jeux en ligne, laquelle est de nature à entraîner facilement une dépendance au jeu. Il convient aussi en particulier de se référer à la troisième directive relative au blanchiment, qui réclame un contrôle plus strict des jeux de casino en ligne permettant aux autorités d'effectuer des inspections en ligne. Il est capital de viser une intégrité absolue et essentielle, ce qui n'est possible qu'avec un régulateur comme la Commission des jeux de hasard. Le fait que le Parlement européen a voté cette mesure à une majorité de 85 % indique d'ailleurs clairement que l'intégrité est un élément essentiel pour les jeux en ligne.

Le dernier principe concerne la solidarité. La notion de solidarité n'est pas interprétée de la même manière dans la législation des différents États membres. Ainsi, en Belgique, la législation prévoit une structure destinée aux loteries, et les courses hippiques sont elles aussi soumises au principe de solidarité. En outre, la rétribution versée à la Commission des jeux de hasard est un élément fondamental spécifique pour permettre la prévention et le traitement de la dépendance au jeu.

En ce qui concerne la distinction entre jeux en ligne et jeux hors ligne, l'intervenant renvoie à la décision prise par l'organe de recours de l'OMC dans un litige opposant Antigua aux États-Unis, où il fut clairement précisé que la réglementation relative aux jeux en ligne devait être identique à la réglementation concernant les jeux terrestres. Il a été jugé que les jeux en ligne étaient des « like services » et donc des services équivalents aux jeux terrestres. On ne peut donc justifier en aucune manière qu'ils soient traités de façon différente.

Par conséquent, il est raisonnable d'étendre progressivement le marché en Belgique en autorisant les opérateurs terrestres existants à se lancer dans le secteur des jeux en ligne. Tous les opérateurs hors ligne existants estiment d'ailleurs qu'ils doivent pouvoir autoriser des jeux en ligne, faute de quoi ils se trouveraient dans une position concurrentielle injuste par rapport aux opérateurs qui ne sont pas soumis à de strictes conditions d'agrément.

En ce qui concerne la portée de l'arrêt Liga Portuguesa de Futebol Profissional, l'intervenant souligne qu'il faut placer cet arrêt dans son contexte. Il ne pense pas que la Cour ait rendu un verdict uniquement applicable au Portugal. Le paragraphe 69 excluant la reconnaissance mutuelle semble suffisamment générique pour pouvoir être applicable au secteur tout entier. Dans cette affaire, la Cour a effectué elle-même un contrôle de proportionnalité et a jugé que la loterie nationale portugaise était parfaitement capable d'offrir un bon encadrement compte tenu de sa structure. La Cour a procédé elle-même au contrôle de proportionnalité au lieu de demander systématiquement au juge national d'effectuer ledit contrôle, comme elle l'avait fait dans des affaires précédentes.

Cela s'est déjà produit également en Belgique. À la suite de l'adoption de la loi de 2002, la Cour d'arbitrage de l'époque a contrôlé la politique belge au regard de la réglementation européenne (arrêts Gambelli et Zenatti) et jugé qu'il s'agissait d'une politique parfaitement cohérente. Une solution à la problématique d'internet et la prise en compte de chaque élément du débat contribueront à préciser la situation en matière de respect des règles de proportionnalité.

L'intervenant souhaite encore évoquer l'arrêt Placanica relatif à la problématique d'internet. Dans cette affaire, la Cour devait répondre à la question de savoir comment il fallait évaluer la cohérence dans le cadre de la transition vers une politique d'extension des activités. La théorie de « l'expansion contrôlée » a été avancée par la France et la Belgique et acceptée par la Cour. Compte tenu de la nécessité d'employer des techniques modernes et d'utiliser de nouveaux canaux de distribution, la Cour a ainsi reconnu que l'expansion contrôlée, c'est-à-dire l'adaptation de la politique aux nouveaux besoins, était la seule possibilité pour que les États membres puissent mener une politique de canalisation efficace. Le projet de loi à l'examen cadre avec la jurisprudence de la Cour européenne.

L. Échange de vues

Mme Crombé-Berton souligne que l'on poursuit clairement un objectif de précaution et de canalisation. Cela étant acquis, on s'interroge sur la méthode. On pourrait imaginer d'appliquer un critère quantitatif, et limiter le nombre de casinos en ligne. Si l'on fermait ainsi le champ, plutôt que de l'ouvrir éventuellement avec un critère qualitatif, le critère quantitatif devrait-il obligatoirement s'accompagner de la restriction de l'implantation physique ? Ne pourrait-on l'accompagner plutôt d'un cahier des charges et de critères très stricts fixés dans la loi, et l'objectif ne serait-il pas encore mieux atteint de cette façon, au lieu de considérer a priori que tous ceux qui opèrent déjà en « off line » seront nécessairement les meilleurs « on line » ? Comment justifier, ne fût-ce qu'au regard du principe de libre établissement, le fait que l'on ferme le champ à des sociétés qui, aujourd'hui, opèrent on line et qui ont leur implantation en Europe ?

Ainsi, imaginons un opérateur on line allemand, qui n'a pas d'infrastructure en Belgique, mais qui est reconnu comme le meilleur sur le plan de l'offre de jeu, des garanties par rapport à l'addiction, etc. Un tel opérateur ne pourra pas venir s'installer en Belgique pour des activités on line, pour la simple raison qu'aujourd'hui, il n'y possède pas d'établissement physique. L'orateur peut-il expliciter les raisons pour lesquelles il paraît certain qu'un recours éventuel de cet opérateur n'aurait aucune chance d'aboutir ?

M. Vlaemminck confirme que l'on ouvre le débat en posant des questions et que le dialogue ainsi engagé permettra d'aboutir à une législation plus solide, capable de passer avec succès le stade du contrôle de proportionnalité lors d'éventuels litiges ultérieurs. Le secteur en ligne, qui pratique un lobbying très insistant et dispose de grandes ressources financières, intente des actions dans toute l'Europe.

Selon la jurisprudence, chaque État membre dispose d'un pouvoir discrétionnaire, autrement dit un pouvoir qui n'est limité que par l'arbitraire. Le rôle du juge est donc d'effectuer un contrôle marginal pour vérifier si les autorités n'ont pas dépassé les limites de leur pouvoir discrétionnaire et ne sont pas tombées dans l'arbitraire. L'État membre a donc toute latitude pour élaborer une politique bien déterminée en fonction des facteurs socioéconomiques, culturels et moraux spécifiques.

Le projet et la proposition de loi à l'examen dessinent un cadre. Nonobstant le fait qu'il appartient au Parlement de définir précisément ce cadre, l'intervenant souhaite indiquer qu'il est favorable au cadre ébauché. Celui-ci remplit en effet les critères spécifiques nécessaires et prévoit d'ouvrir progressivement le marché au secteur en ligne, qui est déjà une réalité.

En ce qui concerne les fournisseurs de services, l'intervenant souligne que ceux qui fournissent des jeux en ligne aux opérateurs représentent un marché énorme. Ces fournisseurs, qui sont actifs dans le monde entier, sont parfaitement en mesure de proposer leurs services aux opérateurs dans le cadre de la réglementation belge. La loi belge sur les jeux de hasard prévoit une licence spécifique pour les fournisseurs de jeux de hasard destinés aux opérateurs. Les fournisseurs de jeux en ligne pourront donc obtenir une licence dans le cadre de la loi sur les jeux de hasard et proposer leurs services aux opérateurs de ces jeux de hasard. L'intervenant pense que cette symbiose entre les fournisseurs de services et les fournisseurs de jeux de hasard touche à la perfection. Les meilleurs fournisseurs à l'échelle mondiale seront ainsi en mesure de proposer leurs services aux opérateurs belges sur une base contractuelle. Il n'existe aucune restriction à l'accès au marché dans ce domaine.

Mme Crombé-Berton demande si cela signifie qu'une licence pourrait être cédée.

M. Vlaemminck répond par la négative. Il ne s'agit pas de céder une licence, mais de fournir des services à l'opérateur. Ainsi, tous les jeux de paris sportifs qui sont vendus dans les magasins sont vendus à travers un système de terminaux en ligne. Ce n'est pas l'opérateur même qui les a installés. Il les a achetés. La loi sur les jeux de hasard prévoit par ailleurs que tout fournisseur peut obtenir une licence dans les conditions qu'elle fixe. Tout opérateur de jeu a donc la possibilité de rechercher le meilleur fournisseur. De grands opérateurs anglais ont d'ailleurs changé leur plan business debusiness to consumerenbusiness to business, parce qu'ils préfèrent être fournisseurs d'opérateurs avec des licences nationales plutôt que de continuer à buter contre des législations qui leur interdisent l'accès au marché. Ces mêmes opérateurs ont essayé d'accéder au marché américain, et ont dû se contenter de payer une amende de plus de 130 millions de dollars au département de la Justice pour avoir violé la loi américaine.

Mme Crombé-Berton demande confirmation de ce que les responsables au regard de la loi belge seront bien les opérateurs.

M. Vlaemminck le confirme.

Mme Dony exprime sa réticence par rapport à l'expression de « pouvoir discrétionnaire » des États. Dans son dernier arrêt, la Cour déclare que « Les États membres sont par conséquents libres de fixer les objectifs de leur politique en matière de jeux de hasard et de définir avec précision le niveau de protection recherché. Toutefois, les restrictions qu'ils imposent doivent satisfaire aux conditions qui ressortent de la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne leur proportionnalité. Par conséquent, la question posée par Mme Crombé-Berton ne peut être rencontrée par la seule référence au principe de proportionnalité, parce que, dans un second temps, la Cour énonce: « Une législation n'est propre à garantir la réalisation de l'objectif invoqué que si elle répond véritablement au souci de l'atteindre d'une manière cohérente et systématique ». Il ne faudrait donc pas déduire de ce qui a été dit que ces exigences relatives à la proportionnalité et à la manière d'atteindre l'objectif ne feraient pas l'objet d'un contrôle. Le terme « discrétionnaire » doit donc être utilisé avec beaucoup de prudence.

M. Vlaemminck répond que ce terme a été utilisé par la Cour dans des arrêts précédents. La nuance est que, nonobstant le pouvoir discrétionnaire de décider de la politique à suivre en matière de jeu, cette politique doit répondre aux critères de non-discrimination et de proportionnalité.

Ainsi, la politique anglaise est entièrement différente de la politique belge, qui est elle-même totalement différente de la politique française, et encore davantage de la politique néerlandaise.

La Cour a explicitement admis, dans l'arrêt Anomar, qu'un État membre a le choix d'une politique de jeu, indépendamment du fait qu'un autre État membre a choisi une politique plus libérale.

Mme Van dermeersch souligne que le projet de loi à l'examen opte pour une ouverture partielle du marché aux jeux en ligne et pour une politique de canalisation. Elle fait référence à la situation aux Pays-Bas et en Allemagne, où les jeux en ligne sont interdits. La Finlande a adopté une vision purement monopolistique, qui a la faveur de l'intervenante. Toutefois, l'interdiction lui semble également une piste intéressante. En effet, il ne faut pas perdre de vue que ce sont surtout les joueurs dépendants qui s'intéressent aux jeux en ligne, étant donné que le contrôle social disparaît.

Les personnes les plus vulnérables sur le plan financier sont également touchées car elles sont souvent sans emploi et ont, par conséquent, plus de temps à consacrer au jeu. D'un point de vue européen, les Pays-Bas et l'Allemagne sont-ils toutefois autorisés à instaurer une interdiction totale des jeux en ligne ? Est-il possible de bloquer purement et simplement, dans les pays européens, certains sites qui proposent de tels jeux à partir des quatre coins du monde ? Qu'en est-il des règles de concurrence ? Existe-t-il au niveau européen des règles pour protéger les plus vulnérables ? Des exigences minimales ont-elles été définies sur ce plan ? Ou les règles de l'entrepreneuriat et de la maximisation des profits ont-elles le champ libre ?

M. Vlaemminck répond que la situation en Allemagne et aux Pays-Bas est différente. L'Allemagne a fermé son marché en ligne à la suite d'une discussion en matière de compétence et d'un arrêt de la Cour constitutionnelle sur les paris sportifs.

Aux Pays-Bas, l'interdiction est en quelque sorte un « accident de parcours ». Le ministre néerlandais de la Justice était partisan d'une certaine ouverture du marché en ligne, limitée au monopole d'État de Holland Casino, mais cette formule a été rejetée, à la surprise générale, par une majorité de rechange au Parlement.

Des procédures en manquement sont ouvertes contre les deux pays en raison de l'interdiction totale qu'ils ont instaurée. L'intervenant ne pense toutefois pas que ces procédures seront poursuivies, du moins pas tant qu'une nouvelle Commission n'aura pas été mise en place: le torchon brûle entre le commissaire pour le marché intérieur, favorable à une libéralisation économique totale — illimitée et débridée — des jeux de hasard, et d'autres commissaires désireux de prendre également d'autres éléments en considération, tels que la santé, la protection des consommateurs et la taxation, notamment la volonté d'éviter que tous les opérateurs en ligne se retrouvent dans des zones extraterritoriales.

Jusqu'à présent, aucune politique n'est menée en la matière au niveau européen. Il existe bien une réflexion — initiée sous la présidence française, laissée en suspens sous la présidence tchèque et poursuivie sous la présidence suédoise — dans le cadre de laquelle les États membres sont régulièrement amenés, au sein d'un groupe de travail du Conseil, à débattre d'une série de questions, telles que le jeu responsable, la dépendance au jeu et la taxation. En l'occurrence, il ne s'agit toutefois pas d'un débat institutionnel classique; il n'y a donc aucune initiative de la part de la Commission européenne et le débat ne revêt aucun caractère contraignant. Il faut espérer que les présidences à venir seront à même de poursuivre cette réflexion dans un cadre institutionnel classique et qu'une solution pourra être trouvée au niveau européen concernant différents points transnationaux essentiels liés à l'internet.

La politique de canalisation doit répondre à certains critères de proportionnalité et de cohérence. Les jeux en ligne existent: c'est une réalité que l'on ne peut nier. En fait, jusqu'à présent, et ce depuis la loi de 1999, une interdiction des jeux en ligne est en vigueur en Belgique. Le ministre de la Justice de l'époque l'a également souligné dans le cadre des débats relatifs à la loi sur la Loterie nationale de 2002. Sur la base du principe de précaution, le projet de loi actuel va dans le sens d'une structuration de l'offre en ligne existante, selon des modalités réglementées et contrôlées, donc canalisées. L'intervenant voit donc dans le projet de loi une réponse prudente et proportionnée. Les jeux et paris en ligne seront proposés par des opérateurs existants, qui satisfont à une série d'exigences strictes. Les licences délivrées aux opérateurs sont limitées dans le temps et soumises à une procédure d'octroi transparente. Nous passons donc d'une interdiction totale à une ouverture prudente du marché.

Selon l'intervenant, une interdiction totale n'est pas en phase avec le principe de canalisation. De fait, comment offrir au joueur une offre sûre si une interdiction totale est décrétée ? En effet, celui qui souhaite jouer sur l'Internet trouvera le moyen de le faire dans le circuit « gris » ou dans le circuit « noir », avec tous les risques que cela implique. Il incombe donc aux pouvoirs publics de veiller à la mise au point d'une offre canalisée, par le biais d'une politique d'expansion contrôlée.

Mme Taelman peut accepter qu'il existe, actuellement, une interdiction totale. La Commission des jeux de hasard a dressé de nombreux procès-verbaux qui n'ont cependant pas donné lieu à des poursuites effectives. Reste à savoir si une telle interdiction totale rencontre le souci de contrôler et de canaliser les risques attribués à juste titre aux jeux en ligne. En effet, les interdictions totales se heurtent trop souvent à la créativité du joueur.

L'hypothèse d'une interdiction totale des cartes de crédit éveille une crainte similaire chez l'intervenante. Toutes sortes de mécanismes de contournement seront alors déployés, tel qu'un détour par les Pays-Bas. Il est également ressorti des auditions précédentes que les technologies de l'information et de la communication permettent techniquement de bloquer des cartes de crédit, des adresses IP, etc., rendant ainsi possible une intervention rapide. Ne serait-il pas plus efficace que la Commission des jeux de hasard puisse directement exiger le blocage d'adresses IP par les fournisseurs ou la collaboration des banques ? Le cadre régissant le volet Internet est-il suffisamment défini dans le projet de loi ?

M. Vlaemminck répond qu'il n'est pas non plus un spécialiste TIC. La discussion sur le blocage ISP est à l'ordre du jour dans plusieurs États membres. La Norvège, par exemple, a déjà pris des initiatives en ce sens. L'intervenant estime que dans le cadre d'une offre canalisée, le blocage ISP constitue un moyen complémentaire, honnête et crucial, pour garder le secteur sous contrôle. En effet, les opérateurs titulaires de licences doivent également avoir la garantie qu'ils pourront mener les activités concernées et que la concurrence déloyale de l'offre illégale sera combattue. L'intervenant estime que le blocage de contenu n'est pas interdit s'il s'inscrit dans un cadre réglementaire qui propose une offre correcte, dans le respect des impératifs de proportionnalité.

M. Vankrunkelsven s'interroge sur d'éventuelles discriminations contenues dans la législation belge. Le but serait de permettre que les jeux de hasard organisés à faible fréquence soient proposés par les commerces de journaux. Les paris hippiques mutuels seraient donc autorisés dans les librairies, contrairement aux paris hippiques à cote fixe.

M. Vlaemminck souligne qu'il est question d'un problème de discrimination non au regard du droit européen, mais au regard du droit constitutionnel. Sans être un spécialiste en la matière, il estime que pour qu'il y ait discrimination, il faut qu'il soit question de circonstances identiques. Les paris mutuels sont différents des paris à la cote. Ils présentent un facteur de risque différent, si bien qu'il n'est pas étonnant qu'ils puissent être distribués de manière différente.

Mme Dony déclare, à propos de l'argument relatif au lien entre on line et off line, que beaucoup d'arguments ont été défendus de part et d'autre. Il s'agit typiquement du genre de disposition dans laquelle il faudrait à tout le moins un commentaire qui établisse en quoi la solution envisagée est, au-delà du choix politique, une manière appropriée de garantir la canalisation, car c'est aussi typiquement le genre de disposition qui fera l'objet d'un recours.

Il est très frappant de constater que, dans l'arrêt Santa Casa, l'existence d'une justification préalable a été un élément très important dans l'appréciation de la Cour sur la légalité de la mesure.

Il s'agit du genre de mesure où, par différentes méthodes relevant de la technique législative et parlementaire, il faudrait anticiper les critiques possibles par rapport à une justification objective de la proportionnalité et de la cohérence de la mesure.

Mme Crombé-Berton fait observer que, dans l'arrêt Santa Casa, il s'agissait d'une législation existante et cohérente, qui était appliquée depuis longtemps, alors qu'ici, on fait une nouvelle loi.

Mme Dony répond que la question doit être nuancée. En effet, tout l'enjeu dans cette affaire est qu'il existait pour l'association en question un monopole off line qui avait été étendu à l'on line. On a fait valoir que tous les arguments qui valaient pour la limitation et le monopole off line pouvaient a fortiori s'étendre à l'on line. Il ne s'agissait donc pas d'une législation existante, mais plutôt de l'extension à l'on line d'une mesure existant pour l'off line.

Une série de documents a été communiquée aux membres à l'occasion des audtions. Ceux-ci figurent en annexe au présent rapport.

V. REPRISE DE LA DISCUSSION GÉNÉRALE

A. Exposé de M. Carl Devlies, secrétaire d'État à la Coordination de la lutte contre la fraude, adjoint au premier ministre

Lors de la dernière audition, le souhait a été exprimé d'étoffer l'exposé des motifs en y ajoutant l'évaluation, au regard du droit européen, de la réglementation des jeux Internet.

Sous l'effet de l'évolution technologique, l'offre traditionnelle (off-line) est de plus en plus remplacée par une offre accessible au moyen des instruments de la société de l'information qui, à ce jour, n'est soumise à aucun contrôle et ne garantit aucune protection du joueur.

Le législateur belge entend réglementer ces jeux d'une manière cohérente en se basant sur la même philosophie que celle qui sous-tend la loi du 7 mai 1999.

Par la loi du 7 mai 1999, le législateur poursuivait non seulement un objectif de protection sociale des destinataires du service, mais il entendait aussi exercer un contrôle efficace afin d'identifier, de prévenir et de combattre les possibles effets secondaires et pervers des jeux de hasard (assuétude, blanchiment d'argent, fraude financière et fiscale). Le projet de loi actuel poursuit dans la même direction.

L'approche proposée entend restreindre de manière cohérente l'offre incontrôlée, en conformité avec les principes de subsidiarité, de précaution et de canalisation, tout en garantissant l'intégrité des prestataires de services et du jeu.

Sur la base du principe de subsidiarité, le législateur belge est habilité à mener une politique de licences qui lui est propre et à déterminer le niveau de protection national, et ce de manière autonome. Le fait généralement observé que les jeux sur Internet comportent de plus grands risques que les jeux traditionnels justifie un niveau de protection plus sévère ou au moins équivalent. À cet égard, l'intervenant renvoie également à mon exposé précédent relatif aux remarques formulées par la Commission européenne.

À la lumière du principe de prudence et compte tenu des risques élevés, le projet de loi prévoit, dans un premier temps, une offre limitée permettant à la Belgique d'exercer un contrôle efficace.

Conformément au principe de canalisation, le projet de loi vise à remplacer l'offre incontrôlable de jeux de hasard par une offre limitée contrôlée.

Compte tenu de l'évolution technologique, il est proportionné aux objectifs du projet de loi d'offrir aux opérateurs existants la possibilité de proposer leurs jeux existants par ce nouveau canal, et ce sous les mêmes conditions strictes et le même contrôle rigoureux que pour les jeux hors ligne. La législation existante doit donc être adaptée à la lumière de cette évolution.

La nouvelle offre de jeux de hasard sera ainsi ancrée de manière cohérente et systématique dans la loi du 7 mai 1999.

Plutôt que d'imposer une limitation numérique, le projet de loi a opté pour une limitation qui vise à assurer la meilleure protection possible du joueur.

Le fait de réserver la licence en ligne aux opérateurs existants permet, d'une part, à la Commission des jeux de hasard d'exercer le contrôle le plus efficace et le plus effectif possible et, d'autre part, en contrepartie, de répondre à la demande raisonnable de jeux de hasard via Internet. Cette restriction est proportionnelle aux objectifs du projet de loi.

Cette mesure est liée aux limitations quantitatives instaurées par la loi du 7 mai 1999 et cohérente avec ces limitations. La limitation quantitative du nombre d'opérateurs qui figure dans la loi du 7 mai 1999 n'a pas été considérée comme discriminatoire jusqu'à présent et n'a fait l'objet, à ce jour, d'aucune objection de la Commission européenne.

Intégrité des prestataires de services

Le jeu sur Internet présente un risque plus élevé que le jeu dans le monde réel. Il doit donc faire l'objet d'un contrôle plus strict par la Commission des jeux de hasard et il nécessite une plus grande intégrité des fournisseurs de services.

La réglementation proposée n'interdit pas aux fournisseurs de services établis dans d'autres États membres de proposer leurs jeux sur Internet en Belgique, à condition qu'ils détiennent une licence de classe A, B ou F1.

La détention d'une licence de classe A, B ou F1 comme condition nécessaire pour pouvoir obtenir la licence en ligne n'a pas pour but d'exclure les opérateurs étrangers du marché national, mais bien de protéger le joueur et de lutter contre la fraude et la délinquance organisée.

La question est dès lors de savoir si les prestataires de services étrangers ont plus de difficultés que les prestataires de services belges à obtenir en Belgique une licence hors ligne pour l'organisation de jeux de hasard réels.

La réponse est négative.

Premièrement, le législateur belge a le droit d’exiger d’un opérateur étranger titulaire d'une licence étrangère qu’il fasse la demande d’une licence belge pour pouvoir proposer des jeux de hasard en Belgique.

En matière de jeux de hasard, les États membres ne sont pas tenus de reconnaître les licences délivrées par d’autres États membres. Le principe de la « reconnaissance mutuelle » n'est pas applicable dans le secteur des jeux de hasard; seule une « prise en considération mutuelle » limitée prévaut. Cette spécificité découle du principe qui veut que chaque État membre soit libre de soumettre les jeux de hasard à son propre système de licences. C’est en effet la législation du pays où le service est proposé qui est applicable en l’espèce.

Deuxièmement, l'accès aux licences off-line et plus particulièrement aux licences de classe A, B et F1 est ouvert de manière non discriminatoire aux entreprises établies dans d'autres États membres de l'UE, quelle que soit leur lieu d'établissement (« toute personne physique ressortissante d'un État membre ou toute personne morale qui a cette qualité selon le droit belge ou le droit national d'un des États membres de l'Union européenne »).

Lors de l'évaluation des conditions d'octroi appliquées par le législateur belge, il est systématiquement tenu compte des conditions remplies dans le pays d'origine dans la mesure où celles-ci garantissent un niveau de protection identique ou supérieur.

L'exigence de l'obtention d'une licence belge est donc proportionnée, nécessaire et justifiée dans la mesure où l'on n'impose pas aux opérateurs (étrangers) des doubles conditions ou une double charge.

Troisièmement, les principes constitutionnels d'égalité et de non-discrimination ne sont pas non plus violés. Il n'est fait aucune différence entre un opérateur national souhaitant offrir ses services sur l'Internet et un opérateur établi dans un autre État membre, pour autant qu'ils soient en possession d'une licence de classe A, B ou F1.

Les opérateurs qui disposent d'une licence (offline) leur permettant de proposer des jeux de hasard dans un autre État membre ne peuvent être assimilés aux opérateurs titulaires d'une licence belge. Ils se trouvent dans une situation totalement différente. Le principe d'égalité s'oppose à ce qu'ils bénéficient d'un traitement différencié à défaut de justification raisonnable en ce sens.

Pour éviter que des prestataires de services échappent au contrôle effectif de la Commission des jeux de hasard, la détention d'une licence de classe A, B ou F1 comme condition nécessaire à l'obtention d'une licence en ligne n'est pas une condition disproportionnée pour les prestataires de services qui possèdent déjà une licence dans un autre État membre.

Le lien que certains exploitants ont avec l'État membre qui leur a accordé une licence peut être remis en question. Il est possible de baser le centre de ses activités dans un pays plutôt libéral et de proposer ses services dans un pays qui l'est beaucoup moins. Par exemple, l'État de Malte propose dès aujourd'hui des licences pour créer des sites de jeux d'argent en ligne visant d'autres pays de l'Union.

Eu égard à la nature spécifique du service, la Cour de justice admet en outre que des exigences spécifiques sont justifiées.

L'octroi du droit de réserver l'organisation des jeux en ligne aux opérateurs existants permet de garantir un fonctionnement sûr et contrôlé du système. Le fait que des exploitants disposent déjà d'une licence existante montre leur fiabilité. La présente réglementation offre au législateur belge suffisamment de garanties quant au respect des règles qui doivent garantir le caractère honnête des jeux de hasard.

Le simple fait qu'un prestataire de services propose légitimement de tels services sur Internet dans un autre État membre où il est établi et qu'il soit en principe déjà soumis à à des conditions légales et au contrôle des autorités compétentes de cet État membre (Malte, par exemple) ne peut être considéré comme une garantie suffisante que les joueurs sont protégés contre le risque de fraude et de criminalité. Les autorités belges ne disposent pas des mêmes possibilités de contrôle pour les prestataires de services établis en dehors du territoire national que pour les prestataires de services existants qui sont localisés en Belgique.

L'approche belge est fort comparable à la réglementation portugaise qui a fait l'objet de l'arrêt Liga Portuguesa du 8 septembre 2009 (affaire C-42/07).

Selon la législation portugaise, la « Santa Casa da Misericordia de Lisboa » a le droit d'organiser et d'exploiter la loterie et le toto sur tout le territoire national. Ce droit exclusif a été étendu à tous les moyens de communication électroniques, dont Internet.

La Cour de justice a estimé que “l’octroi de droits exclusifs pour l’exploitation des jeux de hasard par l’Internet à un opérateur unique, tel que Santa Casa, qui est soumis à un contrôle étroit des pouvoirs publics, peut permettre de canaliser l’exploitation de ces jeux dans un circuit contrôlé et être considéré comme apte à protéger les consommateurs contre des fraudes commises par des opérateurs.

Le secteur des jeux de hasard offerts par l’Internet ne fait pas l’objet d’une harmonisation. Un État membre est donc en droit de considérer que le seul fait qu’un opérateur tel que Bwin propose légalement des services relevant de ce secteur par l’Internet dans un autre État membre, où il est établi, ne saurait être considéré comme une garantie suffisante de protection des consommateurs nationaux contre les risques de fraude et de criminalité, eu égard aux difficultés susceptibles d’être rencontrées, dans un tel contexte, pour évaluer les qualités et la probité professionnelles des opérateurs. »

Selon la Cour, « l'article 49 du Traité instituant la Communauté européenne ne s'oppose pas à une réglementation d'un État membre qui interdit à des opérateurs tels que Bwin, établis dans d'autres États membres où ils proposent légalement des services semblables, de proposer des jeux de hasard par Internet sur le territoire de cet État membre ».

Intégrité du jeu et des opérations de jeu

Afin de protéger les joueurs, il faut non seulement un contrôle strict des opérateurs de jeux de hasard, mais aussi un contrôle effectif et efficace du jeu et des opérations de jeu. Sur ce point, le projet de loi prévoit donc que le serveur doit se situer en Belgique.

Les composants logiciels essentiels (logiciel de jeu, comptes des joueurs, connexion correcte avec la Commission des jeux de hasard, etc.) doivent se trouver dans un environnement permettant à la Commission des jeux de hasard d'exercer un contrôle correct et total sur tous les composants logiciels et matériels visibles et cachés.

Durant l'audition, l'expert M. De Vocht a exposé les raisons pour lesquelles la présence du serveur dans un établissement permanent en Belgique est une stricte nécessité.

Réglementation cohérente

La régulation des jeux sur Internet ne crée pas d'offre en ligne supplémentaire étant donné que ces jeux sont actuellement présents sur le marché de manière illégale ou non contrôlée. La régulation des jeux sur Internet est cohérente par rapport à la politique menée en matière de jeux de hasard depuis l'entrée en vigueur de la loi du 7 mai 1999.

L'exploitation de ces jeux s'inscrit dans un cadre légal dans le but d'éviter leur exploitation à des fins frauduleuses ou criminelles et de confiner l'offre dans des limites définies pour exercer un contrôle réel et effectif afin de protéger le joueur.

Parallèlement à l'ouverture prudente de l'offre de jeux à l'Internet, une politique dissuasive et coercitive adéquate sera menée.

Aux fins de protéger le joueur, des initiatives seront prises en vue d'informer les citoyens qu'il est interdit de jouer sur des sites non autorisés, un label de qualité sera décerné aux sites autorisés et des modalités seront fixées en ce qui concerne la publicité. En instaurant la possibilité d'imposer des amendes administrtaives, on pourra sanctionner plus efficacement les personnes qui enfreignent la loi sur les jeux de hasard.

B. Questions des membres et échange de vues

M. Mahoux constate que la discussion se focalise surtout sur des aspects techniques afin, par exemple, de déterminer quels opérateurs il faut autoriser ou si le régime est compatible avec le droit européen ... Il regrette que des éléments fondamentaux de la problématique soient presque passés sous silence. Il pense à la question de l'assuétude au jeu: le projet de loi va-t-il favoriser ou non l'assuétude ? Il pense également à la question de la protection du joueur mais aussi de son entourage. Il demande au gouvernement quelles sont les options prises pour réduire les risques d'assuétude et pour protéger l'entourage du joueur.

Mme Taelman estime que le Sénat a bien travaillé lorsqu'il a élaboré la loi sur les jeux de hasard en 1999. Sous sa forme actuelle, cette loi ne règle toutefois que l'exploitation de 3 types d'établissements de jeux de hasard, à savoir les casinos (classe 1), les salles de jeux automatiques (classe 2) et les cafés (classe 3). L'on pourrait dès lors affirmer que « le législateur a toujours une guerre de retard sur le monde du jeu ». Les jeux de hasard proposés par le biais des instruments de la société de l'information, notamment l'Internet et les jeux médias, n'existaient pas encore à l'époque.

En ce qui concerne les paris, plusieurs d'entre eux figurent dans le champ d'application de la loi sur les jeux de hasard; pour certains autres, c'est le vide juridique, tandis que d'autres encore sont exclus. Il existe une zone grise dans laquelle on ne sait pas exactement qui est compétent, voire carrément s'il y a quelqu'un qui est compétent dans cette matière. Dans le projet de loi à l'examen, il est proposé d'intégrer les paris dans leur ensemble dans la loi sur les jeux de hasard et de confier la compétence relative aux licences à une seule instance, à savoir la Commission des jeux de hasard, ce qui est une bonne chose. Actuellement, le gros problème tient à l'Internet et il est urgent de légiférer dans ce domaine. Bien que la loi interdise explicitement les jeux en ligne à l'heure actuelle, on les voit apparaître partout. En réalité, il n'y a pas de réponse concrète face à ce phénomène qui se développe sur la toile.

Plusieurs procès-verbaux ont été dressés, mais ils n'ont encore jamais débouché sur des poursuites. Vu la prolifération des jeux de hasard proposés sur Internet et compte tenu du fait que la répression est inexistante, ou en tout cas manifestement inefficace, une initiative législative s'impose d'urgence. Pour que la politique d'octroi des licences puisse être cohérente et correctement contrôlée, cela suppose que l'on canalise les jeux interdits vers les établissements autorisés. Telle est la philosophie du projet à l'examen. Il est aussi clairement apparu au cours des auditions qu'il n'y a pas non plus d'obstacle communautaire pour agir dans ce sens. Il importe d'ancrer les jeux de hasard dans un cadre juridique faisant primer la protection du joueur. Canalisation et contrôle sont donc deux éléments indispensables. C'est important tout d'abord pour le joueur lui-même, mais aussi pour son entourage et sa famille.

Ces dernières années, les jeux médias sont également pointés du doigt comme étant problématiques. Les précédents ministres de la Justice ont déjà tenté de remédier au problème par voie d'arrêté royal. Il y a lieu de soumettre ces jeux, eux, aussi à une obligation de licence et, en ce sens, on ne peut qu'applaudir au projet de loi à l'examen.

S'agissant des règles de protection des joueurs et des parieurs, l'intervenante estime que le projet à l'examen représente un progrès important. En effet, le joueur peut demander lui-même qu'on lui interdise l'accès aux jeux mais cette demande peut aussi être formulée par toutes les personnes intéressées.

La compétence de la Commission des jeux de hasard étant étendue, il y a lieu d'améliorer les instruments à sa disposition. D'où l'élaboration d'un régime justifié habilitant la Commission des jeux de hasard à infliger des amendes dans le respect des droits du contrevenant. À cet égard, il importe de suivre la réglementation européenne et de faire une nette distinction entre l'organe de recours et l'organe investi du pouvoir de décision en la matière.

Lors des auditions, les courses hippiques ont bénéficié d'une très grande attention. Une distinction est faite entre la cote fixe et les paris mutuels. Si l'on envisage d'autoriser également les courses hippiques comme activité accessoire dans les librairies, la question se pose de savoir si cette autorisation doit se limiter aux paris mutuels ou si elle doit porter sur les deux systèmes. N'est-il pas discriminatoire de n'autoriser qu'un seul de ces deux systèmes ? L'audition a clairement établi qu'il y a une différence fondamentale entre les deux systèmes. Une différence apparaît également au niveau du risque de dépendance, du fait que le délai entre les différents paris est beaucoup plus long dans le cas des paris mutuels. La répartition des bénéfices a également une influence.

Par ailleurs, il importe également que les paris mutuels puissent fournir une contribution importante au secteur en soi.

Un dernier élément concerne les cartes de crédit. L'intervenante estime que la canalisation et un contrôle clair constituent l'intérêt essentiel de la législation à l'examen. Le raisonnement selon lequel il est préférable de ne pas utiliser de cartes de crédit, si l'on veut canaliser, protéger et contrôler, ne tient pas tout à fait debout. Aux yeux de l'intervenante, les cartes de crédit peuvent précisément être un instrument de canalisation. Un éventuel refus des cartes de crédit implique le risque que le secteur n'invente un système permettant bel et bien de jouer avec des cartes de crédit, par un détour via les Pays-Bas, et qu'il ne contourne ainsi l'interdiction applicable en Belgique. Il est possible de contrôler efficacement les cartes de crédit, ce qui peut constituer un avantage pour la protection du joueur, en ce qui concerne l'alerte pouvant être donnée en cas de dépassement de certains montants de crédit, par exemple.

Mme Crombé-Berton rappelle que la législation en préparation vise prioritairement à protéger la société et le joueur tout en conservant à l'individu une part de liberté et en prenant en considération les intérêts économiques.

Elle en veut pour preuve que le projet de loi à l'examen, tout comme sa proposition de loi nº 4-1162, étendent, à toute personne qui a un intérêt, la possibilité de saisine de la Commission des jeux de hasard pour demander l'interdiction d'un joueur. Actuellement, seul le joueur peut le faire; ce qui se passe généralement trop tard. Avec le projet de loi à l'examen, un membre de la famille, le CPAS, etc., pourront demander l'interdiction d'un joueur tant pour les jeux dans le monde réel que les jeux en ligne. C'est une avancée importante qui permettra de mieux protéger le joueur contre lui-même.

Pour les jeux par Internet, il est proposé de créer une liste blanche des opérateurs qui pourront être agréés. Ces opérateurs devront répondre à une série de conditions fixées à l'article 25 mais ils devront en outre avoir leur serveur en Belgique. L'objectif est de disposer des meilleurs opérateurs qui offrent des garanties en matière de traçabilité, de transparence mais également de protection du joueur.

Le projet part du postulat que seuls les opérateurs qui disposent d'une licence dans le monde réel pourront offrir des jeux en ligne. L'intervenante n'est pas convaincue que les opérateurs dans le monde réel sont nécessairement les meilleurs opérateurs dans le monde virtuel. Il n'est pas certain que tous les opérateurs dans le monde réel souhaitent offrir des jeux en ligne. Ce sont deux métiers différents et le public cible n'est pas le même.

Mme Crombé-Berton pense que le couplage des jeux en ligne aux jeux réels ne garantit pas que l'on disposera des meilleurs opérateurs en ligne. Elle aurait préféré que l'on ouvre le champ des jeux en ligne aux opérateurs européens, en imposant des critères précis — parmi lesquels la protection du joueur — et en éliminant les opérateurs qui auraient des filiales dans des paradis fiscaux.

L'intervenante pense par ailleurs que la solution retenue dans le projet de loi ne met pas notre pays à l'abri d'une procédure en infraction sur le plan du droit européen. La Commission européenne a rendu un avis circonstancié à la suite de la notification qui lui a été faite du projet de loi. La Commission a demandé à la Belgique de clarifier et de modifier le texte du projet de loi. Elle a estimé que le projet de loi violait l'article 49 du Traité s'il venait à être adopté sans que les observations de la Commission soient prises en compte.

Mme Crombé-Berton renvoie ensuite aux incriminations pénales que risquent les personnes qui jouent en ligne sur des jeux qui sont proposés par des opérateurs illégaux. Il est prévu d'établir une liste « blanche » des opérateurs autorisés. Comment les choses vont-elles se passer concrètement sur le terrain ? Est-il prévu d'utiliser la carte d'identité électronique pour déterminer si la personne n'est pas interdite de jeu, si elle est majeure, si elle a déjà eu des problèmes d'assuétude, etc. L'utilisation de la carte d'identité électronique est un instrument à mettre en avant pour savoir contrôler le joueur et le protéger.

En France, une réflexion est en cours sur l'utilisation de cartes prépayées pour réduire les risques de dépendance puisqu'un plafond est ainsi mis en place. L'utilisation de cartes bancaires et a fortiori de cartes de crédit pour le paiement des mises augmente très nettement les risques de dérives. L'intervenante plaide pour une réflexion en ce domaine.

Mme Crombé-Berton souligne ensuite que sa proposition de loi prévoit la création, au sein de la Commission des jeux de hasard, d'une cellule psychosociale qui aurait un double objectif. Cette cellule, composée d'un médecin, d'un assistant social, d'un psychologue et d'un juriste, pourrait aider la Commission dans la décision qu'elle pourrait rendre par rapport à l'interdiction d'un joueur. La cellule pourrait également orienter le joueur en difficulté pour l'aider à prendre conscience de sa situation et l'encourager à se faire soigner.

L'intervenante évoque ensuite la question des jeux de hasard proposés via les médias (télévision, radio, journaux, etc.). Elle pense qu'il faut réduire le champ d'application du projet de loi sous peine de noyer la Commission des jeux de hasard sous un afflux de demandes de licences.

Mme Crombé-Berton demande enfin des précisions sur le statut de la Commission des jeux de hasard. Faut-il considérer la Commission comme une juridiction ? La Commission cumule par ailleurs différentes fonctions: elle décide d'une part d'entamer la procédure de sanction mais elle fixe également la sanction. Ce cumul des fonctions d'instruction et de jugement par la Commission ne viole-t-il pas le droit à un procès équitable ? L'oratrice espère que les avis écrits demandés aux experts permettront d'éclairer les membres sur ce point.

M. Hellings pense que les auteurs du projet de loi auraient pu faire le choix d'interdire totalement les jeux par internet, comme cela s'est fait en Allemagne et en Suisse.

Les préoccupations des différents intervenants portent principalement sur les aspects économiques et sur la survie du secteur des jeux, mais très peu sur les risques d'assuétude. La Commission des jeux de hasard devrait être pourvue d'un organe psychosocial qui pourrait renvoyer les joueurs en difficulté vers des professionnels capables de les aider. Le projet de loi est lacunaire sur ce point.

L'intervenant n'est pas favorable à l'idée de permettre d'utiliser une carte de crédit pour le paiement des paris car cela ne fait qu'augmenter les possibilités de jouer et également les risques de dépendance.

Il propose enfin de porter à 21 ans l'âge minimum des joueurs pour les jeux en ligne en raison des risques accrus liés à cette forme de jeux.

Réponses du secrétaire d'État

M. Devlies rappelle que l'objectif premier de la loi en projet est de protéger le joueur. Il renvoie aux mesures de canalisation, de prévention, de sanction, etc. qui sont pensées dans ce but. Or, l'offre de jeux sur Internet prolifère et ce secteur échappe à tout contrôle. Les joueurs sont laissés à leur propre sort et aucune mesure d'encadrement n'est prévue pour les joueurs en difficulté. Il est dès lors important que le législateur agisse pour mettre fin à cette situation.

L'intervenant n'est pas favorable à l'idée avancée par Mme Taelman de permettre l'utilisation d'une carte de crédit pour le paiement des mises. Il renvoie à l'avis rendu par le Parlement européen qui s'oppose clairement à ce mode de paiement. Il n'est pas souhaitable de déroger à cet avis si nous voulons que notre législation soit en phase avec les options défendues au niveau européen.

M. Devlies se rallie dans une large mesure aux arguments développés par Mme Crombé-Berton. Il ne partage cependant pas son approche pour la désignation des meilleurs opérateurs pour les jeux en ligne. Le gouvernement souhaite canaliser l'offre de jeux. Il propose à cet effet de travailler avec des opérateurs du monde réel qui ont fait la preuve de leur qualité.

En ce qui concerne l'utilisation de la carte d'identité électronique, l'intervenant souligne que cet élément est déjà intégré dans le projet à l'examen. L'idée est de disposer d'un système qui permette de contrôler l'âge du joueur pour les jeux en ligne à partir de janvier 2011. À l'heure actuelle, il n'y a aucun contrôle de l'âge du joueur sur Internet.

L'orateur souligne ensuite que le projet n'empêche pas l'usage de cartes prépayées. C'est techniquement possible.

Sur la question de l'assuétude, M. Devlies fait remarquer que cette question relève de la compétence des Communautés. Au niveau fédéral, on peut prévoir de donner des informations au joueur et l'inciter à se diriger vers des services pour se faire soigner. Ces services dépendent cependant des Communautés. Il est prévu dans le projet que l'on conseillera aux personnes interdites de jeu de suivre un traitement. La réintégration du joueur ne sera possible que si la personne produit une attestation prouvant qu'elle a suivi un traitement avec succès. Cette procédure sera réglée par arrêté royal.

À la question de l'augmentation de l'âge minimum à 21 ans, M. Devlies fait remarquer que la loi du 15 juillet 1960 sur la préservation morale de la jeunesse fixe à 18 ans la limite d'âge pour les paris. Or, le projet à l'examen ne modifie en rien cette loi de 1960. Cette question a déjà fait l'objet de débats à la Chambre des représentants où une série de membres plaidaient pour un abaissement à 18 ans de la limite d'âge pour les casinos. Les opinions en la matière vont donc en sens divers.

M. Marique (président de la Commission des jeux de hasard) précise, pour ce qui concerne le choix des meilleurs opérateurs, qu'il existe une association des meilleurs opérateurs européens: la European Gaming & Betting Association (EGBA). Cette association défend le principe d'autorégulation et préconise des codes de conduite très séduisants. Cependant, si l'on compare les bonnes intentions formulées par l'association avec les pratiques de ses membres, force est de constater que la différence est grande. Ainsi, si les membres de l'association respectaient leur propre code de conduite, ils ne proposeraient pas en Belgique des jeux qui sont interdits. En offrant, dès à présent des jeux illégaux, ces opérateurs s'excluent pour le futur car ils ne semblent pas des partenaires fiables. C'est au contraire en respectant la législation belge et en s'abstenant de proposer des jeux interdits par la loi qu'ils feraient la preuve qu'ils sont de bons opérateurs.

L'intervenant cite un autre exemple de disparité flagrante entre le code de bonne conduite préconisé par l'EGBA et les pratiques de ses membres. Un opérateur, qui était sponsor d'un club de football, avait incité le club à encourager ses joueurs et ses supporters à parier sur les matchs. Le père d'un supporter mineur a déposé plainte car son fils mineur recevait des lettres du club de football l'incitant à parier et à jouer sur le site du sponsor.

M. Marique en déduit qu'il y a un hiatus sensible entre le discours et la pratique de ces opérateurs. Il faut par conséquent procéder à une vérification des bonnes pratiques sur le terrain.

Lors des discussions à la Chambre des représentants, les membres de la Commission de la Justice ont, lors d'une visite à la Commission des jeux de hasard, visionné un film montrant que des jeux proposés sur Internet n'étaient pas sincères et s'accompagnaient parfois de manipulations financières.

L'intervenant pense qu'il est dès lors logique que l'autorité belge opte pour les opérateurs qui offrent des jeux dans le monde réel car ils ont déjà fait la démonstration de leur sérieux; ils ont fait l'objet de contrôles financiers et font l'objet de contrôles persistants de la régularité de leurs jeux. Cette solution offre de meilleures garanties plutôt que de laisser des opérateurs extérieurs pénétrer le marché belge sans avoir fait la démonstration qu'ils respectent leur propre code de conduite.

Mme Crombé-Berton souligne qu'elle n'a jamais plaidé pour une ouverture pure et simple du marché belge à tous les opérateurs européens. Il faut que l'opérateur respecte un cahier des charges précis. On doit exiger une série de garanties telles que la transparence des comptes, des références internationales, des mesures de protection du joueur, des règles de traçabilité, etc., comme cela se fait déjà pour les casinos dans le monde réel.

Par contre, elle n'est pas convaincue par l'argument selon lequel les opérateurs exploitant un casino dans le monde réel sont automatiquement les plus aptes à proposer des jeux en ligne car c'est un tout autre métier exigeant des garanties différentes.

Elle n'est d'autre part pas certaine que tous les exploitants de casinos dans le monde réel seront intéressés par l'offre de jeux en ligne. Des contacts qu'elle a eus avec une série d'exploitants de casinos, elle pense qu'une série d'entre eux ne sera pas intéressée à l'idée d'offrir des jeux en ligne. D'ailleurs, le public cible n'est pas le même pour les jeux en ligne et pour les jeux en dur.

La préoccupation de Mme Crombé-Berton est que l'on fasse appel aux meilleurs opérateurs pour l'offre de jeux en ligne, c'est-à-dire ceux qui offrent les meilleures garanties de respect du cadre légal et assurent la meilleure protection du joueur.

Elle pense que la limitation quantitative du nombre d'opérateurs jumelée à une priorité aux opérateurs en dur et à l'exigence de localiser le serveur en Belgique sont trois exigences cumulées qui ne passeront pas la rampe du droit européen. On prend de grands risques que la loi nouvelle fasse l'objet d'une procédure en infraction devant la Commission européenne et soit dans les faits inapplicable. Dans un tel scénario, les objectifs de protection du joueur ne seront pas atteints.

M. Devlies rappelle que le but du gouvernement est de canaliser l'offre et de la limiter. Pour les prestataires de services, l'offre sera totalement libre pour autant qu'ils remplissent les conditions fixées par la Commission des jeux de hasard. Par contre, pour ce qui concerne les opérateurs, le projet de loi opte pour un système de limitation de l'offre, de canalisation et de contrôle effectif. Les propositions de Mme Crombé-Berton vont dans un sens différent.

Mme Crombé-Berton ne partage pas cette analyse. Elle ne plaide pas pour une libéralisation pure et simple des jeux en ligne. Elle pense cependant que la combinaison des trois conditions (limitation quantitative, opérateur dans le monde réel, serveur en Belgique) nous expose à une procédure en infraction. L'intervenante se rallie à l'idée de limiter le nombre d'opérateurs ainsi qu'à l'idée d'imposer la présence du serveur en Belgique. Par contre, pourquoi ne pas ouvrir le champ aux opérateurs qui donnent le plus de garanties sans exiger qu'ils soient exploitants de casinos en dur. Rien ne prouve que les opérateurs en dur donneront les meilleures garanties pour les jeux en ligne.

VI. AVIS DU PROFESSEUR ERGEC

Dans le cadre des auditions, la commission a décidé de recueillir également l'avis du professeur Rusen Ergec au sujet des questions concrètes suivantes:

1) La Commission des jeux de hasard doit-elle être qualifiée de juridiction au regard de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et au regard du droit européen ? En pareil cas, comment justifier qu'elle soit encore instituée auprès du ministre la Justice ?

2) Les mesures d'inspection, la décision d'entamer la procédure de sanction et l'éventuelle sanction elle-même procèdent d'une seule et unique instance, à savoir la Commission des jeux de hasard.

Ce cumul des fonctions d'instruction et de jugement par la Commission ne viole-t-il pas le principe du droit à un procès équitable à la lecture de l'arrêt DUBUS rendu le 12 juin 2009 par la Cour européenne des droits de l'homme ?

L'avis du professeur Ergec énonce ce qui suit:

« Dans son courriel du 15 octobre 2009, la commission de la Justice du Sénat m'a demandé si la Commission des jeux de hasard est une juridiction au regard du droit belge et au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Il s'agit d'examiner plus particulièrement si le statut de la commission, tel qu'il a été adapté par la loi du 7 mai 1999, en combinaison avec le projet de loi portant modification de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, en ce qui concerne la Commission des jeux de hasard, que la Chambre des représentants a transmis au Sénat (doc. Sénat, nº 4-1410/1), est compatible avec les normes européennes. » (traduction)

Nous examinerons le problème en le situant d'abord dans le cadre de l'ordre juridique belge puis dans celui de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

1. La Commission des jeux de hasard à la lumière de la notion de « juridiction » en droit public belge

En droit public belge, la notion de juridiction est décrite à l'aune d'une série de critères dont aucun n'est déterminant en soi (M. Leroy, Contentieux administratif, Brussel, Bruylant, 2008, quatrième édition, p. 119 e.s.).

Les critères matériels sont les suivants:

— L'organe en question ne peut pas se saisir de l'affaire de sa propre initiative.

— L'organe statue sur les exigences contradictoires de tiers sur la base des règles de droit applicables en la matière.

— La décision est motivée.

Les critères organiques et formels sont les suivants:

— L'organe doit avoir été créé par une loi donnant exécution à l'article 146 de la Constitution.

— Il doit être indépendant.

— Il doit se prononcer au terme d'un débat contradictoire.

— La décision doit avoir autorité de chose jugée.

Nous constatons que la commission répond à certains de ces critères: elle statue sur les exigences contradictoires des autorités de tutelle, à savoir les enquêteurs/rapporteurs, d'une part, et le citoyen concerné, d'autre part, en se fondant sur la législation relative aux jeux de hasard, le débat est contradictoire, la décision a autorité de chose jugée sous réserve des recours possibles devant le Conseil d'État ou le tribunal de première instance, et la commission a été créée par une loi.

Il y a d'autres critères qui ne sont pas remplis ou dont on peut douter qu'ils le soient, à savoir le fait que la commission se saisit de l'affaire de sa propre initiative. Bien que le principe de son indépendance soit ancré formellement dans le projet de loi (article 3), on peut douter que la commission soit réellement indépendante, étant donné que la loi de 1999 qualifie les membres de la commission de « représentants » de différents ministres (article 10, § 2).

Si on veut lever toute ambiguïté quant au caractère judiciaire de la commission, on doit modifier le projet de loi afin d'instaurer une séparation claire entre les missions d'enquête et les missions juridictionnelles en les confiant à deux chambres distinctes de la commission. L'une des chambres serait chargée de procéder à l'enquête et de saisir la commission après un avertissement éventuel; les membres du secrétariat chargés des enquêtes travailleraient exclusivement sous l'autorité de cette chambre; quant à l'autre chambre, elle serait chargée de l'audition et du délibéré sur la sanction. En outre, il faudrait supprimer toutes les occurrences du mot « représentant » figurant à l'article 10, § 2, de la loi de 1999 et préciser simplement que les membres sont nommés par les ministres concernés. En effet, la nomination par le pouvoir exécutif n'est pas incompatible avec la notion de juridiction, et il en va de même pour la limitation de la durée du mandat à six ans. Ce qui importe, c'est que les membres de la commission ne reçoivent pas d'instructions d'une autorité extérieure dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires.

Ces modifications renforceraient le caractère judiciaire de la commission et auraient un impact pratique considérable sur le régime des sanctions, qui est considéré cette fois à la lumière de la CEDH.

2. La Commission des jeux de hasard, considérée sous l'angle de la notion de « juridiction » dans le cadre de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (« CEDH »).

Il faut distinguer deux hypothèses: soit la Cour européenne des droits de l'homme considère la commission comme une juridiction, soit elle la considère comme une autorité administrative.

a) La commission considérée comme un organe judiciaire à la lumière de la CEDH.

L'article 6 de la Convention, qui consacre le droit à un procès équitable, s'applique uniquement aux affaires portées devant un « tribunal ». Il s'agit en l'occurrence d'une notion autonome, qui n'a aucun lien avec les dénominations utilisées en droit interne. Le fait que le législateur belge qualifie la commission d'autorité administrative dans la loi ou dans les travaux parlementaires, ne change rien en l'espèce. Cela vaut aussi pour la jurisprudence belge, qui ne lie pas la Cour de Strasbourg.

L'inverse n'est toutefois pas vrai. Si le législateur ou la jurisprudence reconnaît le caractère judiciaire de la commission, il est fort probable que la Cour de Strasbourg s'en tiendra à cette qualification. La notion de « tribunal » perd en effet sa portée autonome si la qualification du droit interne offre une plus grande protection à l'individu. C'est le cas lorsque des peines sont infligées par une autorité judiciaire plutôt que par une autorité administrative.

Cette approche est fondée sur la qualification du droit interne qui a été déterminante dans l'affaire Dubus S.A. contre la France (arrêt du 11 juin 2009) relative à un blâme que la Commission bancaire française avait infligé à une société d'investissement. Pour considérer la Commission bancaire comme un « tribunal » au sens de l'article 6, la Cour s'est fondée, entre autres, sur la jurisprudence du Conseil d'État français qui avait qualifié la Commission bancaire de « juridiction » lorsqu'elle s'est exprimée sur les sanctions (§§ 26 et 35 de l'arrêt). Le fonctionnaire du gouvernement français devant la Cour n'a d'ailleurs pas contesté la qualité juridictionnelle de la Commission bancaire qui inflige des sanctions.

Dans l'état actuel des choses, nous n'avons pas connaissance d'une jurisprudence belge qui reconnaisse le caractère juridictionnel de la Commission des jeux de hasard. Les avis rendus en la matière par la section de législation du Conseil d'État ne sont pas clairs à cet égard. Ce n'est guère mieux du côté du législateur: durant les travaux parlementaires en cours à la Chambre, on a déjà pu entendre bien des déclarations contradictoires sur ce point.

Si l'on suit la même voie durant les travaux préparatoires au Sénat et que l'on n'apporte pas les modifications précitées, on aura un organe dont le caractère judiciaire pourra être contesté par le fonctionnaire du gouvernement belge devant la Cour, certes avec peu de chances de succès, du moins si l'on se fonde uniquement sur l'arrêt Dubus précité.

En effet, la Cour décrit la notion de « tribunal » comme suit: il ne s'agit pas nécessairement d'une juridiction classique intégrée, par exemple, dans le pouvoir judiciaire. Ce qui importe, c'est le caractère judiciaire de l'activité: il s'agit pour l'organe en question de statuer sur toute question relevant de sa compétence, sur la base de normes de droit et au terme d'une procédure organisée, moyennant l'exercice d'un contrôle de pleine juridiction couvrant aussi bien les questions de droit que les questions de fait (arrêt Sramek contre l'Autriche du 22 octobre 1984, § 36; J-F. Renucci, Traité de droit européen des droits de l'homme, Paris, LGDJ, 2007, p. 394).

Compte tenu de cette définition, la Commission des jeux de hasard risque d'être considérée par la Cour européenne des droits de l'homme comme un « tribunal » au sens de l'article 6, si bien que, tout comme dans l'affaire Dubus, les garanties de cet article seraient d'application: la nécessité d'introduire une nette séparation entre la fonction de contrôle et de poursuites et la fonction juridictionnelle (cf. modifications proposées ci-dessus).

Il y a toutefois une autre approche possible si l'on se place dans l'optique de la CEDH.

b) La commission considérée comme un organe administratif à la lumière de la CEDH.

Dans son arrêt Le compte, Van Leuven et De Meyere du 23 juin 1981 (§ 51), la Cour européenne des droits de l'homme a considéré ce qui suit:

« L'article 6, s'il consacre le « droit à un tribunal » (...) n'astreint pas pour autant les États contractants à soumettre les « contestations sur des droit et obligations de caractère civil » à des procédures se déroulant à chacun de leurs stades devant des « tribunaux » conformes à ses diverses prescriptions. Des impératifs de souplesse et d'efficacité, entièrement compatibles avec la protection des droits de l'homme, peuvent justifier l'intervention préalable d'organes administratifs ou corporatifs, et a fortiori d'organes juridictionnels ne satisfaisant pas sous tous leurs aspects à ces mêmes prescriptions; un tel système peut se réclamer de la tradition juridique de beaucoup d'États membres du Conseil de l'Europe ».

Ce considérant concerne des matières civiles, plus particulièrement les sanctions disciplinaires que l'Ordre des médecins inflige à ses membres.

Cette jurisprudence est toutefois étendue aux sanctions administratives que la Cour de Strasbourg qualifie de « pénales » (arrêt Öztürk contre l'Allemagne du 21 février 1984).

En conséquence, la Cour de Strasbourg admet la compatibilité de sanctions administratives, considérées comme des sanctions pénales ou civiles à la lumière de la CEDH, avec l'article 6 de ladite convention pour autant qu'un recours de pleine juridiction soit possible contre les décisions de l'autorité administrative qui prononce ces sanctions.

Le projet de loi (art. 15) prévoit effectivement un recours devant le tribunal de première instance en ce qui concerne les amendes administratives. Afin de satisfaire pleinement aux exigences de la jurisprudence européenne en question et d'éviter toute ambiguïté, il est souhaitable, comme le Conseil d'État l'a proposé dans son avis (doc. Chambre, nº 52-1992/001, p. 90), de prévoir explicitement dans le texte de l'article 15 du projet de loi que le tribunal de première instance exercera un contrôle de pleine juridiction, c'est-à-dire un contrôle relatif aux questions de fait, aux questions juridiques et à la proportionnalité de la sanction.

Les autres sanctions que la commission peut infliger (interdiction professionnelle, suspension de licence, etc.), sont des actes administratifs qui relèvent du pouvoir d'annulation du Conseil d'État. Si celui-ci exerce un contrôle de pleine juridiction en la matière, aucun problème spécifique ne se pose dans ce cas du point de vue de la CEDH.

Conclusions

Le statut de la Commission des jeux de hasard n'est pas clair en droit interne, bien que cette instance présente des similitudes avec une juridiction à certains égards.

Le législateur doit dès lors choisir entre les deux possibilités suivantes.

1. Soit il dépose les amendements nécessaires de sorte que la commission réponde davantage à la définition européenne de « tribunal » en renforçant l'indépendance des membres et en évitant toute confusion entre les fonctions de contrôle, de poursuite et les fonctions juridictionnelles conformément à l'article 6 de la CEDH. Aucun problème ne se pose du point de vue de la Convention à la lumière de l'arrêt Dubus de la Cour européenne des droits de l'homme, évoqué précédemment. Nous voulons toutefois attirer l'attention sur les conséquences d'une telle approche qui dépasse le cadre du projet de loi. Le droit belge comprend en effet un large éventail d'amendes administratives (environnement, droit social, etc.). Par souci de cohérence, la question se pose de savoir s'il ne faudrait pas soumettre toutes les amendes administratives à une procédure judiciaire, ce qui, à première vue, va à l'encontre de la tendance législative actuelle au niveau fédéral et au niveau des entités fédérées.

2. Soit le législateur préconise l'approche d'une « autorité administrative indépendante » et il s'en tient au texte actuel du projet de loi, auquel cas il peut éventuellement préciser dans le texte de loi qu'il s'agit d'une autorité administrative indépendante. La compatibilité d'un tel système avec la CEDH peut être défendue devant la Cour européenne des droits de l'homme en renvoyant, plus précisément, à la jurisprudence des arrêts Le Compte et Öztürk.

Quant à savoir pour laquelle des deux possibilités il faut opter, il s'agit d'une question de politique législative qui n'est pas de notre ressort.

VII. RÉPLIQUE DE M. CARL DEVLIES À L'AVIS DU PROFESSEUR ERGEC

Le secrétaire d'État rappelle la question posée au professeur Ergec:

« La Commission des jeux de hasard est-elle une juridiction au sens du droit belge et au sens de la CEDH ? »

1. Le professeur Ergec explique que le droit public belge décrit la notion de « juridiction » au moyen de plusieurs critères tels que des critères matériels, organiques et formels. Il déclare que le statut de la Commission des jeux de hasard selon le droit interne n'est pas très clair, bien que celle-ci présente certaines similitudes avec une juridiction.

2. Ensuite, le professeur Ergec a examiné le statut de la Commission des jeux de hasard à la lumière de la CEDH.

À cet égard, il fait une distinction entre 2 hypothèses.

a) D'une part, le professeur Ergec affirme que la notion de « juridiction ou tribunal » a une signification autonome, distincte des dénominations qui ont cours en droit interne. Renvoyant à l'arrêt Dubus, il soutient que la qualification de « tribunal » par le droit interne a bel et bien une importance déterminante si elle procure une plus grande protection à l'individu en vertu du droit interne. En d'autres termes, le caractère autonome de la notion ne fonctionne que dans un sens.

b) D'autre part, il indique que la CEDH reconnaît que des sanctions administratives sont compatibles avec elle pour autant qu'un recours de pleine juridiction soit prévu contre la décision de l'autorité administrative qui prononce les sanctions. Le projet de loi a suivi cette position et c'est la raison pour laquelle il est précisé explicitement dans l'exposé des motifs que le tribunal de première instance « dispose d'une compétence de pleine juridiction » (doc. Chambre, nº 1992/001, p. 26).

Le secrétaire d'État souhaite formuler la réponse suivante à cette analyse:

— La loi de 1999 prévoit que la Commission des jeux de hasard est instituée auprès du SPF Justice et qu'elle est assistée par un secrétariat. La Commission des jeux de hasard est une autorité administrative qui relève du pouvoir exécutif.

— La jurisprudence admet le fait que la Commission des jeux de hasard soit une autorité administrative et non une juridiction administrative.

— Dans son arrêt du 9 juillet 2009, la Cour constitutionnelle a confirmé « qu'en l'état actuel de la législation, la Commission des jeux de hasard ne peut être considérée comme une juridiction administrative. »

— Le projet de loi à l'examen attribue une compétence supplémentaire à la Commission des jeux de hasard, à savoir celle d'infliger des amendes administratives. Il est dès lors pertinent de se demander si cette nouvelle compétence entraîne une modification du statut de la Commission des jeux de hasard. En d'autres termes, en raison de cette nouvelle compétence, faut-il désormais considérer ladite commission comme une « juridiction » et plus comme une autorité administrative ?

La réponse est négative.

Comme l'indique le professeur Ergec, la notion de « juridiction » est décrite au moyen de plusieurs critères tels que des critères matériels, organiques et formels.

— À propos du critère cité selon lequel, en exécution de la Constitution (articles 146 et 161), une juridiction administrative ne peut être établie qu'en vertu d'une loi, il faut souligner que le législateur n'a pas l'intention d'établir une « juridiction » administrative. Sa volonté est que la Commission des jeux de hasard demeure une autorité administrative tout en disposant d'un pouvoir de sanction. Au cours des discussions à la Chambre, il a été clairement précisé que la Commission des jeux de hasard était une autorité administrative et non une juridiction administrative. Cette distinction a en effet plusieurs répercussions importantes, comme le fait que la Commission des jeux de hasard ne pourrait pas être partie à la cause en cas de recours si elle était considérée comme une juridiction administrative.

— La possibilité donnée à la Commission des jeux de hasard d'infliger des amendes administratives est une nouvelle sanction qui est jugée adéquate pour des infractions. Il ne s'agit pas d'une nouvelle incrimination, mais d'une sanction alternative au cas où le parquet prend une décision bien précise. Dans un premier temps, c'est le parquet qui détermine la voie à suivre.

Les sanctions administratives sont définies comme des mesures établies par ou en vertu de la loi qui sont prises par une autorité administrative (donc pas par le juge pénal) pour sanctionner le non-respect d'une règle de droit public.

— La doctrine ne permet pas de déterminer avec certitude si un organe public agit en tant qu'autorité administrative ou en tant que tribunal, d'autant plus que certains organes agissent en tant qu'autorité administrative dans certains cas et en tant que juridiction administrative dans d'autres cas.

— Dans le droit belge, il existe de très nombreux textes de loi prévoyant qu'une administration ou un fonctionnaire peut infliger des amendes administratives.

Par exemple:

— nouvelle loi communale: sanctions administratives communales;

— loi du 30 juin 1971 et projet de Code pénal social, en cas d'infractions à certaines lois sociales;

— loi football du 21 décembre 1998;

— loi relative à la santé des animaux du 24 mars 1987.

En guise de conclusion générale, le secrétaire d'État souhaite mettre l'accent sur le fait que le législateur vise explicitement à attribuer à une autorité administrative, en l'occurrence la Commission des jeux de hasard, la compétence d'infliger des amendes administratives. Il s'agit d'une sanction qui est prononcée lorsque le parquet prend une décision bien précise. En d'autres termes, c'est le parquet, et non la Commission des jeux de hasard elle-même, qui détermine la voie à suivre. Compte tenu du fait qu'une possibilité de recours est prévue auprès d'une instance judiciaire disposant d'une compétence de pleine juridiction, la réglementation proposée est compatible avec la CEDH. »

VIII. FIN DE LA DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme Crombé-Berton pense que la réponse du professeur Ergec à la question du statut de la Commission des jeux de hasard en droit public belge est nuancée. M. Ergec rappelle qu'en droit public belge, la notion de juridiction est définie à l'aide d'un faisceau d'indices dont aucun n'est déterminant à lui seul. Il constate qu'une série de critères sont réunis dans le chef de la Commission des jeux de hasard alors que d'autres ne le sont pas.

Le professeur Ergec précise: « si l'on veut dissiper tout doute sur la qualité juridictionnelle de la commission, il conviendra de séparer clairement dans la loi en projet les missions d'instruction et de jugement en les confiant à deux chambres distinctes de la commission ».

Sur le plan du droit européen, le professeur Ergec précise que « l'article 6 de la Convention sur le droit à un procès équitable ne s'applique qu'aux procédures mues devant un « tribunal ». Il s'agit là d'une notion autonome, détachée des qualifications du droit interne. La circonstance dans laquelle le législateur belge qualifie la commission d'autorité administrative soit dans le texte soit dans les travaux préparatoires est inopérant à cet égard. Il en est de même de la jurisprudence belge qui ne lie pas la Cour de Strasbourg ».

Mme Crombé-Berton en déduit que ce n'est pas parce que le législateur belge qualifie une autorité d'administrative que la Cour européenne des droits de l'homme est liée par cette qualification.

L'intervenante ne partage dès lors pas totalement l'analyse rassurante du secrétaire d'État. Elle pense au contraire que la question du statut de la Commission des jeux de hasard reste ouverte.

M. Vandenberghe propose d'indiquer explicitement dans la disposition relative à la compétence du tribunal de première instance que celui-ci dispose de la plénitude de juridiction. Une telle modification empêchera toute discussion et rendra caducs les arguments invoqués par l'intervenante précédente. En effet, la jurisprudence de la Cour européenne de Strasbourg privilégie la thèse selon laquelle un tribunal qui dispose de la plénitude de juridiction rend toutes les considérations de l'autorité administrative caduques étant donné que l'on dispose alors d'un organe judiciaire indépendant et impartial.

M. Mahoux constate que, dans ses conclusions, le professeur Ergec propose une alternative. La seconde solution vise à privilégier la piste de l'autorité administrative indépendante, comme le fait le projet de loi à l'examen. Il est cependant inquiétant de constater que le professeur Ergec précise que « la compatibilité d'un tel système avec la CEDH peut alors être soutenue devant la Cour européenne des droits de l'homme en se prévalant de la jurisprudence des arrêts Le Compte et Öztürk ». En d'autres termes, les garanties données par cette solution sont loin d'être absolues. L'État belge aura simplement la possibilité d'argumenter devant la Cour européenne, sans certitude quant à l'issue.

M. Devlies souligne que les observations de M. Mahoux et Mme Crombé-Berton ont pour origine leur préoccupation de se conformer à la CEDH. L'intervenant souscrit sans réserve à la suggestion de M. Vandenberghe d'inscrire la plénitude de juridiction dans la disposition. Cette précision figure d'ailleurs explicitement dans l'exposé des motifs.

L'intervenant renvoie enfin à ses déclarations antérieures et à l'arrêt rendu le 9 juillet 2009 par la Cour constitutionnelle qui a clairement confirmé qu'en l'état actuel de la législation la Commission des jeux de hasard ne pouvait être considérée comme une juridiction administrative »

Mme Crombé-Berton fait remarquer que les qualifications données par le législateur belge au statut de la Commission des jeux de hasard ne lient pas la Cour européenne des droits de l'Homme. La question du statut de la Commission des jeux de hasard reste ouverte. La Commission est plus qu'une simple autorité administrative. Elle dispose d'un véritable pouvoir juridictionnel que le projet de loi élargit.

Il faut éviter que toute décision prise par la Commission des jeux de hasard puisse être ultérieurement remise en cause par la Cour européenne des droits de l'homme. Elle pense qu'une réflexion approfondie sur le statut de la Commission ne retarderait pas les travaux de manière exagérée en comparaison des risques auxquels on s'expose si on fait l'économie de ce travail.

M. Devlies reconnaît l'importance de la question. Dans sa proposition de loi nº 4-1162, Mme Crombé-Berton propose de rattacher la Commission des jeux de hasard sous l'autorité directe du Parlement. Ce n'est pas la piste retenue dans le projet de loi à l'examen. Il rappelle qu'il est urgent qu'un cadre légal entre en vigueur pour les jeux en ligne. C'est le but poursuivi par les projets de loi à l'examen. La discussion du statut de la Commission des jeux de hasard sort du cadre des projets de loi.

Mme Crombé-Berton pense au contraire qu'une réflexion sur le statut juridique de la Commission des jeux de hasard cadre parfaitement avec les textes à l'examen. L'avis écrit du professeur Ergec attire l'attention du législateur sur certains risques potentiels en ce domaine.

Elle fait remarquer qu'en plus des compétences dont elle dispose déjà la Commission des jeux de hasard va se prononcer sur l'attribution des licences Internet. Il ne faudrait pas que la Commission, lorsqu'elle prendra des décisions sur l'agrément des opérateurs Internet, s'expose à des critiques quant au mode de traitement des demandes. Il serait regrettable que le statut de la Commission soit remis en cause à l'occasion d'un éventuel recours contre une de ses décisions. Il faut assurer la sécurité juridique en étayant les éléments qui justifient que la Commission ait le statut d'autorité administrative. Il faudrait le cas échéant trouver des points de comparaison avec d'autres organes qui fonctionneraient de la même manière.

M. Vandenberghe répond que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme est très claire. Dès lors qu'un recours contre les décisions de la Commission des jeux de hasard est ouvert devant le tribunal de première instance, les personnes intéressées disposent d'une garantie judiciaire.

Si le tribunal de première instance dispose de la plénitude de juridiction, toutes les garanties juridiques seront réunies. Il ne sera alors plus nécessaire de se pencher sur le débat de la réforme de l'autorité administrative. Un amendement en ce sens permettrait de lever toute ambiguïté.


M. Mahoux souhaite revenir à la question des lieux de vente des paris sur les courses hippiques. Faut-il ouvrir la vente des paris hippiques à d'autres lieux que ceux prévus à l'heure actuelle ?

Les projets à l'examen s'inscrivent dans une logique de protection du joueur. Présentent-t-ils également des avancées en terme de protection de l'entourage du joueur et de sa famille ? Les projets prévoient-ils des garanties pour l'entourage qui subit les conséquences de l'assuétude du joueur ?

Pour ce qui concerne la vente des paris hippiques, M. Devlies signale qu'un amendement a été déposé sur ce point. Il renvoie dès lors à la discussion des articles (voir infra). Le projet de loi du gouvernement ne change pas la situation existante: la vente des paris mutuels belges est possible en librairie; pour les paris à la cote, la vente se fait dans les agences de paris.

À la question de la protection du joueur, l'intervenant rappelle que c'est le fondement même du projet. Il renvoie à ses déclarations antérieures. De manière plus spécifique, pour ce qui concerne la protection des proches du joueur, le projet prévoit que toute personne intéressée — cela peut viser les membres de la famille du joueur mais également des thérapeutes, etc. — peut démarrer une procédure devant la Commission des jeux de hasard afin d'obtenir l'interdiction du joueur en situation d'assuétude. Cette procédure est nouvelle et présente une avancée importante.

M. Mahoux demande si la procédure vaut également pour les jeux en ligne.

M. Devlies le confirme. La procédure vaut pour la totalité des jeux prévus par la loi.

M. Marique répond, à propos de la protection du joueur, que l'essence de la loi nouvelle est de renforcer cette protection, quel que soit le type de jeu, mais surtout dans les jeux au casino et sur Internet. L'orateur souligne que lorsqu'un joueur est interdit, cette interdiction n'est actuellement assortie d'aucun délai.

Lorsqu'on demande à être réintégré dans le droit de jouer, il faut un délai minimum de 3 mois. On a en effet constaté que les personnes concernées voulaient rejouer tout de suite, et se tenaient à proximité des casinos et des salles de jeu, attendant impatiemment d'y avoir accès.

La commission aura la possibilité prétorienne -ou légale, si le législateur en décide ainsi- de prévoir un accompagnement, afin que ces joueurs, qui se trouvent dans un état de manque particulier, puissent montrer qu'ils maîtrisent le jeu, le cas échéant grâce à un suivi médical.

M. Monfils se demande qui va assumer les frais d'un tel accompagnement. Soit on prélève les budgets nécessaires sur le jeu, soit on demande à la Santé publique d'intervenir comme elle le fait dans d'autres secteurs, notamment pour les fumeurs. Il faut cependant pouvoir poser des limites à la multiplication de ces interventions dans toute une série de domaines. L'orateur aimerait disposer d'informations sur le budget, les structures, et l'autorité qui assure le financement de ces soins.

M. Marique répond qu'en 2000, les centres de santé mentale (à l'exception de l'un d'eux qui n'avait pas répondu) avaient indiqué qu'il y avait par an 151 personnes prises en charge dans un centre fermé pour des raisons de jeu. Le jeu est donc traité comme une maladie, et est reconnu comme tel par le DSM.

Lorsqu'un joueur se présente chez le psychiatre, il est considéré comme malade, et obtient à ce titre des remboursements de l'INAMI. Il s'agit de la législation générale, et non d'une législation spécifique en la matière.

M. Monfils fait observer que la réponse précédemment donnée par M. Marique donnait l'impression, qu'au-delà des soins donnés par les psychiatres, il y aurait des structures de soins spécifiques prévues dans ce secteur, ce qui changerait complètement la manière d'envisager le traitement de l'assuétude au jeu.

M. Marique répond qu'il ne s'agit pas de créer une structure particulière, mais d'apporter la preuve qu'il y a un traitement chez un psychiatre.

Le secrétaire d'État rappelle que le financement de la Commission des jeux de hasard elle-même est assurée en totalité par les contributions du secteur du jeu. Quand la loi nouvelle sera votée et entrera en vigueur, cela impliquera de nouvelles recettes d'impôts pour les Régions. Par rapport à la situation actuelle, les recettes supplémentaires sont évaluées à 62 millions d'euros par an. Ce montant échappe aujourd'hui à toute perception parce qu'il n'existe pas de loi réglant les jeux de hasard sur Internet.

Mme Crombé-Berton demande si ce montant comprend l'impôt des sociétés de ceux qui seraient agréés.

Le secrétaire d'État répond par la négative.

Mme Crombé-Berton conclut que le chiffre cité doit donc être largement majoré en tenant compte de cet élément.

M. Marique précise que l'on a constaté, en 2004-2005, que la mise en place du système de contrôle informatisé avait eu pour effet cette année-là, selon l'administration fiscale, une augmentation des recettes fiscales de 20 %.

Les Régions bénéficieront donc de recettes complémentaires, et l'impôt des sociétés, quant à lui, profitera au fédéral, mais il n'y a pas eu d'estimation chiffrée de ce dernier montant.

IX. DISCUSSION DES ARTICLES

Intitulé

Amendement nº 13

MM. Vandenberghe et Van Parys déposent l'amendement nº 13 (doc. Sénat, nº 4-1411/4), en vue de remplacer l'intitulé du projet de loi par ce qui suit: « ¨Projet de loi portant modification de la législation relative aux jeux de hasard ». Il s'agit d'un amendement technique inspiré d'une observation du service d'Évaluation de la législation.

Le secrétaire d'état se rallie à cet amendement.

Art. 1er et 2

Ces articles n'appellent pas d'observation.

Art. 3

Amendement nº 24

M. Monfils et Mme Crombé-Berton déposent l'amendement nº 24 (doc. Sénat, nº 4-1411/4), tendant à compléter le b) par un 11, rédigé comme suit: « 11 locaux habités: habitations ayant l'apparence d'une habitation privée où sont exploités régulièrement et clandestinement des jeux de hasard ».

L'article 10 du décret du 19 juillet 1791 relatif à l'organisation d'une police municipale et correctionnelle prévoit que tout officier de police peut « entrer en tout temps dans les maisons où l'on donne habituellement à jouer des jeux de hasard, mais seulement sur la désignation qui leur en aurait été donnée par deux citoyens ».

Lors de débats parlementaires ayant abouti au vote de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, le gouvernement a instauré via un amendement une commission de jeux de hasard dont le Président, les membres peuvent se voir attribuer la qualité d'officier de police judiciaire ainsi que d'officier auxiliaire du Procureur du Roi pour remplir les missions que la loi leur confie.

Ils peuvent, par exemple, « pénétrer à toute heure du jour ou de la nuit dans les établissements locaux et pièces dont l'accès est nécessaire à l'accomplissement de leur mission; toutefois, ils n'ont accès aux locaux habités que s'ils ont des raisons de croire à l'existence d'une infraction à la présente loi et à ses arrêtés d'exécution et moyennant une autorisation préalable du juge du tribunal de police ».

Le contrôle peut donc s'effectuer à la fois par les officiers par les officiers de police et par les membres de la commission.

Pour l'auteur du présent amendement, il y a lieu de préciser la notion de « locaux habités ». De tels contrôles ne peuvent évidemment viser que l'organisation régulière et clandestine de jeux de hasard, soit une espèce de casino déguisé.

Il n'est pas question de traquer le citoyen qui improvise une petite partie de poker entre amis après un bon repas ...

L'amendement tend donc à éviter des abus de la part d'une autorité, qu'elle soit administrative ou juridictionnelle.

M. Mahoux estime la préoccupation des auteurs de l'amendement est légitime, mais il fait observer qu'il faut aussi se garder de verser dans l'excès contraire. Il faut entourer l'exception qui est faite de garanties quant à la protection du domicile, mais sans aller trop loin. En effet, si l'on donne une définition trop contraignante de ce qui peut être perquisitionné, on risque de ne plus pouvoir intervenir du tout lorsqu'on soupçonne l'existence d'un tripot clandestin.

M. Marique répond aux auteurs de l'amendement qu'il n'y a pas d'abus en la matière, et qu'il existe un contrôle. Le juge de police se fait produire des procès-verbaux. Il pose souvent des questions et limite l'autorisation dans le temps, de sorte qu'elle doit être renouvelée. L'orateur souligne que, pour pouvoir intervenir en matière de jeux clandestins, il faut toujours un flagrant délit, ce qui n'est pas aisé. Il rejoint l'observation de M. Mahoux, selon laquelle il faut un minimum de possibilités d'interventions en matière de jeux clandestins, car il se passe là des choses échappant à tout contrôle. Des sommes importantes sont en jeu, le jeu n'est pas toujours stable, des rackets ont lieu pendant la nuit, et personne ne porte plainte. Mais les interventions doivent avoir lieu avec réserve et prudence. Les tentatives d'intervention qui se sont soldées par un échec sont beaucoup plus nombreuses que celles qui ont réussi.

Le secrétaire d'État ajoute que le projet ne change rien à la loi en la matière, contrairement à l'amendement, qui propose de modifier la loi de 1999.

M. Monfils rappelle que son amendement donne une définition des locaux habités, car M. Marique, contrairement aux propos lénifiants qu'il vient de tenir, semblait dire précédemment qu'il pouvait intervenir comme il le voulait sur la base de l'ancien décret. C'est précisément ce que l'amendement tend à empêcher. L'orateur est cependant ouvert à toute autre formule en vue d'atteindre cet objectif.

Le Sénat a toujours été d'une extrême prudence dans la protection de la vie privée (cf., par exemple, en matière d'usage de caméras). L'intervenant demande que l'on fasse preuve ici de la même prudence. Pourquoi permettre, en matière de jeu, ce que l'on ne permet pas dans d'autres domaines, tout aussi dangereux, comme celui de la consommation de drogue, par exemple.

Le secrétaire d'État constate que les propos du précédent orateur donnent l'impression que les services de police pourraient, sur la base du projet de loi, intervenir partout et à tout moment. Or, il existe une procédure à suivre devant le juge de police, qui prendra la décision. Par ailleurs, c'est la loi de 1999 qui règle cette question, et le secrétaire n'a pas connaissance de problèmes dans l'application de cette loi au cours des dix années écoulées.

M. Monfils fait observer que le projet modifie la loi de 1999, et qu'il est donc normal que l'amendement propose d'ajouter une disposition dans cette même loi.

M. Mahoux demande que l'on rappelle de façon précise la procédure à suivre.

Le secrétaire d'État renvoie à l'article 8 du projet de loi, relatif à l'article 15 de la loi. Cet article reprend le texte de la loi existante.

M. Marique confirme que c'est bien cette procédure qui est suivie, et qu'il n'a pas connaissance d'applications abusives de celle-ci.

Mme Thibaut demande si M. Monfils dispose de preuves de l'existence de dérives. D'autre part, le terme « régulièrement » figurant dans l'amendement ne pose-t-il pas problème, parce qu'il implique que les services de police puissent justifier le caractère régulier, ce qui risque de vider de son sens la notion de flagrant délit ?

M. Monfils déclare qu'il pourrait éventuellement marquer son accord sur la formule consistant en une autorisation préalable du juge du tribunal de police, telle qu'elle figure à l'article 8 du projet, dont le secrétaire d'État vient de donner lecture.

Art. 4

Amendement nº 7

Mme Crombé-Berton et M. Monfils déposent l'amendement nº 7 (doc. Sénat, nº 4-1411/4), en vue de remplacer le 3 par ce qui suit:

« 3. la disposition du point 4 est remplacée par ce qui suit: « Les jeux proposés par les médias, à titre accessoire et quelque soit le support utilisé, dans le cadre de programmes télévisés ou radiophoniques ou par le biais d'un écrit à parution quotidienne ou périodique. » ».

Cet amendement est à lire à la lumière de l'article 43, /13 et /15.

Le projet de loi vise à réglementer les jeux diffusés par les médias (tv, radio, presse écrite) en les soumettant, via l'obtention de deux types de licences payantes (G1 et G2), au contrôle préalable de la Commission des jeux de hasard.

En Belgique, les chaînes de télévision et de radio proposent, à l'instar des autres médias, des jeux-concours à destination des téléspectateurs et des auditeurs. Historiquement, les jeux et les concours sont des vecteurs importants de divertissement, de fidélisation et de convivialité proposés par les diffuseurs.

Il existe d'ailleurs déjà une régulation de ces jeux-concours organisée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel de la Communauté française qui garantit les bonnes pratiques des éditeurs de services de radiodiffusion sonore et télévisuelle en matière de programmes ou de séquences de jeux-concours.

La restriction prévue, actuellement, par le projet de loi paraît injustifiée et disproportionnée dans la mesure où tous les jeux-concours diffusés par les médias ne constituent pas un danger pour les participants ni ne créent une addiction de quelque nature qu'elle soit. L'exposé du projet de loi le précise également: « Il est nécessaire d'également soumettre ces jeux à une obligation de licence à l'instar des autres formes de jeux de hasard, même si on pourrait dire qu'ils sont moins de nature à entraîner une addiction ».

Les concours organisés par les médias sont, en effet, généralement « enserrés » dans des règlements de jeux stricts qui, dans le lien de proximité avec le téléspectateur/auditeur, donnent déjà toutes les garanties sur l'accès, la transparence et le fonctionnement de ceux-ci. Il n'existe d'ailleurs pas à ce jour en Belgique de jurisprudence condamnant un média dans le cadre de ce type de jeux-concours.

Pour cette raison, le présent amendement suggère d'exclure du champ d'application les jeux et concours diffusés par les médias, lorsque ces jeux et ces concours revêtent un caractère accessoire ou complémentaire par rapport au programme proposé.

Conformément à la directive européenne 2007/65/CE, il convient d'entendre par « programme »: « un ensemble d'images animées, combinées ou non à du son, lorsqu'il s'agit d'un programme télévisuel, ou un ensemble de sons lorsqu'il s'agit d'un programme sonore, constituant un seul élément dans le cadre d'une grille ou d'un catalogue établi par un fournisseur de services de médias. »

En revanche, des émissions dîtes de « call-tv » ne sont pas visées par cette exception. Il s'agit de jeux télévisés auxquels les téléspectateurs peuvent participer par le biais d'un numéro de téléphone ou de SMS surtaxé. Le but est d'inciter au maximum le téléspectateur à appeler, afin de financer les programmes de la chaîne. Ce genre d'émissions basé sur le hasard pur doit tomber sous le champ d'application de la loi car il comprend un risque de dépendance pour le joueur et doit donc faire l'objet d'un contrôle par la Commission des jeux de hasard.

Il faut donc établir une distinction entre les jeux de hasard dont le contenu constitue l'essence même du programme proposé et les jeux de hasard dont le contenu ne constitue qu'une partie accessoire du programme. Seuls ces derniers sont autorisés.

Le secrétaire d'État renvoie à l'article 26 du projet, qui prévoit que le Roi détermine les jeux qui sont dispensés d'une demande de licence.

Mme Crombé-Berton répond qu'on le fait pour la classe G2, mais pas pour la classe G1.

Le secrétaire d'État rappelle que les jeux relevant de la classe G1 peuvent avoir un effet d'addiction, de sorte qu'il n'est pas possible de donner une dispense.

Mme Crombé-Berton demande à quelle catégorie appartient un jeu accessoire télévisé.

Le secrétaire d'État répond qu'il peut s'agir de G1 ou de G2. Les G1 sont ceux qui forment un programme total, et pour lesquels il n'y a pas de dispense prévue.

Mme Crombé-Berton déclare qu'en ce qui concerne le G2, elle aurait souhaité, plutôt que de donner une délégation au Roi, inscrire dans la loi les jeux pour lesquels il n'y aura pas, à chaque fois, une demande, afin que tout ce qui est accessoire soit considéré comme étant hors champ. L'oratrice déduit par ailleurs du texte que seuls les jeux télévisés sont concernés, à l'exclusion des jeux radiophoniques.

Le secrétaire d'État répond que les G1 sont les programmes télévisés au moyen de séries de numéros du plan belge de numérotation, et qui forment un programme complet de jeu (art. 43, /13). Tous les autres relèvent du G2.

Mme Crombé-Berton observe que le G2 ne semble pourtant concerner que des jeux télévisuels.

Le secrétaire d'État répond que le terme « médias » concerne tant la radio que la télévision.

Mme Crombé-Berton revient à sa suggestion d'inscrire dans la loi les jeux pour lesquels il n'y aura pas, à chaque fois, une demande, afin que tout ce qui est accessoire soit considéré comme étant hors champ. En effet, aujourd'hui, toutes les radios et télévisions ont recours à ce type de programme. Le secrétaire d'État a indiqué qu'il y aurait un arrêté royal. Mais ne pourrait-on au moins inscrire dans la loi le principe de l'exclusion des jeux accessoires ?

Le secrétaire d'État rappelle qu'aujourd'hui, c'est l'interdiction qui est la règle. Le critère important est celui de l'addiction. Il est bon de laisser le Roi le définir.

Mme Crombé-Berton ne voit pas comment on peut concevoir une addiction pour un jeu accessoire à une émission portant sur un autre sujet, comme par exemple une émission télévisée d'information ou de divertissement, au terme de laquelle il serait possible de gagner une voiture.

M. Marique cite l'exemple d'une émission essentiellement de divertissement intitulée « Q Music », où l'on a proposé de parier sur le moment où un lingot d'or qui se trouvait pris dans un bloc de glace allait se détacher. Cela a donné lieu à des dizaines de milliers d'appels téléphoniques, certaines personnes appelant plusieurs fois, pour parier sur cet événement. Ce type d'opération est structuré et dure parfois quelques semaines. S'il est raisonnable de dispenser d'un contrôle dans certains cas, ce contrôle doit rester possible en cas d'excès.

Mme Crombé-Berton fait observer qu'il était question d'addiction, et que l'on parle maintenant d'excès. C'est pour cette raison que l'intervenante a des réticences par rapport à la technique de l'arrêté royal et qu'elle souhaite que le débat soit mené par le législateur. L'oratrice reprend l'exemple d'une émission diffusée sur une chaîne de télévision publique, au terme de laquelle il sera possible de gagner une voiture. Si un tel cas doit faire l'objet d'une procédure d'agrément, toutes les émissions ou presque devront l'être, car elles sont extrêmement nombreuses à recourir à ce type de procédé. C'est pourquoi l'oratrice propose le critère du caractère accessoire du jeu, qui lui paraît plus clair que celui du caractère « excessif », assez subjectif, ou que la notion d'addiction qui, pour ce cas de figure, ne semble pas adéquat.

Le secrétaire d'État répond qu'il existe un tel nombre de cas de figure qu'il est très difficile de définir quand une dispense sera donnée. Cela relève de l'exécution de la loi. L'orateur répète, comme il l'a dit à la Chambre, qu'il est prêt à présenter au parlement tous les projets d'arrêtés royaux d'exécution de la loi.

M. Monfils constate que le projet ajoute notamment à la loi de 1999 une définition des paris et jeux de hasard. Une définition précise est en effet nécessaire, car tout ce qui ne se trouve pas dans la loi est permis. On ne peut imaginer que pour toute émission offrant un petit cadeau aux auditeurs, une autorisation soit demandée. Une limite doit être fixée.

Mme Crombé-Berton aimerait que le secrétaire d'État explicite le contenu de l'arrêté royal puisque, manifestement, les interprétations sont différentes, l'un parlant d'addiction, l'autre d'excès, ....

M. Vandenberghe propose que des amendements soient déposés afin que les membres puissent voter. L'on ne peut tout de même pas continuer sans cesse à s'opposer les mêmes arguments. La question de la confiance ou non dans le gouvernement relève en effet d'une discussion subjective. Le législateur a exprimé sa confiance au Roi à de nombreuses reprises dans des lois financières, ainsi que dans des lois-programmes. L'intervenant peut souscrire à la proposition du secrétaire d'État de prendre les mesures d'exécution en concertation avec la Chambre et le Sénat.

Mme Thibaut fait observer que les conditions de jeu évoluent très vite, de sorte qu'il ne convient pas de bétonner dans la loi la situation actuelle. L'oratrice est donc plus favorable à la solution d'un arrêté royal, qui offre une plus grande souplesse.

Mme Crombé-Berton conclut que l'on demandera à toutes les radios et télévisions de passer par la commission des jeux, à moins que l'arrêté royal n'en décide autrement, alors que l'on pourrait inscrire dans la loi l'exclusion de principe de tous les jeux accessoires.

À la demande de M. Monfils, le secrétaire d'État répète qu'il s'engage à présenter au parlement ses projets d'arrêtés royaux et à écouter les remarques des parlementaires au sujet de ces textes.

Mme Crombé-Berton conclut qu'elle fait au ministre une confiance limitée.

Art. 5

Cet article n'appelle pas d'observation.

Art. 6

Amendement nº 23

M. Monfils dépose l'amendement nº 23 (doc. Sénat, nº 4-1411/4), tendant à supprimer, à l'article 4, § 2, proposé, les mots « de participer à un jeu de hasard ».

En effet, le projet de loi punit les participants et ceux qui organisent illégalement des jeux de hasard.

L'auteur de l'amendement estime que la pénalisation du participant est nettement exagérée. Il a toujours considéré qu'il valait mieux poursuivre et réprimer les auteurs des actes illégaux. Pénaliser celui qui participe et joue à un jeu de hasard, pourtant maintenu sur Internet, et pour lequel les fournisseurs d'accès n'ont pris aucune initiative, paraît excessif, d'autant plus que les sanctions sont les mêmes pour ceux qui organisent et pour ceux qui participent.

Le secrétaire d'État répond qu'il ne s'agit pas d'un droit absolu. L'intéressé doit savoir qu'il s'agit de l'exploitation d'un jeu de hasard ou d'un établissement de jeux de hasard non autorisé en application de la loi.

M. Monfils fait observer qu'il est plus facile de punir les joueurs que les organisateurs de paris illégaux, après quoi on financera son traitement contre l'addiction...

Art. 7 et 8

Ces articles n'appellent pas d'observation.

Art. 9/1 (nouveau)

Amendement nº 21

M. Vankrunkelsven dépose un amendement nº 21 visant à établir, dans la foulée de l'arrêt Dubus de la Cour européenne des droits de l'homme, une nette distinction entre les différentes fonctions réunies au sein d'un même organe, en l'occurrence la Commission des jeux de hasard. L'amendement énonce ainsi chaque compétence séparément et l'article 9 dispose qu'il est institué, sous la dénomination de « Commission des jeux de hasard », un organisme d'avis, de poursuite, de décision et de contrôle en matière de jeux de hasard.

M. Devlies estime que les mots « organe (...) de poursuite » comportent certains risques et pourraient prêter à confusion. En effet, la compétence de poursuite incombe clairement au parquet, qui peut décider de poursuivre ou non l'auteur de l'infraction et de prévoir éventuellement un examen administratif du dossier.

Mme Crombé-Berton se demande si la formulation proposée ne recèle pas un risque de faire de la commission un organe juridictionnel.

Le secrétaire d'État confirme qu'il demande le rejet de l'amendement.

En outre, la question se pose de savoir si un tel article n'aurait pas plutôt sa place dans le projet de loi concernant la Commission des jeux de hasard (4-1410).

Art. 10 à 21

Ces articles n'appellent pas d'observation.

Art. 22

Amendement nº 12

M. Vankrunkelsven et consorts déposent l'amendement nº 12 (doc. Sénat, nº 4-1411/4) qui tend à préciser que les paris mutuels sur les courses de chevaux qui ont lieu à l'étranger ne peuvent être organisés que par ou avec l'autorisation de l'association de courses qui coordonne les courses en question. Ainsi apparaît clairement le lien entre l'organisateur de ces paris et l'organisateur des courses. Les paris mutuels dans le pays et à l'étranger seront donc organisés de façon identique par les associations de courses et par l'organisation qu'elles auront désignée.

Le secrétaire d'État peut souscrire à cet amendement.

Amendement nº 2

M. Hellings dépose l'amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 4-1411/3) visant à compléter l'article 43/3, § 2, proposé par un alinéa rédigé comme suit: « Le Roi saisira les chambres législatives d'un projet de loi de confirmation de l'arrêté pris en exécution du présent paragraphe. ».

Mme Thibaut souligne que l'objectif de l'amendement est de limiter le nombre et la dispersion des organisateurs de paris. Alors que le projet de loi vise en principe à assurer une canalisation de l'offre de paris, il est muet quant au nombre et à la dispersion des établissements de jeux de hasard. Étant donné l'impossibilité pour le gouvernement de fournir, à ce stade, ce type de précisions et leur importance cruciale dans l'esprit de la loi, l'amendement prévoit une confirmation obligatoire de l'arrêté royal par le parlement.

M. Mahoux constate que la proposition d'amendement ne vise plus une délégation au Roi mais prévoit un régime de pouvoirs spéciaux avec confirmation par le parlement. L'amendement ne fixe aucun délai pour la confirmation.

L'intervenant pense qu'il serait plus indiqué que le parlement obtienne la communication de l'avant-projet d'arrêté royal. Le gouvernement peut-il s'engager sur ce point ?

M. Delpérée souligne que si l'on prévoit une confirmation des arrêtés royaux par le Parlement, c'est que l'on considère que la matière ne peut pas être réglée par le Roi. Il faut se demander si la délégation au Roi prévue dans le projet de loi est admissible. Soit c'est le cas et aucune confirmation ne s'impose. Soit elle n'est pas admissible et, dans ce cas, le Parlement ne doit pas la voter.

M. Mahoux demande que l'on suive une sorte de procédure de « ruling ». Le gouvernement pourrait s'engager à communiquer le contenu de l'avant-projet d'arrêté royal pour contrôler que le texte s'inscrit dans l'esprit de la loi.

M. Delpérée ne soutient pas cette suggestion. Les communications d'avant-projet d'arrêtés royaux au Parlement sont des procédures boiteuses.

M. Devlies fait remarquer que la discussion porte sur le nombre maximum d'organisateurs de paris. Si le Parlement souhaite fixer lui-même ce nombre, il aura beaucoup de difficultés à le faire car il est impossible de le déterminer pour l'instant. Il faut faire un inventaire des organisateurs de paris en dur. Sur la base de ces informations, le Roi pourra fixer un nombre d'organisateurs de paris.

L'intervenant s'engage à présenter les avants-projets d'arrêtés royaux en la matière et à se concerter avec le Parlement même s'il est conscient que le Parlement ne dispose pas de pouvoir en la matière.

M. Delpérée prend acte de la déclaration du secrétaire d'État. Il demande que cette déclaration politique soit également confirmée lors de la future discussion du projet en séance plénière.

Mme Thibaut précise que l'esprit de l'amendement nº 2 est de donner une valeur légale à la norme afin de savoir identifier le nombre d'opérateurs qui n'est pas connu à l'heure actuelle.

Art. 23

Amendement nº 1

Mme Van dermeersch dépose un amendement (doc. Sénat, nº 4-1411/2), visant à supprimer le mot « belges » dans l'article 43/4, § 5, 1º, proposé. Le secteur assimile en effet à une forme de discrimination le fait qu'il soit possible d'engager dans les librairies tous les paris sportifs, y compris tous ceux portant sur des courses hippiques qui ont lieu en Belgique, mais à l'exclusion des paris mutuels sur des courses qui se déroulent à l'étranger. Il s'agit d'ailleurs en l'espèce de paris sportifs dans des conditions comparables.

M. Devlies renvoie à l'amendement nº 25, qui poursuit un même objectif, mais formulé de manière plus large (cf. infra).

Amendement nº 3

M. Hellings dépose l'amendement nº 3 (doc. Sénat, nº 4-1411/3) visant à compléter l'article 43/4, § 4, proposé, par un alinéa rédigé comme suit: « Le Roi saisira les chambres législatives d'un projet de loi de confirmation de l'arrêté pris en exécution de l'alinéa précédent. ».

Il est renvoyé à la discussion de l'amendement nº 2 à l'article 22.

Amendement nº 25

M. Vankrunkelsven et consorts déposent un amendement (doc. Sénat, nº 4-1411/4) tendant à remplacer l'article 43, § 5, 1º. Il s'agit de remplacer les mots « paris sur des courses hippiques belges » par les mots « paris mutuels sur les courses hippiques » dans la première phrase. De cette manière, les paris sur les courses à l'étranger sont également autorisés.

Par ailleurs, les mots « et à l'exception des magasins de nuit. » sont supprimés, car étant superflus.

Enfin, quelques corrections techniques sont apportées afin d'améliorer la lisibilité générale du texte.

Mme Van dermeersch renvoie à son amendement nº 1 (cf. supra) visant à supprimer le mot « belges », et qui a partiellement le même objet. La différence est que l'amendement de M. Vankrunkelsven et consorts ajoute le mot « mutuels », excluant ainsi les paris à la cote.

M. Vankrunkelsven souligne que le but est précisément de distinguer clairement les paris mutuels des paris à cote. Ces derniers ont lieu dans des agences spécifiques spécialement aménagées à cette fin. Dans le cas des paris mutuels, le bénéfice total est partagé entre tous les participants. L'amendement vise à introduire les paris mutuels, tant pour les courses en Belgique que pour les courses à l'étranger, en tant qu'activité accessoire pour les libraires. Un pourcentage fixe des recettes de ces paris pourra de cette manière être reversé aux organisateurs afin de donner un ballon d'oxygène au sport hippique.

M. Devlies renvoie aux auditions au cours desquelles la distinction entre paris mutuels et paris à cote a été précisée. D'un point de vue historique également, la distribution des deux types de paris est différente. L'intervenant estime qu'il importe dès lors de maintenir des canaux de distribution différents pour les deux types de paris.

Art. 24

Amendement nº 10

M. Vankrunkelsven et consorts déposent l'amendement nº 10 (doc. Sénat, nº 4-1411/4) visant à apporter une série de modifications techniques. Les articles 43/5 et 43/6 proposés pourraient en effet faire oublier que la licence F2 autorise également l'engagement de paris en dehors d'un établissement de jeux de hasard de classe IV.

M. Devlies estime que les modifications proposées sont de nature à clarifier le texte et, en conséquence, il peut souscrire à l'amendement.

Art. 25

Amendement nº 8

Mme Crombé-Berton et M. Monfils déposent l'amendement nº 8 (doc. Sénat, nº 4-1411/4) qui vise à remplacer le § 1er de l'article 43/8 proposé.

Mme Crombé-Berton rappelle que le projet de loi a trois objectifs principaux: la protection du joueur, la lutte contre le blanchiment et la perception de recettes fiscales. L'article 43/8 proposé règle la question des jeux en ligne qui sont à l'heure actuelle illégaux. Le projet cherche à encadrer ces jeux.

L'amendement vise à assurer que l'on retienne les meilleurs opérateurs pour les jeux sur Internet. Ceux-ci seraient sélectionnés sur la base d'un cahier des charges. Il vise en outre à garantir une sécurité juridique maximale en limitant les risques de problèmes tant vis-à-vis de la Commission européenne que de la Cour de Justice.

Le projet de loi propose de faire un lien entre les opérateurs du monde réel et les opérateurs en ligne. Lors des auditions, l'attention des membres a été attirée sur les risques liés à cette option. De même, dans son avis circonstancié, la Commission a souligné qu'il était d'une importance capitale que les autorités belges clarifient et modifient leur texte au regard des exigences de détention préalable d'une licence de type A, B ou F1 pour des opérations de jeux terrestres en Belgique.

Certes, la Cour de Justice a rendu le 8 septembre 2009 l'arrêt Santa Casa de la miséricorde qui semble permettre le maintien d'un monopole en matière de loterie. Mme Crombé-Berton pense que cet arrêt ne vise qu'un cas spécifique et pas l'ensemble des jeux de hasard. Il serait dangereux d'en déduire que les États peuvent interdire les opérateurs étrangers. Le fait que le Danemark a reçu un avis circonstancié de la Commission après l'arrêt Santa Casa l'illustre à suffisance.

En réservant le marché des jeux on line aux opérateurs dans le monde réel, le projet ne passera pas la rampe du contrôle européen. Le projet de loi est trop restrictif car il prévoit un triple verrou: il limite le nombre d'opérateurs, il impose la localisation du serveur en Belgique et il exige un lien entre l'exploitation de jeux dans le monde réel et dans le monde virtuel.

L'amendement propose d'ouvrir le champ des jeux en ligne à tout opérateur en ligne ou en dur. Tout candidat qui est ressortissant d'un État membre de l'Union européenne pourra remettre une offre à la Commission des jeux de hasard sur la base d'un cahier des charges garantissant la protection du joueur, la transparence financière, etc. La Commission des jeux de hasard retiendrait les meilleurs opérateurs sur la base du cahier des charges. Cette procédure offre une plus grande sécurité juridique quant au respect du droit européen de la concurrence.

Mme Crombé-Berton veut éviter qu'un recours contre le régime proposé dans le projet de loi n'aboutisse à une censure de la nouvelle loi, ce qui ouvrirait la porte à tous les opérateurs illégaux.

Contrairement à la préopinante, M. Mahoux se réjouit de la position prise par la Cour de Justice dans l'arrêt Santa Casa même si l'objet de cet arrêt est différent de la question des restrictions à l'exploitation de jeux sur Internet prévue à l'article 43/8, proposé.

Il se déclare circonspect quant à l'amendement nº 8. À première lecture, on a l'impression que l'amendement vise à limiter davantage l'accès au jeu en ligne en amenant des restrictions quant à la localisation du siège de l'opérateur dans un État membre de l'Union européenne. L'amendement va en réalité élargir très largement le champ des opérateurs potentiels car il supprime la condition que le candidat propose déjà des jeux dans le monde réel en Belgique. Il rappelle que l'objectif du projet est de limiter l'offre de jeux, de mieux garantir la régularité du jeu et de permettre un meilleur contrôle.

Le projet à l'examen restreint le nombre d'opérateurs qui auront accès aux jeux en ligne mais il élargit la palette de jeux que ces opérateurs pourront offrir. On part du postulat que les opérateurs en activité dans le monde réel donnent des garanties suffisantes qui justifient que l'on étende leur sphère d'activité Il est dès lors fondamental de savoir si le contrôle actuel des opérateurs dans le monde réel est suffisant.

Par ailleurs, les opérateurs dans le monde réel seront les seuls à pouvoir obtenir une licence pour exploiter des jeux dans le monde virtuel. L'octroi de cette licence se fera-t-il de manière automatique ?

L'amendement nº 8 élargit très fortement les possibilités d'accès à l'exploitation de jeux virtuels en Belgique. Est-ce cohérent par rapport aux objectifs globaux du projet de loi ?

Mme Crombé-Berton précise que le nombre d'opérateurs resterait limité à 9. Par contre, l'amendement permettrait à tous les opérateurs de l'Union européenne d'introduire une demande en vue d'obtenir une licence. Elle est convaincue que le régime proposé dans le projet de loi risque de poser un problème quant à la conformité aux principes de libre concurrence et de liberté d'établissement. Pour éviter les recours sur le plan européen, il faut élargir le champ des opérateurs potentiels.

Son amendement ne réduit pas les possibilités de contrôle. La localisation du serveur en Belgique est maintenue. Quand bien même l'opérateur serait anglais ou français, la Commission des jeux de hasard pourra couper le serveur situé en Belgique si le cahier des charges n'est pas respecté. L'amendement ne donne pas priorité aux opérateurs déjà actifs sur le marché belge. Ils sont mis en concurrence avec d'autres opérateurs européens.

M. Devlies rappelle que la réglementation sur les jeux de hasard est une matière qui présente des différences morales, culturelles et religieuses notables entre les États membres de l'Union européenne. À défaut d'une harmonisation au niveau communautaire, la régulation et la détermination du niveau de protection souhaitée relève de la compétence des États. Chaque État membre est souverainement compétent pour prévoir des limitations quantitatives: soit n'autoriser qu'un seul opérateur, soit un nombre limité d'opérateurs ou un nombre illimité. Cette limitation doit être appréciée au regard des objectifs poursuivis par l'État membre concerné et du niveau de protection qu'il entend assurer.

Pour voir si la réglementation est justifiée, l'appréciation doit se faire en fonction de la politique menée par l'État membre et des objectifs qu'il s'est fixés. L'objectif de base de la politique belge en matière de jeux de hasard est la réalisation d'une offre de jeux limitée et contrôlée. Le fait de réserver les licences en ligne aux titulaires de licences actuels engendre une limitation quantitative de la nouvelle offre. Cette mesure est en rapport et en cohérence avec les limitations quantitatives instaurées par la loi du 7 mai 1999. Cette restriction vise à endiguer le danger social d'une manière raisonnable. Une interdiction absolue n'est pas tenable. Une exception basée sur une politique qui entend combattre les effets collatéraux est prévue. Une telle politique a montré que le système fonctionne de manière contrôlée et sûre. La limitation du nombre de prestataires de services en ligne est proportionnée et nécessaire à la réalisation des objectifs. Plutôt que d'imposer une limitation numérique, le projet de loi opte pour une limitation qui vise à assurer la meilleure protection du joueur. L'attribution au titulaire des licences A, B ou F1 du droit d'étendre leur exploitation aux jeux offerts via l'Internet implique que d'autres opérateurs, exclusivement actifs sur Internet, sont exclus. Cette restriction est nécessaire, non discriminatoire et proportionnée à la réalisation de l'objectif poursuivi.

L'attribution d'une licence en ligne à des entités que la Commission des jeux de hasard contrôle déjà fait en sorte que les jeux de hasard sont canalisés dans un environnement contrôlable et apte à protéger le joueur contre la fraude. La réglementation proposée donnera à la Commission des jeux de hasard suffisamment de garanties que les règles qui doivent assurer la fiabilité, la solvabilité et l'honnêteté des opérateurs sont respectées. La Commission des jeux de hasard ne bénéficie pas des mêmes possibilités de contrôle à l'égard des opérateurs en ligne qui n'ont aucun lien avec la Belgique qu'à l'égard des opérateurs qui sont déjà établis en Belgique. Comme la Cour de justice l'a précisé dans l'arrêt Santa Casa, un État membre est en droit de considérer que le seul fait qu'un opérateur tel que Bwin propose légalement des services relevant de ce secteur par l'Internet dans un autre État membre où il est établi et où il est en principe déjà soumis à des conditions légales et à des contrôles ne saurait être considéré comme une garantie suffisante de protection des consommateurs nationaux contre les risques de fraude et de criminalité eu égard aux difficultés susceptibles d'être rencontrées dans un tel contexte par les autorités de l'État membre d'établissement pour évaluer les qualités et la probité professionnelle des opérateurs.

C'est précisément à cause de la difficulté d'évaluer les qualités et la probité professionnelle des opérateurs qui n'ont aucun lien avec la Belgique que l'amendement nº 8 de Mme Crombé-Berton n'offre pas les mêmes garanties que celles prévues par le projet de loi. La proposition alternative de Mme Crombé-Berton n'a pas le même effet utile par rapport aux buts fixés. Elle n'offre pas les mêmes garanties par rapport aux objectifs de la politique belge en matière de jeux de hasard.

Enfin, la suppression des limitations quantitatives proposée par Mme Crombé-Berton va à l'encontre de l'idée de canalisation.

Mme Crombé-Berton rappelle que lors de la mise en place des casinos en Belgique dans la foulée de l'adoption de la loi de 1999, on a prévu une limitation quantitative du nombre de casinos mais on n'a pas interdit à des opérateurs européens de se porter candidats. On a ouvert le champ à tous les opérateurs européens.

M. Marique confirme que les opérateurs de casinos ont des nationalités différentes.

Mme Crombé-Berton en déduit que l'on a, à l'époque, permis à des étrangers européens de venir s'installer en Belgique. Pour l'extension vers les jeux virtuels, on empêche un opérateur étranger qui n'est pas déjà installé sur le marché belge de se porter candidat pour une licence dans le monde virtuel.

L'intervenante précise qu'elle est entièrement d'accord avec la limitation quantitative du nombre d'opérateurs pour les jeux en ligne. Elle est également d'accord avec le principe de la localisation du serveur en Belgique. Par contre, elle ne peut accepter que l'on n'ouvre pas le marché à tous les opérateurs européens. Le troisième verrou prévu par le projet, à savoir la limitation des licences pour les jeux en ligne aux opérateurs exploitant un casino en Belgique, ne passera pas la barre du contrôle européen. On n'a pas suivi la même logique en 1999 car on avait permis à tous les opérateurs européens intéressés de remettre une offre.

L'intervenante n'est pas convaincue par les arguments avancés par le secrétaire d'État car c'est faire fi de la réalité européenne. Pourquoi émettre des réserves vis-à-vis d'opérateurs implantés dans d'autres pays européens ? Ces opérateurs devront respecter le cahier des charges et disposer d'un serveur en Belgique. Il est dès lors parfaitement possible de les contrôler. Ce n'est pas parce que ces acteurs ne sont pas encore connus de la Commission des jeux de hasard que l'on doit les exclure du marché.

M. Mahoux souligne que dans la philosophie du projet de loi, on limite les jeux virtuels à un maximum de 9 opérateurs de casinos qui pourront obtenir une extension de leur licence actuelle. Ce système permet un contrôle. L'amendement nº 8 pourrait avoir pour effet que 9 opérateurs « étrangers » non encore actifs en Belgique obtiennent une licence pour l'exploitation de jeux virtuels.

Mme Crombé-Berton précise que dans la philosophie de son amendement, les opérateurs dans le monde réel en Belgique pourront déposer une demande de licence supplémentaire pour exploiter des jeux virtuels. D'après ses renseignements, 4 ou 5 opérateurs sont intéressés par l'offre de jeux virtuels. Ils seraient mis en concurrence avec d'autres opérateurs européens qui pourraient également demander une licence en vue d'exploiter des jeux en ligne en Belgique. La Commission des jeux de hasard opérerait ensuite la sélection des 9 meilleurs opérateurs sur la base des dossiers introduits. Il se peut éventuellement que les opérateurs terrestres en Belgique ne soient pas retenus par la Commission des jeux de hasard. Cela dépendra de la qualité des dossiers des différents candidats.

M. Vankrunkelsven estime que tous les arguments relatifs à cette problématique ont été échangés.

M. Vandenberghe souhaite surtout attirer l'attention sur la nécessité de tenir également compte des risques de fraude et de l'effectivité des mesures à prendre.

Il souligne que le projet de loi à l'examen vise à contrôler un secteur déterminé. En outre, il s'agit en l'occurrence d'une réglementation particulièrement sensible à la fraude. Les restrictions proposées par le gouvernement s'inscrivent dans une tentative de mettre sur pied une réglementation effective. Selon la Cour de justice, il est permis d'élaborer une réglementation effective prévoyant des restrictions spécifiques.

Naturellement, aucune réglementation n'est préservée du risque de procédures ultérieures. Il n'y a pas de lois avec un risque zéro.

Il ne faut pas perdre de vue que le gouvernement se trouve ici confronté à une tâche difficile compte tenu des évolutions qu'a connues le monde du jeu. Il est toutefois impératif d'intervenir et toutes les précautions sont respectées à cet égard, ce qui n'est pas toujours le cas. L'intervenant cite, à titre d'exemple, la réglementation relative au stockage des données à caractère personnel.

Au nom de son groupe, M. Vankrunkelsven déclare comprendre les considérations théoriques de Mme Crombé-Berton. D'ici quelques années, une nouvelle réglementation pourra probablement être mise en place concernant les opérateurs de jeux légaux et jouissant de bases solides en Europe. Actuellement, le texte proposé lui semble toutefois être la seule possibilité. Le serveur doit être localisé en Belgique, afin qu'une intervention concrète soit possible.

Amendement nº 26

M. Vandenberghe et consorts déposent l'amendement nº 26 (doc. Sénat, nº 4-1411/4) qui vise à compléter le § 2 par un 6 accordant au Roi la possibilité d'imposer des limites par jour, par semaine ou par mois, en ce qui concerne la mise et la durée du jeu, afin de protéger le joueur. Il faut également que le joueur puisse s'imposer des limites à lui-même. La prévision de pauses obligatoires est également une option.

Le secrétaire d'État peut souscrire à cet amendement.

Art. 26

Amendement nº 22

Mme Crombé-Berton et M. Monfils déposent l'amendement nº 22 (doc. Sénat, nº 4-1411/4), qui vise à supprimer le point 6 de l'article 43/15 proposé.

Cet amendement découle de l'amendement à l'article 3, point 4, de la loi du 7 mai 1999 et concerne donc les jeux proposés par les médias.

Les auteurs font référence à la discussion en la matière et aux déclarations du secrétaire d'État sur ce point en ce qui concerne l'arrêté royal à prendre.

Art. 27 à 34

Ces articles n'appellent pas de remarques et ne font l'objet d'aucun amendement.

Art. 35

Amendement nº 4

M. Hellings dépose l'amendement nº 4 (doc. Sénat, nº 4-1411/3), qui vise à interdire aux personnes de moins de 21 ans la pratique des jeux de hasard par le biais des instruments de la société de l'information.

L'auteur se réfère aux auditions réalisées au sein des commissions de la Justice de la Chambre et du Sénat. Lors de la réunion de la commission de la Justice de la Chambre du 23 juin 2009, le secrétaire d'État a clairement expliqué que les jeux sur Internet comportaient un plus grand risque d'assuétude que les jeux traditionnels.

Aussi l'intervenant propose-t-il de relever l'âge minimum de 18 à 21 ans, afin d'assurer une protection maximale du joueur.

Le secrétaire d'État répond qu'un même critère a été retenu pour les jeux sur Internet et pour les jeux traditionnels. Les mêmes principes ont été appliqués pour les deux types de jeux, y compris en ce qui concerne l'âge minimum. L'intervenant se réfère également à la loi du 15 juillet 1960 sur les paris, qui prévoit explicitement que l'âge minimum est fixé à 18 ans. Il n'est pas question de modifier cette loi.

M. Hellings fait valoir que la loi précitée réglemente l'accès au jeu en ce qui concerne les paris hippiques, pas le jeu.

Pour le secrétaire d'État, cela revient au même. Il se réfère à la disposition en question qui interdit la participation à des paris à tout mineur âgé de moins de 18 ans.

M. Hellings évoque l'abus de boisson. L'accès à un café est possible à partir de l'âge de 16 ans, mais cela ne signifie pas pour autant que la consommation de boissons alcoolisées soit autorisée.

Le secrétaire d'État continue à penser qu'il ne serait pas logique que des critères différents soient utilisés pour les jeux via Internet d'une part et pour les jeux traditionnels d'autre part. Il ne soutient donc pas cet amendement.

Amendement nº 5

M. Hellings dépose l'amendement nº 5 (doc. Sénat, nº 4-1411/3), qui prévoit que les joueurs exclus, que ce soit à leur propre demande ou non, se voient automatiquement recommander de consulter un spécialiste dans le traitement des assuétudes. La préoccupation sous-jacente est de nouveau la protection des personnes souffrant d'une dépendance au jeu.

Le secrétaire d'État estime que l'on doit également pouvoir choisir de consulter un médecin généraliste ou les services de la Communauté qui sont compétents en matière d'assuétude, par exemple. Du reste, il ne lui semble pas utile de créer une cellule médicale supplémentaire au niveau des jeux de hasard, comme l'a proposé Mme Crombé-Berton: il existe déjà suffisamment d'instances actives dans le domaine.

M. Hellings précise que son amendement vise à faire en sorte que la personne figurant, à sa demande ou non, sur la liste des joueurs exclus soit obligée, par le législateur, de consulter un médecin spécialiste. Il peut également s'agir d'un psychothérapeute ou d'un généraliste. En effet, il est fréquent que les mêmes personnes réapparaissent plusieurs fois par an sur la liste, puis en soient de nouveau supprimées.

Sur le fond, le secrétaire d'État peut marquer son accord sur cette proposition, mais il préfère que cela soit réglé par le Roi. Le Roi détermine la manière dont l'accès à la pratique des jeux de hasard peut être refusé ou interdit. L'intervenant renvoie sur ce point à l'article 54, § 5.

Amendement nº 9

Mme Crombé-Berton dépose l'amendement nº 9, qui vise à subordonner l'interdiction d'accès à la pratique des jeux de hasard à l'avis d'une cellule d'expertise, composée de 3 personnes, à savoir un médecin, un docteur et un assistant social. L'intervenante souligne que la nouvelle réglementation proposée permettra au joueur lui-même, mais également à toute personne intéressée, de demander l'interdiction d'accès.

Étant donné que le présent projet de loi permet désormais à toute personne intéressée, au même titre que le joueur lui-même, de demander l'interdiction de l'accès aux jeux de hasard dans le chef de ce dernier, la commission qui se prononce sur cette interdiction doit pouvoir prendre sa décision en toute connaissance de cause.

Cette initiative doit donc être subordonnée à la réunion d'indices objectifs (taux de fréquentation, niveau des mises, troubles médicalement constatés, comportements déviants induits par le jeu, etc.), attestant de l'existence d'une pathologie. Dès lors, il est recommandé d'y ajouter l'obligation pour la commission de recueillir l'avis de sa cellule d'expertise avant chaque décision d'interdiction ou de levée d'interdiction.

L'avis qui sera rendu par cette cellule permettra, dans un cas de demande d'interdiction, de déterminer si le joueur concerné se révèle atteint d'une pathologie nécessitant une prise en charge médicale, psychologique, sociale et/ou juridique, et, dans un cas de demande de levée d'interdiction, de déterminer si le joueur concerné peut réintégrer sans risques les établissements de jeux de hasard et ainsi d'éviter que des personnes non guéries ne puissent être à nouveau exposées aux tentations du jeu.

La cellule doit également pouvoir, le cas échéant, orienter le joueur vers un centre de soins reconnu et adapté, et ce tout au long du processus d'interdiction, depuis sa prononciation jusqu'à sa levée.

La cellule d'expertise disposerait donc d'un éventail de compétences tel qu'elle pourrait prononcer l'interdiction d'un joueur mais aussi lui faire prendre conscience de sa dépendance et l'orienter vers les centres de soins adéquats. Il ne saurait être question en effet d'exclure un joueur compulsif pour ensuite l'abandonner à son sort.

M. Mahoux est d'avis qu'il faudrait définir avec davantage de précision ce que l'on entend au juste par « spécialiste des assuétudes ». La composition de la cellule d'expertise proposée doit être clairement définie. La dépendance au jeu ne présente pas nécessairement les mêmes caractéristiques que l'alcoolisme ou la toxicomanie.

M. Vandenberghe a l'impression que la création d'une telle cellule et l'accompagnement qu'elle proposerait au joueur dépendant relèvent plutôt de la compétence des Communautés. Ce sont elles en effet qui sont compétentes pour la politique de santé préventive.

M. Vankrunkelsven rétorque que le secrétaire d'État a clairement fait part de son intention de prendre des dispositions plus précises en la matière par arrêté royal.

Le secrétaire d'État rappelle qu'il n'est pas favorable à la création d'une cellule supplémentaire comme le propose Mme Crombé-Berton. On empiéterait très vite sur le domaine de compétence des Communautés. Ce qui importe, en revanche, c'est de veiller à ce que la Commission puisse prendre connaissance, dans le cadre de son évaluation, des demandes d'interdiction ou de levée de celle-ci, des attestations délivrées par des médecins ou des intervenants sociaux.

En ce qui concerne la compétence communautaire et le caractère préventif, M. Mahoux exprime quelques réserves et renvoie par analogie à la législation relative à l'adoption. Il indique par ailleurs que l'avis de la cellule d'expertise n'est sollicité que si la demande d'interdiction émane de tiers et non du joueur lui-même.

Mme Crombé-Berton peut marquer son accord sur le fait que l'on inscrive le principe de la création d'une cellule d'expertise dans la loi proposée et que l'on habilite le Roi à déterminer la composition de celle-ci. Il s'agit clairement d'une compétence fédérale puisque l'objectif est de modifier la composition de la Commission des jeux de hasard. Compte tenu de l'élargissement des voies de saisine, la Commission des jeux de hasard serait dotée d'une cellule d'expertise afin de déterminer si le joueur concerné est réellement dépendant ou non. Une fois l'interdiction prononcée, la cellule pourrait ensuite orienter la personne vers les services adéquats. Il ne s'agit pas d'une politique de prévention ni, par conséquent, d'une compétence communautaire. En outre, cette proposition s'inscrit dans le prolongement de l'objectif visé en termes de protection du joueur dépendant.

Le secrétaire d'État maintient son point de vue. Un arrêté royal fixera la procédure d'interdiction en imposant l'obligation de fournir des attestations. Il déclare ne pas être favorable à la création d'une cellule d'expertise permanente.

M. Delpérée comprend la préoccupation exprimée par Mme Crombé-Berton. C'est au législateur fédéral qu'il appartient de donner une définition générale des missions et de la composition de la Commission.

Il attire toutefois l'attention sur le fait que l'intention de régler une question entre un joueur malade et un médecin constitue typiquement une matière personnalisable, ce qui relève de la compétence des Communautés.

M. Mahoux estime que l'amendement s'inscrit dans le cadre de la lutte contre la délinquance liée au jeu.

En ce qui concerne la discussion institutionnelle sur la compétence fédérale, l'intervenant renvoie à la législation relative à l'adoption, dont les règles sont établies dans la législation fédérale alors que leur exécution est confiée à des services communautaires. La compétence du législateur fédéral lui semble donc justifiée.

L'intervenant juge intéressante l'approche de Mme Crombé-Berton qui consiste à faire référence à la problématique de la dépendance dans le texte proprement dit. Il demande au gouvernement d'y réfléchir. La même référence peut être faite à propos de la demande de réintégrer la liste.

M. Vandenberghe maintient que l'amendement à l'examen présente un aspect préventif et concerne une matière personnalisable. La politique de santé et le thème de l'accompagnement nécessitent une discussion avec les Communautés qui devront prendre en charge les dépenses afférentes à ces deux aspects.

M. Devlies renvoie à l'article 54 du projet de loi à l'examen concernant la problématique de la dépendance. Cet article prévoit la possibilité d'un arrêté royal intégrant la proposition de M. Hellings.

Art. 36

Cet article n'appelle pas d'observations.

Art. 37

Amendement nº 6

M. Hellings dépose un amendement (doc. Sénat, nº 4-1411/3) qui va dans le même sens que les amendements nos 2, 3 et 4, à savoir tenter d'éviter d'aggraver les cas de dépendance. L'amendement en question concerne l'impossibilité d'utiliser des cartes de crédit dans certains établissements.

Le secrétaire d'État répond que, dans la législation actuelle, les cartes de crédit sont uniquement autorisées dans les casinos proprement dits. Cette mesure a été insérée par la loi-programme de 2003 en raison de la concurrence avec les casinos étrangers. Gardant à l'esprit l'idée de canalisation, l'intervenant propose de conserver les règles actuelles. Il ne peut donc pas marquer son accord sur cet amendement.

M. Hellings estime qu'il serait bon de procéder à une évaluation de cette loi et notamment de ses effets sur les cas de dépendance et le chiffre d'affaires des casinos.

Art. 38 à 43

Ces articles n'appellent pas d'observations.

Art. 44

Amendement nº 11

M. Vankrunkelsven et consorts déposent l'amendement nº 11 (doc. Sénat, nº 4-1411/4) qui vise à préciser dans le texte qu'aucune garantie ne sera provisoirement demandée pour la délivrance de la licence de classe G2. Le Roi a cependant la possibilité de modifier le montant de cette garantie, car le but n'est pas d'exonérer définitivement la délivrance de cette licence.

Le secrétaire d'État ne formule pas d'objection à cet amendement.

Art. 45 à 50

Ces articles n'appellent pas d'observations.

Chapitres IV/1-IV/2, V/1- V/2 — articles 50/1, 50/2, 51/1 et 51/2 (nouveau)

Amendements nos 14 à 17

MM. Vandenberghe et Van Parys déposent les amendements nos 14 à 17 (doc. Sénat, nº 4-1411/4) qui apportent tous des modifications techniques.

L'intitulé de la loi du 7 mai 1999 étant modifié par l'article 2, les références à cette loi doivent chaque fois être modifiées dans les autres textes de loi.

Art. 52

Amendement nº 18

MM. Vandenberghe et Van Parys déposent l'amendement nº 18 (doc. Sénat, nº 4-1411/4) qui apporte une modification technique, à savoir la modification de la référence à la loi du 7 mai 1999 dont l'intitulé est modifié par le texte à l'examen.

Art. 53

Cet article ne suscite aucune observation.

Art. 54

Amendement nº 19

MM. Vandenberghe et Van Parys déposent l'amendement nº 19 (doc. Sénat, nº 4-1411/4) qui apporte une modification technique, à savoir la modification de la référence à la loi du 7 mai 1999 dont l'intitulé est modifié par le texte à l'examen.

Art. 55

Cet article ne suscite aucune observation.

Art. 56

Amendement nº 20

MM. Vandenberghe et Van Parys déposent l'amendement nº 20 (doc. Sénat, nº 4-1411/4) qui apporte une modification technique, à savoir la modification de la référence à la loi du 7 mai 1999 dont l'intitulé est modifié par le texte à l'examen.

X. DEUXIÈME DISCUSSION DES ARTICLES

Art. 9

Amendement nº 28

M. Vankrunkelsven et consorts déposent l'amendement nº 28 (doc. Sénat, nº 4-1411/5) qui est de nature technique. Il vise à préciser que le mécanisme d'indexation qui est prévu vaut également pour la perte moyenne maximale par heure prévue par classe d'établissement de jeux.

Art. 10

Amendement nº 29

M. Vankrunkelsven et consorts déposent l'amendement nº 29 (doc. Sénat, nº 4-1411/5) qui est de nature technique. Il vise à préciser que la licence qui permet l'acceptation de paris en dehors d'un établissement de jeux de classe IV, peut être renouvelée plusieurs fois.

Art. 25

Amendement nº 30

M. Vankrunkelsven et consorts déposent l'amendement nº 30 (doc. Sénat, nº 4-1411/5) qui est de nature technique. Il vise à remplacer le § 4 de l'article 43/8, proposé, afin de prévoir que la commission tienne à jour une liste des exploitants de jeux de hasard à qui une licence supplémentaire a été délivrée.

Amendement nº 32

M. Vandenberghe ayant retiré son amendement nº 26 (doc. Sénat, nº 4-1411/4), Mme Crombé-Berton et M. Monfils décident de le redéposer (amendement nº 32, doc. Sénat nº 4-1411/5). L'amendement nº 32 est identique à l'amendement nº 26 qu'il remplace.

Art. 36

Amendement nº 31

M. Vankrunkelsven et consorts déposent l'amendement nº 31 (doc. Sénat, nº 4-1411/5) qui est de nature technique. Il vise à remplacer l'article 36 afin de préciser que l'exclusion de l'accès ne concerne pas uniquement les salles de jeu mais tous les jeux de hasard pour lesquels une obligation d'enregistrement existe.

Les autres articles ne donnent pas lieu à discussion.

XI. VOTES

L'amendement nº 13 de MM. Vandenberghe et Van Parys est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

L'amendement nº 24 de M. Monfils et Mme Crombé-Berton est rejeté par 7 voix contre 3 et 3 abstentions.

L'amendement nº 7 de Mme Crombé-Berton et M. Monfils est rejeté par 7 voix contre 3 et 3 abstentions.

L'amendement nº 23 de M. Monfils est rejeté par 7 voix contre 3 et 3 abstentions.

L'amendement nº 28 de M. Vankrunkelsven et consorts est adopté par 12 voix et 1 abstention.

L'amendement nº 21 de M. Vankrunkelsven est rejeté par 9 voix contre 2 et 2 abstentions.

L'amendement nº 29 de M. Vankrunkelsven et consorts est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

L'amendement nº 2 de M. Hellings est rejeté par 12 voix contre 1.

Le sous-amendement nº 27 de MM. Vandenberghe et Van Parys est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

L'amendement nº 12 de M. Vankrunkelsven et consorts est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

L'amendement nº 1 de Mme Van dermeersch est rejeté par 11 voix contre 1 et 1 abstention.

L'amendement nº 3 de M. Hellings est rejeté par 11 voix contre 1 et 1 abstention.

L'amendement nº 25 de M. Vankrunkelsven et consorts est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

L'amendement nº 10 de M. Vankrunkelsven et consorts est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

L'amendement nº 8 de Mme Crombé-Berton et M. Monfils est rejeté par 7 voix contre 3 et 3 abstentions.

L'amendement nº 26 de M. Vandenberghe et consorts est retiré.

L'amendement nº 30 de M. Vankrunkelsven et consorts est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

L'amendement nº 32 de Mme Crombé-Berton et M. Monfils est rejeté par 7 voix contre 3 et 3 abstentions.

L'amendement nº 22 de Mme Crombé-Berton et M. Monfils est rejeté par 8 voix contre 3 et 2 abstentions.

Les amendements nos 4 et 5 de M. Hellings sont rejetés par 8 voix contre 1 et 4 abstentions.

L'amendement nº 9 de Mme Crombé-Berton et M. Monfils est rejeté par 7 voix contre 4 et 2 abstentions.

L'amendement nº 31 de M. Vankrunkelsven et consorts est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

L'amendement nº 6 de M. Hellings est rejeté par 11 voix contre 1 et 1 abstention.

L'amendement nº 11 de M. Vankrunkelsven et consorts est adopté par 11 voix et 2 abstentions.

Les amendements nos 14 à 20 de MM. Vandenberghe et Van Parys sont adoptés par 11 voix et 2 abstentions.

L'ensemble du projet de loi amendé a été adopté par 8 voix et 4 abstentions.

Le rapport a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.

Le rapporteur, Le président,
Hugo VANDENBERGHE. Patrik VANKRUNKELSVEN.

Corrections de texte

La commission décide d'apporter une série de corrections textuelles purement formelles dans les articles suivants.

Art. 3

On rédigera le texte néerlandais du a) comme suit:

« a) in het punt 1 worden de woorden « of weddenschap », « of wedders », « wedders » en « of de weddenschap » opgeheven »;

Art. 22

Phrase liminaire: « Dans le chapitre IV, section IV, de la même loi ... »

Dans la version néerlandaise de cet article, la terminologie employée n'est pas uniforme: « paardenrennen, wedrennen, paardenwedrennen ». Dans la version française, il est toujours question de « courses hippiques ».

Il convient d'employer les termes « weddenschappen en paardenwedrennen » dans le texte néerlandais.

Art. 26

L'article 43/9, troisième tiret: dans le texte français, le mot « article » est remplacé par le mot « chapitre ».

Le texte néerlandais de l'article 43/12 ne correspond pas au texte français; il convient de remplacer les termes néerlandais « niet alleen de communicatie, maar ook de inhoud » par les termes « niet alleen de prijs van de communicatie maar ook een betaling voor de inhoud ».

Art. 34

Le texte français de l'article 52, alinéa 1er, en projet, est incomplet et diffère du texte néerlandais.

La commission décide de remplacer le texte comme suit: « Tout modèle de matériel ou d'appareil qui est importé ou fabriqué dans les limites et les conditions fixées par une licence de classe E en vue de son utilisation par un titulaire de licence visé par la présente loi, doit, en vue de sa mise en vente ou de son exposition sur le territoire belge [...], être agréé ... »

Art. 35

Dans le texte français, les mots « au § 5 de la même loi » sont remplacés par les mots « au § 5 ». Dans le texte néerlandais, les mots « van hetzelfde artikel » sont supprimés.


ANNEXES


I. Audition de l'Union professionnelle des agences de paris — Annexes

ANNEXE A

RENTABILITÉ DES DEUX JEUX AUTOMATIQUES DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE CLASSE IV

LADBROKES Belgïe. — LADBROKES Belgique
Rendabiliteit van de automatische toestellen — Rentabilité des machines automatiques de divertissement
Gemiddeld huurverlies. — Perte horaire prévue par la législation 12,50 euro(s) 25,00 euro(s)
Aantal wedkantoren die dergelijke toestellen effectief kunnen onthalen. — Nombre d'agences aptes à accueillir des machines 144 144
Aantal toestellen per kantoor. — Nombre de machines par agence 2 2
Totaal aantal toestellen. — Nombre de machines requises 288 288
€ '000 € '000
Kost per toestel (inclusief centraal computersysteem). — Coût par machine (y compris système informatique central) 21 21
Investeringen. — Investissements 6 034 6 034
Inkomsten — berekend op basis van onze historische bezettingsgegevens. — Revenu — calculé en fonction des taux d'utilisation historiques 3 154 6 307
Cannibalisatie van andere bestaande weddenschappen 10 %. — Cannibalisation 10 % -315 -631
Saldo. — Solde 2 838 5 676
Beheerskosten (lonen, taksen, onderhoud, enz.). — Frais d'exploitation (rémunérations, taxes, entretien, etc.) 1 809 2 082
Afschrijvingen. — Amortissements 2 011 2 011
Winst/(Verlies). — Bénéfice/(Perte) -982 1 583

REMARQUES

1. LES CHIFFRES CI-DESSUS SUPPOSENT DES JEUX AUTOMATIQUES ATTRACTIFS POUR LA CLIENTÈLE

2. ON PEUT ESTIMER LE PARC TOTAL DE NOUVELLES MACHINES À 500 MAXIMUM

ANNEXE B

Chiffres du secteur

Aux membres de la commission de la Justice du Sénat

PROJET DE LOI SUR LES JEUX DE HASARD

Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur,

Nous profitons de la transmission des chiffres de notre secteur — demandés par votre commission lors de l'audition du 7 octobre dernier — pour insister sur deux points essentiels de notre audition concernant le projet de loi sur les jeux de hasard examiné par votre Commission.

1. Il est crucial pour la survie et le développement de notre secteur — comme prévu et accordé dans la version 2007 du projet de loi — de pouvoir exploiter deux jeux automatiques de type classe II avec une perte horaire maximum de 25,00 euros. Cette exploitation se fera de manière responsable et contrôlée (espace, enregistrement du joueur, lecteur électronique de l'identité de l'utilisateur de chacun des appareils) en concertation avec la Commission des jeux de hasard, qui disposera toujours de son droit de sanction en cas de manquements hypothétiques.

Nous avons prouvé notre fiabilité et notre souci de la protection du parieur lors de notre expérience précédente en la matière.

Dans ce contexte, le législateur ne prend aucun risque à autoriser cette exploitation — limitée, car uniquement possible dans les établissements fixes spacieux — d'ailleurs convenue sous la législation précédente et qui profitera également aux Régions de par la fiscalité, à nos collaborateurs employés et commissionnaires qui voient leurs revenus diminuer et à de multiples acteurs économiques du pays.

2. Comme cela fut précisé dans l'exposé des motifs et dans le projet de loi votés par la Chambre, nous sommes totalement opposés à l'acceptation des paris sur les courses hippiques et sur les courses de lévriers dans des points de vente non spécialisés (librairies, débits de boissons ...); donc en dehors des établissements fixes de classe IV, tant que les licences, les dispositions et les critères de canalisation et de fonctionnement ne sont pas identiques pour l'ensemble des réseaux dans lesquels les paris sont organisées et/ou acceptés.

Si le législateur persiste néanmoins dans cette voie (légalement plus que questionnable et attaquable à notre avis), comme semble l'indiquer une majorité en commission de la Justice, il se doit, au nom de l'équité et de la cohérence, d'autoriser l'acceptation de TOUS les paris dans les librairies — qu'ils soient basés sur un système de bookmaking (pari à la cote) ou sur un système mutuel qui dans la perception du parieur, des responsables du traitement de l'assuétude au jeu et même de la Commission des jeux de hasard, ne diffèrent pas. Seuls les interlocuteurs financièrement intéressés estiment que le pari mutuel ne comporte aucun risque social ou, pour le moins, en moindre mesure que le pari à la cote. Un tel argument ne tient pas devant la réalité.

Aujourd'hui déjà, les paris sportifs, qui reposent uniquement sur le système de bookmaking (le pari mutuel en la matière a été abandonné par la clientèle) sont offerts dans les points de vente et, même le PMU français, chantre du pari mutuel sur les paris hippiques, lancera, dès le printemps prochain, des paris À LA COTE sur les événements sportifs autres que les courses hippiques.

Cette dernière décision prouve — si besoin en est — que peu importe le système et que, in fine, le combat que semble mener certains opérateurs de paris belges (mis en difficulté de par leurs propres erreurs et incapacité de gérer les paris de manière professionnelle comme d'ailleurs exposé par l'un de leurs représentants entendu par la commission, Monsieur Jacques PIJPEN) pour assurer la suprématie du pari mutuel, est un combat d'arrière-garde exclusivement mené pour phagocyter notre activité dans laquelle nous n'avons jamais lésiné à investir en moyens humains et financiers (près de 10 millions d'euros depuis 2002) contrairement à l'institution hippique belge, dont le pari mutuel est en faillite virtuelle et ne finance plus la filière hippique depuis belle lurette. Cela prouve que le pari mutuel peut aussi devenir un pari à risque !

LES AGENCES DE PARIS EN CHIFFRES

1. Opérateurs légaux:

Ces opérateurs d'agences de paris sont dûment autorisés en vertu de l'article 50 de l'arrêté royal du 8 juillet 1970 portant règlement général des taxes assimilées aux impôts.

1. LADBROKES

2. WFA (World Football Association)

3. VINCENNES SA

2. Chiffres

Schatting 2009 — Estimation 2009 Miljoen euro — Millions d'euros
Chiffre d'affaires 187,2 100.0 %
waarvan op de Franse rennen circa. — dont % sur les courses françaises environ 75,0 %
Terugbetalingen aan de spelers. — Redistribution aux parieurs - 127,3 68.0 %
Gewestelijke taks op de inzetten. — Taxe régionale sur les enjeux - 22.5 12.0 %
Bruto Marge. — Marge brute = 37.4 20.0 %
Exploitatielasten. — Frais d'exploitation - 33,8 18.1 %
waarvan lonen en commissies (*). — dont salaires et commissions(*) 19,2
Netto marge voor financiële lasten en belastingen. — Marge nette avant frais financiers et impôts = 3.6 1,9 %

(*) Le secteur occupe DIRECTEMENT près de 1000 personnes (ou 600 équivalents temps plein en qualité d'employés ou de commissionnaires pour lesquels en grande majorité cette activité constitue le revenu principal du ménage. Il s'agit essentiellement de fonctions pour personnes non qualifiées et dont c'est souvent l'occupation professionnelle de la dernière chance. La formation spécifique est assurée par les entreprises.

Investissement consentis depuis 2002 pour maintenir le réseau à un niveau opérationnel et commercial pour satisfaire la clientèle: près de 10 millions d'euros exclusivement investis en Belgique

3. Contributions fiscales (estimation 2009)

Au bénéfice de l'État

— BTW. — TVA 2 600 000
— RSZ. — ONSS 1 650 000
Ten voordele van de gewesten. — Au bénéfice des Régions 22 500 000
Ten voordele van de Provincies en de Gemeenten (vestigingstaks). — Au bénéfice des Provinces et Communes (taxe d'implantation) 320 000
TOTAAL. — TOTAL 27 070 000

4. Contribution à la filière hippique

BELGE chiffres inconnus par manque de transparence des chiffres des opérateurs de courses et de paris hippiques en Belgique.

— Agent du PMU belge (totalisateur des paris mutuels des sociétés de courses flamandes, sauf Tongeren) et d'EURO TIERCÉ (totalisateur de l'hippodrome de Wallonie et de l'hippodrome de Tongeren)

En 2008, l'hippodrome de Tongeren a quitté le PMU belge compte tenu de l'absence de return de sa part au profit des sociétés de courses.

— Les agences de paris réalisent plus de 50 % des enjeux de ces deux entités, ce qui constitue une contribution de 21,5 %: soit un return net au profit des sociétés de courses de l'ordre de 12,0 % (toutes taxes sur enjeux payées).

(alors que ces mêmes sociétés de courses ne prévoient que de verser 6 % au PMU pour la centralisation des paris !)

— Sponsoring contractuel avec le PMU belge (1 % du CA réalisé pour son compte) et sponsor principal de l'HMW (Hippodrome de Mons Wallonie)

— Avec 3 000 copies achetées par tirage, client principal de la presse spécialisée (SPORT TURF et EURO TIERCÉ) en processus de fusion) dont à peine 600 exemplaires sont vendus en librairie. Sans les agences, ces titres disparaissent !

ÉTRANGÈRE chiffres contractuellement confidentiels

— Contrats de services de millions d'euros avec l'institution hippique française et britannique au bénéfice direct des sociétés de courses.

5. Quelques chiffres concernant les courses belges

5.1 Le PMU BELGE

Chiffre d'affaires de 150 millions d'euros en 1985. 2 millions d'euros en 2008 au travers de 800 points de vente !

Plusieurs audits diligentés par les sociétés de courses sont restés lettre mortes, malgré les sérieuses lacunes et dérives constatées.

5.2 LE MODÈLE DE LA SUISSE ROMANDE

(source: le LIVRE BLANC des sociétés de courses belges et l'audition du représentant des courses suisses par la commission de la Justice du Sénat)

WETSONTWERP OP DE KANSSPELEN — PROJET DE LOI SUR LES JEUX DE HASARD
WEDDENSCHAPPEN OP DE FRANSE RENNEN : RETURN VOOR DE ZWITSERSE EN DE BELGISCHE SPORT — PARIS SUR LES COURSES FRANCAISES : ESTIMATION DU RETURN AUX COURSES SUISSES ET BELGES
Zwitserland — Suisse romande België — Belgique
Frankrijk : Afhouding op de inzetten — France : Prélèvement sur les enjeux 26,0 % 26,0 %
LASTEN. — CHARGES
Taks. — Taxe - 10,0 % - 12,0 %
Beheersfee aan de Franse PMU. — Taux de gestion à payer au PMUF - 6,0 % - 6,0 %
BRUTO INKOMST. — REVENU BRUT 10,00 % 8,00 %
Commissieloon Distributienet. — Commission Réseau (PV) - 7,0 % - 7,00 %
TOTALE INKOMST(*). — REVENU TOTAL (*) 3,00 % 1,00 %

(*) REMARQUES IMPORTANTES

a) Pour la Suisse, il s'agirait du revenu net reversé aux sociétés de courses, alors que pour la Belgique, il s'agit d'un revenu hors frais d'installation, hors frais de marketing et de gestion des paris sur le territoire belge.

b) Le gouvernement français ayant décidé de diminuer la taxe sur l'ensemble des paris de 12,4 à 7,5 % au 1er janvier 2010, le prélèvement pourrait être amputé jusqu'à 5 points au profit des joueurs. Le modèle deviendrait alors d'office déficitaire avant tout frais à prendre en charge.

5.3 LE MODÈLE THÉORIQUE DU MARCHÉ SELON LE LIVRE BLANC: UTOPIQUE !

Marché actuel:

Agences de paris: 187 000 000 euros dont 140 000 000 euros sur les courses françaises

Courses belges: 20 000 000 euros = faux, voir point 5.1

Marché futur:

Agences de paris: 187 000 000 euros

— Nous avons subi, en matière de paris sportifs, avec la concurrence déloyale et débridée d'opérateurs s'installant en nombre au pas de notre porte (cafés, librairies, agences propres, etc.) — parce que non canalisée par la loi — une forte érosion de notre chiffre d'affaires et de notre marge. Un tel phénomène de cannibalisation sera inévitable au détriment de nos paris hippiques; il ne suffirait que d'une diminution de 10 % de nos enjeux pour ôter toute rentabilité à nos entreprises sans aucune contrepartie pour la collectivité en matière d'emploi, de contribution économique et fiscale.

PMU sur courses belges: 50 000 000 euros

— Alors que 2 000 000 aujourd'hui ?

PMU sur courses françaises: 150 000 000 euros

— Le marché actuel n'atteint pas ce montant; les auteurs présument donc qu'ils vont doubler le marché actuel ... ou phagocyter le nôtre (voir point ci-dessus !

— Return escompté de 3,00 % alors qu'il sera de maximum 1,00 % avec un taux de gestion du PMUF de 6 % comme en Suisse romande. Ce return doit encore être amputé des frais d'investissement et des frais de gestion.

Le modèle théorique tient compte d'une baisse substantielle (33 % à 50 % de diminution) de la taxation régionale. Une excellente nouvelle, mais est-ce réaliste ?

Nous vous remercions, Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur, de l'attention que vous porterez à ses informations et vous prions d'agréer l'expression de notre déférente considération,

Alain DHOOGHE

Président

ANNEXE C

PROPOSITIONS

d'amendements au projet de loi

Loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs

7 octobre 2009

Amendement nº 1

Article 9 du projet de loi (Doc. 52 2121/001)

À l'article 9 de la loi en projet, modifiant l'article 8 de la loi du 7 mai 1999, adapter la formulation du texte comme suit:

« ... 4º un alinéa rédigé comme suit est inséré entre les alinéas 3 et 4:

« dans les établissements de jeux de hasard de classe IV, ne sont autorisés, à l'exception des paris, que les jeux de hasard pour lesquels il est certain que le joueur ne pourra pas perdre plus de 25 euros en moyenne par heure. » ».

Exposé des motifs

1. Le fait d'augmenter par ailleurs la perte horaire moyenne maximale à 25 euros permettra d'éviter d'éventuels problèmes d'inconstitutionnalité. En effet, il convient de rappeler que la Cour constitutionnelle a expressément précisé dans un arrêt datant du 13 juillet 2001 que le fait de traiter inégalement les établissements de classe II (salles de jeux automatiques) et de classe III (débits de boissons) ne ferait que déplacer le risque d'asservissement que le législateur essaie de combattre d'une catégorie d'établissement à une autre. Or, tel sera le cas entre les agences de paris et les salles de jeux automatiques. Par conséquent, il convient d'insister sur le fait que la mesure envisagée actuellement (fixation du seuil maximal de la perte horaire moyenne à 12,50 euros) est non seulement discriminatoire mais en outre, n'est ni nécessaire, ni proportionnée, ni raisonnable et adéquate par rapport à l'objectif poursuivi par le législateur, à savoir la protection des joueurs dès lors que ces derniers pourront aller jouer davantage dans les établissements de classe II où la perte horaire moyenne maximale est fixée à 25 euros. (1)

Cette augmentation du seuil maximal de la perte horaire de 12,50 euros à 25,00 euros en ce qui concerne les machines de jeux automatiques exploitées dans les agences de paris n'aura par ailleurs pas d'effets désastreux en termes de protection des joueurs dès lors que:

— chacune des agences de paris autorisée ne peut exploiter que deux machines automatiques;

— au regard des investissements qu'implique l'exploitation de tels jeux de hasard, ces derniers ne pourront pas être implantés dans chaque agence existante:

— contrairement aux débits de boissons, l'alcool ne peut être vendu dans ce type d'établissements de jeux de hasard.

2. Ensuite, dès lors que la mesure actuellement envisagée ne permettrait pas aux agences de paris de faire face aux coûts que génère l'exploitation des machines de jeux automatiques (2) , la mesure de protection envisagée ne peut se justifier au regard des libertés de commerce et d'industrie (3) garantissant à tout citoyen d'exercer librement et sans entraves ses activités économiques et industrielles.

Il convient de rappeler à cet égard que c'est justement afin d'assurer une rentabilité et d'éviter de nombreux licenciements que le montant de la perte horaire maximale moyenne a été augmenté de 12,50 euros à 25 euros pour les établissements de jeux de hasard de classe II (4) . Dans la mesure où l'exploitation de jeux automatiques doit être considérée comme une activité se situant dans le prolongement de l'activité principale des agences de paris et que cette activité génère un chiffre d'affaires non négligeable, les objectifs ayant sous-tendu la mesure prise pour les établissements de classe II peuvent être transposés aux établissements de classe IV.

À défaut, il existerait non seulement une discrimination flagrante concernant le traitement législatif de ces deux catégories d'établissements de jeux de hasard mais en outre, le législateur ferait preuve d'une grande incohérence dans sa politique visant à trouver un équilibre entre d'une part, l'exploitation rentable et d'autre part, la protection du joueur (5) .

3. Enfin, en ôtant toute rentabilité à une activité autorisée, la mesure de protection préconisée pourrait porter atteinte à la liberté d'établissement garantie par l'article 43 du Traité de la Communauté européenne.

En outre, si l'on a égard aux discussions récentes s'étant établies entre l'État français et la Commission européenne à propos du critère de protection envisagé par le nouveau projet (6) , à savoir une limitation de la proportion maximale des mises reversées en moyenne aux joueurs, il se pourrait que la mesure de protection préconisée viole également le prescrit de l'article 49 du Traité de la Communauté européenne relatif à la libre prestation de services dès lors que tant son adéquation par rapport à l'objectif de protection poursuivi que sa proportionnalité pourraient être remises en cause sur la base du droit communautaire (7) .

Amendement nº 2

Article 23 du projet de loi (Doc. 52 2121/001)

À l'article 23 de la loi en projet, insérant dans la section IV, sous-section II de la loi du 7 mai 1999 un article 43/4, supprimer les mots suivants dans la formulation du texte:

« ... qui proposent des paris sur des activités similaires à celles conclues dans l'agence de paris »

Exposé des motifs

L'exploitation de deux machines de jeux de hasard automatiques assimilables aux machines de classe II constitue une mesure transversale indispensable à la viabilité du secteur, spécialement au regard des restrictions importantes qui lui sont imposées (Voir la justification de l'amendement nº 1).

Amendement nº 3

Article 23 du projet de loi (Doc. 52 2121/001)

À l'article 23 de la loi en projet, insérant dans la section IV, sous-section II de la loi du 7 mai 1999 un article 43/4, compléter la formulation du § 4 par les mots suivants:

« ... Le nombre d'établissements de jeux de hasard fixes ne pourra être supérieur à 1000 et la distance à respecter entre chaque établissement ne pourra être inférieure à 1 000 mètres, sauf pour les exceptions accordées précédemment aux exploitants d'agences de paris en vertu de l'article 50quinquies, § 3, du Code sur les taxes assimilées aux impôts sur les revenus ».

Exposé des motifs

1. La détermination du nombre d'établissements de classe IV fixes autorisés dans le texte de loi permettrait tout d'abord d'éviter une différenciation de traitement non objective et non raisonnable entre cette catégorie d'établissements de jeux de hasard et les autres catégories (classes I et II) dont le nombre maximum autorisé est fixé par la loi.

Par ailleurs, cet ajout permettrait d'éviter une insécurité juridique résultant de la délégation laissée actuellement en faveur du Roi sur un point pouvant poser un sérieux problème de compatibilité avec l'article 43 du Traité CE garantissant la liberté d'établissement.

2. Le maintien du critère de distance de 1 000 mètres représente quant à lui une mesure des plus efficaces pour garantir une canalisation effective et efficace, tout en offrant aux titulaires d'une licence une certaine sécurité d'exploitation. Par ailleurs, la nature quantitative et non qualitative de ce critère est mieux adaptée au nombre considérable d'établissements de classe IV qui sera fixé.

Amendement nº 4

Article 23 du projet de loi (Doc. 52 2121/001)

À l'article 23 de la loi en projet, insérant dans la section IV, sous-section II de la loi du 7 mai 1999 un article 43/4, adapter la formulation du § 5 comme suit:

« En dehors des établissements de jeux de hasard de classe IV précités, des paris organisés par un titulaire d'une licence de classe F1 peuvent également être recueillis dans les cas suivants:

1º à titre complémentaire par les librairies, personnes physiques ou personnes morales inscrites à la Banque-Carrefour des Entreprises en qualité d'entreprise commerciale, dans le seul local affecté à l'activité de librairie, à l'exception des endroits où des boissons alcoolisées sont vendues pour être consommées sur place, et à l'exception des magasins de nuit tels que visés à l'article 4bis de la loi du 24 juillet 1973 instaurant la fermeture obligatoire du soir dans le commerce, l'artisanat et les services, sur les courses hippiques belges ainsi que des paris sur des événements sportifs autres que les courses hippiques et les courses de lévriers ... »

Exposé des motifs

1. L'extension visant à permettre à tous les titulaires d'une licence de classe F1 d'organiser des paris mutuels sur les courses étrangères vise:

a) à répondre aux observations critiques émises par la Commission européenne en date du 8 décembre 2008 à l'encontre de la proposition de loi belge déposée au mois de juillet 2008 par les sénateurs Marie-Hélène Crombé-Berton et Alain Courtois (8) en ce qui concerne l'éventuel problème de conformité à la libre prestation de services que pourrait poser le fait de réserver l'organisation de ce type de paris aux associations de courses belges affiliées à la Fédération belge des courses hippiques (9) ;

b) à éviter une violation du principe national et européen de non-discrimination qui trouve à s'appliquer entre les opérateurs économiques dès lors que dans la version actuelle du projet de loi aucun droit comparable n'est conféré aux autres titulaires d'une licence de classe F1 en ce qui concerne l'organisation de ce type de paris sur les courses étrangères. À cet égard, il convient d'ailleurs de rappeler que la Cour constitutionnelle a déjà eu l'occasion de souligner qu'il était interdit de différencier les opérateurs du secteur des courses hippiques en se fondant sur le critère de la localisation desdites courses (10) ;

c) à éviter qu'une partie des gains générés par les activités visées soient dirigés vers l'extérieur (fuite des capitaux);

d) à éviter qu'il soit porté atteinte au jeu de la concurrence entre les opérateurs du secteur des paris sur les courses étrangères via l'extension de la position monopolistique privilégiée (monopole d'État) de certains acteurs présents sur le marché. La capacité concurrentielle des acteurs économiques les plus importants du secteur (bookmaker commercialisant des paris à la cote) pourrait en effet s'en trouver fortement entravée alors que cela ne se justifie pas au regard des objectifs donnés au projet de loi.

2. Conformément aux objectifs de la politique de canalisation des jeux de hasard largement décrits dans l'introduction générale de l'exposé des motifs du projet de loi et compte tenu du risque plus important d'assuétude que présentent les courses hippiques et les courses de lévriers, il convient par ailleurs de canaliser l'organisation de ces paris dans des établissements professionnels et facilement contrôlables dont l'accès est assurément interdit aux mineurs.

Amendement nº 5

Article 24 du projet de loi (Doc. 52 2121/001)

À l'article 24 de la loi en projet, insérant dans la section IV, sous-section III de la loi du 7 mai 1999 les articles 43/5 à 43/7, compléter l'article 43/5 par un point 5 rédigé comme suit:

« Produire un avis émanant de l'Office national de sécurité sociale portant sur le respect de toutes ses obligations sociales ».

Exposé des motifs

À l'instar des obligations fiscales, le respect par une société commerciale de ses obligations sociales est tout aussi importante pour l'intérêt général et la collectivité.

Amendement nº 6

Article 34 du projet de loi (Doc. 52 2121/001)

À l'article 34 de la loi en projet, modifiant l'article 52 de la loi du 7 mai 1999, insérer un alinéa formulé comme suit:

« Par dérogation au premier alinéa ci-avant, les titulaires d'une licence de classe F1 peuvent, sous le contrôle de la Commission, et pour autant que leur système informatique ait été approuvé préalablement par le SPF Finances, exercer les activités relatives à la conception, la production, l'entretien, la réparation, l'acquisition, la revente et l'importation pour leur propre usage des équipements, programmes et matériels informatiques qui leur sont indispensables pour organiser et accepter des paris ».

Exposé des motifs

1. Tous les opérateurs de paris ont, depuis des années, consenti de lourds investissements en matériel et en ressources humaines en vue de concevoir et développer leurs propres systèmes informatiques de prise de paris et de gestion; la plupart avec l'agréation de l'administration des Finances. Les systèmes développés n'existent pas sur le marché et ne peuvent être conçus par des tiers avant plusieurs années.

2. Soulignons par ailleurs que ces équipements ne servent qu'à enregistrer les paris et qu'ils n'ont donc, à la différence des jeux de hasard au sens strict, aucune influence sur le déroulement du jeu ou sur ses mécanismes de contrôle. Le parieur sait dès avant l'encodage de son pari le montant qu'il est susceptible de gagner; ces deux éléments ne dépendent pas de la machine, ni de son mode de fonctionnement.

Ceci ne vise évidemment pas les deux appareils automatiques de jeux de hasard dans les établissements de classe IV.

Amendement nº 7

Article 35 du projet de loi (Doc. 52 2121/001)

À l'article 35 de la loi en projet, modifiant l'article 54 de la loi du 7 mai 1999, compléter le texte comme suit:

« L'accès aux salles de jeux des établissements de jeux de hasard des classes I, II et IV est interdit aux personnes de moins de 21 ans à l'exception du personnel majeur des établissements de jeux de hasard sur leur lieu de travail. La pratique des jeux de hasard dans les établissements de jeux de hasard des classes III et IV est interdite aux mineurs. ».

Exposé des motifs

Dès lors que les établissements de jeux de hasard de classe IV disposent du droit d'exploiter dans une salle de jeu séparée, conformément à l'article 8 de la loi sur les jeux de hasard, des appareils de jeux automatiques prévoyant une perte horaire de l'ordre de 25 euros par heure, il est normal qu'ils supportent toutes les contraintes inhérentes à ce type d'exploitation.

ANNEXE D

Proposition alternative pour un refinancement équitable des courses belges

Pour financer les courses belges et pour soutenir le secteur des libraires, le projet de loi sur les jeux de hasard instaure une politique de cannibalisation et de banalisation au lieu d'une politique de canalisation légitime et indispensable des paris.

Et, sacrifie la protection indispensable du joueur et surtout des mineurs. (11)

Basé sur le document transmis aux Régions et Communautés le 6 avril 2009.

A. LE CONTEXTE

Le projet de loi visant à modifier la loi sur les jeux de hasard, en y intégrant les paris en vue d'implémenter une véritable politique légitime et souhaitable de canalisation cohérente de tous les jeux d'argent, comporte plusieurs dispositions qui non seulement créent des conditions d'exploitation diamétralement opposées aux objectifs fixés, mais introduisent également des discriminations entre réseaux et opérateurs que l'intérêt général ne peut justifier.

L'objet du présent document n'est pas d'en faire l'inventaire et la critique constructive: un tel argumentaire fut développé pendant l'audition organisée par la commission de la Justice du Sénat. Mais comme, à côté des préoccupations légales, le caractère économique semble jouer un rôle essentiel dans les débats, nous nous permettons de compléter notre exposé par quelques réflexions à ce sujet.

Notre préoccupation est, ici, de proposer aux pouvoirs exécutifs et législatif une solution alternative à l'octroi à la Fédération belge des courses hippiques d'un nouveau monopole, alors que celle-ci dispose déjà depuis des décennies de celui des paris sur ses propres courses.

Ce nouveau monopole serait constitué de par l'article 43ter, 1º § 2, et article 43quater, § 3, 2º, qui précisent que:

Art 43ter ... Par dérogation au paragraphe précédent, le Roi peut autoriser les paris mutuels sur les courses courues à l'étranger.

Art 43quater: ... 2º Les paris précisés à l'article 43ter 1º § 2 ne peuvent être organisés que sous les conditions fixées par le Roi par la société de courses reconnue par la fédération compétente.

L'exposé des motifs justifie, en résumé, ces dispositions comme suit:

Comme les courses hippiques sont régies actuellement par une réglementation très spécifique, elles sont reprises séparément et les dispositions y afférentes confirment une situation existante.

Le fait d'autoriser une société de courses reconnue à accepter des paris mutuels sur les courses étrangères est considéré comme indispensable compte tenu de la situation critique desdites courses belges et qu'en conséquence de plus en plus de chevaux belges courent à l'étranger. Il est ajouté que les conditions à définir par le Roi imposeront une contribution directe ou indirecte aux courses hippiques belges.

Le texte initial expliquait également que les données chiffrées démontraient que les enjeux sur les courses belges étaient en chute libre dramatique, alors que le chiffre d'affaires sur les courses étrangères était en progression. Nous avons pu démontrer qu'une telle affirmation était complètement fausse et que si la chute du chiffre d'affaires sur les courses belges était, en effet, catastrophique, celle du chiffre d'affaires sur les courses étrangères (agences de paris autorisées) était tout aussi préoccupante. Plus flagrante preuve en sont les faillites récentes (fin 2008) des entreprises TIERCÉ FRANCO-BELGE et DUMOULIN ayant ramené le réseau à environ 400 points de vente contre 700 auparavant.

Devant le Parlement flamand, lors de la Conférence-table ronde sur les courses hippiques qui a donné naissance au décret flamand « Courses Hippiques Flamandes » du 22 mai 2002, nous avons clairement démontré, sur la base de chiffres officiels depuis 1975, que contrairement aux explications de l'Institution Hippique, le déclin du PMU belge n'était nullement imputable aux agences de paris, mais qu'il était principalement provoqué par une gestion lacunaire des sociétés de courses elles-mêmes et de son organisation centralisatrice, le PMU belge.

Ce décret fut quasiment entièrement annulé ensuite par la Cour d'arbitrage de par les recours introduits par l'État fédéral, TIERCÉ FRANCO-BELGE (dont le PMUB fut un actionnaire important) et LADBROKES. Notons que le recours de ces deux entreprises — pourtant favorables aux principes directeurs du décret — fut principalement motivé par l'octroi des paris mutuels sur les courses étrangères aux sociétés de courses.

Quoi qu'il en soit, toute polémique étant stérile, l'exposé des motifs justifie donc ce nouveau monopole, qui renforce le monopole initial par une argumentation économique (pour le moins tronquée) qui ne permet en aucun cas de faire abstraction des principes belges et européens d'équité et de non-discrimination qui doivent prévaloir dans toute politique de canalisation; d'autant plus que les auteurs de l'avant-projet prétendent tenir compte dans la mesure du possible de la situation existante.

De plus, autoriser ces paris dans des points de vente non exclusifs à cette affectation est un déni de la protection du consommateur et, pire encore, des mineurs ! Un pari mutuel ou un pari à la cote reste un pari.

Et que les paris sur les courses de chevaux et sur les courses de lévriers sont réputés être des jeux socialement dangereux contrairement aux autres paris sportifs. Le législateur le reconnaît d'ailleurs dans l'exposé des motifs du texte approuvé par la Chambre. Cette thèse est juste comme le démontre encore — si besoin en est — la note (voir annexe) rédigée en mars dernier par M. Serge Minet, éminent psychothérapeute en matière de jeux et paris.

La volonté du Sénat de revenir sur cette thèse au profit unique des sociétés de courses belges est incompréhensible.

Se baser uniquement sur le Livre Blanc des sociétés de courses présentant un modèle théorique peu réaliste et se baser sur le seul exemple de la Suisse Normande (dont nous ne contestons nullement la valeur et l'intérêt), qui n'est pas transposable comme tel en Belgique de par un contexte historique, fiscal et de distribution différents nous paraît pour le moins très léger.

Parce que le marché sur les paris hippiques est inextensible, sacrifier les agences de paris — qui au travers de leur réseau occupent près de 1500 collaborateurs et engendrent près de 26 millions d'euros de taxes au profit des Régions — est non seulement discriminatoire, mais c'est aussi lacher la proie pour l'ombre au point de vue économique, social et fiscal.

Leur demander de passer du pari à la cote au pari mutuel sur base de la taxation actuelle est irréaliste; elles devraient travailler à perte (perte de 1 million d'euro par % à octroyer au PMUF) ce qui n'est pas possible et, de surcroît illégal. En effet, les Agences réalisent aujourd'hui une marge brute moyenne sur les courses hippiques françaises de l'ordre de 30 % desquels il faut déduire les taxes, les rémunérations, et tous les autres frais ...laissant une marge brute de 2 %. Grever une telle marge de 7 points additionnels est impensable avec les taux de taxation actuels.

Soulignons au passage que prétendre qu'un seul opérateur jouit d'un monopole est erroné, puisque non seulement, le marché compte aujourd'hui trois opérateurs (Ladbrokes, WFA et Vincennes), et que tout opérateur qui le souhaite peut accéder à ce marché (comme le PMU belge l'a fait par le passé en rachetant Tiercé Franco Belge) ou en créant une nouvelle société. Le seul monopole de droit dans ce marché est celui des sociétés de courses belges et, par extension celui du PMU ...jusqu'à l'apparition d'Euro Tiercé lancé par l'hippodrome de Mons Wallonie vu les carences de gestion et l'imbroglio PMU/Tiercé Franco Belge et WFA ...

Bref, persévérer dans cette direction nous paraît ouvrir la voie à un nombre de recours, dont sans aucun doute les Agences de Paris qui se verraient spolier du marché qu'elles ont créé et développé grâce à un professionnalisme responsable qui paralyserait cette modification de la loi pourtant grandement nécessaire vu la situation anarchique (voire criminogène) du marché des paris en Belgique et, ce faisant, enfoncerait l'Institution des Courses Hippiques dans un marasme encore plus profond dont elle ne se relèverait plus.

Parallèlement, les agences de paris souffrent d'une concurrence déloyale d'une part des entreprises exploitant les outils de la société d'information (Internet) — établies dans des paradis fiscaux — lesquelles disposent d'avantages fiscaux considérables et, d'autre part, de l'explosion d'opérateurs de paris sportifs dont bon nombre profite actuellement d'un cadre législatif obsolète pour exploiter le marché sans vergogne et sans contribution économique, sociale et fiscale significative. Et ce, au détriment de l'État, des Régions et des collectivités locales.

De plus, ces mêmes agences de paris souffrent d'une taxation asphyxiante, alors que de nombreux États (France, Grande-Bretagne, Irlande ...) ont démontré que l'instauration d'une taxation équitable et moindre sur les paris engendrait, à court terme, des revenus supplémentaires pour le Trésor et permettait de dégager de meilleures marges pour les opérateurs responsables et fiables.Elle encouragerait également les opérateurs « borderline » de se conformer aux impositions et de contribuer ainsi positivement aux besoins moraux et financiers de la collectivité.

Les effets constatés dans ces pays sont spectaculaires et cela s'explique principalement par le principe de réinvestissement du parieur qui avait délaissé les circuits légaux ou institutionnels moins rémunérateurs.

Après certaines expériences fragmentaires, mais probantes, la France vient d'annoncer qu'elle diminuerait cette fois l'ensemble de son prélèvement fiscal de 12,4 à 7,5 % en 2010 !

Les agences de paris sont aujourd'hui, plus que hier encore, des partenaires incontournables de l'Institution des courses puisqu'elles représentent, comme agent du PMU BELGE (organisme centralisateur des paris hors hippodrome pour les hippodromes flamands) ou d'EURO TIERCE (organisme centralisateur pour l'Hippodrome de Mons Wallonie) près de 50 % du chiffre d'affaires des courses belges.

Précisons aussi, qu'à notre avis, contrairement à l'exemple de la Suisse Romande, une collaboration avec le PMU français pourrait être moins rentable qu'escompté, voire largement déficitaire

PROJET DE LOI SUR LES JEUX DE HASARD

PARIS SUR LES COURSES FRANÇAISES: ESTIMATION DU RETURN AU SPORT BELGE

België — Belgique
Frankrijk : Afhouding op de weddenschappen. — France : Prélèvement sur les enjeux 26,00 %
LASTEN. — CHARGES
Belgische taks (gemiddelde). — Taxe belge moyenne - 12,00 %
Beheersfee aan de Franse PMU. — Taux de gestion à payer au PMUF - 6,00 %
BRUTO INKOMST. — REVENU BRUT 8,00 %
Commissieloon Distributienet. — Commission Réseau (PV) - 7,00 %
TOTALE INKOMST (º). — REVENU TOTAL (º) 1,00 %

(º) REMARQUES IMPORTANTES

a) Pour la Suisse, il s'agirait du revenu net reversé aux sociétés de courses, alors que pour la Belgique, il s'agit d'un revenu hors frais d'installation, hors frais de marketing et de gestion des paris sur le territoire belge. Sans parler de la redevance obligatoire au sport instaurée par e projet de loi !

b) Le Gouvernement français ayant décidé de diminuer la taxe sur l'ensemble des paris de 12,4 à 7,5 % au 1er janvier 2010, le prélèvement pourrait être amputé jusqu'à 5 points au profit des joueurs...le modèle deviendrait alors d'office déficitaire avant tout frais à prendre en charge.

B. CONCLUSIONS: UNE PROPOSITION ALTERNATIVE

Pour assurer leur développement, il est indiscutable que les sociétés de courses doivent nettoyer leurs écuries d'Augias et (continuer à) se structurer d'une manière plus efficiente et professionnelle, définir de manière transparente leur véritable situation financière ainsi que celle du PMU BELGE (en faillite virtuelle ne fût-ce que par l'incidence de la faillite de TIERCE FRANCO BELGE dont il était directement ou indirectement un des actionnaires).

Quant à son refinancement, nous proposons que les Régions instaurent une nouvelle taxation basée sur la marge brute dégagée par TOUS les paris enregistrés sur leur territoire. Idéalement, un taux de 15 % serait plus que recommandable afin de pouvoir soutenir la concurrence internationale des paris Internet. Voir la décision du gouvernement français qui adoptera dès 2010 une charge simimaire sur l'ensemble des paris hippiques et sportifs.

Outre cette taxe, il serait imposé à tous les opérateurs de paris (quel que soit l'événement sur lesquels ils portent) de verser une contribution obligatoire (levy) de 5 à 10 % sur la marge brute de TOUS les enjeux recueillis au profit de l'Institution des Courses. Cette contribution serait versée directement à la fédération des courses hippiques régionale reconnue ou versée à un « Fonds Régional du Sport » qui transférerait l'ensemble ou une partie des fonds à la fédération hippique reconnue suivant des dispositions et/ou conditions propres à la Région compétente.

Comme la Région de Bruxelles-Capitale ne dispose pas (ou plus) d'une infrastructure et donc d'une activité hippique, la Région fixera elle-même la/les destination(s) de ce fonds. Une autre solution serait de domicilier ces fonds au niveau des Communautés; un tel mécanisme est toujours prévu dans la loi du 26 juin 1963 relatif à l'encouragement de l'éducation physique, le sport et la vie en plein air (et dans son arrêté d'exécution de 1964), qui prévoit outre la taxation, une redevance au fonds des Sports géré par l'ADEPS ou le BLOSO.

La loi sur les jeux de hasard prévoirait alors que tous les points de vente ou opérateurs de paris devront remplir et continuer à remplir leurs obligations fiscales et autres contributions prévues par les Pouvoirs régionaux ou communautaires.

Vu l'urgence, le décret régional gélerait les impôts payés sur un compte provisoire de la Région, jusqu'à la création légale et à la mise en route du « Fonds régional pour le sport ».

Le total de la taxation et de la contribution (levy) ne devrait excéder 25 %; la quotité entre la taxation et la contribution obligatoire est fixée par voie décrétale par le gouvernement régional ou communautaire.

De telles dispositions seront salutaires pour sauver l'Institution des Courses Hippiques et pour maintenir et développer le secteur des agences de paris tout en pérennisant leurs contributions économiques, sociales, fiscales et agricoles spécifiques

Le manque à gagner pour les Régions en termes de revenus fiscaux — théorique ou hypothétique par ailleurs, puisque de nombreux opérateurs éludent l'impôt et d'autres, comme TIERCÉ FRANCO BELGE et DUMOULIN, ont laissé une ardoise fiscale de l'ordre de 2 millions d'euros — sera rapidement (entre deux et trois ans) compensé, et même largement compensé, par l'accroissement substantiel du chiffre d'affaires désormais pleinement déclaré et taxé en Belgique comme constaté dans d'autres pays (de l'ordre de 35 à 50 %), par la revitalisation du sport hippique, par l'alignement aux normes fiscales d'opérateurs aujourd'hui incités à éluder l'impôt, par la réouverture de points de vente délaissés par manque de rentabilité et l'ouverture de nouveaux points de vente.

L'instauration de la politique de canalisation maximisera également le rendement de l'impôt de par les nouveaux contrôles diligentés par la Commission des jeux de hasard.

À cela s'ajoutent les revenus substantiels engendrés par l'instauration des licences A+, B+ et F+, qui juguleront les jeux et paris misés sur des sites off shore et les rapatrieront sur le territoire belge.

HERFINANCIERING VAN DE BELGISCHE PAARDENWEDRENNEN : TEGEN VOORSTEL — PROPOSITION ALTERNATIVE DE REFINANCEMENT DES COURSES BELGES Cijfers in duizenden euro's — Chiffres en milliers d'euros
CA/OMZET MB/BM % MB/BM
Paarden. — Chevaux 142283 31,56 44912
Lévr/Windhond/Sport 11335 35,71 4048
Voetbal. — Foot 16882 37,19 6278 RatioT/L Taxe/Taks Levy Tot
Totaal. — Total 170500 55238 20 %/5 % 11048 2762 13810
15 %/10 % 8286 5524 13810
Waals Gewest. — Région wallonne 99289 31,88 % 31649 20 %/5 % 15 %/10 % 6330 4747 1582 3165 7912 7912
Vlaams Gewest. — Région flamande 26450 34,30 % 9071 20 %/5 % 15 %/10 % 1814 1361 454 907 2268 2268
Brussel. — Bruxelles 44761 32,44 % 14518 20 %/5 % 15 %/10 % 2904 2178 726 1452 3630 3630
OPGELET : CIJFERS VAN WFA. — ATTENTION A RAJOUTER CHIFFRES WFA
EN VOORAL DE CIJFERS VAN EEN DUIZENDTAL SPORTKANTOREN MOETEN NOG WORDEN BIJGEVOEGD + taks op de 2 automatische toestellen die in de vaste wedkantoren door het wetsontwerp toegelaten worden. — ET SURTOUT CHIFFRES DES 1000 AGENCES SPORTS + taxe sur les 2 jeux automatiques autorisés en agence fixe par le projet de loi.

En ce qui concerne le pari mutuel sur les courses étrangères, nous ne verrions aucun inconvénient à ce que les sociétés de courses puissent en organiser, en duplex, les jours de courses du calendrier belge sur l'hippodrome organisateur.

Alain DHOOGHE.

Président de l'UPAP

II. Note de la Fédération belge des courses hippiques

Paris-Mutuels a Bookmaking, monopole ou concurrence ?

Parce que le pari et son exploitation ne sont pas une activité commerciale traditionnelle, les dispositions européennes laissent chaque pays décider, sur la base de critères objectifs, des types de paris qu'il autorise. Ceux qui optent pour le monopole le font dans le cadre d'une régulation restrictive d'exception, pour canaliser l'offre des jeux et prévenir des difficultés au niveau de l'ordre social (addiction, concurrence débridée, etc.).

La plupart des pays n'autorisent que le mutuel en raison de ses vertus comparatives qui sont

— l'offre du jeu transparente, la marge de l'opérateur étant prédéterminée et connue de tous.

— l'opérateur n'est pas concerné par le pari, les joueurs seuls influencent le rapport.

— la marge convenue peut être une base pour assurer le financement du support du pari (courses et élevage) ouvrant la possibilité d'une décision dans un tel sens par une autre autorité compétente (régionale par exemple).

Ils ne veulent pas du bookmaking car

— le joueur y joue contre le bookmaker qui est ainsi partie prenante (et de « grande envergure » dominant par rapport au « petit » joueur).

— l'opérateur décide seul de la cote et peut la changer au dernier moment.

— les risques d'influencer le résultat sont élevés vu l'intérêt de l'opérateur dans le résultat (voir les paris chinois sur le foot).

— la marge de l'opérateur n'est pas connue, sa solidité bilantaire et sa stratégie dépendent du marché financier globalisé et il n'a aucun intérêt du financement de la filière.

L'objectif est d'avoir du jeu responsable par un produit de qualité. Le système mutuel en a le potentiel s'il offre:

— des courses diversifiées et de qualité que seuls les producteurs du « spectacle » permettant l'offre de jeu, soit les sociétés de courses, peuvent assurer. Pour cela le pays doit disposer d'une activité courses minimale élevée. En Europe, seule la France est en mesure d'offrir des courses de qualité diversifiées en suffisance.

— une masse d'enjeu la plus grande possible (surtout pour le pari complexe) pour éviter les fluctuations et anomalies. Cette offre doit donc être internationale, obtenue par des accords entre pays. Ceux-ci ne peuvent être pris que par les secteurs de courses au-delà des frontières, en collaboration, qui organisent les courses et possèdent les droits.

La masse des enjeux permet à la population de joueurs du « petit pays » de bénéficier de la chance d'un rapport attractif. C'est le principe de l'Euro-million.

Toute concurrence entre opérateurs de mutuel casse cette masse, ne permet pas ces accords et dégrade la qualité de l'offre. Seule une organisation par le secteur des courses ou en collaboration avec lui, permet d'assurer cette qualité. De plus, cette masse doit comprendre la masse des joueurs sur hippodromes que seul le secteur, qui y est opérateur, peut apporter.

La plupart des pays ne confient le mutuel qu'à leur secteur hippique ou à un opérateur travaillant avec lui, sous peine d'en dénaturer la qualité et l'essence même. Ceci n'a pas éveillé de contestation au niveau européen. En général, l'autorisation de pari n'est donnée qu'à ce mutuel pour des raisons de canalisation.

Certains pays sous influence anglaise autorisent le bookmaking aussi bien que le mutuel et peuvent laisser ces deux systèmes en compétition. D'une part, le mutuel avec un seul opérateur, lié au secteur, d'autre part, le bookmaking avec différents opérateurs, car la taille des masses n'y joue pas. Pour que cette compétition fonctionne, il faut que chaque système ait son réseau de vente sans être obligé d'utiliser uniquement le réseau de l'autre.

Le bookmaking, étant un opérateur de pari professionnel et diversifié, utilise son réseau d'agences pour différents produits de jeu, y compris les paris non hippiques. L'opérateur de mutuel, étant le secteur sous-jacent lui-même, utilise des points de ventes conviviaux, mais contrôlés, car il s'agit d'un pari transparent sur résultat, sans appel vers d'autres jeux et sans risque pour l'opérateur.

Tous ceux qui prennent des paris sur courses doivent en prendre une charge et contribuer au secteur hippique pour des raisons d'équité et de non-discrimination entre systèmes rétribuant les droits d'organisateur et les surcoûts liés aux paris. En mutuel, il s'agit d'un financement direct et total. En bookmaking, il s'agit d'une redevance à mettre en place, liée, le cas échéant, à la fiscalité.

La nouvelle loi belge donnerait au secteur hippique une exclusivité pour le mutuel sur courses étrangères, dans le contexte décrit ci-avant, mais toute société de courses qui le désire peut y adhérer sans discrimination. En ce qui concerne le bookmaking sur courses étrangères, l'ensemble des agences hippiques jouit depuis longtemps d'un monopole inscrit dans la loi actuelle, ce qui aboutit au monopole de fait actuel au profit d'une seule entreprise commerciale. Celle-ci a bâti son activité grâce à ce privilège, au détriment du secteur sportif, tout en offrant d'ailleurs un pari hybride dénaturant la qualité du pari dit « à risque » offert.

Considération complémentaire: en accordant un monopole aux sociétés de courses pour l'organisation de paris sur le mode mutuel, les pays, par leur autorité compétente, accordent aux sociétés de courses la possibilité de financer leurs activités puisque leur marge comprenant un retour à la filière peut ainsi être garanti. Il appartient aux sociétés de courses de passer avec des sociétés de courses plus importantes, des accords en masse commune pour assurer l'offre des courses sur lesquelles les paris pourront être enregistrés. Dans certains pays (comme la France) le secteur des courses est considéré légalement comme un service public en faveur de l'activité sous-jacente, ce qui conforte son monopole.

Le tableau annexé donne un aperçu de diverses situations en Europe.

III. Position de Stanleybet Belgium

Tout au long de la procédure d'examen du projet de loi sur les jeux de hasard, toutes les parties ont exprimé le souhait de distinguer les paris offerts dans une librairie des paris proposés dans un magasin de paris. Le fait que ce principe semble être mis de côté, à un stade aussi avancé de la procédure législative, suscite de notre part le plus grand étonnement.

1. Paris hippiques à cote fixe

— Dans le cadre des paris mutuels, les mises sont placées dans un « pool », la somme globale est ensuite distribuée aux gagnants une fois déduits les dépenses et les profits de l'opérateur. Dans le cas d'un client belge plaçant un pari sur une course française (ou sur tout autre course ayant lieu à l'étranger) via le système de paris mutuels, son pari est transmis à un « pool » situé dans le pays où la course est organisée. Lorsqu'il place ce pari, le client ignore quels pourraient être ses gains potentiels.

— En revanche, dans le cadre des paris à cote fixe, les cotes sont calculées et déterminées par le bookmaker. Pour toute course organisée en France, au Royaume-Uni, en Afrique du Sud ou dans tout autre pays tiers, le bookmaker accepte les paris en Belgique et verse les gains sur la base des cotes individuelles qui ont été octroyées à chaque client. Avec ce système, le client a une idée de ses gains potentiels lorsqu'il place son pari. L'opération est par conséquent entièrement belge, avec des profits reversés à un bookmaker belge.

— Les paris à cote fixe sur les courses de chevaux sont beaucoup plus populaires que le système de paris mutuels. Au Royaume-Uni, où les deux systèmes sont proposés dans les magasins de paris, la proportion est de 95 % — 5 %, en faveur des paris à cote fixe.

— Autoriser les paris à cote fixe sur les courses de chevaux dans les librairies reviendrait à offrir exactement le même type de produits proposé dans une agence de paris, et ce à destination des mêmes clients. Or, rien dans la législation n'empêche les librairies d'installer des écrans de télévision afin de diffuser les courses ainsi que les cotes disponibles. Cela aurait pour effet de générer une multiplication non négligeable du nombre de magasins de paris.

— La loi actuellement en vigueur, ainsi que le projet de loi, prévoient une « zone exclusive » d'un rayon de 1 km autour des agences de paris déjà existants, empêchant ainsi l'octroi d'une licence, et donc l'ouverture de toute nouvelle agence de paris dans cette zone.

— En proposant l'autorisation de paris à cote fixe sur les courses de chevaux dans une librairie, cette disposition deviendrait superflue, voire juridiquement contradictoire.

— Fort de son expérience vieille d'un demi siècle dans le secteur des paris et de sa présence dans huit pays européens, Stanleybet ne peut que vivement recommander de n'autoriser les paris à cote fixe sur les courses de chevaux uniquement dans les agences de paris et non dans les librairies.

2. Bornes de jeux et paris en libre service

— Stanleybet a de profondes inquiétudes quant à l'introduction de bornes jeux et paris en libre-service dans les librairies.

— Premièrement, notre préoccupation principale est liée au contrôle de ces bornes. À la différence des librairies, les agences de paris disposent d'un gérant et du personnel dont le rôle est de s'assurer que les personnes de moins de 18 ans ne puissent accéder aux locaux.

— Dans les librairies, les paris sont enregistrés par une personne physique (en général le gérant). Si cette dernière pense que le client a moins de 18 ans, elle peut lui demander une preuve de son âge et, le cas échéant, refuser de servir ce client.

— Si des bornes en libre service étaient placées dans les librairies, les possibilités de contrôle susmentionnées seraient de facto supprimées, dans la mesure où l'espace mis à disposition pour placer des paris serait facilement accessible aux mineurs et où les activités de paris ne pourraient pas être efficacement contrôlées.

— Deuxièmement, il existe de nombreux types de bornes de jeux et paris en libre service disponibles sur le marché, tout comme il existe de nombreux types de logiciels permettant de les faire fonctionner.

— Stanleybet recommande vivement que de telles bornes ne soient pas autorisées dans les librairies. Si toutefois elles le sont, elles doivent être sujettes à une réglementation détaillée.

— Une réglementation détaillée devrait, au minimum, mentionner les jeux proposés (certains proposent un jeu de roulette à côte fixe, du poker, l'accès à des paris sportifs sur Internet, etc.), les spécifications minimales à respecter, les systèmes de sécurité et les systèmes de déclaration, afin que les autorités fiscales puissent être assurées de recevoir une recette exacte.

Bien que Stanleybet ait été impliqué depuis plus d'un an dans les discussions liées au projet de loi, nous n'avons pris connaissance que très récemment des changements importants et potentiellement dangereux qui ont été suggérés. Par ailleurs, d'après nos informations, un seul exploitant d'établissements de paris sportifs en Belgique, sous l'égide de l'UPAP, aura l'occasion de s'adresser aux Membres de la commission de la Justice du Sénat lors de l'audition du 7 octobre. En notre qualité de fournisseur leader de paris sportifs via les librairies, nous souhaiterions également avoir l'opportunité de présenter notre expertise et notre expérience sur les points susmentionnés.

6 octobre 2009.


(1) C.A., no 100/2001, 13 juillet 2001, http://www.arbitrage.be.

(2) Voir le tableau en annexe où l'on peut observer que la mesure générerait une perte de près 1 000 000 euros.

(3) Ces libertés sont notamment consacrées par l'article 4 du Traité CE et l'article 16 de la Charte des droit fondamentaux insérée dans le Traité de Lisbonne, l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT de 1947) et le décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791.

(4) Exposé des motifs de la loi-programme du 8 avril 2003, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2002-2003, no 2434/001, p. 74.

(5) Ibid.

(6) Voir l'article 8.II du projet de loi français relatif à l'ouverture à la concurrence et à la regulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne consultable via le lien suivant: http://www.assemblee-nationale.fr/13/projets/pl1549.asp.

(7) Voir le point 1.2. de la réaction des services de la Commission européenne concernant la réponse de l'État français à la suite de l'avis circonstancié qu'elle avait émis en date du 8 juin 2009.

(8) Il convient de noter que le projet de loi semble, en grande partie, fondé sur le texte de cette proposition.

(9) Voir les observations que la Commission européenne a émises par rapport à la proposition de loi belge d'initiative sénatoriale en date du 8 décembre 2008, p. 4.

(10) CA, 14 juillet 1997, no 43/97, http://www.arbitrage.be.

(11) Basé sur le document transmis aux Régions et Communautés le 6 avril 2009.