4-957/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2008-2009

22 OCTOBRE 2008


La crise financière nationale et internationale, et ses conséquences


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES PAR

M. VANDENBERGHE


AUDITION DU PREMIER MINISTRE, DU VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DES FINANCES ET DE MM. JAN VANHEVEL ET MICHEL VERMAERKE, RESPECTIVEMENT PRÉSIDENT ET ADMINISTRATEUR DÉLÉGUÉ DE FEBELFIN

I. INTRODUCTION

Le bureau de la commission avait décidé d'organiser cette audition du 2 octobre 2008 avant l'annonce de l'action coordonnée des pays du Benelux du 28 septembre 2008 concernant les filiales bancaires locales du groupe Fortis. Lors de cette première tentative de sauvetage, la Belgique, les Pays-Bas et le grand-duché de Luxembourg ont injecté respectivement 4,7 milliards d'euros dans Fortis Banque Belgique, 4 milliards d'euros dans Fortis Bank Pays-Bas et 2,5 milliards d'euros dans Fortis Banque Luxembourg. Chacun des gouvernements concernés a ainsi acquis environ 49 % des actions de l'entité bancaire de Fortis dans le pays qu'il dirige. Pour ce qui est de Dexia, divers autorités et institutionnels belges, ainsi que l'État français et l'État luxembourgeois, ont participé à une augmentation de capital. L'intervention du gouvernement fédéral belge s'est chiffrée à 1 milliard d'euros.

D'autre part, l'audition qui fait l'objet du présent rapport a eu lieu quelques jours avant la seconde opération de sauvetage de Fortis par les pouvoirs publics et avant l'action ciblée sur Dexia. À la suite de cette dernière action, la France, la Belgique et le Luxembourg sont désormais garants des nouveaux emprunts contractés par Dexia. Le gouvernement belge a profité de l'occasion pour étendre cette garantie à d'autres banques.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU PREMIER MINISTRE

Le premier ministre souligne que, même si les cours boursiers des banques concernées — Dexia et Fortis — évoluent aujourd'hui à la hausse, le système bancaire n'est pas encore hors de danger. Plusieurs paramètres montrent à quel point les événements de ces derniers jours ont été — et sont toujours — graves et lourds de conséquences. Le dossier n'est donc certainement pas clos.

En ce sens, il est important de continuer à suivre de près la situation financière et de faire preuve de prudence lorsqu'on communique des informations sensibles.

L'intervenant tient à souligner que le gouvernement souhaite offrir avant tout aux épargnants une garantie totale. Dans cette optique, la continuité des entreprises concernées, qui profite également à l'ensemble de l'économie, est très importante; des initiatives sont d'ailleurs prises en ce sens. À cet égard, la discussion sur la législation existante peut être menée en arrière-plan.

Le premier ministre retrace ensuite brièvement l'historique des événements du week-end passé et des derniers jours, en concluant que les choses évoluent plutôt favorablement.

III. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU MINISTRE DES FINANCES

Le vice-premier ministre et ministre des Finances souhaite préciser que deux événements sont à l'origine des problèmes actuels, à savoir, d'une part, la crise des prêts hypothécaires aux États-Unis, sur fond de titrisation et de reconditionnement des produits financiers y afférents, et, d'autre part, la mise en concordat de Lehman Brothers, qui a miné la confiance entre les banques. Compte tenu de la situation actuelle sur le marché, le premier objectif du gouvernement est de protéger l'épargne à 100 % en garantissant la continuité des sociétés concernées et en préservant l'emploi.

Eu égard aux objectifs esquissés ci-dessus et au risque systémique élevé qui guette Fortis mais aussi Dexia, le gouvernement est intervenu le week-end dernier afin de contribuer à résoudre le problème de liquidités de ces deux institutions.

L'intervenant retrace ensuite dans les grandes lignes l'historique des événements et tient à cet égard à mettre l'accent sur trois éléments: tout d'abord, la coopération internationale et nationale au niveau du Benelux ainsi qu'avec la France a très bien fonctionné; ensuite, les pouvoirs publics ont tenu certaines institutions européennes constamment informées; enfin, durant les heures les plus délicates, le gouvernement s'est employé en priorité à mettre en œuvre les opérations nécessaires. On informera les institutions européennes compétentes et on débattra avec la Commission plus tard.

En ce qui concerne les moyens utilisés, le ministre ajoute que, si l'investissement des pouvoirs publics se chiffre à 5,7 milliards d'euros, ce sont au total 17,2 milliards d'euros d'argent frais qui ont été injectés dans les institutions concernées. Le coût de cette opération est estimé à environ 200 millions d'euros par an, soit le montant des intérêts annuels à payer. Toutefois, il faut savoir que le coût final dépendra de la réalisation de plus-values ou de moins-values dans le futur, étant entendu qu'une plus-value est parfaitement possible.

Enfin, l'intervenant indique que l'on ne pourra faire l'économie d'un débat sur les moyens d'améliorer le fonctionnement du système financier et que celui-ci devra avoir lieu à plusieurs niveaux.

IV. ÉCHANGE DE VUES

M. Collas soutient l'intervention des pouvoirs publics dans les institutions concernées et estime que ce qui importe surtout aujourd'hui, ce n'est pas d'identifier les étapes de la crise — on le fera en temps opportun — mais bien de gérer le présent, donc la crise et de préparer l'avenir. Cela signifie qu'il faut créer un organe de contrôle européen, restaurer la confiance des épargnants et des actionnaires et faire en sorte que les institutions financières puissent à nouveau remplir le rôle qui leur incombe dans le système économique et se recentrer sur leur activité principale, c'est-à-dire la collecte de l'épargne et l'octroi de crédits.

M. Mahoux considère, lui aussi, que, le plus important à l'heure actuelle, c'est de rétablir la confiance, et ce, dans l'intérêt non seulement des épargnants, mais aussi de l'emploi et de l'activité économique du pays dans son ensemble. À cet égard, il estime que dans l'état actuel de déliquescence du système, on peut difficilement contester le bien-fondé des mesures prises.

Il importe de rechercher les causes de la crise actuelle, de savoir pourquoi le système, qui aurait dû nous envoyer les signaux d'alerte nécessaires, a échoué et pourquoi l'on n'a pas pu prévenir les événements survenus. Cette démarche est incontournable si l'on veut éviter que cette situation ne se reproduise. Il est trop facile de considérer le système international comme seul responsable de la crise. À cet égard, il est bon de rappeler que c'est l'économie qui est au service du citoyen et non l'inverse.

M. Vandenberghe déclare que la gravité de la situation ne permet absolument pas de tomber dans le travers classique consistant à se réjouir du malheur des autres. Il ne faut pas non plus en profiter pour retomber dans l'éternelle polémique belge et procéder à des exécutions sommaires. La situation est trop grave. En revanche, il convient de réfléchir et d'analyser la situation en vue de rétablir la confiance des citoyens. En effet, le public a toujours peur de l'inconnu. De surcroît, la crise actuelle se traduit par une inflation des dettes, une contamination des bonnes valeurs par les mauvaises et une appréciation des institutions bancaires, par exemple, qui ne tient plus aucun compte de leur véritable valeur en capital.

Compte tenu de la situation actuelle et du fait que l'on n'a pas suffisamment tiré les leçons du passé et de la crise générale de 1929, l'intervenant est d'avis que la législation et les outils de contrôle devront être reconsidérés. Il faut souligner que le monde n'a connu qu'une crise bancaire au cours de la période pendant laquelle la législation relative aux banques était plus stricte, c'est-à-dire entre 1945 et 1970. Depuis 1970, on en a connu 117, dans 93 pays. Il faut donc de toute évidence légiférer.

Compte tenu du contexte, le gouvernement a pris les mesures qui s'imposaient; il s'avère également que le principe de subsidiarité revêt un sens général dans une démocratie moderne. En effet, dans une crise, l'autorité supérieure doit prendre ses responsabilités lorsque les instances subsidiaires échouent. L'intervenant espère que cette intervention ainsi que les prochaines auront une incidence positive sur le climat politique, qui s'est détérioré.

Quant à la demande de mise en place d'une commission d'enquête, M. Vandenberghe affirme qu'il faut tenir compte de deux éléments importants. Premièrement, la gravité de la situation est telle que le recul par rapport aux événements n'est pas encore suffisant et que le contexte adéquat pour une telle commission fait encore défaut. La situation ne s'est pas encore décantée et l'on ne perçoit pas encore clairement la réalité.

Deuxièmement, l'intervenant n'est favorable à une commission d'enquête que dans le cas où les mécanismes de contrôle classiques du gouvernement et du parlement ont de toute évidence failli à leur tâche. Vu que ces deux conditions concomitantes ne sont pas encore remplies, il n'est pas encore possible selon lui de soutenir objectivement la demande de création d'une commission d'enquête parlementaire. Par contre, il convient de trouver les voies appropriées pour en débattre au sein même du Parlement. Il espère, par conséquent, que cette façon de procéder renforcera la stabilité politique du pays.

M. Duchatelet tient à féliciter chaleureusement le gouvernement pour les mesures qu'il a prises. Il aurait aimé obtenir un peu plus d'informations contextuelles au sujet des interventions effectuées. À cet égard, il affirme que la CBFA a réagi avec vigueur et de façon appropriée, en interdisant par exemple les ventes à découvert. L'on peut donc dire qu'il était impossible d'intervenir plus tôt: sinon les actionnaires auraient protesté. Cela n'a pas non plus été possible par la suite en raison du manque de liquidités des grandes banques et de la panique croissante chez les petits actionnaires.

Toujours selon l'intervenant, c'est la communication d'informations sur l'impact de l'intervention gouvernementale et sur l'instauration du système de la comptabilité double, y compris au sein des pouvoirs publics, qui laisse à désirer. On pourrait ainsi éviter des malentendus sur l'impact des transactions. En effet, l'investissement dans Fortis se révèlera vraisemblablement très rentable à long terme.

M. Vande Lanotte n'a rien à reprocher au gouvernement, mais il souhaite néanmoins poser quelques questions. Comment a-t-on pu laisser Fortis procéder à l'acquisition d'ABN-Amro alors que le financement de cette opération n'avait pas été réglé ? Pourquoi la Commission bancaire n'a-t-elle pas réagi directement ? Pourquoi a-t-elle attendu la faillite de Lehman Brothers ? Dans le cadre de ces interrogations, l'intervenant indique qu'il ne faut effectivement pas décider de but en blanc d'instituer une commission d'enquête. En revanche, une commission d'enquête pourrait être utile s'il s'avérait que certaines questions posées restent sans réponse et que l'on se retranche derrière le secret professionnel et les règles de confidentialité. En effet, il faut définir les responsabilités et tirer les leçons du passé.

Qu'en est-il par ailleurs de la protection de l'épargnant ? N'est-il pas possible de relever le montant assuré pour que les épargnants dispersent leur argent dans moins de banques ?

À la lumière des événements du week-end dernier et de l'aggravation des problèmes, le membre demande pourquoi le gouvernement n'a pas directement opté pour une reprise de Fortis par BNP Paribas, ce qui aurait assuré une plus grande continuité, non pas à l'actionnaire, mais à l'épargnant.

M. Daras déclare que jusqu'ici, il n'a toujours rien appris de nouveau par rapport à ce qui a déjà été publié dans les journaux et dans le compte rendu de la Chambre des représentants (CRABV 52 COM 315). L'intervenant estime par ailleurs que le gouvernement a agi comme il le fallait au cours du week-end dernier et que l'objectif n'est pas que BNP Paribas reprenne Fortis pour une bouchée de pain. En ce qui concerne les interrogations, il souhaite obtenir davantage d'informations sur la situation de la compagnie d'assurances Ethias. Qu'a-t-on fait pour cette dernière jusqu'à présent ?

Le membre n'a pas encore pris position sur l'institution d'une commission d'enquête parlementaire, mais il lui semble important que l'on ne dissimule plus des informations à l'avenir. Il importe également de mettre en question les instruments dont on dispose actuellement pour effectuer le contrôle prudentiel, afin de ne pas se limiter à quelques licenciements et de remettre en cause la tradition des indemnités de licenciement très élevées.

Enfin, il est également important de coordonner les actions au niveau européen. Le ministre peut-il donc présenter la position qu'il défendra à l'échelon européen ?

Mme Van dermeersch relève que le gouvernement a réagi trop tardivement et qu'il aurait dû en fait être conscient bien plus tôt des problèmes de liquidité et de solvabilité de certaines institutions. En outre, ce sont les citoyens qui devront financer l'intervention, alors qu'ils ont eux-mêmes actuellement leurs propres problèmes. Par ailleurs, le membre s'interroge sur le rôle de la CBFA. Le ministre peut-il donner son avis à cet égard ? Peut-il également expliquer pourquoi il surveille attentivement la situation d'Ethias ? De plus, n'est-il pas nécessaire de soumettre le système bancaire à un contrôle plus strict ? N'aurait-il pas mieux valu suspendre l'action Fortis pendant une plus longue période et rechercher une solution plus durable au lieu de prendre brusquement une décision en l'espace d'un week-end ? Dans l'affaire qui nous occupe, il est important de prendre des décisions prudentes et réfléchies, comme on le fait aux États-Unis, en n'ayant pas chaque fois comme objectif de procéder en urgence à une nationalisation. En effet, à ce stade de l'opération, il faut veiller minutieusement à ne pas enfreindre la législation sur la concurrence. N'aurait-il pas aussi été préférable de réserver au Fonds de garantie les moyens qui ont été libérés, plutôt que de les affecter à une nationalisation ? L'intervenante rappellera aussi au ministre sa promesse que le gouvernement alimentera le Fonds de garantie, si nécessaire, et interviendra pour indemniser les épargnants. Enfin, elle insiste pour qu'une commission d'enquête soit instituée, dans le but de découvrir tout ce qui s'est vraiment passé.

Mme Matz approuve les mesures déjà prises jusqu'à présent. Elle aimerait par ailleurs obtenir un aperçu plus détaillé du projet de création d'un fonds de garantie européen. Elle estime qu'il faut tirer les leçons du passé pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise; selon elle, une réflexion en ce sens s'impose, et elle pourrait se faire au Sénat ou en commissions réunies, par exemple.

Le premier ministre s'excuse pour la brièveté de sa réplique. Il précise toutefois qu'il faut encore prendre d'importantes décisions, qui requièrent toute son attention. Il tient également à remercier ses collègues pour leurs appréciations, leurs commentaires et leurs suggestions.

L'intervenant explique que l'on fera généralement plus confiance au système financier si on le comprend parfaitement. Il s'agira dès lors, à l'avenir, de prendre des initiatives, afin d'informer le public.

Quant à la question de savoir pourquoi on n'a pas opté pour un repreneur privé pour Fortis, le premier ministre précise que les divers candidats au rachat exigeaient trop de garanties de l'État belge et que les pouvoirs publics se seraient ainsi exposés à des risques plus élevés qu'en procédant, comme ils le font actuellement, à une augmentation de capital.

L'intervenant précise ensuite qu'Ethias est avant tout un assureur, qui exerce également une série d'activités dérivées dans le domaine des produits bancaires. Le gouvernement reste très attentif à l'évolution de la situation, tout en veillant à garantir également les droits des épargnants. Il faudra donc, là aussi, assurer la continuité des activités. À cet égard, l'intervenant souligne qu'il y a une différence entre l'évolution du cours de la bourse et les activités bancaires. En effet, ce n'est pas parce que les cours boursiers évoluent positivement que tous les problèmes de liquidité seront résolus.

Le premier ministre ajoute qu'à l'avenir aussi, ce dossier bénéficiera d'un encadrement. Aucun épargnant d'aucune banque de notre pays ne perdra son épargne. C'est pourquoi il importe avant tout de garantir la continuité des diverses entreprises. À cet égard, le premier ministre est tout à fait disposé à envisager d'accroître la garantie qui couvre les dépôts d'épargne. Les épargnants peuvent donc toujours confier sans crainte leurs économies aux institutions financières. À ce propos, mieux vaut être épargnant en Belgique qu'épargnant aux États-Unis.

M. Reynders, vice-premier ministre et ministre des Finances, remercie les personnes présentes pour leurs réactions et précise que les mesures prises demandent un engagement considérable du pays. Il est bon de souligner que la volonté de sauvegarder le système économique et financier d'un pays n'empêche pas d'examiner, au niveau national et au niveau européen, comment on a pu en arriver à pareille situation, ce qui s'est passé et comment on pourrait à l'avenir apporter des améliorations, y compris aux mécanismes de contrôle.

Le ministre ajoute que si l'on n'a pas opté pour un repreneur privé, le week-end dernier, c'est parce qu'il n'y a eu aucune offre privée sans exigence d'une intervention de l'autorité fédérale. En ce qui concerne la garantie sur l'épargne, l'intervenant estime, lui aussi, que c'est la continuité des entreprises concernées qui offre la meilleure caution. Néanmoins, il ne voit aucune objection à se pencher également sur la proposition d'une meilleure garantie pour les épargnants.

En conclusion, l'intervenant souligne que les pouvoirs publics mettront tout en œuvre pour que les stratégies puissent être définies avec précision au sein des groupes concernés et cite, à l'appui de ses dires, des exemples de pays étrangers qui ont également opté pour d'autres solutions, comme la nationalisation, la mise en faillite pure et simple, avec les conséquences importantes que cela implique, ou l'octroi de la garantie de l'État pour les dépôts. S'agissant de cette dernière solution, l'intervenant fait remarquer que certaines garanties octroyées peuvent représenter plusieurs fois le PNB d'un pays. C'est un élément dont il faut aussi tenir compte lors de la prise de décisions. Par ailleurs, le ministre signale que le gouvernement n'est pas en mesure d'accorder la garantie d'État pour les dépôts et privilégie dès lors les injections de capital. Il suit toutefois la situation de très près.

M. Monfils souhaite mettre l'accent sur la transparence dont le gouvernement a fait preuve dans ses communications. Il précise ensuite qu'il faut identifier les raisons pour lesquelles la situation a pu déraper à ce point et examiner quelles sont les mesures à prendre. Toutefois, il ne voit pas quelle plus-value la création d'une commission d'enquête pourrait apporter.

M. Van Nieuwkerke estime que l'on doit intervenir le plus possible, y compris de manière préventive, et qu'il faut le faire aussi au niveau européen. À cet égard, il souhaiterait connaître le point de vue du ministre des Finances à propos de la mise en place d'un système européen de contrôle des banques. Le ministre est-il prêt à prendre une initiative dans ce sens ? Ne faudrait-il pas élaborer un plan stratégique au niveau européen afin de prévenir de tels problèmes à l'avenir ?

Mme Lizin remercie les ministres pour leur présence. Elle constate qu'il existe une très vive inquiétude et que celle-ci perdure, ce qui s'explique par le fait que la crise est profonde et qu'elle commence seulement à faire sentir ses effets. C'est d'ailleurs déjà le cas dans le secteur automobile et dans l'immobilier. Les villes et les communes non plus ne sont pas épargnées par les conséquences négatives de cette crise du crédit, puisque le tarissement des liquidités sur le marché interbancaire les oblige déjà à contracter des emprunts à des taux d'intérêt plus élevés. La crise fait peser une menace sur les activités futures de ces villes et communes. Il importe de prendre des mesures afin de leur permettre de poursuivre leurs activités.

Par ailleurs, l'intervenante est d'avis qu'il faut mettre à profit la crise actuelle pour réexaminer les rapports de force au sein du FMI et réduire le pouvoir que les États-Unis y détiennent et, partant, la mainmise qu'ils exercent sur le système financier.

L'intervenante fait ensuite remarquer que lors des négociations relatives à l'introduction de l'euro, la Belgique avait plaidé, par la voix de M. Maystadt, en faveur de la création d'organes communs chargés de contrôler les services financiers et la politique financière. À l'époque, cette proposition n'avait malheureusement pas abouti, mais elle pourrait aujourd'hui être remise quasiment telle quelle sur la table car les solutions qu'elle préconisait étaient déjà les bonnes. Elles pourraient contribuer à l'efficacité du système monétaire.

M. Dubié souhaite prendre un peu de recul par rapport à la situation actuelle et se demande si on aurait pu l'éviter. Il pense que oui et renvoie à cet égard aux ouvrages et aux théories de l'économiste Stiglitz, lauréat du prix Nobel d'économie en 2001. L'intervenant est donc curieux de savoir quelles mesures seront prises afin d'éviter que de tels problèmes ne se reproduisent. Les pouvoirs publics ne devraient-ils pas réglementer davantage ?

Mme Vienne espère que la crise actuelle sera l'occasion de prendre une série de mesures permettant de stabiliser notre économie et de réguler notre système bancaire. Elle estime par ailleurs qu'il faut profiter des fonds publics qui sont actuellement injectés dans le secteur bancaire pour mieux contrôler ce secteur. La pratique des bonus et des parachutes dorés est un des points sur lesquels il faudrait intervenir, et les plans d'options pourraient également faire l'objet d'un débat. À cet égard, la discussion pourrait être étendue à la responsabilisation et à l'éthique des entreprises.

Il est en outre très important de protéger les citoyens. Dans ce cadre, il est assurément utile et important de réfléchir au phénomène des citoyens lourdement endettés. À ce propos, il est indiqué que les institutions financières adaptent leur politique et ne cherchent plus à convaincre des citoyens déjà endettés de contracter d'autres dettes qu'ils ne seront, très vraisemblement, plus capables de rembourser.

Il faudrait également assurer la transparence des produits bancaires et procéder à une évaluation du système des intérêts notionnels. Le but serait de faire en sorte que cette pratique soit beaucoup plus étroitement lié à l'économie réelle.

M. Fourneaux constate également que le Libor a connu une très forte hausse au cours des derniers mois. Il demande que l'on prenne des mesures en faveur de ce taux et, donc, en faveur des villes et communes et des entreprises. Dans cette optique, il est indispensable de redynamiser l'économie.

Mme Kapompolé demande tout d'abord si les instances chargées de contrôler le secteur financier disposent de moyens suffisants pour ce faire. La CBFA dispose-t-elle de suffisamment de moyens de contrôle ? N'y a-t-il pas des conflits d'intérêts entre les deux principales missions de contrôle de la CBFA, à savoir le contrôle des institutions financières et le contrôle des marchés financiers ?

Envisage-t-on de créer un organe de contrôle européen ? Quelle serait, à cet égard, la meilleure manière de procéder ?

La CBFA avait-elle déjà une idée de ce qui se passerait en 2009, c'est-à-dire à l'échéance des premiers contrats 'subprime' ?

L'intervenante évoque ensuite la directive MiFID et aimerait savoir s'il est prévu de procéder à une évaluation de cette directive.

Enfin, elle demande s'il est prévu de s'attaquer au problème des paradis fiscaux. Ceux-ci sont, en effet, souvent cités comme abritant le siège social des fonds spéculatifs.

Mme Van dermeersch affirme n'avoir reçu que de brèves réponses, voire aucune réponse du tout, à la plupart de ses questions. Elle souhaiterait en outre en poser d'autres. Qu'en est-il du calendrier des participations publiques ? L'État a-t-il l'intention de maintenir ces participations ?

L'intervenante demande ensuite comment l'État compte favoriser la compréhension des principes économiques et financiers par les citoyens. Quelles initiatives prendra-t-il à cet effet ?

Comment le premier ministre tiendra-t-il sa promesse « qu'aucun épargnant ne perdra de l'argent » ? Des mesures supplémentaires sont-elles prévues ? Va-t-on revoir le mode d'évaluation actuel ? Est-il prévu d'améliorer le contrôle exercé par la CBFA ?

Le vice-premier ministre et ministre des Finances déclare en premier lieu que, pour l'heure, il n'y a pas encore de volonté politique européenne de contrôle exercé par un organe européen commun. Pourtant l'objectif est que les différentes instances de contrôle coopèrent et que des accords soient conclus avec d'autres. Par ailleurs, des négociations sont également en cours depuis plusieurs mois pour permettre à différentes instances de contrôle de coopérer au sein d'un collège lorsqu'une institution a des activités dans plusieurs pays européens, par exemple. Selon l'intervenant, il faut favoriser une action commune dans ce domaine et à l'avenir, l'on pourra faire intervenir plusieurs instances de contrôle nationales, en évoluant vers un organe européen.

Le ministre affirme ensuite que la situation actuelle du marché est à l'origine de la tendance des institutions financières à prendre moins de risques. C'est dans ce cadre que s'inscrit également l'augmentation des taux pour les crédits accordés aux villes et aux communes. À cet égard, des structures tenant compte de cet élément de la stratégie seront mises sur pied à un moment donné.

En ce qui concerne la remarque sur la régulation, l'intervenant affirme que le secteur financier est bel et bien caractérisé par des dispositions légales. Aussi invite-t-il à lire toutes les lois relatives au secteur financier et à dire ensuite combien de temps cela a pris. Le thème réel du débat est dès lors de savoir s'il faut encore réglementer davantage, de quelle manière et comment cela peut être amélioré. Par ailleurs, il importe également de prévoir les moyens de faire respecter la législation.

Le ministre est également d'avis qu'il convient effectivement d'intervenir contre le surendettement et contre les « parachutes dorés », comme cela a été demandé à la direction des entreprises dans lesquelles l'autorité fédérale a désormais pris une participation. Quant aux intérêts notionnels, il fait remarquer que cette pratique est utilisée en Wallonie également pour attirer des investisseurs et que, sans les intérêts notionnels, les institutions financières seraient dans une situation beaucoup plus délicate encore. Et l'intervenant de conclure qu'il est certainement ouvert à un débat visant à réformer les instances de contrôle. En outre, il convient d'assurer l' « instruction financière » des investisseurs. La CBFA assumera ce rôle conjointement avec un certain nombre de partenaires.

V. EXPOSÉ DE MM. J. VANHEVEL ET VERMAERKE, RESPECTIVEMENT PRÉSIDENT ET ADMINISTRATEUR DÉLEGUÉ DE LA FÉDÉRATION BELGE DU SECTEUR FINANCIER (FEBELFIN)

Tout d'abord, le secteur souhaite remercier la commission de lui avoir donné la possibilité d'être entendu.

Les événements de ces derniers jours sont sans précédent. Le secteur est dès lors particulièrement reconnaissant au gouvernement et aux autorités belges pour la sagesse et le dynamisme dont ils ont fait preuve en la matière. Leur objectif, qui est de donner les garanties nécessaires aux épargnants belges et d'assurer la continuité du service, a en effet contribué à éviter un risque systémique. Néanmoins, la vigilance est et reste encore de mise.

L'origine du problème est l'évolution sur les marchés financiers internationaux, qui a entraîné une crise de liquidité (1) le week-end dernier chez deux de nos membres, Fortis et Dexia. Il n'a toutefois jamais été question d'un problème de solvabilité (2) . La valeur intrinsèque (3) de ces deux institutions est d'ailleurs encore supérieure à sa valeur annoncée en bourse (4) . Nous ne pouvons cependant pas nier que les bourses sont parfois guidées par des facteurs émotionnels qui causent une grande volatilité (5) .

Au cours de cet exposé, nous donnerons une première évaluation par le secteur de cette situation, des leçons que nous en tirons à ce stade et de la manière dont nous voulons et pouvons œuvrer à un nouvel avenir.

Assurer la continuité du service à la clientèle constituait et constitue toujours l'une des principales préoccupations du secteur. Il s'agit naturellement de la continuité des placements de dépôts, domaine dans lequel l'État et les autorités bancaires ont montré leur sens des responsabilités. Le secteur veille toutefois aussi à la continuité de l'octroi de crédits, à la continuité des paiements et à celle des agences. La continuité des services bancaires en ligne et celle de la gestion de fortune sont aussi visées. Aujourd'hui, nous pouvons effectivement affirmer que cet objectif a été atteint.

Outre cette préoccupation directe pour le client, le secteur se soucie aussi de préparer l'avenir de manière durable et de continuer à renforcer ses points forts, et ce dans l'intérêt des clients, des membres du personnel et de leur famille, des actionnaires et de la société en général. Ainsi, notre objectif pour l'avenir est de sécuriser et de continuer à développer, dans une perspective saine et durable, l'emploi et l'activité dans et à partir de notre pays.

À cet égard, Febelfin et ses membres envisagent d'intensifier les activités relatives à la Task Force institutionnelle, créée le 29 mars 2007, qui se compose de représentants du gouvernement, de la BNB et de la CBFA d'une part et du secteur d'autre part. La Task Force a notamment pour mission de mettre sur pied en Belgique un centre de connaissances et de recherches, appelé à confirmer et à renforcer la position de Bruxelles en tant que place financière.

À ce propos, nous souhaitons indiquer que le secteur financier, avec ses activités dans et à partir de notre pays, est un élément facilitateur clé d'une économie fluide et efficace. En Belgique, le secteur emploie directement 140 000 collaborateurs, ce qui correspond à 7,5 % de l'emploi (dans le secteur des services marchands). Ces chiffres représentent près de 14 % de la masse salariale totale, c'est-à-dire plus de 8 milliards d'euros en 2006. En outre, on peut estimer à environ 120 000 le nombre d'emplois indirects qui sont liés à l'activité du secteur. Le secteur financier procure ainsi directement ou indirectement un quart de million d'emplois. De plus, il représente 11 % de la valeur ajoutée dans l'économie cotable, soit 14,8 milliards d'euros en 2006. Enfin, on peut aussi signaler qu'un rapport sur la Belgique réalisé l'année dernière par l'OCDE indiquait que le secteur financier avait connu, ces dix dernières années, le rythme de croissance en termes réels le plus élevé de tous les secteurs économiques comparés dans le rapport, un rythme deux fois supérieur à la moyenne de l'économie en général.

Nous concluons des questions et préoccupations exprimées par nos clients, qu'il faut effectivement mener à bien une tâche importante d'« instruction financière ». Cette mission doit évidemment être définie en collaboration avec la CBFA, les autorités et toutes les autres parties concernées. Les activités, les produits et les services du secteur financier sont actuellement trop peu connus, ce qui peut engendrer de la méfiance ou de fausses interprétations. Pour remédier à ce problème, Febelfin a annoncé le 11 septembre dernier qu'elle allait élaborer un programme visant à rapprocher le monde financier et le grand public. Le but de cette initiative est de donner aux consommateurs l'information la plus complète sur les produits financiers, afin qu'ils soient en mesure de choisir les produits qui correspondent le mieux à leurs besoins réels.

Ces derniers jours, dans le débat public, il a été question à plusieurs reprises du système belge de garantie des dépôts. Rappelons tout d'abord que le déposant (l'épargnant) n'avait à aucun moment de souci à se faire à cet égard. Toutefois, il faut signaler que le premier ministre, le ministre des Finances et le gouvernement ont délivré ce message à plusieurs reprises, avec l'objectif explicite de rassurer l'épargnant à 100 %. Ces déclarations et mesures rassurantes ont contribué à faire en sorte que la grande majorité des clients belges gardent la tête froide et agissent avec civisme, même s'ils ne se sont évidemment jamais posé autant de questions. À cet égard, nous tenons à adresser tout particulièrement nos remerciements et à témoigner notre reconnaissance aux milliers de collaborateurs actifs auprès des membres, du Service de médiation du secteur financier et même de Test Achats, pour le dévouement dont ils ont fait preuve et le rôle constructif qu'ils ont joué.

Cessons donc une fois pour toutes de parler de panique chez les clients et laissons de côté les questions du style « Qu'advient-il si une banque fait faillite ? ». D'ailleurs, nos banques ont toujours été solvables et le sont aujourd'hui encore plus que jamais.

Au demeurant, le secteur n'est pas resté aveugle et sourd face aux interrogations qui se sont fait jour au sujet du système actuel de garantie des dépôts. Nécessité faisant loi, cette question n'est pas à l'ordre du jour. Le secteur prendra de toute façon ses responsabilités et s'engage à modifier et/ou adapter de manière substantielle la réglementation actuelle en matière de protection. Ce point sera examiné dans les prochains jours conjointement avec les pouvoirs publics, bien qu'il ne revête aujourd'hui aucun caractère d'urgence. Par ailleurs, nous devrons veiller aussi à ce que les adaptations à venir s'inscrivent dans le cadre du processus d'harmonisation européen. La Commission européenne elle-même présentera d'ailleurs de nouvelles propositions d'ici la fin de l'année. Toutefois, le secteur financier belge est prêt, le cas échéant, à devancer l'Europe.

La question de la réglementation doit elle aussi être abordée. À cet égard, le secteur plaide pour plus d'efficacité. Réglementé, il l'est déjà: en effet, 70 % de nos investissements informatiques découlent de la réglementation ainsi que d'initiatives nationales et européennes. C'est pourquoi il importe que cette réflexion ait lieu aussi dans un cadre international et européen. Febelfin plaide donc pour que la Belgique joue un rôle actif et orientatif dans l'élaboration de la réponse européenne. Febelfin elle-même participe d'ailleurs activement aux travaux qui doivent aboutir à la mise au point de la riposte du secteur au niveau européen. Si les consultations vont déjà bon train au niveau européen, nous tenons néanmoins d'ores et déjà à mettre l'accent sur quelques priorités. Nous songeons en l'occurrence au renforcement du contrôle prudentiel par le biais d'une convergence et d'une harmonisation accrues au niveau européen, au moyen par exemple d'un renforcement, d'une part, du rôle du collège des autorités de contrôle pour les groupes transfrontaliers et, d'autre part, du rôle des comités européens tels que le CEBS (6) et le CESR (7) . Par ailleurs, nous devons examiner concrètement et sans tarder les propositions publiées hier par la Commission européenne concernant les exigences en matière de capitaux (8) . Il convient également d'accorder une attention prioritaire à des matières telles que le rôle et la mission des agences de notation (9) ainsi qu'à la transparence en matière de titrisation (10) . Il faut veiller plus que jamais à harmoniser et à coordonner les réglementations aux niveaux international et européen. En instaurant un contrôle et une réglementation efficaces, on pourra aussi parvenir à un juste équilibre entre, d'une part, l'objectif de la réglementation et, d'autre part, la dynamique et l'innovation voulues dans le domaine de l'entrepreunariat et ce, dans l'intérêt des clients, de l'emploi et de la société dans son ensemble.

En conclusion, le secteur reconnaît le caractère exceptionnel de la situation actuelle et est d'avis que le nécessaire a été fait afin de rétablir le calme et de stabiliser la situation, ce qui a ramené une certaine sérénité dans le débat. Il faut saluer, une fois encore, le rôle crucial joué par toutes les parties concernées et surtout par le gouvernement.

VI. ÉCHANGE DE VUES

M. Roelants du Vivier constate que Febelfin essaie de rassurer aujourd'hui. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait il y a quelques jours, quelques semaines ? Sur les sites web des banques belges ne se trouve rien sur la crise financière, c'est du « business as usual ». À la connaissance de M. Roelants du Vivier, seule la Citibank a envoyé un courrier personnalisé. Il est absolument essentiel que toutes les banques communiquent sur la crise avec tous leurs clients.

À propos des agences de notation, un véritable problème se pose vis-à-vis du législateur, mais aussi vis-à-vis du secteur bancaire. Ces agences n'ont visiblement pas fonctionné convenablement. Elles n'ont pas éclairé l'analyse et le choix des investisseurs. D'après M. Roelants du Vivier, elles font souvent partie de banques d'affaire et elles ont mélangé l'intérêt de ces banques avec leur mission d'information. La question se pose alors de savoir s'il ne faut pas dissocier dorénavant l'information financière du conseil en investissements. Ne faut-il pas responsabiliser davantage ces agences ?

M. Collas se demande si les banques en vendant certains produits structurés ne se sont pas trop fiées aux ratings accordés par les Moody's, Standard and Poors, Fitch et autres. En s'y appuyant, elles ont donné une crédibilité à ces produits. Les « rating agencies » (agences de notation) ne portent-elles pas une grande partie des responsabilités dans la vente de ces produits en ayant mal apprécié les risques inhérents à ces produits hypercomplexes ? Par conséquent, la gestion des risques n'a pas pu être réalisée comme il le faut.

M. Mahoux demande que la commission entende aussi des personnes hors du secteur concernant la crise financière. On ne peut pas travailler de manière univoque.

L'intervenant partage l'idée qu'il faut rassurer. Toutefois, la meilleure façon d'angoisser un patient est de lui dire que tout va bien quand il est malade. C'est un peu ce que fait le secteur bancaire. Il n'y a pas eu de communication avant la crise. On a l'impression que le problème de solvabilité n'a jamais existé. Mais d'après M. Mahoux, la menace existait bel et bien. Le nier, c'est considérer qu'il n'y a pas de problèmes. Febelfin reconnaît qu'il y avait un problème de liquidité. Les banques ne voulaient plus prêter aux banques. M. Mahoux voudrait bien comprendre pourquoi, y compris entre membres de Febelfin, il n'y avait pas confiance mutuelle. Ensuite, on doit faire appel aux autorités. D'après M. Mahoux, dans un premier temps pour demander des liquidités. Seulement, les autorités sont là uniquement pour sauver le système. Il est indispensable de le faire pour les épargnants, pour l'emploi et pour l'activité économique. L'argent est mis à disposition des banques contre une participation dans le capital des banques concernées au lieu que le gouvernement ne devienne prêteur.

Il faudrait un jour déterminer les causes véritables de la crise et essayer de trouver des solutions. À travers ce travail, il faudra essayer de rassurer les citoyens.

M. Monfils est d'accord sur le fait qu'il faut expliquer clairement la situation aux gens. Il a toutefois sursauté lorsque M. Vanhevel a déclaré qu'il fallait éduquer les gens. M. Vanhevel ne pense-t-il pas qu'il faut éduquer le banquier ? Ainsi, sur RTL-TVI, un client d'une banque a déclaré qu'on lui a dit que le capital de son assurance n'était plus garanti à cause de la faillite de Lehman Brothers. Or, il a relu son contrat et n'a trouvé aucun mot sur cette firme.

Il ne faut donc pas seulement rassurer les gens, mais aussi être beaucoup plus clair au moment où des clients viennent placer leur argent.

La question est de savoir si le crash que l'on vit aujourd'hui est intervenu uniquement à cause des « subprimes » aux États-Unis, uniquement à cause de la faillite de Lehman Brothers, ou bien est-ce que l'on a multiplié à ce point les produits sophistiqués que plus personne n'est capable de tenir ce marché ?

Dans le marché bancaire, si un des maillons de la chaîne saute, c'est l'ensemble qui saute. Les banques ne doivent-elles pas réfléchir à développer de nouvelles stratégies ? Elles devraient peut-être abandonner un certain nombre de produits extrêmement dangereux.

Si on ne change rien à la politique des banques, malgré les régulations, malgré les organismes de contrôle, on risque encore un crash dans 3, 4 ans.

M. Dubié fait remarquer qu'on lui a proposé un jour un contrat « multi-sécurité » avec un taux alléchant. Aujourd'hui, il s'avère que ce produit est pourri de fonds toxiques. La clientèle est donc trompée sur la marchandise avec des noms ronflants. On n'explique pas clairement au public les risques qu'il prend. Si aujourd'hui, certaines personnes sont méfiantes, ce n'est pas sans raison. Comme M. Monfils, M. Dubié est d'avis qu'il faut non seulement éduquer le public, mais aussi les banquiers à respecter eux-mêmes une certaine éthique.

Mme Kapompolé déclare avoir lu la brochure de Febelfin sur MiFID (la directive européenne qui a pour objectif d'instaurer de meilleures conditions de relations entre le client et sa banque). Cette directive est en application depuis presque un an. Il serait intéressant d'avoir une évaluation de celle-ci, notamment pour répondre aux différentes remarques des intervenants précédents. À son sens, le niveau d'information ne s'améliore pas. En effet, le vocabulaire financier reste totalement incompréhensible. Pour la commissaire, l'une des pistes serait d'avoir recours aux organisations des consommateurs. La presse est aussi une possibilité.

L'intervenante propose aussi de communiquer aux clients la « probabilité du rendement ». Il faut non seulement indiquer ce que l'on peut gagner au maximum, mais aussi ce que l'on peut perdre au maximum. Ainsi, le client obtiendrait l'information la plus complète possible. Trop souvent, l'employé de banque affirme oralement qu'un produit est sûr, ce qui amène la personne à signer.

Mme Kapompolé est d'accord sur le fait qu'il ne faut pas trop freiner l'innovation, mais il faut bien constater que l'innovation dans les produits bancaires a conduit à des situations désespérantes pour les gens.

VII. RÉPONSES DE FEBELFIN ET RÉPLIQUES DES SÉNATEURS

Sur la mission et la vocation de Febelfin, M. Vanhevel fait valoir que Febelfin n'est pas le seul canal d'information pour la clientèle. Il appartient à chaque banque d'organiser son contact avec sa clientèle et de mettre cette clientèle au courant de ce qui s'est passé ces derniers temps.

M. Vanhevel soutiendra auprès de ses collègues au sein de Febelfin l'appel à une meilleure information que par le passé sur la situation de chaque banque concernée.

Un problème plus compliqué est de savoir comment communiquer sur le contenu des produits, MiFID inclus. MiFID est en vigueur depuis novembre 2007. Elle entraîne des obligations qui pèsent sur tous les conseillers. Avant de proposer n'importe quel produit à un client, il faut avoir une conversation avec lui sur le degré de risque qu'il veut assumer. M. Vanhevel est convaincu que tous les membres de Febelfin sont en train d'implémenter les obligations qu'impose MiFID. Dorénavant, tous les conseillers dans n'importe quelle agence bancaire sont obligés de converser avec le client pour déterminer quel risque il est disposé à courir. Il est toujours possible qu'un client ne comprenne pas le conseil ou bien qu'il espère obtenir un plus grand rendement en courant un risque qui le dépasse.

Les rating agencies ne font pas partie des investment banks. Elles sont totalement indépendantes. Tout au plus, parfois des investment banks sont actionnaires minoritaires dans ces agences de notation. Cela ne met nullement en danger l'impartialité des rating agencies. Il n'est pas question de conflits d'intérêts. Il y a peu de rating agencies. M. Vanhevel estime que tout ce qui s'est passé dans le monde financier fait peser une grande responsabilité sur leurs épaules. Le débat là-dessus doit avoir lieu au niveau international. Il y a des propositions dans ce domaine, mais cela va prendre beaucoup de temps pour élaborer une nouvelle législation sur les rating agencies.

Le problème est la conduite et l'estimation de toutes ces rating agencies. Maintenant, toutes les rating agencies deviennent de plus en plus prudentes. Elles se montrent plus pessimistes qu'auparavant. Cela entraîne de nouveaux problèmes.

M. Vermaerke explique qu'il a été convenu au niveau international qu'il faut aborder la problématique des agences de notation. La commission européenne est en train d'élaborer des propositions. Outre le statut de ces agences, l'Europe essaie de régler une manière d'éviter des conflits d'intérêts si jamais il y en a. L'Europe voudrait arriver à un cadre, une réglementation qui serait d'application pour l'entièreté de l'Europe.

Également dans les notations qui seraient données, il faudrait beaucoup plus de clarté et beaucoup plus de compréhensibilité sur les ratings. La probabilité de défaillance, entre autres, devrait être clairement expliquée de sorte que le risque soit clair.

M. Vanhevel explique que ni lui-même, ni Febelfin en tant que fédération, ne peuvent intervenir dans la stratégie des banques. Il appartient au conseil d'administration de Fortis et de Dexia de déterminer s'ils doivent changer de stratégie.

M. Monfils estime que l'on ne peut quand même pas continuer comme avant. C'est aussi dans l'intérêt des autres institutions financières que Fortis et Dexia doivent changer de stratégie. En effet, dans le secteur financier, si un maillon de la chaîne saute, c'est toute la chaîne qui est en difficulté. Personnellement, M. Monfils est relativement inquiet quant à l'avenir.

M. Vanhevel rétorque que l'on ne continue déjà plus comme auparavant. Dans le monde financier, beaucoup de choses vont changer. D'après lui, il y a un an, personne en Belgique ne pouvait prévoir ce qui s'est passé ce week-end dernier. Tout le monde espérait que les dégâts se limiteraient aux États-Unis.

Le monde financier est devenu un univers international, global.

Mme Vienne ne peut pas croire que ceux qui étudient le marché financier aux États-Unis, ne pouvaient pas prévoir que cela aurait des conséquences sur le secteur bancaire en Belgique. Nous souffrons aussi d'un problème de sous-financement.

M. Vanhevel rétorque que le problème du sousfinancement en Belgique est vraiment limité. Les conséquences du manque de confiance se sont répandues d'une manière jamais vue auparavant. C'est d'autant plus grave parce que tout est lié à tout. En outre, chaque mauvaise nouvelle est connue de tout le monde dans un délai de quelques secondes. Par conséquence, tous les acteurs dans le monde financier réagissent tout de suite. Dès lors, la crise de liquidités survient.

Contrairement à M. Dubié, M. Vanhevel estime qu'il ne s'agit pas là de spéculation.

Mme Kapompolé pense qu'à partir du moment où des problèmes sont détectés sur certains secteurs par des spéculateurs, ils utilisent tous les moyens pour en profiter.

M. Vanhevel souligne que c'est pour cette raison que la CBFA a interdit la pratique de short selling.

M. Collas estime que par cette technique les spéculateurs ont sans doute aggravé la situation financière.

Ils ont spéculé sur la chute accrue des cours de bourse d'une manière qui frôle l'indécence. Malheureusement, par des moyens détournés, le short selling continue.

En ce qui concerne l'information sur les produits, Febelfin insiste auprès de ses membres pour fournir une meilleure information sur ceux-ci, afin d'éviter les malentendus. Chaque institution financière doit assumer sa responsabilité en la matière. La Febelfin ne peut demander qu'elles soient plus claires, plus directes, plus transparentes sur les risques liés à certains produits.

M. Vanhevel promet de transmettre la demande de cette commission visant à mieux informer la clientèle des banques par courrier.

M. Vermaerke ajoute que Mme Kapompolé a raison de se référer à MiFID et la relation entre une banque et sa clientèle. Il y a des enquêtes qui essaient de déterminer si l'information donnée par la banque est correcte. Il est apparu qu'elles l'est dans la plupart des cas. Il se peut qu'il y ait encore l'une ou l'autre exception, mais là il n'y a pas de problème. On constate que la compréhension de l'information pose parfois problème. C'est la raison pour laquelle Febelfin a pris sur elle d'instaurer un programme d'instruction financière. Felbelfin, en collaboration avec les autorités publiques, va examiner comment l'on peut aider les gens à mieux comprendre. Le secteur financier se rend bien compte qu'il appartient d'abord au secteur financier, avec les autorités publiques et avec l'enseignement, d'examiner comment on peut aider les gens à mieux comprendre les produits financiers. Il s'agira d'un travail de longue haleine qui doit partir de la transparence et du devoir du secteur envers sa clientèle.

L'intervenant souligne aussi que les instances internationales et européennes ont déjà ouvert un nombre de chantiers pour examiner les causes de la crise, les leçons à en tirer, etc. Il y a aussi eu le « Financial Stability Forum » de toutes les banques centrales et de toutes les autorités de marché qui a déjà donné une guidance. De plus, l'Institute of International Finance, qui regroupe 350 banques, a procédé à une introspection et a indiqué où il y a moyen d'améliorer la réglementation à la fois au niveau international et européen. Comme le secteur financier est vraiment globalisé, les solutions doivent être trouvées au niveau supranational. Il faut arriver à une réglementation d'une efficacité accrue.

M. Vanhevel souligne que malgré la crise du week-end passé, aucun épargnant n'a perdu de l'argent. Bien sûr, ceux qui ont acheté des actions, ont pris des risques inhérents aux actions. Deuxièmement, la Belgique est pionnière en matière de fonds à capital garanti. Grâce à cette innovation financière, beaucoup de gens disposent d'une garantie pour leurs placements qui n'existait pas auparavant. Le développement de cette activité « Asset Management » avec des produits à garantie a permis de mieux protéger la clientèle belge par rapport à d'autres pays européens.

Mme Kapompolé comprend que les représentants de Febelfin doivent parler d'une même voix sur la scène financière belge. Seulement, du point de vue de la libre concurrence, que pensent les banques qui n'ont pas quelque part eu recours à des produits risqués de voir les autres banques aidées par les autorités ?

M. Vanhevel souligne qu'il y a toujours la concurrence qui joue au profit de la clientèle.

Mme Kapompolé regrette que plusieurs grandes banques limitent leur taux élevé sur leurs comptes d'épargne aux seuls clients ayant accès à l'Internet.

M. Vanhevel réplique que chaque banque a sa propre stratégie en la matière. Il appartient à la clientèle de choisir où placer son argent. La concurrence vive dans le secteur financier profite à la clientèle.

M. Vermaerke estime quant à lui qu'il est essentiel de maintenir cette différenciation dans les différents canaux de distribution. Il ajoute que l'Europe ne voudrait d'ailleurs pas que l'on n'y change quelque chose.


Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 12 membres présents.

Le rapporteur, Le président,
Hugo VANDENBERGHE. Wouter BEKE.

(1) La liquidité est la mesure dans laquelle la banque est capable de financer les dépenses quotidiennes. À cet effet, elle doit disposer d'un flux de revenus continu.

(2) Solvabilité: indique le rapport entre les fonds propres de la banque et l'encours de ses engagements.

(3) Valeur intrinsèque: la valeur de tous ce que possède l'entreprise sans préjudice des dettes existantes. Cela équivaut aux fonds propres qui se trouvent dans l'entreprise.

(4) Valeur en bourse: valeur d'une action multipliée par le nombre d'actions.

(5) Volatilité: la mesure de la mobilité du cours d'une action ou d'un autre produit financier.

(6) CEBS: Committee of European Banking Supervisors.

(7) CESR: Committee of European Securities Regulators.

(8) Exigences en capitaux: exigences relatives aux fonds propres.

(9) Agences de notation: entreprises qui attribuent des notations à certains titres de créances ou aux émetteurs eux-mêmes de titres de créances.

(10) Titrisation: le regroupement d'un portefeuille de crédits qui sont transformés en titres productifs d'intérêts, lesquels sont à leur tour vendus à des investisseurs.