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3 OCTOBRE 2006
Nº 12 DE M. DEDECKER
Remplacer l'ensemble de la proposition de loi par ce qui suit:
« Proposition de loi visant à concilier le droit de pratiquer l'abattage d'animaux prescrit par un rite religieux avec les exigences et les valeurs contraignantes d'une société moderne, en particulier en matière de sécurité alimentaire et de bien-être des animaux.
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
À l'article 1er de loi du 5 septembre 1952 relative à l'expertise et au commerce des viandes:
1º les points 7 et 8, abrogés par la loi du 27 mai 1997, sont rétablis dans la rédaction suivante:
« 7. Abattage: la mise à mort d'animaux de boucherie par saignée à des fins de consommation, à l'exception des abattages de nécessité.
8. Abatteur: la personne reconnue par le ministre comme disposant des connaissances et des capacités requises à la réalisation d'opérations d'abattage. »
2º il est ajouté un point 9, libellé comme suit:
« 9. lieu d'abattage temporaire: tout lieu d'abattage agréé par les ministres ayant respectivement la Santé publique et le Bien-être des animaux dans leurs attributions, après avis de l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire. »
Art. 3
Il est inséré dans la même loi, modifiée par la loi du 27 mai 1997, un article 1erbis, libellé comme suit:
« Art. 1erbis. — L'abattage ne peut être pratiqué que par un abatteur agréé et dans un abattoir agréé à cet effet. »
Art. 4
À l'article 2, alinéa 1er, de la même loi, la deuxième phrase est supprimée.
Art. 5
À l'article 4, alinéa 1er, les mots « abattre ou » sont supprimés.
Art. 6
Au § 1er de l'article 23bis de la même loi, inséré par la loi du 25 juillet 1960 et modifié en dernier lieu par la loi du 23 décembre 2005, sont apportées les modifications suivantes:
1º à l'alinéa 1er, le 1º est remplacé par la disposition suivante:
« 1º tous les jours entre 20 heures et 4 heures; »;
2º au 2º du même alinéa, les mots « les samedis », sont supprimés;
3º à l'alinéa 2, les mots « des abattages rituels, » sont supprimés.
Art. 7
À l'article 24, alinéa 1er, de la même loi, remplacé par la loi du 27 mai 1997, les mots « ou si une disposition légale ou réglementaire autorise l'abattage selon un rite religieux en dehors d'un abattoir » sont supprimés.
Art. 8
L'article 25 de la même loi, abrogé par la loi du 13 juillet 1981, est rétabli dans la rédaction suivante.
« Art. 25. — Afin de garantir une capacité d'abattage suffisante pour les abattages prescrits par le rite islamique, le ministre qui a la Santé publique dans ses attributions peut imposer à tous les abattoirs ou à certains d'entre eux des mesures particulières valables durant les trois journées consécutives au cours desquelles la fête islamique du sacrifice a lieu, fixées par lui annuellement au moins trois mois à l'avance, en concertation avec l'organe représentatif du culte islamique visé à l'alinéa 2 de l'article 19bis de la loi du 4 mars 1870 sur le temporel des cultes.
Au cours des journées visées à l'alinéa 1er, seuls des abattages de moutons peuvent être pratiqués conformément aux modalités prescrites par leur rite religieux. Le ministre peut, pour les abattoirs qu'il désigne, déroger à cette limitation pour des raisons de disponibilité de capacité d'abattage.
Le Roi fixe les règles concernant le nombre d'animaux de boucherie qui peuvent être abattus par chef de famille ou membre de famille, suivant les modalités prescrites par le rite islamique, au cours des journées visées à l'alinéa 1er, et le contrôle y afférent.
Les mesures visées à l'alinéa 1er consistent exclusivement à donner la priorité à l'abattage rituel ou à réserver la capacité d'abattage d'un abattoir à la communauté religieuse pendant une durée totale qui n'excède pas les trois journées consécutives par abattoir et par an visées à l'alinéa 1er.
Si la capacité d'abattage s'avère insuffisante en dépit des mesures précitées, le ministre peut accorder à l'exploitant d'un abattoir durant les journées visées à l'alinéa 1er l'autorisation d'installer un ou plusieurs lieux d'abattage temporaires dans lesquels un nombre d'abattages fixé par le ministre peuvent être pratiqués.
Le Roi fixe les dispositions particulières qui s'appliquent aux lieux d'abattage temporaires en vue de la protection de la santé publique et du bien-être des animaux.
La viande provenant des abattages prescrits par le rite religieux qui sont pratiqués au cours des journées visées à l'alinéa précédent, fixées en concertation avec le représentant du culte concerné, ne peut pas être commercialisée mais peut seulement être cédée à titre gratuit.
Les représentants du culte visés à l'alinéa 1er sont tenus de transmettre au ministre, suivant des modalités à définir en concertation avec le Roi, une estimation précise de la capacité d'abattage requise.
L'article 1er, point 9, de la présente loi et les alinéas 5 et 6 du présent article, de même que l'article 9 de la loi du [...] visant à concilier le droit de pratiquer l'abattage d'animaux prescrit par un rite religieux avec les exigences et les valeurs contraignantes d'une société moderne, en particulier en matière de sécurité alimentaire et de bien-être des animaux, et le présent alinéa sont abrogés à partir du 1er décembre 2009. »
Art. 9
L'article 26 de la même loi, abrogé par la loi du 13 juillet 1981, est rétabli sous le chapitre III — Dispositions pénales, dans la lecture suivante:
« Art. 26. — Est puni d'un emprisonnement de six mois à cinq ans et d'une amende de cinq cents à dix mille euros ou de l'une de ces peines seulement, quiconque pratique un abattage à l'extérieur d'un abattoir, en dehors des cas visés par l'article 25, alinéa 5. »
Art. 10
À l'article 28, 1º, de la même loi, modifiée par la loi du 15 avril 1965, sont apportées les modifications suivantes:
1º les mots « 2, alinéa 1er, » sont supprimés;
2º les mots « et, en violation des dispositions de l'article 25, alinéa 7 » sont insérés entre les mots « ces dispositions » et le mot « importe ».
Art. 11
L'article 32bis de la même loi, abrogé par l'arrêté royal du 22 février 2001, est rétabli dans la rédaction suivante:
« Art. 32bis. — Est considéré comme coauteur tout mandataire politique responsable et fonctionnaire public de l'ordre administratif qui autorise, prescrit, encourage directement ou indirectement ou facilite la violation par une personne des dispositions de l'article 1erbis de la présente loi.
N'est pas considéré comme un acte visant à autoriser, prescrire, encourager directement ou indirectement ou faciliter ladite violation, le fait d'ordonner, d'exécuter ou de faire exécuter les tâches de nettoyage communales habituelles qui s'avéreraient nécessaires après la commission de l'infraction. »
Art. 12
À l'article 16, § 1er, de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, modifiée par la loi du 4 mai 1995, l'alinéa 2 est remplacé par ce qui suit:
« L'obligation d'étourdissement préalable ne s'applique pas aux abattages de bovins, d'ovins et de caprins prescrits par un rite religieux. »
Art. 13
À l'article 16, § 2, de la même loi, l'alinéa 2 est remplacé par ce qui suit:
« Les abattages prescrits par un rite religieux ne peuvent être pratiqués que par des sacrificateurs habilités à le faire, soit par le Consistoire central israélite de Belgique, soit par l'organe représentatif du culte islamique visé à l'alinéa 2 de l'article 19bis de la loi du 4 mars 1870 sur le temporel des cultes. »
Art. 14
Il est inséré dans la même loi un article 16bis, libellé comme suit:
« Art. 16bis. — Afin de garantir la liberté philosophique, l'exploitant de l'abattoir ou, le cas échéant, l'importateur ou son représentant en Belgique, mentionne, dans les cas où la viande ou les organes proviennent d'un rituel d'abattage au sens des abattages visés à l'article 16, § 2, alinéa 2, de la présente loi, à l'aide d'un marquage soit sur l'emballage, soit sur la viande, une référence à la conformité avec la disposition concernée et à la dénomination du rituel d'abattage en question, complétée, le cas échéant, par une référence à la conformité avec l'article 31, § 3, alinéa 2, de l'arrêté royal du 22 décembre 2005 relatif à l'hygiène des denrées alimentaires d'origine animale, s'il a été fait usage du droit visé dans cette disposition.
Le Roi précise, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les règles relatives à la mention des références.
Art. 15
Il est inséré dans la même loi un article 36ter nouveau, libellé comme suit:
« Art. 36ter. — Sans préjudice de l'application de peines plus sévères définies par le Code pénal, est puni d'une amende de 26 euros à 1 000 euros, l'exploitant, l'administrateur ou le gérant d'un abattoir qui omet de porter sans délai à la connaissance d'une ou de plusieurs personnes mentionnées à l'article 34, § 1er, une infraction aux dispositions du chapitre VI de la présente loi, à moins qu'il n'apporte la preuve qu'il n'aurait pas pu être informé de l'infraction. »
Art. 16
À l'article 39, § 1er, de la même loi, les mots « et 36 » sont remplacés par les mots « , 36 et 36ter ».
Art. 17
À l'article 41 de la même loi, les mots « et 36 » sont remplacés par les mots « , 36 et 36ter ».
Art. 18
À l'article 41bis de la même loi, les mots « et 36 » sont remplacés par les mots « , 36, 36ter et 41 ».
Art. 19
Il est inséré à l'article 104 du Code des impôts sur les revenus 1992 un 4ºquater, libellé comme suit:
« 4ºquater. — Les libéralités faites en argent qu'un seul contribuable par ménage a transmises aux fins d'accomplir des obligations religieuses à l'occasion de la fête islamique du sacrifice durant la période de sept jours comprenant les jours visés à l'article 25, alinéa 1er, de la loi du 5 septembre 1952 relative à l'expertise et au commerce des viandes, pour autant que cela soit confirmé par l'organe représentatif du culte islamique visé à l'alinéa 2 de l'article 19bis de la loi du 4 mars 1870 sur le temporel des cultes et pour autant que ni le contribuable, ni un membre de son ménage n'ait pratiqué ou n'ait fait pratiquer pour son compte l'abattage d'un animal au sens de l'article 16, § 2, alinéa 2, de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux.
Si, en vertu du présent article, la liberalité donne déjà droit à déduction, la part de l'affectation qui peut être déduite du revenu net total net est majorée de 40 %. »
Art. 20
Il est inséré dans le même Code un article 108bis, libellé comme suit:
« Art. 108bis. Par dérogation aux dispositions de l'article 108, le Roi fixe les obligations et formalités que l'organe représentatif du culte islamique, visé à l'alinéa 2 de l'article 19bis de la loi du 4 mars 1870 sur le temporel des cultes, doit accomplir de manière que les libéralités visées à l'article 104, 4ºquater, puissent être admises en déduction.
Quoi qu'il en soit, l'organe représentatif visé à l'alinéa précédent est tenu de communiquer l'identité du bénéficiaire aux conditions fixées par le Roi. »
Art. 21
La présente loi entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge. »
Justification
GÉNÉRALITÉS
Introduction
Comme il s'est avéré à l'issue des diverses auditions, réunions de commission et avis qu'en dépit de l'avis de 86 % des Belges, il n'était pas possible de parvenir à un accord politique sur l'interdiction immédiate des abattages sans étourdissement préalable, tels que les prescriraient les rites judaïque et islamique, la nécessité de rendre ces pratiques compatibles avec les caractéristiques de notre société moderne reste évidemment de mise.
D'où cet amendement, qui remplace la proposition initiale et qui tend à ce que les abattages fondés sur des préceptes religieux soient pratiqués autant que possible dans le respect de la réglementation en matière de bien-être des animaux, d'hygiène et de santé publique.
Voici, en résumé, ce que nous proposons:
Une interdiction expresse des abattages non effectués dans un abattoir par un abatteur agréé, assortie de peines adaptées grevant toute infraction.
Au cours de la période transitoire précédant l'entrée en vigueur de l'interdiction des abattages sans étourdissement (fin 2009), à l'issue de laquelle la capacité d'abattage des abattoirs agréés devra être suffisante pour répondre aux besoins liés à la fête islamique du sacrifice, la possibilité de recourir, à l'occasion de la fête du sacrifice, à des abattoirs temporaires placés sous la responsabilité et le contrôle d'un exploitant d'abattoir et l'interdiction des abattages commerciaux.
Afin de garantir la liberté philosophique, l'apposition d'un signe distinctif sur la viande, les organes ou les emballages, qui renvoie au mode d'abattage et qui permet de donner aux consommateurs une information utile et nécessaire tant pour la communauté religieuse que pour les personnes qui n'en font pas partie (du moins jusqu'à fin 2009).
La déductibilité fiscale des dons effectués à l'occasion de la fête du sacrifice, pour autant qu'aucun animal ne soit sacrifié.
Les abattages rituels et la CEDH
Personne ne peut mettre en doute la nécessité d'un droit au libre exercice du culte, à commencer par ceux qui défendent une vision libérale de la société.
Dès la genèse de la Constitution, il était néanmoins clair que la liberté de culte n'était pas absolue — sinon en ce qui concerne la liberté d'expression, du moins en ce qui concerne son exercice:
« La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés. »
Ce libellé implique que les pratiques culturelles ne sont pas au-dessus des lois et doivent évoluer avec l'esprit du temps et les mœurs du pays où elles sont exercées en vertu de la liberté des cultes.
Il n'en va pas autrement dans l'article 9, 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Que prévoit au juste l'article 9 de la CEDH ?
« Liberté de pensée, de conscience et de religion
1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.
2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
Dans son avis 40/350.AV, le Conseil d'État renvoie au jugement de la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l'homme qui a été amenée à examiner la portée de l'article 9 de la Convention en matière d'abattage rituel, plus particulièrement dans son arrêt du 27 juin 2000, Cha'are Shalom Ve Tsedek contre France.
La France a prévu, comme la Belgique, une exception à l'obligation d'anesthésie préalable pour les abattages rituels. C'est une donnée non négligeable qui est relevée dans l'arrêt (cf. considération 76). Concrètement, l'ACIP, l'organe représentatif agréé des Juifs, avait obtenu un permis d'abattage, contrairement à son concurrent renégat. Y avait-il violation des droits de la seconde organisation ? La réponse est négative.
La considération 78 nous apprend que si les autorités se sont déjà inscrites dans une politique autorisant les abattages rituels et qu'un agrément a été délivré à une organisation et refusé à l'autre se réclamant pourtant de la même religion, il faut examiner si la méthode d'abattage que revendique la seconde relève ou non de l'exercice de la liberté de manifester sa religion garantie par l'article 9 de la CEDH. C'est en tout cas loin d'être une évidence.
Quant aux considérations 80 et 81, elles sont d'une importance capitale:
80. « De l'avis de la Cour, il n'y aurait ingérence dans la liberté de manifester sa religion que si l'interdiction de pratiquer légalement cet abattage conduisait à l'impossibilité pour les croyants ultra-orthodoxes de manger de la viande provenant d'animaux abattus selon les prescriptions religieuses qui leur paraissent applicables en la matière.
81. Or tel n'est pas le cas. En effet, il n'est pas contesté que la requérante peut s'approvisionner facilement en viande « glatt » en Belgique. En outre, il ressort des attestations et constats d'huissier produits par les tiers intervenants qu'un certain nombre de boucheries opérant sous le contrôle de l'ACIP mettent à la disposition des fidèles une viande certifiée « glatt » par le Beth-Din. »
Attendu que la partie requérante est en mesure de s'approvisionner, il n'y a pas violation.
Considération 83 in fine: « (...) la Cour estime que le refus d'agrément litigieux ne constitue pas une ingérence dans le droit de la requérante à la liberté de manifester sa religion. » et 84 in fine: « (...) En outre, eu égard à la marge d'appréciation qu'il faut laisser à chaque État (arrêt Manoussakis et autres c. Grèce du 26 septembre 1996, Recueil 1996-IV, p. 1364, § 44), notamment pour ce qui est de l'établissement des délicats rapports entre les Églises et l'État, la mesure incriminée ne saurait être considérée comme excessive ou disproportionnée. En d'autres termes, elle est compatible avec l'article 9 § 2 de la Convention. »
La Cour confirme — comme dans nombre d'autres arrêts — que chaque autorité dispose d'une marge d'appréciation lui permettant de vérifier si la mesure n'est pas excessive ni disproportionnée.
En d'autres termes: une interdiction à l'abattage rituel sans étourdissement préalable n'est pas contraire à la liberté de pensée, de conscience et de religion lorsque cette interdiction n'est ni excessive ni disproportionnée.
Et le Conseil d'État de conclure: « Tant l'exigence de disposer de viande « casher » (en ce compris la viande « glatt ») que celle de pouvoir se procurer de la viande « halal » relèvent de la liberté de religion consacrée par l'article 9 de la Convention. (...) Enfin, la suppression de la dérogation à l'exigence d'étourdissement préalable en cas d'abattage rituel, si elle poursuit l'objectif légitime de mieux assurer le bien-être des animaux, porte une atteinte disproportionnée à la liberté de religion consacrée par l'article 9 de la Convention. Il priverait en effet certains fidèles de la possibilité de se procurer et de manger une viande jugée par eux plus conforme aux prescriptions religieuses. L'article 7 de la proposition sera dès lors omis. »
La confusion règne manifestement dans ce domaine. Même en cas d'interdiction, les Juifs et les musulmans de notre pays peuvent continuer à s'approvisionner (importation), tout comme les ultra-orthodoxes en France.
Y a-t-il disproportion ? Nullement.
L'auteur rappelle que certaines parties à la Convention interdisent l'abattage rituel sans étourdissement, sans que l'on crie à la violation de l'article 9, 2 de la CEDH. C'est le cas de la Suède, de certains länder autrichiens, de la Suisse et de la Norvège, qui sont loin d'être des États dictatoriaux. Il est à noter que dans d'autres États, on a été plus inventif que ne le permet le conservatisme des mandataires politiques belges en concluant des accords avec les autorités religieuses prévoyant l'étourdissement de l'animal au préalable (Pays-Bas) ou immédiatement après l'égorgement (Danemark).
L'auteur rappelle par ailleurs la conclusion tirée à juste titre par le spécialiste en déontologie juridique Koen Raes, lors de son audition au Sénat, à savoir qu'il appartient bien aux autorités de n'autoriser les abattages rituels que si les animaux sont étourdis au préalable, justement pour leur éviter des souffrances inutiles. M. Raes y voit un motif légitime et estime que la limitation du droit à la liberté des cultes pour garantir le bien-être animal relève de la protection des bonnes mœurs. L'enquête menée sur ce thème montre qu'il s'agit bien de « bonnes moeurs » puisqu'elle a révélé que plus de 3/4 des Belges sont contre les abattages sans anesthésie.
Certains hommes politiques affirment qu'une interdiction entraînera des pratiques illégales, mais l'auteur trouve que cet argument n'est pas pertinent. On ne va pas supprimer les feux de signalisation pour la simple raison qu'ils pourraient inciter certains conducteurs à passer au rouge. Il incombe aux pouvoirs publics de contrôler et de sanctionner les pratiques illégales. Le contrôle des transports effectués pendant la fête du sacrifice constitue une mesure appropriée. De nombreux moutons sont déplacés durant la fête du sacrifice. La première mesure à prendre le jour de la fête, mais aussi et surtout durant la semaine qui précède, est de veiller au respect de la réglementation relative au transport d'animaux. Les règles sont les suivantes:
1) Le transport ne peut se faire que de l'élevage (ou du centre de regroupement) vers l'abattoir ou vers un éleveur agréé pour cette espèce (et donc jamais vers le logement privé);
2) Le transport doit se faire dans un véhicule agréé par l'AFSCA;
3) Durant le transport, le mouton doit disposer de suffisamment d'espace pour pouvoir se tenir debout et couché dans une position naturelle. Les pattes de l'animal ne peuvent en aucun cas être attachées. (etc.) (...)
Mais en cas de vente dans le cadre de la fête du sacrifice, il est prévu une dérogation qui permet aux particuliers de transporter leur mouton du point de vente à l'abattoir, dans un véhicule non agréé. Ils peuvent utiliser à cette fin leur propre véhicule, mais doivent veiller à ce que les conditions de bien-être de l'animal soient respectées durant le transport. Étant donné que la présente proposition instaure une interdiction des abattages commerciaux à l'occasion de la fête du sacrifice, cette exception ne sera plus d'application. La semaine précédant l'événement, il est également nécessaire de renforcer les contrôles des transports de moutons, pour éviter la vente directe au domicile d'un particulier.
Évolution des mœurs
La notion de bonnes mœurs est susceptible d'évoluer. On peut certainement qualifier les 4 dernières décennies de période de transition.
Alors que jadis, les bonnes mœurs étaient étroitement liées aux valeurs et normes catholiques et bibliques, elles ont fait place à des valeurs et normes transcendantales, dotées d'un caractère religieux, mais qui ne trouvent plus leur origine dans l'Ancien Testament. En fait, ce changement a débuté lorsque les chrétiens ont évolué et accepté les nouvelles idées des Lumières. En effet, à cette époque, nos régions étaient encore fortement influencées par les théories humanistes de la Grèce antique. L'Occident a ainsi évolué vers ce qu'il est aujourd'hui. Le judaïsme et l'islam n'ont pas connu cette évolution et s'en tiennent à des pratiques religieuses qui étaient certainement très utiles dans des temps reculés et dans des contrées lointaines.
La confrontation entre les valeurs et les normes de jadis et celles d'aujourd'hui complique sérieusement la discussion sur l'opportunité d'instaurer ou non une interdiction des abattages rituels sans étourdissement.
La communauté chrétienne connaît elle aussi le récit d'Abraham, contraint de sacrifier son premier-né à Dieu, lequel finit par accepter l'offrande d'un mouton. Les premiers-nés juifs ont échappé à la dixième plaie qui s'était abattue sur l'Egypte parce que leurs maisons avaient été aspergées du sang d'un agneau sacrifié rituellement. L'exode salvateur d'Egypte est célébré en abattant des agnelets. La symbolique est réapparue dans la tradition chrétienne puisque, comme l'agneau de Dieu, Jésus de Nazareth est mort pour racheter nos péchés. La notion de sacrifices rituels n'est pas inconnue chez nous. Le bien-être des animaux joue un grand rôle dans toutes les grandes religions monothéistes, mais puisque le judaïsme et l'islam n'ont pas adhéré au mouvement des Lumières, ils définissent cette notion conformément à des pratiques séculaires, alors que les « chrétiens » ont adopté des techniques modernes qui atténuent davantage les souffrances.
Mais si nous partons des normes et valeurs de jadis, nous devrons nous écarter de toutes les pratiques qui ne figurent pas dans notre dictionnaire historico-culturel, qu'elles respectent ou non les exigences en matière de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. C'est d'autant plus vrai lorsque ces pratiques se heurtent aux valeurs de jadis et à celles d'aujourd'hui: par exemple, la clitoridectomie, qui est régie par les mêmes prescriptions coraniques que celles imposant l'abattage sans étourdissement. Ou bien supposons que la religion prescrive que l'animal doit non seulement être abattu sans être étourdi, mais qu'il doit obligatoirement être habillé, plumé, échaudé ou brûlé avant la mort et sans étourdissement préalable (comme l'interdit actuellement l'arrêté royal du 22 décembre 2005 relatif à l'hygiène des denrées alimentaires d'origine animale). Et si ce n'est pas le cas, pourquoi pas ? La douleur reste la douleur.
Ainsi, pourquoi ne pourrait-on pas prévoir une dérogation à la législation sur le tapage nocturne de manière à permettre au muezzin d'appeler les fervents musulmans à la prière cinq fois par jour, au lever du soleil, à midi, dans l'après-midi, au coucher du soleil et plus tard dans la soirée ? Les nuisances sonores l'emportent-elles sur le droit fondamental à la liberté des cultes ?
Pourquoi ne pas prévoir, pour certaines communautés religieuses, une exception à l'interdiction de la polygynie ? Allah a déclaré la polygynie légale. Cette question a déjà été posée.
Mais on tombe ici sous l'influence des valeurs et des normes contemporaines. La moralité évolue en fonction des nouvelles valeurs et des nouvelles normes. L'ancienne échelle de valeurs autorisait la polygamie, mais celle-ci est impensable aujourd'hui, pas même au nom de la liberté des cultes. Qu'en est-il de la nouvelle échelle de valeurs ? La polygamie ne représente aucun danger pour la sécurité publique. Elle ne semble pas non plus constituer un risque pour la santé publique. Elle ne remet pas davantage en cause les droits humains fondamentaux puisqu'on pourrait s'assurer, comme pour tout mariage, du libre consentement de toutes les parties. Les justifications rationnelles sous-jacentes paraissent en outre être d'une grande qualité morale. Un des arguments avancés est de garantir aux femmes la sécurité d'existence. La Belgique connaît également un nombre plus élevé de femmes que d'hommes, surtout à un âge plus avancé, et la polygamie pourrait contribuer à résoudre les problèmes de solitude.
Cette option choque-t-elle l'ordre public et les bonnes mœurs ? Il y a trente ans, nous aurions répondu oui, sans la moindre hésitation. Aujourd'hui, on se demandera simplement s'il ne s'agit pas d'une nouvelle forme de cellule familiale, puisque la famille traditionnelle a déjà été déclinée sous d'autres formes.
Conclusion
En autorisant les juifs et les musulmans à procéder à des abattages sans étourdissement au nom de la liberté des cultes, on adopte au fond une attitude plutôt paternaliste. Elle semble sous-entendre le message suivant: « nous ne devons pas nous attendre à ce que toutes les cultures évoluent à la même vitesse ». Le signal envoyé n'est pas correct. L'on a beau clamer le contraire, ce message dissimule, même implicitement, un manque de respect pour l'autre culture. Ajoutez-y d'autre part la politique de la peur ou de l'autruche, appliquée de plus en plus souvent dans l'espoir de voir les tensions s'apaiser d'elles-mêmes, et l'on créera une situation dangereuse pour l'avenir. On peut faire preuve de tolérance, mais la vigilance reste de mise dans les concessions que l'on accorde.
Plusieurs partis — ou du moins certains de leurs membres — plaident en faveur des abattages rituels en s'appuyant sur leur vision conservatrice ou même réactionnaire de la société. Ils déplorent toute initiative que notre société pourrait prendre et qui aurait pour effet d'encore renforcer la séparation entre l'Église et l'État. Ils puisent une sorte de raison d'être dans la défense des religions qui n'ont pas évolué. D'autres mouvements ou individus voient avant tout un intérêt électoral à défendre les prétendus droits fondamentaux des groupes en question. Quoi qu'il en soit, ces soi-disant partisans de la liberté des cultes ne pensent certainement pas en premier lieu aux intérêts des fidèles. Ils ne font que renforcer l'image du juif et du musulman qui refusent obstinément de s'intégrer.
Pour les juifs et les musulmans, il s'agit — comme en atteste également la fameuse polémique sur le port du voile — d'une quête d'amour-propre par affirmation de sa propre identité, qui les incite justement à rejeter les valeurs et les normes (contemporaines) de la population autochtone. Quant à savoir si cela les aidera à progresser, la question reste posée. Comment expliquer autrement cet acharnement à défendre les abattages sans étourdissement lorsque l'on sait que ni la loi juive, ni la loi islamique n'interdisent l'étourdissement des animaux qui doivent faire l'objet d'un sacrifice rituel ?
Alors que dans le christianisme (et même dans la scolastique de Thomas d'Aquin), les animaux ont longtemps été considérés comme des biens de consommation, le mouvement des Lumières a mis en avant d'autres idées, de plus en plus explicitement. Avec l'adoption des valeurs et des normes actuelles, le non-respect du bien-être animal a de plus en plus été considéré comme contraire aux bonnes mœurs. Une enquête a mis en évidence que trois Belges sur quatre sont contre les abattages sans étourdissement préalable. Trente ans plus tôt, ce chiffre aurait sans doute été inimaginable. Voilà précisément pourquoi aujourd'hui, la non-interdiction des abattages sans étourdissement, y compris lors des sacrifices rituels, est contraire à la CEDH. Il incombe aux pouvoirs publics de limiter ces pratiques religieuses si elles sont contraires, entre autres, aux bonnes mœurs.
Élaborer une législation d'exception équivaudrait dès lors à ne pas délivrer le message explicite que nous exigeons des personnes qui souhaitent habiter, travailler et vivre dans notre pays qu'elles respectent effectivement ce que l'Occident considère, hic et nunc, comme bien ou mal. Qui d'autre que les pouvoirs publics pourrait le faire ? La seule façon d'éviter autant que faire se peut les tensions sociales est d'élaborer et de respecter à la lettre un programme d'intégration mûrement réfléchi.
Une discussion entre juifs, musulmans et chrétiens pourrait peut-être contribuer à alimenter le débat. Peut-être les milieux religieux pourraient-ils purger le débat des méfiances réciproques et des suspicions nourries par les juifs et les musulmans, qui considèrent sincèrement qu'une proposition de loi comme celle-ci constitue une remise en cause de leur droit à une identité propre.
Pour reprendre les propos de Koen Raes, il faut vérifier hic et nunc si chaque membre de cette communauté philosophique accepte effectivement une norme donnée ou un rituel donné comme une nécessité absolue et il faut s'efforcer de trouver des méthodes permettant de mettre les pratiques religieuses davantage en conformité avec le droit et l'éthique qui prévalent dans notre pays. Même dans une société multiculturelle, « l'argument culturel » n'est pas déterminant au point de justifier certaines pratiques. Il faut aussi pouvoir les justifier au plan éthique. C'est pourquoi nous proposons également de modifier l'intitulé de la proposition de loi. Il faut concilier les pratiques archaïques avec les valeurs et exigences éthiques fondamentales de notre société moderne.
On peut donc déduire de ce qui précède que l'auteur du présent amendement reste d'avis que se conformer à la loi générale (en l'espèce, l'interdiction des abattages sans étourdissement préalable) est finalement préférable pour l'ensemble de la société, y compris pour les juifs et les musulmans conservateurs.
Article 1er
Cet article n'appelle aucun commentaire.
Article 2
1º
Cet article introduit deux définitions:
— La définition de l'abattage.
La législation en vigueur donne déjà de l'abattage les définitions suivantes:
a) article 3, 14, de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux: la mise à mort d'un animal domestique agricole en vue de la consommation.
La disposition qui définissait le concept d'animal domestique agricole (article 2, § 2) a été abrogée par la loi du 4 mai 1995 (article 2, § 2). Il faut entendre par: 1. Animal domestique agricole: animal qui est détenu habituellement comme animal de rente ou de rapport pour la production de lait, de viande, de laine, de fourrure, d'œufs, de plumes, de peaux ou de miel. Sont toujours considérés comme animaux domestiques agricoles: les chevaux, les ânes, les mulets, les bardots, les bovins, les moutons, les chèvres et les porcs. Sont également considérés comme animaux domestiques agricoles, s'ils sont détenus dans le but défini à l'alinéa premier: les lapins, les visons, les chinchillas, les poules, les dindons, les cailles, les pintades, les canards, les oies, les faisans, les pigeons, les abeilles, les poissons et les écrevisses en pisciculture et les escargots de Bourgogne en élevage).
b) article 2, 7º, de l'arrêté royal du 16 janvier 1998 relatif à la protection des animaux pendant l'abattage ou la mise à mort qui transpose en droit belge la directive 93/119/CE du Conseil de l'Union européenne du 22 décembre 1993 sur la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort: la mise à mort d'un animal par saignée.
À la lumière de la présente proposition, il est indispensable d'introduire une définition de l'abattage dans la loi du 5 septembre 1952. Il convient d'indiquer clairement non seulement qu'il s'agit d'animaux de boucherie (en l'occurrence: des bovins, des moutons, des chèvres, des porcs et des solipèdes) dont la mise à mort se fait par saignée, conformément aux termes employés dans la directive 93/119/CE, mais aussi que cet abattage est pratiqué à des fins de consommation, à l'exception (logiquement) des abattages de nécessité (l'auteur a estimé qu'il était opportun de le confirmer dans la définition).
Cette définition permet d'éclairer la disposition prévue à l'article 1erbis de la loi de 1952, proposé à l'article 3, selon laquelle tous les abattages sont pratiqués dans des abattoirs. C'est le meilleur moyen de garantir le respect maximum de la législation, y compris lors de la pratique d'abattages rituels. Les abattoirs belges ont dû s'équiper de l'appareillage nécessaire à la pratique des abattages rituels sous le contrôle de l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire. Par ailleurs, on formule l'exigence que les abattages rituels doivent être pratiqués par des sacrificateurs habilités pour ce faire et — comme c'est le cas pour tous les abattages — sous la surveillance et le contrôle permanent de vétérinaires.
— La définition de l'abatteur.
Cette définition permet d'éclairer la disposition prévue à l'article 1erbis de la loi de 1952, proposé à l'article 3, selon laquelle tous les abattages sont pratiqués dans des abattoirs, par des abatteurs agréés. Le ministre ne doit pas élaborer de programme d'apprentissage mais doit définir de quelles connaissances il y a lieu d'attester pour pouvoir effectuer des opérations d'abattage.
Tous les intéressés, de même que les sacrificateurs habilités par les organes représentatifs du culte, doivent prouver qu'ils possèdent les connaissances et les capacités requises pour l'abattage d'animaux. L'Exécutif musulman en tout cas doit être plus attentif à la formation des abatteurs musulmans. À l'heure actuelle, des attestations sont délivrées à des sacrificateurs rituels sans qu'il y ait la moindre preuve attestant qu'ils ont suivi une formation, ce qui est inacceptable. Si l'on dispose d'une expérience pratique suffisante, on a de fortes chances de réussir. Il est évident que la connaissance de la réglementation et des prescriptions en matière d'hygiène devra également faire partie des exigences.
2º
On introduit une définition du lieu d'abattage temporaire.
La définition de ce qu'il faut entendre par « lieu d'abattage temporaire » repose sur la définition figurant dans la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux. Comme la présente proposition entend légiférer en la matière, il importe de définir la notion en question avec précision.
Article 3
Cet article insère dans la loi du 5 septembre 1952 un article 1erbis nouveau, qui dispose que l'abattage ne peut être pratiqué que par un abatteur agréé et dans un abattoir agréé à cet effet.
Il s'agit d'une règle simple, précise et, en tout état de cause, indispensable au regard de la sécurité alimentaire. Un nombre de plus en plus restreint de petits fermiers élèvent encore des bêtes pour leur consommation personnelle. Généralement, ils procèdent à un abattage une fois par an. Or, il arrive ici aussi que certaines pratiques inacceptables pour le bien-être des animaux soient utilisées. On peut considérer qu'en cette période d'insécurité alimentaire, il n'est plus justifié de maintenir des exceptions.
L'abattage consiste en la mise à mort d'un animal par saignée. Il y a d'autres méthodes qui sont réglementées par d'autres législations. Il n'est donc pas nécessairement interdit de pratiquer d'autres opérations d'abattage (découpages, examen d'organes, etc.) en dehors d'un abattoir.
L'abattoir doit être agréé pour pouvoir pratiquer l'abattage des catégories d'animaux visées dans la loi du 5 septembre 1952 relative à l'expertise et au commerce des viandes.
Article 4
Les abattages à domicile des animaux énumérés dans la loi du 5 septembre 1952 sont formellement interdits. Comme tout le monde doit (ou devrait) être égal devant la loi, cette interdiction vaut également pour les abattages privés pratiqués par les petits fermiers.
Article 5
L'article 4, alinéa 1er, de la loi de 1952 dispose que « quiconque veut abattre ou faire abattre un animal de boucherie doit faire, au préalable, la déclaration de cet abattage ». Étant donné que les abattages à domicile sont interdits, seuls les mots « faire abattre » sont encore pertinents.
Article 6
Cet article vise entre autres à mettre les heures d'ouverture des abattoirs en concordance avec celles prévues à l'article 4, § 4, de la loi du 15 avril 1965 concernant l'expertise et le commerce du poisson, de volailles, des lapins et du gibier et modifiant la loi du 5 septembre 1952 relative à l'expertise et au commerce des viandes. Le samedi étant de toute façon un jour important dans le secteur de la viande, il est supprimé de la liste des jours de fermeture obligatoire, tout comme c'est le cas dans la loi de 1965. Cette mesure ne peut qu'accroître la capacité disponible des abattoirs en cas de nécessité. Il ne faut plus faire référence aux abattages rituels, qui sont régis par l'article 25 proposé (rétabli) de la loi.
Article 7
Les abattages en dehors d'un abattoir sont interdits, sauf — jusqu'en 2009 — dans les lieux d'abattage temporaires.
Article 8
L'article 25 de la même loi, abrogé par la loi du 13 juillet 1981, est rétabli dans la rédaction suivante:
« Afin de garantir une capacité d'abattage suffisante pour les abattages prescrits par le rite islamique, le ministre qui a la Santé publique dans ses attributions peut imposer à tous les abattoirs ou à certains d'entre eux des mesures particulières valables durant les trois journées consécutives au cours desquelles la fête islamique du sacrifice a lieu, fixées par lui annuellement au moins trois mois à l'avance, en concertation avec l'organe représentatif du culte islamique visé à l'alinéa 2 de l'article 19bis de la loi du 4 mars 1870 sur le temporel des cultes. (...) »
Cette disposition vise à responsabiliser les représentants des cultes (en l'espèce, l'Exécutif des musulmans). Comme on le sait, la décision inattendue de l'Exécutif des musulmans de reporter la fête du sacrifice d'un jour a posé de sérieux problèmes en 2005. Les communes ont alors été confrontées à d'énormes problèmes d'organisation, ce qui ne peut pas se reproduire. L'Exécutif des musulmans est tenu de communiquer au ministre de la Santé publique, au moins trois mois à l'avance, les trois journées consécutives au cours desquelles la fête islamique du sacrifice a lieu.
Durant la fête du sacrifice, seuls des moutons peuvent en principe être égorgés. L'abattage d'autres animaux dépend de la situation locale d'un abattoir et est soumis à l'autorisation du ministre.
Pour des raisons liées à la problématique de la capacité, il faut pouvoir veiller à ce qu'un seul mouton soit abattu par chef de famille ou, afin d'éviter toute équivoque au cas où le père ne serait pas juridiquement le chef de famille, par membre de famille.
Le problème de la capacité se pose avant tout lors de la fête du sacrifice. Celle-ci dure toujours trois jours consécutifs. Pendant ces trois jours, des mesures particulières telles que celles proposées se justifient: priorité aux abattages rituels ou affectation exclusive de la capacité d'un abattoir aux besoins de la communauté islamique.
L'article 25, alinéa 5, proposé (rétabli) autorise l'abattage dans les lieux d'abattage temporaires qui sont installés par des abattoirs. Telle est, selon l'auteur, la formule qui répond le mieux aux impératifs de santé publique, d'une part, et aux exigences en matière d'ordre public, d'autre part. En outre, l'article en question permet de se conformer à l'avis nº 40.350/AG de la section de législation du Conseil d'État.
Selon la présente proposition, ces lieux d'abattage temporaires ne peuvent être installés qu'à la demande d'un exploitant d'abattoir et sous sa responsabilité. L'auteur de la proposition estime cela logique, dans la mesure où:
— l'exploitant est le mieux informé de sa capacité disponible;
— les intéressés sont des professionnels. Ils sont soumis à toutes les règles en matière de sécurité alimentaire, de lutte contre les maladies animales et de bien-être des animaux, et ces règles leur sont familières. Ils disposent de tout le matériel nécessaire;
— les abattoirs se situent généralement en dehors du centre-ville et ils sont en outre soumis à la réglementation relative au tapage nocturne, aux nuisances sonores, aux études d'impact sur l'environnement, etc.;
— l'auteur estime en outre que, même si le Comité scientifique de l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire insiste sur la nécessité de garantir la traçabilité et le contrôle de la viande dans les lieux d'abattage temporaires, il sera très difficile de mettre cela en pratique sur le terrain, à moins que ces opérations ne se déroulent sur le lieu d'exploitation d'un abattoir.
L'auteur est d'avis que, vu la règle générale selon laquelle les abattages (rituels) doivent avoir lieu dans un abattoir, l'utilisation de lieux d'abattage temporaires ne peut être autorisée qu'à titre d'exception et de mesure transitoire, afin d'éviter notamment que l'on recoure aussi à de tels lieux d'abattage temporaires pour d'autres abattages. Les lieux d'abattage temporaires ne sont utilisés que pour que l'on puisse disposer d'une capacité d'abattage supplémentaire pendant la fête du sacrifice (période durant laquelle se posent les principaux problèmes de capacité).
Les lieux d'abattage temporaires peuvent encore être utilisés pendant trois ans au maximum, c'est-à-dire jusqu'après la fête du sacrifice de 2009. Durant cette période transitoire, il y a lieu de développer une capacité d'abattage suffisante dans les abattoirs privés agréés et surtout dans les abattoirs publics.
Il est bon de préciser que la proposition implique non pas que les lieux d'abattage temporaires doivent être installés sur les terrains de l'abattoir (même si cela est souhaitable), mais qu'ils doivent être installés à la demande et sous la responsabilité d'un exploitant d'abattoir. Ainsi, le responsable de l'abattoir d'Eeklo, par exemple, pourrait très bien installer — sous son contrôle et sous sa responsabilité — un lieu d'abattage temporaire sur les terrains du groothandelsmarkt de Gand.
La tâche des communes s'en trouve donc relativement simplifiée. La règle générale prévoit que les abattages ne peuvent avoir lieu que dans un abattoir, et seuls les abattoirs peuvent installer un lieu d'abattage temporaire. Les communes ne doivent pas investir d'énergie ni de moyens. Elles devront tout au plus, elles et d'autres services — régionaux notamment —, délivrer une autorisation lorsqu'un exploitant d'abattoir demandera l'installation d'un lieu d'abattage temporaire à un endroit donné de la commune (ce que la présente proposition autorise jusqu'en 2009).
L'auteur pense que cela permettra d'éviter des situations telles que celles décrites dans De Standaard du 15 janvier 2005 (« Goed gekeeld staat netjes »): à Anvers, huit services municipaux sont associés à l'organisation de la fête du sacrifice. Il faut demander des autorisations. Il faut construire des installations. L'on se réunit pendant des heures pour coordonner l'action de tous les services municipaux. On investit encore davantage d'heures de travail dans la concertation et la communication avec la communauté musulmane. Le jour même, la ville mobilise pas moins de 140 agents. Depuis septembre, Abdellatif Akhandaf s'occupe presqu'à temps plein de la coordination de la fête. Depuis un mois, presque tout le service d'intégration travaille à un rythme accéléré pour que tout puisse être prêt à temps.
Une réglementation correcte relative aux lieux d'abattage temporaires est plus que jamais nécessaire. Lors de contrôles supplémentaires des activités d'abattage, on a constaté des infractions en matière de santé animale et de bien-être des animaux essentiellement dans les lieux d'abattage temporaires agréés. La principale infraction concernait l'identification des moutons (AFSA, rapport d'activité de 2003).
Les abattages qui sont pratiqués durant ces journées sont purement et simplement destinés à satisfaire aux obligations religieuses. Ils ne peuvent dissimuler aucun objectif commercial. Par contre, la viande peut être donnée, et ce don constitue même un élément essentiel du rite. La tradition veut en effet que chaque famille qui abat un mouton en conserve un tiers pour elle-même, en donne un tiers à des proches et offre le dernier tiers à des personnes dans le besoin. La proposition interdit la commercialisation de la viande des animaux abattus dans le cadre de la fête du sacrifice. Cette restriction est plus que jamais nécessaire pour des raisons de gestion de capacité.
L'Exécutif des musulmans est également responsabilisé à cet égard. Il doit contribuer activement à maîtriser le problème. L'une de ses missions consistera à communiquer au ministre qui a la Santé publique dans ses attributions une estimation de la capacité requise. Il doit donc, d'une manière ou d'une autre, prendre contact avec les fidèles et recueillir les informations nécessaires. La manière de procéder pour ce faire est définie par arrêté royal, en concertation avec le gouvernement.
Aperçu
Jours fériés
Abattages rituels juifs: à l'intérieur de l'abattoir
Abattages rituels islamiques: à l'intérieur de l'abattoir et, pour des raisons de capacité, y compris après 2009, uniquement des ovins (d'autres animaux de sacrifice également, moyennant l'autorisation du ministre) durant la fête du sacrifice et, jusqu'en 2009, dans des lieux d'abattage temporaires. Trois jours au maximum de dérogation aux heures d'ouverture des abattoirs et abattages à finalités non commerciales.
Article 9
Cet article introduit une disposition pénale visant à sanctionner les abattages pratiqués en dehors d'un abattoir.
Il faut que les contrevenants potentiels sachent clairement que l'autorité politique entend fixer les limites de l'exercice de la liberté philosophique. Dans notre société fortement urbanisée, les abattages non contrôlés sont vraiment trop dangereux pour l'homme.
Les taux de peine actuels ne sont d'aucune aide. Sur le terrain, on tire le même constat. C'est la raison pour laquelle, d'après Kris Cleiren (du service d'intégration anversois, note de l'auteur), l'enjeu est si important à Anvers: de la réussite de la fête du sacrifice dépendra la confiance que se feront la ville et les musulmans. De part et d'autre, car si la communauté musulmane n'utilise pas les lieux d'abattage temporaires comme alternative aux abattages domestiques, il est à craindre que les services de la ville seront réticents l'année suivante à mettre de nouveau sur pied toute cette organisation. Kris Cleiren souhaiterait que les responsables politiques mais aussi la communauté musulmane elle-même fassent preuve d'un plus grand courage politique. Elle est d'avis que les hommes politiques cherchent trop souvent à rendre service à trop de monde à la fois et que les pouvoirs publics devraient faire montre de plus de fermeté pour interdire les abattages domestiques. Toutefois, il n'est pas facile de réglementer la fête du sacrifice dans une ville tant que les règles du jeu n'ont pas été clairement définies au niveau fédéral et au niveau flamand. Il n'est pas simple, par exemple, de faire comprendre aux musulmans qu'à Anvers, les abattages à domicile sont interdits si cette pratique est tolérée à Bruxelles. De plus, les peines sanctionnant les abattages à domicile, qui sont fixées au niveau fédéral, sont loin d'être dissuasives.
Le présent amendement répond à la demande du terrain. Il prévoit des peines, à savoir un emprisonnement de six mois à cinq ans et une amende de cinq cents à dix mille euros ou l'une de ces peines seulement.
À l'heure actuelle, il n'y a pas de volonté de poursuivre les infractions, comme l'a montré la réponse de la ministre de la Justice à une demande d'explication (nº 3-1124 du 17 novembre 2005): « Le 23 juin dernier, à la demande du secrétaire d'État Emir Kir, j'ai consulté le Collège des procureurs généraux sur la problématique des abattages rituels illégaux. Cette consultation a révélé que rares sont les dossiers qui donnent lieu à des poursuites pénales. Pour ce qui concerne le parquet de Bruxelles, le procureur général a fait savoir que peu de poursuites avaient abouti. Je n'ai édicté aucune directive de politique pénale à cet égard. Chaque parquet décide de l'opportunité de poursuivre en fonction des cas. »
L'instauration d'une peine plus lourde (la plus lourde de toute la loi) amènera peut-être le parquet à entamer plus souvent des poursuites, car ce sera le signe que les responsables politiques veulent mettre fin à des pratiques incompatibles avec notre modèle de société.
Article 10
Il s'agit d'une adaptation des dispositions pénales.
1º Il n'y a plus lieu de faire référence à l'article 2, alinéa 1er (les abattages pratiqués par un particulier à son domicile, qui sont autorisés) — à titre d'exception — étant donné que les abattages en question sont interdits.
2º Toute violation de l'interdiction de vendre de la viande provenant d'animaux abattus à l'occasion de la fête du sacrifice sera, en vertu de la législation proposée, punie d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de vingt-six à mille euros ou de l'une de ces peines seulement.
Article 11
La législation n'est pas toujours dûment respectée car il arrive que certaines communes installent des conteneurs à déchets afin de recueillir les abats provenant d'abattages à domicile. En agissant de la sorte, elles collaborent activement à une pratique illégale qui, souvent, est aussi une source de nuisances pour le quartier. GAIA prétend recevoir chaque année des plaintes de la part de personnes dont les voisins pratiquent des abattages rituels à domicile. Les personnes en question avertissent la police mais, en général, celle-ci refuse d'intervenir. C'est aussi la preuve qu'il existe une inégalité de traitement entre autochtones et allochtones. À cause du laxisme de certaines administrations communales, celles qui veulent faire respecter la loi sur leur territoire entrent en conflit avec la communauté musulmane locale. Il faut sensibiliser les autorités communales et les membres de la communauté musulmane tout en affichant clairement par ailleurs la volonté de lutter contre les abattages clandestins.
Par conséquent, il faut prévoir des sanctions de manière à pouvoir intervenir plus efficacement contre la politique de tolérance qui contribue au maintien de pratiques illégales. Les fonctionnaires mais aussi les responsables politiques locaux qui concourent à la poursuite de ces pratiques doivent pouvoir être sanctionnés en tant que coauteurs.
On doit bien entendu pouvoir enlever les déchets sans pour autant être soupçonné de faciliter des pratiques illégales. Il doit s'agir d'un enlèvement postérieur à l'infraction ou au terme des trois jours de la fête du sacrifice et non pas, par conséquent, de la mise en place de conteneurs à titre préventif, ce qui constituerait un encouragement manifeste de l'autorité à pratiquer des abattages clandestins. Lors de l'enlèvement des déchets d'abattage, la police peut intervenir afin de procéder aux constatations nécessaires.
Article 12
Dans sa forme actuelle, l'article 16, § 1er, alinéa 2, de la loi du 14 août 1986 relative à la protection et au bien-être des animaux, est libellé comme suit: « Les dispositions du chapitre VI de la présente loi, à l'exception de l'article 16, § 2, alinéa 2, ne s'appliquent toutefois pas aux abattages prescrits par un rite religieux.
Selon la définition de la loi, l'abattage est une mise à mort (d'un animal domestique en vue de la consommation). L'article 15, alinéa 1er (qui figure au chapitre VI de la loi), s'énonce comme suit: Un vertébré ne peut être mis à mort que par une personne ayant les connaissances et les capacités requises, et suivant la méthode la moins douloureuse. Sauf cas de force majeure ou de nécessité, il ne peut être mis à mort sans anesthésie ou étourdissement.
Cette disposition va trop loin. Il est nécessaire que tout sacrificateur satisfasse aux conditions en matière de connaissances et de capacités qui sont requises de tous les abatteurs et que la loi ne laisse pas planer le moindre doute en l'espèce. L'unique exception aux règles légales d'abattage (au moment de l'abattage) ne peut porter que sur l'obligation d'étourdissement préalable. Il n'est donc pas exclu que lorsqu'il est imposé par un rite religieux, le soufflage d'un organe puisse être autorisé (par exemple des poumons, afin de garantir une viande glatt-casher) (cf. article 31, § 3, alinéa 2, de l'arrêté royal du 22 décembre 2005 relatif à l'hygiène des denrées alimentaires d'origine animale). Cela ne doit pas poser de problème en soi, dans la mesure où l'animal est déjà mort.
Un sacrificateur juif ou musulman doit évidemment avoir une connaissance tout aussi bonne de la réglementation, des conditions d'hygiène, et avoir reçu une formation pratique. Prévoir une exception légale en vue d'autoriser les abattages rituels est une chose, autoriser que l'abattage soit pratiqué par le patriarche de la famille qui n'a reçu aucune formation en ce sens en est une autre. La revendication d'un droit implique certains devoirs pour se conformer autant que possible à la norme. Les efforts doivent venir des deux côtés.
L'exception à l'obligation d'étourdissement est en outre limitée expressément aux bovins, ovins et caprins. Le législateur est habilité à prévoir — ne fût-ce que pour éviter des dérapages — des restrictions concernant l'espèce animale qui peut faire l'objet d'un abattage rituel.
Article 13
Tous les abattages ont lieu dans un abattoir (sans préjudice de l'exception prévue pour les lieux d'abattage temporaires).
Les représentants du culte sont tenus de délivrer une preuve d'autorisation. Comme une autorisation peut aussi être retirée par l'organe représentatif du culte, il doit être matériellement possible de vérifier régulièrement si l'autorisation est encore valable. Voilà pourquoi les autorités civiles doivent fixer une durée de validité pour l'autorisation. L'organe représentatif peut se borner à confirmer la validité d'une autorisation accordée à un sacrificateur.
La réglementation actuelle prévoit déjà que c'est l'organe représentatif des musulmans qui détermine si les sacrificateurs sont ou non compétents pour effectuer l'abattage rituel. Cette autorisation doit être consignée dans un document daté et signé valable pour trois ans et renouvelable. L'exécutif des musulmans est garant des capacités des personnes habilitées à procéder aux abattages rituels dans le cadre de la fête du sacrifice. Les autorités religieuses doivent aussi veiller à informer la communauté religieuse de la réglementation en vigueur en utilisant les moyens de communication dont elles disposent [brochures, affiches dans les mosquées, messages radiophoniques, informations diffusées par le biais des communes ou des régions (par exemple: l'Agence Bruxelles-Propreté)]. L'information sur les règles à respecter doit toujours être uniforme et ne peut dès lors varier d'une mosquée à l'autre.
Il s'avère malgré tout que l'exécutif des musulmans doit améliorer la formation des abatteurs musulmans. Actuellement, des autorisations sont délivrées à des sacrificateurs rituels qui ne produisent pas la moindre preuve qu'ils ont suivi une formation. Cela devrait être interdit. Les sacrificateurs habilités par les organes représentatifs du culte doivent eux aussi prouver qu'ils possèdent les connaissances et les capacités requises pour l'abattage d'animaux. Il est aisé de fournir la preuve que l'on dispose des connaissances en question. Si l'on a une expérience suffisante, les chances de succès sont grandes. Il faudra évidemment aussi connaître la réglementation et les prescriptions en matière d'hygiène.
Article 14
Ce sont surtout les consommateurs juifs moyens qui se plaignent de l'extrême difficulté qu'ils éprouvent à obtenir la garantie que la viande qu'ils achètent est vraiment casher ou casher-glatt. Certains commerçants juifs craignent quant à eux de ne plus pouvoir écouler leur viande et estiment par conséquent que toute référence au mode réel d'abattage n'est pas conforme à la kashrut. Pour eux, les règles en matière de bien-être des animaux ne comptent déjà pas lorsqu'il s'agit de leur pratique religieuse, mais encore moins lorsque des intérêts commerciaux sont en jeu.
Quoi qu'il en soit, bon nombre de citoyens non juifs et non musulmans s'offusquent du traitement rituel infligé aux animaux. Actuellement, on trouve, en grande surface, de la viande casher et halal, provenant d'animaux abattus selon le rite, sans autre information quant à sa provenance. Pas moins de 90 % de la viande casher serait consommée en dehors de la communauté juive. Les consommateurs courent donc un grand risque d'acheter, à leur insu, un morceau de viande provenant d'une bête qui a souffert, alors que leur conscience le leur interdit formellement. Ces consommateurs-là peuvent eux aussi revendiquer le respect de leurs droits philosophiques. Les pouvoirs publics ont le devoir d'informer correctement le consommateur. La liberté de culte ne peut justifier qu'on laisse des consommateurs dans l'ignorance en l'espèce.
L'auteur ne croit pas vraiment que l'on court au fiasco. Tous les juifs et de nombreux musulmans qui achètent actuellement — par erreur ou non — de la viande qui n'est ni casher ni halal, s'approvisionneront sans exception avec ces produits. Pour les musulmans, la viande casher est d'ailleurs halal. Deuxièmement, les Belges qui n'appartiennent pas à une des communautés religieuses précitées sont principalement des consommateurs de viande porcine. Plus de la moitié de la viande consommée (52 kg par personne par an) est de la viande porcine. La deuxième espèce de viande la plus consommée est la viande de bœuf ou de veau, qui représente seulement 21,5 kg par personne et par an. La consommation de viande porcine augmente, alors que celle de viande bovine diminue. Les volailles occupent la troisième place, avec 18,9 kg. La volaille la plus consommée est le poulet. En dernier lieu, on trouve la viande de mouton et de chèvre, qui représente 2,2 kg par personne et par an, et la viande chevaline, qui en représente 1,8 kg.
Si une partie des Belges refusent sciemment de consommer la viande en question, ce refus sera compensé, au moins partiellement, par un groupe de personnes qui estiment devoir faire preuve de solidarité. Il y aura aussi toujours des Belges pour qui tout cela n'a aucune espèce d'importance.
La mention, apposée par marquage, pourrait être la suivante: « cfC-art.16,§ 2,2º,L.14/08/86 » pour la viande casher ou « cfH-art. 16,§ 2, 2º, L.14/08/86 » pour la viande halal et « cfCG-art.16,§ 2,2º,L.14/08/86-art. 31,§ 3, 2º,AR22/12/05 » pour la viande Glatt-casher. Cela se fera, selon le cas, à l'abattoir, dans les ateliers de découpe ou dans les ateliers de préparation des viandes, en Belgique ou à l'étranger.
Les arguments contre le marquage sont les suivants:
— Le marquage pourrait entraîner des manifestations aux magasins, si bien qu'à terme, plus aucun magasin ne vendrait encore cette viande.
Il existe des magasins musulmans et juifs qui continueront à proposer cette viande en toutes circonstances, même si l'une ou l'autre organisation devait mettre sur pied une action de protestation occasionnelle. Les actions de protestation sont d'ailleurs importantes pour maintenir le débat dans l'actualité. Si une protestation est inspirée purement et simplement par le rejet de coutumes allochtones, on peut y réagir par le biais de la loi réprimant le racisme.
En outre, le marquage ne sera encore synonyme d'abattage sans étourdissement que jusqu'à la levée de son autorisation (voir infra dans la présente justification). À partir de ce moment, il n'aura plus qu'une valeur informative pour les juifs et les musulmans. L'auteur souligne d'ailleurs que le texte fait référence à l'article 16, § 2, alinéa 2, et non à l'article 16, § 1er, alinéa 2.
— Aucun autre pays de l'Union européenne n'impose un tel marquage.
Chaque pays est souverain, même si les États membres de l'UE doivent évidemment tenir compte du droit communautaire. Toutefois, l'auteur ne perçoit à première vue aucun problème du point de vue du droit européen (cf. le principe du rule of reason, selon lequel toutes les entraves au commerce — à supposer qu'il y en ait une en l'espèce — ne sont pas nécessairement illégales). Les cinq éléments-clés sont les suivants: il doit s'agir de mesures non discriminatoires, justifiées de manière objective par des motifs d'intérêt général, il ne peut être question d'un double contrôle et les mesures en question doivent être proportionnelles à l'objectif poursuivi (proportionnalité). Il n'est pas question dans ce cas d'une « mesure d'effet équivalent » ou d'une « mesure sans distinction ». L'article 30 du traité CE dispose ce qui suit:
« Les dispositions des articles 28 et 29 ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation, d'exportation ou de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale. Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres. »
Dans l'arrêt Cassis de Dijon — affaire nº 120/78 du 20 février 1979 — la protection des consommateurs est aussi mentionnée en toutes lettres en tant que cause de justification (considérant 8 de l'arrêt:
« En l'absence d'une réglementation commune, les obstacles à la circulation intracommunautaire résultant de disparités des législations nationales relatives à la commercialisation d'un produit doivent être acceptés dans la mesure où ces prescriptions peuvent être reconnues comme étant nécessaires pour satisfaire à des exigences impératives tenant, notamment, à l'efficacité des contrôles fiscaux, à la protection de la santé publique, à la loyauté des transactions commerciales et à la défense des consommateurs »).
Il ne semble pas davantage être question d'une discrimination inacceptable fondée sur une conviction religieuse au sens de l'article 13, paragraphe 1er, du Traité CE, car il ne s'agit pas d'une mesure dirigée contre une communauté religieuse, mais d'une exigence dérivée d'une mesure en faveur de la communauté de croyants, qui est tout autant dans l'intérêt de cette communauté que dans celui des autres citoyens.
— Le marquage pourrait favoriser une concurrence déloyale.
L'exception légale s'applique dans le cadre de la liberté de culte, et non dans le cadre de la liberté de commerce. Pour la raison précitée, l'auteur prévoit que la viande en provenance de l'étranger doit également comporter ces mentions. Celles-ci sont apposées dans notre pays sous la responsabilité de l'exploitant d'un abattoir et, en cas d'importation, sous la responsabilité de l'importateur.
L'arrêté royal réglant cette matière doit être délibéré en Conseil des ministres, vu l'importance du sujet, qui concerne l'une des libertés constitutionnelles. Le ministre de la Justice doit de toute façon être associé à son élaboration.
L'abattage sans étourdissement préalable est encore autorisé jusqu'en 2009. Il est en effet proposé de prévoir une période transitoire durant laquelle l'abattage sans étourdissement est possible. L'interdiction de l'abattage sans étourdissement n'est pas contraire au droit européen ni aux droits de l'homme. Comme le montre le nouvel intitulé proposé, le présent amendement vise à trouver un équilibre et ne cherche nullement à brusquer les choses. C'est la raison pour laquelle il prévoit une période transitoire de trois ans. Une fois cette période écoulée, il apparaîtra très certainement que les esprits des juifs et des musulmans seront mûrs, c'est-à-dire que la méfiance aura disparu et que le groupe qui restera attaché à l'abattage sans prise en compte de la souffrance des animaux sera alors réduit à une petite minorité. D'où cette clause de limitation dans le temps.
Article 15
Cet article responsabilise les responsables des abattoirs. Ceux-ci doivent s'assurer que, dans leur établissement, l'abattage des animaux s'opère conformément aux prescriptions légales. L'absence de déclaration ne peut être sanctionnée plus sévèrement que l'infraction elle-même à l'une des dispositions du chapitre VI précité (pas de peine d'emprisonnement et une amende de 26 à 1 000 euros).
Article 16
Il s'agit d'une adaptation technique.
Article 17
Il s'agit d'une adaptation technique.
Article 18
Il s'agit d'une adaptation technique.
Article 19
Le présent amendement vise à modifier le Code des impôts sur les revenus. Les libéralités versées dans le cadre de la fête du sacrifice doivent être fiscalement déductibles.
L'auteur souhaite commenter la modification proposée en citant un extrait d'un article intitulé « Goed gekeeld staat netjes », paru dans le journal De Standaard du 15 janvier 2005, dans lequel M. Magerus (échevin de l'Environnement et de la Propreté publique à Molenbeek-Saint-Jean) déclare, en réaction aux remarques de Gaia: « Critiquer est facile, agir l'est déjà beaucoup moins. « Nous avons clairement fait savoir à la population musulmane que les abattages à domicile sont interdits. Notre police effectuera des patrouilles supplémentaires et nous avons également signalé aux musulmans que le sacrifice n'est pas obligatoire et qu'il existe des alternatives, comme le don ou l'achat de viande chez le boucher. » C'est du moins ce que fait l'Anversois d'origine pakistanaise, Iqbal Qureshi: « Lorsque j'ai entendu à la télévision pakistanaise par satellite l'appel aux dons en faveur des victimes du tsunami, j'ai versé l'argent destiné à l'achat d'un mouton en ligne. L'islam autorise cette pratique. Et nous ne ferons pas moins la fête pour autant. ». Gaia approuve ce genre d'initiatives: « On ne peut pas attendre de l'autorité qu'elle prévoie une capacité d'abattage suffisante pour permettre en une seule journée à chaque famille musulmane de faire abattre un animal. D'ailleurs, toutes les communes ne sont pas disposées à accomplir des efforts financiers dans ce sens. C'est la raison pour laquelle nous demandons que la capacité totale d'abattage dans notre pays fasse l'objet d'un inventaire. Si celui-ci révèle que le maximum est atteint, alors il faudra que les musulmans recherchent des alternatives. » C'est ce que souhaite aussi la ville d'Anvers. Geert Lauwers, du cabinet des Affaires sociales, déclare à ce propos: « Notre politique est double. Nous sommes disposés à augmenter la capacité d'abattage mais en la plafonnant. Nous ne pouvons pas continuer à multiplier les lignes d'abattage rien que pour un jour. Le fait est que la capacité d'abattage dans une grande ville est limitée. » « C'est pourquoi nous demandons à la communauté musulmane de s'investir davantage dans l'organisation de la fête du sacrifice tout en réfléchissant à d'autres possibilités, comme, par exemple, la création d'un fonds de solidarité. »
L'auteur est d'avis que l'autorité fédérale a le devoir d'encourager ce type d'initiatives.
D'un autre côté, il y a, en termes budgétaires, un coût limité qui est pleinement justifié.
L'Exécutif musulman aura un rôle important à jouer dans ce dispositif. Il devra confirmer que la personne qui effectue un don le fait dans le but d'accomplir l'obligation religieuse que lui impose la fête du sacrifice et que ni elle, ni un autre membre de sa famille n'a fait abattre un animal (non anesthésié). C'est l'un des aspects de la responsabilisation. En effet, l'Exécutif disposera déjà des coordonnées des personnes ayant pratiqué des abattages durant la fête du sacrifice. Il pourra aider l'administration à contrôler les conditions relatives aux libéralités pouvant être admises à déduction.
Détail: sept jours afin de pouvoir tenir compte dans tous les cas des jours non bancaires.
Article 20
Il s'agit d'un complément indispensable à l'article 19.
Article 21
Cet article n'appelle aucun commentaire.
Jean-Marie DEDECKER. |