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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 16 MARS 2006 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de M. Berni Collas à la vice-première ministre et ministre de la Justice sur «le traitement des recours en grâce royale individuelle par le SPF Justice» (nº 3-1445)

Mme la présidente. - M. Didier Donfut, secrétaire d'État aux Affaires européennes, adjoint au ministre des Affaires étrangères, répondra.

M. Berni Collas (MR). - J'ai été sensibilisé à cette problématique par un jeune stagiaire avocat et j'ai tenu à relayer ses préoccupations.

Le Roi peut, en vertu du pouvoir discrétionnaire qui lui est reconnu par l'article 110 de la Constitution, accorder une remise, totale ou partielle, des peines encourues par un condamné sur proposition de la ministre de la Justice.

La grâce royale individuelle peut être accordée à tout condamné sur requête introduite sans formalité particulière par le condamné ou par toute autre personne intéressée, son avocat par exemple.

Elle est éventuellement accordée après instruction du dossier par le Service des grâces de la Direction générale des établissements pénitentiaires du Service public fédéral Justice, qui sollicite l'avis du parquet et fait procéder à une enquête par la police du domicile ou de la résidence du condamné.

En cas de remise d'un billet d'écrou, c'est-à-dire d'une invitation à se rendre dans les cinq jours à la prison pour y purger sa peine, le recours en grâce reste possible mais doit être introduit immédiatement, dès réception du billet d'écrou, en parallèle avec une demande au service « exécution des peines » du parquet compétent de surseoir à l'exécution de la peine en attendant la décision d'octroi ou de rejet de la grâce royale.

En pratique, dès réception du billet d'écrou, les avocats introduisent systématiquement un recours en grâce et envoient en même temps une lettre au procureur du Roi contenant l'original du billet d'écrou avec une demande de suspension d'exécution de la peine.

Il semblerait que le Service des grâces de la Direction générale des établissements pénitentiaires du Service public fédéral Justice ne clôture pas le dossier, sachant bien que la grâce royale, individuelle ou collective, n'a jamais été accordée par Sa Majesté Albert II.

Comme il est impossible d'entrer en prison sans billet d'écrou original, cette utilisation de la procédure par les avocats fait que beaucoup de peines ne sont pas exécutées.

La ministre peut-elle confirmer cette information ?

Dans l'affirmative, combien de dossiers sont-ils en suspens au Service des grâces de la Direction générale des établissements pénitentiaires du SPF Justice ?

Le Service des grâces envoie-t-il toujours les requêtes au Palais royal ?

Si cet abus de procédure est confirmé, comment la ministre compte-t-elle y remédier ?

M. Didier Donfut, secrétaire d'État aux Affaires européennes, adjoint au ministre des Affaires étrangères. - Je vous lis la réponse de la ministre de la Justice.

L'exécution des peines relève de la compétence exclusive du ministère public auquel il appartient soit d'ordonner d'emblée la mise à exécution, soit d'accorder un délai s'il y a lieu, voire, dans certains cas, de ne pas mettre les courtes peines d'emprisonnement à exécution.

En principe, seules les peines d'emprisonnement de moins de six mois sont suspendues par l'introduction d'une requête en grâce, pour autant que cette demande ait été introduite dans un délai de quinze jours à dater de la décision définitive et que le condamné soit en liberté.

Il faut compter plusieurs semaines pour que les services d'un parquet puissent, via les services de police, faire parvenir un billet d'écrou à un condamné. Par conséquent, l'introduction d'un recours en grâce après réception d'un billet d'écrou n'a quasiment jamais d'effet suspensif. La peine de prison peut donc être exécutée sans problème.

Au terme d'une brève enquête, il semble que la pratique évoquée par M. Collas soit marginale. En outre, le renvoi d'un billet d'écrou au parquet qui a institué l'exécution de la peine ne constitue pas une entrave à l'incarcération. En effet, le billet d'écrou doit informer la prison d'une série de renseignements pratiques, le motif de l'emprisonnement, par exemple.

Le parquet peut donc toujours délivrer une deuxième lettre d'écrou. Le parquet peut en outre, si le condamné ne s'est pas présenté à la prison dans un délai de cinq jours, délivrer un mandat de prise de corps à l'égard de la personne condamnée.

Le service des grâces traite en priorité tous les recours en grâce introduits en faveur des condamnés détenus ainsi que ceux pour lesquels l'exécution de la peine n'est pas suspendue durant l'examen du recours.

Chaque requête est examinée à la lumière des renseignements et avis obtenus auprès des autorités compétentes - judiciaires et administratives - et fait l'objet d'une proposition d'octroi - ou de rejet - de remise ou de réduction de peines qui est soumise à la signature royale.

Le service des grâces, qui relève actuellement des services juridiques du président du comité de direction du département, clôture dans tous les cas l'examen des requêtes en grâce et informe le ministère public de l'issue de chaque procédure.

C'est le Roi qui accorde la grâce. Soit une mesure particulière de grâce est accordée par arrêté royal, soit le recours en grâce est refusé. La grâce qui est accordée d'office - principalement dans le cas d'une détention antérieure inopérante - l'est par arrêté ministériel. Ces dossiers ne sont donc pas envoyés au Palais pour signature.

M. Berni Collas (MR). - Je prends note de ces explications, qui qualifient le phénomène de marginal. Souhaitant analyser ces explications en détail, je me réserve le droit de revenir ultérieurement sur le sujet.