3-418/2

3-418/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 2004-2005

16 NOVEMBRE 2004


Proposition de loi relative à la procréation médicalement assistée


RAPPORT

FAIT AU NOM DU GROUPE DE TRAVAIL « BIOÉTHIQUE » PAR MME NYSSENS


I. INTRODUCTION

Le 29 janvier 2004, un groupe de travail « bioéthique » a été institué par l'assemblée plénière du Sénat, en application de l'article 26 du Règlement du Sénat. Ce groupe de travail s'est réuni pour la première fois le 19 février 2004 et a choisi comme premier thème à traiter la problématique de la procréation médicalement assistée.

Une proposition de loi a déjà été déposée à ce sujet, à savoir la proposition de loi de Mme Defraigne relative à la procréation médicalement assistée (doc. Sénat, nº 3-418/1), qui a été transmise à la commission des Affaires sociales le 29 janvier 2004. Le 10 mars, cette commission a décidé à l'unanimité de recueillir l'avis du groupe de travail « bioéthique ».

Le groupe de travail « bioéthique » a examiné cette proposition de loi au cours de ses réunions des 10, 16, 24 et 30 mars, 20 et 27 avril, 5, 11 et 19 mai, 16, 23 et 30 juin, 7 et 14 juillet et 16 novembre 2004. Le rapport doit être lu comme un avis à la commission des Affaires sociales.

Après un exposé introductif de l'auteur de la proposition de loi (chapitre II), de nombreuses auditions ont été organisées, auxquelles ont participé :

— Le 16 mars 2004 :

— le professeur Frank Comhaire, andrologue, Université de Gand;

— le Dr Michel Dubois, gynécologue, CHR Citadelle Liège.

— Le 24 mars 2004 :

— le professeur Luc Roegiers, Unité d'éthique biomédicale, UCL;

— Mme Micheline Roelandt, présidente du Comité consultatif de bioéthique.

— Le 30 mars 2004 :

— le Dr Marc Abramowicz, Campus hospitalo-universitaire d'Anderlecht, ULB;

— le professeur Dr André Van Steirteghem, AZ-VUB;

— le Dr Rose Winkler, Laboratoire d'oncologie moléculaire, ULg;

— le professeur Edouard Delruelle, philosophie morale et philosophie politique, ULg.

— Le 20 avril 2004 :

— le professeur Paul Schotsmans, chef de service de l'Interfacultair Centrum voor biomedische ethiek en recht, KULeuven;

— le professeur Thomas D'Hooghe, département de gynécologie-obstétrique, KULeuven;

— le Dr Willem Ombelet, service Gynécologie et Fertilité, ZOL Ziekenhuis.

— Le 27 avril 2004 :

— le professeur Michel Dupuis, Unité d'éthique biomédicale, UCL;

— le professeur Christine Verellen, Unité de génétique médicale, UCL.

Le compte rendu de ces auditions figure au chapitre III.

La proposition de loi a ensuite fait l'objet d'une discussion générale, dont on trouvera le compte rendu au chapitre IV du présent rapport. Sur la base de cette discussion, M. Vankrunkelsven, président du groupe de travail, a proposé un ordre des travaux qui a été approuvé par le groupe de travail (chapitre V). Enfin, une série de considérations thématiques et de commentaires ont été formulés; on les trouvera au chapitre VI.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE L'AUTEUR DE LA PROPOSITION DE LOI

Mme Defraigne souligne que les trois propositions de loi qu'elle a déposées — concernant respectivement le diagnostic prénatal et le diagnostic préimplantatoire (doc. Sénat, nº 3-416), les mères porteuses (doc. Sénat, nº 3-417) et la procréation médicalement assistée (doc. Sénat, nº 3-418) — se rapportent certes à trois thèmes différents, mais procèdent d'une même vision et d'une même préoccupation. Elles sont sous-tendues par des sensibilités et des points de réflexion personnels susceptibles de provoquer une certaine polémique. Ce qui importe, c'est qu'elles suscitent le débat et qu'elles permettent de soumettre des sujets de société aussi importants qu'actuels à une discussion approfondie au sein du Sénat.

En ce qui concerne plus concrètement la proposition de loi nº 3-418 relative à la procréation médicalement assistée, Mme Defraigne renvoie aux développements écrits (voir doc. Sénat, nº 3-418/1, pp. 1-10).

III. AUDITIONS

1. Audition du 16 mars 2004

— Prof. Frank Comhaire, andrologue, Universiteit Gent;

— Dr. Michel Dubois, gynécologue, CHR Citadelle Liège;

— Prof. Luc Roegiers, Unité d'éthique biomédicale UCL.

Présidence de M. Patrik Vankrunkelsven

M. Frank Comhaire. — Je remercie la commission de m'avoir invité et je félicite l'auteur de la proposition de loi relative à la procréation médicalement assistée.

Voici quarante ans que je m'occupe de médecine reproductive, surtout en matière d'infertilité masculine. Cette proposition de loi règle certains points de manière plus précise. C'est un acquis réel. À quelques détails près, il s'agit d'une excellente proposition qui témoigne de respect pour les couples concernés.

J'observe toutefois que le mot « koppels » utilisé dans la version néerlandaise de la proposition s'applique aux animaux, non aux êtres humains pour lesquels on parle de « paren ».

Je propose de compléter l'article 4, § 1er, 5e tiret comme suit : « En cas d'infertilité masculine, la fécondation assistée (FIV/ICSI) ne peut être pratiquée que si l'homme concerné a au préalable été examiné dans les règles de l'art et si possible été traité dans le but d'améliorer ou de rétablir sa fécondité. L'examen et le traitement de l'homme doivent être effectués par un spécialiste dont la compétence en la matière (EAA) a été reconnue et qui connaît et applique les directives en vigueur au niveau international (OMS, 2000) ».

La European Academy of Andrology (EAA) organise chaque année des examens pour l'agrément des andrologues cliniciens.

Par « directives en vigueur au niveau international », j'entends les directives de l'Organisation mondiale de la Santé, une organisation jusqu'à présent au-dessus de tout soupçon.

Selon l'OMS un couple est stérile lorsqu'il ne parvient pas à une grossesse spontanée en dépit de ce qu'on appelle une « exposition au risque de grossesse » durant une période déterminée. Cette période est fixée arbitrairement à douze mois car la plupart des couples qui désirent un enfant parviennent à une grossesse dans le délai d'un an.

Je fais un bref rappel historique. Dans les années 1940 le facteur masculin était considéré comme non existant. C'était un facteur occulte, la femme étant toujours désignée comme raison de la stérilité du couple. Par la suite il est apparu peu à peu que l'homme joue un grand rôle dans l'infertilité. Depuis lors et jusqu'en 1980 on a assisté au développement de l'andrologie clinique, c'est-à-dire la partie de la médecine qui s'occupe de l'examen et du traitement de l'homme.

L'introduction de la FIV et l'ICSI a toutefois relégué l'andrologie clinique au second plan. Les technologies de la reproduction assistée ont été lancées avec grand enthousiasme. Aujourd'hui, pratiquement plus aucun homme ne peut ignorer son infertilité. L'andrologie clinique a été considérée par certains comme obsolète.

Le revers de la médaille de la FIV et de l'ICSI est le risque accru de malformations congénitales, d'anomalies neurologiques ou chromosomiques et même, selon certaines recherches, de certaines tumeurs comme le rétinoblastome.

Lord Wilson, membre de la Chambre des Lords, écrit que si des technologies non validées sont appliquées le plus rapidement possible, c'est qu'un avantage commercial est en jeu. Selon le New England Journal of Medecine, la reproduction assistée est de plus en plus « mise sur le marché ». Quant à l'honorable Lord Berry, il déclare : « Children may become the nameless, faceless, voiceless victims of reproductive technology, because they have no standing to oppose the use of those new technologies ». Les enfants ne sont pas en mesure de dire que les techniques expérimentales ne peuvent pas encore être appliquées parce qu'elles présentent un risque.

Je propose de suivre les règles de l'Organisation mondiale de la Santé telles que définies dans le WHO manual for the standardized investigation, diagnosis and management of the infertile male.

C'est une synergie de quatre types d'anomalies qui est à l'origine de l'infertilité : le génotype, le mode de vie, l'endroit où on vit et travaille — exposition aux facteurs environnementaux — et des maladies spécifiques. Je vais à présent démontrer que le point de vue que j'ai exposé dans ma première diapositive est fondé sur des observations et des preuves scientifiques.

L'OMS estime qu'il faut tout d'abord rechercher les facteurs responsables de la mauvaise qualité du sperme chez un homme. D'éventuelles infections doivent être traitées, des modes de vie malsains doivent être corrigés, l'encadrement psychologique doit être renforcé. Si le couple reste néanmoins stérile on a affaire à une infertilité inexpliquée. Si certaines conditions sont remplies, le médecin peut appliquer un traitement médical. Une insémination peut ensuite être envisagée, une méthode peu invasive et sans risque. Si cette méthode ne donne aucun résultat, on peut recourir à la fécondation in vitro et à l'ICSI. Ces deux méthodes sont les possibilités ultimes.

J'en viens à la varice responsable de l'infertilité masculine. Le sang du testicule gauche doit normalement refluer vers l'artère rénale. Le sang doit être projeté vers le haut et revenir ensuite dans la circulation. L'homme est le seul animal qui se déplace debout, ce qui présente quelques désavantages. Une varice peut ainsi se former à la suite d'une inversion de la circulation sanguine dans le testicule. C'est une cause importante d'infertilité. La varicocèle se rencontre chez 8 % des hommes jeunes et chez un tiers des hommes stériles. Cette affection peut être diagnostiquée aisément et peut être traitée en soins ambulatoires; le traitement rétablit une fécondité spontanée de l'homme dans un délai d'un an pour 30 à 40 % des cas et de deux ans dans 60 à 70 % des cas. Ces données proviennent d'une étude de l'OMS.

Un autre facteur est l'infection de la prostate et des vésicules séminales. La prostate se situe sous la vessie et est reliée à l'épididyme et au testicule par le canal déférent. L'infection de la prostate est une cause d'infertilité chez 10 % des Européens.

Cette affection peut être traitée mais il faut d'abord établir le diagnostic en constatant la présence d'un nombre excessif de cellules infectieuses dans le sperme. Ces cellules avalent pour ainsi dire les bactéries et les détruisent en produisant des radicaux d'oxygène, à savoir du peroxyde d'hydrogène. Un examen du sperme permet de détecter facilement ces cellules infectieuses car elles prennent une teinte brune. Pourtant la plupart des laboratoires belges n'utilisent pas cette technique de coloration.

Les radicaux d'oxygène endommagent aussi les spermatozoïdes, non seulement leur membrane mais aussi les chromosomes. Le matériel génétique, l'ADN se situe dans le noyau de la cellule. L'ADN se présente comme une fermeture éclair contenant quatre acides aminés et désignée par une lettre. Quand la cellule se divise, face à la lettre A doit toujours venir la lettre T. La fermeture éclair s'ouvre de telle manière que la première moitié de l'information va dans une cellule et l'autre moitié dans l'autre cellule. La nouvelle cellule doit reconstruire l'ensemble de l'information en ajoutant une seconde moitié face à la première moitié. Dans ce processus, une lettre T fait toujours face à une lettre A et une lettre G à une lettre C. Sous l'action des radicaux d'oxygène produits par exemple par les globules blancs, la lettre G s'oxyde et se s'allie donc plus à la lettre C mais à la lettre T, laquelle se s'attache donc plus à la lettre A. Cela signifie qu'une mutation est intervenue dans la cellule. En soi ce n'est pas un grand problème si ce spermatozoïde ne peut pénêtrer dans l'ovule. Mais si on pratique l'ICSI on introduit le spermatozoïde dans l'ovule. L'ADN muté pénètre donc dans cet ovule, ce qui implique un risque accru d'anomalies génétiques.

Je considère donc qu'un homme présentant une infection doit être traité et que l'anomalie de l'ADN doit être rétablie avant de procéder à une FIV.

Un autre exemple est le mode de vie et le tabagisme. Examinant quels couples sont féconds ou ont un enfant après une insémination intra-utérine, nous avons constaté que dans les couples qui ont abouti à une grossesse grâce à cette technique l'homme n'était pratiquement jamais fumeur. Dans les couples où l'homme fumait plus de dix cigarettes par jour on n'a observé aucune grossesse.

On a donc pratiqué une IIU chez la femme mais sans résultat parce que l'homme est fumeur. Si l'homme ne modifie pas sa consommation de tabac, le traitement n'aura aucun sens. Quand j'ai présenté ces observations elles ont été sérieusement mises en doute.

En cas de FIV et d'ICSI, la probabilité qu'une grossesse aboutisse à la naissance d'un enfant est bien moindre lorsque non pas la femme mais l'homme fume. Si la femme ne fume pas mais l'homme si, la probabilité pour la femme d'être enceinte est trois fois moins élevée que si l'homme ne fume pas.

Il demeure par ailleurs des cas pour lesquels nous ne trouvons aucune cause de stérilité. On parle d'infertilité idiopathique. En fait les facteurs environnementaux, à savoir les substances produites par l'homme et qui ont un effet semblable à l'hormone féminine, jouent ici un grand rôle. Nous les appelons les xéno-oestrogènes. Il s'agit de dioxines, de DDT, de PCB qui réduisent la production de spermatozoïdes.

On peut combattre l'effet néfaste de ces substances en administrant une hormone antiféminine, le Tamoxifène, également utilisé en cas de cancer du sein. Nos recherches ont révélé que l'administration de Tamoxifène chez des hommes présentant une infertilité inexpliquée accroît la concentration du sperme de 250 %. Ces résultats sont contestés jusqu'à ce qu'une evidence based medicine et une analyse en double aveugle établissent que la probabilité relative de grossesse est trois fois plus élevée chez les couples traités au Tamoxifène que chez les couples qui n'ont pas été traités. C'est le nombre de couples qui parviennent à une grossesse aboutissant à la naissance d'un enfant de préférence en bonne santé qui constitue le critère d'évaluation du traitement de l'infertilité. On parle de take baby home rate. Si ces couples ne sont traités que par du tender loving care et de l'accompagnement, près de 12 % d'entre eux obtiennent une grossesse après un an.

Si les varicocèles sont traitées, de 35 à 40 % des couples connaissent une grossesse après un an. Le traitement au Taxomifène donne environ 35 % de grossesses en six mois. La FIV assure à la première tentative un taux de grossesse élevé de 23 %.

Certains couples interrompent toutefois le traitement définitivement ou pour quelques mois. Après un an, le taux est de 35 à 40 %.

D'autres aspects interviennent également, comme le coût d'un enfant. Il ne s'agit pas seulement du coût du traitement. Une FIV coûte environ 3 000 euros, dont une grande partie est à charge de la collectivité. Un couple sur quatre obtient en effet la grossesse souhaitée et la naissance d'un enfant après un seul traitement. Cet enfant représente donc un coût de quatre fois 3 000 euros, soit 12 000 euros. La comparaison du coût d'un enfant né après FIV au coût d'un enfant né après traitement d'une varicocèle ou traitement au Tamoxifène ou même après une IIU fait apparaître une grande différence, capitale sous l'angle éthicodéontologique.

En effet, si la collectivité met un million d'euros à disposition pour le traitement de l'infertilité due au facteur masculin et si on applique les directives de l'OMS, on pourra obtenir près de 320 grossesses spontanées en douze mois, compte tenu de la répartition des différentes affections dans la population, du taux de réussite et du coût du traitement. Si on part du principe qu'il ne vaut pas la peine de traiter un homme au sperme de mauvaise qualité et qu'il faut passer tout de suite à la FIV, on peut, avec un budget d'un million euros et compte tenu du coût par enfant, faire naître 80 enfants. C'est un grand problème éthique et déontologique.

À cela s'ajoute que les coûts périnataux pour un enfant issu d'une FIV sont cinq fois plus élevés que pour un enfant né normalement et qu'un enfant sur quatre de la section de néonatalogie à la clinique universitaire de Gand est issu d'une FIV, alors que la proportion de ces enfants dans la population n'est que de 3 %.

Ne pas appliquer le standard de l'OMS est une faute médicale et déontologique. Invoquer les pressions exercées par les parents pour recourir rapidement à la reproduction assistée est contraire à une bonne pratique médicale. Ce n'est pas un argument acceptable. Il faut réserver ce traitement aux cas pour lesquels il est approprié.

M. le président. — Concernant l'infertilité masculine, le professeur Comhaire a plaidé pour que l'on privilégie l'approche plus classique avant de passer à la FIV.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Les chiffres sur l'infertilité masculine sont peu nombreux. Le professeur a fait référence aux facteurs environnementaux et aux andro-oestrogènes ou xéno-oestrogènes. Dispose-t-il de chiffres à ce sujet ?

M. Frank Comhaire. — Lorsque nous avons débuté la banque de sperme en 1978, 5 % des candidats-donneurs — un échantillon des jeunes Flamands en bonne santé — avaient un sperme de mauvaise qualité. Nous avons établi la limite du normal à ce cinquième percentile. Actuellement on en est à 45 %, soit neuf fois plus. Heureusement tous ne sont pas stériles. En 1978, 1,6 % des hommes présentait un sperme de si mauvaise qualité que la probabilité de grossesse était quasi nulle; aujourd'hui ce taux est de 8 à 9 %; il a donc quintuplé. Nous avons étudié toutes les causes possibles. Il est apparu que la forte pollution de notre environnement joue un grand rôle, surtout à travers l'alimentation mais aussi à travers l'air respiré. Le Steunpunt Milieu en Gezondheid a détecté dans les eaux de surface en Flandre de très fortes concentrations de substances semblables aux hormones féminines.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Le professeur Comhaire a parlé en des termes assez alarmants de possibles anomalies congénitales en cas de FIV et d'ICSI. Lorsque le parlement a discuté dans le passé du remboursement de ces techniques, ces risques n'ont guère été mis en évidence. Peut-être ne nous sommes-nous pas suffisamment arrêtés sur cet aspect. Qu'en pense le professeur Comhaire ?

Il a déclaré que de nombreux cas d'infertilité devaient d'abord être traités avec d'autres techniques que la FIV ou l'ICSI et a proposé d'adapter la proposition de loi à cette fin. Le remboursement de la FIV et de l'ICSI a été instauré récemment. N'était-il pas nécessaire d'assortir le remboursement d'une condition, à savoir qu'il n'est accordé que si tous les examens standards ont été effectués ?

M. Frank Comhaire. — Je suis tout à fait de l'avis de M. Van de Casteele. Les dispositions légales relatives aux centres A et B de médecine reproductive précisent que chaque équipe doit compter un andrologue mais pas qu'il doit être consulté, ni qu'il doit respecter les règles établies par un organe neutre et objectif. C'est pourquoi il me paraît opportun d'insérer ces dispositions supplémentaires par le biais d'un amendement à la proposition de loi actuelle.

Mme Clotilde Nyssens (cdH). — Vous avez parlé d'une méthode ICSI. A-t-elle été évaluée ? J'ai cru comprendre qu'elle présentait des risques de maladies.

Vous avez également parlé des normes OMS. J'en conclus qu'à l'heure actuelle, les médecins et les centres ne sont pas tenus par la loi de respecter ces normes.

Enfin, je suppose que vos propos se basent sur des observations effectuées en Flandre et non sur l'ensemble de la Belgique ?

M. Frank Comhaire. — Tous les centres de médecine reproductive doivent communiquer leurs résultats au Belgian Register for Artificial Procreation (BELRAP). Jusqu'il y a quelques années, ce système d'information comprenait une rubrique « Anomalies congénitales » qui a aujourd'hui disparu. Il était en effet apparu des statistiques que le risque d'anomalies congénitales triple en cas d'ICSI. Ces statistiques ont donc été écartées du système. Je puis vous le démontrer à partir des documents.

Les règles de l'Organisation mondiale de la Santé n'ont pas force de loi mais sont considérées comme une good medical practice. La déontologie en impose le respect.

Les données de Flandre sont sans nul doute confirmées par celles de l'Europe dans son ensemble.

Mme Mia De Schamphelaere (CD&V). — Vous mettez fort l'accent sur les règles de l'OMS. Faut-il en conclure qu'elles ne sont pas respectées dans nos centres de fertilité et qu'on recourt d'emblée à la solution la plus énergique sous l'angle thérapeutique mais aussi la plus éprouvante et la plus coûteuse ?

M. Frank Comhaire. — C'est en effet le cas. Lorsque j'avance cet argument, on me rétorque que la plupart des centres gynécologiques subissent des pressions de la part des parents qui ne sont pas prêts à se soumettre à plusieurs traitements et veulent un enfant sans attendre. Des brochures des centres donnent l'impression que les chances de grossesse sont de 30 à 40 %. Il ne s'agit pas du nombre d'enfants qui voient effectivement le jour mais du nombre de tests HCG positifs. On prétend en outre qu'après trois essais on a 90 % de chances d'être enceinte. Cela aussi est un mensonge.

Mes déclarations m'ont valu l'animosité de ces centres mais on diffuse bel et bien de fausses informations. On prétend en outre systématiquement qu'aucun traitement n'est possible lorsque la qualité du sperme n'est pas normale. C'est tout à fait faux.

M. Philippe Mahoux (PS). — Le problème n'est pas de savoir si des conditions médicales sont respectées pour permettre l'insémination artificielle ou éventuellement la fécondation in vitro, mais de savoir si l'on doit imposer des conditions sociétales à l'application de ces méthodes antifertilité.

Je voudrais attirer votre attention sur le fait que les infertiles dont vous parlez ne sont pas des infertiles homogènes. Selon moi, le coût devrait être évalué en fonction du type d'infertilité masculine.

Le problème du remboursement ne relève pas d'une démarche de type légistique mais d'arrêtés royaux. Les décisions en matière de remboursement ne sont pas prises par le Parlement mais par l'exécutif.

L'idéal serait que les guidelines comme celles établies par l'OMS ou par d'autres instances, soient définies pour notre pays en particulier, les règles de l'OMS étant élaborées pour le monde entier et présentant d'importantes spécificités. Les influences environnementales, par exemple, ne sont pas les mêmes au Sahel qu'à Hoboken!

Conditionner les remboursements, voire, ce qui serait encore plus contraignant, l'application des techniques, au respect de guidelines, serait une grande particularité sur le plan de la pratique médicale, dans ce secteur comme dans d'autres. On peut considérer scandaleux d'utiliser des méthodes non appropriées. Mais c'est une évaluation de la pratique médicale. Que penseriez-vous si le législateur vous imposait de passer par une série de phases contraignantes ?

M. Frank Comhaire. — La proposition vise quand même à donner des directives pour préciser les circonstances dans lesquelles on a recours à l'insémination avec donneur, comment assurer l'anonymat du donneur, etc.

J'admets que la composition de la population n'est pas homogène. L'essentiel est toutefois de prendre des dispositions dans l'intérêt de l'enfant. Contrairement aux parents, l'enfant n'est pas là pour faire valoir ses droits. Il est nameless, faceless and voiceless. Cela a donné lieu à bien des discussions en France. De nombreux enfants connaîtront des problèmes à la suite de l'application de techniques insuffisamment éprouvées ou appliquées dans des conditions qui ne sont pas optimales.

Je ne parle pas de remboursement mais d'une good medical practice. Si cette bonne pratique médicale n'est pas suivie par de bons praticiens, il faut prendre des mesures légales. Il en va de même pour l'insémination avec donneur, la conservation du sperme des donneurs, la sélection des donneurs, etc. Et je ne parle même pas de pratiques telles que les mères porteuses.

Enfin je voudrais également souligner que le sperme des hommes d'Hoboken est de meilleure qualité que celui des hommes de Peer. Alors que Peer est une commune rurale du Limbourg, on a constaté que la qualité du sperme y est moins bonne en raison de l'utilisation de pesticides pour la culture maraîchère.

Cela signifie qu'il n'existe pas de données prévisibles. Ce problème fait d'ailleurs l'objet d'une étude au Steunpunt Milieu en Gezondheid.

En revanche, nous savons que certains problèmes peuvent être résolus de manière conservatrice, sans devoir recourir à des traitements radicaux.

M. François Roelants du Vivier (MR). — J'ai lu certains articles alarmistes, notamment en provenance des États-Unis, sur ce que l'on appelle les hormon disrupting chemicals. Pourriez-vous nous indiquer une liste d'articles de la littérature qui nous indiquent quelles sont les conséquences de ces phénomènes ici en Europe ? Je suis toujours un peu inquiet lorsque l'on fait référence à la situation américaine.

Par ailleurs, que peut-on faire en matière de médecine préventive ? La situation que vous décrivez est celle d'un jeune adulte. Peut-on, auparavant, résoudre cette question par le biais de la médecine préventive ?

M. Frank Comhaire. — Quant aux dérégulateurs endocriniens, nous sommes plus loin en Flandre que les Américains. Nous disposons de méthodes de recherche et de données sur les 25 dernières années. Elles ont par la suite été confirmées en Angleterre, en France, en Allemagne et au Danemark. Je vous les transmettrai volontiers. Nous disposons également d'articles de synthèse et nous avons développé de nouvelles méthodes pour déceler ces substances, ce qui était impossible dans le passé.

La question sur la prévention me réjouit. La varice est la cause de l'infertilité masculine dans un cas sur trois. Cette maladie apparaît à la puberté. Le diagnostic est facile à poser lors de la visite médicale scolaire et ce problème peut être résolu sans traitement chirurgical. Cela permet d'éviter des difficultés plus tard. Depuis vingt ans je prêche dans le désert. L'information sur les infections, l'alimentation et le tabagisme est importante. On commence peu à peu à l'assurer.

Mme Jacinta De Roeck (sp.a-Spirit). — La FIV et l'ICSI comportent des risques. Sont-ils plus importants en cas d'ICSI ? Est-il vrai que cette méthode peut produire des garçons stériles ? Elle ne devrait être employée que dans des cas bien déterminés. Est-elle aussi employée lorsqu'une FIV suffirait, sous la pression du couple ?

M. Frank Comhaire. — Lors d'une FIV classique, le spermatozoïde devant encore fusionner avec l'ovule, le pourcentage d'anomalies congénitales ne diffère pas significativement de celui des enfants nés après une conception spontanée ou une IIU. La méthode ICSI utilise des spermatozoïdes pouvant intrinsèquement présenter des anomalies. Je n'ai cité que l'exemple de l'ADN et de l'ADN oxydé. Si on étudie d'où proviennent les anomalies observées sur les embryons, il apparaît qu'en cas d'ICSI elles proviennent presque toujours de l'homme. L'ICSI n'est d'ailleurs en principe autorisée qu'en cas d'infertilité masculine. Cependant on l'utilise aussi pour accroître le degré de fertilité. Cela se passe dans 80 % des cas et ne se justifie à mon sens pas toujours. L'ICSI accroît le risque de troubles du développement et d'autres problèmes chez les descendants.

M. Michel Dubois, gynécologue, CHR Citadelle Liège. — Je vous remercie de cette invitation à participer à vos travaux.

D'emblée, je dirai que j'adhère pleinement au développement qu'a fait le professeur Comhaire quant à la nécessité d'une approche étiologique de l'infertilité et non d'un traitement systématique par la fécondation in vitro. Le plaidoyer qu'il a fait, en tant qu'andrologue, pour la mise au point masculine peut être fait, par le gynécologue, pour la mise au point féminine. Il y a autant de causes diverses d'infertilité féminine que masculine. Un traitement de fécondation in vitro ne peut être réalisé qu'après une mise au point aussi soigneuse que pour l'homme. Je ne vous ferai pas un cours magistral sur toutes les causes possibles d'infertilité chez la femme ... Mais je pense que le raisonnement est exactement le même.

Cette nécessité d'une approche spécifique fait partie de la bonne pratique médicale; il ne devrait pas être nécessaire de l'inscrire dans un texte de loi.

En ce qui concerne les propositions qui ont été déposées, je voudrais me concentrer sur celles qui concernent la procréation médicalement assistée et vous faire part, en tant que clinicien essentiellement, de quelques réflexions qui apparaissent à la lecture de ces propositions.

Le premier point que je tiens à aborder concerne les populations auxquelles s'adressent les techniques de procréation médicalement assistée. Quelles que soient les convictions philosophiques ou l'approche éthique, on n'épargnera pas le débat sur les couples mais aussi sur les couples homosexuels et sur les recours à la procréation médicalement assistée chez les femmes seules.

Je voudrais faire état de la situation de notre centre, identique à celle de plusieurs centres en Belgique, notamment dans la région bruxelloise, par rapport aux demandes de couples lesbiens ou de femmes seules.

Pour un centre qui réalise entre 400 et 500 cycles de procréation médicalement assistée, nous recevons entre 80 et 100 demandes de couples homosexuels par semestre. Ce nombre va croissant.

En ce qui concerne les demandes de femmes seules, nous recevons entre 20 et 30 demandes par semestre. Cette proportion est relativement stable depuis deux ans.

Une très grande différence apparaît entre ces deux populations, à savoir la différence d'âge.

La moyenne d'âge des couples homosexuels qui nous consultent est en dessous de trente ans, la moyenne d'âge des patientes qui demandent le recours à une insémination en tant que femmes seules est de trente-huit ans.

Bien sûr, cette différence est la conséquence de la lutte contre l'horloge biologique. C'est aussi l'illustration de la différence dans l'approche d'une demande d'IAD dans ces deux populations.

En ce qui concerne ces approches, on peut aussi retrouver des différences dans la suite qui leur est donnée. Toute demande de couple homosexuel ou de femme seule fait l'objet d'investigations psychologiques approfondies. Lorsqu'on regarde les dossiers qui sont acceptés dans notre centre, mais la situation est similaire dans les centres bruxellois, on constate qu'après discussion entre psychothérapeutes, psychologues, gynécologues et les biologistes, 60 à 65 % des dossiers de couples homosexuels sont acceptés alors que seuls 10 % des dossiers des femmes seules le sont. Ces choix sont le reflet de nos questionnements sur le devenir des enfants dans une famille monoparentale où la relation est duelle et non triangulaire, ce qui peut poser des problèmes par la suite.

Dans la proposition de loi telle qu'elle a été déposée, les couples homosexuels sont pris en compte mais les femmes seules ne le sont pas. J'estime qu'il faut s'interroger par rapport à leur démarche.

Je voudrais aussi soulever une question concernant l'article 6 et la limitation de l'accumulation d'embryons congelés. L'article 6 dispose qu'un nouveau traitement de fécondation in vitro ne puisse être entamé avant que les embryons congelés n'aient été replacés. Cette disposition est justifiée. Elle l'est d'autant plus qu'avec le remboursement du traitement et la limitation de ce remboursement à 43 ans, on se trouve confronté à des demandes de patientes approchant la quarantaine, demandant les six cycles de traitement auxquels elles ont droit. Quitte à créer une banque d'embryons congelés dont elles pourront se servir par la suite. C'est évidemment un écueil auquel il faut faire attention. Cependant, cette limitation du nombre d'embryons cryoconservés a des répercussions différentes selon les centres. En Belgique, l'attitude par rapport à la cryopréservation embryonnaire est extrêmement variable.

En ce qui concerne l'évolution du nombre de demandes d'insémination artificielle chez les couples lesbiens et les femmes seules, l'origine géographique de ces demandes est extrêmement importante. En effet, interdire conduit simplement à déplacer le problème d'un pays à l'autre. En France, la législation interdit l'insémination chez les femmes homosexuelles et chez les femmes seules. Résultat : 70 % des demandes de couples homosexuels qui nous sont adressées viennent de France. D'autres vont en Angleterre ou en Espagne.

En ce qui concerne les femmes seules, il y a aussi une certaine dominance de personnes françaises, mais elle est moins marquée que dans le cas des couples lesbiens.

Je reviens un instant au problème des embryons surnuméraires. L'attitude à l'égard des embryons cryopréservés peut être différente d'un centre à l'autre. Le CPMA de Liège réalise 5,4 % de l'ensemble des cycles réalisés en Belgique. Ce n'est donc pas un très grand centre. Le nombre de grossesses obtenues représente 7,1 % des grossesses obtenues pour l'ensemble de la Belgique. Mais après transfert d'embryons congelés, le centre de Liège, aussi petit soit-il, représente à lui seul 38 % des grossesses déclarées pour l'ensemble des centres belges.

Alors que la proportion d'enfants nés après cryopréservation pour l'ensemble du BELRAP est de 8,4 %, elle est de 33 % chez nous. Or, la loi sur le remboursement nous pénalise énormément car un forfait est attribué pour le transfert d'embryons frais et pour la congélation, que celle-ci soit réalisée ou non. À nouveau, la tentation est grande de ne congeler que les très beaux embryons et de limiter ainsi les possibilités de transfert de façon à ne pas être pénalisé, puisque la multiplication des transferts entraîne une augmentation des frais. C'est pourquoi je pense qu'une réflexion doit être menée sur ces embryons surnuméraires.

M. Philippe Mahoux (PS). — Il nous a été dit que la sélection d'embryons était pratiquée dans tous les centres. Vous choisissez donc l'embryon qui paraît le plus sain pour le réimplanter. Notre information est-elle exacte ?

Par ailleurs, une partie des échecs peut être liée à la qualité de l'embryon réimplanté. Dès lors, si vous limitez — ce qui peut paraître légitime — la production nouvelle d'embryons, qui ne se justifie que s'il y a échec des réimplantations, vous vous privez d'une modification du paramètre probablement lié à l'échec.

Je vous pose ces deux questions simplement pour savoir comment vous pratiquez chez vous.

M. Michel Dubois. — Il est évident que pour le premier transfert — transfert « frais » — d'un embryon non cryopréservé, la loi conduit les centres à appliquer la sélection de façon à donner un maximum de chances de réimplantation puisque l'on ne peut remettre qu'un seul embryon. Entre les tests dont on dispose pour juger la qualité d'un embryon et sa capacité à s'implanter, il y a une marge. Il n'existe pas de relation absolue entre les critères morphologiques — les seuls disponibles — et les critères de qualité de développement ou de chronologie de développement. C'est extrêmement brutal par rapport à ce qu'il faut pour qu'un embryon s'implante ou non. Par ailleurs, le versant endométrial est une inconnue. Le premier embryon est toujours celui dont on estime qu'il donne le plus de chance d'implantation.

Concernant les embryons surnuméraires, il y a deux attitudes : soit on ne congèle que les embryons qui suivent — les meilleurs — et on fait abstraction de tous les autres, soit on congèle tout — c'est notre choix — et on fait le tri après, c'est-à-dire lors de la décongélation. En effet, on s'est aperçu que même un bel embryon cryopréservé n'allait pas nécessairement donner, après décongélation, le plus beaux des embryons décongelés. Cette modification de sélection, sélection a posteriori, implique un travail beaucoup plus important.

M. Philippe Mahoux (PS). — Si une série d'embryons congelés aboutit à des échecs, qu'est-ce qui vous empêche d'en faire de nouveaux ?

M. Michel Dubois. — Les chiffres que je viens de vous montrer. Pour nous, les embryons congelés représentent 30 % des enfants que l'on obtient, soit une chance réelle pour les couples. Il faut savoir qu'un transfert congelé représente une charge négligeable pour la patiente en termes de risques, et de coût de traitement. Par ailleurs, ce traitement est moins lourd que pour une insémination artificielle versus un nouveau traitement de fécondation in vitro avec tous les coûts qu'il implique et les risques, rares, peut-être, mais relativement importants, pour la mère. Si l'on peut avoir un bénéfice au travers des embryons congelés, avec un taux de grossesses satisfaisant, cette attitude est tout à fait défendable.

Un autre point abordé dans le projet de loi est celui de l'anonymat du don de gamètes et du don d'embryons. Ce débat qui pourrait nous emmener fort loin, vient de faire l'objet d'un avis du Comité consultatif de Bioéthique, lequel a accompli un travail remarquable à tous égards, considérant ce point de vue. Une des propositions de ce Comité est une approche mixte de l'anonymat du donneur permettant à certains donneurs d'être identifiables lorsque l'enfant atteint un certain âge. Le Centre adhère totalement à cette proposition qui permet à l'enfant de connaître ses origines tout en respectant le choix des parents. La seule inconnue est la réaction des donneurs par rapport à la possibilité d'être identifié. En Suède, quand le problème s'est posé, le nombre de donneurs a pratiquement disparu.

Le dernier point du projet de loi traite du devenir des embryons surnuméraires. Il est proposé que ceux qui sont « abandonnés » par le couple, au terme d'une période de cinq ans, soient donnés directement à la recherche.

La situation actuelle est tout à fait différente : au terme des cinq ans, le consentement éclairé signé par les patients en début de traitement indique que ces embryons seront détruits et non pas donnés à la recherche. Si l'on considère l'attitude des couples par rapport au fait de donner un embryon à la recherche ou à un autre couple, on constate qu'il faut être très attentif au moment où l'on pose la question. Ces aspects sont envisagés avant le traitement; il est tout à fait logique que la destination des embryons surnuméraires soit envisagée avant que la patiente ou le couple ne commence le traitement. Comme vous le voyez sur cette diapositive, avant toute réalisation, un tiers des couples est d'accord de donner leurs embryons surnuméraires à la recherche, s'ils ont obtenu une grossesse; un tiers environ est d'accord de le donner à un autre couple et, d'emblée, les autres veulent la destruction.

Lorsque l'on pose la question deux ans plus tard, à une population qui a obtenu une grossesse — ceux qui n'ont pas obtenu de grossesse ont fait l'objet de l'implantation de tous leurs embryons congelés —, l'attitude est tout à fait différente, car l'embryon s'est matérialisé en un enfant. La notion abstraite du début de la démarche s'est concrétisée en un enfant bien vivant. Alors, le don à la recherche ne représente plus que 10 % des souhaits émis par les couples. Il faut donc faire très attention lorsque l'on décrète que les embryons « abandonnés » seront donnés à la recherche. Ou alors, il faut que cela fasse partie d'un consentement éclairé au départ.

M. le président. — Pourquoi les couples souhaitent-ils que leurs embryons soient conservés ? Pour avoir un deuxième enfant ou pour le traitement de leur premier enfant ?

M. Michel Dubois. — Les possibilités qui sont offertes aux couples, au départ, sont bien sûr la cryoconservation de leurs embryons en vue d'une éventuelle nouvelle grossesse, la destruction ultérieure lorsqu'ils ne souhaitent plus d'autre grossesse, le don à la recherche ou à un autre couple qui ne peut avoir d'enfant par une autre technique.

Deux ans plus tard, lorsque l'on pose à nouveau la question, un certain nombre de couples souhaitent toujours garder leurs embryons en vue d'une éventuelle autre grossesse.

Il faut également réfléchir à la question suivante. Le transfert d'embryons peut être envisagé après le décès d'un conjoint. Certaines dispositions apparaissent dans la loi à cet égard; par contre, il n'en apparaît pas en ce qui concerne la séparation du couple. Or, en vingt ans de pratique, je n'ai pas encore été confronté à un cas de transfert post mortem. Certes, ce n'est pas une raison pour ne pas l'envisager, mais le problème est relativement rare. On a connu quelques cas médiatiques, mais on sait la valeur de ces phénomènes par rapport à la réalité des choses.

Par contre, nous avons été plusieurs fois confrontés à des courriers recommandés de conjoints séparés qui exigent la destruction de leurs embryons. Cette demande provient souvent du mari, forcément.

M. Philippe Mahoux (PS). — Quelle attitude adoptez-vous face à ce type de demande ?

M. Michel Dubois. — On a un accord préalable du couple ...

M. Philippe Mahoux (PS). — ... de détruire en cas de séparation ?

M. Michel Dubois. — Oui, cela figure dans l'accord préalable.

M. Frank Comhaire. — Cette question a fait l'objet d'une décision du Comité d'éthique.

M. Philippe Mahoux (PS). — N'oubliez jamais qu'il n'y a pas de décision du Comité d'éthique.

Mme Jacinta De Roeck (sp.a-Spirit). — J'entends que vous posez aux couples des questions sur le devenir des embryons. Ces questions, vous les posez au début du processus, et aussi après deux ans. Cette pratique est-elle généralisée, ou est-elle particulière à votre centre ?

M. Dubois. — Non, il s'agit d'une règle générale suivie partout en Belgique. Cela fait partie du consentement éclairé.

Mme Christine Defraigne (MR). — Depuis l'arrêté royal du 1er juillet 2003 qui organise le remboursement, avez-vous constaté une augmentation des demandes ? Dans quelle proportion ? Des couples attendaient-ils la date du 1er juillet ? Y a-t-il eu après cette date un pic de demandes, suivi d'une stagnation ?

M. Dubois. — Je possède quelques informations très récentes à ce sujet. Je participais hier soir à une réunion du Collège de médecins de médecine de reproduction et nous avons analysé les cas traités durant le deuxième semestre de l'année 2003, c'est-à-dire durant les six mois qui se sont écoulés après l'entrée en vigueur de la loi sur le remboursement.

Pour l'ensemble des centres belges, l'augmentation du nombre de cycles traités est de 30,5 % en moyenne, mais ce taux varie entre 9 % et 151 % parmi les centres répertoriés par le BELRAP.

Mme Christine Defraigne (MR). — Lorsque vous décidez d'admettre des couples lesbiens au bénéfice de la PMA, ou dans une moindre mesure, des femmes seules, quels sont les critères qui vous guident ? Prenez-vous la décision en équipe pluridisciplinaire ?

M. Dubois. — Tout à fait. Quant aux critères, ce sont essentiellement des critères d'épanouissement de la personnalité de l'enfant au sein de cette famille lesbienne ou monoparentale. C'est par rapport à l'enfant que nous prenons position et non par rapport au couple ou à la patiente seule. Quant aux couples lesbiens, nous sommes frappés par leur degré de réflexion sur la venue de l'enfant. Franchement, si tous les couples hétérosexuels réfléchissaient autant et envisageaient aussi sérieusement les conditions d'épanouissement de l'enfant avant de le concevoir, nous ferions un énorme pas en avant.

C'est peut-être triste à dire, mais c'est un constat. Les couples lesbiens qui demandent une PMA sont rarement des couples récents, ils ont déjà une durée de vie assez longue, quatre à cinq ans, et offrent une structure bien mise en place, avec un entourage social, familial et professionnel. C'est vraiment étonnant.

Mme Isabelle Durant (ÉCOLO). — La situation des personnes qui demandent une insémination est très difficile a évaluer, y compris dans la durée et dans le temps. L'encadrement social, professionnel et familial peut changer, et des tas de choses peuvent se produire dans la vie des individus. Les personnes qui opèrent des choix ont donc une très lourde responsabilité car, par définition, le cadre de vie de l'enfant à venir peut se modifier de façon substantielle. Comment vérifier si des femmes qui se présentent seules sont effectivement seules, par exemple ?

M. Michel Dubois. — Je suis tout à fait d'accord avec vous. Tel est bien le questionnement que l'on nous soumet dans le cadre de nos pratiques. Je ne prétends pas avoir la solution à ce type de problème social, mais ce que vous dites est aussi vrai pour un couple hétérosexuel. Celui-ci peut aussi se présenter comme il le souhaite. D'où l'importance de la décision pluridisciplinaire et des entretiens psychologiques.

En ce qui concerne les femmes seules, nous refusons d'emblée quand il s'agit de demandes pathologiques, ce qui arrive de temps en temps. Mais le plus souvent, la femme est renvoyée vers une prise en charge psychologique pour réfléchir à son projet. Cela ne veut pas dire qu'au terme de x consultations chez le psychiatre ou le psychologue, on pratiquera automatiquement une insémination.

Nous avons peut-être refusé des cas où tout se serait très bien passé, et il est possible que nous ayons accepté de pratiquer une insémination chez des couples homosexuels sur le point de divorcer. Ce n'est toutefois pas lié à l'homosexualité mais à l'évolution de la personne.

Mme Isabelle Durant (ÉCOLO). — Vous suggériez d'être attentif à la problématique des femmes seules car, en France, l'insémination est interdite à ces femmes.

M. Michel Dubois. — Je considère qu'il ne faut pas interdire mais laisser aux centres la liberté d'accepter ou de refuser de pratiquer une insémination chez un couple homosexuel. Il ne faut pas imposer ce genre de pratique ni l'interdire à ceux qui essaient de mener un travail de réflexion autour de ce genre de nouvelle famille.

M. Frank Comhaire. — A l'université de Gand, notre pratique à l'égard des femmes seules est différente de la vôtre. Nous acceptons certainement 80 % des demandes. La question des critères et du bilan psychologique est en effet très délicate.

M. Michel Dubois. — Il faut aussi considérer le type de population.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Recevez-vous aussi des demandes de couples homosexuels masculins ?

M. Michel Dubois. — Nous avons reçu une seule demande émanant d'un couple homosexuel masculin en l'espace de 15 ans. Nous l'avons rejetée car elle faisait appel à une mère porteuse, ce qui équivaut à une transgression de la génétique. Quand nous pratiquons une insémination chez une femme homosexuelle ou chez une femme seule, il va de soi que cette femme pourrait aussi avoir un enfant autrement qu'en recourant à la médecine. Nous la mettons simplement à l'abri des risques, infectieux et psychologiques entre autres, que comporte une rencontre de passage. En ce qui concerne les hommes, jusqu'à présent, ce n'est pas encore le cas.

Mme Annemie Van de Casteele (VLD). — Le docteur Dubois a proposé de laisser décider le donneur de l'anonymat de son don de sperme. J'ai le sentiment que très peu de donneurs choisiront la levée de l'anonymat. Les exemples étrangers le prouvent. Si l'anonymat est compromis le nombre de donneurs diminue rapidement.

Chacun sait que l'information génétique est de plus en plus importante. La proposition de Mme Defraigne prévoit une fiche médicale. Le docteur Dubois peut-il concevoir la création d'une banque de données génétiques où toutes les informations relatives aux donneurs seraient stockées et qui ne serait accessible qu'aux personnes médicalement compétentes ? Cela permettrait à un enfant conçu par don de sperme de faire rechercher ses propres informations génétiques grâce à la banque de données.

M. Michel Dubois. — C'est déjà le cas actuellement. Tout donneur est soumis à une enquête génétique, à un dépistage du caryotype, au dépistage de différentes maladies génétiquement transmissibles telles que la mucoviscidose. Le médecin a la possibilité de retrouver l'identité du donneur dont l'enfant est issu. En cas de problème, il est tout à fait possible de se reporter au dossier sans rompre l'anonymat. Bien sûr, ce n'est pas le cas pour les pathologies qui seraient apparues après le don. Dans ce cas de figure, cela deviendrait très lourd car il faudrait que le donneur revienne régulièrement au centre. Je ne crois pas que vous auriez beaucoup plus de candidats que s'il était connu.

Mme Myriam Vanlerberghe (sp.a-Spirit). — J'ai entendu dire qu'il y aurait des règles générales pour les différents centres belges. Pour le législateur il importe de connaître les différences entre les centres. Se limitent-elles à la déclaration de recevabilité des demandes ou y a-t-il d'autres différences ? Le législateur doit veiller à ce qu'il n'y ait pas de différences car une concurrence n'est pas souhaitable.

M. Michel Dubois. — Les principales différences qui existent entre les centres se situent au niveau des demandes acceptées ou prises en charge. En ce qui concerne les techniques mises en ouvre, tout le monde fait quasiment la même chose. Plus personne n'a de secret de cuisine concernant la fécondation in vitro, l'IPSI, etc. Les traitements et les résultats qu'ils donnent sont quasi identiques d'un centre à l'autre. En termes de résultats, la Belgique occupe une place enviable sur le plan européen et même sur le plan mondial. Nous pouvons être fiers de nos résultats en matière de procréation médicalement assistée.

D'un point de vue financier, les différences sont aussi minimes puisque, désormais, c'est un forfait. Les différences essentielles se situent au niveau des demandes prises en considération : couples homosexuels, femmes seules et, éventuellement, mères porteuses.

M. François Roelants du Vivier (MR). — Du point de vue de l'épanouissement de l'enfant, comment réagissez-vous à l'article 12 de la proposition, qui prévoit la possibilité d'une insémination post mortem, et plus particulièrement à la disposition stipulant que cela doit se faire dans les six mois qui suivent le décès du mari ? Nous sommes en pleine période de deuil ...

M. Michel Dubois. — Je pense que ce délai est absolument trop court. Il est inimaginable d'imposer à une femme qui vient de perdre son mari de décider endéans les six mois, même si elle a encore douze mois par la suite pour décider de solliciter une réimplantation ou non. L'enfant serait au départ investi d'une fonction de remplacement du disparu. Ce n'est pas souhaitable.

Mme Clotilde Nyssens (cdH). — Je souhaite poser une question concernant le « bébé médicament ». Comment réagissez-vous lorsque des parents souhaitent avoir un enfant pour soigner le premier ?

M. Michel Dubois. — Honnêtement, je n'ai jamais été confronté à la situation. Les cas qui ont été rapportés dans les médias se comptent sur les doigts d'une main. Il est évident que l'on peut s'attendre à ce qu'ils se multiplient. Il est très difficile de porter un jugement général sur ce genre de question.

En ce qui concerne la proposition de loi, d'une part, le psychiatre ou le conseil psychologique doit s'assurer que le fait d'avoir un enfant dont les cellules pourront être transplantées n'est pas la première raison pour obtenir cette grossesse. Il y a donc un réel souhait d'un second ou d'un autre enfant et accessoirement, on choisit. D'autre part, la femme peut refuser le transfert de ces embryons si aucun de ceux-ci ne remplit les conditions pour faire bénéficier l'enfant atteint de ce transfert cellulaire. Ce n'est peut-être pas tout à fait correct dans la mesure où si elle refuse un tel transfert, c'est que le désir d'avoir un autre enfant n'est pas respecté.

Mme Christine Defraigne (MR). — Je voudrais réagir sur la question du post mortem. J'ai envisagé un délai de six mois même s'il est court. Il faut également tenir compte du problème du règlement des successions. Comme je l'ai dit dans mon exposé la semaine dernière, le fait de préciser que l'on ne peut pratiquer d'insémination post mortem règle le problème.

D'après vous, monsieur Dubois, le don de gamètes doit-il ou peut-il être rémunéré ? Pensez-vous justifier la différence entre le don de sperme et le don d'ovocytes ?

Vous avez fait allusion au fait que le traitement appliqué aux femmes n'était pas exempt de risques. A-t-on identifié des pathologies spécifiques, distinctes d'une grossesse classique, à la suite de traitements in vitro chez la femme ?

Faut-il limiter le nombre de dons dans le chef de la même personne — une proposition est prévue à cet égard — et si oui, à combien ?

D'après vous, dans la fiche médicale reprenant des données non identifiantes, doit-on prévoir des caractéristiques physiques ? La parenté n'est pas uniquement un lien biologique mais peut parfois être conditionnée par une envie de « ressemblance ».

M. Michel Dubois. — En ce qui concerne les caractéristiques physiques, cela existe déjà actuellement puisque dans un couple hétérosexuel faisant appel à un donneur pour un problème d'infertilité masculine impossible à résoudre d'une autre manière, le choix du donneur sera orienté par les caractéristiques physiques et le groupe sanguin du père civil. D'une certaine manière, en faisant ce choix, vous donnez les caractéristiques physiques du donneur. Donc, quand un couple homosexuel souhaite des caractéristiques morphologiques, je n'ai personnellement aucune réticence à les donner. Par ailleurs, sur le plan psychologique et par rapport à l'enfant, cela permet « d'habiller la paillette ». Le fait d'être né dans une paillette de sperme congelé dans un centre de procréation médicalement assistée est extrêmement restrictif. Disposer de caractéristiques morphologiques du donneur, de quelqu'un qui a fait don de ses gamètes pour permettre à un enfant d'être là, ne me paraît pas inacceptable.

Je pense que le nombre de dons doit être limité. Fixer le maximum à six enfants me paraît un peu trop sévère. Selon moi, il serait préférable de limiter le nombre de familles plutôt que le nombre d'enfants. En effet, dans une même famille, le donneur peut être à l'origine de deux ou de trois enfants. La limitation du nombre d'enfants vise à éviter que deux enfants issus d'une IAD se rencontrent et qu'il y ait un mariage consanguin sans qu'ils le sachent.

M. Frank Comhaire. — Sur le plan international, la probabilité de rencontrer cette éventualité de mariage consanguin a été calculée. Elle est très limitée. Le consensus international porte sur 15 grossesses dans des familles différentes.

Mme Clotilde Nyssens (cdH). — Si un enfant né par PMA et qui l'ignore se marie, ses parents qui connaissent la vérité peuvent-ils venir s'informer chez vous ? Tous les protagonistes peuvent habiter la même région ...

M. Michel Dubois. — C'est bien là le drame du secret par rapport au don de sperme ...

Mme Christine Defraigne (MR). — Qu'en est-il de la rémunération ?

M. Michel Dubois. — Pour nous, le don de sperme est gratuit; le donneur est toutefois défrayés pour ses déplacements. Il n'y a vraiment pas moyen de faire fortune en donnant son sperme, en Belgique. La situation est la même, quel que soit le centre.

Il n'y a pas de pathologie propre à la PMA. Lorsque la grossesse est en cours, on peut oublier la façon dont elle a été obtenue. Cela dit, on peut avoir l'impression d'une plus grande morbidité, mais n'oublions pas que les patientes sont différentes, au départ; il ne s'agit pas de patientes saines. Elles sont atteintes d'une affection qui les a conduites à entreprendre une fécondation in vitro. De plus, elles sont plus âgées.

Mais sur une population de femmes saines dont le conjoint présente une pathologie, il n'y a pas de différence.

Mme Mia De Schamphelaere (CD&V). — Je m'interroge sur le développement psychologique d'enfants conçus par don de sperme. Les enfants de couples lesbiens ou de mères isolées poseront bien sûr des questions sur leur père biologique et cette question les hantera sans doute toute leur vie. Mais des problèmes peuvent aussi bien se poser chez les couples hétérosexuels.

Quelle sera la situation d'un couple qui a eu un premier enfant grâce à un don de sperme et en a ensuite d'autres de manière naturelle ? Le docteur Dubois en a-t-il une idée ? Chacun a le droit de connaître ses origines. Qu'en pense le docteur Dubois ?

M. Dubois. — Il y a eu un certain nombre d'études qui ont été consacrées aux enfants nés de l'IAD sans que n'ait été mis en évidence un caractère pathologique lié à l'insémination.

Cependant, le choix de tenir secret ou non le recours à l'insémination artificielle doit être laissé au couple. Mais il faut savoir que si l'on fait le choix de taire le recours à l'IAD, ce doit être fait de manière définitive, avec tous les risques inhérents. En effet, si le couple sait ce qu'il a fait, une partie de la famille peut être aussi au courant et l'on sait que les conflits familiaux peuvent naître parfois dix ou quinze ans plus tard. On pourrait alors utiliser cela contre la femme qui a eu recours à l'IAD.

Par contre, si on décide de le dire, il faut le dire tout de suite. C'est, en tout cas, l'attitude que nous prônons. En effet, de toute façon, si on ne le dit pas, le secret pèsera toujours entre le couple et son enfant, même si l'enfant ne l'apprend jamais et si tout se passe bien. Ce secret restera un poids très lourd sur l'origine génétique, généalogique de l'enfant.

Néanmoins, le choix, la réponse définitive, doit être laissé aux couples mais peut-être convient-il d'aller vers une meilleure information de sorte qu'ils préfèrent plutôt la vérité, la transparence.

Mme Jacinta De Roeck (sp.a-Spirit). — Est-il vrai que notre pays n'est doté d'aucun système d'enregistrement central des dons de sperme ? J'ai appris qu'il était possible que le nombre d'enfants nés de dons de sperme soit plus élevé que ce qu'autorise la loi. Il faut mettre en place un enregistrement central des donneurs de gamètes pour permettre un contrôle du nombre de dons de sperme d'un même donneur.

J'insiste pour que nous consacrions une discussion séparée au principe de l'anonymat. Ce principe a été levé en Suède dès 1985. Les Pays-Bas l'ont aussi fait et le Royaume-Uni en discute.

Si nous voulons donner la priorité aux droits de l'enfant, il faut lever l'anonymat. L'anonymat met le donneur au centre des préoccupations et s'explique par un tabou persistant : la plupart des hommes ne sont pas prêts à admettre qu'ils ne sont pas le père biologique de leur enfant légitime.

M. Michel Dubois. — C'est une discussion qui dure depuis cinq ans et qui a lieu entre autres au Comité consultatif de bioéthique. Le premier avis remonte à 1998. L'avis du mois de février n'est pas encore approuvé en commission parce qu'il subsiste des divergences entre les membres. C'est une discussion de longue haleine.

Par contre, vous avez tout à fait raison en ce qui concerne la centralisation des donneurs. Il est vrai qu'un donneur pourrait faire un maximum de dix dons à Liège et ensuite dix à Bruxelles sans que le centre soit au courant.

Ce qui garantit le fait que les donneurs ne multiplient pas les dons à différents centres est la gratuité de ce don. S'il était rémunéré et bien rémunéré, cela deviendrait envisageable. Si vous faites le déplacement de Liège à Bruxelles pour faire le don, vous en supportez les frais.

Mme Isabelle Durant (ÉCOLO). — Quelle est la motivation du don de sperme ? Les donneurs n'y gagnent rien. Je sais qu'il peut s'agir de générosité, comme pour le don de sang, mais donner son sperme, ce n'est pas la même chose que donner son sang. Comment pourrait-on envisager d'encourager ce don en cas de pénurie ?

M. Michel Dubois. — Recruter des donneurs demande beaucoup d'énergie. Cela suppose en effet que l'on aille informer des auditoires d'étudiants, puisque c'est le mode majeur de recrutement. Dans un amphithéâtre d'une centaine de personnes, vous obtiendrez peut-être un donneur. Honnêtement, je pense que c'est l'altruisme qui est la principale motivation.

À la différence de la Belgique, en France, un homme doit être marié ou être cohabitant depuis deux ans, être père de famille et avoir l'accord de sa compagne ou de son épouse. Moralité : il y a très peu de donneurs et les couples même hétérosexuels français viennent faire le traitement en Belgique

La réflexion du donneur belge sur ce que représente ce don, alors qu'il n'est pas nécessairement marié ni père de famille, est sans doute moins concrète. Il ne se représente pas nécessairement un enfant au-delà du don de sperme. C'est un reproche que l'on pourrait faire au système belge. Cela rejoint ce que l'on remarquait à propos du devenir des embryons surnuméraires pour le don à la recherche ou à un autre couple. Les parents changent d'avis car au départ, leur seul souhait est d'obtenir un traitement de fécondation in vitro et ils n'imaginent pas que cela puisse échouer et sont donc disposés à laisser leurs embryons surnuméraires. Mais ensuite, ils en arrivent à imaginer ces embryons surnuméraires comme des enfants, et ils changent d'opinion.

M. le président. — Quel est le rapport entre le nombre de couples hétérosexuels qui font appel à la fécondation in vitro et le nombre de couples lesbiens et de femmes isolées ?

M. Michel Dubois. — Le recours à l'insémination au sein d'un couple hétérosexuel a vu ses indications diminuer très nettement depuis le développement des techniques d'ICSI. En ce qui concerne le recours à l'insémination dans le fonctionnement d'une banque de spermes, les couples lesbiens représentent 70 à 75 % de l'activité du centre. Les femmes seules représentent 5 % environ. Le reste, ce sont des couples hétérosexuels. Cela va sans doute encore changer à la suite du financement des traitements de procréation médicalement assistée. Certains couples qui avaient fait l'effort d'économiser pour se payer un ou deux traitements — ce qui représente 2 000 à 2 500 euros — se sont tournés vers l'insémination. La mise à disposition au travers du financement de nouveaux traitements permet à ces couples d'envisager un enfant obtenu à partir de leurs gamètes. Il faut savoir que la fécondation in vitro n'est pas automatiquement couronnée de succès.

2. Audition du 24 mars 2004

Audition du :

— Prof. Luc Roegiers, Unité d'éthique biomédicale UCL;

— Mme Micheline Roelandt, présidente du Comité consultatif de Bioéthique.

Présidence de M. Vankrunkelsven

M. Luc Roegiers. — Je vous remercie de m'avoir invité à apporter mon témoignage de pédopsychiatre dans ce débat. C'est en tant que clinicien que je souhaiterais m'adresser à vous. Je m'occupe en effet d'aide médicale à la procréation depuis seize ans. Je reçois des couples pour les préliminaires des programmes de fécondation in vitro. Je les accompagne à leur demande tout au long des programmes et lors de certaines interventions particulières, qu'elles soient pratiquées ou non dans notre institution. J'ai eu l'occasion d'assurer le suivi de dons de gamètes ainsi que l'accompagnement ultérieur des familles. J'ai donc également une expérience des enfants issus des procréations médicalement assistées.

Je voudrais faire référence à trois concepts, valeurs ou points de repère qui me semblent importants pour le développement de l'enfant. L'aide médicale à la procréation devrait respecter voire promouvoir ces valeurs. Un texte de loi n'est pas une simple régulation de pratiques et de techniques mais revêt une valeur hautement symbolique.

Le premier point concerne la notion de parentalisation responsable. Il s'agit d'un terme assez général. La proposition de loi de Mme Defraigne est attentive à cette notion de responsabilité parentale qui, selon moi, doit émaner de ce texte. Il s'agit en effet du prélude à la fiabilité qui sera ultérieurement nécessaire à l'enfant. Un enfant a davantage besoin de fiabilité que d'amour. On oublie peut-être aujourd'hui qu'un enfant doit être aimé mais a surtout besoin de fiabilité.

M. François Roelants du Vivier (MR). — Comment définissez-vous la fiabilité ?

M. Luc Roegiers. — Durant le développement de l'enfant, certaines de ses attentes et certains de ses besoins seront satisfaits; d'autres ne le seront pas. Il s'agit de besoins aussi élémentaires que la nourriture, le repos, la protection contre des stimulations inappropriées, une inscription dans la société ou une sécurité des filiations. La satisfaction de ces besoins est nécessaire pour permettre à l'enfant de se créer une sécurité intérieure destinée à développer sa personnalité. Un contexte sûr est nécessaire à cet effet.

Aujourd'hui, on assiste à un affaiblissement des questions de contexte et à une multiplication de personnalités fragiles. La période de la grossesse et de la naissance est stratégique et importante pour la prévention et la construction de cette fiabilité et du lien entre les parents et les enfants.

M. Philippe Mahoux (PS). — Quels sont vos critères de fiabilité ? Vous donnez une définition du besoin de fiabilité. Vous semblez donc disposer de normes déterminant cette dernière. Quelles sont-elles ?

M. Luc Roegiers. — Je crains que nous ne débordions dès lors du débat. Je vous invite à lire les textes que Vion, Winnicott ou Bolby ont consacrés à cette question. Ces psychiatres ont établi la base développementale de l'enfant et du début de sa vie psychique.

Il n'y a ici rien de très original ni de très contestable. Sans vouloir faire de la publicité, je vous invite éventuellement à lire mes ouvrages sur ce sujet qui se trouve au centre de mes préoccupations.

Je suis d'accord avec le texte pour favoriser le souci d'information du couple et le recueil du consentement, ce qui découle de règles de déontologie générales et incontournables. Nous sommes d'accord aussi avec le souci de renouveler chaque année l'autorisation donnée par le couple pour l'accès des embryons cryopréservés ou leur préservation. Cet accord s'étend aussi à l'interdiction du mélange de spermes mais aussi à tout ce qui dilue quelque peu la responsabilité parentale.

Cependant, il ressort de ce texte, et c'est important, que l'accès à la procréation médicalement assistée est rendue possible pour d'autres motifs qu'un projet parental. Il s'agit, en autres, de la production d'embryons pour l'expérimentation et de la pratique des mères porteuses.

Cela influence le climat du texte dans lequel la procréation médicalement assistée est présentée plus comme une technique à réguler que comme un soin médical à dispenser en vue de la réalisation d'un projet parental. Il y a un affaiblissement de la dimension de la responsabilité. Cela se remarque dans l'expression suivante : » la procréation médicalement assistée est là pour répondre à la demande des couples » et non à la demande parentale, ce que l'on trouve dans d'autres textes législatifs.

Je ferai une deuxième remarque. Alors qu'il s'agit manifestement d'une médecine du désir, je m'étonne en tant que pédopsychiatre de la pauvreté du texte quant au souci d'accompagnement. On y parle d'information mais on n'y parle pas vraiment de la réciprocité, de tout ce qui peut ressembler à un dialogue. La notion d'entretien n'apparaît que pour les demandes d'homosexuels, je ne sais pourquoi. Il y a peut-être place pour un débat. Pourquoi les couples homosexuels doivent-ils, selon ce texte, donner plus de justifications à leur motivation que les autres couples ?

En tout cas, alors que le texte cite de nombreuses disciplines et spécialités, jamais il ne s'y trouve de référence aux » psys « , à la psychologie, à la psychothérapie.

Enfin, la responsabilité envers les embryons congelés doit être encouragée. Le texte y fait référence mais les embryons dont on n'aurait aucune nouvelle des géniteurs seraient destinés à la recherche sans consentement écrit. Cela me semble très contestable du point de vue de la responsabilité.

Enfin, je veux soulever la question de l'anonymat des gamètes. Le débat est déjà assez ancien. En France, il est particulièrement mené par Geneviève Delaisi de Parseval qui demande de laisser la possibilité aux enfants de retrouver leur origine biologique. Le texte de la proposition de loi fait référence à l'intérêt de l'enfant à pouvoir effectivement obtenir des informations sur les données génétiques et biologiques des géniteurs dans certaines situations cruciales. Remarquez que j'utilise le terme géniteur et non parent ni même parent biologique. Mais de façon générale, le souci de la traçabilité de l'origine biologique devrait être plus important que celui de conserver suffisamment de donneurs de gamètes. Cette remarque renvoie plus aux commentaires qu'au texte de la proposition elle-même. Il est vrai qu'il y a une crise de donneurs. Mais si la pratique est impossible, à cause du respect de l'intérêt de l'enfant, il faut chercher d'autres solutions. Dès lors, si les donneurs renoncent à cause d'une possible levée de l'anonymat du don, il faut chercher d'autres solutions qui respectent l'intérêt de l'enfant.

En ce qui concerne le cadre relationnel de l'accueil de l'enfant, je ne peux que me réjouir du texte dans la mesure où, avec d'autres auteurs, j'ai eu l'occasion de souligner l'importance d'une triangulation dans la cellule familiale. Le psychisme se construit essentiellement par rapport à ce fonctionnement triangulaire où l'enfant peut se situer dans une relation entre deux parents. Pour un enfant, c'est toujours un appauvrissement d'être face à un parent seul; les références de ce dernier ne peuvent être opposées à celles d'une autre personne responsable, ni validées, ni nuancées par celle-ci; le parent seul est aussi davantage susceptible de faire jouer des attentes réparatoires et des projections par rapport à l'enfant.

La triangulation positive dans une famille est pour moi un point important. Je ne peux donc que me réjouir de lire dans cette proposition de loi qu'elle est réservée à un couple.

Mais pourquoi cette entorse au cadre du couple pour l'accueil de l'enfant en ce qui concerne les dons de gamètes et d'embryons post mortem ? C'est particulièrement dommageable pour un enfant. J'imagine que Mme Defraigne et les personnes à la base de ce texte ont été sensibilisées par la dêtresse de certaines femmes qui perdent leur conjoint. J'en ai rencontré personnellement. Nous avons souvent des demandes de fécondation in vitro quand l'homme a perdu ses capacités reproductives à la suite d'un traitement contre le cancer. Le sperme est cryopréservé et la situation est très délicate au moment du décès de cet homme. La plupart des femmes pensent au sperme congelé et aux embryons congelés quand il y en a. Il est difficile de céder à la demande immédiate et à la souffrance. Mais quel est le deuil qui ne cherche à se résoudre dans un premier temps par une réparation, un remplacement et par ce qui est en fait une illusion bien humaine ? Devons-nous y répondre en tant que médecins ? Peut-on soumettre un enfant à ce type d'attente réparatoire ? Cela ne jouera pas de façon destructive dans tous les cas mais le risque est important, d'autant plus que le texte de loi demande que la femme précise ses attentes dans les six mois. Il y a donc une pression alors que le deuil est tout récent, au moment de la plus grande vulnérabilité, lorsqu'il est impossible qu'elle soit en pleine possession de ses moyens par rapport à un consentement.

Troisième aspect : à mon sens, ce texte de loi est audacieux et assez transgressif quand il ouvre la possibilité de transfert d'embryons post mortem ou d'insémination post mortem. Je pense que cela amène des modifications dans les questions de filiation. Selon moi, ce texte présente certaines faiblesses tant sur le plan juridique que médical, et il devrait être revu. Mais je me limite au niveau psychologique du développement de l'enfant.

Il est étonnant de devoir rappeler que la grossesse est un moment important dans la construction du lien à l'enfant. Nous sommes au seuil d'envisager un texte de loi qui dissocie la grossesse du lien familial. Il est difficile de dissocier la procréation, dans sa dimension biologique, de la parentalité au sens général, mais je pense que l'assimilation peut être possible. En effet, et j'en ai fait l'expérience, à condition qu'une procédure de préparation soit respectée — mais elle n'est pas précisée dans ce texte —, le résultat peut être positif pour un certain nombre de couples, une certaine harmonie est possible pour autant que les conjoints concernés puissent assimiler le processus. Je suis beaucoup plus inquiet s'agissant de confier la grossesse à une mère porteuse. Cela revient à nier la dimension de la naissance du lien, et non, comme on le croit trop souvent, ce qu'il se passe dans la tête de l'enfant de façon un peu magique, comme si tout commençait dès avant la naissance. Pour l'enfant, je pense que cela commence avant la naissance, parce que cela commence pour la maman, son conjoint et leur entourage.

L'enfant subit un préjudice certain du fait d'être mis au monde par une autre personne dont il se sait abandonné. La femme qui est réduite à la fonction de mère porteuse subit également un préjudice même si elle a accepté, à un certain moment et pour des raisons qui lui sont propres, de jouer ce rôle. Je suis extrêmement préoccupé que l'on évoque les mères porteuses dans un texte de loi qui semble nier l'importance relationnelle de la grossesse, ce qu'il se passe dans l'imaginaire maternel et qui sera transmis à l'enfant par la suite dans le cadre de son éducation.

La dissociation de l'origine biologique n'entraîne pas tellement de dettes symboliques pour l'enfant et peut être assimilée. Selon moi, la grossesse est toujours le vecteur d'une loyauté pour les enfants dans leur histoire. On le voit dans le cadre de l'adoption : les enfants recherchent essentiellement leur mère; ils veulent savoir qui s'est investi, qui a fait ce travail de mise au monde. Je m'adresse ici plutôt aux femmes : la question de la loyauté que j'ai eu l'occasion de détailler dans un certain nombre d'écrits est tout à fait essentielle dans la construction de la personnalité de l'enfant.

La responsabilité est importante et un texte tel que celui-ci ne doit pas se limiter à réguler des pratiques et des techniques mais également s'attacher, si possible, au-delà du cadre médical, aux aspects relationnels.

M. Philippe Mahoux (PS). — J'annoncerai d'emblée la couleur : je partage parfaitement l'avis du professeur Roegiers sur les mères porteuses et je suis résolument opposé à l'ouverture des procréations médicalement assistées aux mères porteuses pour des raisons d'instrumentalisation et de commercialisation des ventres. Il ne s'agit pas ici d'une opinion morale, mais bien de souligner le caractère résolument nul d'un contrat conclu en cette matière.

En termes de droit de suite par rapport à l'enfant, à savoir le droit à l'identification de l'origine, on pourrait peut-être distinguer l'origine résultant d'une grossesse de neuf mois d'une origine strictement biologique, gamétique consécutive au don d'ovules ou de sperme. J'aimerais connaître le point de vue du professeur Roegiers à cet égard.

Je partage en partie l'avis de M. Roegiers à propos du dialogue. Comme lui, je pense qu'il est discriminatoire de dire qu'un entretien est nécessaire lorsque la demande émane de couples homosexuels et qu'il ne l'est pas dans les autres cas.

En revanche, je m'interroge sur la réelle nécessité de cet entretien. Pourquoi ? En cas de procréation médicalement assistée, les médecins ont l'occasion, sur un terrain réservé, de prendre une initiative intrusive. En cas de procréation naturelle, on ne s'assure pas de la volonté d'une parenté responsable chez les partenaires. En cas de procréation médicalement assistée, qui relève de circonstances de nature strictement biologiques et aléatoires, le corps médical fait intrusion dans la sphère strictement privée du couple.

Le problème est certes que le médecin est amené à intervenir et que sa clause de conscience peut donc jouer. Pourquoi cependant pourrait-il saisir les possibilités d'intrusion qu'il possède en cas de procréation médicalement assistée, alors qu'il ne peut être intrusif en cas de procréation naturelle ? Voilà la question fondamentale que je pose.

La triangulation paraît essentielle à M. Roegiers.

M. Luc Roegiers. — Dans les sciences cognitives et les sciences de thérapie familiale, la question de la triangulation est également posée.

M. Philippe Mahoux (PS). — La psychanalyse est intéressante parce qu'elle privilégie la casuistique. Chaque cas est un cas particulier. La démarche psychanalytique est individualisée et implique la triangulation.

Votre exposé repose sur l'affirmation selon laquelle la triangulation est un postulat qui ne peut être remis en question. Vous n'admettez une procréation médicalement assistée que pour des couples. Cela signifie-t-il que tout enfant qui naît et qui grandit dans une famille monoparentale au sein de laquelle la triangulation est impossible, si ce n'est sur un plan symbolique, doit vivre cette absence de triangulation comme un phénomène de deuil ? Selon vous, cet enfant est a priori victime d'un handicap. Il ne peut vivre ce dernier que comme un deuil avant de l'accepter. Ce que vous dites est terrible! En effet, dans l'évolution de la société, outre le modèle initial du couple, un nouveau modèle a vu le jour. Si je vous entends bien, vous le considérez comme anormal, contraire à la norme. On peut certes décider que la norme est ce qui est issu de la théorie. Si on sort de celle-ci, on tombe dans l'anormalité. Mais on peut aussi décider que la norme est un problème statistique. Comment considérer dès lors les familles monoparentales et les familles où le triangle est évident ? Ces trois questions sont assez importantes. J'aimerais entendre votre opinion sur ce point.

M. Luc Roegiers. — Une norme se construit culturellement. Tout est culturel et la culture est évolutive. Depuis trente ans, nous avons assisté à de nombreuses évolutions. Certaines choses sont assimilables tandis que d'autres requièrent un peu plus de temps. Il est peut-être un peu arrogant d'affirmer aujourd'hui que tout changement culturel est assimilable rapidement. J'envisage tout à fait une culture reposant sur d'autres modèles familiaux. Mais ici, je tiens compte de notre conception occidentale. Vous l'affirmez vous-même, la psychanalyse mais aussi la psychologie clinique générale, c'est de la casuistique. Certaines choses ne peuvent pas être démontrées, ce qui peut se révéler quelque peu irritant. Avec mes collègues, je ne peux qu'opposer une série d'expériences. Cependant, s'il y a bien un domaine dans lequel des éléments factuels et concrets ont été mis en évidence, c'est bien celui des familles monoparentales. Les conséquences ne sont pas seulement psychologiques, elles sont aussi sociales. Nous constatons une vulnérabilité importante. La parentification de l'enfant qui devient responsable de son parent, comporte plus de risques. La famille monoparentale peut se vivre bien. Heureusement, car le nombre de ces familles est élevé! Mais quand il s'agit d'un accident, d'une situation à laquelle la personne aboutit après des relations difficiles, l'enfant peut se faire un récit. C'est encore différent lorsqu'il se trouve dans une société qui, par le biais de certaines dérégulations, l'a délibérément mis, dès le départ, dans cette position discriminatoire, vulnérable. La famille monoparentale ne peut être d'emblée programmée. Telle est ma conviction. Je trouve assez amusant que vous parliez de références freudiennes. Certes, la psychanalyse ne se résume pas uniquement à Freud mais certaines choses sont incontournables. Freud n'est cependant pas ma référence de base. Je m'intéresse davantage à la thérapie familiale transgénérationnelle et à la place réelle de l'enfant.

Nous sommes dans une société où l'enfant est rendu de plus en plus responsable. Cela doit être notre préoccupation. L'enfant a une responsabilité lourde. Il fait face à des projections. Il y a peu de disponibilités mais nous ne sommes pas là pour discuter de cela.

Quant à la deuxième partie de votre intervention, je la trouve assez curieuse. Vous avez lié le dialogue à une notion qui me semble sortir de votre imaginaire, c'est-à-dire à la sélection que nous pourrions opérer en tant que médecins psychiatres. Je travaille avec des collègues qui ont aussi ce sentiment. Cela traverse d'ailleurs ce texte, par exemple lorsqu'on demande aux homosexuels de faire état de leurs motivations. Or, en seize ans de pratique, je n'ai jamais voulu demander une telle justification d'un désir d'enfant.

M. Philippe Mahoux (PS). — Ce n'est pas cela que je voulais dire. Je suis d'accord avec vous lorsque vous soulignez la discrimination, par contre je le suis moins quand vous posez la nécessité des entretiens et les présentez comme indispensables dans ce genre de situation. vous posez cette nécessité d'entretien dans les cas d'infertilité, alors pourquoi ne pas le poser à chaque fois qu'il y a désir de parentalité ?

M. Luc Roegiers. — C'est une question de projet de société. C'est aussi la question du rôle que joue le médecin. Personnellement, je ne le vois pas comme une espèce de technicien dans un énorme drive-in. Je pense que la responsabilité des demandeurs s'enrichit et mûrit d'être confrontée à des médecins qui ne sont pas là uniquement pour faire face à une » indication « . J'ai été frappé de voir que, dans le texte, au moment où l'on traite du don des gamètes, la situation est présentée comme si le médecin posait seulement une » indication « , avec l'autorisation du couple. C'est étonnant. Or, la demande doit être véritablement portée dès le départ par le couple. Il doit y avoir un vrai projet. Cela ne se marque assez dans ce texte. C'est dans cet esprit-là que je travaille depuis seize ans : remettre du projet parental dans un processus qui se présente comme technique, le désaliéner. Les gens viennent avec leur souffrance, ils sont traumatisés et ils se sentent, ils le disent parfois, soumis à une logique médicale. Quelquefois on arrive à voir que ce désir n'est pas leur vérité ou que ce n'est pas le moment. On dialogue et, parfois, ces couples me consultent à nouveau par la suite.

La notion de dialogue est très générale en médecine. Je ne la conçois pas comme une demande de justification.

Mais je suis d'accord avec vous; il y a des couples qui ont le même imaginaire que vous, qui sont un peu méfiants. Leur histoire aide parfois à les comprendre. Ce sont des gens déjà abîmés du préjudice d'être infertiles. On ne peut pas les mettre en question, surtout alors que court dans notre société l'imaginaire de la stérilité psychogène.

Vous m'interrogiez sur la question de la dissociation gamétique et du portage de la grossesse. Je pense qu'on peut se référer à notre expérience commune d'adultes : nous avons tellement été troublés par notre rationalité et perdu quelques repères affectifs. Mais les enfants accordent beaucoup d'importance à avoir été portés par leur mère. Je sais qu'il y a des situations dramatiques, j'en ai rencontré, comme celle d'une jeune femme qui, à cause d'un cancer, est amputée de son utérus et se trouve dans l'impossibilité de porter des enfants. Son projet parental ne peut se réaliser sans recours à une mère porteuse. Je ne nie pas que le recours à une mère porteuse serait pratique dans le cas d'un projet d'un couple d'homosexuels masculins. Ce serait, dit crûment, la seule source possible. Je pense aussi que certaines femmes ne veulent pas porter l'enfant qui est pourtant biologiquement le leur, pour d'autres raisons, parfois seulement cosmétiques.

Pour des raisons qui leur appartiennent, ces femmes refusent une grossesse mais veulent un enfant dont elles seront la mère biologique. Les indications sont nombreuses mais le texte ne pose pas de limites. Plus grave encore serait de considérer symboliquement dans une loi que la grossesse puisse être détachée de l'ensemble du lien aux parents. C'est selon moi un pas redoutable à franchir.

Mme Jacinta De Roeck (sp.a-Spirit). — Le débat sur la donation anonyme nous confronte aux notions suivantes : données génétiques, données biologiques et données médicales. Ces notions sont-elles synonymes ou différentes ? Quelles informations le dossier médical de l'enfant contient-il ? La loi relative aux droits du patient octroie à celui-ci un droit de regard sur son dossier médical. Un enfant conçu à partir du sperme d'un donneur anonyme peut-il invoquer cette loi ?

M. Roegiers peut-il en tant que psychiatre donner un avis sur ce qui suit ? La plupart des enfants issus de l'IAD sont conçus à l'aide de sperme provenant d'un donneur anonyme. Bien que les parents tentent de garder cette information secrète, elle finit généralement par filtrer, le plus souvent à un moment inopportun comme l'adolescence. L'enfant pourrait, sur la base de l'article 7 de la Convention des droits de l'enfant, tenter d'obtenir le profil social du donneur. Qu'en pense M. Roegiers ?

M. François Roelants du Vivier (MR). — Je voudrais tout d'abord faire une réflexion à propos de ce qui me semble être un procès d'intention concernant l'accès à la PMA pour la production d'embryons destinés à l'expérimentation. Je n'ai vu nulle part dans le texte de ma collègue que l'objectif de la PMA était la production d'embryons pour l'expérimentation.

En revanche, je me pose des questions à la suite de votre réflexion sur l'accord écrit des géniteurs pour que les embryons congelés surnuméraires puissent être destinés à la recherche. La proposition prévoit la possibilité d'utiliser ces embryons pour la recherche après une période de cinq ans. Si on suit votre avis, combien de temps faudra-t-il attendre à défaut d'un tel accord ? Les embryons pourront-ils encore être utilisés ou seront-ils jetés ?

Je voudrais aussi poser une question relative aux mères porteuses. Je ne suis pas l'auteur de la proposition mais l'objectif est d'interdire par principe. Certaines conditions et exceptions sont prévues. Il faut donc replacer la proposition dans son contexte. J'attire votre attention sur l'exposé des motifs de la proposition de loi relative aux mères porteuses qui indique que » le recours aux mères porteuses sans conditions précises aboutit à la banalisation et à l'instrumentalisation de la grossesse. Or nul n'ignore l'importance de la vie in utero pour l'équilibre de l'enfant à naître « .

Mme Isabelle Durant (ÉCOLO). — Je voudrais faire une remarque sur les questions intrusives. Je ne partage pas l'avis de M. Mahoux et je considère que le dialogue est utile et nécessaire, non parce qu'il s'imposerait à tous les couples dans leur intimité, mais tout simplement parce qu'ici, on fait un choix pouvant avoir des conséquences particulières pour l'enfant à naître. Le dialogue est quelque chose à promouvoir de façon importante dans le cas d'une procréation différente des procréations habituelles pour lesquelles personne n'a la vocation d'établir un dialogue avec les couples.

En ce qui concerne l'origine ou la traçabilité biologique, quelle est votre estimation des difficultés qui peuvent se poser à des enfants nés de ce genre de procréation ? Votre réponse pourrait nous aider à prendre position en matière d'anonymat. Qui dit plus d'anonymat dit évidemment grosses difficultés pour les donneurs. Pouvez-vous nous éclairer pour que nous puissions définir des règles ?

Mme Mia De Schamphelaere (CD&V). — Que signifie d'un point de vue psychologique le droit à la filiation ? Dans le cas de mères célibataires et de couples lesbiens il va de soi que l'enfant n'est pas issu de parents au sens social ou juridique du terme. Dans quelle mesure l'ignorance de ses origines peut-elle influencer le développement d'un adolescent ?

Mme Clotilde Nyssens (cdH). — Premièrement, compte tenu de la diversité des pratiques utilisées dans les centres belges, les différents acteurs sont-ils demandeurs d'un cadre légal en la matière ?

Deuxièmement, vous avez beaucoup parlé de » triangle » et de » triangulation » — importante contribution des sciences humaines à la médecine. Ce triangle doit-il absolument comprendre le père et la mère ou peut-il impliquer des personnes extérieures ? Voici huit jours, un médecin de Liège est venu nous parler des pratiques appliquées à Liège. Il a évoqué le pourcentage de femmes seules et de ménages homosexuels qui demandaient des PMA. Vous avez parlé des familles monoparentales. Qu'en est-il de la triangulation dans les couples homosexuels ?

M. Luc Roegiers. — La question du secret a été abordée par de nombreuses personnes mais assez différemment. Mon exposé n'ayant peut-être pas été assez clair sur ce point, j'insiste sur le fait que je ne veux pas créer de normes : ce ne serait pas indiqué, ni dans un sens ni dans un autre, concernant la révélation aux enfants de leur origine biologique. Des couples qui souffrent d'un problème d'infertilité et deviennent dépendants du monde médical ne doivent pas, en outre, se voir imposer, par des spécialistes comme moi ou par des textes de loi, la façon de dialoguer avec leurs enfants. Le message doit être très clair sur les prérogatives parentales. La société, et en particulier le monde médical, ne peut s'arroger le droit de camoufler les origines. A tout moment, les donneurs doivent savoir que pour certaines raisons, parfois liées à ce qui se passe entre les parents et leur enfant d'une origine biologique autre, ce secret risque d'être levé. On ne peut rien garantir à cet égard.

D'après les chiffres dont je dispose et qui datent de sept ou huit ans plus tôt, 90% des gens qui ont recours à des dons de gamètes ne révèlent pas à leur enfant son origine biologique. J'ai suivi nombre de ces couples. Pour ma part, je ne partage pas l'idéologie de la vérité, professée par certains de mes collègues, entre autres psychanalystes. Cette question relève notamment des prérogatives parentales. Une histoire qui reste secrète peut se révéler structurante si elle est assumée par les parents; la cohérence peut s'installer. Cependant, il peut y avoir révélation accidentelle. Ou encore l'un des parents n'a pas assumé son infertilité et il en souffre, adressant un message non verbal continuel qui entraîne un certain nombre de symptomatologies chez l'enfant. A mes yeux, c'est une richesse pour des parents de partager avec leur enfant cette expérience de vie de couple, de lui parler de leur désir de procréation et de leur recours à un donneur. Geneviève Delaisi de Parseval plaidait pour la notion de parentalité additionnelle. Pour la famille monoparentale, c'est un deuil. En ce qui concerne la procréation assistée, dans le cas d'un don de gamètes, on peut le voir comme un plus. Je pense que la question de la solidarité va l'emporter. Un enfant même assez jeune peut le comprendre.

Votre question sur les adolescents va un peu plus loin. Il y a toujours une crise à l'adolescence : certains enfants testent leurs parents en leur disant qu'ils n'ont pas demandé à être mis au monde, qu'ils n'ont pas de leçon à recevoir d'eux ... La mise en question qui intervient dans le cadre de la démarche d'autonomisation et de construction de la personnalité peut prendre une couleur particulière en cas d'origine biologique dissociée.

La situation est différente selon que les choses ont été dites depuis le début, qu'elles sont révélées tardivement, soit à l'adolescence, ou qu'elles interviennent implicitement sans jamais avoir été révélées. La crise, les interpellations des adolescents peuvent avoir des répercussions, parfois extrêmement vives, sur les parents qui se sentent attaqués dans leur légitimité de parents. C'est un peu comme si, parce qu'ils n'ont pas donné la vie biologique, les parents se sentaient encore plus » vulnérabilisés » par l'attitude de leur enfant. Cela vaut aussi pour l'adoption. C'est une des bases des malentendus chez les adolescents adoptés. Il y a toujours deux souffrances, celle de l'enfant qui cherche à se construire et celle des parents confrontés à des difficultés, des approximations. Il me paraît important que les parents puissent dire à leur enfant qu'ils ne sont pas les êtres tout puissants qu'il imagine, qu'ils se posent des questions, s'en sont posé, qu'ils ont eu recours au don de gamètes.

M. Mahoux semble intéressé par les données plus objectives. Des études ont été réalisées. Pour des raisons méthodologiques, il est difficile de pousser ces recherches très loin. On ne peut pas, comme cela a été fait de manière transgressive, aller dans les écoles pour soumettre les enfants, dont les neuf dixièmes ne savent pas qu'ils ont une origine biologique dissociée, à des tests affectifs ou a des tests d'intelligence.

Cela a été fait en France par un généticien qui a utilisé à cette fin les données d'une banque de sperme. Cela me semble une transgression méthodologique importante.

Les données dont nous disposons ne sont pas alarmistes. Je suis tout à fait rassuré quant au don de gamètes dans notre organisation actuelle. Dans les grands centres, des entretiens sont organisés et les partenaires peuvent parler de ce que représente le don de gamètes. Très souvent, les partenaires ne sont pas sur la même longueur d'ondes, une maturation est nécessaire.

M. Mahoux a parlé de l'accord à donner pour l'utilisation des embryons surnuméraires. Que des embryons soient jetés à la poubelle, soient gaspillés est une désolation pour certains biologistes et certains médecins. Personnellement, je n'ai pas tellement d'état d'âme quant à la réalité biologique qui est ainsi éliminée. C'est le projet qui m'interpelle.

M. Philippe Mahoux (PS). — Le problème est réglé dans la loi relative à la recherche sur embryons. Il est abordé de manière différente par Mme Defraigne qui détermine des règles différentes. Vous avez raison de dire qu'après cinq ans, le détenteur des embryons pourrait décider unilatéralement de leur destination. Dans la loi actuelle, ce sont soit les auteurs du projet parental, soit les donneurs de gamètes — en cas de don à des fins de recherche — qui donnent l'autorisation.

Pour des raisons de liberté de conscience, il est bon que ces autorisations soient indispensables. Si on dérogeait à cette règle d'autorisation, on irait à l'encontre de la liberté de conscience des donneurs de gamètes et des auteurs d'un projet parental. Ceux-ci doivent être libres de s'opposer à une utilisation à des fins de recherche.

M. François Roelants du Vivier (MR). — On avait dit que le texte interdisait les mères porteuses. Je ne l'avais pas compris comme ça. Mais je pense avoir compris que la possibilité de recueillir et de conserver des gamètes est ouverte aux personnes qui veulent en faire don à la recherche. Il s'agit donc bien de la constitution d'embryons en vue de l'expérimentation.

M. Luc Roegiers — J'en viens à la question des acteurs de terrain. Je ne peux pas parler au nom de mes collègues. J'ai l'impression que les médecins ne sont jamais demandeurs de régulations. Ceci dit, je trouve qu'elles sont symboliquement importantes. En Belgique, cela fait quand même un peu désordre. Des études ont été consacrées par Frédéric Varone et Nathalie Schiffino de l'UCL à la question de l'absence de régulation liées au cadre politique belge. On ne peut pas continuer à faire cavalier seul. En tant que médecin, je pense qu'il est toujours utile de se référer à des textes de loi. C'est notre triangulation à nous. Je ne crois pas au colloque singulier. Mais il faut que les repères symboliques soient crédibles.

Il est très important de faire la différence entre les personnes qui vivent dans une famille et les membres de l'entourage qui peuvent être des ressources. Il ne faut pas confondre avec la question de la triangulation structurante pour le développement du psychisme. Il y a là quelque chose de vrai. Je suis critique par rapport à certains excès de la psychanalyse. Je ne crois pas que l'homme soit là pour défusionner une soi-disant relation incestueuse entre mère et enfant. J'ai écrit des textes très critiques sur ce point. En l'absence de triangulation, une personne de l'extérieur peut plus difficilement jouer un rôle. Les familles monoparentales se débrouillent mais plus difficilement. Selon moi, on doit favoriser les liens et les relations plutôt que l'atomisation. C'est une question de projet de société mais aussi de santé mentale des enfants.

Mme Micheline Roelandt. — Je vous remercie de m'avoir invitée. Le temps qui m'est imparti étant limité, je me bornerai aux points de la proposition sur lesquels l'avis du Comité consultatif diffère.

En 1998 le ministre Colla nous a adressé, au sujet de la procréation médicalement assistée, une série de questions que nous avons décidé de traiter l'une après l'autre. Nous avons déjà répondu à la question du sort réservé facultativement ou obligatoirement aux embryons surnuméraires. Vous avez aujourd'hui reçu l'avis du 8 mars 2004 concernant le don de gamètes.

Une commission restreinte a été créée voici trois mois pour étudier les questions posées par le don d'embryons, la notion de mère porteuse et le sort des gamètes provenant de partenaires décédés. Cet avis n'étant pas encore élaboré, je ne puis en dire grand-chose à l'exception de quelques éléments. Après avoir entendu certains experts étrangers, la commission restreinte ne se prononcera certainement pas de façon unanime au sujet des mères porteuses. Les avis divergent à cet égard.

Je considère comme le professeur Roegiers que pour l'utilisation des gamètes d'un partenaire décédé, le délai de six mois mentionné dans la proposition de loi est beaucoup trop court. Cette opinion rejoint celle des experts entendus. À une demande en ce sens formulée par le partenaire survivant, certains centres n'accéderaient pas au cours de la première, voire des deux premières année. La demande s'apparenterait en effet beaucoup trop à une compensation affective associée au travail de deuil. Cinq pour cent au maximum des personnes ayant effectué une telle démarche auprès d'un centre dans la première année qui suit le décès de leur partenaire réitèrent leur demande l'année suivante. Le besoin de procréer à partir de ces gamètes est donc nettement moins important au bout d'un an.

Concernant le don de gamètes, je voudrais évoquer rapidement les points sur lesquels le Comité ou du moins certains de ses membres ne se rallient pas complètement à la proposition de loi. À l'instar de l'Ordre des médecins, le Comité propose de dédommager, non de rémunérer, les donneurs de sperme et d'ovocytes de leurs frais. Cela implique une indemnisation des frais relatifs aux rendez-vous honorés et aux déplacement accomplis. Le Comité jugerait utile que les différents centres accordent le même dédommagement.

Bien que l'anonymat des donneurs soit à présent la règle, le Comité consultatif se montre très divisé. Certains membres proposent le maintien de cet anonymat sauf lorsque le couple fournit lui-même un donneur, ce qui est le plus courant en matière de don d'ovocyte. Selon d'autres membres, les donneurs devraient obligatoirement être identifiables, selon le futur modèle néerlandais. De nombreux membres préconisent de suivre une politique qui vise simultanément deux objectifs : d'une part le maintien de la donation anonyme, notamment pour éviter une trop forte diminution du nombre de donneurs, et d'autre part l'identification des donneurs qui l'acceptent.

Il n'existe aucune preuve tangible que les enfants issus d'une donation éprouvent de réelles difficultés au cours de leur adolescence ou ultérieurement. Nous ne pouvons toutefois pas nous prononcer de manière définitive à ce sujet. Il nous semble important que les parents réfléchissent à toutes les situations susceptibles de se présenter, même s'ils restent maîtres de la décision relative au maintien ou non du secret. Ne pas révéler à l'enfant qu'il a été conçu par le biais de la donation ne signifie pas que ce secret ne peut être levé à un moment donné. Il serait en tout cas utile d'élargir l'éventail des possibilités et de ne pas ériger en règle l'anonymat du donneur. Il doit par conséquent être établi sur le plan légal que les donneurs tant anonymes que connus ne pourront jamais intervenir dans l'éducation des enfants et qu'aucune obligation de nature éducative ou financière ne pourra leur être imposée.

Une autre divergence de vues concerne l'exclusion des familles monoparentales. Des tendances différentes se dessinent au sein du Comité. Pour un premier groupe, la famille se limite nécessairement à une relation homme-femme, dans le cadre ou en dehors du mariage. Un deuxième groupe estime que la parenté doit être restreinte au couple mais admet la possibilité pour les couples lesbiens d'utiliser des gamètes donnés par des tiers.

Un troisième groupe considère, sans pour autant contester l'utilité d'une relation triangulaire, que l'absence de celle-ci peut être compensée par une relation monoparentale. Pour ces membres, certaines femmes sont parfaitement capables de gérer leurs relations sociales de manière telle que l'enfant rencontre suffisamment de personnes pour pouvoir s'épanouir de manière équilibrée. Un tel cas requiert peut-être, personne au comité ne le nie, une assistance psychologique plus approfondie et plus longue par rapport à un couple lesbien ou hétérosexuel classique. Pour certains membres du comité il serait discriminatoire d'exclure les femmes célibataires du droit à la fécondation in vitro.

À l'article 7, paragraphe 7, Mme Defraigne propose de limiter à six le nombre de grossesses. Selon des études internationales, le risque de consanguinité n'apparaît qu'au-delà du nombre de vingt-cinq enfants conçus. Par conséquent la limite proposée est peut-être un peu trop stricte. Tous les membres du Comité considèrent que les parents ont le droit de taire l'origine de l'enfant dans l'intérêt de celui-ci. Par conséquent, cet élément ne pourrait pas être mentionné dans les dossiers médicaux de l'enfant et de la mère. La reconnaissance de ce droit exigerait une adaptation de la loi relative aux droits du patient ou une décision claire quant à l'obligation qui incomberait au médecin de ne pas autoriser la consultation du dossier.

Le Comité fait remarquer qu'en ce qui concerne l'IAD, un certain nombre de points légaux doivent être réglés. Selon l'article 318, paragraphe 4, du Code civil, dans le cas d'un couple hétérosexuel marié le père ne peut contester sa paternité s'il a autorisé l'insémination artificielle, sauf s'il peut prouver que la conception de l'enfant ne découle pas de ce traitement. La loi ne précise pas la forme que doit revêtir cette autorisation ni la manière dont chacun des partenaires peut prouver sa bonne foi. Il n'existe par contre aucune disposition analogue dans le cas d'une IAD pratiquée dans le cadre d'un couple cohabitant non marié.

Selon le comité consultatif les règles de filiation chez les couples homosexuels constituent également un problème urgent. Les avis sont partagés. Bien que la loi du 8 mai 2003 permette à deux personnes de même sexe de se marier, la partenaire d'une femme qui donne naissance à un enfant ne peut faire établir un lien de filiation avec l'enfant ni se référer aux prérogatives parentales. Pour certains membres du comité, ces droits parentaux doivent être attribués aux conjoints de même sexe et les règles de filiation doivent être appliquées. D'autres membres, opposés à la naissance d'enfants dans des couples lesbiens, estiment néanmoins que la partenaire de la mère légale doit pouvoir jouir d'un certain nombre de droits parentaux compte tenu des rapports affectifs qu'elle entretient avec l'enfant.

J'en viens à la destination des embryons excédentaires. L'avis approuvé précise clairement que le comité recommande de permettre aux différents centres de limiter leurs choix quant à la destination des embryons. Au fil du temps cela devient moins important car pour autant que nous sachions, actuellement tous les centres acceptent toutes les destinations possibles. De nos recommandations, cet avis reprend surtout la nécessité de suivre l'avis et le consentement éclairé des personnes qui ont un projet de parentalité. Certains membres du comité estiment que cela doit être défini au début du traitement et que le centre et les parents doivent être informés de la durée de conservation des embryons et de la décision prise par les parents quant à la destination préconisée. D'autres membres jugent moins important que ces données soient couchées par écrit dès le départ. Ils pensent que les parents doivent être contactés quelques années plus tard pour être interrogés à ce sujet.

Certains ont objecté qu'on ne pouvait pas toujours retrouver ces parents et qu'à défaut d'accord on ne peut jamais avoir la certitude que les parents approuvaient réellement l'utilisation finale de l'embryon par le centre.

Le comité prône une certaine souplesse en matière de durée de conservation. Les embryons ne peuvent être conservés indéfiniment et la règle des cinq ans correspond assez bien à ce qui se passe dans la pratique. Cependant de nombreuses exceptions doivent être prévues.

Quant aux jeunes femmes qui veulent constituer des embryons sachant qu'elles deviendront stériles à la suite d'un traitement contre le cancer, il ne serait guère sensé de les obliger à faire dans les cinq ans les trois enfants qu'elles souhaiteraient. La durée de conservation doit alors être prolongée. Pour les jeunes parents qui veulent procéder à une fécondation in vitro, il n'y aucune raison d'imposer des grossesses trop rapprochées et une prolongation du délai de cinq ans doit donc être possible.

M. Philippe Mahoux (PS). — Nous avions opté pour l'idée que l'autorisation du don à la recherche une fois donnée l'était définitivement. C'est un problème de nature éthique. On peut en effet changer d'avis. Mais, évidemment, cela pose des problèmes à la recherche. Si une recherche a commencé, et qu'elle doit être interrompue à cause d'une reprise de l'autorisation par ceux qui l'avaient pourtant donnée, on vivra des situations délicates, voire impossibles. Cela risque de faire hésiter à commencer de telles recherches. Nous avions donc opté pour l'irréversibilité de l'autorisation. La discussion sur ce que j'appelle le droit de suite est intéressante. Du point de vue de l'enfant, la traçabilité des origines gamétiques peut être importante. Mais octroyer un droit de suite au donneur, au-delà du droit de regard sur l'usage fait des embryons, me paraît assez particulier. Or c'est ce qui est proposé par certains membres. Je voudrais donc que l'on précise cette attitude.

Si on laisse la liberté aux donneurs, ou aux auteurs du projet parental dans l'hypothèse où l'embryon n'aurait pas été créé à des fins de recherche, de révéler le fait qu'ils ont été les donneurs de gamètes, on leur octroie dès lors un droit de suite.

Je ne sais si tout cela a été discuté au comité consultatif. Mais cela me semble important.

Je poursuis avec une remarque d'ordre plus général. Il faudrait, une fois pour toutes, faire la distinction entre ce qui est adoption et ce qui ne l'est pas, y compris dans le cas des mères porteuses. Si une femme décide de renoncer à sa maternité sitôt l'enfant né, nous nous trouvons dans une logique classique d'adoption. Cela ne pose pas de problème. Par contre, il y a problème lorsque on s'inscrit dans une autre logique où la filiation serait déterminée par un contrat initial.

Dans le premier cas se pose néanmoins la question de savoir si on peut parler d'adoption quand il y a eu don de gamètes. En cas de don de gamète, ou bien il y a un droit de suite pour les donneurs, ou bien il n'y en a pas. S'il y a droit de suite, on devrait pouvoir poser la problématique de l'adoption. Sinon, il faut considérer les parents qui ne sont pas les parents biologiques, dès le début de la conception ou l'implantation de l'embryon, comme les vrais parents. Le problème est d'ailleurs aussi un problème juridique, un problème de droit civil qui semble insurmontable aux juristes.

Vous dites que le droit de suite ne détermine pas des droits. Mais qui le dit ? À partir du moment où les donneurs veulent être identifiés.

Mme Jacinta De Roeck (sp.a-Spirit). — À propos de l'éventuelle suppression de l'anonymat, un juriste du Commissariat aux droits de l'enfant affirme qu'il n'est pas inconcevable qu'un enfant intentant un procès sur la base de l'article 7 des droits de l'enfant — droit de connaître son origine biologique — obtienne gain de cause. Cet aspect a-t-il été pris en compte ?

La proposition de loi limite à six le nombre de dons de sperme alors que dans d'autres pays le maximum est de vingt-cinq. Ces six dons valent-ils pour la Flandre, pour la Belgique ou pour un territoire plus vaste ? Un expert d'un centre de fécondation pense qu'il serait préférable de créer une banque du sperme destinée à la race caucasienne afin que les Pays-Bas et la Flandre entre autres puissent échanger du sperme, évitant ainsi des problèmes à long terme.

La semaine dernière, le professeur Comhaire a déclaré que la qualité du sperme se dégradait. Tient-on compte d'une diminution de la fécondité et du fait qu'un nombre croissant de couples devront recourir au don ?

Enfin, je comprends que peu de gens soient favorables à la suppression de l'anonymat et je me réjouis que certains membres du comité en soient partisans. Une politique à deux objectifs est proposée. D'un point de vue éthique, est-il acceptable que des parents créent une discrimination pour leur enfant par leur choix en faveur du guichet » anonymat » ou du guichet » notoriété « ? Du point de vue de l'enfant cette situation peut être plus grave que le maintien ou la suppression totale de l'anonymat. Compte tenu de la nécessité de supprimer la discrimination entre enfants, je ne puis imaginer que la création d'un guichet A et d'un guichet B soit une solution.

Mme Micheline Roelandt. — Je répondrai tout d'abord aux questions de M. Mahoux. Je pense qu'au sein du comité, personne n'a considéré que, lorsque des parents avaient donné au préalable une destination à leurs embryons surnuméraires en accord avec le centre de fertilisation, ils ne pouvaient pas changer d'avis pendant la période définie pour la préservation des embryons. Si les parents signent et sont d'accord pour que leurs embryons servent à la recherche, ce n'est pas au lendemain de la fertilisation mais au moins cinq ans plus tard que ces embryons pourront être destinés à la recherche. Les parents peuvent changer d'avis dans les cinq ans. C'est dommage pour eux s'ils changent d'avis après six ans, quand les embryons ne sont plus censés être préservés.

Je pense que, d'un point de vue éthique, on est constamment confronté à une tension entre la liberté individuelle et l'autonomie d'une part et la responsabilisation des gens par rapport aux décisions qu'ils prennent d'autre part. Si on doit considérer que les gens veulent parfois revenir sur des décisions qu'ils ont prises, il y a aussi de la part des personnes qui prennent une décision la responsabilité de l'assumer. Je pense que ce n'est pas un manque d'éthique de considérer que si j'ai décidé un jour que les embryons surnuméraires pouvaient servir à la recherche ou que j'offrais mes gamètes pour qu'ils puissent servir à la création d'embryons pour la recherche, je suis censée, au moment de ma décision, pouvoir envisager que je devrai assumer cette responsabilité. On ne peut pas revenir en permanence en arrière par rapport à des décisions.

En ce qui concerne les droits de suite, votre question interpelle mais nous y avons beaucoup réfléchi. Je pense qu'il faut se dire qu'au moment où il a accepté de faire une donation identifiable par la suite, le donneur est censé devoir être mis en situation de donner un consentement vraiment informé. Cela signifie qu'étant donné la double ou la triple possibilité, les entretiens avec le donneur de sperme seront plus nécessaires encore qu'aujourd'hui et qu'il faudra l'amener à prendre en considération l'ensemble des conséquences d'une éventuelle levée de l'anonymat. Je pense qu'il faut s'assurer du fait que la levée de l'anonymat ne va pas dans les deux sens. Nous avons pensé à la levée de l'anonymat dans la perspective des intérêts de l'enfant et non dans celle des intérêts du donneur.

M. Philippe Mahoux (PS). — Si l'anonymat peut être levé pour l'enfant, celui-ci pourra entreprendre des démarches, ce qui mènera à la levée de l'anonymat de la descendance biologique du donneur. C'est quasiment automatique. S'il a le choix, quel donneur optera encore pour la levée de son anonymat ?

Mme Micheline Roelandt. — L'expérience à l'étranger montre que quand on lève obligatoirement l'anonymat, il ne reste plus qu'un cinquième des donneurs. Donc, 20 % des candidats donneurs peuvent envisager d'être identifiables par la suite. Nous ne voulions pas provoquer la diminution du nombre de donneurs. Nous respectons dès lors le refus de 80 % de donner leur sperme si l'identification était obligatoire.

Il est évident que dans ces conditions, il faut également prévoir une procédure permettant à un enfant de rechercher son père biologique. Très peu d'enfants de trois ans pourraient mener à bien cette recherche. Il serait donc raisonnable de prévoir, par exemple, et je reprends l'âge fixé aux Pays-Bas, un minimum de douze ans pour savoir si le donneur est identifiable, et seize ou dix-huit ans, selon les pays, pour pouvoir disposer de son identité. En d'autres termes, jusqu'à ce moment, puisqu'il ne sait pas qui a donné naissance à des enfants grâce à son sperme, le donneur n'a pas la possibilité de s'immiscer dans l'éducation de l'enfant. Ayant accepté d'être identifiable, il ne risque d'être confronté à cet enfant, qu'à partir du moment où il a atteint seize ou dix-huit ans.

Je ne pense pas que l'on puisse comparer le don de gamètes, et ce qui se passe par la suite dans la famille d'accueil, à une situation d'adoption. Ces deux choses étant éminemment différentes, il est extrêmement important de les clarifier lors des entretiens qui seront menés avec les personnes proposant leurs gamètes. N'oublions pas que dans pratiquement tous les dons d'ovules, la donneuse est connue. Si les femmes sont capables d'assumer cette idée, pourquoi pas les hommes ? Si les femmes sont capables de ne pas s'immiscer dans l'éducation des enfants, dans des couples où elles connaissent la receveuse, pourquoi cela poserait-il problème en cas de don de sperme ? Quand on parle de don de gamètes, on pense pratiquement toujours au don de sperme, mais il existe également une pratique en matière de don d'ovules.

M. Philippe Mahoux (PS). — Effectivement. Nous faisons du droit international privé. Nous n'imaginons aucun droit de suite de la part des donneurs vis-à-vis de l'enfant qui naîtra. Les droits pouvant varier en fonction de la résidence, du domicile, etc, nous essayons d'établir des règles, notamment en matière de filiation, de droit de suite, d'héritage.

Mme Jacinta De Roeck (sp.a-Spirit). — Très peu de recherches ont été effectuées en matière de dons. Une enquête suédoise démontre cependant que si la plupart des enfants ne recherchent pas un père ou l'identité du père, ils veulent connaître la couleur de ses yeux et de ses cheveux ainsi que ses origines sociales. Je ne veux pas plaider pour la suppression de l'anonymat. Il ne s'agit pas de droits successoraux ou du fait d'être père. C'est pourquoi la législation néerlandaise me paraît appropriée. Elle fixe une limite à 12 ans et l'enfant n'a le droit de connaître qu'un certain nombre de choses lorsque des raisons psychologiques le justifient. Il ne faut donc pas être trop catégorique en la matière.

Quoi qu'il en soit il existe très peu d'enquêtes scientifiques sauf sur les couples lesbiens car là la situation est connue, ce qui n'est pas le cas chez les couples hétéro, principalement parce que l'homme répugne à admettre qu'il est stérile.

Mme Micheline Roelandt. — Le Comité consultatif a voulu conserver un maximum de souplesse et élargir l'éventail des possibilités. Enfermer des gens et des situations dans des règles légales peut engendrer un certain » tourisme » ou l'organisation de circuits parallèles. La plupart des membres du Comité, pour autant qu'ils expriment leur conviction personnelle, pensent qu'il est préférable de ne pas taire les choses. Cependant cette conviction n'a aucune pertinence compte tenu des possibilités du futur couple parental au plan psychologique. Pour ma part il me semblerait préférable de ne pas garder le secret sauf si le partenaire du couple concerné a besoin de ce secret pour pouvoir remplir son rôle de père social. Il nous semblait important d'ouvrir la discussion sur toute une série de points avec les personnes qui ont un projet de parentalité. Le choix entre le guichet A ou B devient alors un choix réfléchi. Cela peut être le choix d'un donneur anonyme. On pourra expliquer aux futurs enfants la raison de ce choix. Nous ne voulions laisser subsister aucun doute sur le fait que le » nous » se rapportait aux parents, même si ce n'est pas le cas d'un point de vue biologique. Un choix déterminé n'a pas plus de valeur qu'un autre sur le plan éthique ou moral. L'important est que les gens aient la possibilité de réfléchir aux conséquences de leur choix et à la façon dont ils le justifient.

M. le président. — Vous raisonnez du point de vue des parents et vous exprimez une idée défendable. Cependant il convient d'être attentif aux conséquences de ce choix. Lorsqu'un enfant est confronté vingt ans après au choix effectué par les parents en matière d'anonymat, cela peut gravement perturber la relation parents-enfants. Le maintien de l'anonymat permet d'éviter ce type de conflit. Du point de vue de l'enfant, une politique à double objectif peut aggraver le problème. Il convient d'en tenir compte dans notre processus de décision.

Mme Micheline Roelandt. — Je n'ai en effet pas voix au chapitre à ce sujet. Pourtant il me paraît défendable qu'on veuille prendre ce risque vis-à-vis de l'enfant, tout simplement pour être reconnu en tant que parent.

Mme Mia De Schamphelaere (CD&V). — Ce secret ne finirat-il pas par devenir une fiction ? En effet chacun a la possibilité de faire procéder à une analyse ADN qui a force probante dans les litiges civils relatifs à la reconnaissance ou à la non-reconnaissance de la descendance et aux droits de succession. Peut-on éviter que des enfants demandent un jour une analyse ADN ?

Le Comité a-t-il mené une discussion quasi philosophique, éthique, anthropologique ou civiliste sur le concept de filiation ? Nous devons en effet nous demander ce qu'est la filiation, ce qu'est une adoption, ce qu'est l'attribution de certains droits parentaux non constitutifs de filiation. Faut-il encore employer le concept de filiation ou bien faut-il inventer un nouveau concept ?

Certains en effet considèrent que lorsqu'il s'agit d'un couple de femmes, il ne faudrait pas de filiation mais que l'on pourrait envisager d'attribuer légalement certains droits parentaux. La filiation est une chose, l'exercice de l'autorité parentale en est une autre.

Mme Micheline Roelandt. — Je suis obligée de vous répondre d'abord qu'il est évident que l'ensemble de ces concepts sont en évolution et que nous nous trouvons en permanence face à des interrogations auxquelles il faudra un jour répondre mais peut-être pas trop vite et pas de façon trop fixiste.

En effet, il est clair qu'il faut légiférer mais j'ai presque envie de dire que si le législateur s'était prononcé il y a dix ans dans ce domaine, nous aurions une expérience bien moins grande que celle que nous avons pu acquérir grâce à l'absence de loi.

Pour de nombreuses situations, les pratiques se sont avérées beaucoup moins problématiques et dangereuses qu'on ne l'imaginait dans le passé. Ces pratiques auraient probablement été interdites.

Il est très difficile de décider s'il faut, oui ou non, laisser faire. Il faut presque avoir l'intention de courir derrière la pratique tout en se rendant compte de l'existence d'une incohérence quant à la filiation. Un couple de femmes peut se marier, procréer mais la partenaire de la femme qui accouche n'a aucun droit sur l'enfant. Cela ne tient pas debout.

Cette question donne lieu à des débats intéressants, parfois d'autant plus difficiles à mener que le comité se compose de nombreux juristes. On observe chez les juristes une frilosité presque génétique. Ils ont du mal à imaginer la modification des choses.

En ce qui concerne la question de Mme De Schamphelaere, nous estimons que cette situation justifie qu'on privilégie l'absence de secret. Même sans don de gamètes de nombreux enfants naissent qui manifestement ne descendent pas du couple. Le risque est grand qu'ils l'apprennent un jour.

3. Audition du 30 mars 2004

Audition du :

— M. Marc Abramowicz, docteur en médecine, Campus hospitalo-universitaire d'Anderlecht, ULB;

— Professeur André Van Steirteghem, docteur en médecine, AZ-VUB;

— Mme Rose Winkler, biologiste, Labo oncologie moléculaire, ULg;

— M. Edouard Delruelle, professeur de philosophie morale et politique, ULg.

Présidence de M. Patrik Vankrunkelsven

M. Marc Abramowicz. — Je suis très honoré et très heureux de votre invitation. Je suis médecin généticien et la génétique travaille très souvent la main dans la main avec la procréation médicalement assistée (PMA). Je voudrais, avant de vous illustrer dans quelle mesure la procréation médicalement assistée peut servir à éviter des maladies génétiques, vous rappeler brièvement quelques notions de base de la génétique médicale.

Tout d'abord, à l'heure actuelle, la génétique consiste à étudier une série de maladies rares transmises suivant des modes génétiques tels que nous les avons appris à l'école, les maladies « single-gene Mendelian » qui se transmettent par les modes héréditaires simples que vous connaissez. Les quelques exemples fréquemment cités sont la myopathie de Duchenne telle qu'on la présente au Téléthon, la mucoviscidose, les thalassémies et d'autres maladies rares — parfois extrêmement rares —, maladies dont l'ensemble touche environ 3 % de la population.

Si on représente sur un graphique la fraction des gens malades en fonction de l'âge, on se rend compte que la plupart de ces maladies débutent précocement autour ou peu de temps après la naissance ou au cours de l'enfance. Il faut cependant savoir que d'autres maladies d'origine génétique débutent nettement plus tardivement dans la vie : vers 30 ans, 40 ans, voire 50 ans. On cite habituellement comme exemples certaines maladies dégénératives comme les démences héréditaires, les cancers héréditaires, etc. Le corollaire de cette petite statistique, c'est qu'on s'attend bien entendu à retrouver au moins le même taux d'anomalies précoces après procréation médicalement assistée qu'après une grossesse naturelle.

Nous définissons donc, dans la pratique médicale, des anomalies qui causent des malformations ou des troubles, qui présentent des conséquences sévères pour le sujet, soit sur le plan fonctionnel — par exemple le cour qui ne fonctionne pas, une absence de membres — soit sur le plan cosmétique — par exemple des anomalies défigurantes sévères. La sévérité de l'anomalie doit être située dans le contexte de la famille. Nous sommes d'emblée extrêmement prudents dans la définition stricte, toujours arbitraire, de ce qui est grave pour telle et telle famille.

Nous sommes tous porteurs de l'une ou l'autre anomalie génétique qui causerait une maladie sévère si elle était présente sur les deux exemplaires de nos gènes. Il n'y a personne qui soit strictement normal pour chacun des 30 000 gènes qui composent le génome. Nous sommes tous porteurs de quelque chose. Et lorsque deux parents s'unissent pour faire un enfant, en général, ils ne sont pas porteurs d'anomalie du même gène.

Donc, chacun des parents va donner la moitié de son matériel génétique à l'enfant qui va se retrouver avec un matériel génétique comparable à celui de ses parents et qui n'est pas normal. Dès lors : nous sommes tous porteurs de l'une ou l'autre anomalie. Par exemple, dans la population nord-européenne, une personne sur vingt-cinq porte une anomalie du gène de la mucoviscidose mais sur un seul de ses deux exemplaires, un seul de ses deux allèles. L'autre allèle, qui est normal, prévient la survenance de la maladie.

La difficulté se présente lorsqu'un couple est, par hasard, porteur de la même maladie récessive. Dans ce cas, les enfants auront chacun une chance sur quatre d'être atteints de la maladie. Lorsqu'une telle maladie se présente dans une famille, on peut en faire la prévention pour une grossesse suivante par le biais d'un diagnostic prénatal. Dans cet exemple, le problème n'est pas que les personnes soient porteuses mais que le couple soit porteur d'une anomalie identique.

Pour une prochaine grossesse, le risque sera donc d'une chance sur quatre et le diagnostic prénatal consistera à prélever un petit échantillon de ce qui va devenir le placenta de ce futur fotus pour voir si l'hérédité a fait en sorte que la maladie revienne dans la famille ou non.

En quoi la procréation médicalement assistée peut-elle intervenir ? Il arrive qu'on reconnaisse une hérédité récessive dans une famille, qu'on sache qu'il y a un risque de vingt-cinq pour-cent pour une prochaine grossesse mais qu'on ne connaisse pas la mutation et qu'un diagnostic prénatal ne soit pas réalisable techniquement, même en 2004. Ici donc, le don de gamètes, le don d'embryons peuvent empêcher la récidive.

De même, il y a un autre mode d'hérédité simple, de pratique médicale courante, sur lequel on peut techniquement intervenir qui est celui de l'hérédité liée au sexe. Dans ce cas, les femmes sont vectrices de la maladie sans l'exprimer mais la maladie se démasque statistiquement chez la moitié de leurs garçons. En effet, les femmes ont deux chromosomes X, les garçons n'en ont qu'un.

Une série de maladies dues à une mutation située sur ce chromosome X s'expriment chez les garçons et sont conduites par les femmes. Lorsqu'on connaît la mutation, on peut proposer techniquement un diagnostic prénatal du même type que celui de la situation précédente. Il arrive que l'on ne connaisse pas la mutation mais que l'on reconnaisse clairement le mode d'hérédité lié au sexe. Alors une manière de prévenir la récidive consistera en don d'ovule d'une autre femme, en don d'embryon ou encore, bien entendu dans un autre cadre, dans le choix du sexe foetal en empêchant pour un couple biologique la naissance d'un garçon qui serait à risque. En effet, en évitant la naissance de tout garçon, on évite la naissance d'un garçon malade.

En outre, cela s'applique aussi à un petit sous-groupe de maladies génétiques sur lequel je ne vais pas insister : celles qui sont dues à des maladies du génome des mitochondries qui sont des composants subcellulaires extrachromosomiques. Ces anomalies peuvent être conduites par les femmes aux enfants des deux sexes de façon parfois quasi systématique. Dans ce cas, le don d'ovule ou le don d'embryon répondrait à la question du risque.

Je vais aborder brièvement la question du diagnostic préimplantatoire qui ne fait pas partie du texte soumis à la discussion actuellement. Il s'agit cependant d'une technique qui est nécessairement couplée à la fécondation in vitro et pour laquelle les techniques de la génétique sont souvent sollicitées. À l'occasion d'une fécondation in vitro, il s'agit d'aller tester l'embryon à un stade précoce afin d'analyser s'il est ou non atteint d'une maladie dont on a préalablement identifié le risque dans cette grossesse biologique. On teste une ou deux cellules. On choisit ensuite de trier les embryons avant de les réimplanter dans l'utérus. On peut concevoir cette technique comme un diagnostic prénatal extrêmement précoce.

Je sais qu'il fera l'objet d'une autre réunion de la commission mais je voulais vous en toucher un mot dans la mesure où, bien sûr, on peut actuellement, chez des femmes d'un certain âge trier les embryons en fonction du risque ambiant général de trisomie mais on peut également, chez des couples qui sont à risque pour une maladie génétique particulière, comme la mucoviscidose ou la thalassémie, et qui présentent une infertilité justifiant une fécondation in vitro, coupler les deux techniques et n'implanter que les embryons produits in vitro et exempts de la maladie génétique en question.

Encore une fois, je me permets d'attirer votre attention sur le danger de définir d'une façon stricte ce qui est une maladie génétique à considérer comme une indication et ce qui ne l'est pas. Nos voisins français ont mis sous forme de loi des indications précises, ce qui a eu des effets fort difficiles à gérer dans la pratique quotidienne de la génétique médicale.

Enfin, quant à la définition des sujets donneurs et non donneurs et les précautions à prendre en ce qui concerne la diversité de notre population, je voudrais vous dire un mot au sujet de ce que l'on appelle l'hérédité de population, qui vise à savoir de quels gènes nous sommes tous constitués.

Un petit calcul suffit à se rendre compte que nous avons tous nécessairement des ancêtres communs. Nous avons deux parents, quatre grands-parents, huit arrière-grands-parents. Dix générations équivalent à dix fois vingt-cinq ans. Si l'on remonte jusqu'en 1750, nous devrions tous avoir 1 024 ancêtres différents pour qu'ils ne soient pas communs. Si l'on poursuit ce calcul et que l'on remonte à l'an 1250, il aurait fallu à l'époque un milliard de personnes sur la planète pour que chacun de nous puisse avoir des ancêtres dont aucun ne soit commun. Comme vous pouvez le constater, ce n'est pas possible. Par conséquent, si l'on veut définir notre population, on dira que nous sommes tous issus d'ancêtres différents, mais qui se recouvrent largement. Il faut garder cela à l'esprit lorsque l'on parle de génétique et de procréation.

Par ailleurs, il existe depuis toujours un risque d'erreur dans l'évaluation des mixités et des risques génétiques : 5 % des paternités attribuées sont des erreurs. C'est vrai dans toutes les populations et depuis toujours.

Excusez-moi d'avoir été très général. Quelques remarques factuelles peuvent aider à digérer le texte de loi. Je serai très heureux de répondre à des questions précises.

M. André Van Steirteghem. — Je voudrais faire quelques remarques au sujet de la proposition nº 3-418/1. Depuis le début je travaille dans le secteur de la reproduction assistée en Belgique. Au cours de toutes ces années mon collègue Devroey, du campus médical de la VUB, et moi-même avons été très actifs. Nous sommes à la base de nouveaux développements dans le domaine de la reproduction. Depuis quatre ans, je préside le collège de médecins « médecine de la reproduction ». Celui-ci fut créé dans le cadre de l'arrêté royal du 15 février 1999 et il y est fait référence dans la présente proposition de loi. L'arrêté royal définit également les critères de reconnaissance des centres.

À la première page du document 3-418/1, on peut lire que la fécondation in vitro consiste à faire pénêtrer en laboratoire un spermatozoïde dans un ovule. C'est quelque peu imprécis : lors de la fécondation in vitro, on met un ovule en contact avec un spermatozoïde mais celui-ci n'est pas introduit dans l'ovule. C'est une distinction importante.

L'alinéa suivant traite de l'injection intra cytoplasmique de spermatozoïdes. Dans ce cas, il est exact qu'au moyen d'une technique déterminée développée à la VUB au début des années 1990, on introduit un spermatozoïde dans un ovule. Ce même alinéa traite également des spermatides qui sont les précurseurs des spermatozoïdes. Après dix ans il s'avère aujourd'hui clairement que l'utilisation de spermatides ne permet pas la fécondation. On peut prélever des spermatozoïdes dans le sperme, dans l'épididyme ou dans le testicule mais il s'agit bel et bien de spermatozoïdes et non de spermatides. Je relève une petite faute de langue à la page 2. Un « e » a été malencontreusement ajouté à la fin du nom de Louise Brown.

J'en viens aux articles. Concernant l'article 2 et plus spécialement le 2º relatif aux « personnes concernées », je crains qu'une femme seule qui demande une procréation assistée ne soit classée comme une mère porteuse. Une mère porteuse est quelqu'un qui porte un enfant pour d'autres personnes. Pour une femme seule, se faire inséminer le sperme d'un donneur ne peut être comparé au fait d'être une mère porteuse. Si la procréation assistée est pratiquée chez les femmes seules, il serait préférable de lui attribuer une dénomination spéciale.

Tant pour le texte que pour la justification de l'article 3 je rejoins ce qu'a dit mon collègue Abramowicz sur la définition des maladies génétiques graves dont souffre l'enfant. Je pense qu'il existe un consensus général à propos de l'impossibilité d'établir une liste de ces maladies « graves ». La loi relative à la recherche sur les embryons fait clairement état de « maladies génétiques » sans y adjoindre un adjectif. Je propose de procéder de la sorte dans la présente proposition, sinon nous aboutirons à une impasse.

L'article 3 prévoit la possibilité d'éviter par un diagnostic préimplantatoire la naissance d'enfants souffrant de malformations génétiques. La justification précise que cela doit se faire dans les centres de médecine de la reproduction décrits dans l'arrêté royal du 15 février 1999. Je pense qu'il est important de mentionner ici aussi que ce diagnostic préimplantatoire génétique peut également être effectué dans les centres de médecine génétique. Depuis 1989 un arrêté royal règle les activités et les travaux de ces centres. Peut-être est-ce mentionné dans une autre proposition de loi dont nous ne discutons pas aujourd'hui.

Je pense qu'il est important d'inscrire également dans la présente proposition que le diagnostic et le premier entretien avec les patients peuvent avoir lieu dans un centre de médecine génétique. Bien entendu il faut une collaboration entre les centres des deux types. L'arrêté royal de 1999 prévoit d'ailleurs que chaque centre qui demande un agrément doit conclure un accord avec un centre de médecine génétique.

L'article 4 prévoit que les patients doivent rédiger une demande écrite. J'estime que c'est possible mais je voudrais ajouter qu'une telle demande est synonyme d'alourdissement administratif. Cette mise en garde vaut également pour la disposition contenue dans le premier paragraphe du dernier alinéa de l'article 4. Celui-ci prévoit que la demande doit être approuvée par le comité d'éthique de l'institution de soins concernée. Ne me comprenez pas mal : le principe de cette sorte de traitement doit bien entendu, comme pour tous les nouveaux types de traitement, être soumis à un comité d'éthique qui doit dès lors rendre un avis à son sujet.

Il serait cependant impensable que chaque dossier de chaque patient individuel soit soumis à un comité d'éthique. Dans notre hôpital nous traitons plus de deux mille couples par an. Je suppose que ce comité ferait quelque objection si tout à coup il devait traiter deux mille dossiers. Je souhaite simplement vous mettre en garde contre une procédure excessivement lourde.

Le paragraphe 5 de l'article 7 prévoit : « Le don de sperme et le don d'ovocytes sont en principe anonymes ». Lors de sa dernière réunion, le Conseil consultatif de bioéthique a rendu un avis relatif au don de gamètes. Il y propose clairement de permettre dans notre pays, comme aux Pays-Bas, une politique à deux objectifs. Les couples doivent pouvoir opter pour un don totalement anonyme mais un don connu doit être possible. Jusqu'à présent en Belgique le don de sperme est resté presque exclusivement anonyme. En ce qui concerne le don d'ovules, plusieurs des dix-huit centres agréés admettent dans la pratique qu'une sour ou une amie par exemple cède des ovules à quelqu'un qui sinon ne peut être enceinte. Après une sérieuse concertation le don d'ovules est la plupart du temps accepté.

Le septième paragraphe de l'article 7 prévoit : « Le recours aux gamètes d'un même donneur ne peut délibérément conduire à la naissance de plus de six enfants ». J'estime que c'est peu. Il ne devrait d'ailleurs pas s'agir de « six enfants » mais de « six familles ». Il arrive en effet souvent que des couples qui recourent au don de sperme souhaitent plus qu'un enfant et demandent donc au centre d'utiliser le sperme du même donneur pour les enfants suivants. Dans ces cas il n'existe aucun risque de consanguinité.

Je pense d'ailleurs que mon collègue Abramowicz s'est montré encore très prudent en citant le pourcentage de 5 % de paternités inexplicables. Dans la plupart des pays, il existe une réglementation selon laquelle un donneur doit donner à dix familles la possibilité d'avoir un enfant. Même dans ce cas les risques de consanguinité sont faibles.

Dans le texte les indications relatives aux dons de sperme et d'ovules ne font nullement mention de risques génétiques. Le don de sperme ou d'ovules peut néanmoins constituer une solution pour des couples présentant un risque génétique élevé.

Le premier paragraphe de l'article 9 débute comme ainsi : « La possibilité de recueillir et de conserver des gamètes ... » Je voudrais quand même faire une remarque à ce sujet. Dans l'état actuel de la science, il n'est pas possible de congeler des ovules et de les utiliser ultérieurement. Après des centaines voire des milliers d'essais, seuls une cinquantaine d'enfants sont nés grâce à cette technique. Elle est donc réellement expérimentale.

L'Italie a récemment adopté une loi relative à la procréation médicalement assistée. Elle est très restrictive et même plus stricte que la loi allemande. Elle prévoit notamment qu'à la différence des ovules, les embryons ne peuvent plus être congelés. La communauté scientifique du monde entier a protesté en disant qu'autoriser la seule congélation d'ovules constitue une énorme erreur.

Je plaide pour que soit également autorisée la procréation médicalement assistée dans certaines circonstances, chez les porteuses de certaines maladies virales comme le HIV. Cela pourrait être prévu dans une disposition de la proposition de loi. Bien entendu les conditions de la procréation médicalement assistée dans ces circonstances doivent être claires. En outre des mesures sanitaires strictes doivent être prises afin d'exclure tout risque de contamination. Je connais deux centres qui pour ces cas respectent des critères stricts : un en France et un en Belgique, l'hôpital Érasme.

M. le président. — Comment l'envisagez-vous concrètement ?

M. André Van Steirteghem. — Le sperme d'un homme séropositif peut être contrôlé. Le risque de contamination de l'enfant est également presque inexistant chez une femme séropositive dont le load viral est très bas grâce à une bonne tri-thérapie.

Le laboratoire pratiquant la procréation médicalement assistée chez des patients atteints par le HIV doit être spécialisé. Dans notre pays, nous n'avons besoin que d'un ou deux laboratoires de ce genre. À l'AZ VUB, nous ne proposons pas une procréation médicalement assistée aux patients atteints du HIV mais nous les envoyons vers un centre spécialisé lorsque leur demande est fondée.

Il est bon de prévoir que les patients qui disposent d'embryons congelés ne puissent pas demander une nouvelle fécondation in vitro. La procédure prévue selon laquelle les parents doivent être contactés chaque année est toutefois lourde.

De nombreux éléments de la présente proposition de loi sont très positifs. Mes remarques ont uniquement pour but d'améliorer le texte.

Mme Rose Winkler. — N'étant pas une professionnelle de la procréation médicalement assistée, ce n'est donc pas en cette qualité que j'ai examiné cette proposition de loi.

Je commencerai par une précision. De toute évidence, il appartient aux hommes et aux femmes politiques de proposer des lois qui réglementent un certain nombre de domaines parce qu'ils sont les seuls à être responsables de leurs actes devant l'opinion publique.

Nous avons eu de nombreuses discussions à ce sujet au Conseil consultatif de bioéthique et nous avons toujours essayé de bien faire la distinction entre ceux qui s'occupent des problèmes éthiques et les législateurs.

Je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit. Cette proposition de loi contient une série d'éléments positifs tout en soulevant quelques difficultés.

Il est malaisé de traiter du domaine de la procréation car nous considérons que cette question appartient largement à la sphère privée. La plus grande difficulté est de définir qui a, ou non, accès à ces techniques. Le problème n'est pas nouveau. Je me souviens d'avoir participé à des discussions de ce type à la fin des années '80. Déjà, nous avions buté sur la question de savoir qui avait le droit de bénéficier de ces techniques.

L'introduction fait état de la grande injustice qui frappe les femmes, par la diminution très rapide de leur fécondité, injustice qui n'est évidemment pas due à la société mais à la nature. Le « Bon Dieu » est peut-être macho ... Les femmes relativement jeunes ont de plus en plus de difficultés à faire un enfant et doivent, d'une certaine façon, choisir entre leur vie professionnelle et leur vie familiale.

Ce sont des éléments que je retrouve tout au long de cette proposition de loi où l'on parle de couple, notion aussi ouverte que présente qui, en raison de l'évolution de la société, risque d'évoluer fortement.

Un élément me pose problème en tant que femme. L'article 4 évoque une femme en âge physiologique d'être ménopausée. Connaît-on véritablement bien — et je m'adresse aux médecins, ce que je ne suis pas — le moment où l'on peut dire qu'une femme atteint cet âge physiologique ? Je sais que de jeunes femmes sont ménopausées et que des femmes relativement âgées ne le sont pas. Comment pourra-t-on définir une sorte d'âge limite à partir duquel une femme aura, ou non, droit à ces techniques ?

J'ai également été interpellée par ce recours au comité d'éthique lorsqu'il s'agissait d'accepter, ou non, une demande de procréation médicalement assistée. En effet, je ne pense pas que ces comités d'éthique soient véritablement mis en place dans le but de déterminer si quelqu'un a le droit d'avoir accès à ces soins.

Lorsqu'on donne au médecin — et c'est à juste titre — le droit de ne pas pratiquer, on devrait préciser que ce médecin doit réorienter les personnes vers un autre centre. Un autre élément m'interpelle en tant que femme : le don de sperme est rémunéré mais le don d'ovocytes ne l'est pas.

Dans notre société, nous nous faisons de la femme l'image d'un être fragile que nous devons absolument protéger. Néanmoins, il est également possible qu'une pression soit exercée sur de jeunes hommes démunis pour les amener à donner du sperme, peut-être même de manière excessive.

La société a accepté depuis toujours que la femme vende son corps pour gagner sa vie. Donner des ovules contre rémunération est un geste beaucoup moins grave mais qui pose cependant problème. Je ne cherche pas à choquer en disant cela et je ne plaide pas pour que le don d'ovocytes soit nécessairement rémunéré mais bien pour que l'on y réfléchisse en profondeur.

Tels sont les éléments qui me semblaient les plus importants et qui ne sont pas toujours faciles à déterminer dans une société en pleine mutation. Comment limiter l'accès à ces techniques à une catégorie particulière de la population ?

M. Edouard Delruelle. — Je suis philosophe. Je poserai donc une série de questions auxquelles je n'ai pas de réponse. Qui plus est, le philosophe a un devoir d'impertinence et de critique. Je voudrais donc que l'on n'interprète pas mes interrogations comme un signe de défiance ou d'opposition mais plutôt comme une incitation à poser certaines questions de façon plus pertinente.

La première des remarques que je vous livrerai est principielle : quelle est la nécessité d'une loi ? Avant d'élaborer une loi, il faut se demander si elle est nécessaire. Le commentaire des articles fait référence aux abus, aux caprices, à l'impatience de certains parents, ainsi qu'à certains cas médiatiques. Une loi pourra-t-elle régler tous ces cas ? Le cadre actuel ne suffit-il pas à les prévenir très globalement ?

Le rôle du médecin n'est-il pas de faire en sorte qu'il y ait le moins possible de procréations médicalement assistées capricieuses ? Les normes en vigueur, en particulier l'arrêté royal de 1999 sur les centres de reproduction ne suffisent-elles pas ?

Ce problème bioéthique est tout à fait différent de celui de l'euthanasie ou de l'avortement, dont les conséquences sont autrement graves et touchent à des interdits fondamentaux de la société.

Nous nous trouvons ici dans un cadre assez différent. Qui plus est, on peut se demander si une loi de ce type ne risque pas d'être dépassée dans quelques années. On a très souvent évoqué au Comité consultatif de bioéthique le fait que la loi doit intégrer les risques qu'il y ait, à un moment donné, des innovations scientifiques susceptibles de bloquer les pratiques médicales.

On a déjà souligné — et cela figure dans la proposition de loi — le fait que les PMA ne servent pas seulement à mettre fin à la stérilité mais également à éviter certaines maladies génétiques. Peut-être d'autres finalités thérapeutiques pourraient-elles voir le jour ? N'étant pas médecin, je ne puis me prononcer à ce sujet mais c'est une question qui mérite d'être posée.

Outre cela, le principal point que je voudrais aborder est le fait que le centre de gravité de la proposition de loi est le couple. L'article 3 dit très clairement que la procréation médicalement assistée a pour objet de remédier à la stérilité, à l'infertilité ou à l'hypofertilité d'un couple ou d'éviter la transmission à l'enfant d'une maladie génétique d'une particulière gravité. Dans la plupart des cas que nous avons en tête, la PMA concernerait des couples.

La proposition est très libérale puisqu'elle inclut les couples homosexuels. Cela me semble tout à fait correspondre à l'évolution de la société mais alors que l'article 4 définit le couple comme étant constitué d'un homme et d'une femme majeurs, dans le commentaire, il est aussi question d'un couple homosexuel mais peut-être n'ai-je pas été suffisamment attentif à la rédaction.

La base étant le couple, je voudrais émettre trois considérations :

D'abord, doit-on absolument exclure la demande d'une femme isolée ? Les nombreux médecins que j'ai consultés à ce sujet disent refuser, la plupart du temps, les demandes émanant de femmes isolées. Il peut cependant leur arriver d'accéder à la demande d'une femme qui n'est pas en situation de couple ou dont la situation de couple peut être, selon nos critères, aléatoire. Faut-il donc totalement exclure cette possibilité ?

Si l'on considère que la PMA doit se faire dans le cadre d'un couple, qu'est-ce qu'un couple et qui va en décider ? De deux choses l'une : Ou bien on fixe des conditions objectives. Je crois savoir qu'en France, il faut, pour être considéré comme un couple, présenter une attestation de cohabitation d'au moins deux ans et on voit tous les inconvénients qu'il y a à mettre des conditions objectives de ce type.

Ou alors, il appartiendra au médecin de juger si les demandes sont animées d'un projet parental commun inscrit dans le cadre d'une relation affective stable. Je me demande s'il entre véritablement dans les prérogatives du médecin de juger ce qu'est un projet parental commun et une relation affective stable.

Ceci m'amène à ma troisième question, une question ouverte, anthropologique ou philosophique. C'est celle de l'articulation entre le couple et la reproduction. Le problème est très classique. Je me permets seulement de le soulever à nouveau. On sait que dans les sociétés traditionnelles, ces deux éléments sont fondamentalement liés. Le couple est la condition de la reproduction. Le couple est également la finalité de la reproduction. Nous savons aussi que notre société moderne a désarticulé et rendu indépendants ces deux éléments. Le couple n'a pas spécialement un projet de reproduction, d'une part, la reproduction peut être, et l'est de plus en plus, assumée individuellement. Je ne dis pas qu'il s'agisse d'une évolution positive de la société. Nous constatons tous que les « filles mères », les veuves, les divorcées, pour se limiter à ces exemples, peuvent parfaitement assumer un projet parental qui n'est pas commun.

Je constate donc que les choses sont découplées. Je me demande d'ailleurs s'il ne faudrait pas recentrer la loi, si loi il doit y avoir, sur les conditions de la procréation, sur les questions de la procréation médicalement assistée. J'ai parfois le sentiment que la proposition de loi glisse de la question de la procréation médicalement assistée à la question du couple : de ce qu'est un couple, de ce qu'est d'avoir un projet parental, des conditions auxquelles un couple peut avoir accès à une procréation médicalement assistée.

Je me demande s'il ne faudrait pas — je pose la question, mais peut-être s'agit-il d'orientations politiques au meilleur sens du terme — se recentrer sur la question de la procréation médicalement assistée.

Deux autres petites remarques. La première porte sur la question de l'anonymat du don qui est affirmé à l'article 7. On peut se demander si, à côté d'une filière reposant sur l'anonymat du donneur, on ne devrait pas laisser la possibilité de connaître le donneur et d'une manière un peu plus large. L'important est que la séparation soit claire entre le donneur et la paternité ou la maternité.

Le donneur ne doit pas avoir la possibilité de revendiquer juridiquement la paternité. Mais on peut très bien imaginer que le projet de couple infertile inclue la connaissance du donneur. Il est aujourd'hui de plus en plus question du besoin de connaître les origines. C'est quelque chose qui revient régulièrement sous la plume des psychologues à propos de l'accouchement sous X. On peut se demander si, à côté de la procréation médicalement assistée où les donneurs sont anonymes, on ne peut pas prévoir la possibilité de réaliser cette procréation sans anonymat. C'est une question que je soulève.

Enfin, je voudrais, comme mes collègues, mettre en garde contre l'article qui spécifie que la demande doit être examinée par le comité d'éthique hospitalier. Je voudrais vraiment attirer l'attention des responsables politiques. D'une part, n'est-ce pas trop lourd ? Est-ce praticable ? Je crois savoir aussi qu'un arrêt du Conseil d'État précise que la fonction du comité d'éthique hospitalier ne peut être l'aide à la décision individuelle du patient. Il me semble qu'avec cet article, on est à la limite. Il s'agit évidemment d'une question juridique, et je ne suis pas juriste.

Ce qui m'inquiète le plus, c'est le risque de « tribunalisation ». Je crains que dans certains hôpitaux, le comité d'éthique hospitalier ne crée progressivement une jurisprudence qui consisterait précisément à juger ce qu'est ou ce que n'est pas un couple et à décider quel genre de couple peut ou non avoir accès à la PMA. Cette question me paraît essentielle. Il ne faudrait pas que la liberté que l'on donne aux individus leur soit retirée par une forme larvée de contrôle exercé par le biais des comités d'éthique hospitaliers. Ce sujet avait déjà été largement débattu lors des discussions relatives à l'euthanasie : cette pratique devait-elle ou non être soumise à l'approbation du comité d'éthique hospitalier ? Je tenais, ici, à insister une nouvelle fois sur ce danger.

M. Philippe Mahoux (PS). — En guise de première remarque, il me semble important de leur préciser qu'ils s'adressent à des parlementaires membres d'un groupe de travail appelé à examiner un texte émanant d'une parlementaire.

Je voudrais d'abord leur demander s'il appartient au législateur de déterminer les indications de la procréation médicalement assistée. Il s'agit, en effet, non de définir les conditions, mais de déterminer les indications. Cela sous-entend qu'il conviendrait de déterminer des indications acceptables — d'une part, d'ordre médical, biologique, génétique et, d'autre part, d'ordre sociologique — dont le législateur se saisirait. J'aimerais connaître leur avis au sujet de cet aspect double de la problématique. Si l'on détermine des indications, l'on crée de manière automatique des contre-indications, y compris sur le plan sociologique. Cet élément très important doit être pris en compte.

Certains d'entre eux ont évoqué la problématique de l'anonymat des donneurs. Je rejoins d'ailleurs Mme Winkler sur ce point : que l'on choisisse le don de sperme et le don d'ovule, cela ne fait pas grande différence, mais il faut choisir le même mode, à défaut de quoi il en découle une discrimination injustifiable.

Quant à l'anonymat, la tendance est de considérer — l'avis du Conseil consultatif de bioéthique va également dans ce sens — que le donneur aurait, à la limite, le choix. Cela m'interpelle. Qu'est-ce qui, dans l'anonymat, est réellement important ? Est-ce la liberté donnée au donneur ou à la donneuse ou est-ce la possibilité pour l'enfant qui naîtra de ce don de pouvoir remonter la filière ?

En d'autres termes, dans l'avis du Conseil consultatif de bioéthique, vous donnez au donneur la responsabilité de savoir si ce droit d'identification sera ou non une réalité. Or, cela ne le concerne pas lui mais l'enfant qui naîtra. Cela me surprend.

Ce droit, à l'origine, est tout à fait fondamental, mais je mesure bien toute la problématique liée au droit de suite de la part des donneurs, y compris sur le plan juridique et en droit civil. Je pense que le problème n'est pas réglé.

Par ailleurs, j'aimerais avoir votre sentiment. On établit, de manière assez intrusive, quelles seraient les indications et contre-indications pour procréer. J'ai entendu certaines remarques : qu'est-ce qu'un bon parent ? Qu'est-ce qu'un couple ? Un couple qui peut procréer, de manière naturelle ou non, est-il fidèle ? Lorsque, en tant que bourgmestre, je procède à des mariages et je prononce la formule relative à l'engagement de fidélité, je me trouve assez intrusif. Après tout, la fidélité concerne le couple et non l'officier de l'état civil ! De la même manière, cette question peut-elle être de la compétence d'une personne qui aurait à se prononcer sur l'accès d'un couple à la procréation médicalement assistée ?

M. Delruelle a parlé du fait que ces techniques étaient réservées aux couples et a également soulevé la question de la détermination du couple. Ces deux points appellent une réflexion.

J'en viens à une autre remarque. Selon moi, la proposition de loi détermine qui peut être parent, dans les cas spécifiques où la société peut en décider, car dans le processus naturel, la société n'a pas son mot à dire. Pourquoi cette discrimination ? Par contre, on peut poser la question de savoir ce qui est remboursable par l'INAMI; cette question est évoquée dans l'exposé des motifs de la proposition de loi.

Si je compare avec la chirurgie esthétique, personne n'est habilité à se prononcer sur la légitimité d'une intervention, et sûrement pas les personnes chargées de la réflexion éthique ou le conseil d'éthique médicale d'un hôpital. L'indication sera demandée par le patient et posée par le médecin, lesquels s'entoureront éventuellement de toute l'aide nécessaire à la décision.

La question est de savoir si l'on rembourse ou pas. La société doit-elle prendre en charge l'intervention de chirurgie esthétique ou ce que pourrait être une intervention de procréation médicalement assistée qui ne trouverait pas de raison suffisante de prise en charge par l'ensemble de la collectivité ? Il me semble que le présent texte recèle une confusion entre les deux approches. Nous pourrions mener une réflexion à cet égard.

M. André Van Steirteghem. — Le législateur doit-il prévoir des indications précises pour la procréation assistée ? Je ne le pense pas. Toutefois, le cadre dans lequel se déroule la procréation médicalement assistée doit être défini. Reste à savoir si cela a déjà été fait.

Prévoir des indications légales précises peut conduire à des possibilités et à des inégalités, surtout si, à brève échéance, de nouvelles indications apparaissaient.

En ce qui concerne l'anonymat des donneurs, je pense que, contrairement à ces derniers, les receveuses demandent une politique des deux options. Certains souhaitent un don anonyme, d'autres un don connu. Le Comité consultatif a proposé de demander aux donneurs le type de don qu'ils acceptent. À condition que, dans le cas d'un accord pour un don connu, l'enfant puisse, à un moment donné, prendre contact avec le donneur afin d'obtenir certaines informations.

L'expérience acquise avec les dons de sperme nous a appris que la plupart des couples ne disent jamais à leur enfant qu'il est le fruit d'un tel don. On a effectué des études approfondies sur le sujet. Si l'on autorise que les dons connus, comme c'est le cas en Suède et aux Pays-Bas, de grandes difficultés peuvent se poser. Je plaide donc pour une politique des deux options.

Nous ne pouvons pas nous prononcer sur la « fidélité du couple ».

Comment le remboursement a-t-il lieu aujourd'hui en Belgique ? Tous les actes médico-techniques (consultation chez le gynécologue, échographie, examens, prélèvement d'ovules, implantation d'embryons) exécutés lors d'une procréation médicalement assistée sont remboursés. Depuis le 1er juillet 2003, l'intervention du laboratoire est également remboursable sous certaines conditions, non comme un acte médico-technique mais par le biais de l'hospitalisation. Sous certaines conditions, les centres établis dans des hôpitaux bénéficient d'un remboursement, en fait pour faire baisser le nombre de grossesses multiples.

Selon moi, l'accessibilité, en Belgique, est pour l'instant bien garantie. Les coûts qui sont encore à la charge des patients sont en fait négligeables.

Mme Rose Winkler. — Je voudrais répondre à la première question, à savoir s'il entre dans les compétences du législateur de déterminer les indications de PMA.

Je ne suis pas médecin mais biologiste — je comprends donc de quoi il s'agit — et femme, ce qui fait que je suis solidaire avec les personnes confrontées à ce type de problème.

J'ai, en la matière, deux opinions. La première se basera sur des considérations médicales, la seconde, sur des considérations sociologiques.

Dans la mesure où la société intervient dans les PMA, notamment grâce au remboursement INAMI et à la mise sur pied d'équipes médicales, je considère que le législateur n'est pas un intrus lorsqu'il cherche à déterminer certaines indications de PMA. Pour bien faire, il devrait définir les indications médicales minimales actuelles sans fermer la porte à d'autres indications susceptibles de se présenter ultérieurement.

En revanche, j'estime qu'il vaudrait mieux que le législateur ne se mêle pas de considérations sociologiques et qu'il ne définisse pas quelles sont les personnes qui peuvent ou non bénéficier de ce type de technique. Il faudra évidemment demander l'avis des médecins à ce sujet. Comment va-t-on décider que telle personne n'est pas dans les conditions définies comme étant celles de la « parenté idéale » ? Ces indications me semblent plutôt dangereuses et elles pourraient en tout cas, constituer un risque à terme.

Quant à l'anonymat du don, il s'agit d'un problème extrêmement complexe qui a été évoqué lors des grands débats sur l'accouchement sous X. Je ne partage absolument pas l'avis qu'a rendu le Conseil consultatif de bioéthique à ce sujet. Personnellement, je préférerais que le don anonyme le reste entièrement. J'imagine déjà, dans vingt ans, un enfant conçu selon cette technique venir faire un procès à son père ou à sa mère donneuse de gamètes. Je ne sais pas quelle sera alors la réaction de la justice.

Mettre cela dans la loi ne me semble pas souhaitable.

Cela répond, me semble-t-il, partiellement à votre dernière question de savoir qui peut être parent ou non, et de la différence entre ceux qui sont devenus parents par ces techniques et ceux qui le sont par des techniques naturelles.

M. Abramowicz. — Les questions de M. Mahoux effectivement résument l'essentiel des difficultés soulevées par ce type de texte, à commencer par la compétence du législateur à définir les indications. Je suis venu ici en me disant qu'on ne pouvait élaborer une loi sur la PMA sans évoquer cette question-là. Il faut être très prudent dans la manière dont on aborde la légitimité d'une loi sur cette question médicale et d'avoir à l'esprit d'autres pratiques médicales où la question de légiférer ne se pose pas comme : est-ce de la compétence du législateur de fixer les indications d'un pontage coronaire ? Y aurait-il une limite d'âge, de santé ou d'autres conditions à mettre au pontage ?

Ceci est laissé à l'évaluation du corps médicale. Nous assistons à une législation progressive de l'activité médicale, c'est normal. Mais il faut aussi laisser du champ à l'interprétation et faire confiance au corps médical. Il faut éviter que cette loi ne mette en porte-à-faux d'autres pratiques médicales courantes et acceptées. Il y a un caractère exceptionnel aux questions qui touchent à la reproduction, toutefois je pense que la question de la loi se pose et qu'elle est acceptable dans ce cadre.

De toute manière, M. Mahoux l'a rappelé, la question du remboursement par l'INAMI va faire poser la question de la légitimité de l'acte médical. Je n'imagine pas que des médecins pratiquant une procréation médicalement assistée aient la possibilité de la faire tarifer à l'INAMI et ne le fassent pas. Je puis vous dire que, si nous avions cette attitude dans le cadre de la pratique génétique actuelle, notre gestionnaire médical nous demanderait pourquoi nous ne faisons pas entrer de l'argent dans notre institution puisque de l'argent public est destiné à cet acte. Cette question se posera donc.

Sur l'anonymat, je ne pourrais mieux dire que les orateurs précédents.

Sur la fidélité, je vais m'abstenir.

Mais sur la question centrale de la définition du couple et de la famille, il y a certainement une tentation de figer dans une loi une question floue, à propos de laquelle les valeurs reculent dans l'esprit du public. Peut-être serait-il possible de phraser une loi dans le sens des pratiques actuelles courantes ? Nous avons beaucoup réfléchi aux indications marginales : la femme vierge de trente ans qui refuse le rapport charnel et qui veut être mère, faut-il l'inclure ? Nous avons réfléchi aux exclusions que pourraient engendrer les indications définies.

Pourtant, il faut se rendre compte que l'essentiel de la pratique consiste en couples selon la définition intuitive du mot, c'est-à-dire des gens qui cohabitent depuis longtemps et qui ont un désir parental partagé, le plus souvent des couples hétérosexuels. Les cas les plus fréquents ce sont des couples qui n'ont pas de grossesse depuis un an et qui demandent une aide médicale à la procréation. C'est une indication facilement acceptable, pour laquelle la médecine est faite. Peut-être pourrait-on définir l'indication de la procréation médicalement assistée comme un acte médical conduisant à obtenir une grossesse, conduisant à pallier un manque de grossesse, dans un cadre où elle est désirée et acceptable dans l'état actuel de la société et acceptable suivant les standards du comité d'éthique hospitalier.

Je pense aussi — j'insiste sur ce point — qu'il serait extrêmement contre-productif de soumettre chaque demande au comité d'éthique hospitalier, dont ce n'est pas le rôle de juger au cas par cas et qui serait débordé par ces demandes, sans compter les effets pervers évoqués par M. Delruelle.

Il faut laisser une possibilité interprétative, la volonté étant de définir un cadre qui corresponde de manière générale à l'évolution sociale actuelle.

Enfin, en ce qui concerne la dissymétrie entre l'âge des hommes et celui des femmes, une loi ne pourra assurer une équité parfaite que la nature n'a pas voulue. Le phrasé « âge d'être ménopausée » me paraît correct. Il faut être très attentif aux ménopauses précoces. Certaines femmes sont ménopausées à l'âge de 35 ans; il n'est évidemment pas souhaitable de leur interdire toute grossesse. L'âge de la ménopause est une notion qui bénéficie d'une définition statistique — entre 40 et 55 ans, avec une moyenne d'âge de 52 ans dans la population belge — et permet une certaine interprétation médicale. Celle-ci entre dans le cadre des autres lois de bioéthique, où une certaine initiative est laissée au médecin d'interpréter sa pratique selon le contexte et les besoins.

M. Edouard Delruelle. — Je serai très bref. J'en reviens à l'éventuel risque principal de la proposition, à savoir le fait que la loi détermine qui peut être parent ou non. Cette idée nous paraît tout à fait intolérable dans le cas de la procréation naturelle. La société peut retirer à une personne la garde de son enfant, mais non lui interdire de procréer.

Déjà dans le cas de l'adoption, l'État se montre, on le sait, beaucoup plus intrusif. Il est d'ailleurs normal qu'il fixe un certain nombre de conditions et que des enquêtes aient lieu. Convient-il, ou non, d'élargir ce type d'indications à la procréation médicale assistée ? Ce que la loi va faire, ce n'est pas tant de définir qui peut être parent ou non, mais de confier ce rôle au médecin. C'est en effet le médecin qui, si je ne m'abuse, devra juger si le couple a une relation stable ou affective. Je suis extrêmement réticent à cet égard.

Cela dit, il faut tout de même admettre la question posée par la proposition de loi, car les structures de parenté ne sont pas exclusivement d'ordre privé. Dans toutes les sociétés, le pouvoir normatif intervient sur des questions telles que les conditions de la filiation et de la reproduction. Cette question est donc pertinente. Il est normal que la société pose des normes fondamentales. Ce qu'il faut savoir, c'est si l'enjeu est bien celui-là en l'occurrence.

Si la loi doit épouser les pratiques médicales courantes, je me demande quelle est sa pertinence si celles-ci sont, globalement, acceptables, mis à part quelques abus et pratiques périphériques. Évitera-t-on ces abus et, s'il s'agit uniquement des pratiques médicales courantes, ne vaudrait-il pas mieux faire l'économie d'une loi ?

Mme Christine Defraigne (MR). — Plusieurs questions fondamentales sont posées et, comme je suis le modeste auteur de cette proposition, je voudrais rappeler le fil conducteur de la démarche qui m'a inspirée.

Tout d'abord, je me suis évidemment posé la question de l'opportunité d'une loi. Il m'est apparu qu'à partir du moment où compétence a été donnée pour régler ce type de question, pris en charge par la société, d'une manière ou d'une autre, il était important de réfléchir à un certain nombre de balises et de garde-fous.

Le docteur Abramovicz a évoqué les pontages coronariens. Comparaison n'est pas raison et l'objectif n'est évidemment pas de donner un cadre normatif aux techniques médicales. On sait que l'on s'est également posé la question, sur le plan législatif, des modalités des transplantations d'organes. Donc, par rapport à un certain nombre de sphères, on a éprouvé la nécessité de légiférer.

En matière de PMA (Procréation médicale assistée), un certain nombre de pays européens et non-européens se sont dotés d'une législation et on peut utilement considérer les commentaires qui ont été faits sur cette nécessité de légiférer.

Selon moi, légiférer consiste à donner un cadre défini qui soit suffisamment large et souple pour permettre des adaptations. Les lois de bioéthique, me dit mon voisin, M. Roelants du Vivier, sont parfois biodégradables, ce qui suppose de pouvoir les revoir.

Lorsque M. Delruelle fait remarquer qu'il n'est pas question, comme pour l'euthanasie ou l'avortement, d'interdits fondamentaux de société, je crois que l'on touche tout de même à un certain nombre, sinon d'interdits, à tout le moins de questions fondamentales de société. En effet, si la société intervient — précisément parce qu'il s'agit d'un mode de procréation qui n'est pas naturel —, il faut se poser la question de savoir si l'on ne doit pas prévoir un certain nombre de balises.

Vous avez eu raison, monsieur Delruelle — et si vous ne l'aviez pas fait, je l'aurais fait —, de rappeler qu'en matière d'adoption, comme de mariage entre homosexuels, on a défini qui pouvait être parent ou non. L'objectif n'était peut-être pas là, mais le législateur s'est tout de même arrogé un pouvoir normatif, celui de déterminer les conditions grâce auxquelles certaines personnes pouvaient être parents. Indépendamment de cela, lorsqu'on interdit l'inceste, on touche évidemment à des interdits fondamentaux.

Pour toutes ces raisons, j'ai essayé de faire ouvre utile et de porter le débat. Mon objectif n'est pas de répondre à des conditions sociologiques. On a évoqué la question du couple et je me suis évidemment interrogée sur les femmes seules. M. Delruelle a déclaré qu'un certain nombre de médecins était plutôt réticents et, à ce sujet, je vous rappelle l'audition du professeur Dubois de l'hôpital de la Citadelle. Il semble donc que les femmes seules soient moins admises mais il arrive que certaines puissent accéder à la PMA. Nous devons évidemment réfléchir à cette question.

Quand j'ai présenté la proposition de loi et ses différents développements, j'ai estimé que nous étions à un carrefour.

Il ne s'agit pas de dire quelles sont les techniques médicales acceptables. Notre rôle est de poser des questions et de tenter d'y répondre sans attendre que certaines catastrophes surviennent.

Lorsque j'ai présenté cette proposition, j'ai posé la question de savoir si la procréation médicalement assistée, surtout depuis qu'elle donne lieu à une intervention de l'assurance maladie, est un remède à l'infertilité ou bien un mode alternatif de procréation. Il s'agit, à mes yeux, d'une interrogation fondamentale. J'ai bien précisé que je ne détenais pas la vérité révélée mais que j'essayais d'indiquer une direction à suivre sur certaines questions clés. Nous devons prendre une option. Il ne s'agit pas de dire sociologiquement quelles sont les possibilités pour qui. Je ne voudrais pas m'arroger un tel droit.

La semaine dernière, le professeur Roegiers s'est prononcé sur l'opportunité d'une législation. Certains médecins sont également désireux de garde-fous.

Il faut aussi s'interroger sur l'uniformisation, sinon des pratiques et des indications médicales, du moins des options prises d'un centre à un autre. Nous devons répondre à cette question importante en nous dotant ou non d'un cadre légal.

Je vous rappelle la solution préconisée par le Comité consultatif de bioéthique, consistant à laisser au donneur le choix d'être identifiable ou non, tout en prévoyant une procédure permettant à l'enfant de retrouver ses origines. Il s'agit d'une sorte de compromis.

D'aucuns ont estimé que les procédures seraient trop lourdes en ce qui concerne l'adhésion au processus de PMA. Il s'agit de remplir un formulaire type. Le professeur a en outre jugé la procédure trop lourde lorsqu'il s'agit de recontacter les parents. La procédure que je propose est calquée sur ce qui se fait à l'hôpital de la Citadelle, au CHR. Avez-vous, professeur, d'autres solutions à proposer ?

Êtes-vous d'avis qu'il faut créer un organe de centralisation dans les centres de PMA pour établir les règles de good medical practice ou pensez-vous que cela soit superflu ?

La question des femmes seules a aussi été évoquée. Le couple suppose la notion de triangulation. Envisageriez-vous de prévoir des conditions supplémentaires pour des catégories particulières ?

Avez-vous connaissance de malformations chez des enfants conçus par la technique de l'ICSI (injection intracytoplasmique) ?

Peut-on accepter le don de gamètes par des mineurs ? Faut-il, comme en France, que le donneur fasse partie d'un couple ayant déjà procréé et que le consentement du donneur et de celui du partenaire soit recueilli par écrit ?

Le don de gamètes doit-il être révocable par son auteur à tout moment ?

L'avis du Comité consultatif de bioéthique pose l'exigence de traçabilité. Je n'aime pas tellement ce mot car il évoque d'autres problèmes, comme la qualité de la viande ou les OGM.

Faut-il prévoir une exigence de traçabilité pour pouvoir remonter la chaîne des événements, en cas de problème de santé publique ? À l'heure actuelle, les enfants nés par PMA sont identifiés lors du suivi de la grossesse et au moment de la naissance mais moins par la suite. Faut-il imaginer des services de pédiatrie en mesure de centraliser les données relatives aux enfants conçus par PMA ?

Docteur Abramowicz, vous avez évoqué le DPI (diagnostic pré-implantatoire). Pouvez-vous nous donner votre avis sur la question de l'enfant « médicament » ?

M. Marc Abramowicz. — En ce qui concerne l'enfant « médicament », je pense qu'il faut laisser une place pour cette option dans la loi.

Je rappelle brièvement de quoi il s'agit. Il arrive qu'un couple ait un enfant atteint d'une maladie dont le seul traitement est une greffe d'organe ou de moelle. On ne trouve pas de donneur en raison des caractéristiques génétiques de l'enfant. Dans certains cas, il est acceptable de produire un nouvel enfant compatible avec l'enfant malade et dont la venue au monde permettra de guérir le frère ou la sour atteint, ce qui pose des questions éthiques. Certaines ont déjà été largement débattues. Dans l'optique d'une proposition de loi sur le DPI, cette possibilité doit exister.

Quant à l'exigence de traçabilité, on admet qu'une des missions des centres de génétique est de prévenir les récurrences de maladies génétiques. En cas de naissance d'un enfant atteint d'une maladie transmissible, avec un risque de récurrence à partir d'un don de sperme, il faut, moyennant une confidentialité médicale appropriée, pouvoir remonter jusqu'à la cause génétique correspondante.

Quant aux malformations après XY, on observe en effet une légère augmentation de malformations dans ce cas. Je rappelle que le risque ambiant est déjà de 3 %.

M. André Van Steirteghem. — En réponse à des questions posées à ce sujet, il appartient au médecin de respecter en la matière la meilleure pratique médicale possible. Il existe plusieurs directives en matière de fécondation assistée, notamment celles émanant du « Royal College of Obstetricians & Gynaecologists » du Royaume-Uni qui a publié des directives très sérieuses en ce qui concerne le traitement de l'infertilité, de première, deuxième et troisième ligne.

Le Collège de médecine de la reproduction, instauré par le Service public fédéral des Affaires sociales et de la Santé publique, est notamment chargé de promouvoir la bonne pratique médicale, réduire le nombre de naissances multiples et faire en sorte que les centres engrangent des résultats comparables en matière de procréation médicalement assistée.

Il est très difficile de reprendre contact avec des couples dont des embryons ont été congelés, surtout lorsque le temps passe car entre-temps, ces gens peuvent avoir déménagé ou s'être séparés. Nous bénéficions d'une grande expérience en la matière car nous avons toujours essayé de prendre contact avec les gens qui avaient disparu de la circulation. Au bout d'un certain temps, nous avons modifié notre façon de procéder.

Quand un couple entame un traitement, nous lui demandons ce qu'il compte faire des embryons conservés : les garder pour lui, en faire don, les céder à la recherche médicale ou les détruire ? On leur demande à présent d'avertir le centre lorsqu'ils déménagent. Sinon, la mise à jour de toutes ces données devient impossible. C'est pourquoi il est extrêmement positif que la proposition stipule que les couples doivent avoir utilisé les embryons conservés à leur intention avant de pouvoir entamer une nouvelle fécondation médicalement assistée.

En ce qui concerne les anomalies apparaissant après une procréation médicalement assistée, nous avons conservé, depuis le début de nos activités, dans les années 80, toutes les données médicales des enfants qui ont été conçus chez nous. Il y en a plus de dix mille. Le nombre d'anomalies après fécondation in vitro ou ICSI est comparable. Comme l'a déclaré notre confrère M. Abramowicz, on observe probablement une légère augmentation du taux de référence des anomalies qui peut notamment s'expliquer par le fait qu'en soi, l'âge de la patiente augmente déjà les risques obstétricaux.

Ma réponse à la question de savoir si le donneur doit être un adulte et ou si son (sa) partenaire ou ami(e) doit donner son consentement est négative car il s'agirait d'une restriction de la liberté individuelle. Pour le Centre d'études et de conservation des ovocytes et du sperme en France, il faut que le donneur soit déjà père et que son épouse donne son consentement. Il semble que la France soit la seule à imposer cette règle à laquelle je ne suis pas personnellement favorable.

M. Abramowicz a déjà évoqué la question de la traçabilité. Il me semble important qu'en cas de don anonyme, le centre connaisse, pour chaque couple, l'identité du donneur de manière à ce que nous puissions retrouver celui-ci au cas où l'enfant serait atteint d'une anomalie, ne fût-ce que pour informer le donneur qu'il est porteur d'un risque génétique non détecté jusque là.

Quant à la centralisation des données, depuis la création des collèges, tous les traitements réalisés en Belgique doivent être enregistrès. Lorsqu'un couple entame un traitement dans un centre, celui-ci doit demander un numéro au registre central. Toutes les données de tous les traitements, jusqu'à l'accouchement y compris, de même que les anomalies dont seraient éventuellement atteints les enfants doivent alors être enregistrées et collectées par un organe indépendant subsidié par les collèges de médecins. De cette manière, nous disposons en Belgique de données précises et fiables sur la procréation médicalement assistée.

Le Royaume-Uni est le seul pays où l'enregistrement est obligatoire. Les critères d'agrément des centres, définis en 1999, imposent l'enregistrement de l'ensemble des données de tous les traitements. C'est l'une des tâches du collège de médecins.

Une question portait sur le typage HLA avec diagnostic génétique préimplantatoire (DPI). Il serait regrettable qu'on refuse à des enfants la chance de guérir de certaines maladies dont ils sont atteints. Tel n'est pas l'objet de cette audition mais un débat éthique plus large est mené à ce sujet. Nous avons reçu une trentaine de demandes dans le cadre de notre programme DPI On a demandé à tous les couples concernés s'ils souhaitaient vraiment un autre enfant et pas seulement un donneur pour leur enfant malade. Dans tous ces cas, notre expérience a été très positive.

Mme Jacinta De Roeck (sp.a-Spirit). — Je voudrais poser une question sur l'indemnisation éventuelle du don d'ovocytes dont il a déjà été question dans le débat relatif à la proposition de loi sur les embryons. Le don de sperme est rémunéré. Comment le don d'ovule se déroule-t-il pratiquement à l'heure à actuelle ? Des modifications sont-elles intervenues depuis l'entrée en vigueur de la loi du 11 mai 2003 ?

Parmi les personnes qui se présentent pour une procréation assistée, il peut y avoir des homosexuels, des lesbiennes ou des hétérosexuels. Toutes ces personnes concernées sont interrogées et reçoivent une assistance psychologique. Qui s'en charge ? Un médecin ou un psychologue ? Est-ce obligatoire ? Ne pratique-t-on pas de discrimination à l'égard de certains groupes ? Y a-t-il des différences idéologiques entre les centres ? Si certains centres refusent systématiquement un groupe déterminé, les intéressés sont-ils rapidement réorientés vers un centre où ils seront les bienvenus ?

Bien des couples hétérosexuels qui font appel à un donneur préfèrent que celui-ci reste anonyme. J'ai appris, lors d'une journée d'études organisée à la VUB, que le Comité consultatif de bioéthique voulait rédiger un avis demandant qu'on incite les couples demandeurs à s'interroger sur la véritable nécessité de conserver l'anonymat. Les personnes qui se rendent compte qu'elles devront, leur vie entière, garder un lourd secret vis-à-vis de leurs enfants vont-elles réagir autrement ? Je puis m'imaginer que Guido Pennings a une certaine expérience en la matière.

Mme Winkler plaide en faveur de l'anonymat car s'il disparaît, une personne qui a été conçue au moyen de techniques de procréation médicalement assistée risque d'intenter un procès à ses parents biologiques afin, par exemple, de revendiquer leur héritage. L'exemple suédois montre cependant qu'il est possible de formuler la loi de manière à ce que l'enfant puisse accéder à l'identité de ses parents sans toutefois pouvoir prétendre à un héritage ou une pension alimentaire.

En revanche, si l'anonymat est respecté, une personne conçue par des techniques de procréation médicalement assistée pourrait déposer plainte auprès du tribunal sur la base de l'article 7 de la Convention relative aux droits de l'enfant. C'est pourquoi il ne faut pas clore trop rapidement le débat sur l'anonymat.

Mme Clotilde Nyssens (cdH). — Je voudrais poser quelques questions maintenant. Je poserai les suivantes à une autre occasion.

M. Delruelle a soulevé toutes les questions que l'on peut se poser sur le plan philosophique et anthropologique. C'est au pouvoir politique qu'il appartient de trancher. Si l'on élabore une loi simplement pour régulariser toutes les pratiques actuelles, la question de l'utilité du cadre se pose : je rejoins entièrement M. Delruelle à ce sujet. Il nous revient également de répondre à cette question. Cela rejoint d'ailleurs l'avis d'un témoin précédent, M. Roegiers, pour lequel le fait d'élaborer une loi en la matière correspond à la volonté de communiquer des valeurs ou des symboles.

Mes questions sont très précises. Tout d'abord, existe-t-il un consensus médical concernant les maladies graves ? J'ai bien compris qu'il ne fallait pas arrêter de liste pour le DPI, mais les médecins disposent-ils d'une liste officieuse en la matière et y a-t-il un consensus entre eux pour évoluer dans le cadre d'une telle liste ?

Je comprends que vous soyez opposés à un recours systématique au comité de bioéthique hospitalier. Nous ne l'avions pas non plus présenté comme tel dans le domaine de l'euthanasie. Pouvez-vous me confirmer qu'il existe, dans chaque centre, des prises de position générales du comité de bioéthique quant aux actions que l'on mène ou non ? Je suppose que de telles décisions ne sont pas laissées à la responsabilité individuelle du médecin.

Quel est votre avis concernant l'entretien des personnes recourant au centre — idée avancée dans la proposition — avec une équipe pluridisciplinaire ? Y a-t-il dans chaque centre une telle équipe, représentative des divers aspects — sociologique, psychologique, anthropologique, médical, etc. — soulevés aujourd'hui ?

Sur le plan des techniques médicales, avez-vous eu, à la lecture de la proposition, l'attention attirée par des phrases dont la formulation serait incorrecte sur le plan médical, en matière de procréation médicalement assistée ?

Mme Anke Van dermeersch (Vl. Blok). — Dans le centre où travaille le professeur Van Steirteghem, quelque dix mille enfants seraient nés par procréation médicalement assistée. Comment fait-on pour contrôler l'apparition d'anomalies génétiques chez ce groupe d'enfants ?

Les donneurs sont-ils identifiés d'une certaine manière, par exemple par un numéro ? Dans les dossiers médicaux, les donneurs restent toujours anonymes. Qu'advient-il si l'on constate une anomalie génétique ? L'identité du donneur peut être requise, par exemple pour une greffe de moelle. Peut-on l'obtenir par le biais du dossier médical ? Est-ce encore possible pour des dossiers du milieu des années septante, par exemple ?

Comment le professeur Van Steirteghem conçoit-il la politique des deux options ? Si un enfant dont les parents ont opté pour le don anonyme apprend qu'il a été conçu de cette manière et qu'il souhaite connaître l'identité du donneur, pourra-t-il disposer de ces données ? S'il faut conserver toutes les données pour le cas où un enfant souhaite connaître l'identité du donneur, toutes les données de tous les donneurs sont connues. Que subsiste-t-il alors de l'anonymat et de la politique des deux options ?

Mme Rose Winkler. — Personnellement, je suis favorable à la préservation de l'anonymat. Pour le moment — je ne connais pas bien la situation de la Suède —, plusieurs lois limitent cet anonymat. Il faut aussi voir comment la société va évoluer. Il se peut que certaines personnes soient réellement malheureuses de ne pas connaître leur origine.

En tant que biologiste, je me demande ce que signifie le terme « origine ». Si vous découvrez à l'âge de vingt ans qui sont vos parents biologiques, vous ne saurez pas grand-chose d'eux. Quand on recherche ses origines, que recherche-t-on exactement ?

Je ne dis pas qu'il n'est pas normal de rechercher ses origines mais je me demande vraiment de quoi on est à la recherche. Que vaut la filiation biologique face aux parents qui vous ont élevé, éduqué et qui vous considèrent comme leur enfant ? Il s'agit d'un vrai débat en soi. Nous ne résoudrons pas cette question aujourd'hui, pas même par une loi.

M. André Van Steirteghem. — Les règles d'indemnisation des dons d'ovocytes ont en effet été modifiées. L'une des possibilités consistait à rembourser aux patientes qui avaient donné plus d'un nombre déterminé d'ovules certains frais qui ne l'étaient pas précédemment. Ce règlement a été modifié depuis le remboursement du 1er juillet 2003.

Différentes personnes se chargent de l'assistance psychologique. Plusieurs centres utilisent à cet effet des infirmiers spécialement formés à cet effet. Certains groupes font en effet l'objet d'une discrimination. Lorsque les inséminations ont débuté en Belgique dans les années 80, des questions se sont posées quant à leurs conséquences.

Les lesbiennes et les femmes seules font toujours l'objet d'un accompagnement psychologique afin d'examiner si le bien-être de l'enfant à naître est garanti. La Belgique n'a pour l'instant aucune expérience en matière de donneurs de sperme non anonymes.

Mme Nyssens a posé une question sur un consensus médical à propos des maladies graves. On peut difficilement en dresser une liste.

La perception de la gravité d'une affection varie d'un individu à l'autre. Voici un exemple qui m'a été fourni par mes collègues généticiens. Il est possible de traiter certaines formes de fente labio-palatine qui peuvent à présent être détectées à l'occasion d'une échographie prénatale. Lors d'une consultation génétique, un homme porteur de cette anomalie a demandé comment lui et son épouse pouvaient éviter que leur enfant ne soit lui aussi atteint. On lui a expliqué qu'il était possible de détecter cette anomalie et qu'elle se traitait bien. L'homme était pourtant à ce point traumatisé par son expérience personnelle qu'il a répondu : « Docteur, vous ne savez pas ce qu'il en coûte de devoir vivre ainsi. Je ne souhaite pas cela à mon enfant. » Cet exemple illustre bien le fait que la perception de la gravité d'une affection est liée à la personne.

Au cours des 25 dernières années, chaque fois que de nouvelles méthodes de procréation médicalement assistée étaient disponibles, nous avons dû présenter un dossier à la commission d'éthique. C'était le cas de la simple fécondation in vitro, de la congélation d'embryons, du don d'ovocytes, de l'injection intracytoplasmique de spermatozoïdes, du diagnostic génétique préimplantatoire, du « HLA-matching ».

Il s'agit d'une équipe pluridisciplinaire dans un centre de procréation médicalement assistée. Il y a d'une part les médecins et les spécialistes de laboratoire, et d'autre part, dans tous les centres, des infirmiers et un psychologue sont chargés de l'accompagnement médical. Si tous les patients ne doivent pas se présenter chez le psychologue, celui-ci est disponible en cas de problème.

Mme Van dermeerch se demande comment nous pouvons disposer des données de 12 000 enfants qui sont nés. C'est le résultat d'un processus particulièrement difficile. Dans les années 80, notre centre a décidé, en concertation avec le département de génétique, de proposer qu'on collecte auprès des couples demandeurs des informations sur l'état de santé de leur enfant au cours de la grossesse, au moment de la naissance et même au-delà. Malgré le nombre de médecins et d'infirmiers concernés, nous sommes finalement parvenus à centraliser toutes ces données. Nous disposons à présent de données chiffrées qui nous permettent de nous prononcer sur l'existence ou non d'un risque accru.

Dans les années 70, les professeurs Schoyman et Steno de la KULeuven ont été les premiers à avoir recours à des donneurs de sperme. Les centres de don de sperme connaissent l'identité des donneurs et disposent de toutes leurs données médicales.

M. Edouard Delruelle. — On a évoqué tout à l'heure la nécessité psychologique de la triangulation. Pour structurer sa personnalité, un enfant a besoin de ne pas être dans une relation double ou spéculaire; il a besoin d'un tiers. En l'occurrence, on pense surtout à un père.

Il existe une hypothèse forte qui consiste à dire que l'enfant a besoin d'un père et d'une mère, du féminin et du masculin. Dans ce cas, il faudrait logiquement limiter la PMA aux seuls couples hétérosexuels.

Il existe aussi une hypothèse faible : l'enfant a besoin de deux parents pour ne pas s'enfermer dans une relation double. Dans ce cas, on ouvre la PMA aux couples homosexuels mais on la ferme à la femme isolée.

Troisième possibilité qui est, je crois, très générale : en tout état de cause, quand on parle du père ou du tiers, les psychologues et les psychiatres y voient plutôt une fonction symbolique. On voit que des orphelins se développent très bien sans tiers réel. Il faut qu'à un moment donné, cette fonction soit remplie par quelqu'un — cela peut aussi être un groupe. Je rappelle cet aspect afin que l'on ne s'enferme pas dans l'empirique.

Par ailleurs, je pense que, sur ce genre de question, une loi a une fonction symbolique. Elle doit affirmer des valeurs; elle porte un message. Lequel ?

Est-ce : « Vous ne pouvez pas avoir d'enfant naturellement. Vous ne pouvez être parent que par une PMA. Dans le cadre de ce qui est donc une anormalité, la société a prévu des conditions car elle craint que vous ne soyez capricieux ou trop impatients. Il faut que l'on s'assure que vous êtes dans une relation stable. Votre demande sera soumise à un comité d'éthique, etc. »

Sur le plan de la valeur morale, ce message n'est-il pas teinté de méfiance ?

Autre message : « On va vous aider à être parent puisque vous ne pouvez l'être de manière naturelle. Dans le respect de votre identité sexuelle, de votre histoire, de votre personnalité, que vous soyez hétérosexuel, homosexuel, voire une personne seule, il y a pour vous aider des centres de procréation médicalement assistée, des équipes interdisciplinaires. Cette démarche sera prise en charge par la société, sous certaines conditions. »

Il faut voir quel est le centre de gravité d'une proposition de loi. Je ne fais ici que poser la question. Personnellement, je suis plutôt favorable au second message.

M. Marc Abramowicz. — Je tiens à souligner un point qui me tient à cour. À la question de savoir s'il existe des consensus en ce qui concerne les maladies génétiques graves, la réponse est oui, par le biais de comparaisons avec des paradigmes. Une liste de maladies graves serait un carcan dangereux pour la pratique médicale, mais nous avons des exemples. L'enfant anencéphale — sans cerveau —, pas d'indépendance. L'enfant qui naît avec une maladie dont il décédera statistiquement avant l'âge d'un an. L'enfant qui a une maladie chronique sans retard mental, et avec retard mental.

La maladie sévère à début tardif, comme la maladie de Huntington. Nous comparons en remettant chaque nouveau cas dans le contexte. La maladie de « Huntington » est un exemple. Certains couples qui connaissent leur hérédité décident de ne pas avoir d'enfant à cause du risque. Quand on leur donne la possibilité d'avoir un enfant, certainement en bonne santé, au prix d'une interruption de grossesse ou d'une non-réimplantation d'un embryon, ils acceptent. Ils auront un enfant et cela a, paradoxalement, un effet nataliste, pour eux, pas pour d'autres. Je dirai que c'est la comparaison avec des paradigmes de bonne pratique médicale, remise dans le contexte du couple, avec soutien psychologique.

Je reprendrai l'exemple de M. Van Steirteghem sur la fente labiale non supportée. Il existe des indications que nous appelons de caprice ou futiles. Nous les replaçons dans le cadre de l'acceptabilité de l'enfant. Il est des couples qui se braquent sur des problèmes que nous considérons de faible gravité médicale. Nous leur expliquons longuement, dans un contexte pluridisciplinaire, quel est le risque ambiant de n'importe quoi d'autre de plus sévère. Cela se termine sur le fait que la seule manière d'éviter tout risque chez un enfant est d'éviter toute grossesse. Les couples qui cultivent le mythe de l'enfant parfait se dégagent dans ce type d'approche; ils sont relativement rares.

4. Audition du 20 avril 2004

Audition du :

— professeur P. Schotsmans, chef de service du Interfacultair centrum voor Biomedische ethiek en recht, KU Leuven;

— professeur T. D'Hooghe, département Gynécologie-Obstétrique, KU Leuven;

— docteur W. Ombelet, département Gynécologie et Fertilité, ZOL Ziekenhuis.

Présidence de M. Vankrunkelsven

M. T. D'Hooghe. — J'ai quelques remarques à formuler à propos de la proposition de loi de la sénatrice Defraigne sur la procréation médicalement assistée (nº 3-418/1). Je n'ai hélas pas encore pu examiner la proposition de loi de la sénatrice De Schamphelaere.

Je considère la proposition de loi de Mme Defraigne comme une initiative globalement positive. Elle fixe un cadre légal en matière d'objectifs, de conditions et de procédures pour la procréation médicalement assistée.

La procréation médicalement assistée est définie à l'article 2 principalement comme une FIV (fécondation in vitro) ou comme une ICSI (ou ISIC — injection de spermatozoïdes intracytoplasmique). Ainsi, l'insémination avec des spermatozoïdes du partenaire ou d'un autre donneur n'est pas prise en compte par la proposition alors qu'elle fait état de ce type d'insémination dans ses développements. Je plaide pour qu'elle soit comprise parmi les méthodes de procréation médicalement assistée.

À l'article 2, § 3, je ne retrouve rien concernant le don d'embryons, il n'y est question que du don de gamètes. On traite bien du don d'embryon à l'article 8, mais il serait indiqué d'y faire référence dès l'article 2 puisque les dons de sperme, d'ovule et d'embryon sont considérés dans la pratique médicale comme un ensemble.

Je n'ai pas de remarques sur l'article 3.

L'application de l'article 4, § 1er, pose de grands problèmes pratiques au praticien clinique. Il accroît sans nécessité la charge administrative. Dans la pratique clinique normale, il n'est en fait pas nécessaire d'avoir une demande écrite du couple pour procéder à une procréation médicalement assistée. Je suppose que cette proposition est la conséquence du couplage de la proposition de loi avec le projet concernant les mères porteuses.

Cependant, il s'agit d'une tout autre matière et je propose donc de séparer totalement ce qui concerne les mères porteuses de la présente proposition de loi. Pour l'instant une confusion est créée entre la médecine clinique, où un couple est pris en charge pour des problèmes de fertilité, et la problématique des mères porteuses, qui est une situation très exceptionnelle. Imposer au couple de patients de faire une demande écrite me semble inutile; cela ne correspond pas à la pratique médicale usuelle du diagnostic et du traitement des couples ayant un problème de fertilité.

L'article 4, § 1er, traite aussi de la qualité de la relation. Je suis partisan de l'utilisation de l'expression « couple hétérosexuel stable infertile dont la femme n'est pas encore ménopausée ». Il y a naturellement à ce sujet des opinions diverses.

L'article 4 contient aussi selon moi des points sujets à controverse, comme la demande d'un couple formé de personnes du même sexe au § 2 et au § 1er la question des mères porteuses. Le législateur doit bien vérifier s'il existe une certaine adhésion de la société dans ce domaine. J'en doute. La recherche sur le devenir des enfants et les personnes concernées dans ce contexte médical est très limitée et est généralement très orientée par des groupes qui sont convaincus de l'utilité d'une pareille approche. La Belgique serait une exception en Europe. Je plaide donc pour que la proposition de loi se limite en première instance à régler le traitement classique de couples hétérosexuels.

L'approbation, par le comité d'éthique, de la demande de procréation assistée n'est pas vraiment pratique. Si un médecin trouve indiquée une procréation médicalement assistée, cela devrait suffire.

C'est différent dans le cas des mères porteuses. Si l'on devait un jour recourir à une mère porteuse, l'accord d'une commission médicale d'éthique, tout comme une demande écrite, serait nécessaire. Mais c'est une situation exceptionnelle. Dans un contexte médical normal, de pareilles formalités ont pour seul effet d'alourdir inutilement l'administration et donc d'entraîner des retards.

Selon l'article 5 aucun médecin ne peut être obligé de pratiquer une PMA. Il est très important de garantir la liberté de choix tant pour le patient que pour le médecin.

L'article 6 va à nouveau trop loin en interdisant la préparation d'un nouvel embryon aussi longtemps qu'il y a des embryons congelés. Si cinq embryons d'une patiente sont congelés en un jour, la probabilité de survie de l'embryon est de 30 à 40%. Il n'est pas souhaitable de commencer un cycle de décongélation avec une probabilité de réussite aussi faible. La proposition de loi devrait inciter les centres à maintenir un stock d'embryons congelés stable ou à le diminuer. Chaque centre doit avoir la responsabilité d'élaborer une procédure pour limiter le nombre d'embryons congelés à un strict minimum. Cependant, l'interdiction de préparer de nouveaux embryons est une attitude trop restrictive.

L'article 7, qui traite du don de gamètes, doit être étendu au don d'embryon. Je propose que l'on réunisse en un seul article ce qui concerne le don de gamètes et celui d'embryon. Pour une patiente candidate à la réception d'un don d'ovule, un don d'embryon peut constituer une solution si elle ne peut pas trouver de donneuse d'ovule. Compte tenu de la réalité clinique, il est logique d'envisager en même temps ces deux types de don.

L'article 7, § 2, fixe à 38 ans la limite d'âge pour la donneuse d'ovules, alors qu'elle devrait plutôt être de 35 ans. Il y a un pratiquement un consensus international sur le fait que le risque d'anomalie chromosomique chez l'embryon croît fortement à partir de 35 ans. D'ailleurs, à partir de 35 ans, il est conseillé aux femmes de se soumettre à un diagnostic prénatal, ou du moins sont-elles informées de cette possibilité.

Le § 5 de l'article 7 crée la confusion. Le législateur doit être clair : ou bien le don est complètement anonyme, ou bien le don sans anonymat doit être complètement organisé. Le texte proposé laisse la possibilité de faire un don sans anonymat mais sans rien prévoir. Un cadre légal clair doit être élaboré séparément pour le don non anonyme.

L'article 8 sur le don d'embryon est un bon article.

L'article 9 traite des mères porteuses. Je répète que du fait de l'incertitude sur l'acceptation sociale de ce phénomène et de la situation européenne sur les plans légal et éthique, l'inclusion de la problématique des mères porteuses dans cette proposition de loi soulèvera des questions. Ce problème devrait faire l'objet d'une proposition séparée. Toutefois, je ne suis personnellement pas partisan du recours aux mères porteuses.

L'article 10, § 2, constitue à nouveau une tracasserie administrative exagérée. On y impose des contrats écrits. Je pense néanmoins qu'il faut responsabiliser les centres. Chaque centre B doit pouvoir adapter la durée de validité du contrat tout comme l'intervalle de temps entre la convocation du couple et le suivi. L'administration doit être réduite au minimum.

L'article 10, § 3, concerne d'éventuels embryons surnuméraires. Il va de soi que les embryons congelés en surnombre doivent servir en premier lieu pour le projet de parentalité du couple demandeur. Cela doit être indiqué clairement dans la proposition de loi. Ce ne l'est pas.

Les article 12, 13 et 16 ont trait à la reproduction post mortem. Il s'agit d'un sujet très controversé. Il y a peu d'études sur les conséquences pour les personnes concernées. La reproduction post mortem doit, selon moi, être interdite car son acceptation sociale n'est pas évidente et son autorisation en Belgique constituerait une exception en Europe.

L'article 17 fixe des sanctions. C'est très bien. Dans les autres textes législatifs concernant les embryons et l'organisation de la médecine reproductive, les sanctions sont moins clairement formulées.

J'en viens à l'aspect éthique. L'éthique est ce qui fait des personnes des êtres uniques, relationnels et sociaux. C'est pourquoi il est éthiquement souhaitable que la procréation médicalement assistée soit réservée aux couples stables, hétérosexuels et infertiles.

Je ferai encore une brève remarque concernant la proposition de loi de Mme Defraigne sur le diagnostic prénatal et préimplantatoire. Il s'agit principalement d'ailleurs du diagnostic prénatal. La proposition de loi contient des imprécisions et ne correspond pas à la réalité du terrain.

L'article 2 mentionne le diagnostic préimplantatoire (DPI). Un certain nombre de centres s'occupent aussi, au stade de la recherche ou non, du dépistage génétique systématique. C'est autre chose. Le diagnostic préimplantatoire consiste en la recherche d'un problème génétique chez l'embryon, tandis que le dépistage génétique préimplantatoire systématique consiste à détecter chez l'embryon certaines modifications chromosomiques qui provoquent souvent une fausse couche.

Il s'agit donc d'un instrument de contrôle de la qualité en procréation médicalement assistée. Il est pour l'instant utilisé principalement dans un contexte d'étude, mais il sera dans l'avenir un instrument de routine. À Louvain, par exemple, nous réalisons une étude sur le bénéfice apporté par cette technique aux femmes de plus de 35 ans. Un certain nombre de centres appliquent cette technique en cas de fausses couches répétées ou en cas d'insuccès répétés de fécondations in vitro. La fixation des indications est encore en développement du point de vue scientifique, mais ces indications se situent complètement en dehors du contexte du diagnostic prénatal.

Néanmoins ces deux types de diagnostic reposent sur des technologies très semblables. Le dépistage génétique préimplantatoire systématique recourt aux techniques d'hybridation sur chromosomes (FISH-Fluorescence in situ hybridation) qui consistent à rendre fluorescents les chromosomes de sorte que l'on puisse les reconnaître au microscope. Dans l'avenir nous disposerons de méthodes encore plus sophistiquées grâce aux techniques moléculaires avancées permettant d'examiner tout le génome, ou du moins une grande partie du génome de l'embryon, ce qui rentrera également dans le cadre du contrôle de qualité des fécondations in vitro.

C'est pourquoi les § 1er, 2 et 3, de l'article 3 ne s'appliquent pas au dépistage génétique préimplantatoire systématique (PGS), puisqu'il ne s'agit pas de la prévention de malformations génétiques mais de la sélection d'un embryon de bonne qualité.

Cette proposition de loi n'est pas équilibrée du fait qu'elle décrit une technique qui est aussi appliquée en dehors du domaine du diagnostic prénatal au sens strict. Le dépistage génétique préimplantatoire systématique doit être inséré dans la proposition, mais avec sa définition propre, ou bien faire l'objet d'une autre proposition de loi. Il en va de même pour les normes et les procédures liées à cette technique. Je suis partisan d'inclure le dépistage génétique préimplantatoire systématique dans l'actuelle proposition de loi, parce que sa technologie est en grande partie semblable à celle des techniques mises en oeuvre pour le diagnostic préimplantatoire.

Les normes et les conditions sont différentes parce que l'absolue nécessité d'une consultation génétique est moins manifeste. Cette dernière peut avoir sa place au sein de la pratique actuelle de la procréation médicalement assistée.

Mme Jacinta De Roeck (sp.a-Spirit). — J'entends que le professeur est explicitement partisan de limiter le recours à la procréation médicalement assistée aux seuls couples hétérosexuels. Vous serez peut-être dans votre centre confronté à des couples homosexuels. Comment gérerez-vous cette situation ? Ne faut-il pas éliminer cette discrimination ?

Votre centre est très impliqué dans l'accompagnement des couples qui demandent une procréation médicalement assistée. Comment cela se passe-t-il ? Ne faut-il pas légiférer pour imposer un tel accompagnement dans tous les centres ? À Louvain, cet accompagnement du patient est très développé, mais je ne sais pas s'il est offert uniquement en combinaison avec un diagnostic préimplantatoire. Une proposition de loi doit-elle définir avec précision une limite d'âge pour les femmes ou doit-elle dépendre des résultats de l'enquête d'antécédents du couple ? Peut-on déplacer ces limites d'âge ?

M. D'Hooghe. — Pour ce qui concerne l'âge, il y a deux éléments importants. La proposition parle de « l'âge de la ménopause ». Il y a certainement un consensus à ce sujet, mais des arguments plaident en faveur d'un âge plus jeune. L'âge maximum pour le remboursement d'une FIV est de 42 ans, et ce pour des raisons scientifiques. La probabilité d'avoir, une fois atteint l'âge de 43 ans, un enfant né vivant et en bonne santé à la suite d'une FIV est pratiquement nulle. À Louvain, nous ne pratiquons pas de FIV une fois atteint l'âge de 43 ans, conformément à la réglementation sur le remboursement. C'est une position claire qui ne doit pas nécessairement figurer dans une loi.

L'âge moyen de la ménopause est de 50 ans en Belgique. Les associations professionnelles verraient probablement d'un bon oeil une limite d'âge de 45 ans dans le projet. Cela n'implique cependant pas de rendre possible le remboursement de cette FIV entre 43 et 45 ans. C'est notre mission en tant que médecin d'informer la patiente que la chance qu'un cycle de FIV commencé entre 43 et 45 ans aboutisse à un enfant vivant et en bon santé est quasiment nulle. Je trouve dès lors très important que les coûts qui y sont associés soient pris en charge par la patiente. Sinon, ce serait affecter l'argent des contribuables à un essai quasiment voué à l'échec.

L'accompagnement est très important. Je vous recommande de lire attentivement les directives internationales à ce sujet ainsi que celles de la British Fertility Society. Il y est spécifié que tout couple a droit à une telle assistance dès la première consultation à propos de problèmes de fertilité, donc bien avant un diagnostic préimplantatoire ou une fécondation in vitro. Dans notre centre cet accompagnement est proposé à chaque couple.

L'arrêté royal du 15 février 1999 fixant les normes auxquelles les programmes de soins « médecine de la reproduction » doivent répondre pour être agréés contient un passage très général à propos de l'accompagnement.

Si l'on considère le contexte dans lequel se fait la PMA, il me semble utile d'insérer dans la nouvelle loi un chapitre consacré à l'accompagnement psychologique. Cela pourrait se faire à partir de l'arrêté royal existant en la matière, mais il faudrait accorder plus d'attention au droit du patient à bénéficier d'un accompagnement psychologique et à l'obligation, pour chaque centre traitant la fertilité, d'offrir cet accompagnement.

La question de savoir si les traitements doivent être autorisés en dehors du couple hétérosexuel classique et stable est très controversée dans les différentes pays européens. J'ai donné mon opinion à ce sujet, à savoir que chaque enfant a droit à un père et à une mère. Je me rends compte que ce principe est sujet à discussion, mais cela est et reste mon opinion. Si une société veut autoriser une situation exceptionnelle, elle doit savoir à quoi elle s'engage. En agissant de la sorte, elle modifie fondamentalement le concept de la paternité et elle doit être prête à en supporter toutes les conséquences. À l'heure actuelle, il existe encore peu d'études sur le devenir des enfants nés du traitement de couples lesbiens. En outre, ces études ne concernent qu'un nombre très limité d'enfants qui n'ont, la plupart du temps, été suivis que jusqu'à leur adolescence. Il ne s'agit sûrement pas d'études à long terme.

M. Philippe Mahoux (PS). — Il y a donc de multiples critères qui font que vous acceptez ou non les demandes. Certains de ces critères sont selon vous d'ordre médical, comme l'âge de la ménopause.

Chacun règle son éthique comme il en a envie et il me semble normal, dans une société pluraliste, que votre centre adopte des positions différentes par rapport à d'autres centres. J'attire cependant votre attention sur le fait que les personnes qui vous consultent ont des normes éthiques qui peuvent être différentes des vôtres.

En réalité, je pense que les attitudes que vous adoptez, et singulièrement vos décisions de refus, doivent être accompagnées d'une information sur la possibilité que la demande pourrait être prise en considération ailleurs, dans d'autres centres. Puisqu'il y a une pluralité de centres dans le pays, il me paraît légitime de respecter la liberté de conscience.

Cela dit, je voudrais attirer votre attention sur le fait que le critère médical que vous avancez, celui de la ménopause, est déterminé par les chances de succès de l'implantation. Cela pose donc un problème éthique. Il ne s'agit pas simplement de dire que l'on n'implante plus à partir de cinquante ans parce que cet âge constitue une contre-indication médicale. En réalité, cet acte n'est pas contre-indiqué médicalement, mais on sait que les chances de succès sont faibles. En faisant du faible taux estimé de réussite une contre-indication médicale, on pratique en fait une sélection des patients. On met ainsi le doigt dans un engrenage. Cela mérite discussion. Cette dernière pourrait d'ailleurs aussi avoir lieu quant à la sélection des candidats au pontage coronarien, aux greffes d'organes ou autres interventions, en fonction de critères liés au taux de réussite de l'intervention, à l'espérance de vie ou, comme dans le cas qui nous occupe, à l'âge auquel une femme devient mère.

Je pense que ces critères ne sont pas simplement médicaux. S'ils l'étaient, ils seraient objectifs et devraient être respectés par tous.

Quel est votre pourcentage de demandes refusées ? Il serait intéressant de le connaître, notamment pour le comparer avec celui d'autres centres et pour voir si les demandeurs sélectionnent les centres auxquels ils vont s'adresser. C'est tout à fait possible. Je présume que votre centre n'est pas seulement choisi par des patients pour des raisons de proximité géographique. Le Gasthuisberg est un excellent hôpital et les patients le savent.

Enfin, compte tenu de la pluralité des demandes et des réponses y afférentes et en fonction de critères subjectifs, y a-t-il vraiment lieu d'étendre à l'ensemble de la population des opinions extrêmement variables d'un centre à l'autre ?

Mme Clotilde Nyssens (CdH). — Monsieur D'Hooghe, dans votre exposé, vous avez dit que le principe d'une loi était une bonne chose. Or, les centres fonctionnent relativement bien en Belgique et peuvent se prévaloir d'une certaine qualité en ce qui concerne leurs pratiques. Quel plus une loi peut-elle apporter à ce niveau ?

Sachant comment la Belgique traite les problèmes éthiques, est-il nécessaire de disposer d'une loi de nature médicale et sanitaire ? Une telle loi donnera-t-elle la sécurité ou les garanties nécessaires ou est-elle simplement destinée à régulariser les pratiques en cours ?

Mme Mia De Schamphelaere (CD&V). — Un andrologue a dit ici que la stérilité dans les couples peut avoir des causes diverses et que certains problèmes peuvent déjà être résolus après quelques mois. À partir de quand considérez-vous qu'une stérilité est définitive ? Ne devrait-on pas définir des lignes de conduite en la matière ?

En fait, ma proposition reprend la proposition de loi déposée par Mme Van Kessel. Je sais que vous n'y êtes pas tellement favorable mais, entre-temps, le Comité consultatif de bioéthique recherche également une solution à ce problème. D'une part, il y a des enfants qui savent qu'ils ont été conçus par PMA et qui aimeraient avoir des contacts avec leur père biologique ou, en tout cas, qui voudraient savoir quel genre de personne il est. D'autre part, il y a la protection de la vie privée et l'angoisse qu'il y ait trop peu de donneurs.

Ma proposition permet de choisir librement : soit opter pour un donneur anonyme, soit opter pour un donneur qui tient à se faire connaître.

Mme Christine Defraigne (MR). — Je remercie M. le professeur pour son intéressante contribution à la proposition de loi que j'ai rédigée.

J'entends qu'il est favorable au principe d'une législation en la matière, les modalités faisant toutefois l'objet d'une discussion.

Selon M. Mahoux, une société pluraliste peut parfaitement tenir compte de différents critères et des options sont donc à prendre. Mais M. Mahoux plaide, par ailleurs, pour l'instauration d'un certain nombre de critères objectifs. Imaginons donc qu'une citoyenne, confrontée à un problème d'infertilité et habitant Louvain, se rende dans un centre de Louvain et se voie refuser le bénéfice de cette PMA (procréation médicalement assistée) en vertu de critères admis en interne et soit orientée vers un centre de Liège.

Même si le centre en question n'est pas très éloigné, la patiente devra s'y rendre quotidiennement pour effectuer sa prise de sang. Voilà une façon quelque peu étonnante de répartir l'argent public ! On sait que la prestation est remboursée depuis le 1er juillet 2003. Au-delà des questions philosophiques que l'on peut se poser, cet exemple pratique montre que tout le monde n'a pas nécessairement les moyens de se rendre dans un autre hôpital, plus éloigné, qui utiliserait d'autres critères.

Je suis donc d'accord avec M. Mahoux sur la nécessité de critères objectifs, à condition de tenir compte de l'égalité des chances.

M. Philippe Mahoux (PS). — Je me réfère aux critères objectifs médicaux, madame Defraigne. Il faut tenter de déterminer des critères qui soient acceptés par tous, mais ils sont de nature médicale, et non éthique.

Mme Christine Defraigne (MR). — Je veux dire par là que l'égalité des chances et l'égalité d'accès aux techniques médicales entrent en ligne de compte. On peut agir sur ce problème fondamental d'égalité par le biais d'une loi.

Vous avez, monsieur le professeur, clairement livré votre point de vue — et c'est votre droit le plus strict — sur l'octroi du bénéfice de la PMA aux couples hétérosexuels; selon vous, un enfant a besoin d'un père et d'une mère. Vous n'avez toutefois pas évoqué — vous me direz que vous l'avez fait implicitement — le cas des femmes seules. Je voudrais savoir si, dans votre centre, les femmes seules sont systématiquement exclues du bénéfice de la PMA.

Je voulais, enfin, vous faire remarquer que le DPI fait l'objet d'une proposition de loi séparée.

M. T. D'Hooghe. — Divers sénateurs, dont M. Mahoux, ont posé des questions sur le nombre de refus. Dans notre centre, celui-ci est particulièrement bas. Dans la pratique, nous traitons presque tous les couples rencontrant des problèmes de stérilité qui sollicitent un traitement, sauf les femmes célibataires, les couples lesbiens et les couples pour lesquels il y a des contre-indications psychosociales évidentes.

Les patients opèrent probablement un tri parmi les centres. C'est sans doute la raison pour laquelle notre centre reçoit peu de demandes émanant de femmes célibataires et très rarement de couples lesbiens. Si cela arrive malgré tout, nous leur disons que notre centre ne peut les traiter et nous leur disons où ils peuvent s'adresser.

En ce qui concerne le critère de l'âge pour justifier le refus d'une PMA, en tant que médecins, nous avons un raisonnement simple : en ce qui nous concerne, si une patiente qui a ses propres ovules ne peut plus enfanter, le débat est clôt. Nous pouvons évidemment encore discuter de l'implantation d'un ovule ou d'un embryon et le Dr. Antinori a démontré que cela était encore possible pour des femmes de plus de 60 ans. Mais, entre-temps, la législation italienne a fait radicalement marche arrière. Cela prouve surtout que les sociétés qui autorisent des pratiques extrêmes suscitent, la plupart du temps, des réactions extrêmes.

Que faisons-nous en cas de refus ? Dans notre centre, nous refusons de traiter contre la stérilité les femmes célibataires et les couples lesbiens. Lorsque nous refusons ce traitement à des couples pour des raisons psychosociales, nous tentons de leur offrir une seconde chance. Si leur situation psychosociale est susceptible de s'améliorer, nous faisons une nouvelle évaluation après trois ou six mois, voire un an. Il s'ensuit parfois un avis positif.

Il n'est donc pas impossible, après une nouvelle évaluation, que nous donnions un avis positif à un couple dont l'homme est HIV positif et la femme HIV négatif, alors que ceux-ci avaient reçu un avis négatif dans un autre centre pour des motifs psychosociaux. Cela s'est d'ailleurs produit récemment. Il n'est donc pas exact que notre institution refuse sans cesse certaines demandes d'un air offusqué.

Quelqu'un a également demandé ce qu'une loi pourrait apporter de plus. Le débat que nous avons aujourd'hui montre les nombreuses discussions, controverses et émotions que suscitent certaines pratiques en matière de procréation. Par conséquent, il serait bon que la société, les praticiens et les patients eux-mêmes sachent à quoi s'en tenir. D'où l'importance d'une proposition de loi, même en dehors du contexte des couples lesbiens, des mères porteuses et autres.

Il existe des lignes de conduite précises en ce qui concerne l'approche de la stérilité, mais celles-ci ont plutôt leur place dans des directives médicales que dans une proposition de loi.

Ce qui importe, c'est que la présente proposition de loi ne concerne que la PMA. Il faudrait y adjoindre des dispositions quant aux indications générales de FIV. Médecins et patients se réjouissent que les FIV soient remboursées depuis juillet 2003. Nous constatons également un risque de surconsommation de ces techniques si l'on ne pose pas le bon diagnostic et si l'on accorde trop peu d'attention aux autres traitements.

J'attire l'attention des membres de la commission sur ce point parce que des décisions devront être prises très prochainement en ce qui concerne le remboursement des produits médicaux utilisés en dehors de la FIV. Tout indique que les traitements autres que la FIV ne seront plus remboursés. De ce fait, on sera tenté de considérer que la FIV est le seul traitement possible de la fertilité, ce qui serait une évolution très favorable. L'association flamande d'obstétrique et de gynécologie se réunira ce vendredi à Bruxelles pour discuterde ce problème.

Je ne soutiens effectivement pas la proposition de Mme Van Kessel. Si le législateur ou la société souhaitent réellement que l'anonymat soit levé et que les couples puissent choisir l'absence d'anonymat, il convient de préserver les droits des couples qui veulent conserver le strict anonymat. Le « système à deux guichets » est donc le moins mauvais, même si je ne l'apprécie pas personnellement. Je défendrais les intérêts des patients qui réclament avec force le droit à l'anonymat.

Si l'on devait quand même décider de lever le principe de l'anonymat, il faudrait que cette mesure soit strictement limité aux informations ne permettant pas d'identifier les donneurs. Sinon, on risque de voir tous les enfants qui ne sont pas certains de l'identité de leur père ou de leur mère demander des tests génétiques. Si on érige en droit absolu le droit de l'enfant à connaître sa filiation biologique, les questions commenceront à fuser. Chacun sait qu'environ 10 % des enfants ne sont pas issus biologiquement de leur père légal. Tous les enfants devraient avoir le droit de connaître leur filiation et pas uniquement les enfants nés à la suite d'une insémination artificielle. Toutefois, est-ce vraiment souhaitable ?

M. W. Ombelet. — Je ne parlerai pas de la proposition de loi en elle-même. J'adresse toutefois une mise en garde : il ne faut pas accorder trop d'attention à la FIV et trop peu à d'autres méthodes moins invasives et davantage evidence based.

Quiconque travaille dans une clinique spécialisée dans le traitement de la stérilité sait que les couples sont toujours particulièrement impatients et que les chances de grossesse, même par FIV, sont de 25 % maximum par cycle, ce qui est nettement inférieur à ce qui se passe dans la nature et dans le monde animal. En outre, les coûts sont élevés, non seulement pour le couple — traitement, consultations, absences au travail — mais également pour la collectivité, principalement en raison des complications possibles en cas de grossesses multiples. C'est pourquoi la proposition de remboursement tient compte d'une diminution du nombre de grossesses multiples. L'année dernière, un comité d'experts issus du collège de médecine reproductive a conclu à la nécessité d'une régulation et d'une information du public sur cette problématique.

Les études de Fauser, un gynécologue néerlandais, mais surtout du Canadien John Collins, indiquent que si l'on pose un bon diagnostic pour chaque couple, si l'on effectue d'abord les traitements autres que la FIV et si quelques couples décident de ne pas y avoir recours pour des raisons éthiques ou autres, il faudrait encore 1 500 cycles par millions d'habitants par an dans chaque pays. La Belgique devrait donc avoir 15 000 cycles pour que chacun ait une chance de bénéficier d'une FIV.

La Belgique se classe en très bonne position dans ce domaine. À l'étranger, les pays scandinaves qui s'étaient, dès le départ, fortement intéressés aux naissances multiples obtiennent de très bons résultats.

Les coûts des FIV sont considérables. Aux États-Unis, ceux-ci sont trois fois plus élevés par cycle et par grossesse qu'en Europe. Les coûts résultent principalement des naissances multiples. Si les États-Unis devaient utiliser la stratégie belge qui consiste à implanter un embryon, les coûts diminueraient considérablement et la plupart des couples pourraient se payer une FIV.

Les coûts découlent principalement des soins néonatals, plus précisément de la prise en charge, dans les unités néonatales intensives, des prématurés et des enfants présentant un déficit pondéral. Selon une étude réalisée à Genk sur 70 jumeaux et triplés, les coûts de prise en charge des bébés de moins de 1 500 grammes sont considérables.

Les chiffres que je cite représentent les coûts par bébé. Pour des triplés, ils sont donc à multiplier par trois, soit trois fois 11 000 ou trois fois 23 000 euros, etc.

Lorsque nous avons étudié la question du remboursement, nous nous sommes basés sur un coût moyen de 12 500 euros, compte tenu du nombre de prématurés et du nombre de naissances multiples qui résultent des procédures de FIV et d'ICSI.

Nous devons éviter les grossesses multiples qui constituent la complication la plus importante de la FIV. Il faut garder cela à l'esprit pour chaque législation relative à la procréation médicalement assistée. Outre la mortalité périnatale et les malformations, l'enfant et la mère risquent de connaître des problèmes ultérieurement.

La mortalité au cours des sept premiers jours qui suivent la naissance, la mortalité in utero et le poids à la naissance sont fortement influencés par le nombre de bébés en cas de grossesse multiple.

Au niveau mondial, en matière de fertilité, la Belgique obtient les meilleurs résultats, immédiatement après la Scandinavie. Nous disposons d'excellentes données, non seulement concernant les cycle FIV mais également concernant les accouchements. En Flandre, on procède à l'enregistrement en continu de tous les accouchements qui se déroulent en milieu hospitalier, avec la participation de chaque centre. Cet enregistrement qui existe depuis treize ans déjà nous permet de prouver à l'étranger que nos projets sont utiles.

Le nombre d'accouchements que nous pouvons analyser par le biais de l'enregistrement représente environ 53 % du nombre total d'accouchements en Belgique. Je présume qu'en Wallonie, les données sont similaires à celles de la Flandre et que l'on peut donc considérer que les chiffres de la Flandre sont valables pour la Belgique.

Au total, 574 197 accouchements ont été analysés. Parmi les enfants nés uniques, 3 % sont nés à la suite d'une procréation assistée, y compris les inséminations et les inductions d'ovulation au moyen d'hormones. Près de 40 % des jumeaux et près de 80 % des triplés sont nés à la suite d'une procréation assistée.

La mortalité néonatale augmente fortement dans le cas de jumeaux et de triplés.

Les enfants nés après une grossesse de moins de 32 semaines connaissent de sérieux problèmes, y compris à long terme. Chez les enfants nés uniques, le nombre de naissances avant 32 semaines représente 1,4 % contre 8 % chez les jumeaux et plus de 25 % chez les triplés.

Un phénomène similaire est observé concernant le poids à la naissance. Les bébés pesant moins de 1 500 grammes connaissent des problèmes. Un poids inférieur à 1 500 grammes est observé chez 1,5 % des bébés nés uniques, chez près de 8 % des jumeaux et chez près de 30 % des triplés. Ces problèmes entraînent des interventions et des complications néonatales. Le nombre d'enfants placés sous respirateur, atteints d'hémorragie cérébrale, pris de convulsions après l'accouchement et souffrant d'affections respiratoires augmente significativement parmi ceux provenant d'une grossesse multiple.

Le projet belge de remboursement ne prend pas en compte les coûts d'accouchement et de grossesse. Or, ces frais augmentent, eux aussi, en cas de grossesse multiple. On observe davantage de cas d'anémie, de diabète de grossesse et d'hypertension ainsi que de césariennes à la suite d'une procréation assistée. Cela entraîne automatiquement des coûts financiers plus élevés.

En Amérique, la situation est complètement différente. Le nombre de grossesses à la suite d'une FIV à l'occasion de laquelle quatre à sept embryons sont implantés représente environ 33 %, soit un cas sur trois. Les intéressés paient très cher pour une FIV. Ils veulent donc que la tentative réussisse. Quant au problème des grossesses multiples, il est refilé aux centres et à l'État.

En Europe, une étude effectuée dans 22 pays montre que le nombre de grossesses résultant d'une FIV où quatre embryons ou davantage ont été implantés représente moins de 10 %. En Belgique, ce pourcentage est nettement moins élevé.

La situation est très différente de celle des États-Unis où les chances de bénéficier d'une FIV sont pratiquement nulles. Seuls ceux qui ont suffisamment de moyens financiers peuvent l'envisager. En Europe, il existe aussi une grande différence entre les pays. En Slovénie, par exemple, une naissance multiple est considérée comme une priorité.

Des études menées par les universités de Gand et d'Anvers ont démontré que l'implantation d'un seul embryon ne diminue pas les chances de grossesse. Précédemment, on considérait que l'on augmentait les chances en implantant deux ou trois embryons. Il importe cependant d'implanter le meilleur embryon, d'où l'importance de la qualité du laboratoire. En n'implantant qu'un seul embryon, on évite les grossesses gémellaires, à l'exception de cas de jumeaux monozygotes.

Il y a un an, le collège a étudié la possibilité d'abaisser le seuil d'accès par le biais du remboursement. Les chiffres de l'enregistrement BELRAP ont montré que les coûts pouvaient être réduits de manière à libérer des moyens pour le remboursement des FIV.

Je me réjouis du travail réalisé par le collège de la médecine de la reproduction et par le collège des médecins spécialisés en néonatalogie, sans oublier le comité d'experts. Les enregistrements BELRAP et SPE ont été très utiles et la collaboration avec les organisation professionnelles a été excellente. Sous la direction du ministre de l'époque, M. Vandebroucke, un travail de qualité a été réalisé.

Il ressort des données BELRAP qu'à partir de 1997, le nombre d'implantations de trois embryons a nettement diminué. On a observé aussi une augmentation du serial embryo transfer et une légère augmentation du double embryo transfer. Le résultat est qu'il n'y a pratiquement plus de triplés et moins de jumeaux mais davantage d'enfants nés uniques.

D'après les Américains, les chances de succès diminuent en fonction de la réduction du nombre d'embryons implantés. En Europe, où l'on implante moins d'embryons qu'antérieurement, les chances de succès n'ont pas changé, elles sont même en légère augmentation.

Nous avons calculé le coût d'un cycle. Les frais de personnel sont le poste le plus important. Le coût moyen d'un cycle de FIV est de l'ordre de 1 200 euros.

Une stratégie de financement a été élaborée en tenant compte de l'âge de la mère et du nombre d'embryons implantés par cycle. On a considéré que maximum 7 000 cycles pouvaient être financés, avec un maximum de 6 cycles par patiente. On constate que le nombre de jumeaux a fortement diminué et qu'il n'y a quasiment plus de triplés. On se préoccupe aussi de la qualité des centres parce que le pourcentage de grossesses dépend du niveau de compétence des embryologistes.

Pour calculer le coût financier de chaque traitement, nous avons pris comme base 7 000 cycles et 25 % de grossesses non interrompues. Nous avons choisi 1997 comme année de référence parce que c'est le moment où l'on a commencé à implanter moins d'embryons et parce que les chiffres de cette année correspondent à ceux relevés dans d'autres pays en Europe.

Grâce à l'implémentation du projet, nous sommes parvenus à réduire d'environ 700 le nombre de bébés résultant d'une grossesse multiple, ce qui nous a permis d'enregistrer de sérieuses économies. Il faut évidemment tenir compte aussi du surcoût lié au financement des 7 000 cycles. La différence entre les deux est d'environ deux millions d'euros, alors que nous nous attentions à ce qu'elle soit nulle. Nous étions partis de l'idée que tous les enfants issus d'une grossesse multiple sont admis dans la section de soins intensifs néonatals mais en réalité, cela n'a été nécessaire que pour 70 % d'entre eux.

Le déficit que nous constatons à court terme disparaît cependant lorsque nous considérons les choses à plus long terme.

En prenant comme base 7 000 cycles et 1 750 grossesses, on relève chez 3,7 % des jumeaux et 7,2 des triplés de très graves handicaps psychomoteurs comme la surdité ou la cécité. L'estimation faite au niveau international du coût de tels handicaps au cours d'une vie se situe entre 1,5 et 2 millions d'euros. Avec notre projet, nous pouvons éviter annuellement environ vingt cas de handicaps lourds, ce qui représente de sérieuses économies à long terme. Je ne parle ici que de l'aspect financier de la question. Il ne faut évidemment pas perdre de vue les drames médicaux et familiaux vécus par ces enfants.

Un problème consiste en la forte augmentation du nombre de cycles remboursés depuis 1997. Actuellement ce chiffre se situe entre 10 000 et 11 000. Depuis qu'il y a un remboursement, les gens s'adressent massivement aux centres. C'est bon signe mais je ne souhaite pas atteindre le chiffre de 15 000. Nous devons nous efforcer de réduire ce nombre sinon le projet ne pourra plus être financé. En effet, il n'y a tout simplement pas d'argent pour 15 000 cycles.

Une autre raison de promouvoir la non-FIV tient au fait que les bébés issus des FIV, ICSI et autres techniques sont davantage soumis aux risques de naissance prématurée, de petits handicaps et de malformations congénitales. Idéalement, on devrait avoir uniquement avoir recours à une FIV-ICSI pour les femmes chez lesquelles d'autres méthodes ont échoué. C'est cette logique que l'on retrouve dans les thèmes suivants.

Outre la FIV et l'ICSI, la procréation médicalement assistée comprend aussi d'autres techniques comme l'IIU, l'insémination intra-utérine. Celle-ci est davantage pratiquée dans le monde animal que chez les humains.

Une autre technique est l'injection de semence lavée dans le haut de l'utérus. Généralement, elle est pratiquée au cours de maximum quatre à six cycles parce que, par la suite, les chances de succès sont trop faibles. Dans la plupart des cas, on procède préalablement à une stimulation au moyen d'hormones qui augmentent les chances d'être enceinte.

Les milieux de la FIV, particulièrement aux États-Unis, reprochent essentiellement aux cercles non-FIV de procéder à un nombre quasiment double d'inséminations et d'inductions d'ovulation. On pensait que le problème des naissances multiples était lié à cette question. Cependant, les chiffres du SPE montrent que la non-FIV est responsable seulement d'un tiers des grossesses multiples alors que l'on avait évalué la proportion à minimum 60 %. La majorité des enfants issus de grossesses multiples à la suite d'une procréation médicalement assistée proviennent donc d'une FIV-ICSI. Cela plaide en faveur de la non-FIV en tant que technique sûre et bonne alternative à la FIV.

Dans la majorité des cas d'infertilité masculine et d'infertilité ayant une cause inconnue — soit environ 60 à 70 % des patientes FIV — trois inséminations sont aussi fructueuses qu'une FIV tout en étant nettement moins coûteuses. Des études américaines ont montré que l'utilisation de certains médicaments, comme le Clomid, combinée à l'insémination, est plus avantageuse qu'un traitement FIV. Le monde entier semble d'accord sur ces données qui sont evidence based. En Australie, un questionnaire a été adressé à tous les centres. À la question de savoir s'ils considéraient ces études comme crédibles, 90 % des centres ont répondu positivement. À la question de savoir s'ils mettaient en pratique les résultats de ces études, seulement 20 % des centres ont répondu oui. Manifestement, il existe une différence entre ce que l'on croit et ce que l'on fait.

Une insémination est-elle possible dans tous les cas ? L'âge est un facteur très important. Au fur et à mesure que l'âge augmente, les chances de succès par cycle diminuent, surtout chez les femmes. Pour l'homme, cette observation vaut surtout à partir de 50 ans. Il est stupide de penser que des personnes de 38 à 40 ans n'entrent plus en ligne de compte pour une IIU. À cet âge également, trois IIU sont couronnées d'autant de succès qu'une FIV. L'âge a donc son importance mais ne doit pas faire changer de stratégie.

À Genk, nous avons effectué une étude sur plus de 2 500 cycles chez des personnes ayant un problème de qualité de sperme. Il n'y avait pas de problème chez la femme, il s'agissait d'un problème moyen à grave d'infertilité masculine. L'étude a montré qu'un traitement au Clomid était couronné de succès dans 13 % des cas, contre 25 % en cas de FIV. L'insémination a donc un taux de réussite correspondant à la moitié de celui d'une FIV, ce qui signifie que trois cycles d'insémination ont le même taux de réussite qu'une FIV. Dès que l'on a recours à des injections, les chances de succès augmentent mais les risques de grossesse multiple également. Cette technique n'est donc pas à conseiller.

Que pouvons-nous faire pour obtenir moins de naissances multiples au moyen des techniques autres que la FIV ? Nous pouvons travailler via un cycle Clomid ou un cycle naturel, avec un moindre succès. Nous pouvons cependant aussi administrer des doses plus faibles d'autres médicaments. Des études canadiennes ont démontré que de faibles doses peuvent conduire à un excellent taux de grossesse avec seulement 2,5 % de jumeaux et sans triplés. Si cette étude est confirmée par d'autres, l'insémination demeurera là aussi une possibilité.

Lorsque la réaction est trop vive et que de trop nombreux ovules parviennent à maturité, on peut encore toujours se tourner vers la FIV ou d'autres techniques.

Chez qui peut-on pratiquer une IIU ? Il faut prendre en considération l'aspect des spermatozoïdes. La plupart des études montrent que lorsqu'on dispose de 4 % de spermatozoïdes normaux, l'IIU a des changes de succès raisonnables. On s'est alors intéressé à l'IMC, Inseminating Mobile Count, le nombre de spermatozoïdes mobiles après préparation. On a constaté que la limite pour procéder à une insémination est d'un million. Certains centres américains fixent cette limite à un minimum de 20 millions.

Y compris dans le groupe des infertilités masculines sérieuses — moins d'un million — lorsque la morphologie est bonne, le taux de succès est aussi bon que chez les personnes ayant un sperme parfaitement normal. En ayant simplement recours au Clomid, environ une personne sur quatre est enceinte après trois cycles. Si l'on utilise d'autres produits, ce chiffre augmente encore. Dans la plupart des cas d'infertilité masculine, nous pouvons aboutir en trois cycles à une grossesse chez 20 à 40 % des couples avant d'avoir recours à une FIV.

Nous avons encore comparé quelques autres facteurs et nous sommes toujours arrivés à la conclusion que toutes les personnes entrent en ligne de compte pour une insémination. C'est uniquement lorsque le nombre de spermatozoïdes est inférieur à 300 000 que le succès est moindre. Dans la plupart des centres, avec un chiffre aussi peu élevé, on ne procédera même pas à une FIV mais à une ICSI. Jusques et y compris 300 000, les chiffres permettent de considérer que l'insémination peut être proposée comme traitement de première ligne.

Comparée à la FIV/ICSI, l'IIU est très facile et non invasive, elle donne de bons résultats et les risques sont minimes. L'IIU nécessite un monitoring minimal et donne de bons résultats par rapport aux frais engagés, ce qui a pour conséquence que beaucoup plus de personnes acceptent ce traitement. En six mois, quatre cycles peuvent facilement être suivis, ce qui est beaucoup plus difficile avec la FIV.

Le slide suivant montre comment on travaille à Genk : pas de facteur « éprouvette », une procédure de lavage. Avec moins d'un million de spermatozoïdes matures et moins de 4 % de morphologie, on effectue immédiatement une IICS. Dans tous les autres cas, on fait des inséminations.

Dans le monde entier, on nous envie notre projet de remboursement de la FIV : c'est le premier projet qui est aussi satisfaisant sur le plan économique. Le danger existe cependant que le système déraille, que nous ayons trop de cycles FIV, que nous soyons trop agressifs. Nous devons donc continuer à viser six cycles et à rembourser le traitement y relatif. Nous voulons subordonner cette pratique à un enregistrement lié à un remboursement, car l'enregistrement est cher. Il serait aussi préférable que seuls les centres agréées et les gynécologues collaborant avec ces centres participent au projet.

Si nous pouvons y arriver, nous aurons en Belgique un très beau projet qui tient compte du patient et n'est pas trop invasif, un exemple pour le monde entier.

M. P. Schotsmans. — Sur le plan éthique, on peut s'attendre à deux types d'approche. Mes collègues étrangers décrivent encore beaucoup le stress lié à la FIV et toutes les suites possibles en matière de rôle et de position de la femme ayant fait réaliser une FIV. Je me sens moins à l'aise en cette matière. J'ai davantage participé à une description normative de la meilleure manière d'appliquer la FIV.

Du point de vue de la personnalité, nous essayons toujours de voir quelle est l'influence sur la relation. Nous en arrivons ainsi à la demande d'un couple hétérosexuel stable stérile. Nous examinons aussi la cas de chaque individu, ce qui se traduit par une discussion sur le statut de l'embryon.

Il y a une responsabilité sociale, l'intégration solidaire. Nous tenons toujours compte de ces trois éléments lorsque nous sommes confrontés à un problème éthique. Nous essayons d'intégrer la FIV dans notre propre offre de soins de la KU Leuven.

J'estime important que dans notre pays, contrairement aux autres pays européens, une loi sur la procréation médicalement assistée voie le jour. Un encadrement légal de cette technique est important. Au sein de la Commission de l'éthique médicale de la KU Leuven, nous essayons depuis 1975 de prendre nous-mêmes une initiative en la matière.

Le texte reprend régulièrement le terme « excédentaire ». D'un point de vue éthique, j'ai appris à travailler avec la notion « surnuméraire », qui est la traduction littérale de l'anglais supernumerous. La connotation éthique est moins importante.

La proposition de loi contient quelques incohérences par rapport aux couples lesbiens. Il est préférable qu'une proposition de loi n'en contienne pas.

Les références à une mère porteuse ne sont pas très claires. Il y a parfois confusion entre FIV et IICS. Il faut revoir cela.

M. le président. — De quelles incohérences voulez-vous parler ?

M. P. Schotsmans. — Au début, on parle de couples hétérosexuels, mais plus loin dans le texte on prévoit des possibilités pour des couples lesbiens et des mères porteuses. La proposition de loi n'est donc pas rédigée de manière cohérente pour les couples hétérosexuels stériles.

De notre point de vue éthique, nous nous sommes limités à des couples stables, hétérosexuels, stériles. Si une loi est votée en cette matière, il sera inévitable sur le plan social d'étendre la procréation médicalement assistée aux couples lesbiens et de créer un cadre légal à cet effet. Dans les discussions éthiques au sein des milieux catholiques romains, il y a une certaine ouverture à l'égard du désir d'enfant de couples homosexuels. Cela concorde avec l'accent que l'on met sur la stabilité de la relation.

De notre point de vue éthique, nous éprouvons davantage de difficultés avec les applications aux personnes seules, aux mères célibataires.

Du point de vue catholique romain, le statut de l'embryon humain n'est pas si simple. Dans notre étude éthique, nous sommes peu à peu arrivés à une approche nuancée de l'embryon humain. Nous avons développé une sorte d'éthique du possible. Si nous acceptons que la FIV doit être possible dans un hôpital catholique, nous devons aussi accepter les expériences sur embryons, la congélation d'embryons, le don éventuel d'embryons, etc. C'est cohérent.

Cela ne peut être mis en question. Accepter l'un, c'est en même temps intégrer l'autre dans la position éthique.

Une attitude positive à l'égard de la procréation artificielle exige une approche nuancée du statut de l'embryon. Il est heureux qu'il existe en Belgique un cadre légal pour les expériences sur embryons.

L'objectif d'un débat de société est le développement d'un contrôle de qualité. Au comité consultatif, nous nous sommes demandé si la collectivité pouvait imposer des critères, même éthiques, à un centre. Les critères éthiques relèvent des libertés constitutionnelles. Il importe que les centres définissent eux-mêmes leurs propres critères éthiques, assortis d'une bonne information des couples. Le professeur D'Hooghe a dit qu'il y avait déjà une sélection quasi automatique; il n'y a pratiquement pas de refus. L'information du public est donc importante. Il faut créer une instance de contrôle ou d'enregistrement pour le respect de la qualité.

Les indications figurant dans la proposition de loi ne sont pas très claires à mes yeux. Il y a des contradictions concernant les couples hétérosexuels stériles, les couples lesbiens et la discussion au sujet des mères porteuses seules.

La commission d'éthique médicale ne peut pas toujours intervenir dans les FIV. Des avis ad hoc peuvent être donnés dans des cas très compliqués, éthiquement délicats.

On a déjà cité un exemple. Lorsque des enfants ont été placés par le juge de la jeunesse et qu'un couple demande une FIV lors d'un deuxième mariage, on peut demander un avis à une commission éthique ad hoc. Il s'agit bien sûr d'un simple avis. Finalement, c'est le médecin, en concertation avec sa patiente, qui prendra une décision.

Je suis en tout cas partisan d'une non-commercialisation. À l'article 7, je suis très réservé au sujet de l'exception pour les membres de la famille. Au Conseil supérieur d'hygiène, on a suggéré de se baser non pas sur 6 enfants, mais sur 6 indications pour les échantillons de sperme prélevés.

La question des mères porteuses est pour moi un problème éthique difficile à intégrer. Au comité consultatif, il y a manifestement à l'heure actuelle un certain consensus pour les indications strictement médicales.

C'est une bonne chose. Il s'agit souvent de situations véritablement dramatiques, pour lesquelles on pourrait rechercher une solution par le biais de la législation sur l'adoption. Nous espérons pouvoir rendre un avis à ce sujet dans les prochains mois.

Nous parlons souvent des expériences sur embryons, mais rarement de la destruction d'embryons. Si des parents la souhaitent, nous ne pouvons pas l'exclure.

Mme Mia De Schamphelaere (CD&V). — Je désire demander au professeur Schotsmans quelle est l'évolution qu'il estime possible sur le plan de l'acceptation sociale du traitement de la fertilité chez les couples lesbiens. En tant que juriste, je me demande surtout comment nous pouvons déterminer la filiation d'un enfant de deux hommes ou de deux femmes sur les plans social et juridique. N'est-il pas souhaitable de faire adopter l'enfant par le deuxième parent ? Certaines situations complexes de mères porteuses pourraient à mon sens également être appréhendées par le biais de l'adoption.

L'exposé du professeur Ombelet était particulièrement intéressant. Nous pouvons effectivement envisager de rendre la FIV applicable, d'utiliser autant que possible d'autres moyens, et faire en sorte que tout cela reste financièrement supportable pour la sécurité sociale. L'insémination peut à mon sens présenter un avantage important parce qu'elle évite tous les problèmes de traitement des gamètes. Le professeur peut-il confirmer cela ?

M. P. Schotsmans. — Cela dépend de la question de savoir s'il s'agit d'une insémination avec sperme de donneur ou avec sperme homologue. L'insémination dont il est question ici s'applique aux couples homologues. On ne peut pas utiliser le sperme homologue pour la majorité des couples avec des résultats identiques, mais sans doute avec moins d'inconvénients et moins de frais. C'est la seule différence. Si on utilise du sperme de testicule, l'insémination avec sperme de donneur est certainement une bonne alternative

M. W. Ombelet. — Personnellement, je ne suis pas juriste, mais la suggestion de Mme De Schamphelaere me semble intéressante. Je veux encore souligner qu'il y a à l'heure actuelle dans la littérature éthique beaucoup plus d'ouverture quant à la stabilité relationnelle des couples homosexuels. Si ces couples veulent voir réaliser leur désir d'enfant par le biais de la FIV, il faut trouver la meilleure solution juridique possible.

M. Philippe Mahoux (PS). — Je voudrais poser une question au collègue Ombelet. J'ai été très intéressé par son approche qui consiste à faire de manière très lucide une évaluation des coûts, tant à court terme qu'à long terme, tout en soulignant les dangers éthiques que cela peut représenter. Il s'agit non seulement du coût de la technique mais aussi des coûts sociaux ou financiers à plus long terme. Je me réjouirais que l'ensemble des gynécologues et andrologues puissent affiner ensemble les données qui viennent d'être présentées de manière peut-être un peu trop rapide pour que nous en saisissions toute la richesse. Si l'on sait que trois inséminations ont autant de résultats positifs qu'une fivète, cela vaut la peine d'en faire trois, voire quatre ou cinq. Je parle en termes d'efficacité et même pas en termes de coût. Peut-être, monsieur le Président, serait-il intéressant de disposer de l'article de Lancet.

La question suivante s'adresse à M. Schotsmans. Vous dites que la fécondation in vitro et le prélèvement des gamètes — masturbation, stimulation — ne posent plus de problème fondamental du point de vue de la philosophie catholique défendue au Gasthuisberg. Vous dites qu'il faut des centres multiples qui appliquent les techniques qu'ils souhaitent appliquer dans les conditions qu'ils souhaitent. J'admets ce point de vue.

On peut s'opposer à l'utilisation d'une technique pour des raisons éthiques mais, si la loi autorise l'application de cette technique, peut-on refuser de l'appliquer en raison de la personnalité ou du statut du demandeur ? Chacun sait que personnellement, je suis favorable à une diversité de situations dans les centres. Je pense que c'est une méthode qui à la fois donne des garanties et qui est la plus « libérale ». Mais j'aimerais avoir votre point de vue par rapport à l'approche éthique.

M. P. Schotsmans. — Personnellement, je ne formulerais pas les choses de cette façon; la technique en elle-même ne me pose aucun problème éthique. Une technique est appliquée pour résoudre un problème spécifique, en l'occurrence la stérilité. La FIV fut développée à l'époque par Edwards et Stepton comme réponse médicale à la stérilité de couples hétérosexuels mariés. La seule différence qui subsistera entre les centres sera leur point de vue éthique vis-à-vis de la stabilité des relations dans la vie en commun.

Nous pensons qu'une sexualité responsable s'exprime le mieux dans une relation homme-femme; nous avons dès lors réservé notre technique aux couples hétérosexuels stériles. À mes yeux, la divergence éthique porte davantage sur les approches de l'éthique sexuelle que sur la technique même. Nous sommes toujours partis du point de vue thérapeutique : la médecine doit pouvoir aider un couple hétérosexuel stable qui est stérile. Dans notre société, les avis divergent fortement sur la notion de sexualité responsable.

M. le président. — Le professeur D'Hooghe était beaucoup plus restrictif que vous, ce qui me surprend. Votre centre accepte que diverses approches existent dans la société et que les demandes de couples et d'individus soient différemment traitées par les centres. Selon votre approche éthique personnelle, des couples homosexuels peuvent-ils avoir un enfant ? Allez-vous aussi loin ?

M. P. Schotsmans. — Personnellement, cela ne me choque pas. Actuellement, les discussions éthiques traînent en longueur, mais elle peuvent aussi évoluer assez vite. Notre approche de l'éthique sexuelle a évolué rapidement au cours de la dernière décennie, y compris parmi les experts catholiques en éthique sexuelle.

Dans notre commission d'éthique médicale, nous avons longuement discuté avant d'accepter les expériences avec embryons.

Nous étudions le lien entre relation stable et réalisation du désir d'enfant. Si nous considérons plutôt l'aspect relationnel que l'identité sexuelle, nous arriverons peut-être à intégrer le désir d'enfant de couples lesbiens stables. C'est une évolution possible. Mais, dans le milieu où je travaille, ce n'est pas encore pour demain.

M. le président. — Vous prenez donc le couple comme point de départ et non, comme Tom D'Hooghe vient de le dire, le dommage éventuel qu'un enfant pourrait subir au sein d'une relation homosexuelle.

M. P. Schotsmans. — Au départ, je considère le couple d'un point de vue éthique.

Mme Jacinta De Roeck (sp.a-Spirit). — J'ai interrogé le professeur D'Hooghe sur l'assistance psychologique de couples. Je sais par expérience qu'elle est assez courante. Si on considère que seuls les couples hétérosexuels entrent en ligne de compte — personnellement, je ne suis pas d'accord — ils doivent faire l'objet d'une analyse médicale, ce qui est logique s'ils veulent prétendre à une FIV. Afin de vérifier si le couple est stable, il doit aussi faire l'objet d'une enquête sociale et psychologique. Je sais qu'à Louvain, on effectue des enquêtes sur les antécédents médicaux et éventuellement une enquête sociale et psychologique. Si le professeur Schotsmans veut que l'on examine la stabilité des couples, il faudra dans chaque cas réaliser une enquête sociale et psychologique.

M. Philippe Mahoux (PS). — Je tiens à souligner une contradiction apparente. Selon l'air du temps, il semblerait tout à fait acceptable de pratiquer des inséminations post mortem avec le sperme du mari défunt chez une veuve demeurée seule. En revanche, on refuserait l'insémination à une femme seule, alors que le donneur de sperme est toujours vivant. La contradiction est de taille et j'aimerais connaître votre avis à cet égard.

Par ailleurs, j'ai perçu que l'on s'arrêtait à six tentatives sans être sûr d'avoir compris pourquoi. Serait-ce en fonction du budget global évalué ? C'est une manière de voir les choses comparable à l'ouroboros, le serpent qui se mord la queue. En effet, on détermine le budget en fonction de certains critères, mais on semble lier le nombre de tentatives au budget qui y est consacré. Il serait intéressant d'obtenir des précisions à cet égard. Je présume que les réunions que vous organisez avec les différents praticiens concernés — gynécologues, andrologues etc. — doivent notamment traiter de l'évaluation des coûts.

Pour ce qui est de l'accessibilité, le nombre de six tentatives a-t-il une légitimité supérieure par rapport à cinq, ou à quatre ? Du point de vue du remboursement et de l'accessibilité, le chiffre de un est-il plus légitime que zéro ? Cette question est fondamentale. Quel est le critère qui fait que l'on s'arrête à un certain moment ?

Si, comme je l'espère, le critère est une diminution des chances de succès au gré des tentatives, diminution prouvée statistiquement, je serais rassuré sur le plan éthique. Le critère budgétaire passerait alors au second plan, le premier critère étant les chances de succès.

Mme Jacinta De Roeck (sp.a-Spirit). — Le docteur Ombelet a tenu des propos semblables à ceux du professeur Comhaire, lequel a dit dans cette commission que la FIV était aussi souvent pratiquée en cas de stérilité de l'homme. Il conviendrait toutefois de recourir à des traitements moins onéreux pour la société. Le professeur Comhaire trouvait aussi qu'il était préférable d'être enceinte de manière naturelle, les bébés étant alors plus sains et le risque de grossesse multiple moindre. J'entends néanmoins qu'en Belgique, on recourt encore trop rapidement à la FIV, voire à l'ICSI pour aider plus rapidement les couples. J'apprends aussi que le know-how existe, mais que les méthodes préconisées par le docteur Ombelet et le professeur Comhaire ne sont pas appliquées dans la pratique. Les centres appliquent-ils ces méthodes ? Un couple doit généralement compter deux ans pour que six tentatives soient effectuées.

Mme Christine Defraigne (MR). — Sans engager le débat sur le domaine post mortem, je pense qu'il faudra évoluer dans la réflexion à ce sujet.

Comment gérez-vous les embryons surnuméraires ?

M. P. Schotsmans. — Je répondrai brièvement à la question concernant la veuve ou la femme seule. Dans le contrat que nous établissons avec les couples, il est prévu que celui-ci prend fin en cas de décès ou de divorce et que les embryons sont alors détruits. C'est explicitement dit au cours de l'entretien que nous avons au préalable avec le couple. Toutefois, une femme peut décider de faire don des embryons pour des expériences.

La réponse à la question de Mme De Roeck est simple. Je n'attends pas d'un accompagnement psychologique qu'une enquête d'antécédents soit menée pour que l'on ait éventuellement le feu vert. C'est avant tout un accompagnement pouvant réduire le stress occasionné par ces techniques. Ces couples ont droit à un bon accompagnement psychologique. C'est peut-être le meilleur service éthique que nous pouvons rendre à un centre de technologie de fécondation. C'est presque une question d'éthique d'aider ces personnes à surmonter les échecs et à gérer leur stress.

M. W. Ombelet. — Le budget étant effectivement le seul critère, nous avons décidé de ne payer que six cycles. Je reconnais aussi qu'il eût été préférable de fixer la limite d'âge à 37 ans plutôt qu'à 35. Le risque de grossesse multiple est en effet le même à 37 ans qu'à 35 ou 36. Le nombre d'embryons aurait également pu être inférieur. Ces critères sont simplement le résultat d'un consensus. Une évaluation sera réalisée — je l'espère — cette année encore.

Dans de nombreux centres de FIV les chances de succès étaient tellement faibles que les femmes devaient suivre un traitement de six cycles. Nous avons appris entre-temps que cette méthode n'était pas la bonne.

La question de Mme De Roeck est essentielle. Je sais que le professeur Comhaire a dit que la situation était assez bonne en Belgique et plus mauvaise dans le reste du monde. Dans de nombreux pays, le diagnostic n'est plus important. Sur la base d'un échantillon de sperme provenant d'un donneur, on peut même effectuer une ICSI parce qu'on considère que le problème est la stérilité masculine. Un meilleur diagnostic doit être posé non seulement en Belgique mais aussi au niveau international, et nous devons accorder plus d'attention à la prévention et au traitement de première ligne.

Quand j'ai commencé à siéger dans la commission éthique d'experts, les premières directives relatives au remboursement avaient déjà été fixées. Le ministre de l'époque, M. Vandenbroucke, avait décidé d'aller de l'avant avec la non-FIV. Mais un nouveau ministre est ensuite entré en fonction et le processus s'est grippé. J'espère que nous pourrons à nouveau promouvoir les techniques autres que la FIV. Cela avait été proposé dès le départ mais, à ce moment, le remboursement de la FIV était la priorité.

5. Audition du 27 avril 2004

Audition du :

— professeur Michel Depuis, Unité d'éthique biomédicale, UCL;

— professeur Christine Verellen, Unité de génétique médicale, UCL.

Mme Christine Verellen. — Je vous remercie de m'avoir invitée à cette audition. Avant de vous donner mon point de vue sur ces articles de loi, que j'ai lus consciencieusement, je vais me présenter, de même que les généticiens. En effet, dans le cadre de ces textes de loi, ces derniers jouent une partie du rôle, mais ne sont pas les acteurs de départ du débat.

Comme vous le savez, il y a en Belgique huit centres de génétique et je suis responsable de l'un d'eux. Le but des centres de génétique est de dispenser à la population des avis et des conseils génétiques. Ces centres ont été créés voici trente ans par arrêté royal. Nous venons d'ailleurs de fêter cet anniversaire.

Dans cet arrêté royal, les centres de génétique ont pour mission de dispenser des conseils génétiques à la population, mais également d'utiliser tous les moyens leur permettant d'arriver à un conseil et un diagnostic génétiques appropriés. Il s'agit de moyens de laboratoire, d'analyse des chromosomes et des gènes, ainsi que du soutien humain et psychologique assuré par les infirmières sociales et les psychologues qui doivent entourer et encadrer les patients atteints par ces maladies.

Le conseil génétique est un acte médical tout à fait particulier qui répond à la démarche volontaire d'une personne ou d'un couple qui souhaite avoir une information sur les risques éventuels la ou le concernant personnellement ou concernant sa descendance actuelle ou à venir. C'est donc un acte médical particulier parce qu'il concerne non pas une seule personne, le malade, mais deux personnes, les parents, et se situe dans l'avenir d'une troisième personne, un enfant déjà né ou à naître.

Je rappellerai quelques notions de base. Vous savez qu'une grande partie de notre génome se trouve sur les chromosomes, que nous avons 23 paires de chromosomes, 46 XY chez l'homme et 46 XX chez la femme et que chaque enfant reçoit de son père et de sa mère la moitié de ses chromosomes. Ces chromosomes sont présents chez l'embryon dès la conception, ce qui permettra de faire des diagnostics prédictifs.

Sur le plan des chromosomes, ce qui est le plus connu dans la population, ce sont les tests génétiques réalisés par exemple pour exclure ou éviter la naissance d'un enfant avec une Trisomie 21 ou un Syndrome de Down. Je vous rappelle le film pour lequel Pascal Duquesne a remporté le Grand prix à Cannes voici quelques années.

Les techniques ayant évolué, on n'analyse plus les chromosomes en examinant tous les petits bâtonnets, mais d'une manière beaucoup plus simple, en envoyant des petites sondes fluorescentes qui vont reconnaître des fragments de chromosomes.

Si on fait un diagnostic pour un embryon à partir d'une cellule, on va clairement visualiser ces trois points du chromosome 21 et, si on a le choix, on ne réimplantera chez la mère que les embryons qui n'ont pas cette anomalie chromosomique.

L'analyse de l'ADN est un type d'analyse différent de l'analyse des chromosomes. L'ADN se trouve naturellement sur les chromosomes. Il constitue la base de tous nos gènes. Nous avons environ trente mille gènes. L'ADN est formé de quatre bases — T, A, G et C — qui sont appariées deux à deux et forment des séquences. Les couples sont toujours TA ou CG, chaque base ayant son partenaire. L'analyse de ces séquences de couples de bases est l'objet de nombreux travaux de génétique.

Le fait que, dès la conception, tant les chromosomes que les gènes soient présents chez les embryons, a permis le développement d'un nouveau type de médecine : la médecine prédictive.

La médecine prédictive répond à un souhait de l'humanité depuis l'Antiquité. On peut renvoyer à Cassandre condamnée par Apollon, pour n'avoir pas répondu à ses avances, à prédire l'avenir sans jamais être crue. Je pense que la génétique et la médecine prédictive entrent dans la filiation de Cassandre. La médecine prédictive consiste à analyser les différents gènes d'une personne afin de prédire les maladies que cette personne risque de développer au cours de son existence.

Il faut savoir que les affections génétiques peuvent survenir à tous les âges de la vie. Elles peuvent se déclarer à la naissance, à l'adolescence, à l'âge adulte et même durant le grand âge. La maladie d'Alzheimer, par exemple, a une composante génétique non négligeable.

À quel âge peut-on recourir à la médecine prédictive ? En réalité, techniquement parlant, on peut y recourir à tous les âges de vie puisqu'on peut analyser les gènes à tous ces âges. Chez les adultes, les adolescents et les enfants, on parlera de médecine prédictive, mais si on fait le diagnostic chez un foetus, ce sera un diagnostic prénatal et si l'on pose un diagnostic chez un embryon avant son implantation, on dira le plus souvent qu'il s'agit d'un diagnostic génétique préimplantatoire.

Comme vous le savez, lorsque l'on fait un diagnostic génétique préimplantatoire, il est indispensable de prélever chez la femme un certain nombre d'ovocytes, de récupérer un ou plusieurs spermatozoïdes auprès d'un donneur masculin et d'injecter dans l'ovule un de ces spermatozoïdes.

Si l'on injecte plusieurs spermatozoïdes dans plusieurs ovules, on verra démarrer plusieurs embryons. Quand ils seront au stade de huit cellules, c'est-à-dire huit blastomères, on prélèvera une des cellules pour procéder à l'analyse génétique, soit par la technique fluorescente avec les petits spots de la trisomie 21, tel que je vous l'ai montré il y a quelques instants, soit par une analyse ADN réalisée par des techniques sophistiquées de réactions de polymérases en chaîne.

Après analyse, on constatera que certains embryons présentent des problèmes génétiques et d'autres pas. On va donc réimplanter le ou les embryons sain(s) chez la future mère. En réalité, les examens génétiques sont effectués non pas dans les centres de reproduction mais dans un des huit centres de génétique agréés du pays; la loi interdit que des examens génétiques soient réalisés dans d'autres centres, laboratoires ou laboratoires privés. Lorsque l'embryon est réimplanté chez la future mère, on espère voir se développer une grossesse, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas puisque le taux de succès est de l'ordre de 25 %, et neuf mois plus tard, on s'attend à avoir un enfant en bonne santé.

La pipette prélève un spermatozoïde et l'injecte à travers l'ovule, puis l'embryon à huit cellules se développe, et enfin, la pipette aspire dans le tube une ou deux cellules — souvent une seule, malheureusement. Les deux cellules vont être étudiées d'un point de vue génétique. Lorsqu'on analyse les chromosomes, on peut parfaitement voir si le futur embryon deviendra un garçon — un spot vert et un spot rouge — ou une fille — deux spots rouges.

Voici à présent un exemple non pas d'analyse de chromosomes mais d'analyse des gènes, qui n'est pas réalisée à partir d'un embryon. Les résultats suivants peuvent être donnés si vous faites un diagnostic génétique préimplantatoire de maladie de Huntington, maladie qui apparaît vers l'âge de quarante ans. Les deux pics indiquant 19 et 23 sont normaux. Les deux autres pics sont à 17 et à 44 : tout ce qui se situe au-dessus de 37 étant pathologique, on peut déduire que dans environ une quarantaine d'années, l'embryon risque de développer une maladie de Huntington.

Dans son projet de loi, Mme Defraigne a parlé du diagnostic génétique préimplantatoire. À cet égard, il faut se souvenir de la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine, proposée à la signature en 1997, selon laquelle : « Il ne pourra être procédé à des tests prédictifs de maladie génétique ou qui permettent de détecter une prédisposition ou susceptibilité génétique à une maladie, que dans des fins médicales ou de recherches médicales, sous réserve », précision extrêmement importante à mes yeux, « d'un conseil génétique approprié. » Il me semble indispensable que le patient passe par la consultation génétique avant que les tests ne soient réalisés. En effet, si c'est la compétence de tout un chacun, la faisabilité n'est pas toujours garantie ou l'indication pas toujours abordée.

Avant d'aller plus loin, je voudrais vous dire quelle a été ma lecture de ce projet de loi même si je n'ai peut-être pas capté tout ce qu'il y a derrière.

Il me semble que cette proposition concrétise la dissociation entre la parenté biologique et la parenté éducative. Le père biologique peut être différent du père éducatif et la mère biologique peut être différente de la mère qui assume la grossesse, qui peut également être différente de la mère éducative. On peut très bien imaginer d'avoir un ovule qui n'est pas celui de la mère porteuse. On peut donc dire que l'enfant a une mère biologique, éventuellement une mère porteuse et puis une mère éducative.

Cette loi met en exergue le désir d'enfant qui existe chez des hommes et des femmes adultes. La question que je me pose est de savoir si ce désir d'enfant à tout prix est toujours confronté aux meilleures chances de base que l'on peut donner pour l'avenir d'un enfant.

Je me suis aussi interrogée sur le rôle et sur le type de parent que la société et le législateur belge souhaitaient pour un enfant. On peut bien sûr avoir comme parents un couple formé par un homme et une femme avec d'emblée la reconnaissance de l'élément masculin et de l'élément féminin, qui sont quand même assez fondateurs de l'être humain. Dans ce projet de loi, on peut avoir un couple formé par deux hommes dont l'élément féminin est exclu d'emblée. On peut aussi avoir un couple formé par deux femmes dont l'élément masculin est exclu d'emblée. La fécondation nécessite, là encore, un spermatozoïde mais il est dès à présent licite de s'interroger quant à la possibilité de parthénogenèse avec fécondation entre deux ovules. Jusqu'où souhaitons-nous aller ? Il me paraît très différent d'accueillir dans un couple parental, quel qu'il soit — couple hétérosexuel ou couple homosexuel —, des enfants qui sont déjà présents mais il me semble un peu différent de créer à l'hôpital et/ou dans un laboratoire un enfant dont le sexe pourrait être surévalué ou sous-estimé par l'image de la relation d'amour entre les parents dans la mesure où le couple est, par définition, composé uniquement de deux femmes ou de deux hommes.

Ce projet de loi remet par ailleurs en question le principe de non-commercialisation du corps humain qui a été un élément fort de notre société démocratique. En effet, ce principe est mis mal par le projet de rémunération des spermatozoïdes.

Enfin, ce projet dissocie la fonction de mère biologique et de mère porteuse. Je suis convaincue qu'il existe chez certaines mères porteuses une volonté altruiste mais je m'interroge néanmoins sur le secret qui entourera cette maternité et sur les implications psychologiques, tant pour la mère porteuse que pour l'enfant, qui pourra rechercher à la fois sa mère génétique et/ou sa mère porteuse.

Faut-il ou non garder le secret ? Je pense que pour l'enfant, ce sera un peu la quadrature du cercle.

Je me suis aussi interrogée sur la notion de consentement éclairé. J'ai l'impression que dans notre société démocratique, il nous a fallu de nombreuses années pour que les droits des patients arrivent à maturation. Il nous a fallu de nombreuses années pour obtenir des chercheurs et des scientifiques un consentement éclairé à donner avant toute recherche scientifique. Je suis étonnée que tout cet effort soit mis à mal par le projet actuel. J'y reviendrai.

En ce qui concerne les caractéristiques des parents, il me semble qu'il existe une discrimination manifeste dans le projet quant à l'âge acceptable pour une procréation médicalement assistée qui concerne soit l'homme soit la femme. En effet, il n'y a pas de limite d'âge pour l'homme alors qu'il y en a une pour la femme. Par ailleurs, en cas de décès d'un des membres du couple, on accepte la PMA dans un délai limité alors qu'elle est refusée pour une famille monoparentale. N'y a-t-il pas, dans le même texte de loi, une certaine incohérence ? Il existe également, en cas de décès, une asymétrie en fonction du sexe du survivant. J'y reviendrai.

Je pense que les deux textes de loi touchent au secret des origines. Je pense personnellement, mais je suis peut-être un peu vieille école, que tout enfant devrait avoir droit à un père et à une mère pour l'éduquer. Les circonstances de la vie font que ce n'est pas toujours possible et, dans ces conditions-là, je conviens tout à fait qu'il faut essayer de se débrouiller autrement. Pour les PMA avec don de spermatozoïdes, d'ovules et d'embryons, l'information sur les origines biologiques de l'enfant est tenue secrète ou révélée avec les difficultés inhérentes à ces situations. Soit l'enfant est au courant et il recherchera ses parents d'origine, soit le secret est gardé et, de ce secret, émane en général un mystère qui pourra perturber cet enfant lui-même et peut-être sa descendance. Les romans et les films sont pleins de ces histoires de secrets de famille qui engendrent des problèmes.

Après ces réflexions présentées globalement, je compte à présent reprendre les textes de loi point par point et vous faire part de mes observations.

L'article premier de la proposition de loi contient des définitions qui correspondent à toute une série d'actes de procréation médicalement assistée. Comme dans le projet de loi, on veut aussi parler de la génétique, il me semblerait important de définir de la même façon ce qu'est le diagnostic génétique préimplantatoire qui consiste à effectuer, à partir d'une ou deux cellules prélevées sur l'embryon, un diagnostic moléculaire et/ou un diagnostic de cytogénétique moléculaire.

Concernant l'article 3, j'ai insisté dans mon avant-propos sur le fait qu'on y parle du diagnostic génétique et que les diagnostics de génétique constitutionnelle ne sont autorisés que s'ils sont pratiqués dans un des centres de génétique humaine agréés du pays et sont réservés aux médecins autorisés à les pratiquer par le ministre ayant la Santé publique dans ses attributions.

J'insiste sur ce point parce qu'il se pourrait, et ils commencent déjà à fleurir, que des laboratoires privés se mettent sur le marché et se limitent à faire deux ou trois examens pouvant être rentables, alors qu'ils n'entrent pas dans un des huit centres de génétique du pays. Si une loi est adoptée, je pense qu'il est important que la loi précédente soit respectée.

À l'article 4, on désigne ceux qui ont droit à la procréation médicalement assistée. Il me semble qu'il y a là une discrimination notoire entre les deux sexes. En effet, ce type de procréation est autorisé pour l'homme, quel que soit son âge, mais pour la femme, il est autorisée avant la ménopause. Cela est très bien expliqué dans le commentaire, où l'on accepte que soit pratiquée une PMA chez un homme plus âgé pouvant souffrir d'infertilité à cause de son âge. On peut s'interroger sur le fait qu'il y a une limite pour les femmes, qui est bien sûr physiologique, mais qui ne peut pas être traitée par la médecine, alors qu'elle pourrait l'être pour les hommes.

Par ailleurs, on peut également se demander si, au vu de la longévité relative des hommes et des femmes, l'enfant n'a pas plus de chances de conserver sa mère plus longtemps que ce n'est le cas de son père.

On peut éventuellement se poser la question de savoir si l'État, qui autorise le traitement de l'infertilité de personnes âgées, est prêt à prendre en charge les frais de logement et d'éducation de ces futurs orphelins mineurs. N'y aurait-il pas une certaine sagesse à fixer, pour les deux sexes, une limite d'âge pour la procréation médicalement assistée ?

Je m'étonne également du commentaire concernant l'article 4, qui dispose qu'une PMA est une technique pouvant être éprouvante pour certaines femmes : stimulation des ovaires, prélèvement des ovules, prélèvement du sperme ... Je suppose que c'est une coquille et qu'il s'agit des hommes pour le prélèvement du sperme.

Mme Christine Defraigne (MR). — C'est une anticipation de parthénogenèse!

Mme Christine Verellen. — J'ai encore relevé une petit coquille. Quand on parle « d'obtenir un nombre supérieur aux possibilités », je suppose qu'il s'agit « d'un nombre d'embryons supérieur aux possibilités de transplantation ».

Enfin, à la fin de cet article, il me semble indispensable de recommander une consultation de conseiller génétique préalable à tout diagnostic génétique préimplantatoire dans un des centres de génétique agréés du pays.

À l'article 5, le commentaire souligne à nouveau qu'un médecin peut refuser une PMA à un couple s'il estime que la femme est trop âgée. Il n'y aurait donc jamais d'homme trop âgé. Ne croyez pas que j'en veuille aux hommes!

En ce qui concerne l'article 7, je me suis posé quelques questions. Lorsque le législateur entend par donneur quelqu'un qui est exempt de maladie génétique transmissible connue : S'agit-il d'une maladie génétique présente chez l'individu ? S'agit-il de sujets en bonne santé qui risquent de développer une maladie génétique dans le futur (je vous ai parlé de la médecine prédictive et de ses capacités) ? S'agit-il d'affections génétiques graves ou de problèmes génétiques mineurs ? S'agit-il de simples sujets porteurs de gènes déficients ? Il faut savoir que 4 % de la population (1 personne sur 22) est porteur du gène de la mucoviscidose et est en bonne santé. Ce point doit être clarifié dans le projet de loi. Je me demande s'il faut soumettre les donneurs à des tests de dépistage génétique de la muscoviscidose, de certains types de surdité, etc.

Inscrire dans une loi qu'un donneur doit être exempt de maladie génétiquement transmissible ne ressort-il pas de l'eugénisme ?

Dans le paragraphe 4, on dit que le don d'ovocyte n'est pas rémunéré sauf les frais y afférents. Il existe à nouveau une discrimination notoire entre les hommes et les femmes. Le texte et son commentaire disent qu'il faut éviter l'appât du gain pour les femmes défavorisées. Par contre, on accepte l'appât du gain chez l'homme, suggérant ainsi que, s'il n'y a pas de compensation financière, les dons de spermes se feront rares. On peut en conclure que la femme devrait être altruiste alors que l'homme peut être rémunéré.

L'auteur n'adhère pas à un fondement strictement biologique de la parentalité, c'est pourquoi il importe que les gamètes utilisés favorisent la venue au monde d'un enfant aux apparences phénotypiques relativement semblables à celles de son père ou de sa mère éducatifs. Je comprends difficilement la phrase et le terme « c'est pourquoi » parce qu'on essaie, biologiquement parlant, de faire ressembler l'enfant à ses parents d'éducation. Dès lors, à mon avis, l'auteur adhère quand même assez bien à un profil biologique proche entre les donneurs et les parents.

Je crois qu'il y aussi une coquille ici : en dérogation à l'alinéa premier, un couple peut recevoir en don des gamètes d'un de ses proches au quatrième degré. Je suppose qu'il s'agit d'apparentés au maximum au quatrième degré qu'il faudrait lire.

Quant à l'interdiction du mélange de spermes, je n'ai pas très bien compris le commentaire. En réalité, il n'y aura jamais de brassage de matériel génétique de différents donneurs de spermes car la fécondation sera le fait d'un spermatozoïde ou d'un autre mais jamais de deux à la fois.

À l'article 8, on parle du don d'embryon qui est volontaire et gratuit. Le commentaire pour la gratuité s'appuie très justement sur l'article 21 de la Convention européenne pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la biomédecine. Il serait important de savoir quand la Belgique signera et ratifiera cette convention de 1997. Il semble difficile de se rapporter à un texte que l'on a pas encore reconnu. On peut légitimement rappeler que dans notre pays, les dons de différents tissus du corps n'ont jamais fait l'objet d'une commercialisation. Ceci nous ramène à l'article 7 paragraphe 4 où le don de sperme est exclu de la non-rémunération.

Tout embryon donné fait l'objet d'une fiche médicale.

Je ne suis peut-être pas la personne la plus indiquée pour en parler mais, pour le futur enfant, se pose la question fondamentale du secret de ses origines.

On sait qu'à l'adolescence, les enfants mènent une quête forcenée pour connaître leurs parents biologiques. C'est vrai pour l'adoption mais également pour les questions de paternité et le législateur va y ajouter la question de la maternité biologique, phénomène auquel personne n'a de réponse à l'heure actuelle. Souhaitons-nous inscrire dans la loi un texte dont personne ne mesure les conséquences psychologiques à long terme ?

On peut également s'interroger sur l'attitude idéale des parents éducateurs vis-à-vis de leur enfant. Doivent-ils dire, ou non, la vérité sur l'origine biologique ? Ne pas la dire n'évacue pas la réalité et les psychologues et psychiatres connaissent parfaitement les troubles engendrés par les secrets de famille, troubles qui s'étendent souvent sur plusieurs générations.

Il est dit que « la possibilité de recueillir et de conserver des gamètes est ouverte » : je pense qu'il faut lire « des gamètes et/ou des embryons ».

À l'article 10, il me semble qu'il existe une incohérence entre l'article et son commentaire. D'après l'article, chaque année, les deux membres du couple sont invités par le centre à confirmer leur décision et, d'après le commentaire, « La première année, un courrier leur est envoyé. Les années suivantes, ils écrivent eux-mêmes. »

Le paragraphe 4 de l'article 10 touche à l'obligation de donner un consentement éclairé pour la recherche en général. Pendant des années, les commissions d'éthique se sont battues pour obtenir des patients un consentements éclairé. Une transgression de cette règle doit, à mon sens, rester une exception fondée sur un impératif supérieur. Il me paraît difficile de faire passer dans un texte de loi la notion de « qui ne dit mot consent ». Si cela était, pourquoi consacrer ces embryons uniquement à la recherche et non à des couples adoptants ?

À propos de l'article 5, je me pose une question qui va dans le même sens : est-il légitime d'élaborer une loi qui modifie, en cours de route, la destination éventuelle d'embryons ? Que se passera-t-il en cas de changement d'adresse des parents ? Je pense au courrier qui n'arrive pas à destination. Du point de vue de la crédibilité des médecins et des chercheurs, changer la destination des embryons me semble délicat.

L'article 11 m'inspire les mêmes réflexions que l'article 10 : il me paraît délicat de préparer un article de loi et de prévoir que les embryons doivent uniquement être utilisés pour la recherche.

L'article 12 traite du décès d'un des deux conjoints. Dans les commentaires, l'auteur parle des gamètes masculins pouvant être utilisés par la conjointe. Qu'en est-il des ovules et plus particulièrement des fragments d'ovaire qui auraient été conservés ? Il semble qu'en cas de décès et sans autorisation initiale, au bout de cinq ans, les embryons seront utilisés pour la recherche.

Il existe donc une contradiction flagrante entre l'article qui autorise la procréation et l'article 4.1, ou son commentaire, dans lequel l'auteur n'admet la PMA (procréation médicalement assistée) que chez les mères porteuses, et non chez les femmes seules. Or, malheureusement, après le décès d'une personne, son conjoint se retrouve seul.

Au paragraphe 3, la femme dispose d'un délai de six mois pour se faire réimplanter les spermatozoïdes ou l'embryon. Actuellement, il n'y a pas que le sperme ou l'embryon qui peuvent être congelés. Des fragments d'ovaires peuvent être cryopréservés. La question qui se pose est de savoir si un homme pourrait avoir recours à une mère porteuse dans le même délai pour avoir un enfant provenant des ovules de son épouse décédée.

Bien entendu, je ne discute pas de la légitimité des mères porteuses puisque je n'ai pas lu le texte de loi à ce sujet.

En ce qui concerne l'article 13, je me demande s'il existe une filiation maternelle dans le code civil.

Enfin, à l'article 16, il est question de la succession de la personne défunte. Doit-on se poser la question de la filiation paternelle et du droit à l'héritage et de la filiation biologique maternelle en cas de mère porteuse et du droit à l'héritage ? Que prévoira la loi éventuelle à ce sujet ? Voilà pour la première loi.

Pour la deuxième loi, je serai beaucoup plus rapide parce que la collecte, la conservation et la communication des informations relatives aux dons de gamètes n'est pas directement en relation avec les centres de génétique.

Il y a cependant des aspects qui concernent les généticiens. À propos des donneurs de gamètes, je me rends compte qu'il est proposé, à l'article 3, de faire un don de gamètes s'il existe un risque sérieux d'affection héréditaire grave. Faut-il préconiser le don de gamètes ou se poser la question de savoir « s'il existe un risque sérieux d'affection héréditaire grave sans possibilité de diagnostic génétique pré-implantatoire » ?

En ce qui concerne l'article 5, le commentaire déclare que toute technique à des fins d'eugénisme reste interdite en tout temps. J'aurais souhaité savoir quelle est votre définition de l'eugénisme. Ne doit-on pas reconnaître qu'éviter la naissance d'un enfant avec des gènes déficients relève d'une certaine forme d'eugénisme ?

Au point de vue financier, à l'article 10, il est dit que le dédommagement pour les donneurs couvre à la fois les frais et la perte des revenus. Jusqu'où ira la compensation pour la perte de revenus ? Une limite sera-t-elle fixée ?

J'ai eu du mal — j'étais peut-être fatiguée — à comprendre l'article 17 et son commentaire. Cet article stipule, quant à la communication des informations à l'enfant, qu'il est interdit de donner lesdites informations sans le consentement du donneur. Je crois avoir compris que le juge peut décider de communiquer les informations mais, à la fin du commentaire, il est dit que les données à caractère personnel d'un donneur anonyme restent secrètes en tout temps et ne peuvent être communiquées à aucune condition. Je n'ai peut-être pas tout saisi mais je trouve qu'il y a une incohérence entre l'article de loi et le commentaire.

Mme Jacinta De Roeck (sp.a-Spirit). — J'ai quelques questions précises sur l'approche génétique de Mme Verellen. Les couples qui se rendent dans un centre pour l'hérédité humaine ont-ils tous accès à une analyse génétique ? Je sais que celle-ci est coûteuse, invasive et susceptible d'avoir de nombreuses conséquences tant au niveau social que psychologique. L'information génétique transmise à un couple concerne non seulement celui-ci, mais aussi l'ensemble de la famille. Tous les couples peuvent-ils bénéficier d'un tel examen ou se limite-t-on à ceux qui pourraient avoir des problèmes d'ordre génétique ?

Mme Christine Verellen. — Dans les consultations de conseils génétiques, le but est justement d'expliquer aux couples qui viennent demander des tests génétiques de quoi il s'agit.

C'est vraiment important. Par exemple, prenons le dépistage de la mucoviscidose. Il est probable que dans cette salle, une personne présente serait porteuse du gène déficient de la mucoviscidose. En tant que généticien, on est obligé de relativiser et d'expliquer que nous sommes tous porteurs de trois à quatre gènes qui ne fonctionnent pas et que c'est une chose relativement banale.

Mais il est vrai que, techniquement parlant, on pourrait organiser un dépistage de la mucoviscidose et de toute une série de maladies génétiques dans l'ensemble la population belge. Si on ne le fait pas, c'est parce qu'on se rend compte que les implications psychologiques sont extrêmement lourdes pour les personnes qui reçoivent ces informations.

Je sais d'expérience qu'en parlant avec certains couples qui viennent pour une maladie bien précise, on se rend compte qu'ils ont déjà eu pas mal de soucis. On leur a dit que l'on allait procéder à un dépistage, un screening des affections génétiques les plus courantes comme la mucoviscidose et certains formes de retard mental. Si, par malchance, alors qu'ils sont eux-mêmes atteints d'une affection musculaire grave, vous leur dites qu'il y a une mutation présente à l'état hétérozygote, donc sans aucun signe clinique, et qui montre qu'ils sont porteurs d'un gène déficient de la mucoviscidose, ces personnes sont parfois « par terre ».

C'est vraiment étonnant à voir. Je suis d'accord avec vous. C'est pour cela que j'ai insisté sur le fait que, dans les centres de génétique, il est indispensable d'avoir non seulement des médecins généticiens compétents et des biologistes mais aussi des psychologues et des infirmières sociales.

Mme Jacinta De Roeck (sp.a-Spirit). — Quand un couple entame un traitement par FIV, chaque embryon est-il analysé en vue de détecter d'éventuelles anomalies génétiques ? Si c'est le cas, procède-t-on ensuite à une sélection automatique des embryons, lesquels seront replacés ou non ? Dit-on au couple que les embryons n'étaient pas tous de bonne qualité ?

Mme Christine Verellen. — Je puis vous parler de ce que je vois chez nous. Dans les centres de PMA, la grande majorité des fécondations in vitro sont effectuées sans que des tests génétiques ne soient réalisés. On ne fait des analyses génétiques que s'il y a des indications génétiques bien déterminées au préalable.

C'est pour cela que c'est important qu'il y ait un dialogue entre les deux centres. Le risque d'avoir un enfant avec une trisomie 21 augmente si la mère est âgée de plus de 38 ans. Lorsqu'on fait une fécondation in vitro chez une femme qui a plus de 38 ans, tester la trisomie 21 est tout à fait logique. Pourquoi réimplanter un embryon qui aura une trisomie 21, attendre que l'embryon ait seize semaines et soit devenu un fotus, faire un diagnostic prénatal et puis pratiquer une interruption médicale de grossesse autorisée par la loi ? Cela n'a pas de sens sur le plan médical.

Cependant, on ne le fait pas systématiquement pour tous les couples parce que c'est, d'une certaine façon, calqué sur les risques qui existent dans la population globale. Les indications pour les couples qui ont des problèmes de fertilité sont les mêmes que celles pour les autres couples en fonction de l'âge.

En revanche, si la fécondation in vitro à lieu parce qu'un couple a déjà eu plusieurs enfants malformés, avec, par exemple, un problème neuromusculaire, un diagnostic génétique sera prévu parce l'indication est basiquement génétique.

Mme Jacinta De Roeck (sp.a-Spirit). — J'ai été quelque peu étonnée cette semaine d'entendre de deux dames enceintes sur le tard qu'elles ne se feraient jamais avorter même si leur enfant souffrait du syndrome de Down. Si tel était le cas, elles exigeaient d'en être informées afin de pouvoir se préparer en connaissance de cause à la naissance d'un enfant atteint de cette maladie. Comment réagissez-vous à une telle demande ?

Mme Christine Verellen. — Habituellement, dans les cas que je rencontre, il s'agit de personnes qui, vers trois ou quatre mois de grossesse, disent que, quel que soit le résultat, elles ne feront pas d'interruption médicale de grossesse, tout en préférant connaître le problème à l'avance pour se préparer et ne pas avoir le choc au moment de l'accouchement.

Dans ces conditions, on accepte de faire le diagnostic prénatal et, si le couple persiste et signe, on suit son avis. Je dois vous dire que récemment un couple nous a dit qu'il ne ferait pas d'interruption médicale de grossesse mais, quand la trisomie 21 fut avérée, il a quand même décidé, au terme d'une profonde réflexion, d'interrompre la grossesse.

Je pense que, dans un diagnostic génétique préimplantatoire, il est important que nous connaissions le point de vue du couple vis-à-vis des anomalies chromosomiques. Que se passe-t-il ensuite ? Tout dépend du nombre d'embryons dont on dispose. Si on en a trois, dont deux présentent une Trisomie 21, je suppose que le couple choisirait l'embryon exempt de trisomie 21.

Je n'ai jamais été confrontée à un couple disant qu'il voulait un enfant à tout prix, qu'il y ait ou non anomalie chromosomique. Logiquement, je ne vois pas de quel droit on pourrait le lui refuser.

On m'a rapporté l'histoire tout à fait particulière d'un cas qui s'est produit aux États-Unis et qui est un reflet de notre société, à savoir celui d'une femme sourde et muette, lesbienne, et qui a conçu un enfant sourd et muet ... Pour nous, bien entendants, c'est un peu choquant, mais je puis vous dire que, dans la plupart des conseils génétiques que l'on donne, les personnes sourdes ont beaucoup de difficultés à comprendre pourquoi on estime que leur surdité constitue un réel handicap. Beaucoup de sourds ne sont absolument pas dérangés par le fait de mettre au monde des enfants qui soient également sourds.

M. Philippe Mahoux (PS). — C'est sans doute parce qu'ils ne peuvent pas percevoir la différence : pour une personne sourde, il n'y a pas d'autre univers que celui de la surdité.

Il serait très intéressant de pouvoir faire des tests de cette nature avec des gens qui sont devenus sourds. De même, un problème de choix se pose aux personnes aveugles de naissance comme à celles qui le deviennent. Pour le sourd de naissance, un autre univers n'existe pas. Il ne peut pas mesurer ce qu'est le fait de pouvoir, ou non, entendre.

La définition de l'eugénisme figure clairement dans les textes applicables en Belgique, notamment dans le texte relatif à l'expérimentation sur embryons. Cela a donné lieu à de très nombreuses discussions, les avis étant divergents mais, selon les textes légaux belges, l'eugénisme est la sélection ou l'amplification de caractères non pathologiques.

Quand on parle d'eugénisme, c'est à cette définition que l'on fait référence. Le texte légal dispose que toute démarche de nature eugénique est interdite, mais au sens que la loi lui a donné, il s'agit de sélectionner ce qui n'est pas pathologique.

Mme Jacinta De Roeck (sp.a-Spirit). — L'anonymat du don de gamète pose beaucoup de problèmes. Sur le plan génétique, sera-t-il possible de conserver cet anonymat dans le futur ?

Mme Christine Verellen. — Sur le plan génétique proprement dit, l'anonymat ne me semble pas poser de problème. Cela me paraît plus problématique sur le plan psychologique pour l'enfant à naître. Le donneur de sperme ou d'ovule a fait un don et est logiquement content. Pour l'enfant, le problème de l'anonymat est lié à celui de la recherche des origines. Je ne vois pas de problème au niveau génétique.

Mme Jacinta De Roeck (sp.a-Spirit). — Ne serait-il pas envisageable que, dans le futur, grâce à une prise de sang, par exemple, l'enfant ne découvre que son père n'est pas son père ?

Mme Christine Verellen. — J'ai un exposé tout préparé sur la paternité mais je voulais me limiter aujourd'hui. Il y a en effet des tests de paternité que l'on trouve sur internet. On peut aussi les faire dans des centres agréés ou non.

Cette question se pose donc mais je croyais que c'était déjà prévu quelque part, par exemple dans les textes sur la procréation assistée et dans tout ce qui concerne la reconnaissance. Il est évident qu'un enfant verra directement s'il est ou non l'enfant de son père si un test génétique est réalisé. De la même façon qu'en cas de leucémie, la recherche de groupes sanguins ouvre la possibilité de cette découverte.

Je pense d'ailleurs très sincèrement que garder le secret dans une famille est très difficile.

M. François Roelants du Vivier (MR). — Je vous remercie d'avoir analysé de manière aussi détaillée cette proposition de loi. Vous nous offrez ainsi un matériau intéressant pour notre discussion.

J'ai bien compris ce que vous avez dit sauf sur trois points pour lesquels je souhaite obtenir des compléments d'information.

La première chose concerne le secret. Cela existe déjà pour les enfants adoptés. Ils ont le même genre de problèmes. Ce qui est acceptable dans une situation ne le serait-elle pas dans l'autre ?

Ensuite, je vous ai légèrement taquinée tout à l'heure en disant que vous en vouliez aux hommes parce que vous déploriez qu'il n'y avait pas d'âge limite pour le don de sperme. Mais cela ne découle-t-il pas simplement de limites physiologiques ? Pensez-vous néanmoins que le législateur doive faire fi des limites physiologiques et dire « je fixe » ? Que suggérez-vous au législateur comme limites, qui seront nécessairement arbitraires ?

Enfin, vous avez dit que la proposition n'était pas conforme à la législation sur les droits des patients, sans vous étendre sur le sujet. J'aurais bien voulu que vous développiez quelque peu ce sujet pour comprendre les contradictions que vous évoquez.

Mme Clotilde Nyssens (cdH). — Vous avez dit qu'il y avait huit centres de génétique en Belgique. Une loi est-elle vraiment nécessaire pour améliorer votre pratique ? Les autres centres travaillent-ils plus ou moins comme vous ? Avez-vous des contacts avec eux ? Y a-t-il un endroit, un collège, un organe où certaines données sont réunies ? Dès qu'il a obtenu l'agrément, le centre ne se conforme-t-il plus qu'à des normes internes ou des guidelines organisent-elles l'ensemble de l'activité ?

Mme Christine Verellen. — En réalité, les responsables des huit centres de génétique se rencontrent chaque mois au Conseil supérieur de la génétique humaine, à raison de deux responsables par centre. Lors des réunions, nous discutons de questions fondamentales ou de problèmes d'argent. Au niveau de la pratique des généticiens, on constate un assez grand consensus, quelle que soit l'origine philosophique ou religieuse des centres de génétique, sur le diagnostic des affections génétiques, sans qu'aucun listing soit établi, bien entendu. Quelques variantes existent mais il s'agit de modulations et non d'oppositions. Dans l'ensemble, on retrouve une cohérence parmi les centres de génétique.

Une autre question concernait une élaboration sur le consentement et le droit du patient. Je ne suis pas législateur mais j'ai relevé un certain nombre d'éléments. Les recherches sont soumises au Fonds national de la recherche scientifique. En ce qui concerne les recherches médicales, étant membre de la commission d'éthique de notre institution, je me suis rendu compte que le point important était toujours le consentement éclairé du patient : il faut parvenir à informer le patient de ce que l'on fait de ses tissus et obtenir son accord. Cette question était fondamentale et a fait l'objet d'un travail de longue haleine. Je comprends certains chercheurs. Les chercheurs ont constamment envie de faire des expériences sans demander l'avis des patients. Je n'affirmerais pas que cela ne se fait pas encore de temps à autre sans que l'on s'en rende compte. Cependant, les cas sont limités. Pour les articles destinés à être publiés, on demande si l'on a obtenu le consentement éclairé des patients. Pour ma part, je ne serais pas satisfaite d'une loi selon laquelle « qui ne dit mot consent », même si l'on a écrit aux patients car ils peuvent avoir déménagé.

M. François Roelants du Vivier (MR). — Tout en sachant, madame le professeur, que l'on procède déjà de cette façon pour les dons d'organes.

Mme Christine Defraigne (MR). — Il y a une nuance : pour les dons d'organes, si vous ne dites rien, vous consentez, mais en théorie, et sauf changement, vous avez la possibilité de faire indiquer au dos de votre carte d'identité que vous n'êtes pas d'accord.

Mme Christine Verellen. — Cette suggestion est intéressante car elle permettrait de corriger le tir : on pourrait prévoir une disposition dans le formulaire de départ ...

Mme Christine Defraigne (MR). — Le formulaire de départ devrait être tout à fait explicite.

M. Philippe Mahoux (PS). — En ce qui concerne le don de gamètes, le problème du consentement n'est pas résolu. Pour le reste, tout est codifié. En fait, le consentement est indispensable. Le problème, c'est le non-consentement pour l'utilisation de gamètes en vue d'une fécondation. Le non-consentement à une identification a des conséquences, non pas pour les personnes qui donnent ou refusent leur consentement mais pour l'enfant à naître. C'est cela le gros problème. Le reste me paraît totalement réglé. Concernant les embryons, c'est réglé, nous avons dit que les donneurs exprimaient leur consentement pour les détruire ou pour procéder à des expérimentations. La loi règle cette question. Mais, sur le problème de fond, j'aimerais avoir votre avis. Il y a deux choses fondamentales : le consentement éclairé et tout ce qui s'ensuit. En d'autres termes, si nous devions décider que l'on ne peut priver l'enfant à naître d'un droit de suite sur sa naissance, cela signifierait qu'il faudrait systématiquement écarter toute possibilité pour les donneurs de refuser leur identification. Qu'en pensez-vous ?

Mme Christine Verellen. — Avant d'être généticienne, j'étais pédiatre. J'estime qu'il faut penser à l'enfant en priorité.

En ce qui concerne les dons de gamètes, à l'UCL, Saint-Luc, il n'y a jamais eu don de spermatozoïdes jusqu'à présent. Nous avons considéré que cela pouvait déséquilibrer le couple. Comme cela se pratiquait ailleurs, notre décision n'a pas posé de problème dans le pays. Pour le don d'ovules, je pense que cela se discute un petit peu plus pour l'instant. À ce sujet, il faudrait demander l'avis du professeur Donnez.

M. Philippe Mahoux (PS). — Vous ne pratiquez donc pas l'insémination par donneur ?

Mme Christine Verellen. — Jamais. Dans toute la structure Saint-Luc et Mont-Godinne, il n'y a pas d'insémination artificielle par donneur.

Mme Christine Defraigne (MR). — Je propose que nous entendions à présent M. Dupuis.

M. Michel Dupuis. — Mon point de vue est naturellement un peu différent de celui de Mme Verellen. Cela tombe plutôt bien car nous ne nous sentions pas obligés de chanter le même refrain. Je voudrais, pour ma part, faire un certain nombre de réflexions d'un autre niveau méthodologique ou épistémologique. J'ai lu les deux textes d'assez près et je trouve qu'ils représentent un énorme effort conceptuel. Je comprends que ces textes servent de base de discussion. J'observe que la version française est généralement moins achevée que la version néerlandaise.

Je passerai donc sur un certain nombre de détails ou de coquilles pour ne retenir que des éléments qui, peut-être, peuvent faire avancer le débat. Je vois donc les choses d'assez loin et puis, le moment venu, j'atterris sur le texte.

Ma première question est celle-ci : au fond, avons-nous besoins chez nous, en Belgique, d'une loi sur cette question ? Je me permets de poser la question. Je me la suis posée à propos de l'euthanasie. Vous savez peut-être qu'avec quelques collèges et des politologues, nous avons posé cette question et qu'il y a un an, nous avons publié un volume que vous connaissez sans doute. Il s'agit d'un collectif qui se pose la question du paradis bioéthique que serait la Belgique, un État qui serait un État de non-loi. Pour répondre à cette question, je suis obligé de faire une distinction. Cela commence mal mais c'est ma manière à moi de faire de la philo ... Il faut probablement distinguer entre loi et loi. Première chose, j'observe que d'un point de vue scientifique — j'ai des collègues qui font cela très bien, notamment à l'Université de Liège où j'enseigne aussi la philosophie morale — on a à observer un certain nombre de phénomènes et on construit pour cela des modèles mathématiques. Je n'entrerai pas dans le détail de la démonstration. Si j'écris un modèle mathématique qui est censé rendre compte du mouvement des flux de l'autoroute E411 le matin l'entrée de Bruxelles ou des modèles mathématiques qui rendent compte du mouvement des marées, la seule obligation épistémologique que j'ai en me construisant un modèle mathématique est sa fiabilité et, surtout, sa fidélité aux faits. Il s'agit de décrire des faits et, dans la mesure du possible, de les prévoir, voire de les prévenir. C'est un premier sens de modèle qui est important à comprendre. Dans ce type de formulation de loi, je dois décrire des faits et quand les faits contestent ce que j'ai décrit — par exemple vendredi matin il n'y avait pas d'embouteillage à l'entrée de Bruxelles — c'est que ma loi est mauvaise. Les faits contestent les lois comme les lords-maires, vous le savez. C'est une première acception de la loi. Quand nous écrivons une loi en matière d'éthique ou de morale, la question est la suivante : est-ce que, quand nous écrivons cette loi, nous devons être fidèles aux faits ? Est-ce que quand les faits contestent ce que nous avons dit, nous devons revoir la loi parce qu'elle est fausse ?

Pour moi, c'est une question majeure. Et si je me dis que plutôt que de parler des marées ou des embouteillages à l'entrée de Bruxelles, je me pose la question de l'égalité entre les hommes et les femmes, j'ai un curieux modèle mathématique, c'est-à-dire que j'écris une loi qui dit que les hommes et les femmes sont égaux et puis, d'une certaine manière, les faits contestent en permanence cette vérité. Est-ce que, pour autant, je dois changer la loi ? Est-ce qu'un législateur parmi nous aurait le cynisme de changer la loi en disant que même si cela évolue de temps en temps positivement — je vous laisse deviner ce que j'entends par positivement — il doit revoir la loi parce que vraiment, elle ne colle pas aux faits ?

Voici un troisième exemple parce que je ne crois pas du tout qu'en matière de bioéthique les choses soient blanches ou noires. Si j'ai à décider de la limitation de vitesse dans un certain nombre de quartiers ou dans les tunnels de Bruxelles, je dois probablement tenir compte de deux pôles.

Premièrement, la sécurité qui est recherchée. Donc, je ne pense pas pouvoir limiter la vitesse au-delà de 60, 70 ou 50, 30 km/h ... C'est discuter entre vous, n'est-ce pas ? J'ai lu cela dans la presse. Deuxièmement, le réalisme, le fait que si je propose une sécurité maximale, elle sera d'une certaine manière intenable. C'est là qu'intervient pour le législateur une notion intéressante, une notion pédagogique de compromis. On veut garder la sécurité, donc on va limiter la vitesse et, en même temps, on veut que ce soit réaliste pour que ce soit observé. On a l'impression qu'une législation sur la limitation de vitesse qui ne serait pas observable devient finalement même dangereuse. On serait dans une espèce de non-droit, de sauvagerie.

Ma question est celle-ci. Quand il est question d'égalité des sexes, quand il est question de harcèlement moral ou sexuel au travail, quand il est question de procréation médicalement assistée, quand il est question d'expérimentation humaine, quand il est question de pédophilie et d'autres choses de ce style, est-ce que je me trouve dans le modèle de la marée et des embouteillages ou bien dans le modèle de la limitation de la vitesse ou, encore, dans un troisième modèle, dont je n'ai pas osé parler jusqu'à présent, et qui est le modèle éthique ? Est-ce que, à propos de la procréation médicalement assistée, nous voulons proposer un modèle éthique ? Je parle d'un modèle éthique au sens mathématique et pas au sens d'un exemple, car je pense que notre pays a passé le temps des leçons données par les experts, les professeurs ou même le législateur, du moins je l'espère. Ne pensons-nous pas, tout de même, qu'en matière d'égalité, de procréation, de harcèlement, etc. le type de loi auquel nous réfléchissons ne décrit pas tellement les faits, tout au contraire, mais essaie de donner une orientation qui permette, selon que vous avez pris du prosac ou pas, soit d'éviter un maximum de bêtises, d'accidents, de dérives, soit d'encourager un progrès sociétal qui va vers plus d'égalité, d'autonomie, etc. en particulier pour les plus pauvres.

Ma question est la suivante : si vous écrivez loi, de quel type sera-t-elle ? Si elle est du premier type, genre marée ou embouteillage, j'ai le sentiment que vous faites une loi qui est un pur collage aux faits, une espèce de rendu sociologique, de type peut-être même marketing au sens où vous renvoyez au citoyen l'image de son comportement. Dans ce modèle-là, il n'y a que de la description, et vous ne faites pas l'hypothèse que vous pouvez proposer aux citoyens une valeur ou un principe, même pas la valeur d'autonomie, remarquez-le. On peut en discuter dans le débat.

Si nous sommes dans le modèle de la loi éthique pure et dure, dans la république des ayatollahs qui n'ont pas besoin de vêtement particulier pour se déclarer — je pense que l'idéologie est très forte, avec ou sans col romain, en cravate ou en col Mao, mais ce n'est pas le problème, ce qui m'intéresse ce sont les discours — il suffira d'imposer un principe, mais lequel ?

Soit on est dans le troisième modèle, celui d'un compromis où on sent à la fois un objectif qui est par exemple la sécurité, l'autonomie, la liberté, dans certaines contraintes évidemment de la procréation médicalement assistée, mais dans une perspective réaliste, sachant que nous sommes dans notre pays aujourd'hui.

Si vous ne pouvez pas répondre à ma question : « Quel type de loi écrivez-vous ? », je suis très ennuyé. Si vous me répondez que vous écrivez une loi éthique en défendant une valeur très forte, je suis très inquiet en tant que démocrate. Si vous me répondez qu'il s'agit de suivre les faits, que l'on ne reviendra pas en arrière, que par conséquent les mères porteuses qui se font payer et qui pourraient avoir une pension, c'est déjà chose faite, je suis très inquiet aussi.

J'ai promis de ne rien vous vendre et je vais essayer de tenir cette promesse. Je ne sais pas dans quel rôle je dois apparaître. Vous ne m'avez d'ailleurs pas assigné de rôle en m'invitant, madame Nyssens. J'aimerais ne pas apparaître trop directement avec un discours éthique. J'ai le sentiment que nos discours bioéthiques — je les observe depuis le Comité consultatif de bioéthique depuis quelques années — sont largement saturés d'éthique. Ce n'est pas forcément bon. D'ailleurs, la saturation donne des calculs de toutes sortes d'espèces. Je pose l'hypothèse que le point de départ que nous devrions avoir est une position résolument plus anthropologique.

Curieusement, j'abandonne ce que j'ai cru soutenir, à savoir que pour écrire une loi ou une régulation des procréations médicalement assistées, il faut faire venir à la surface une certaine image de l'être humain. Cela signifie que l'éthique, c'est bien pour plus tard. Ce qui est en jeu dans nos débats, c'est une certaine image de l'être humain. Je me plais à le dire parce que je ne me sens pas pour ou contre la plupart des choses qui sont écrites, sauf quelques éléments, mais je suis perplexe par rapport à l'image sous-jacente de l'être humain.

Si je me suis fait mal entendre, vous vous dites que le philosophe cherche de toute manière des choses pas très importantes et que ce qui prévaut c'est de construire des régulations, des procédures qui nous permettent de vivre ensemble. D'accord, mais l'Histoire nous apprend cependant que toutes ces constructions légistiques reposent sur quelque chose et que la plupart du temps elles s'effondrent parce qu'elles sont fondées sur une base qui n'était pas signée des Pieux Franki, autre mention liégeoise que vous me permettrez, madame Defraigne.

Autrement dit, on a mal construit. Quelle est l'anthropologie de base ? Je me permets une hypothèse. J'ai le sentiment que l'anthropologie de base dans ce modèle des procréations médicalement assistées, est une anthropologie fondamentalement individualiste. Cela me surprend dans un État qui essaie de penser la socialité, l'autonomie des personnes, voire un certain nombre de droits et de devoirs collectifs. J'ai le sentiment que l'anthropologie qui est posée ici est très individualiste; c'est, selon un collègue de l'ULB, une « anthropologie de la prothèse ». Au cours du débat qui a précédé, je me suis rendu compte que cette conception d'enfant est en réalité de plus en plus considérée comme la conception d'une espèce de prothèse.

Il était assez intéressant que l'on pense tout à coup à la législation sur le don d'organe, comme si l'enfant à faire par le mérite de la PMA était une espèce de prothèse. Une prothèse c'est une jambe de bois pour qui ? On le sent bien. Pour un certain nombre de couples en souffrance, notamment.

Je crois qu'il est très important — et cela pourrait vous agacer dans cette enceinte, auquel cas je le ferai de toute façon ailleurs — de s'interroger sur les fondements anthropologiques de cette prothèse. Quelle est cette identité de l'enfant qui possède des droits, qui possède des devoirs mais que, au fond, nous pouvons faire un peu comme nous le souhaitons, en fonction de nos attentes ? Tant qu'on n'aura pas fait émerger cette conception anthropologique, cette image de l'Homme, tant qu'on n'aura pas pu la discuter, car nous ne sommes pas forcément d'accord sur cette image, nous risquons de ne pas bien nous comprendre même au moment où l'on se met ensemble pour adopter un texte.

Dernière chose, et j'en resterai là quitte à laisser au secrétariat un certain nombre de notes que j'avais préparées en marge de cette proposition, je voudrais ajouter quelques éléments sur le statut des mères porteuses, sur la demande des couples homosexuels et sur la question de la limite physiologique soulevée par monsieur le sénateur tout à l'heure.

Je trouve cela épatant. Cela me rappelle mes études à Liège et mon doctorat liégeois. À cette époque bénie des années 1970, je lisais Diderot durant mes études à l'Université de Liège. La lecture de la littérature du dix-huitième siècle guérit pas mal d'aigreurs d'estomac, notamment en fin de journée parlementaire. La littérature du dix-huitième siècle est très riche car elle n'est pas un cocktail de concessions. Diderot pose une question encore très intéressante pour nous aujourd'hui. Vous imaginez le concept de Diderot sur la liberté et notamment la liberté sexuelle. L'idée de Diderot est la suivante : la notion de physiologie est une notion idéologique. Excusez-moi, mesdames et messieurs les médecins, vous n'allez pas me croire car vous êtes des scientifiques mais pour Diderot : la physiologie, c'est de l'idéologie. Je trouve que c'est la question que nous nous sommes posée. D'un côté en matière de PMA, nous nous disons qu'à notre époque, avec la science et les techniques dont nous disposons, l'image de nous-mêmes que nous avons, le souci que les gens soient heureux bien entendu, sans oublier la souffrance des couples (ce serait trop facile comme philosophe et je parlerais un ton plus bas dans une salle d'attente en gynécologie, cela n'empêche pas de réfléchir) ... Nous découvrons ainsi avec Diderot que la physiologie est idéologique, c'est-à-dire construite. Nous nous disons donc aujourd'hui : même si je n'y arrive pas avec ma femme dans mon couple, j'estime qu'il est légitime d'utiliser la science pour y arriver. Ainsi on rend un peu de bonheur et l'on peut imaginer que l'enfant qui viendra au monde sera vraiment très très heureux. La médecine, comme toujours, opère cette chose fantastique : une transgression, c'est une chose merveilleuse qui permet d'aller au-delà de la nature. C'est ce que voulait déjà dire Diderot.

Vous êtes d'accord là-dessus sinon on ne parlerait pas de ce sujet aujourd'hui. Et puis curieusement, on a l'impression que, çà et là dans vos textes, et ce n'est pas par hasard, resurgit la physiologie. J'ai été un peu triste que Mme Verellen me rappelle qu'en principe, statistiquement, je mourrai avant mon épouse légitime. Il s'agit pourtant d'une donnée physiologique qui resurgit. Comme si, madame Defraigne, vous vous laissiez piéger, faute d'avoir relu Diderot. Car tout à coup, l'âge physiologique, la ménopause redevient un élément important. Je voudrais savoir pourquoi. Ne me qualifiez pas d'Antinori. On n'est pas forcé de boire du chianti. On voit bien l'enjeu : y a-t-il ou non des frontières ? Je répondrai, monsieur le sénateur, en utilisant un de vos mots : la frontière est arbitraire.

Cela ne signifie pas que cette frontière soit folle, qu'elle soit n'importe quoi, mais simplement que nous nous mettons d'accord pour la poser. Si nous ne sommes pas d'accord, c'est un problème. Si nous sommes d'accord, il faut alors savoir pourquoi. Ceci n'est, je l'espère, pas trop abrasif. Je terminerai en étant désagréable et en exprimant franchement mon idée. Je vous la confie entre nous, personne ne lira ces textes. J'ai le sentiment qu'en matière de mères porteuse et de couples homosexuels, nous ouvrons subitement une frontière qui ne va pas de soi. Nous pouvons décider de le faire.

Les mères seules, les couples homosexuels vivent une histoire parfaitement respectable — la question n'est pas là — mais une certaine anthropologie de la prothèse pourrait admettre que des hommes homosexuels aient recours à l'adoption ou à la PMA ou ne pas l'admettre compte tenu de la frontière qui existe, frontière non physiologique — sinon, je n'aurais pas pu utiliser la PMA — mais symbolique.

Le texte proposé déborde de générosité, à tel point qu'il prend des risques : dans l'état actuel de la définition de l'article 2, « le clonage reproductif est pensable comme l'une des techniques d'avancement ». Au nom de cette générosité, ne devons-nous pas, par exemple, rappeler un certain nombre de bornes ? D'après moi, il est aujourd'hui « imprudent » j'utilise ce terme au sens de Yonas — de permettre la PMA à des couples homosexuels et de recourir à des mères porteuses. Il est par ailleurs fantastique de pouvoir faire appel à des donneurs externes à un couple dans un certain nombre de situations même si dans mon institution principale, où je suis doyen de Fac, cela ne se fait pas pour des raisons précises — Mme Verellen pourra y revenir. Quoi qu'il en soit, on peut fixer des limites.

Ensuite, s'il est vrai que l'on doit élaborer des lois en matière bioéthique, il est peut-être temps d'ajouter un coefficient. Vous reconnaîtrez que la plupart des sciences qui se sont développées au XXe siècle ont utilisé dans leurs équations des coefficients. Je pense au coefficient de la temporalité : on n'écrit pas pour l'éternité. Le domaine dont nous parlons étant évolutif, le texte peut comprendre — ce serait un signal légistique fondamental sur le plan philosophique — une espèce de boucle qui, sans détruire le travail ni le reporter à une autre majorité, permet d'attirer l'attention sur la validité limitée des orientations indiquées concernant des matières de grande évolution, une porte n'étant jamais définitivement fermée. De cette façon, on ne se sent pas forcé de tout faire passer dans le premier colis. Selon moi, notre pays a plus que jamais besoin de liberté et je craindrais que vous ne vouliez faire passer trop de choses dans le même colis. Sur une question aussi ouverte, à propos de laquelle le monde entier nous regarde, nous pourrions donner un exemple très intéressant de démocratie dans le temps, non pas dans l'art de renvoyer les problèmes mais dans celui d'établir des procédures où les problèmes ne sont pas ignorés ni renvoyés aux oubliettes mais où ils doivent être traités tenant compte de l'expérience acquise.

Par mon métier, je suis plutôt un spéculateur. Mme Verellen, Luc Roegiers et certains psychiatres s'en tiennent plutôt aux faits. Je me méfierais d'une anthropologie et d'une éthique en l'air et j'aurais besoin d'un retour vers le terrain, de données, d'informations, pas pour faire traîner les choses mais pour en apprendre davantage à leur sujet. J'ai le sentiment que sur ces matières aussi importantes, un retour vers la réalité s'impose, pour s'en inspirer.

Mme Christine Defraigne (MR). — Reste à savoir si tout désir d'enfant n'est pas en soi fondamentalement individualiste.

M. Philippe Mahoux (PS). — Il risque d'y avoir une confusion. Vous vous êtes adressé à une assemblée sénatoriale en faisant certaines remarques. Toutefois, il ne faudrait pas que vous ayez le sentiment que votre analyse est une réponse à un texte collectif.

En ce qui me concerne, je ne suis pas très éloigné de votre point de vue quant à la nécessité, ou non, d'un texte.

Je pense qu'il y a un véritable problème par rapport à ce que vous avez précisé au sujet de l'adaptation aux faits ou de l'imposition d'une éthique, le texte proposé contenant ces deux concepts.

Nous avons récemment eu un débat éthique et nous avons pris des positions clairement affirmées mais il ne faudrait pas que vous fassiez un amalgame de ces positions à propos des deux textes dont nous discutons. Il serait regrettable que vous repartiez en vous disant que les sénateurs auraient une opinion bien tranchée alors qu'en fait nous sommes en train de nous informer mutuellement.

Mme Christine Defraigne (MR). — Je crois que M. le professeur ne fait pas l'amalgame. Il sait très bien qui a cosigné la proposition.

Mme Clotilde Nyssens (cdH). — Monsieur le professeur, j'ai lu le livre sur les enjeux de la filiation que vous avez mentionnés.

Je suis frappée de voir que la Belgique fait beaucoup de choses. Jusqu'à présent, ces matières sont nationales. Sachant que les pays voisins sont plus restrictifs, je m'interroge à propos d'un « effet d'appel ». La Belgique reçoit bon nombre de demandes de PMA émanant de personnes habitant les pays limitrophes. Comment gérez-vous cette situation ?

M. Michel Dupuis. — Le paradoxe va plus loin. Nous n'avons pas oublié l'été dernier, caniculaire, et le meilleur sort réservé aux vieillards français venus chez nous.

L'image de la Belgique est très curieuse. Nous avons des techniques et des capacités. Toutefois, plutôt que de donner l'impression d'être un paradis, nous donnons l'image d'un immense marché libre, ce qui me plaît beaucoup moins.

En matière de PMA, la qualité est bonne même si nos chiffres sont assez fluctuants, sauf dans les centres de génétique médicale desquels Mme Verellen a parlé.

Aux yeux de l'étranger, nous apparaissons comme un espace de marché libre. Est-ce une bonne image ? Il ne m'appartient pas de me prononcer.

Il est certain que d'aucuns estiment que nous sommes beaucoup trop laxistes, ce qui fait cependant les affaires d'un certain nombre d'équipes, ce que nous savons très bien. D'autres estiment que nous jouons avec le feu ou que, tout simplement, nous sommes dans l'air du temps.

Personnellement, cela me préoccupe beaucoup, non pas que j'aie en charge l'image de marque de la Belgique tout entière mais du point de vue de l'éthique, de la bioéthique européenne notamment, niveau auquel j'interviens, c'est vrai que cela nous coince dans un curieux peloton, un petit groupe, avec l'Angleterre, qui a moins de moyens, et les Pays-Bas.

Je vous avoue que ce qui m'inquiète le plus, c'est qu'un certain nombre de percées bioéthiques de ces dernières années, que l'on doit à l'actuelle majorité, ne possèdent pas ce que j'ai appelé ce petit coefficient de révisibilité.

Une loi sur la bioéthique doit être révisible parce que le domaine évolue. Pour cela, il faut abandonner une certaine paranoïa qui consiste à dire que faute de clôturer le dossier, les choses sont perdues d'avance. Il faut faire un minimum de confiance intergénérationnelle au législateur.

M. Jacques Germeaux (VLD). — Je suis médecin et libre-penseur et le texte me pose un peu problème. Nous allons parfois trop vite. Nous voulons franchir plusieurs étapes en même temps, ce qui crée un climat de permissivité qui risque à terme de porter atteinte à notre crédibilité.

Où situez-vous la limite et quel est votre critère ? Je vous entends dire que le mariage homosexuel est manifestement accepté J'ai fait mes études à la VUB, mais je me rappelle qu'il y a vingt ans la KUL jugeait la fécondation in vitro diabolique. Je pense qu'une telle fécondation ne se serait pas développée en Belgique si une limite avait été imposée.

Pour moi, la fécondation in vitro doit être une possibilité et le mariage homosexuel ne me pose pas davantage de problème direct. J'ai toutefois été confronté à un enfant de 13 ans au sein d'un couple homosexuel et je n'ai pas trouvé de réponse sur le plan philosophique. Je me sens encore mal à l'aise dans cette matière. Vous avez dit que vous marquiez une limite entre ce qui peut se faire et ce qui est interdit, et qu'un coefficient doit être utilisé. Où situez-vous cette limite afin de savoir si celle-ci est dépassée ?

M. Michel Dupuis. — Pouvons-nous aller encore un peu plus loin et considérer que la notion de grens, de frontière est une notion énigmatique et, plus exactement, herméneutique ? Cela signifie que les limites de nos actions sont inspirées par la tradition et qu'elles sont aussi toujours contestées parce que la tradition, naturellement, c'est seulement le passé. Une tradition qui se conserve, c'est un musée, c'est quelque chose de mort. Il reste tout de même que c'est une espèce de tradition dans une société qui ouvre des possibles, progressivement, et qui montre des espaces de frontières.

Je suis convaincu que les frontières ne sont pas on/off, que c'est toujours une question de situation naturellement, mais que nous disposons néanmoins d'indications tout à fait intéressantes. Simplement, je suis convaincu que ces frontières n'existent pas sur une carte, et il suffirait de la loupe pour les voir parce que c'est tout petit ... Non, ce n'est pas cela. Cela, ce serait encore un fait. Je suis convaincu que les frontières, c'est quelque chose que nous pouvons interpréter, plus exactement instituer dans un face à face, dans le dialogue. Et cela, c'est une notion typiquement humaine. La question de savoir si j'ai un virus ou non n'est pas d'ordre humain. C'est une question biologique que je peux mesurer. Mais la question de savoir si un couple de deux femmes ou un couple de deux hommes peut élever un enfant qui va trouver un équilibre, n'est pas simplement une notion de fait, c'est largement une notion qu'il faudra interpréter. La tradition nous fournit quelques données. La tradition nous dit que cela ne marche jamais à deux. Ce n'est pas pour rien que dans le régime chrétien, le Dieu unique est trois. Ce n'est pas par hasard, c'est pour vivre et grandir. Manifestement, c'est vrai pour les êtres humains. On a besoin de triangulation, pour parler comme les psychologues. Cela veut dire que ce qui nous apparaissait comme une espèce de petit contrat à deux, une espèce de contrat bilatéral — ma femme et moi, nous nous aimons bien, nous allons faire un enfant — est complètement fantasmatique. Cela ne marche pas comme cela. Au moment où moi je suis père, je suis père parce que je suis le fils d'une fratrie et d'une filiation, etc. Tout cela est beaucoup plus complexe et, dans ce modèle complexe, je crois vraiment que les frontières ne sont pas en noir ou blanc mais que, d'une certaine manière, elles ressortissent à ce que les vieux Anglais appelaient le moral sense, le sensus moralis des Romains.

Je termine par une question simpliste, mais que j'adresse souvent à mes étudiants, rarement aux sénateurs.

J'adore le piano et je veux que mon fils en joue. Ne serait-il pas souhaitable que je puisse lui greffer un troisième bras, de manière à ce qu'il joue encore mieux ? Serait-ce humanisant d'avoir cette prothèse complémentaire d'un troisième bras ? Je fais l'hypothèse que nous avons en nous une petite voix qui nous dit : « Cela, c'est un peu crazy », alors que si on peut mettre au point une prothèse mécanique pour remplacer un bras qui a été blessé et qui permettra non seulement de jouer du piano mais de caresser un corps, ce qui est quand même bien plus subtil, tout le monde approuvera.

Je crois que nous sommes confiants en l'humanité dans ces choses un peu énigmatiques. C'est pourquoi il faut y aller doucement, pas parce qu'on a peur, mais parce qu'on construit quelque chose qui est délicat.

Il arrive que les gens ne soient pas contents; ce sont des électeurs, qui sont des clients et qui revendiquent des droits. Devez-vous répondre à des revendications, à des gens ayant peur d'une discrimination, etc. ? Mais cela, ce n'est pas de la bioéthique, c'est du management.

Mme Christine Verellen. — Concernant les secrets de famille, je dirai que je suis généticienne et non psychiatre et que je passe ma vie à faire des arbres généalogiques sur deux, trois ou quatre générations. J'ai observé personnellement, dans toutes les familles que j'ai rencontrées, que les secrets de famille sont le plus souvent des choses pesantes. En général, les sujets ont des difficultés à sortir de ces secrets de famille et à se réaliser complètement.

Vous me direz qu'il y a une exception bien connue en la personne d'Hergé. Celui-ci avait vraisemblablement un demi-frère. Il semblerait que, dans cette famille, la grand-mère était domestique dans un château et qu'elle avait eu deux enfants naturels. Hergé n'a jamais su qui était son grand-père. Le secret des origines de Hergé est un problème qui l'a marqué toute sa vie.

Il ressort d'analyses psychanalytiques de ses oeuvres, que l'on peut mettre des noms de sa famille sur les différents personnages. Il y a les Dupont-Dupond qui tournent toujours en rond et ne trouvent jamais de solution parce qu'ils incarnent ce secret de famille que l'on n'arrive pas à résoudre. Il y a la Castafiore. La première fois qu'on la rencontre dans un album de Tintin, c'est quand elle chante un opéra dont le thème est l'histoire d'une femme ayant eu un enfant de père inconnu. La vie d'Hergé fut une réussite. Il a réussi sa vie dans un certain domaine. Ce fut une possibilité de créativité.

J'ai très fort confiance dans la possibilité de créativité des êtres humains, même dans des circonstances difficiles, mais pour être confrontée en génétique à des personnes ignorant leurs origines, des adolescents qui sont des enfants adoptés et qui souffrent de maladies génétiques, je sais que le secret des origines, qu'il soit connu ou tu, a habituellement des implications sur plusieurs générations. Il est différent, à mon sens, de vivre des choses qui se sont réellement passées que de proposer dans une loi une multiplication des secrets de famille.

Je crois que ça, c'est une difficulté. Il y a suffisamment de problèmes à résoudre pour vouloir encore activement s'arroger le droit au secret en tant que parents alors que son enfant, une fois adolescent, risque tôt ou tard de le découvrir soit par accident soit lors de problème entre ses parents, les couples qui recourent à la PMA étant comme tous les couples belges et risquant à un moment ou l'autre de ne plus s'entendre. Il y a donc des risques de révélation brutale du secret de famille. Que fera-t-on alors de ces enfants ? On joue un jeu dont on ne mesure pas toutes les conséquences.

Je ne connais votre proposition de loi que depuis quinze jours et je n'ai pas encore réfléchi à l'ensemble des interrogations qu'elle soulève, mais dans quelle position met-on les enfants, les futurs adolescents et les adultes ?

Je réalise un certain nombre de recherches de paternité dans notre centre de génétique et je me rends souvent compte de l'importance accordée à la paternité biologique alors même que l'entente est excellente avec les pères éducatifs. On pourrait se référer à un homme célèbre : le seigneur Jésus-Christ qui avait un père biologique mystérieux et un père éducatif. En 2004, les pères biologiques ont une importance reconnue et par les couples et par le législateur. On se réfère à cette notion de père biologique dans les procédures de divorce, par exemple. Dans le mental de la société c'est ainsi.

M. François Roelants du Vivier (MR). — Mon observation consistait simplement à dire que la loi prévoit déjà ce secret en ce qui concerne l'adoption. Donc la situation vécue dont vous parlez l'est par des personnes qui ont été adoptées. Le traumatisme que vous expliquez, ils le vivent.

Mme Christine Verellen. — Les enfants adoptés sont déjà là, ils sont présents sur la terre lors de l'adoption. Simplement, ils n'ont pas de parents pour s'occuper d'eux.

M. François Roelants du Vivier (MR). — Quelle est donc la différence selon vous ?

Mme Christine Verellen. — Lorsqu'un enfant souffre d'une maladie neuromusculaire, puisqu'il est là, la plupart des gens disent : il est là, il faut être solidaire, on s'en occupe, on essaie de faire au mieux pour cet enfant. Par contre, il ne viendrait pas à l'idée, en général, de dire : on va fabriquer un enfant pour le donner en adoption. Ce n'est pas imaginable. Sauf éventuellement pour les PMA.

Activement, médicalement, faire en sorte que, par la loi, des enfants soient d'emblée exclus de la connaissance de leurs parents biologiques, me pose problème. C'est mon point de vue.

Dans un cas, l'enfant est là, dans l'autre vous le faites volontairement, avec la bénédiction de tout le monde.

M. Michel Dupuis. — Je trouve intéressant dans le texte de Mme De Schamphelaere l'hypothèse du guichet A et du guichet B qui permet de concilier les intérêts des donneurs et ceux de l'enfant. Le donneur reste libre, il décide si l'on transmet ou non l'information. Par contre, l'enfant conserverait toujours le droit de savoir qu'il y a eu un donneur et de savoir si celui-ci choisi d'être ou non identifiable. De toute façon, nous sommes dans le tragique. Nous sommes en train d'organiser ou de réguler des situations tragiques, mais il faudrait qu'elles soient le moins tragiques possible.

M. François Roelants du Vivier (MR). — C'est la même chose pour l'adoption. La même situation est vécue dans le cas de l'adoption. L'adopté a le droit de savoir qu'il a été adopté et de savoir si ses parents biologiques ont accepté ou non d'être identifiables.

Je me pose la question car vous dites que, dans un cas, l'enfant est là. Pourtant, là aussi, il y a un désir d'enfant pour des parents qui ont cherché un enfant à adopter.

M. François Roelants du Vivier (MR). — Y a-t-il une différence manifeste entre cette situation et celle de la mère porteuse ?

Mme Christine Verellen. — Un enfant adopté répond au désir d'un couple d'avoir des enfants. Les gens qui souhaitent adopter un enfant, qu'ils en aient déjà ou non, ont un désir très fort car l'adoption est un véritable parcours du combattant en Belgique.

Je suis payée pour le savoir parce que parmi les parents présentant une affection génétique qu'ils ne veulent pas transmettre, certains décident d'adopter un enfant. Les enfants adoptés sont des enfants qui, pour un motif ou un autre, louable ou non, n'ont plus de parents éducatifs. Il y a donc une rencontre, positive selon moi, entre le désir des parents qui souhaitent adopter un enfant et un enfant sans parents éducatifs.

On autorise l'adoption des enfants parce que l'on estime préférable pour un enfant sans parents éducatifs d'être accueilli par un couple désireux d'avoir un enfant. L'enfant existe déjà et il y a rencontre de deux nécessités, de besoins et de désirs mutuels.

L'expérience montre que, sauf exceptions, lorsque les enfants adoptés arrivent à l'adolescence, certains parents connaissent des difficultés, comme la plupart des parents, mais que la souffrance des enfants adoptés semble souvent plus importante que celle des autres enfants.

Cependant, en l'occurrence, les enfants existent déjà et prévoir dans un texte de loi de « fabriquer » des enfants qui ne connaîtront probablement jamais leurs origines me paraît une démarche différente. Il s'agit de personnes et le fait de prendre une telle décision pour un tiers me pose quelque peu problème.

IV. DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme Defraigne évoque que la FIV existe depuis 1978 — naissance de Louise Browne en Grande-Bretagne — et que 2 000 bébés naissent chaque année dans notre pays grâce aux techniques médicales.

Un couple sur cinq consulte pour infertilité. Deux arrêtés royaux règlent cette matière : un arrêté royal fixant les normes auxquelles les centres de programmes de soins « médecine de la reproduction » doivent répondre et un arrêté royal fixant les modalités de remboursement de FIV (remboursement de 6 cycles jusqu'à 43 ans maximum). Mais rien ne dit qui peut en bénéficier, ni comment. Chaque établissement est libre de fonctionner comme il l'entend.

Tout cela nous amène à se poser la question de l'utilité d'une loi en cette matière. Suite aux auditions extrêmement intéressantes, la nécessité d'une loi me semble confirmée et tend à répondre à une demande du corps médical. L'oratrice cite pour illustrer ce point notamment les orateurs suivants :

— M. le professeur Michel Dubois (CHR de Liège) soutient l'initiative;

— M. le professeur Comhaire : « Je m'occupe depuis 14 ans de la médecine reproductive, principalement dans le domaine de la stérilité masculine. Avec cette proposition de loi, les choses seront réglées plus précisément. »

— M. le professeur Roegiers (UCL) : « Une loi sur la PMA est nécessaire. Le vide juridique fait désordre. Il est toujours utile de pouvoir se référer à une loi. »

— Mme Roelandt, présidente du Comité consultatif de bioéthique : « Il est clair qu'il faut légiférer. »

— Mme Rosita Winckler (Ulg) : « il appartient aux hommes et aux femmes politiques de proposer des lois qui réglementent un certain nombre de domaines parce qu'ils sont les seuls à être responsables de leurs actes devant l'opinion publique. Cette proposition de loi contient toute une série d'éléments positifs tout en soulevant quelques difficultés. »

— Autre élément important sur lequel Mme Winckler a insisté : « Dans la mesure où la société intervient dans les PMA, notamment grâce au remboursement INAMI et à la mise sur pied d'équipes médicales, je considère que le législateur n'est pas un intrus lorsqu'il cherche à déterminer certaines indications de PMA. »

Cet argument semble essentiel : l'utilisation de fonds publics impliquent que des balises claires et des garde-fous soient posés. Certains disent qu'il ne faut pas légiférer car il n'existe pas de législation en matière de procréation naturelle. Pour Mme Defraigne, a contrario, c'est précisément parce qu'elle n'est pas naturelle qu'une loi est nécessaire. De plus, l'artificialisation de la procréation met les individus, tant les demandeurs, les soignants et les politiques en position de pouvoir et de devoir décider en trouvant un équilibre tant entre l'individuel et le bien commun, qu'entre les désirs et les besoins.

Autre point à trancher : les techniques de procréation médicalement assistée constituent-elles un moyen alternatif à la procréation naturelle et donc sont accessibles à tous sans conditions, ou doit-on les réserver aux couples souffrant de stérilité ou d'infertilité ? L'oratrice pense que ces techniques doivent rester au service de couple, qu'elle que soit sa composition. La triangulation de la cellule familiale me semble essentielle, comme le soulignait le professeur Roegiers. La stérilité ou l'infertilité du couple, est la pierre d'achoppement de cette proposition de loi.

Un autre choix reste également à faire : quel modèle de famille privilège-t-on en déterminant qui a droit à la procréation médicalement assistée ? Le membre signale qu'en matière d'adoption, la loi précise les critères auxquels doivent répondre les candidats, alors que la procédure est à charge des demandeurs et pas de la société. Le bien-être de l'enfant en est évidemment la raison. On décrit donc qui peut être parents.

Enfin, lorsque le Code pénal interdit l'inceste, c'est le législateur qui intervient pour condamner ce genre de pratiques au sein de la cellule familiale. Considère-t-on cela comme une intrusion dans la sphère privée ? Mme Defraigne ne le pense pas.

Autre argument en faveur d'une loi : si le législateur s'est prononcé en fixant les modalités des transplantations d'organes, de l'euthanasie ou de la recherche sur les embryons in vitro, pourquoi ne pourrait-il pas intervenir pour réglementer la procréation médicalement assistée ?

Enfin, d'autres pays comme la France ou la Grande-Bretagne se sont déjà dotées d'une législation et ne semblent pas vouloir le regretter ? La nouvelle loi sur la bioéthique actuellement en discussion en France ne remet en cause la nécessité de la loi. Au contraire, l'objectif est d'y apporter des éléments neufs pour être davantage effective.

Quels sont les dangers de l'absence de législation ? Actuellement, tout semble bien se passer dans les centres de procréation médicalement assistée de notre pays. Les bonnes pratiques médicales sont d'application. Mais qu'en est-il de demain, faut-il attendre que le professeur Antinori, ou une autre personnalité du même genre, vienne travailler chez nous faute de pouvoir le faire dans son pays comme il l'entend. Faut-il toujours attendre des catastrophes avant d'intervenir ? L'expérience dans d'autres domaines nous prouve le contraire.

Faut-il attendre que le phénomène d'aspiration s'accentue quand on connaît le nombre de Français qui viennent en Belgique dans le but de se faire inséminer, ne répondant aux critères stricts de la législation française ? Notre pays doit-il rester le paradis du tout est possible ?

On lit souvent dans la presse relatant à l'étranger des cas de fécondations in vitro les plus farfelus les uns que les autres comme par exemple dans La Libre Belgique du 21 juin 2001 : « Mère à 62 ans, du fils de son frère ».

Autre point : l'absence d'une loi ne garantit pas l'uniformité des pratiques et, pour toutes les personnes concernées, un accès égal à l'information relative à ces techniques compliquées et éprouvantes psychologiquement. Non à une médecine à plusieurs vitesses !

Enfin, on constate une hausse sensible des demandes (jusqu'à 30 %) de fécondations in vitro dans les différents centres belges depuis le 1er juillet 2004, date qui a ouvert la porte au remboursement. Si on n'intervient pas, on assistera très vite à l'apparition d'un nouveau gouffre dans la sécurité sociale.

Pour toutes ces raisons, l'oratrice estime que légiférer consiste à donner un cadre défini qui soit suffisamment large et souple pour y intégrer les évolutions des techniques. Une loi, quelle qu'elle soit, n'est jamais immuable et doit être adaptée aux réalités de terrain.

Pour rappel, Mme Defraigne ne prétend pas détenir la vérité révélée et absolue sur cette délicate question. Elle a toujours été ouverte à la discussion et est prête à adapter le texte comme il se doit pour tenir compte des observations formulées par les gens de terrain.

En conséquence, elle est prête à modifier sa position notamment sur les points suivants :

— Établir en interdiction l'insémination post mortem. Il semble que cela réponde à une demande unanime. Les personnes qui désirent bénéficier d'une procréation médicalement assistée doivent donc être vivantes.

— Ne plus exiger l'aval du comité d'éthique de l'hôpital, mais plutôt de l'équipe pluridisciplinaire. Ne compliquons pas la procédure inutilement.

— L'alignement de l'interdiction de rémunérer le don de sperme, comme c'est le cas pour le don d'ovule. C'est vrai qu'il importe de prévoir une égalité de traitement entre les hommes et les femmes.

— La suppression de la référence aux mères porteuses. On en reparlera au moment où l'on discute sur la proposition de loi qui traite de cette question.

Et les ajouts suivants seront proposés :

— Le centre qui refuse une demande doit orienter les personnes concernées vers un autre centre.

— La révocation à tout moment du don de gamètes tant qu'elles ne sont pas utilisées.

— En cas de séparation du couple ou de décès d'un des deux partenaires du couple, les embryons congelés restant sont détruits.

— Les causes de stérilité, de l'infertilité ou de l'hypofertilité au sein du couple sont déterminées et traitées préalablement dans la mesure du possible.

L'oratrice pose également quelques questions :

— La possibilité de s'entretenir avec les différents membres de l'équipe médicale doit-elle être ouverte aux couples hétérosexuels et plus seulement aux couples homosexuels ?

— Faut-il créer l'opportunité de lever l'anonymat du donneur de gamètes avec son consentement préalable, selon une procédure qu'il faudrait mettre au point ?

— A-t-on besoin d'une uniformité dans les procédures à suivre vis-à-vis des patients au sein des centres de procréation médicalement assistée ?

En concluant, Mme Defraigne fait remarquer que cette proposition de loi a le mérite de lancer des débats passionnants. Elle espère que le groupe de travail prendra le temps qu'il faut pour aboutir à un texte clair, et pourquoi pas à un consensus !

Mme De Schamphelaere rappelle que la proposition de loi réglant la collecte, la conservation et la communication des informations relatives au don de gamètes (doc. Sénat nº 3-559) ouvre la possibilité de lever l'anonymat du donneur dans l'intérêt de l'enfant. Les auditions ont en effet mis en évidence que l'aspect de l'anonymat pèse parfois, consciemment ou inconsciemment, sur la vie familiale. Si l'importance des parents « sociologiques » ne fait aucun doute, la plupart des adolescents concernés éprouvent malgré tout au fond d'eux-mêmes le besoin de savoir qui sont leurs parents biologiques. C'est là une réalité que l'on ne saurait ignorer. Comme l'affirment nombre de membres du Comité consultatif de bioéthique, il convient, au début du processus de procréation médicalement assistée, de laisser au couple le choix sur la question de l'anonymat du donneur de gamètes.

L'intervenante constate que la technique de la procréation médicalement assistée est actuellement utilisée pour venir en aide à la fois à des femmes isolées et à des couples lesbiens. À l'origine, cette technique devait permettre de procréer à un homme et à une femme dans l'impossibilité d'avoir un enfant naturellement en raison d'un problème d'infertilité chez un des partenaires. Aujourd'hui, cette technique est cependant aussi utilisée à d'autres fins, et ce, toujours sur la base de conditions qui s'inscrivent dans le cadre d'une certaine vision de la procréation humaine. Reste à savoir si le législateur est fondé à imposer des conditions à certains centres et, dans l'affirmative, si ces conditions doivent être partout pareilles. La liberté des centres de fertilisation doit être respectée et des conditions ne peuvent être imposées.

La proposition de loi nº 3-418 part du principe qu'un couple, fut-il lesbien, est nécessaire au bien-être psychologique tant des parents que de l'enfant. Mais si l'on ne règle cette question qu'en ce qui concerne la procréation médicalement assistée, le problème du statut d'une des mères qui, juridiquement parlant, demeure une mère isolée reste entier. Peut-on régler le lien juridique entre les couples lesbiens et leurs enfants simplement par le biais d'une loi qui a pour objet la procréation médicalement assistée ?

M. Mahoux souhaite savoir si la préopinante estime qu'une femme isolée peut bénéficier de la technique de la procréation médicalement assistée.

Mme De Schamphelaere répond que, de son point de vue, cela devrait lui être interdit, mais elle constate par ailleurs que cela se fait pourtant dans la pratique.

Mme Nyssens considère qu'il faut déterminer si la problématique du diagnostic prénatal et préimplantatoire relève ou non du texte de loi à l'examen.

Elle estime que la loi sur la procréation médicalement assistée, qui a toute sa raison d'être à ses yeux, devra tenir compte d'une diversité entre les différents centres existants. La loi ne peut pas avoir pour effet, par exemple, qu'un centre puisse se voir contraint d'intervenir en faveur de couples homosexuels.

L'intervenante est d'avis que la loi ne peut ouvrir la procréation médicalement assistée ni aux femmes isolées, ni aux couples lesbiens, car, cette technique doit être réservée aux couples hétérosexuels qui éprouvent des difficultés à avoir des enfants, afin de les aider à procréer malgré tout. Selon elle, la loi ne devrait pas non plus autoriser une femme devenue veuve à se faire inséminer avec le sperme congelé de son partenaire décédé. Elle trouve que la loi ne peut pas non plus toucher à l'anonymat des donneurs de gamètes, sans une étude très approfondie.

L'intervenante déclare que la question du don d'embryons reste confuse à ses yeux. Elle souligne en outre que si le problème des mères porteuses, qui est abordé dans la proposition de loi nº 3-417, n'est pas encore examiné à ce stade, il convient de tenir compte de la discussion de la problématique des couples lesbiens, dès lors qu'il s'agit de deux sujets connexes. Il conviendra de clarifier les choses à cet égard. D'une manière générale, elle estime que la filiation et les liens juridiques entre les parents, qu'ils soient homosexuels ou hétérosexuels, sont des questions qui devront être examinées en commission de la Justice.

Mme Vanlerberghe ne sait pas très bien s'il faut faire une distinction entre les femmes isolées en général et les veuves qui souhaitent avoir un enfant en se faisant inséminer avec le sperme de leur mari décédé.

Mme Van dermeersch souligne que la proposition de loi à l'examen règle une matière qui est déjà régie par la loi du 11 mai 2003 relative à la recherche sur les embryons, à savoir le sort qui est réservé aux embryons surnuméraires produits dans le cadre d'une procréation médicalement assistée.

Pour M. Mahoux, il est exclu de revenir sur des points qui sont déjà réglés par la loi du 11 mai 2003, laquelle a recueilli une large majorité parlementaire. Il pense notamment au consentement requis quant au sort réservé aux embryons surnuméraires, à l'eugénisme, etc.

Il propose que la loi en cours d'élaboration évite d'aborder l'aspect « sociologique » de l'accès aux centres de procréation médicalement assistée. Une procédure uniforme pour tous les centres, comme le propose l'auteur de la proposition de loi nº 3-418, lui paraît en effet contre-indiquée dans la mesure où une société pluraliste se doit de respecter les divers points de vue et sensibilités.

Il convient toutefois de trouver une solution à divers problèmes tels que l'anonymat du donneur, le « droit de suite » d'un donneur une fois qu'il a donné son accord, le caractère gratuit du don de gamètes, etc.

Mme De Roeck estime qu'il faut aussi résoudre la question de l'enregistrement centralisé des gamètes.

M. Vankrunkelsven relève pour sa part qu'il faut aussi régler le problème de l'âge de la femme qui souhaite avoir recours à la procréation médicalement assistée, et se demander si l'on ne recourt pas trop vite à cette technique alors qu'il existe souvent d'autres moyens de combattre l'infertilité.

V. MÉTHODE SUIVI PAR LE GROUPE DE TRAVAIL

À l'issue de la discussion générale, le président, M. Vankrunkelsven, a dressé un schéma de travail pour la poursuite des activités du groupe de travail « bioéthique » sur le thème de la procréation médicalement assistée. Cette note a été approuvée par le groupe de travail au cours de sa réunion du 16 juin 2004.

1. Procédure

La finalité du groupe de travail n'est pas de produire un texte de loi. Aucun vote ne peut d'ailleurs avoir lieu en son sein sur des propositions. Le groupe de travail veut établir un rapport montrant clairement les points susceptibles de faire l'objet d'un consensus quant au fond. Au stade actuelle des travaux, il appert aussi qu'indépendamment du fond, certains groupes politiques, de la majorité comme de l'opposition, ne souhaitent pas légiférer. Il en sera aussi question dans le rapport.

Le cas échéant, le point de vue des différents membres et/ou groupes politiques sur les points qui ne font pas l'objet d'un consensus sera consigné dans le rapport.

L'on disposera ainsi d'un instrument utile dans la perspective d'une nouvelle proposition de loi, qui pourra alors bénéficier d'un large soutien. Il n'appartient pas au groupe de travail d'en assurer la rédaction. Une telle hypothèse ne serait possible que dans la mesure où il y aurait un consensus au sein du groupe de travail pour discuter d'une proposition nouvelle, sans quoi le texte en question sera renvoyé, après sa prise en considération, à une commission pour y être examiné.

2. Déroulement du débat

Dans un premier temps, il faut débattre des quatre chapitres qui rassemblent un large consensus en faveur d'une réglementation, à savoir :

I. Les procédures que doivent respecter les centres en cas de demande de procréation médicalement assistée. Il faut garantir l'accès égal pour tous, conclure des accords de réorientation et fixer des règles minimales pour l'accompagnement psychologique des demandeurs.

II. Les conditions générales garantissant qu'avant de procéder à une FIV/ICSI, on favorisera raisonnablement le recours à des méthodes moins radicales pour provoquer une grossesse.

III. La nécessité d'apporter une réponse claire, en ce qui concerne le sort réservé aux embryons, aux questions que la législation en matière de recherche sur les embryons laisse en suspens, notamment :

i. comment contacte-t-on et informe-t-on les propriétaires de gamètes/embryons après l'arrêt du traitement, qu'il y ait eu naissance ou non ?

ii. qu'advient-il en cas de rupture du couple ou de décès de l'un des deux partenaires ?

IV. Quelques points pratiques :

i. l'âge maximum de la femme;

ii. l'égalité de traitement entre le don de sperme et le don d'ovule, notamment du point de vue financier;

iii. l'enregistrement centralisé des gamètes;

iv. la proscription de toute lourdeur administrative : rôle limité des comités d'éthique.

L'on peut ensuite :

V. Avoir un échange de vues sur la question des mères porteuses : faut-il l'aborder dans la proposition ? Pour l'instant, on a constaté une certaine réticence à cet égard. Il faut interoger le groupe sur l'opportunité d'inclure une disposition à ce sujet. En tout cas, le groupe de travail ne discutera pas de la possibilité de conclure des contrats en la matière ni des conséquences juridiques qui s'ensuivraient.

Restent alors quelques thèmes à propos desquels les suggestions suivantes sont formulées :

· L'anonymat des donneurs de gamètes

Il faut en débattre ultérieurement, hors du cadre de la présente proposition, à un moment à convenir.

· La question de la filiation, au sens large

Il est également préférable de dissocier cette question de la discussion actuelle, dans la mesure où elle revêt des aspects à la fois bioéthiques et juridiques. L'on pourra rendre ultérieurement un avis au Bureau du Sénat si l'on souhaite que cette question soit examinée en groupe de travail ou plutôt en commission, au cas où une proposition de loi serait déposée.

· Les modalités d'accès à la procréation médicalement assistée (couples, hétéros/homos, isolés, ...)

Les avis sont extrêmement divergents. En tout cas, aucun consensus n'est possible. Cela vaut la peine d'en discuter au sein du groupe de travail, même s'il ne fait d'ores et déjà plus aucun doute que l'insertion éventuelle de dispositions à ce sujet devra se faire par la voie d'amendements en commission.

VI. EXAMEN THÉMATIQUE

1. Procédures à suivre en cas de procréation médicalement assistée

— L'article 3, alinéa 1er, de la proposition de loi nº 3-418 prévoit que la procréation médicalement assistée a pour objet, soit de remédier à la stérilité, à l'infertilité ou à l'hypofertilité, soit d'éviter la transmission à l'enfant d'une « maladie génétique d'une particulière gravité ». Pour ce qui est de ce deuxième objectif, le groupe de travail estime non seulement que la disposition en question est formulée d'une manière trop stricte et qu'il suffirait, par exemple, de faire référence à la notion de « maladie génétique grave », mais aussi qu'elle exclut injustement certaines maladies sexuelles, comme le virus VIH, ce à quoi un assouplissement de son texte ne changerait rien. Le groupe de travail propose dès lors de parler d'une « affection médicale ». On peut éventuellement insérer une référence à la loi du 11 mai 2003 relative à la recherche sur les embryons in vitro

— L'article 4, § 1er, alinéa 2, deuxième tiret, prévoit que les personnes concernées doivent être informées de « tous les aspects médicaux, génétiques, juridiques et sociaux » de l'assistance médicale à la procréation. Le groupe de travail estime que les personnes concernées doivent également être clairement informées des aspects psychologiques de l'assistance médicale à la procréation.

— L'article 4, § 1er, alinéa 2, quatrième tiret, prévoit que, pour être recevable, la demande doit avoir reçu l'aval du comité d'éthique médical de l'établissement de soins concerné. Le groupe de travail estime qu'il est préférable de supprimer cette condition. Pour ce qui est de la « détermination » requise, le groupe de travail estime qu'il y a lieu de souligner clairement que l'intérêt de l'enfant doit être primordial. On pourrait éventuellement formuler les choses de la manière suivante : « ... après avoir constaté la durabilité de la relation affective, la détermination du couple, leur intention d'élever un enfant et leurs capacités à le faire ». Le texte doit également préciser, selon le groupe de travail, que la demande doit faire l'objet d'un encadrement consciencieux et pluridisciplinaire dont l'organisme peut être réglée par un arrêté royal.

— L'article 5, alinéa 1er, prévoit qu'une demande de procréation médicalement assistée peut à tout moment être révoquée. Cette disposition n'est-elle pas superflue ? La révocation d'une demande d'intervention médicale est un droit général du patient qui est consacré par la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient. Par ailleurs, plus d'une personne est concernée en l'espèce et on peut se demander qui est habilité à révoquer la demande. La révocation doit-elle être le fait des deux partenaires ou peut-elle être le fait d'un seul ? On peut plaider en faveur d'une réglementation analogue à celle qui existe dans le cadre de la législation relative à l'interruption de grossesse, où seule la femme concernée prend la décision. On peut également arguer que les deux partenaires ont conclu un accord avec le centre de fertilité et que la demande de révocation doit dès lors émaner des deux signataires. On peut également opter pour une réglementation différente en fonction du moment auquel la demande est formulée — l'embryon est-il par exemple décongelé ou non ? — et en fonction de l'anonymat éventuel du donneur de gamètes. Le même problème se pose d'ailleurs en ce qui concerne le droit de choisir ce qu'il adviendra des embryons existants (cf. article 10, § 3).

— Conformément à l'article 5, alinéa 2, aucun médecin n'est tenu de réaliser une procréation médicalement assistée. Ne convient-il pas de prévoir, pour le médecin concerné, une obligation de diriger les intéressés vers un confrère ? Doit-il motiver sa décision de rejet de demande ou cette décision relève-t-elle de la liberté thérapeutique du médecin ?

— L'article 6 dispose que, tant que le couple dispose d'embryons congelés, il ne pourra procéder à une autre fécondation in vitro en vue d'en obtenir d'autres. Il semble que la formulation de cette disposition soit trop stricte, étant donné que les embryons surnuméraires existants ne sont pas toujours conformes aux normes de qualité requises. On peut toutefois se demander s'il faut inscrire explicitement dans la loi l'hypothèse en question ou s'il faut considérer simplement qu'elle relève des « bonnes pratiques cliniques ». La disposition proposée ne permet pas davantage à un couple de créer un embryon aux fins de guérir un enfant en vie lorsque les embryons surnuméraires existants ne peuvent pas servir à cette fin.

— L'article 7, § 7, prévoit que le recours aux gamètes d'un même donneur ne peut délibérément conduire à la naissance de plus de six enfants. Selon le groupe de travail, il est souhaitable, plutôt que de limiter le nombre d'enfants provenant d'un même donneur, de limiter le nombre de femmes pouvant être fécondées par un même donneur. Une autre solution peut consister à limiter le nombre de familles dans lesquelles des enfants d'un même donneur peuvent voir le jour, comme on l'a suggéré au cours des auditions.

— L'article 8 prévoit que la procréation médicalement assistée à partir d'un embryon provenant d'un couple tiers donneur peut être pratiquée, lorsque le médecin estime que la procréation médicalement assistée à l'intérieur du couple des candidats parents n'a pas ou peu de chances d'aboutir. Il n'indique toutefois pas clairement si cette disposition ne concerne que les embryons surnuméraires — qui font l'objet de l'article 10 de la proposition de loi — ou si elle concerne également les embryons créés spécifiquement en vue d'un don. Il y a lieu de clarifier les choses à cet égard. Ne serait-il d'ailleurs pas souhaitable de prévoir une disposition concernant le don d'ovocytes et de sperme provenant d'un même couple de donneurs en vue de créer un nouvel embryon ?

— L'article 9, § 1er, c), permet aux hommes et aux femmes qui subissent un traitement ou une intervention chirurgicale pouvant les rendre stériles de faire recueillir et conserver des gamètes pour leur usage personnel futur et éventuel. Indépendamment de la question de savoir si pareille disposition est souhaitable d'un point de vue juridique (voir le point 7 du chapitre VI), on peut se demander s'il faudrait prévoir cette possibilité en vue de dons à des personnes stériles et à des personnes stérilisées qui souhaitent conserver leurs gamètes.

2. Alternatives moins invasives à la procréation médicalement assistée

L'article 3, alinéa 1er, de la proposition de loi se lit comme suit :

« La procréation médicalement assistée a pour objet de remédier à la stérilité, à l'infertilité ou à l'hypofertilité d'un couple constatée par écrit par un médecin spécialiste ou d'éviter la transmission à l'enfant d'une maladie génétique d'une particulière gravité. »

Les auditions ont montré que nombre de problèmes de fertilité peuvent également être résolus autrement que par la procréation médicalement assistée au sens de l'article 2, alinéa 1er, de la proposition. De nos jours, on a tendance à recourir un peu trop rapidement aux techniques qui tombent sous cette appellation, alors que, dans la plupart des cas, il existe pourtant d'autres méthodes moins invasives, souvent plus simples et moins onéreuses, pour remédier aux problèmes de la fertilité ou de l'hypofertilité tant masculine que féminine. L'Organisation mondiale de la santé a déjà signalé le problème.

Le groupe de travail estime dès lors qu'il y a lieu d'insister pour que l'on commence par envisager sérieusement les autres méthodes et, le cas échéant, par les utiliser avant de passer à la procréation médicalement assistée, telle qu'elle est définie dans la présente proposition de loi, sans que cela aboutisse toutefois à en exclure définitivement certaines personnes. Cet aspect doit cependant être dissocié totalement de la problématique de l'accès à la procréation médicalement assistée pour les isolés et pour les personnes de même sexe, qui est abordée au point 6, c), du chapitre VI.

3. Clarification de quelques aspects

a) Les informations communiquées aux donneurs de gamètes et d'embryons après l'arrêt du traitement

L'article 10 de la proposition de loi règle le sort des embryons surnuméraires créés dans le cadre d'un projet de procréation médicalement assistée. La proposition de loi prévoit la possibilité pour le couple concerné d'autoriser que les embryons en question soient conservés, cette autorisation devant être confirmée chaque année. Le couple peut aussi accepter de les mettre à la disposition d'un autre couple ou de les affecter à la recherche scientifique. Après un silence de cinq ans de la part du couple concerné, les embryons surnuméraires seraient en tout cas utilisés pour la recherche scientifique. Enfin, le couple concerné peut aussi autoriser la destruction des embryons surnuméraires.

Sans entrer dans la question du problème posé par le désaccord entre les partenaires, leur séparation ou le décès de l'un d'eux (voir le point 3, b), du présent chapitre), le régime proposé suscite une série de questions et d'observations.

· Le texte ne doit-il pas indiquer plus clairement que la destination première des embryons surnuméraires est d'être utilisés dans le cadre d'un nouveau projet parental du couple en question, ou ce point est-il déjà formulé assez explicitement au § 2 ?

· Le groupe de travail est d'avis qu'il serait souhaitable d'inscrire explicitement dans la loi une obligation d'information concernant les diverses possibilités prévues pour les embryons surnuméraires : conservation, don, destruction ou recherche scientifique.

· Le groupe de travail trouve aussi souhaitable que l'on rappelle chaque année toutes les possibilités au couple concerné afin que celui-ci puisse et doive faire clairement un choix (combinaison des paragraphes 2 et 3 de l'article 10).

· Ne convient-il pas d'insérer une disposition limitant à un strict minimum la création d'embryons surnuméraires et prévoyant que la stimulation ovarienne de la femme doit se faire de la manière la plus optimale possible ? Pareille disposition pourrait éventuellement figurer à l'article 6.

· Le couple concerné qui garde le silence pendant plus de cinq ans ne devrait-il pas d'abord être informé explicitement du sort de ses embryons surnuméraires ? Est-il vraiment si évident qu'ils seront utilisés pour la recherche scientifique, comme prévu à l'article 10, § 4, et qu'aucune autre utilisation n'est possible ?

L'on pourrait par exemple concevoir un régime dans lequel les embryons surnuméraires ne seraient utilisés à des fins de recherche scientifique que dans la mesure où un nombre suffisant d'embryons surnuméraires serait donné à un autre couple confronté à des problèmes d'infertilité; dans ce dernier cas, l'on créerait cependant la possibilité qu'un enfant voie le jour sans que ses parents biologiques n'en sachent jamais rien.

— S'agissant des embryons surnuméraires créés à l'aide de gamètes d'une tierce personne, cette dernière a-t-elle encore son mot à dire en ce qui concerne le sort ultérieur de ces embryons surnuméraires ?

Ces questions et observations s'appliquent également, mutatis mutandis, aux gamètes surnuméraires.

b) Problème en cas de désaccord entre les partenaires, de séparation ou de décès de l'un d'eux

— Le groupe de travail a décidé de ne pas aborder, provisoirement, la question de la procréation médicalement assistée « post mortem », c'est-à-dire lors qu'une femme se fait inséminer au moyen du sperme de son mari après le décès de celui-ci, parce que cette question demande plus ample réflexion. Concrètement, cela signifie que le groupe de travail n'a pas discuté du fond des articles 12 et suivants de la proposition. Mais cette problématique intervient aussi, parfois implicitement, dans d'autres dispositions. C'est ainsi que l'article 4, § 1er, premier tiret, parle d'un « homme majeur », sans qu'il soit spécifié expressément qu'il doit s'agir d'un homme vivant. Cet élément pourrait peut-être être ajouté aux conditions de recevabilité définies à l'article 4, § 1er, alinéa 2, de la proposition de loi. L'article 7, § 1er, de la proposition, qui traite de la procréation médicalement assistée au moyen de gamètes d'un tiers donneur, soulève également pas mal de questions :

— Faut-il arrêter immédiatement une procédure en cours lorsque le donneur — qu'il soit ou non le conjoint de la femme concernée — vient à décéder ?

— Faut-il permettre qu'un des partenaires entame ultérieurement un projet avec les gamètes du partenaire entre-temps décédé ? On pourrait en effet se demander pourquoi la personne concernée ne serait pas autorisée à faire appel aux gamètes de son propre partenaire décédé, puisqu'elle pourra de toute façon recourir aux gamètes d'un tiers donneur. Alors qu'une grande majorité du groupe de travail estime qu'une telle pratique devrait être explicitement interdite, dès lors qu'il n'est plus véritablement question, dans ce cas, d'un projet parental, d'autres ont jugé qu'une interdiction totale était excessive et qu'il faudrait prévoir, le cas échéant, un délai minimum légal de réflexion. En effet, la pratique montre que le désir d'avoir un enfant du partenaire décédé peut être présent immédiatement après le décès, mais qu'il s'atténue fortement après un certain temps, lorsque le partenaire survivant a retrouvé des réactions plus rationnelles et moins émotionnelles. Il faut réfléchir aussi à la durée de cette période : certains évoquent un délai minimum de six mois, d'autres vont plus loin et souhaiteraient qu'il puisse atteindre deux ans. Quoi qu'il en soit, un tel projet est toujours mûri en concertation avec l'assistance médicale.

— Selon le groupe de travail, il est très important que le désir d'enfant soit au centre de tout projet.

— L'article 5, alinéa 1er, de la proposition de loi prévoit qu'une demande de procréation médicalement assistée peut à tout moment être révoquée. La question se pose de savoir si la révocation par un des partenaires suffit, en particulier en cas de désaccord entre eux, en cas de séparation ou en cas de décès d'un des partenaires. Cette problématique a déjà été discutée au point 1 du chapitre VI.

— La même question se pose à propos du sort des embryons surnuméraires. L'article 10 de la proposition dispose que « les deux membres du couple » peuvent consentir à ce que leurs embryons surnuméraires soient conservés, mis à la disposition de la science, cédés à un autre couple ou détruits (voir point 3, a) du chapitre VI). Mais qu'advient-il en cas de désaccord, de séparation ou de décès ?

4. Quelques points pratiques

a) L'âge maximum pour la femme et pour l'homme

— Aux termes de l'article 4, § 1er, alinéa 1er, la procréation médicalement assistée est destinée à répondre à la demande écrite d'un couple composé d'un « homme majeur » et « d'une femme qui n'est pas en âge physiologique d'être ménopausée ».

Certains membres du groupe de travail ont suggéré que l'on prévoie dans la loi un âge maximum absolu pour la femme concernée, auquel le comité d'éthique de l'hôpital où a lieu la procréation médicalement assistée pourrait éventuellement déroger. Il est bon de savoir, à ce propos, que l'INAMI rembourse actuellement les frais de fécondation in vitro jusqu'à l'âge de 42 ans pour la femme; d'autre part, on ne pratique plus de procréation médicalement assistée à partir du moment où la femme a atteint l'âge de 43 ans.

Le groupe de travail n'a pas apporté de réponse univoque à la question de savoir s'il fallait également prévoir un âge maximum pour l'homme concerné. Certains membres ont suggéré de laisser à l'assistance médicale le soin de trancher cette question, plutôt que d'inscrire un âge maximum légal absolu dans la loi.

— À l'article 7, § 2, de la proposition de loi, il est prévu que le tiers donneur doit être majeur et âgé d'au moins 45 ans pour l'homme et d'au moins de 38 ans pour la femme. La question se pose de savoir si l'on peut trouver des arguments scientifiques fondant ces limites d'âge et, si oui, si elles doivent être différentes suivant qu'elles s'appliquent à des donneurs ou à des candidats parents.

b) L'égalité de traitement du don de sperme et du don d'ovocytes

— L'article 7, §§ 3 et 4, de la proposition de loi prévoit que le don de sperme et le don d'ovocytes doit être volontaire en principe et que le don d'ovocytes n'est pas rémunéré, sauf les frais y afférents. La proposition ne dit toutefois rien du don de sperme; le groupe de travail estime que le principe de la gratuité doit également être mentionné explicitement pour ce qui est du don de gamètes par un homme. En ce qui concerne le règlement des frais, le groupe de travail suggère que l'on confie au Roi le pouvoir d'élaborer une réglementation prévoyant le paiement d'une allocation pour frais, étant entendu que cette réglementation vaudrait exclusivement pour le don de gamètes — ovocytes et sperme — et qu'elle ne serait donc pas applicable en ce qui concerne les dons d'embryons, étant donné que ceux-ci n'entraînent aucun frais pour les donneurs (cf. article 8, § 2, de la proposition de loi).

— L'article 7, § 6, prévoit que le mélange de sperme est interdit. Ne faut-il pas interdire également de manière explicite le mélange d'ovocytes ? Ne faut-il pas interdire aussi que l'on implante en même temps, auprès d'une femme, des ovocytes qui auraient été fécondés par des spermatozoïdes provenant de plusieurs donneurs ?

c) L'enregistrement central des gamètes

L'article 7, § 5, de la proposition de loi pose le principe de l'anonymat des donneurs de gamètes (cf. point 6, a), du chapitre VI). Néanmoins, plusieurs voix ont demandé au sein du groupe de travail que l'on prévoie dès à présent un enregistrement central de tous les éléments pertinents concernant les donneurs de gamètes et ces gamètes eux-mêmes. Ces informations, qui sont déjà pertinentes en soi, seraient disponibles d'emblée au cas où le principe de l'anonymat serait tout à coup aboli. Cela n'est pas sans importance, puisque l'on constate déjà dans la pratique médicale actuelle que des candidats parents formulent certaines exigences à imposer au donneur de gamètes, comme des exigences en matière de taille, d'intelligence, de ressemblance physique, etc.

Le groupe de travail ne s'est pas prononcé explicitement sur la question de savoir si une telle pratique doit être autorisée ou non en principe. On peut en outre se demander si, au cas où l'on répondrait affirmativement sur ce point, la pratique en question devrait être autorisée dans tous les cas ou seulement dans un nombre limité de cas, par exemple pour garantir l'anonymat des donneurs.

d) Le rôle des commissions éthiques

À l'article 4, § 1er, alinéa premier, il est prévu que la demande d'assistance médicale à la procréation n'est recevable que si elle a reçu l'aval du comité d'éthique médical de l'établissement de soins concerné. Le groupe de travail estime qu'il vaudrait mieux supprimer cette disposition pour éviter d'imposer des charges administratives trop lourdes auxdits comités d'éthique. Toutefois, les centres de fertilité doivent avoir la liberté d'imposer ou non une aide médical.

5. La problématique des mères porteuses

Le groupe de travail a décidé de ne pas aborder le problème des mères porteuses dans le cadre de la discussion de la proposition à l'examen (cf. chapitre V). Il n'en est pas moins question des mères porteuses dans diverses dispositions :

— Article 2, 2º ;

— Article 4, § 1er, alinéa 1er, deuxième tiret;

— Article 4, § 1er, alinéa 2, quatrième tiret.

Le groupe de travail propose dès lors de supprimer ces dispositions de la proposition de loi.

6. Thèmes qui n'ont pas été traités quant au fond

Plusieurs thèmes n'ont pas été approfondis au sein du groupe de travail parce qu'ils méritent intrinsèquement un débat distinct, indépendamment de la proposition de loi nº 3-418. Tel est le cas notamment des aspects suivants, qui sont abordés tantôt explicitement, tantôt implicitement, dans la proposition de loi.

a) La problématique de l'anonymat des donneurs de gamètes

— L'article 7, § 5, alinéas 1er et 2, de la proposition de loi consacre le principe de l'anonymat des donneurs de gamètes, étant entendu, toutefois, que chaque don doit être accompagné d'une fiche médicale contenant des informations sur la santé du donneur.

Certains, au sein du groupe de travail, ont plaidé en faveur du maintien de l'anonymat; d'autres, dont l'opinion s'exprime notamment dans la proposition de loi nº 3-559, ont estimé que cet anonymat n'était pas souhaitable. Le groupe de travail est d'avis que le débat sur l'anonymat des donneurs de gamètes devrait plutôt être dissocié de la proposition de loi à l'examen et ne devrait reprendre qu'après un large échange de vues sur les expériences observées en la matière à l'étranger. Il n'a donc fait aucun choix de principe en faveur ou à l'encontre de l'anonymat des donneurs, choix qui pourrait être lourd de conséquences, notamment en matière de droit de suite.

— L'article 7, § 5, alinéa 3, prévoit toutefois une exception à l'anonymat du donneur lorsque celui-ci est un proche au quatrième degré. Le groupe de travail s'interroge sérieusement sur l'opportunité de cette exception. On constate en effet, dans la pratique, qu'il peut en résulter de nombreux problèmes d'ordre psychologique, notamment lorsqu'un oncle souhaite par exemple se mêler de l'éducation de son neveu — qui est en fait son fils biologique — ce qui peut provoquer l'irritation des parents. En outre, la pratique actuelle varie d'un centre de fécondation à l'autre : à la KULeuven, par exemple, les gamètes des membres d'une même famille sont rassemblés et échangés avec d'autres, de telle sorte que le parent ne sait pas à partir de quels gamètes l'enfant a été conçu; à la VUB, par contre, on ne procède pas de cette façon et le parent concerné sait à partir de quels gamètes l'enfant a été conçu.

— En ce qui concerne les donneurs d'embryons, on se référera à l'article 8, § 3, de la proposition de loi, qui consacre le principe de l'anonymat du don d'embryon. En cette matière non plus, le groupe de travail n'a posé aucun choix de principe.

b) La problématique de la filiation au sens large

Ce thème recouvre non seulement des aspects bioéthiques, mais aussi de nombreux aspects juridiques qui doivent encore faire l'objet d'une réflexion approfondie avant tout débat. Cela signifie concrètement que le groupe de travail n'a pas examiné quant au fond les articles 13 à 16 inclus de la proposition de loi, qui apportent des modifications au Code civil.

c) L'accès à la procréation médicalement assistée pour les personnes de même sexe ou pour les personnes seules

— La proposition de loi implique quelques choix implicites : l'article 3 par exemple dispose que la procréation médicalement assistée a pour objet de « remédier à la stérilité, à l'infertilité ou à l'hypofertilité d'un couple ». Dans d'autres dispositions également, notamment à l'article 7, il est à chaque fois question du « couple ». Outre que l'on ne sait pas clairement s'il vise aussi les personnes de même sexe, le terme utilisé exclut explicitement les personnes seules. Et l'objet même de la procréation médicalement assistée — à savoir remédier à la stérilité, à l'infertilité ou à l'hypofertilité — exclut le projet parental, par exemple, d'un couple lesbien.

Le groupe de travail n'a pas posé de choix de principe en ce qui concerne l'accès des personnes seules ou des personnes de même sexe à la procréation médicalement assistée. Si l'on devait autoriser ces catégories de personnes à recourir aussi à la procréation médicalement assistée, telle que définie dans la proposition de loi, on pourrait utiliser éventuellement une formulation « neutre » telle que : « La procréation médicalement assistée a pour objet de remédier à un désir d'enfant qui ne peut pas être réalisé d'une manière naturelle (...) ». Il y a lieu en tout état de cause de veiller à ce que les conditions de recevabilité soient identiques quelles que soient les personnes concernées, afin d'éviter des discriminations inadmissibles entre les catégories de personnes suivantes : les couples hétérosexuels, les couples homosexuels, les hommes seuls et les femmes seules.

— Si l'on décidait de rendre la procréation médicalement assistée accessible également aux personnes seules et aux couples homosexuels, on pourrait insérer, par exemple à l'article 4, des paragraphes distincts s'appliquant respectivement à un couple hétérosexuel, à un couple homosexuel, ou à une personne seule. Tel qu'il est formulé actuellement, seul le texte du § 2 de l'article 4 concerne les personnes de même sexe. Ce paragraphe a suscité les réflexions suivantes :

— La condition de « relation stable et affective » doit être remplie par les personnes de même sexe, mais pas par les couples hétérosexuels. Cette disposition est-elle compatible avec la loi anti-discrimination ? Cette condition ne doit-elle pas plutôt figurer parmi les conditions générales de recevabilité (cf. article 4, § 1er, alinéa 2, quatrième tiret) ?

— Si l'on fixe un âge légal maximum pour la future mère — pour la discussion de cette question, voir le point 4, a), du chapitre VI — cet âge ne doit-il s'appliquer qu'à la femme qui portera l'enfant ou aussi à l'autre femme du couple concerné (cf. article 4, § 1er, alinéa 1er, premier tiret) ?

Plusieurs membres du groupe de travail insistent sur la liberté absolue des centres de fertilité pour lancer un projet pour certaines catégories de personnes ou de prévoir pour ces personnes une aide spécifique.

Le groupe de travail demande au gouvernement de faire exécuter une étude à long terme, une étude qui examinera les effets à long terme sur l'enfant d'une éducation donnée par deux personnes de même sexe. Une telle étude est en cours aux Pays-Bas et cela pourrait s'avérer utile en Belgique aussi.

7. Quelques observations techniques

— Dans le texte néerlandais de la proposition de loi, on utilise toujours le terme « koppel ». Le groupe de travail déduit des auditions qu'il serait préférable d'utiliser le terme « paar ».

— L'article 2, 3º, donne une définition du don de gamètes. Étant donné le dispositif de l'article 7 de la loi proposée, le groupe de travail estime que cette définition est superflue.

— Le groupe de travail suggère d'insérer également des définitions de la notion de « don d'embryons », question traitée à l'article 8 de la loi proposée, et de la notion d'« insémination post mortem », pour autant que l'on décide de régler cette dernière question dans la présente proposition de loi (article 12 et suivants).

— D'un point de vue juridique, il n'est pas souhaitable de faire référence, dans une loi, à un arrêté royal existant, comme on le fait par exemple à l'article 2, 4º, à l'article 3, alinéa 2, et à l'article 9, § 2, de la proposition de loi à l'examen. Il est préférable soit de reprendre dans la loi les conditions définies dans l'arrêté royal du 15 février 1999, soit de prévoir un renvoi général qui pourrait être formulé comme suit : « ... dont les normes et l'agrément sont établis par le Roi. ».

— Le premier tiret de l'article 4, § 1er, alinéa 2, est superflu dans la mesure où il est déjà question des programmes de soins « médecine de la reproduction » à l'article 3, alinéa 2.

— Dans le texte français de l'article 4, § 1er, alinéa 2, deuxième tiret, il convient de lire « nombre supérieur d'embryons aux possibilités de transplantation ».

— À l'article 8, § 1er, du texte néerlandais, il convient de remplacer les mots « van dit onvruchtbaar koppel » par les mots « van het onvruchtbaar koppel » (cf. texte français : « du couple stérile ou infertile »), dans la mesure où tant le couple qui reçoit un embryon que le couple qui donne un embryon est stérile ou infertile. En effet, si le couple donneur peut céder un embryon, c'est seulement parce qu'il a eu recours à une fécondation in vitro.

— En ce qui concerne l'article 9 de la proposition de loi, il est question de trois paragraphes dans les développements alors que le dispositif de l'article n'en comporte que deux. Par ailleurs, cet article semble être superflu du point de vue juridique. En effet, les personnes qui ont entamé une procédure de procréation médicalement assistée (§ 1er, a)) ont la possibilité de recueillir et de conserver des gamètes en vertu de l'article 8 et les personnes dont l'intention est de faire don de leurs gamètes à la.recherche (§ 1er, b)) ont cette possibilité en vertu de la loi du 11 mai 2003 relative à la recherche sur les embryons in vitro. En ce qui concerne la possibilité, pour des personnes qui subissent un traitement pouvant les rendre stériles, de conserver des gamètes (§ 1er, c)), un régime légal est sans doute superflu dans la mesure où l'on peut toujours demander de pouvoir le faire.

En ce qui concerne la référence à l'arrêté royal du 15 février 1999 dans une loi (article 9, § 2), l'on renvoie à une remarque formulée antérieurement à ce sujet.

— À plusieurs endroits de la proposition de loi et, notamment à l'article 10, on trouve l'expression néerlandaise « overtollige embryo's ». Le groupe de travail souligne qu'il faut écrire plus exactement « overtallige embryo's ».

— La disposition de l'article 10, § 5, est une disposition transitoire qu'il serait plus judicieux de placer en fin de proposition.

— L'article 11 de la proposition de loi est superflu d'un point de vue juridique dans la mesure où le contenu de l'article 10, § 4, est identique au sien.


VII. VOTES

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des membres présents.

La rapporteuse, Le président,
Clotilde NYSSENS. Patrik VANKRUNKELSVEN.