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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 27 MAI 2004 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de Mme Christiane Vienne au ministre des Finances sur «le suivi de l'avis du Conseil Supérieur des Finances relatif aux déductions à l'impôt des personnes physiques en vue de leur regroupement et de leur rationalisation» (nº 3-319)

Mme Christiane Vienne (PS). - Le précédent accord de gouvernement mentionnait déjà que « Le gouvernement élaborera une réforme générale de l'impôt des personnes physiques. Elle s'inspirera des principes suivants : la limitation du nombre de barèmes, l'augmentation du revenu minimum imposable, le regroupement des possibilités de déduction en un certain nombre de catégories forfaitaires entre lesquelles le contribuable pourra choisir (...) ».

Le dernier accord de gouvernement prévoit également que, tout en réaffirmant que, « (...) l'impôt des personnes physiques sera simplifié dans un cadre budgétaire neutre. Un exemple pourrait consister à regrouper les différents incitants fiscaux visant à promouvoir l'acquisition et la construction d'immeubles en un crédit-logement, tenant compte de la nécessité de promouvoir la rénovation urbaine, d'encourager le secteur du logement et de renforcer comme première priorité l'accès pour tous à sa propre habitation ».

Si ce regroupement des « déductibilités » a souvent été présenté comme un des axes de la réforme fiscale, il apparaît que cette dernière soit entrée en vigueur alors que les dispositions légales qui pourraient être prises pour regrouper ou rationaliser les différentes déductions existantes font actuellement défaut.

D'autant plus qu'entre-temps, le Conseil Supérieur des Finances a remis en novembre 2002, à votre demande, un avis très édifiant « sur les déductions à l'impôt des personnes physiques ». Cet avis constitue à mon estime un formidable outil d'analyse de notre système fiscal, en vue de rencontrer les objectifs fixés par l'accord de gouvernement.

En effet, cet avis décrit, évalue et propose des recommandations dans le sens d'un regroupement et d'une meilleure rationalisation des dispositions existantes en un nombre limité de corbeilles, tout en rappelant qu'il s'agit d'un choix répondant aux objectifs d'une politique fiscale donnée, choix entre neutralité de l'impôt et octroi d'incitations.

Quelles sont les suites données par votre département à cet avis ?

Doit-il, selon vous, permettre de compléter le cadre de la réforme des personnes physiques prévu par le précédent accord de gouvernement ?

Cet avis qui est à la fois le produit et la base de deux accords de gouvernement ne devrait-il pas présider à l'appréciation des textes examinés en commission ?

M. Didier Reynders, ministre des Finances. - Mme Vienne a rappelé à juste titre l'avis qui a été remis à ma demande par le Conseil supérieur des Finances en cette matière. Cet avis a déjà donné lieu à un certain nombre de réactions à travers de nouvelles mesures venues s'ajouter au texte de base de la réforme fiscale votée en 2001 ainsi qu'à une décision en termes de calendrier prise par le gouvernement au mois de mars dernier.

En ce qui concerne le traitement fiscal des prêts hypothécaires et donc la technique qui devrait nous permettre de faire évoluer, en le simplifiant, le système fiscal actuel à l'IPP, le gouvernement m'a demandé de réunir un groupe de travail pour tenter de préparer ce dossier pour l'élaboration du budget 2005.

Cela signifie qu'à la rentré prochaine, nous présenterons des propositions concrètes, le but étant bien entendu d'aller vers un système plus commode et, si possible, plus attractif pour le contribuable, système pour lequel nous devrions nous fonder sur certaines lignes de force que j'avais déjà présentées au gouvernement.

Je rappelle cependant que la simplification des dispositions en la matière est une entreprise extrêmement complexe. À chaque tentative, une nouvelle couche de dispositions a été ajoutée de manière à éviter que les contribuables ne perdent le bénéfice des dispositifs existants depuis un certain nombre d'années.

Comme de nombreux Belges, vous venez certainement de recevoir l'enveloppe brune à laquelle nous sommes tellement attachés et qui contient la déclaration fiscale à remplir. Si vous lisez la notice d'accompagnement, vous remarquerez qu'en matière de prêts hypothécaires, des distinctions sont opérées en fonction du type d'immeuble mais aussi des dates de référence des emprunts conclus parce que, chaque fois, on a voulu maintenir le système existant à l'époque où les gens se sont engagés dans un prêt hypothécaire. C'est d'ailleurs assez logique en termes de respect des droits.

Depuis que le rapport du Conseil supérieur des Finances est sorti, nous avons déjà beaucoup travaillé sur les mesures en matière de déductibilité, de corbeilles, comme on les appelle.

Pour faire bref, un premier volet a consisté à renforcer dans des textes votés et donc d'application, les mécanismes d'incitants fiscaux portant sur le deuxième pilier des pensions. Des dispositions ont été votées pour améliorer les mécanismes de déductibilité ou de réduction d'impôts qui existent en cette matière à l'IPP.

Sans vouloir multiplier les exemples, je rappelle que, plus récemment, lors des conseils dits extraordinaires de Gembloux et d'Ostende, ce dernier appelé de Raversijde par les néerlandophones, nous avons pris des décisions en ce qui concerne la mobilité, la volonté d'atteindre les objectifs de Kyoto ou la famille. Je citerai quelques références dans les différentes corbeilles.

Pour les frais de déplacement entre le domicile et le lieu de travail, avec cette fameuse déductibilité de 15 cents par kilomètre, nous avons porté le forfait à 100 kilomètres aller et à 100 kilomètres retour. Cela se fera en deux ans.

De la même manière, nous avons prévu de renforcer la déductibilité ou la réduction d'impôt pour les investissements économiseurs d'énergie dans les immeubles, avec une majoration des possibilités en la matière.

De même, pour les véhicules moins polluants, nous prévoyons une réduction d'impôt qui peut atteindre 4.000 euros selon le type de véhicule. Donc, les mesures se sont multipliées.

À Gembloux, nous avions aussi pris une décision en matière de frais de restaurants. Depuis le 1er janvier de cette année, la déductibilité de ces frais a été portée à 62,5% pour atteindre 75% l'année prochaine.

En matière familiale, la même démarche est intervenue puisque j'ai proposé de porter de 3 à 12 ans l'âge de référence pour la déductibilité des frais de garde d'enfants.

Nous comptons aussi déposer au Parlement une mesure tout à fait nouvelle à propos des personnes âgées, des aînés dans les familles. Si des parents ou des grands-parents ou des collatéraux au deuxième degré restent dans le ménage d'un contribuable, ces personnes pourront encore être considérées comme étant à charge à l'IPP, malgré le fait qu'elle perçoivent une pension, laquelle peut même, en termes de montant indexé, dépasser les 20.000 euros par an.

Cela signifie que quand on veut adapter des règles en matière de corbeille, tout le monde a pour but de simplifier, mais aussi de continuer à tenir compte d'un certain nombre d'objectifs plus particuliers concernant la famille, la mobilité, l'énergie et toute une série de thèmes concrets.

Sur la base du rapport du Conseil supérieur, nous avons tenté de privilégier les pistes paraissant les plus efficaces, ce qui justifie toutes les mesures que je viens de citer en matière d'environnement, de mobilité, de famille et ce que nous tenterons de faire dans le secteur du logement à travers les prêts hypothécaires. Cela s'ajoutera à tout ce que nous faisons depuis un an pour revoir la formule des déductibilités ou des corbeilles.

En conclusion, je ne crois pas à l'idée parfois avancée que l'on pourra fortement simplifier les mécanismes. Il faut à mon avis offrir des choix plus clairs. Je privilégie aussi une autre piste que, je crois, vous partagez, consistant à transformer le plus possible les déductibilités en réductions d'impôts. Il faut, dans beaucoup de domaines, cesser d'accorder un avantage plus important aux personnes ayant des revenus élevés parce que la déductibilité intervient au taux marginal et donner le même avantage à tout le monde, à travers une réduction d'impôt forfaitaire pour l'ensemble des contribuables. Quand c'est possible, il faut aussi prévoir un crédit d'impôt, c'est-à-dire payer un montant à des personnes n'ayant pas de charges fiscales pour l'instant et qui ne bénéficient évidemment pas de tous ces mécanismes.

C'est peut-être une piste à suivre, mais je reviendrai volontiers, dès la rentrée, avec des propositions en matière de prêts hypothécaires.