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14 OCTOBRE 2002
La présente proposition vise à concrétiser la volonté de tous les partis flamands de transférer du niveau fédéral au niveau communautaire le volet sécurité sociale de la politique de la santé et de la politique familiale, à l'exception de son financement.
Contexte politique
À mes yeux, il s'agit d'une proposition minimaliste, étant donné que, selon moi, le financement devrait également être transféré aux communautés. Néanmoins, elle se propose d'obtenir l'adhésion de tous les membres flamands; elle se limite dès lors à revêtir la forme d'une proposition de loi spéciale, une solution à laquelle souscrivent non seulement l'opposition, mais aussi tous les partis de la majorité flamande.
Dans l'accord de gouvernement flamand, il est question :
« du transfert aux communautés des compétences normatives et d'exécution en matière de politique de la santé et de politique de la famille » (point B.5 du Chapitre 2 : Renouveau institutionnel). Le 13 juillet 1999, le ministre-président Patrick Dewael a tenu les propos suivants dans sa déclaration gouvernementale : « Tous les partis de cette coalition qui sont également représentés au sein du gouvernement fédéral s'engagent dès lors à défendre de manière cohérente le contenu de l'accord de gouvernement flamand en matière de renouveau institutionnel au niveau fédéral. L'accord de gouvernement comprend une synthèse détaillée des réformes susceptibles d'être mises en ouvre rapidement et des réformes indispensables qui nécessitent une concertation approfondie. Les partis de la majorité flamande s'engagent à oeuvrer conjointement et avec conviction à leur réalisation au niveau fédéral. » (Traduction)
Je suis dès lors convaincu que tous les partis flamands soutiendront la présente proposition.
Pourquoi préconiser la défédéralisation des soins de santé et des allocations familiales ?
Notre propos n'est pas ici de résumer les nombreuses prises de position et études démontrant qu'il serait souhaitable, judicieux et possible de défédéraliser l'assurance soins de santé et les allocations familiales (les « régimes à finalité compensatoire »). Nous nous bornerons donc à évoquer brièvement quelques-uns des arguments avancés, ce qui ne signifie pas que tous ceux qui souscrivent à la présente proposition avalisent également l'ensemble de ces arguments.
Faire état des arguments invoqués en faveur du transfert de compétence en matière de sécurité sociale, c'est inévitablement aborder le problème des fameux « transferts ». L'étude réalisée au sujet des aspects microéconomiques et macroéconomiques de ces transferts dans la sécurité sociale a été particulièrement laborieuse, notamment en raison de la difficulté, voire de l'impossibilité d'obtenir des données pertinentes. Quoi qu'il en soit, ces transferts sont énormes et aucun renversement de la situation n'est attendu avant 2010. En ce qui concerne l'étude des déterminants, rappelons simplement que ces transferts s'expliquent dans une large mesure, pour ne pas dire entièrement, par des différences en ce qui concerne la situation démographique, le taux d'emploi et le niveau des revenus. Pour ce qui est des soins de santé, l'offre médicale s'avère également être un facteur particulièrement déterminant. Mais il faut poursuivre les recherches. Soulignons également que c'est, par exemple par l'instauration d'un numerus clausus, au niveau communautaire qu'il est possible d'agir sur l'un des principaux facteurs expliquant ces transferts.
Selon nous, « les chiffres », aussi élevés soient-ils, ne peuvent déboucher directement sur des conclusions en ce qui concerne la question de la possibilité, de la rationalité et de l'opportunité d'une nouvelle répartition des compétences en matière de sécurité sociale. La simple constatation de la présence ou de l'absence d'un transfert est insuffisante en soi pour décider d'une nouvelle répartition. Il faut, à tout le moins, identifier les (facteurs) déterminants de cette répartition inégale entre le Nord et le Sud. Des études ont montré que cette tâche est extrêmement difficile. Si les déterminants sont malgré tout plus ou moins identifiables, il s'agit encore de préciser si l'on peut parler d'une différence objectivement justifiée. Cette « justification objective » semble pouvoir être admise plus facilement pour le niveau de revenu, le taux d'occupation et la démographie en ce qui concerne les régimes de revenus de remplacement. Elle devient toutefois plus difficile lorsque c'est la culture ou l'offre médicale, par exemple, qui est avancée comme facteur explicatif, a fortiori lorsqu'on aurait pu s'attendre par ailleurs à une consommation médicale plus élevée précisément en Flandre sur la base du déterminant « niveau de revenu ».
Le « principe de subsidiarité », en tant que principe de partage des compétences, constitue une référence dans le débat relatif à la répartition des compétences dans les entités fédérées. En Belgique également, le principe de subsidiarité va dans le sens de la compétence des entités fédérées en matière de régimes de sécurité sociale visant à compenser des coûts. Les entités fédérées peuvent en effet instaurer ces régimes au moins aussi bien que le fédéral. Une étude de droit comparé a d'ailleurs montré que les entités fédérées exercent souvent cette compétence au sein d'une fédération. D'autre part, la théorie économique des avantages d'échelle incite plutôt à un maintien aussi large que possible de la population à assurer en raison, notamment, de l'importance de la répartition des risques. Il faut toutefois apporter quelques nuances à cet égard. Certains risques plus particulièrement ceux des régimes relatifs aux revenus de remplacement atteignent plutôt « collectivement » les assurés (par exemple : l'assurance chômage), tandis que d'autres ceux des régimes visant à compenser les coûts sont étalés plus uniformément dans le temps et n'ont dès lors pas besoin d'une couverture à une échelle aussi grande. À l'égard des régimes visant à compenser des coûts, l'intérêt des avantages d'échelle est supplanté par le principe de subsidiarité économique, qui incite à organiser le système à un niveau qui peut tenir compte de la manière la plus efficace des différences locales ou régionales.
Les différences de comportement et de choix qui peuvent être constatées en Belgique sont, elles aussi, souvent invoquées pour justifier une communautarisation partielle de la sécurité sociale. Tous les gens sont différents les uns des autres; toutefois, si l'on fait preuve d'une certaine capacité d'abstraction, des différences peuvent également être constatées, par exemple, d'un pays à l'autre ou d'un village à l'autre. En Belgique, le constituant a reconnu qu'outre les communes et les provinces, les entités fédérées présentaient des spécificités. C'est ainsi qu'il a confié aux communautés le pouvoir d'organiser elles-mêmes leur enseignement.
On pourrait ensuite se poser la question de savoir si la spécificité des communautés ne peut également être reconnue en matière de sécurité sociale et si cette spécificité ne peut trouver un prolongement dans l'organisation (la réorganisation) de la sécurité sociale. Les transferts en particulier lorsqu'ils ne peuvent être expliqués sur la base de facteurs « objectifs » indépendants du comportement peuvent être considérés comme autant d'indices faisant apparaître que la réalité n'attend pas un transfert de compétences pour reconnaître les spécificités propres des entités fédérées.
Il est également souvent fait état de la nécessité d'une politique sociale cohérente. Il n'est ni souhaitable ni possible d'isoler la sécurité sociale des autres aspects de la politique sociale. À l'inverse de la répartition actuelle de compétences, une répartition de compétences cohérente en matière de politique sociale ne pourrait dès lors pas tenir compte de la distinction théorique établie entre la sécurité sociale et les autres instruments de cette politique. Cela permettrait d'éviter les effets de transferts non désirés et d'améliorer considérablement l'efficacité de la politique. Il convient, sur cette base aussi, de plaider en faveur de la nouvelle répartition de compétences en matière de sécurité sociale telle que la nous la proposons. Les régimes visant à compenser des coûts doivent relever des compétences des communautés dès lors que celle-ci gèrent déjà les domaines qui y sont étroitement liés.
La solidarité peut être décrite comme un sentiment d'appartenance à la communauté et la volonté d'en assumer les conséquences. La définition sociologique classique parle d'interdépendance positive. La solidarité peut s'exprimer sous diverses formes, indépendamment, entre autres, du cercle de solidarité et/ou du degré de solidarité. En Belgique, la « solidarité » interpersonnelle obligatoire à l'égard des risques sociaux (importants) a entraîné la création de divers cercles de solidarité qui présentent chacun un certain degré de solidarité et qui, en fin de compte, constituent « la sécurité sociale ». Il serait toutefois totalement erroné de réduire la solidarité fédérale à la sécurité sociale ou, a fortiori, aux régimes de compensation des coûts.
Le principe de solidarité a encore des limites, tant en ce qui concerne sa portée que sa profondeur. Au demeurant, il n'y a pas que le principe de solidarité. Ainsi, le principe de responsabilisation, par exemple, délimite et approfondit ce principe de solidarité et doit souvent le précéder.
Une question fondamentale se pose dès lors : où devons-nous fixer les limites de la solidarité dans la sécurité sociale ? À l'heure actuelle, les assurances sociales donnent corps à la solidarité sur la base de la profession : le cercle de solidarité est constitué par les travailleurs, les fonctionnaires ou les travailleurs indépendants et non par l'ensemble des habitants du Royaume. Étant donné que les assurances garantissant un revenu de remplacement visent justement à compenser le manque à gagner professionnel, il semble judicieux d'organiser le cercle de solidarité sur la base de la profession. Bien que les assurances « revenu de remplacement » soient, en principe, encore organisées sur la base de la profession, l'assurance maladie, le secteur des soins de santé et les réglementations en matière d'allocations familiales dans les différents régimes couvrent pratiquement l'ensemble de la population, quoique de façon différente sur le plan du contenu. De surcroît, beaucoup d'arguments plaident en faveur de l'octroi à tout individu, en tant qu'être humain, des soins de santé et de la compensation pour les charges particulières inhérentes à l'éducation des enfants et ce, indépendamment du statut professionnel de la personne concernée ou du chef de ménage. Il s'agit donc ici de droits de l'homme en tant qu'être humain, ce qui n'empêche qu'il convient, ici aussi, de délimiter la solidarité d'un point de vue territorial. Étant donné que les régimes de revenus de remplacement sont étroitement liés à l'individu, il nous semble qu'il serait préférable de les organiser au niveau des autres matières personnalisables, à savoir les communautés.
Comment les compétences relatives à la sécurité sociale sont-elles réparties à l'heure actuelle ?
Si la répartition des compétences relatives à la sécurité sociale n'est pas réglée par la Constitution, elle peut toutefois se déduire des articles 5 et 6 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.
L'article 5 de cette loi spéciale énumère les compétences des communautés en ce qui concerne les matières personnalisables. Si, aux termes de l'article 5, § 1er, I, certains aspects de la politique relative à la santé sont de la compétence des communautés, l'assurance maladie-invalidité est explicitement exclue des compétences de ces dernières. L'article 5, § 1er, II, de la loi spéciale énumère les matières relatives à l'aide aux personnes qui sont de la compétence des communautés. Il dispose, en son point 1º, que ces dernières sont compétentes pour « la politique familiale, en ce compris toutes les formes d'aide et d'assistance aux familles et aux enfants ». Aucune compétence n'a, ici, été explicitement réservée au pouvoir fédéral. En son point 2º, l'article 5, § 1er, II, dispose que les communautés sont compétentes pour « La politique d'aide sociale, en ce compris les règles organiques relatives aux centres publics d'aide sociale ». Ces compétences sont assorties d'un certain nombre d'exceptions, certaines matières étant réservées au pouvoir fédéral. Par exemple, la fixation du montant minimum, des conditions d'octroi et du financement du revenu légalement garanti, conformément à la législation instituant le droit à un minimum de moyens d'existence » reste de la compétence de l'autorité fédérale. Dans sa dernière phrase, l'article 5, § 1er, II, 2º, b), dispose explicitement qu'il est de la compétence des communautés d'octroyer des droits supplémentaires ou complémentaires en matière d'aide aux personnes. Nous estimons que cela vaut également pour le minimex. L'article 5, § 1er, II, 5º, dispose enfin que les communautés sont compétentes pour « la politique du troisième âge, à l'exception de la fixation du montant minimum, des conditions d'octroi et du financement du revenu légalement garanti aux personnes âgées ».
En résumé, on peut affirmer que la loi spéciale de réformes institutionnelles exclut systématiquement les branches de la sécurité sociale des compétences communautaires. Le législateur spécial n'en a toutefois pas exclu les prestations familiales. Néanmoins, celles-ci demeurent manifestement aussi une compétence fédérale, ainsi qu'il ressort de l'article 6, § 1er, VI, de la loi spéciale de réformes institutionnelles, qui énumère une série d'exceptions à la compétence régionale en matière de politique économique, exceptions liées à l'union économique et monétaire belge. La disposition prévoit notamment que l'autorité fédérale est seule compétente pour « le droit du travail et la sécurité sociale ». Le raisonnement est le suivant. La compétence fédérale exclusive en matière de sécurité sociale est, en l'occurrence, définie de manière générale : la compétence réservée à l'autorité fédérale en matière de sécurité sociale limite en même temps les compétences communautaires dans les matières personnalisables. Il en résulte que la sécurité sociale dans son ensemble, reste de la compétence exclusive de l'autorité fédérale. En ce qui concerne l'aide sociale, la compétence communautaire est limitée à la faculté d'octroyer des droits supplémentaires ou complémentaires en matière d'aide aux personnes.
Pourquoi la sécurité sociale est-elle restée une matière fédérale ?
La réforme de l'État de 1980 a attribué aux communautés la compétence en ce qui concerne les « matières personnalisables ». Ces compétences ont encore été étendues par la réforme de l'État de 1988. Ces deux réformes ont maintenu, sans grande discussion, l'ensemble de la sécurité sociale sous la compétence exclusive de l'autorité fédérale. On peut toutefois faire observer que, durant la réforme de 1980, le gouvernement a déclaré que la « sécurité sociale » ne pouvait pas être considérée comme une matière personnalisable. Dans l'optique du gouvernement, la sécurité sociale était censée faire partie des instruments essentiels permettant de préserver l'unité du pays, au même titre que l'union économique et monétaire (UEM). Les travaux préparatoires de la réforme de l'État de 1988-1989 ont réaffirmé le principe de l'exclusion de la sécurité sociale des matières personnalisables.
La Constitution n'attribue pourtant nulle part la compétence en matière de sécurité sociale explicitement à l'autorité fédérale. Qui plus est, la conception même de la notion constitutionnelle de « matières personnalisables », dont le contenu doit être fixé par une loi spéciale, ne comporte aucune restriction. Selon nous, il ne faut donc pas postuler que l'ensemble de la sécurité sociale échappe nécessairement à la notion de matières personnalisables. La distinction entre les régimes de sécurité sociale à finalité compensatoire et ceux qui visent à procurer un revenu de remplacement semble pouvoir être utilisée pour situer la sécurité sociale vis-à-vis de la notion de matières personnalisables. Dans cette optique, les prestations octroyées dans le cadre de l'assurance soins de santé et les prestations familiales devraient à tout le moins pouvoir être considérées comme des matières personnalisables.
Quoi qu'il en soit, on a surtout fait valoir, pour justifier le maintien de la sécurité sociale dans son ensemble en tant que matière fédérale, qu'elle était un instrument essentiel au maintien de l'unité du pays, dans le cadre de l'unité économique et monétaire. Ce point de vue a été consacré dans l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 12º, de la loi spéciale de réformes institutionnelles, qui précise que la sécurité sociale doit rester une compétence exclusivement fédérale eu égard à l'union économique et monétaire. Ce point de vue sans nuance ne paraît toutefois pas justifié par des considérations économiques et ne doit dès lors être considéré que comme l'expression du compromis politique de l'époque.
Faut-il réviser la Constitution pour procéder à la nouvelle répartition de compétences proposée ?
C'est en 1994 que le droit à la sécurité sociale et à l'aide sociale ont été inscrits dans le nouvel article 23 de la Constitution. Cependant, les droits fondamentaux prévus par cet article 23 ne confèrent, en tant que tels, aucun droit justiciable au citoyen. Il s'agit plutôt de règles dites « normatives » qui invitent notamment l'autorité à mener une politique de sécurité sociale. La disposition précitée prévoit de manière explicite que la loi, le décret ou l'ordonnance garantissent les droits qu'elle énumère, et déterminent les conditions de leur exercice. Si le législateur réserve au pouvoir législatif la compétence de garantir les droits énoncés à l'article 23, il ne précise toutefois pas, en d'autres termes, si c'est au législateur fédéral, aux législateurs communautaires ou aux législateurs régionaux que revient cette compétence.
Dès lors que l'article 23 n'est pas répartiteur de compétences, on ne peut pas déduire de la formulation du droit à la sécurité sociale, garanti par la Constitution, que la sécurité sociale et, le cas échéant, l'aide sociale doivent continuer de relever de la compétence de l'autorité fédérale pour que les droits fondamentaux précités soient garantis. Certains auteurs estiment que la sécurité sociale ne pourra être communautarisée que si la détermination des conditions minimales à prévoir pour que tous les citoyens puissent mener une vie conforme à la dignité humaine reste de la compétence de l'autorité fédérale. Cette affirmation n'est toutefois pas convaincante à mes yeux. Je ne vois pas, en effet, en quoi l'article 23 s'oppose, sur le plan juridique, à ce que l'on attribue aux entités fédérées des compétences en matière de sécurité sociale ou d'aide sociale. D'autres droits fondamentaux sont, en effet, garantis de manière exclusive par les entités fédérées, et on peut très bien concevoir, par analogie, que la Constitution garantisse aux citoyens des droits sociaux fondamentaux dont la réalisation serait toutefois assurée par les entités fédérées.
On observera encore qu'à l'article 23, la notion de'sécurité sociale'n'est pas définie plus amplement. Le fait que le constituant ait mentionné séparément la'sécurité sociale'et'l'aide sociale'prouve qu'il distingue les deux notions. Par ailleurs, la Constitution ne contient aucune disposition relative à la sécurité sociale, de sorte que la répartition des compétences doit s'inférer des articles 5 et 6 de la loi spéciale de réformes institutionnelles. D'un point de vue technique, l'actuelle répartition des compétences en matière de sécurité sociale peut donc être modifiée par une simple adaptation de la loi spéciale de réformes institutionnelles. Il n'est donc pas nécessaire de réviser la Constitution. En ce qui concerne les allocations familiales, on observera en outre qu'elles peuvent sans doute même être transférées aux communautés sans modification de la loi spéciale de réformes institutionnelles. Les communautés sont en effet, sans aucune exception, compétentes en matière de « politique familiale, en ce compris toutes les formes d'aide et d'assistance aux familles et aux enfants ». La compétence fédérale en matière d'allocations familiales ne repose que sur la compétence généralement réservée à la fédération en matière de sécurité sociale.
Pourquoi est-il proposé de confier l'assurance soins de santé et les prestations familiales aux communautés, et non aux régions ?
Le principal argument qui plaide en faveur d'une révision de la répartition des compétences existante est sans doute le souci de constituer des blocs de compétences cohérents. Les communautés ont dès à présent la possibilité de mener une politique sociale grâce aux compétences qu'elles ont dans le domaine des matières personnalisables. Le fait que tant l'assurance soins de santé que les prestations familiales sont demeurées des compétences fédérales entrave toutefois un exercice optimal de ces compétences. Cette compétence fédérale constitue une exception très importante aux compétences communautaires en matière de politique de santé et de politique familiale. La compétence fédérale en matière d'assurance soins de santé est par ailleurs liée à une série d'autres compétences en matière de soins de santé, qui ont été maintenues au niveau fédéral en raison de leur lien étroit avec cette assurance. La politique de santé est dès lors fractionnée entre deux niveaux de pouvoir, ce qui empêche de mener une politique de santé cohérente, permettant d'harmoniser de manière optimale l'assurance soins de santé et le reste de la politique de santé. La compétence communautaire en matière de politique familiale a, elle aussi, été en quelque sorte décapitée du fait que la compétence en matière de prestations familiales est demeurée fédérale.
Eu égard à ce qui précède, il paraît aller de soi que l'on propose d'attribuer aux communautés la compétence en matière de régimes de sécurité sociale à finalité compensatoire. Les communautés deviendraient ainsi pleinement responsables en matière de politique familiale et de politique de santé et l'on ferait un pas important vers la création de blocs de compétence cohérents. Tel ne serait pas, ou nettement moins, le cas, si la compétence en matière de régimes de sécurité sociale à finalité compensatoire était attribuée aux régions. Dans ce dernier cas, les compétences seraient en effet à nouveau réparties de manière incohérente, cette fois entre les communautés et les régions, ce qui entraverait à nouveau la mise en oeuvre d'une politique efficace en matière de santé et de famille, en particulier dans la Région de Bruxelles-Capitale.
Par ailleurs, sur le plan de la technique juridique, il est manifeste que c'est à la compétence communautaire relative aux matières personnalisables que les éléments de la sécurité sociale à finalité compensatoire se rattâchent le plus naturellement. L'attribution de la compétence relative à ces éléments par une simple adaptation de la loi spéciale de réformes institutionnelles se justifie parfaitement du point de vue constitutionnel. Cette adaptation ne modifie pas fondamentalement le système de répartition des compétences mis en ouvre dans la Constitution et dans la loi spéciale de réformes institutionnelles. Elle se borne à supprimer les exceptions aux compétences déjà attribuées aux communautés. Sans doute serait-il en revanche également possible, sur le plan de la technique juridique, d'attribuer aux régions la compétence relative aux aspects de la sécurité sociale à finalité compensatoire par une modification de la loi spéciale. En effet, la Constitution n'explicite pas les compétences des régions. Cependant, ce choix, qui serait en contradiction avec la logique qui préside à la répartition des compétences depuis 1980, ne serait guère défendable sur le fond.
Luc VAN DEN BRANDE. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.
Art. 2
L'article 5, § 1er, I, 1º, c), de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles est complété comme suit : « , branche indemnités, ainsi que du financement de l'assurance maladie-invalidité dans son ensemble ».
Art. 3
L'article 5, § 1er, II, 1º, de la même loi spéciale est complété comme suit : « , ainsi que les prestations familiales, à l'exception de leur financement ».
20 juillet 2002.
Luc VAN DEN BRANDE. Chris VANDENBROUCKE. Ludwig CALUWÉ. Mia DE SCHAMPHELAERE. Hugo VANDENBERGHE. |