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Sénat de Belgique

SESSION DE 1998-1999

27 OCTOBRE 1998


Projet de loi relative à la classification et aux habilitations de sécurité


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES PAR MME LIZIN


A. EXPOSÉ DU MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

Les projets de loi qui vous sont soumis ont pour objet, d'une part, d'organiser la classification de certaines informations et de déterminer les conditions dans lesquelles les habilitations de sécurité peuvent être délivrées et, d'autre part, de créer un organe de recours auprès duquel les décisions de refus d'habilitations de sécurité peuvent être contestées.

Le projet du gouvernement, qui portait exclusivement sur la définition de la procédure devant conduire à la délivrance ou au refus des habilitations de sécurité, a été complété, lors de son adoption à la Chambre, par une série de dispositions concernant la classification. Ces dispositions étaient attendues depuis longtemps et trouvent ici une place adéquate puisqu'elles définissent en quelque sorte le champ d'application de la loi portant sur les habilitations de sécurité.

La classification consiste en l'attribution d'un degré de protection à certaines informations dont l'utilisation inappropriée pourrait porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État. Pour accéder à des données classifiées, une personne doit être titulaire d'une autorisation officielle appelée une habilitation de sécurité. Une telle autorisation ne peut être délivrée à une personne physique ou morale qu'au terme d'une enquête, dite enquête de sécurité. Cette enquête vise à recueillir, au sujet des personnes qui en sont l'objet et au sujet de leur entourage proche, une série de données dont la nature et le degré de sensibilité varient en fonction du niveau de l'habilitatioin requise, afin de déterminer si ces personnes offrent des garanties suffisantes au point de vue de la loyauté, de l'intégrité et de la discrétion.

Les enquêtes de sécurité préalable à la délivrance d'une habilitation de sécurité constituent dès lors une ingérence dans la vie privée de la personne qui en est l'objet.

Les projets de loi qui vous sont soumis s'efforcent donc de trouver un équilibre entre, d'une part, l'intérêt fondamental qu'a l'État de préserver le secret qui entoure des documents classifiés en s'assurant de la loyauté, de l'intégrité et de la discrétion des personnes qui y ont accès et, d'autre part, le respect de la vie privée de ces personnes.

Le ministre est d'avis que tant en ce qui concerne la classification que les habilitations de sécurité un juste équilibre a été trouvé entre les droits et les devoirs des citoyens ou entre les droits et les devoirs de l'État.

Désormais, la Belgique disposera d'une base juridique incontestable pour procéder à la classification de certaines informations et pour procéder à des enquêtes de sécurité visant à délivrer des habilitations de sécurité aux personnes qui doivent avoir accès à des informations classifiées en raison des fonctions qu'elles exercent. Les secrets qui doivent être protégés le seront donc sur une base incontestable tandis que les enquêtes de sécurité s'inscriront dans un cadre légal précis, ce qui permettra d'améliorer la protection de la vie privée des citoyens.

Enfin, il est important de souligner l'accroissement de la sécurité juridique qui résultera du fait qu'un système de recours est organisé pour permettre de contrôler la légalité des décisions de refus d'habilitations de sécurité. L'organe de recours créé aura à contrôler le respect de la loi par les décisions prises par l'autorité nationale de sécurité après enquête effectuée par les services de renseignement. À cette fin, l'organe de recours aura accès aux résultats de l'ensemble de l'enquête effectuée par les services de renseignement, ce qui constitue une garantie pour les requérants. En outre, le projet du gouvernement a été amendé en vue d'élargir les pouvoirs de l'organe de recours pour contrôler la légalité des décisions de refus prises par l'autorité nationale de sécurité.

Avant de vous exposer les grandes lignes des projets de loi qui vous sont soumis, je vais tenter de vous décrire le contexte dans lequel ils s'inscrivent afin de justifier leur adoption.

1. Situation actuelle

Actuellement, la plupart des enquêtes de sécurité sont effectuées sur la base de règlements internationaux (OTAN), de directives gouvernementales ou ministérielles et d'un arrêté royal.

Ces différents textes sont soit excessivement vagues soit classifiés (CM(55)-15 OTAN), ce qui ne va pas sans poser de problèmes juridiques. Nous y reviendrons ultérieurement.

Sur la base de ces textes, entre 20 000 et 25 000 enquêtes de sécurité étaient menées en 1993 par les services de renseignements. Ces enquêtes sont exécutées par le Service général du Renseignement et de la Sécurité pour 85 à 90 %, par la Sûreté de l'État pour 7 à 10 % et par la Sécurité nucléaire pour 3 à 4 % de celles-ci.

Depuis la suspension du service militaire, le nombre des enquêtes de sécurité menées par le SGR s'est substantiellement réduit pour n'être plus que de 10 500 en 1997.

Sur la base de ces enquêtes de sécurité, des certificats de sécurité de différents niveaux sont octroyés ou refusés. Ces niveaux sont au plan national : « confidentiel », « secret » et « très secret » et au niveau OTAN : « confidential », « secret », « top secret », « cosmic », « atomal » en « atomic ». Les refus représentent entre 1 et 2 % des cas.

Jusqu'à il y a quelques années, les habilitations de sécurité étaient délivrées, même pour les habilitations de sécurité au niveau belge, par l'autorité nationale de sécurité qui fut créée par le Comité ministériel de la défense le 5 janvier 1953 afin d'assurer la protection des informations classifiées par l'OTAN. Celle-ci est un organe présidé par le directeur général des services généraux auprès du ministère des Affaires étrangères et est composée de l'administrateur général de la Sûreté de l'État ainsi que du chef du service général du Renseignement et de la Sécurité des Forces armées.

L'autorité nationale de sécurité avait cependant donné délégation au SGR pour ce qui concerne les certificats de sécurité octroyés au personnel militaire et civil du ministère de la Défense nationale ainsi qu'au personnel de certaines entreprises installées sur le territoire, ainsi qu'à l'administrateur général de la Sûreté de l'État pour son personnel.

Depuis novembre 1994, l'autorité nationale de sécurité a décidé de délivrer uniquement des certificats de sécurité à des personnes devant avoir accès à des informations classifiées par l'OTAN, l'UEO et Eurocontrol, s'estimant incompétente pour délivrer des certificats de sécurité donnant accès à des documents classifiés au niveau national.

Par conséquent, depuis novembre 1994, les habilitations de sécurité au niveau national ne sont plus délivrées par l'autorité nationale de sécurité, mais uniquement par les services de renseignements eux-mêmes.

Au niveau international, l'autorité nationale de sécurité continue à délivrer des habilitations de sécurité sur la base des enquêtes de sécurité effectuées par les services de renseignements. Ce faisant, l'autorité nationale de sécurité continue d'assumer les responsabilités qui lui incombent en vertu d'obligations de l'OTAN.

À côté de cette première difficulté, liée à une interprétation restrictive de ses compétences par l'autorité de sécurité, est survenue une seconde difficulté d'ordre juridique. En effet, suite aux recours introduits par deux agents civils du SGR auprès du Conseil d'État contre l'ordre qui leur était donné d'introduire une demande de certificat de sécurité, le Conseil d'État a considéré que les enquêtes de sécurité constituaient une ingérence de l'autorité publique dans l'exercice du droit des requérants au respect de la vie privée qui n'était pas conforme aux conditions prévues par l'article 8, § 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le Conseil d'État a en effet considéré que « l'article 8, § 2, de la Convention permet l'ingérence de l'autorité publique dans l'exercice du droit de toute personne au respect de sa vie privée, pour autant que cette ingérence est conforme à la loi, qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire, notamment à la sécurité nationale et à la sûreté publique et que les textes qui la prévoient soient accessibles à l'intéressé et rédigés en termes assez clairs pour lui indiquer de manière adéquate en quelles circonstances et sous quelles conditions ils habilitent la puissance publique à s'y livrer, spécialement si l'ingérence présente un caractère secret ».

Le Conseil d'État a ensuite estimé que ni l'article 14, § 3, de l'arrêté royal du 19 décembrte 1989 portant organisation de l'état-major général ni le Traité de l'Atlantique Nord et les décisions prises par le Conseil de l'OTAN ne remplissent ces conditions : le premier n'étant pas suffisamment précis et les seconds ne répondant pas aux exigences de légalité, d'accessibilité et de prévisibilité imposées par l'article 8 de la Convention.

Depuis cet arrêt, l'ensemble de notre système d'habilitations de sécurité est fragilisé puisque les enquêtes qui précèdent la délivrance ou le refus de délivrance d'une habilitation de sécurité reposent sur une base légale contestée et sont donc contestables au regard de l'article 8, § 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

2. Les projets soumis au Parlement

Afin de permettre à la Belgique de remplir les obligations internationales qui lui incombent en vertu tant des traités OTAN, UEO ou Eurocontrol qu'en vertu de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et en vue de lui permettre de protéger ses données classifiées, le gouvernement a jugé nécessaire de déposer les projets de loi qui vous sont soumis. Ces projets de loi s'inscrivent dans la foulée du projet de loi organique des services de renseignement que la Chambre a approuvé l'automne dernier.

Ce projet de loi a en effet confirmé en ses articles 7, § 1er , 2º, et 9, § 1er , 4º, que la Sûreté de l'État et le Service général du Renseignement et de la Sécurité avaient pour mission d'effectuer les enquêtes de sécurité qui leur sont confiées conformément aux directives du Comité ministériel.

Les projets de loi qui sont soumis ont d'abord pour objet d'organiser la classification de certaines informations.

La classification consiste à attribuer un degré de protection, par ou en vertu de la loi d'obligations internationales liant la Belgique, à des informations, documents ou données, matières ou matériaux, sous quelque forme que ce soit, dont l'utilisation inappropriée pourrait porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État.

Ces intérêts comprennent, notamment, les questions de défense et les missions des Forces armées; la sûreté intérieure et extérieure de l'État, y compris la sécurité des ressortissants belges à l'étranger; le potentiel scientifique et économique du pays, le fonctionnement des institutions et tout autre intérêt fondamental de l'État.

La classification contient trois degrés de protection qui évoluent du confidentiel au secret et enfin au très secret. Ces différents degrés sont attribués, en fonction du contenu des données à protéger, selon que l'utilisation inappropriée peut porter atteinte, porter atteinte gravement ou très gravement aux intérêts de l'État.

Par utilisation, on entend aussi bien la prise de connaissance que la détention, la conservation, ou encore le traitement, la communication, la diffusion ou la reproduction, la transmission ou le transport.

Le degré de classification détermine, très logiquement, le niveau de l'habilitation requise pour avoir accès aux informations, documents ou données, au matériel ou aux matériaux et matières ainsi qu'aux lieux où ils se trouvent.

Les projets de loi qui vous sont soumis ont encore pour objet de définir les modalités selon lesquelles doivent se dérouler les enquêtes de sécurité et les modalités selon lesquelles les habilitations de sécurité doivent être délivrées, ainsi que de créer un organe chargé de connaître des recours contre les décisions refusant l'octroi d'une habilitation de sécurité.

Le ministre souligne les progrès en termes de protection de la vie privée que contiennent les deux projets de loi.

Tout d'abord, la personne qui est l'objet d'une enquête de sécurité devra à l'avenir être avertie préalablement de la nécessité de procéder à une enquête de sécurité. Aucune exception n'est prévue à cette règle. Par le biais de cet avertissement, l'individu devra être informé de l'objet précis de l'enquête de sécurité, des modalités de celle-ci et des types de données qui pourront être examinées ou vérifiées. Cet avertissement n'a donc rien de symbolique. Il doit être aussi précis que possible, sans toutefois permettre à l'intéressé de camoufler les éléments qui pourraient faire douter de sa loyauté vis-à-vis de l'État belge, de son intégrité ou de sa discrétion.

Non content d'exiger pareil avertissement préalable, le projet établit comme principe général l'accord préalable de la personne pour laquelle l'habilitation de sécurité est requise. Il s'agit là d'une avancée significative dans la protection des libertés individuelles qui va au-delà des exigences de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Cette règle de l'accord préalable connaît néanmoins deux exceptions.

C'est ainsi que les cohabitants majeurs de la personne pour laquelle l'habilitation de sécurité est demandée ne doivent pas marquer leur accord. Le but est d'éviter qu'une personne qui n'a pas d'intérêt direct dans l'enquête de sécurité et donc dans son résultat ne puisse entraver la candidature ou la désignation d'une personne à une fonction déterminée dans l'hypothèse où elle serait opposée à cette candidature ou à cette désignation.

Une deuxième exception est prévue pour les personnes qui peuvent être affectées sur ordre de leur hiérarchie à une mission requérant la possession d'une habilitation de sécurité. En rendant obligatoire leur accord, on permettrait à ces personnes d'éviter leur affectation en refusant leur accord. Ceci serait de nature à entraver gravement le fonctionnement des forces armées, des services de renseignements ainsi que du ministère des Affaires étrangères. Pour ces personnes, l'accord est demandé une fois pour toutes lors de leur engagement. Ce qui n'empêche pas, répétons-le, qu'elles devront toujours être averties avant toute enquête de sécurité à leur égard.

Lorsqu'au terme de l'enquête de sécurité l'habilitation de sécurité est refusée, une voie de recours est créée contre cette décision alors que tel n'était pas le cas jusqu'à présent. Le système de recours mis en place permet de concilier habilement le maintien du nécessaire secret devant entourer certaines informations et la protection des droits de la défense. L'organe choisi pour connaître des recours, le Comité R, qui agit en l'occurrence comme organe juridictionnel, offre toutes les garanties en termes de préservation du secret des données qu'il sera amené à consulter et en termes de connaissance du milieu du renseignement. Il peut donc avoir accès pour statuer sur les recours qui lui sont soumis à un dossier d'enquête complet et donc à toutes les informations qui ont conduit à la décision de refus de l'habilitation de sécurité. Il peut en outre demander des informations complémentaires au service de renseignement qui a effectué l'enquête.

Le requérant dispose quant à lui pour sa défense du droit de consulter le dossier d'enquête, d'être entendu par l'organe de recours et de se faire assister par un avocat. Cependant, pour préserver le caractère secret de certaines données, l'organe de recours peut extraire du dossier qui est soumis au requérant et à son avocat certaines données. L'article du projet définit de manière restrictive les motifs pour lesquels certaines données peuvent êtres extraites du dossier.

Enfin, le projet de loi attribue certains pouvoirs aux agents des services de renseignements qui sont chargés d'effectuer des enquêtes de sécurité. C'est ainsi qu'il est prévu qu'ils peuvent accéder à une série de banques de données dont l'accès est strictement limité par la loi ou la réglementation, qu'ils peuvent demander des informations aux services de police générale et qu'ils peuvent requérir de certains services publics la communication de certains renseignements. L'exercice de ces pouvoirs est cependant subordonné à la présentation de documents officiels permettant de vérifier que ces agents sont dûment habilités, possèdent un mandat clair et agissent en parfaite conformité avec la loi.

Telles sont les grandes lignes des projets de loi qui vous sont soumis et qui feront l'objet de nos travaux.

B. DISCUSSION GÉNÉRALE

Un membre est d'avis que le gouvernement a fait un effort pour mieux protéger la vie privée. En ce qui concerne l'information préalable, le projet de loi va plus loin que la Convention européenne des droits de l'homme. L'intervenant s'interroge sur la praticabilité d'un certain nombre de missions nécessaires pour l'Etat et sur la lourdeur des procédures. Pourquoi le projet va-t-il au delà des obligations de la convention ?

Un autre membre estime qu'il faut légiférer en la matière. Il formule, cependant, à l'encontre du texte adopté par la Chambre des représentants, quelques objections qui sont à la base des amendements qu'il a déposés.

La première objection concerne l'autorité de sécurité. Le gouvernement prendra un arrêté royal pour désigner une autorité de sécurité et un autre pour en publier la composition. Or, le projet parle d'autorités de sécurité au pluriel. Le Conseil d'État, lui aussi, a posé la question de savoir s'il y a une ou plusieurs autorités de sécurité. D'après le projet de loi, c'est le Roi qui désigne l'autorité nationale de sécurité; il peut déléguer cette compétence aux services de renseignements et de sécurité (le SGR et la Sûreté de l'État). L'on ne sait donc pas très bien qui délivrera les habilitations de sécurité.

En outre, l'intervenant estime normal que la personne concernée doive consentir préalablement à l'enquête de sécurité. Le projet prévoit deux exceptions à ce principe : d'une part pour ceux qui, dans un cadre hiérarchique, doivent accomplir certaines missions et qui, par conséquent, doivent être soumis en tout état de cause à pareille enquête (il s'agit principalement de militaires) et, d'autre part, pour les personnes qui cohabitent avec ceux qui doivent faire l'objet d'une enquête. Le partenaire ­ marié ou non ­ est informé de l'enquête, mais son consentement n'est pas requis pour une enquête qui est pourtant très approfondie. Il ne peut pas s'y opposer. Selon l'intervenant, ce devrait être possible. Il faut demander expressément le consentement du partenaire avec toutes les conséquences que cela peut avoir pour l'intéressé.

Un autre problème, également soulevé par le Conseil d'État, concerne la nature des données qui font l'objet d'une enquête ou de vérifications. Le projet est très vague à ce sujet; il devrait se montrer plus précis. Sinon, en cas d'enquête de sécurité, on aura immédiatement accès à toutes les données personnelles de l'intéressé.

À propos de l'article 9 du projet, un membre fait observer que les agents qui dirigent l'enquête sont détenteurs d'une carte de légitimation et qu'ils ont donc accès à l'ensemble des dossiers. L'intervenant estime que ces enquêteurs doivent disposer non seulement d'une carte de légitimation, mais également du dossier et de l'accord de l'intéressé, de manière à exclure les abus éventuels.

L'intervenant rappelle qu'à l'occasion des auditions, les représentants du Comité R ont déclaré à la Chambre des représentants qu'ils ne considéraient pas ce comité comme l'instance de recours idéale en la matière. À la Chambre, on a envisagé trois solutions possibles pour ce qui est de l'instance de recours : le Comité R (comme prévu actuellement dans le projet), le Conseil d'État ou une commission composée de trois magistrats à la retraite qui seraient eux-mêmes détenteurs d'une habilitation de sécurité et qui seraient désignés pour une période de cinq ans par le premier président de la cour d'appel de Bruxelles. Le Comité R est d'ores et déjà une instance administrative et ne saurait en aucun cas être juge et partie. L'intervenant est partisan de la troisième solution.

Enfin, le membre se réfère à l'avis du Conseil d'État. Celui-ci y formule une série de remarques pertinentes concernant la terminologie utilisée et le texte néerlandais. L'intervenant estime que le Sénat, qui a un rôle à jouer pour la bonne qualité de la législation, se doit de corriger le texte néerlandais.

La rapporteuse fait remarquer que le Comité R propose de ne pas déléguer les compétences en matière d'habilitation de sécurité à l'autorité de sécurité, et de les garder au niveau des autorités collégiales. Le projet entraînera un travail plus développé qu'actuellement en cette matière, qui nécessite plus de membres du personnel. Est-ce que le gouvernement envisage un recrutement du personnel pour exercer ces compétences ?

Lors des discussions dans la Chambre, le Comité R a formulé quelques recommandations intéressantes. Il propose notamment de préciser le concept de « secret » et de l'intégrer dans la loi ou, en tout cas, de le reprendre dans l'exposé des motifs.

Une dernière remarque concerne la suite des recours fondés contre des décisions en matière d'habilitation. Est-ce que l'on restaure le droit à l'habilitation ? Des dommages sont-ils accordés ? L'intervenante souligne que la procédure, prévue dans la loi, réfère à un cas spécifique, qui a connu beaucoup de publicité dans le cadre du système « Sirène ». Ces procédures couvrent-ils aussi tous les cas qui relèvent de ce système ?

Un membre note que la Chambre des représentants a accompli un travail minutieux, que les amendements de M. Goris y ont déjà été déposés et qu'ils n'ont pas été adoptés. L'intervenant estime que le projet répond à une nécessité, vu le nombre de litiges portant sur l'octroi d'une habilitation. Il y a néanmoins de quoi s'étonner du grand nombre d'enquêtes, ce qui implique sans doute un nombre considérable de fonctionnaires, comme l'a relevé la préopinante. Est-il justifié et nécessaire d'accorder des milliers, voire des dizaines de milliers d'habilitations ? Ces habilitations vont-elles de pair avec certains droits ou privilèges ? Dans combien de cas des décisions en matière ont-elles donné lieu à un recours par le passé d'habilitation ? S'attend-on à ce que de nombreux recours soient introduits ?

Le ministre répond que, en ce qui concerne la protection de la vie privée, le gouvernement a voulu prendre le contre-pied de la situation antérieure, dans laquelle il n'y avait pas de législation ou de réglementation. Le gouvernement veut assurer le maximum de protection de la vie privée, afin d'éviter des discussions sur ce sujet. Dans le texte proposé, on a essayé de trouver un compromis honorable entre les exigences contradictoires de l'intérêt de l'État et de la défense de la vie privée des individus. Le ministre ne pense pas que les propositions ne sont inapplicables ou trop lourdes.

L'habilitation de sécurité ne crée pas de droits. Il s'agit d'une formalité qu'il faut remplir, qui donne droit à l'accès d'une certaine information. Pour obtenir une habilitation, la personne concernée doit avoir le besoin de connaître des informations dans sa fonction. Cette connaissance doit être nécessaire pour l'exercice d'une fonction.

Le problème de la délégation a été réglé dans l'article 15 nouveau du texte de la Chambre des représentants, où le Roi est habilité de déléguer ses compétences en matière d'habilitations de sécurité. Il s'agit donc d'une faculté, donnée au Roi, d'accorder cette délégation en fonction des circonstances et de la praticabilité des mesures.

Le ministre estime qu'il est important que les critères, utilisés pour les enquêtes, sont objectifs et connus. Ils ne doivent pas être universellement connus. Il y aura une procédure dans laquelle le comité ministériel du renseignement peut avoir accès à l'ensemble de la méthodologie et peut donner son aval à un ensemble de critères, qui ne doit pas nécessairement être porté à la connaissance de chacun des individus qui pourrait être concerné. En ce qui concerne la carte de légitimité, le ministre est d'avis que l'article rencontre la préoccupation évoquée, parce qu'il y a une hiérarchie dans les démarches qui peuvent être faites par les agents. Le ministre renvoie à l'article 19 du projet, dans lequel une gradation dans l'usage est inscrite.

Le ministre rappelle que la Chambre des représentants s'est longuement débattu sur la problématique des cohabitants. Ici aussi, le gouvernement a voulu obtenir un compromis entre les missions de l'État et la protection de la vie privée, sans que le cohabitant ait la capacité d'empêcher une procédure. Le fait, que le cohabitant sera averti de l'enquête, lui donne des garanties suffisantes.

À la Chambre, le président du Comité R a fait des propositions sur la procédure de recours. Le gouvernement a suivi une des propositions. La Chambre était d'avis que la proposition du gouvernement répondait à la meilleure façon aux préoccupations existantes. Le Comité R est une institution créée par le Parlement, avec des compétences en matière de gestion d'information, de la classification du secret, etc., qui, globalement, rend satisfaction. Est-ce que l'on doute à la capacité du Comité R de satisfaire à cette mission ? Auparavant, il n'y avait pas d'instance de recours. Il y avaient seulement quelques procédures sur les conséquences indirectes du refus d'habilitation, par exemple sur des promotions, etc.

Le ministre dit être prêt à accepter des adaptations techniques, si cela apparaît nécessaire. L'article 4 répond partiellement à la suggestion, faite par le Comité R, de décrire plus précisément les classifications du « secret ». Cependant, le ministre reste ouvert aux suggestions pour améliorer le texte du projet ou de l'exposé des motifs en cette matière.

Un membre se réfère à la discussion qui a été menée à l'occasion de la réforme des services de renseignements et de sécurité, qui visait à découvrir les « éléments subversifs » susceptibles d'affaiblir l'État. Dans le présent projet, il s'agit au contraire de personnes au service de la nation : les attachés militaires, le personnel d'ambassade, les officiers de l'armée, etc. Il ne s'agit donc pas d'« éléments subversifs ». Les amendements déposés par l'intervenant ont pour but d'empêcher que le titulaire d'une carte de légitimation puisse utiliser à mauvais escient certaines données personnelles qui sont sans importance. La vie privée des personnes qui assurent la sécurité du pays doit bénéficier d'une protection maximale.

L'intervenant relève en outre que l'article 19, alinéa 2, 1º, du projet adopté par la Chambre des représentants permet au titulaire d'une carte de légitimation d'accéder sans frais au casier judiciaire central, aux registres de la population et des étrangers, etc. Les amendements visent à préciser que le titulaire d'une carte de légitimation doit également disposer du dossier et de l'accord de l'intéressé pour y avoir accès.

Enfin, l'intervenant souligne que le Comité R exercera un contrôle général sur l'octroi des habilitations de sécurité. Si ce comité est amené, d'une part, à participer à l'élaboration de la politique générale et, d'autre part, à statuer sur des cas concrets, il sera à la fois juge et partie. L'intervenant se réfère aux observations du Conseil d'État qui considère le Comité R comme une instance de recours qui n'est pas « juridiquement admissible ». Le Conseil estime que les règles de procédure doivent être fixées par la loi ou, conformément à l'article 108 de la Constitution, dans un arrêté royal sur la base des principes fixés dans la loi. L'intervenant persiste à penser qu'un collège de trois magistrats indépendants est la solution la plus élégante.

Le ministre de la Défense nationale estime que l'analyse de l'article 19, faite par l'intervenant précédent, est unilatérale. Beaucoup de fonctionnaires communaux ont accès au registre national sans aucune procédure. Ici, les fonctionnaires concernés n'ont accès que sur présentation de leur carte de légitimation. Pour des informations plus délicates, décrites dans les 2º et 3º, ils ont aussi besoin de l'accord ou de l'avertissement du concerné. Cette gradation rencontre largement les préoccupations possibles, afin d'éviter que des fonctionnaires qui font l'enquête puissent en profiter pour obtenir des autres données sensibles qui peuvent nuire à la personne concernée.

En ce qui concerne la procédure de recours au Comité R, il y a une confusion entre le rôle de l'autorité nationale de sécurité du comité ministériel, qui définit les règles et organise la politique de renseignements, et le Comité R, qui est une instance de contrôle a posteriori et qui est indépendant de l'autorité de sécurité.

Un membre demande quel est le sort des habilitations existantes. Quel est le nombre d'habilitations à l'heure actuelle ? Seront-ils transmis automatiquement ? Quel est le nombre de recours contre des refus d'une carte d'habilitation ? De plus, l'intervenant est d'avis que le cohabitant de la personne concernée ne doit pas seulement être averti que l'on fera une enquête, mais doit donner son consentement. Que se passe-t-il si la personne concernée change de partenaire ?

Le ministre répond que ce n'est pas le but du projet d'accroître inutilement le nombre des habilitations de sécurité. Le nombre a été réduit à cause de la suppression du service militaire. Il souligne qu'il y a divers degrés de classification, et qu'il y a un grand nombre d'enquêtes qui concernent l'aspect du document confidentiel. Par exemple, les membres du cabinet de la défense ont fait l'objet d'une enquête de sécurité parce qu'ils ont accès aux documents classés comme « confidentiel ». Le type d'enquête peut être différent en fonction des exigences et de la classification que l'on veut donner. Le ministre répète qu'une carte de légitimation ne crée pas de droits. Tout fonctionnaire n'a pas le droit d'être habilité; cela dépend des tâches qu'il doit remplir et de ses missions.

En ce qui concerne la problématique des cohabitants, le ministre souligne que les enquêtes de sécurité font partie d'un processus dynamique. Quelqu'un peut obtenir une habilitation de sécurité à un certain moment, et la perdre dans d'autres circonstances. Ce qui importe, c'est que le système soit suffisamment objectif et que les conditions d'un retrait éventuel soient justifiées par des critères objectifs. Si la situation personnelle de quelqu'un changerait, il ne serait pas anormal qu'en fonction de l'évolution de sa situation personnelle, son habilitation serait modifiée ou qu'une nouvelle enquête aurait lieu.

Un membre fait remarquer que l'on prévoit une classification comprenant trois degrés : « très secret », « secret » et « confidentiel ». L'enquête varie déjà selon le degré : plus celui-ci est élevé, plus l'enquête sera approfondie. Le projet de loi mentionne certes les trois degrés, mais ne mentionne pas le type d'enquête qui correspond à chacun d'eux. L'article 8 de la CEDH exige pourtant que la loi ­ et non le Roi ou le ministre ­ précise les enquêtes qui peuvent être effectuées en fonction du degré. L'intervenant renvoie aux deux arrêts rendus en la matière par la Cour européenne des droits de l'homme. Le projet de loi doit donner ici davantage de précisions, afin que l'intéressé sache dès le départ jusqu'à quel point on enquêtera sur sa vie privée.

Le ministre répond qu'il ne faut pas partir du préalable que toutes les personnes concernées sont de bonne volonté et ne veulent pas nuire l'état. Il faut éviter que, par la législation, ces personnes puissent échapper d'avance à des situations que l'on veut examiner. Les critères, décrits dans la loi, peuvent être précisés par le Roi. Les critères feront l'objet d'une procédure interne au sein du comité ministériel du renseignement, qui permettra d'assurer l'objectivité et la rigueur nécessaire à ces critères. Le ministre partage l'avis de l'intervenant précédant qu'il y a des gradations dans l'enquête qui correspondent avec le niveau de sécurité. Ces gradations feront l'objet d'un règlement au niveau exécutif. Enfin, le ministre renvoie à l'exposé des motifs du projet, où le point de vue du gouvernement par rapport aux arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme est expliqué, et aux amendements de la Chambre sur l'article 18 (nouveau), où l'on indique que l'ampleur de l'enquête varie en fonction du niveau de l'habilitation, et est déterminé à chaque niveau par le comité ministériel et transmis au Comité R.

C. DISCUSSION DES ARTICLES

Article 3

M. Goris dépose un amendement qui vise à extraire la question de l'énergie nucléaire du point c) de cet article pour l'insérer dans un nouveau point i) (doc. Sénat, nº 1-1011/3, 1998-1999, amendement nº 6). Comme le Conseil d'État l'a fait remarquer, ce jour, l'accès à des documents classifiés dans le domaine du nucléaire est subordonné à une décision du directeur de la sécurité nucléaire après qu'a été accomplie une enquête par les soins d'un officier de sécurité. La procédure actuelle est plus simple que celle proposée dans le projet. On risque de voir deux procédures coexister en matière d'énergie nucléaire. Comme le projet à l'examen va plus loin que le régime existant, il convient de supprimer ce dernier.

Le ministre répond que cet amendement vise à éviter que subsistent deux procédures d'habilitation de sécurité, l'une prévue dans la présente loi, l'autre dans l'arrêté royal du 14 mars 1956 concernant la sécurité nucléaire, ce qu'avait critiqué, dans son avis, le Conseil d'État.

À cet égard, le gouvernement tient à souligner qu'un avant-projet de loi modifiant la loi du 4 août 1955, approuvé par le Conseil des ministres le 20 juin 1997 et envoyé pour avis au Conseil d'État, prévoit explicitement la faculté accordée au Roi de soumettre certaines personnes à des enquêtes de sécurité afin de déterminer si elles offrent des garanties absolues au point de vue de la loyauté, de l'intégrité et de la discrétion (ces trois derniers termes ont été repris tels quels de l'article 3 du présent projet). La loi du 4 août 1955 vise toutefois un ensemble de mesures de sécurité dont les habilitations de sécurité ne sont qu'un aspect : il existe aussi des dispositions concernant la sécurité matérielle des endroits où sont entreposées des matières nucléaires. L'arrêté royal du 14 mars 1956 précité sera revu pour le rendre compatible avec la future version de la loi de 1955, pour éviter les doubles emplois avec des principes déjà énoncés dans la future loi sur les habilitations de sécurité et pour permettre la reprise des compétences de la sécurité nucléaire par la Sûreté de l'État.

Enfin, l'amendement déposé propose d'abroger un arrêté royal, ce qui ne relève pas de la compétence du législateur mais de celle du Roi. Dès que le projet de loi aura été adopté, le Roi devra abroger ou modifier toutes les dispositions réglementaires qui n'y sont pas conformes.

L'auteur de l'amendement compte sur le gouvernement pour qu'il prenne effectivement les initiatives qui s'imposent pour adapter les procédures qui ont été fixées par arrêté royal. L'intervenant retire son amendement nº 6.

Article 13

M. Goris dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1-1011/2, 1998-1999, amendement nº 1). À l'article 13 ­ dont le contenu sera transféré à l'article 2 ­, il est question d'un « document, renseignement ou matériel classifié », sans que l'on précise ce qu'il faut entendre par là. L'amendement propose une définition selon laquelle la classification est établie par la loi ou par une autorité publique, et qui a été inspirée par le Comité permanent de contrôle des services de renseignements. On risque en effet de voir n'importe quel document être qualifié de « secret », avec toutes les conséquences qui s'ensuivent pour la vie privée des intéressés.

Le ministre de la Défense nationale répond que cet amendement se fonde sur une remarque du Comité R qui a été formulée par rapport au texte déposé par le gouvernement. Depuis lors, ce texte a été amendé dans le sens voulu par le Comité R, à savoir par l'introduction des dispositions relatives à la classification.

En conséquence cet amendement ne paraît plus devoir être retenu.

Article 15

M. Goris dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1011/2, 1998-1999, amendement nº 2) tendant, d'une part, à attribuer à l'autorité de sécurité la compétence exclusive de délivrer les habilitations de sécurité et à supprimer la possibilité de délégation au SGR ou à la Sûreté de l'État et, d'autre part, à limiter la durée de l'habilitation. L'amendement nº 2 propose de ramener cette durée à 3 ans.

Le ministre explique que l'amendement a pour objet de rencontrer une critique formulée par le Comité R à l'encontre de l'ancien article 5. Selon le Comité R, le fait de permettre une délégation risquait d'entraîner une différence de traitement, une rupture de l'unité de la jurisprudence, en matière de délivrance des habilitations de sécurité pour ce qui concerne le personnel appartenant à la Sûreté de l'État, d'une part, et le personnel du SGR, d'autre part. Il estimait que la délivrance des habilitations de sécurité devait être centralisée.

Le gouvernement a souligné que ces délégations existaient déjà actuellement et que les risques mis en avant par le Comité R ne s'étaient pas concrétisés, jusqu'à ce jour, puisque, dans son rapport relatif à la délivrance des habilitations de sécurité, le Comité R n'a pas fait état de divergence dans la jurisprudence entre les chefs des services de renseignement dans ce domaine.

Cette absence de divergence résulte de la composition même de l'autorité nationale de sécurité à laquelle appartiennent les deux chefs des services de renseignement. Ceux-ci ont toute latitude, au sein de l'autorité nationale de sécurité, pour coordonner leur jurisprudence. C'est d'ailleurs ce qu'ils font en y discutant les cas délicats.

D'autre part, une centralisation entraînerait une surcharge de travail considérable pour l'autorité nationale de sécurité qui aurait à examiner plusieurs milliers de dossiers par an, ce qui risquerait d'entraîner une routine au sein de l'autorité nationale de sécurité.

Ici encore, la critique formulée par le Comité R a donné lieu à un amendement à la Chambre, en ce sens que le texte initial prévoyait que la délégation aux chefs de services procédait de la loi et que donc, seul le législateur pouvait y mettre fin en cas de dérapage. L'amendement a pour conséquence que, désormais, l'article 15 du projet de loi ne fait que permettre une délégation, mettant ainsi le Roi en position de corriger rapidement les divergences dans la jurisprudence qui pourraient éventuellement apparaître.

Par ailleurs, l'amendement vise à préciser de manière uniforme la durée des habilitations.

À cet égard, le gouvernement rappelle que l'article 16, § 1er , alinéa 1, prévoit que la personne qui doit obtenir une habilitation de sécurité est avertie de la durée de la validité de celle-ci. Le souci d'information de la personne qui fait l'objet de l'enquête de sécurité exprimé par le Comité R et monsieur Goris est donc rencontré.

Le gouvernement estime qu'il n'y a pas lieu de définir de manière uniforme la durée des habilitations de sécurité. Il faut, en effet, permettre aux autorités responsables de demander des habilitations de sécurité pour des durées différentes selon le niveau d'habilitation demandée, selon la fonction au titre de laquelle une habilitation de sécurité est demandée, voire même selon le contexte international dans lequel s'inscrit cette fonction. Une certaine souplesse en la matière doit être conservée.

Pour ces raisons, le gouvernement ne souhaite pas que l'amendement présenté par monsieur Goris soit retenu.

L'auteur de l'amendement souscrit à l'argumentation développée par le ministre concernant la durée de l'habilitation et retire la deuxième partie de son amendement nº 2 (deuxième alinéa proposé de l'article 5). Il maintient cependant la partie de son amendement relative à la suppression de la possibilité de délégation.

Article 16

M. Goris dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1011/2, 1998-1999, amendement nº 3) qui, en sus de l'obligation d'informer le partenaire cohabitant de l'enquête de sécurité, vise à imposer également le consentement de cette personne. La personne qui fait l'objet de l'enquête devra assumer les conséquences du refus éventuel de son partenaire.

Le ministre explique, en réponse à l'amendement de M. Goris qui concerne les cohabitants majeurs de la personne qui fait l'objet d'une enquête de sécurité, que le gouvernement constate que ni le Conseil d'État, ni la Commission pour la protection de la vie privée, ni le Comité R n'ont formulé d'objections quant au fait que ces personnes ne doivent pas marquer leur accord pour qu'une enquête de sécurité puisse les concerner mais qu'elles doivent uniquement en être averties.

Si les cohabitants majeurs doivent pouvoir faire l'objet d'enquêtes de sécurité, sans que ces personnes ne puissent y faire obstacle, c'est parce que l'État doit pouvoir s'assurer de la discrétion, de l'intégrité et de la loyauté des agents qu'il recrute afin de remplir certaines missions ou de personnes qui souhaitent pouvoir exercer certaines fonctions.

Dès lors, il s'agit de trouver un équilibre entre, d'une part, l'intérêt de l'État à ne pas voir ses secrets divulgués, pouvoir contrôler la fiabilité et la loyauté de ses fonctionnaires et à pouvoir affecter ses fonctionnaires aux fonctions où ils sont les plus utiles et, d'autre part, la protection de la vie privée des cohabitants des personnes qui font l'objet d'enquêtes de sécurité.

En permettant aux cohabitants de ces personnes d'empêcher que des missions requérant une habilitation de sécurité leur soient confiées ou qu'ils postulent à certaines fonctions, l'État se prive ou risque de se priver de personnes dont il a réellement besoin, ou de priver des organisations internationales ou des firmes privées de personnes dont elles ont un réel besoin.

En l'occurrence, l'équilibre a été trouvé dans le fait que le consentement des cohabitants n'est pas requis, mais que ceux-ci doivent être avertis de l'existence d'une enquête. Ainsi, les cohabitants sont privés de la possibilité d'empêcher que leur conjoint soit affecté à des fonctions nécessitant une habilitation de sécurité.

Il convient également de relever que les enquêtes portant sur les cohabitants sont exceptionnelles et sont généralement le résultat de la découverte d'éléments « troublants » lors de l'enquête de base.

Telles sont les raisons pour lesquelles le gouvernement ne peut suivre M. Goris lorsqu'il requiert l'accord des cohabitants pour qu'ils puissent faire l'objet d'enquêtes de sécurité.

Article 19

M. Goris dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1011/2, 1989-1999, amendement nº 4) tendant à subordonner l'accès aux différentes sources d'information telles que le casier judiciaire central, le registre de la population, etc., à la présentation d'un document attestant l'accord ou, le cas échéant, l'avertissement de la personne concernée. Cette modification aura pour effet de cibler davantage les enquêtes et d'éviter les abus.

Le ministre explique que cet amendement vise à obliger les personnes qui mènent les enquêtes de sécurité à exhiber systématiquement le document mentionnant l'accord de la personne qui fait l'objet de l'enquête de sécurité quel que soit le degré de confidentialité de ces données.

Le gouvernement ne peut approuver cet amendement qui lui paraît peu nuancé et lui semble méconnaître la hiérarchie établie dans le projet entre les types de données en n'exigeant pas la preuve de l'accord pour les données les moins sensibles.

Le gouvernement estime, en effet, qu'il n'y a pas lieu de subordonner à la production de la preuve l'accord de la personne concernée l'accès au casier judiciaire central tenu au ministère de la Justice, aux casiers judiciaires et aux registres de la population et des étrangers tenus par les communes, au registre national, au registre d'attente des étrangers ainsi qu'aux données policières qui sont accessibles aux fonctionnaires de police lors de l'exécution des contrôles d'identité, dans la mesure où ces données sont déjà très largement accessibles à différentes catégories de fonctionnaires.

Le gouvernement estime que, pour les données les moins sensibles, il n'y a pas lieu d'exiger des membres des services de renseignement des formalités supplémentaires à celles prévues.

Article 25

M. Goris dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1011/2, 1989-1999, amendement nº 5) limitant à un an le délai de conservation des données recueillies au cours de l'enquête, ce qui permet d'exclure des abus. Le texte du projet de loi est en effet trop vague et permet de tenir en permanence un dossier sur les fonctionnaires en service. L'intervenant se réfère à l'arrêt Kruslin de la Cour européenne des droits de l'homme du 24 avril 1990, qui exige des « règles claires et détaillées ».

Le ministre répond que le Comité R recommandait de compléter le projet par un article relatif à la destruction des données recueillies à l'occasion des enquêtes de sécurité. Lors de l'adoption du projet à la Chambre, le gouvernement a fait sien le critère suggéré par le Comité R, à savoir une destruction dès que la personne concernée ne sera plus susceptible de faire l'objet d'une enquête de sécurité, hormis lorsque les raisons pour lesquelles elles ont été recueillies sont toujours présentes et que leur conservation reste dès lors impérative.

En revanche, le gouvernenemt considère que l'ajout de la phrase proposée par l'amendement à la fin du premier alinéa, qui prévoit la destruction des données à caractère personnel à l'expiration d'un délai qui ne peut en aucun cas excéder un an, ne doit pas être retenu en raison de son caractère mécanique et peu nuancé.

L'amendement ne précise pas non plus à partir de quel moment ce délai maximum commence à courir. S'agit-il de la date de délivrance de l'habilitation de sécurité ou bien de la date d'expiration de la validité du certificat de sécurité ? Cette précision est d'autant plus importante qu'elle alourdit le travail des services de renseignement. Ce serait encore davantage le cas si, par exemple, ce délai commençait à courir à partir de la délivrance de l'habilitation de sécurité. Or, c'est bien dans le but d'éviter toute surcharge de travail inutile pour les services compétents que le gouvernement avait marqué son accord sur le texte de l'article 25 qui vous est soumis. Le gouvernement est d'avis que l'amendement proposé est de nature à alourdir considérablement le travail des services de renseignements.

Pour ces raisons, le gouvernement ne souhaite pas marquer son accord sur l'amendement nº 5 de M. Goris.

L'auteur de l'amendement réplique qu'il comprend qu'un délai d'un an peut être par trop absolu, mais le texte à l'examen n'offre aucune sécurité et doit être affiné.

C. VOTES

Article 3

L'amendement nº 6 de M. Goris est retiré.

Article 13

L'amendement nº 1 de M. Goris est rejeté par 5 voix contre 4.

Article 15

Le deuxième alinéa de l'amendement nº 2 de M. Goris est retiré.

Le premier alinéa de l'amendement nº 2 de M. Goris est rejeté par 6 voix contre 4.

Article 16

L'amendement nº 3 de M. Goris est rejeté par 6 voix contre 4.

Article 19

L'amendement nº 4 de M. Goris est rejeté par 6 voix contre 4.

Article 25

L'amendement nº 5 de M. Goris est rejeté par 6 voix contre 4.

D. CORRECTIONS MATÉRIELLES

Un membre propose d'apporter quelques corrections matérielles d'ordre linguistique.

La plupart de ces améliorations sont acceptées par les membres de la commission et par le ministre.

Par ailleurs, le ministre lui-même a également suggéré de toiletter le texte du projet de loi. Il propose de regrouper quelques dispositions.

Au chapitre premier « Dispositions générales », les dispositions suivantes pourraient être regroupées sous ce même intitulé :

­ l'article 2 comprend une définition de la classification qui porte non seulement sur le contenu du chapitre II, mais également sur le contenu des chapitres III et IV.

Cette définition gagnerait donc à figurer dans le chapitre premier intitulé « dispositions générales » comme article 2.

­ l'article 13, qui figurait dans le projet du gouvernement comme article 3, comprend une série de définitions qui s'appliquent non seulement au chapitres III et IV, mais également au chapitre II.

Par conséquent, cette disposition gagnerait aussi à figurer dans le chapitre Ier et pourrait être fusionnée avec la définition figurant actuellement à l'article 2.

Ces deux suggestions constitueraient une nette amélioration de la qualité légistique du projet de loi dont la cohérence a été quelque peu mise à mal par l'introduction, sous forme d'amendement, de l'actuel chapitre II du projet de loi.

Toujours dans la perspective d'améliorer la qualité légistique du texte, les deux alinéas de l'article 12 gagneraient également à être modifiés en leur début dans la mesure où ils donnent l'impression de définir le champ d'application de l'ensemble de la loi ­ ce qui était le cas avant l'introduction par amendement d'un chapitre II ­ alors qu'ils ne définissent que le champ d'application du chapitre III de l'actuel projet.

C'est pourquoi le texte gagnerait en clarté si l'on remplaçait à l'article 12, premier alinéa, les termes « la présente loi s'applique » par les termes « les dispositions du présent chapitre s'appliquent... » et si on remplaçait au second alinéa de cette disposition les termes « dans les cas déterminés par le Roi, la présente loi s'applique » par les termes « dans les cas déterminés par le Roi, les dispositions du présent chapitre s'appliquent... »


Pour les mêmes raisons de portée purement légistique, il serait, selon le ministre, préférable de déplacer l'actuel article 14 ­ qui fait lui aussi référence à « l'application de la présente loi » ­ et de l'intégrer comme premier alinéa du § 2 de l'article 26.

Selon le ministre, il serait également souhaitable d'apporter les modifications suivantes :

­ à l'article 3, cinquième ligne, les termes « minstens » et « au moins » peuvent être supprimés dans la mesure où ils sont totalement superfétatoires.

­ aux articles 5, 5, alinéa 2, 6, alinéa 2, 7 et 9, les termes « de graad van classificatie », « classificatiegraad », et « classificatiegraden » doivent être remplacés par les termes « het classificatieniveau », « classificatieniveau » et « classificatieniveaus ».

La plupart de ces améliorations de textes qui sont strictement d'ordre technique et matériel ont été acceptées par les membres de la commission et par le ministre.

L'ensemble du projet de loi ainsi corrigé a été adopté par 7 voix et 3 abstentions et soumis à la Chambre pour qu'elle donne un avis sur le point de savoir s'il s'agit bien de modifications de forme. Par avis de son greffier, la Chambre a fait savoir que trois des modifications proposées n'étaient pas des modifications de pure forme et impliqueraient un renvoi à la Chambre si elles étaient acceptées.


L'ensemble du projet de loi ainsi corrigé a été adopté par 7 voix et 3 abstentions.

Confiance a été faite à la rapporteuse pour la rédaction du présent rapport.

La rapporteuse,
Anne-Marie LIZIN.
Le président,
Valère VAUTMANS.