1-768/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1997-1998

23 JUIN 1998


Évaluation de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE L'INTÉRIEUR ET DES AFFAIRES ADMINISTRATIVES PAR MMES LIZIN ET de BETHUNE


SOMMAIRE



INTRODUCTION

La loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers a été modifiée pour la dernière fois par les lois des 10 et 15 juillet 1996. Au cours de la discussion des projets de loi (doc. Sénat, nºs 1-310/1 et 1-311/1), votre commission a convenu avec le ministre de l'Intérieur que la loi sur les étrangers serait évaluée tous les trois mois (doc. Sénat nº 1-310/6, Rapport de Mme de Bethune, pp. 79 et suivantes).

Plusieurs articles des lois en question contiennent des dispositions qui ont amené votre commission à suivre de près cette matière :

­ la durée illimitée du maintien dans un centre fermé en vue de l'éloignement;

­ la limitation à l'aide médicale urgente de l'aide apportée par le CPAS aux clandestins ainsi qu'aux demandeurs d'asile dont la demande a été rejetée et qui ont reçu un ordre de quitter le territoire;

­ l'accueil des étrangers mineurs non accompagnés (demandeurs d'asile ou clandestins);

­ la qualité des services chargés de l'examen de la demande d'asile.

Le 22 octobre 1996, l'on a débattu pour la première fois de la loi sur les étrangers dans le cadre de cette évaluation. Au cours de cette réunion, l'on a examiné les aspects politiques suivants :

­ l'entrée en vigueur de la loi

­ le maintien à la frontière

­ les plans de gestion

­ la politique de régularisation

­ la politique d'éloignement

­ les amendes administratives à charge des transporteurs

­ les mineurs non accompagnés.

Le 12 novembre 1996, M. Bossuyt a présenté le huitième rapport annuel du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides.

Le 28 janvier 1997, le ministre de l'Intérieur a donné un aperçu détaillé de l'application des lois des 10 et 15 juillet 1996.

À cette occasion, le ministre a fourni des chiffres relatifs à l'évolution du nombre des demandes d'asile, il a donné des explications sur la nouvelle réglementation linguistique, le maintien à la frontière et les amendes administratives à charge des transporteurs.

Par ailleurs, il a également présenté les plans de gestion du CGRA et de la commission permanente de recours. Ces plans de gestion doivent contribuer à atteindre les objectifs de la politique d'asile.

Enfin, le ministre a donné un texte et des éclaircissements sur deux points très sensibles : la politique de régularisation et la politique d'éloignement.

Ces débats se sont poursuivis le 4 février 1997.

Le 18 février 1997, la commission a entendu M. J. Peeters, secrétaire d'État à la Sécurité, à l'Intégration sociale et à l'Environnement concernant les problèmes relatifs à l'aide dispensée par les CPAS. L'aide médicale urgente est régie par l'arrêté royal du 12 décembre 1996.

Dans le courant du printemps 1997, votre commission a visité les institutions suivantes :

­ le 26 février 1997 ­ l'Office des étrangers

­ le 12 mars 1997 ­ le Centre 127bis à Steenokkerzeel

­ le 26 mars 1997 ­ le Petit-Château

Depuis septembre 1997, un an après l'entrée en vigueur d'une nouvelle disposition légale, votre commission a organisé plusieurs auditions pour se faire une idée plus précise des problèmes relatifs à l'application de la loi sur les étrangers. L'on en trouvera un aperçu ci-après.

Le jeudi 25 septembre 1997

­ MM. Hallet, Vandeputte, Cornil et Liebermann du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme,

­ Mmes Tulkens et Sarolea et M. Van Der Meersch de la Ligue des droits de l'homme,

­ MM. Pataer et De Wilde de la « Liga voor de mensenrechten ».

Le mardi 30 septembre 1997

­ M. Cleemput de Caritas-Secours international

­ M. De Feyter d'« Amnesty International Vlaanderen »

­ M. Hensmans d'« Amnesty International Belgium » (section francophone)

Le mardi 7 octobre 1997

­ Mmes Bouchat et Roulet de la Plate-Forme de vigilance pour les réfugiés

­ M. Bienfait de l'Association pour le Droit des étrangers (ADDE)

­ Mme Neyt de la « Vereniging van Steden en Gemeenten »

­ M. Lesiw de l'Union des villes et communes

Le mardi 14 octobre 1997

­ M. Depelchin de l'« Overlegcentrum integratie vreemdelingen » (OCIV)

­ M. Gotto du Centre d'intégration des réfugiés (CIRE)

­ M. Vanderslycken du « Steunpunt Begeleiders Uitgeprocedeerden »

­ Mme Bertrand du Point d'appui.

Le mardi 21 octobre 1997

­ Me Blanmailland et Mme Miguel du Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et la Xénophobie

­ Mmes Talhaoui et Kormoss du « Nederlandstalige vrouwenraad » ­ groupe de travail « Vrouwelijke vluchtelingen »

­ Mme Ngandu du Conseil des femmes

­ Me Lurquin du Comité national d'Action pour la paix et la démocratie

­ Mme Makilutila de La Zaïroise & ses soeurs

­ Me de Baerdemaecker et Me Walleyn de la commission « Étrangers » du barreau de Bruxelles.

Le mardi 28 octobre 1997

­ M. Kpenou du Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies

­ M. De Smet, commissaire général aux réfugiés et apatrides

­ M. Schewebach, directeur général de l'Office des étrangers, ministère de l'Intérieur, ainsi que M. Hongenaert, M. De Vulder (Centre 127bis ) et Mme Cluydts (Centre Inad)

­ le lieutenant-colonel Allaert du Bureau central de recherche

Le mardi 25 novembre 1997

­ M. Genot, directeur général des Affaires consulaires au ministère des Affaires étrangères.

Au cours de la réunion du 18 novembre 1997, le ministre a abordé en détail l'ensemble des problèmes soulevés.

L'on trouvera dans la première partie du présent rapport un compte rendu des auditions; dans la deuxième, un compte rendu du débat entre la commission et le ministre; dans la troisième, les constatations, et, dans la quatrième, une série de recommandations formulées par la commission.


I. LES AUDITIONS

1. Audition des représentants du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme (25 septembre 1997)

1.1. Exposés

M. Hallet esquisse la situation qu'occupe le Centre qu'il dirige dans le paysage politique : il se trouve au milieu des tensions entre ministres et individus, et est à l'écoute des uns et des autres. Inutile de dire qu'il se trouve dès lors dans une situation délicate.

C'est cette position qui inspirera sa réponse à la question de livrer une analyse des retombées de la nouvelle loi sur les étrangers du 15 juillet 1996. Cette loi est, à son avis, améliorable et interprétable.

Il indique les quatre thèmes qui posent, selon lui, des problèmes d'application (voir sa note en annexe). Il s'agit :

1º de l'accès au territoire et la régularisation de séjour;

2º de l'aide aux personnes en séjour illégal;

3º de la détention administrative et l'éloignement;

4º du contrôle parlementaire.

A. L'accès au territoire et la régularisation du séjour

A.1. La délivrance des visas et autorisations de séjour provisoire

A.1.a. Les procédures d'octroi

La procédure de délivrance des visas et autorisations de séjour provisoire suscite différents problèmes, tant au niveau des postes diplomatiques et consulaires belges à l'étranger qu'au niveau de l'Office des étrangers. Les délais sont trop longs et la procédure souffre d'un manque de clarté et d'information au niveau du public.

La conférence interministérielle de la politique de l'immigration du 6 novembre 1996 a pris acte d'un document, présenté conjointement par les départements des Affaires étrangères et de l'Intérieur. Ce document, daté du 12 juin 1996, signale un projet d'informatisation du traitement des demandes de visas et une étude sur différentes améliorations possibles de la procédure (notamment : accès aux postes consulaires, procédure sur place, composition du dossier, octroi d'office de certains visas, politique active d'information au public). Le document prévoit que « les deux départements feront rapport de cette étude en automne 1996 ».

Ce rapport n'a pas été communiqué au Centre. Par contre, de nombreux problèmes continuent à être signalés au Centre par le public : lenteurs, dossiers « perdus » entre les postes diplomatiques et consulaires et l'Office des étrangers, pièces manquantes dans le dossier alors qu'elles ont été communiquées, refus non motivés ou même non communiqués, ...

Par ailleurs, lors d'un entretien avec la direction du Centre, le ministre avait fait état de la conclusion prochaine d'un contrat de gestion avec l'Office des étrangers. Ce contrat de gestion a-t-il été conclu ? Est-il opérationnel ? Donne-t-il des résultats ?

Le Centre insiste pour que les projets des deux départements en vue d'améliorer le fonctionnement de la procédure soient menés à bien dans un délai rapproché et qu'ils fassent l'objet d'une évaluation approfondie.

A.1.b. L'application par les communes des dispositions concernant la prise en charge ­ Article 3bis de la loi du 15 décembre 1980 ­ articles 17/2 à 17/6 de l'arrêté royal du 8 octobre 1981

L'article 3bis , introduit dans la loi du 15 décembre 1980 par la loi du 15 juillet 1996 (article 7), donne un cadre légal cohérent à la pratique, existant auparavant, de la prise en charge pour prouver l'existence de moyens de subsistance suffisants à l'appui d'une demande de visa touristique. En soi, la disposition marque un progrès par rapport à la situation antérieure. Le problème rencontré sur le terrain provient de sa mauvaise application par certaines administrations communales.

L'article 3bis précise clairement : « Le bourgmestre de la commune (...) ou son délégué, est tenu de légaliser la signature apposée au bas de l'engagement de prise en charge, si les conditions de l'authentification de la signature sont remplies.

Le bourgmestre ou son délégué peut indiquer, dans un avis adressé au ministre ou à son délégué, si la personne qui a signé l'engagement de prise en charge dispose de ressources suffisantes. Cet avis n'est pas contraignant ».

La section 1bis , introduite dans l'arrêté royal du 8 octobre 1981 par l'arrêté royal du 11 décembre 1996, prévoit les modalités pratiques de la signature de l'engagement de prise en charge. Un certain nombre de pièces doivent être fournies lors de la légalisation lorsqu'elle est destinée à un ressortissant étranger non soumis à l'obligation de visa, ou lors de la demande de visa au poste consulaire belge à l'étranger dans les autres cas. Dans tous les cas, la preuve des ressources de la personne qui signe l'engagement de prise en charge est transmise à l'Office des étrangers, qui juge du caractère suffisant de ces ressources et qui, en conséquence, délivre le visa ou accepte l'engagement de prise en charge.

De l'ensemble de ces dispositions, il ressort que le rôle de la commune doit se borner à légaliser la signature de la personne qui se porte garant.

Or, une étude récemment effectuée à Bruxelles à la demande de M. Romdhani, député bruxellois, montre que les pratiques communales en la matière sont diverses. Les résultats de cette étude sont confirmés par plusieurs plaintes reçues au Centre. Ainsi, sur les 19 communes bruxelloises, 6 communes exigent, avant de procéder à la légalisation de la signature, la preuve que le garant dispose de ressources équivalentes à un montant qu'elles fixent.

Les montants ainsi exigés vont de 29 000 francs (+ 5 000 francs par personne à charge) nets par mois à 52 830 francs nets par mois.

Ces pratiques vont à l'encontre des dispositions de la loi du 15 juillet 1996.

Il serait dès lors indiqué que le ministre prenne une circulaire claire à l'intention des communes en précisant l'étendue de leurs compétences en cette matière.

Par ailleurs, il semble que, conformément à la loi, l'Office des étrangers ait arrêté des montants minimums de ressources dont le garant doive pouvoir justifier pour l'octroi d'un visa de tourisme. Ces montants seraient de 28 000 francs (+ 5 000 francs par enfant à charge) nets par mois. Si le garant ne peut justifier de revenus équivalents à ces montants, le visa n'est pas accordé au motif de manque de moyens de subsistance. Ce montant peut-il être confirmé et rendu public ?

Par ailleurs, il semble qu'il faille déplorer un certain manque de souplesse en ce qui concerne les documents admis comme preuves des revenus, notamment pour les indépendants ou les personnes qui ne sont pas employées. La constitution d'une réserve, sur un compte bloqué par exemple, peut-elle remplacer la fiche de salaire ? Une circulaire précisant ces points à l'attention des communes devrait être adoptée et publiée.

A.2. Problématique des personnes résidant sur le territoire de manière illégale. Article 9, alinéa 3 de la loi du 15 décembre 1980 ­ Proposition de reconnaissance d'un droit au séjour pour certaines catégories d'étrangers.

La solution pour les personnes en séjour illégal et que l'on ne peut, pour l'un ou l'autre motif, éloigner, est d'obtenir une régularisation (ne fût-elle que temporaire, en fonction de leur situation) de leur statut de séjour. Cette régularisation est possible sur base de l'article 9, alinéa 3 de la loi du 15 décembre 1980. Les critères utilisés par le ministre dans l'application de cette disposition ne sont pas clairs. C'est pour remédier à l'absence de clarté, et donc à l'impression d'arbitraire qui s'en dégage que le Centre a récemment (avril 1997) proposé un certain nombre de critères permettant une application cohérente et équitable de cette disposition.

La proposition du centre établit une distinction entre deux catégories de personnes. Les premières ont droit à la régularisation de leur séjour parce que leur situation est proche de cette régie par la législation existante (loi de 1980, Code de la nationalité belge). En effet, il s'agit de personnes dont la situation administrative est soit juste en marge de la législation, soit due aux lenteurs de l'administration.

Les membres de la deuxième catégorie n'ont pas automatiquement droit à une régularisation de leur séjour. Toutefois, ils se trouvent dans une situation qui, pour des raisons humanitaires, mérite qu'on l'examine avec attention (infra , point 1.3.).

Les personnes qui devraient obtenir un droit à la régularisation de leur séjour :

a) Les demandeurs d'asile dans la procédure (sans comptabiliser le recours au Conseil d'État) depuis trois ans au moins.

b) Les demandeurs d'asile qui ont été dans la procédure (sans comptabiliser le recours au Conseil d'État) pendant trois ans au moins.

Remarque : le terme de trois ans est choisi en référence à la législation en matière de naturalisation. Un réfugié reconnu peut demander la naturalisation belge après trois ans de résidence. La reconnaissance de la qualité de réfugié à un caractère rétroactif, ce n'est pas un nouveau statut, c'est la reconnaissance d'une qualité qui est supposée avoir existé depuis la fuite de la personne.

c) Les personnes qui ont été, à un moment quelconque de leur vie, établies en Belgique durant cinq ans au moins (donc qui ont disposé d'une carte d'identité d'étranger durant cinq ans au moins) et qui n'ont pas fait l'objet d'un arrêté royal d'expulsion.

Remarque : le terme de cinq ans est choisi parce que l'établissement en Belgique peut être obtenu après cinq ans de résidence, de même, la naturalisation belge peut être demandée après cinq ans de résidence.

d) Les jeunes nés en Belgique et dont un des parents au moins a vécu en Belgique durant dix ans.

Remarque : il s'agit à nouveau d'une référence à la législation sur la nationalité belge. L'enfant né en Belgique de parents nés à l'étranger qui ont résidé en Belgique depuis dix ans au moins avant la déclaration peut devenir belge par déclaration des parents. On veut ici offrir un séjour à des enfants qui pourraient être belges, mais qui ne le sont pas par suite de l'absence d'une telle déclaration de la part de leurs parents.

e) Les personnes ayant vécu en Belgique durant douze ans au moins, dont dix ans au moins couverts par un statut diplomatique (personnel d'ambassade).

Remarque : ces personnes sont souvent exploitées dans les ambassades, et ensuite, elles n'ont plus droit au séjour. On vise ici le personnel peu qualifié des ambassades. Un statut diplomatique est valable six ans, d'après les prescriptions de la Convention de Vienne. En théorie, le personnel diplomatique ne réside que six ans dans le pays accréditaire et est ensuite déplacé dans un autre pays. Si cette règle est encore respectée pour le personnel qualifié, elle ne l'est plus pour le personnel inférieur. Ce personnel se voit renouveler l'autorisation de séjour au-delà de six ans par les Affaires étrangères. Au bout de deux autorisations diplomatiques, il devrait pouvoir demeurer sur le territoire. L'exigence d'avoir vécu douze ans en Belgique couvre donc deux engagements en Belgique au service d'une ambassade.

f) Les personnes qui attendent depuis deux ans au moins qu'il soit statué sur leur recours (donc qui disposent d'une annexe 35 depuis deux ans au moins).

Remarque : les personnes qui disposent d'une annexe 35 sont celles qui ont reçu un ordre de quitter le territoire et ont introduit un recours en révision auprès du ministre. Ce recours est suspensif de l'exécution de la mesure, elles peuvent donc résider sur le territoire tant qu'il n'a pas été statué sur ce recours. Un délai de deux ans paraît raisonnable pour permettre au ministre de prendre une décision, étant donné que, par hypothèse, la personne a déjà résidé au moins un an auparavant légalement en Belgique.

g) Les demandeurs d'asile déboutés pour lesquels le CGRA a mentionné une clause de non reconduite à la frontière.

Remarque : ces personnes sont en réalité « inéloignables », donc « tolérées » sur le territoire, mais elles n'ont aucun droit et sont donc poussées dans l'illégalité.

h) Les personnes qui ont un droit au séjour en raison de leur mariage (article 10 ou article 40) lorsqu'elles justifient soit d'une impossibilité de se rendre au pays d'origine pour obtenir le visa, soit d'une disproportion manifeste entre les inconvénients de ce voyage et l'avantage retiré.

Remarque : ces personnes se voient en fait contraintes de faire un aller-retour pour obtenir un document administratif qui provient quand même de Bruxelles. Elles perdent souvent plusieurs mois de vie commune, des possibilités d'emploi, et ces voyages entraînent des coûts importants.

i) Les parents d'enfants à qui la nationalité belge a été attribuée durant leur minorité.

Remarque : il existe déjà un droit pour ces personnes à résider sur le territoire à condition que les parents soient pris en charge par leurs enfants et habitent avec eux (article 40). D'autre part, les enfants belges ne peuvent pas être expulsés. Expulser les parents revient à rompre la cellule familiale, ce qui est contraire à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

A.3. Problématique des personnes résidant sur le territoire de manière illégale, article 9, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980 ­ Proposition de critères et d'une procédure pour les régularisations pour motifs humanitaires

Les personnes qui se trouvent dans une situation humanitaire délicate peuvent obtenir une régularisation de leur statut pour ce motif.

Les demandes de ces personnes devraient être examinées au cas par cas, en tenant compte des éléments suivants :

1. Situation familiale, présence d'enfants, scolarité des enfants.

2. Situation de santé.

3. Moyens de subsistance, travail.

4. Intégration sociale.

5. Parenté, liens familiaux en Belgique.

6. Âge.

7. Durée du séjour.

8. Situation politique du pays d'origine (cf. la Convention de Genève).

9. Complication du statut de séjour due à des événements survenus dans la situation personnelle de l'intéressé (divorces, répudiations, ...).

Le Centre propose la création d'une commission chargée d'examiner prioritairement les dossiers des personnes arrivées en Belgique avant le 1er janvier 1993, qui ont éventuellement déjà introduit une demande de régularisation, dont la demande a été rejetée, et qui sont encore sur le territoire. Cette commission pourrait être composée de cinq personnes : un magistrat, un avocat, un représentant de l'Office des étrangers, un représentant du CECLR, un représentant d'une ONG choisie par le demandeur.

Après évaluation du fonctionnement de cette commission, elle pourrait être chargée, de façon permanente, de donner un avis sur toutes les demandes introduites pour des raisons humanitaires. L'avis de la commission serait motivé et remis au ministre. En cas d'avis favorable de la commission et de décision négative du ministre, la décision du ministre devrait être motivée en fonction de l'avis de la commission. Un recours au Conseil d'État serait ensuite ouvert.

La commission se créerait sa jurisprudence dans la transparence. Ses avis étant motivés et publics, sa jurisprudence serait dès lors accessible, ce qui aurait pour avantage d'éviter, à terme, les demandes de personnes ne rentrant absolument pas dans les critères de la jurisprudence. Cela éviterait aussi l'impression d'arbitraire.

B. L'aide aux personnes en séjour illégal dans notre pays

B.1. Les demandeurs d'asile déboutés dont le recours est pendant au Conseil d'État ­ article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976

Les nombreuses associations qui s'occupent de l'accueil des étrangers constatent la présence sur le territoire d'une population composée de personnes étrangères en séjour illégal. Une partie importante de cette population est formée de demandeurs d'asile déboutés, éventuellement encore en recours auprès du Conseil d'État. Ces personnes ne disposent plus d'un droit de séjour sur le territoire. Depuis l'entrée en vigueur de l'article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976 (le 10 janvier 1997), elles n'ont plus droit à l'aide sociale, même lorque leur recours est toujours pendant auprès du Conseil d'État. Une circulaire du ministre Peeters datée du 3 avril 1997 adressée aux présidents des CPAS précise qu'à partir du 10 janvier 1997, plus aucune aide n'est due aux demandeurs d'asile ayant reçu un ordre exécutoire de quitter le territoire , même si une décision de justice antérieure a condamné le CPAS à payer cette aide.

Certains CPAS refusent, sur base de cette circulaire, de payer des arriérés pour lesquels ils ont été condamnés, couvrant une période antérieure à l'entrée en vigueur de la nouvelle disposition.

En tout état de cause, l'autorité fédérale ne rembourse plus que l'aide médicale urgente pour les personnes qui ont reçu un ordre exécutoire de quitter le territoire.

Par ailleurs, certains CPAS décident d'accorder quand même une aide sociale à des familles ou à des personnes en séjour illégal. Cette aide ne leur est pas remboursée. Ils ne peuvent le faire que dans les limites de leurs moyens et sont donc amenés à faire des choix, relativement arbitraires, entre les personnes en fonction de leur situation. Cette situation est intenable à long terme. Actuellement, on se trouve dans une situation de « bricolage » de l'aide, qui engendre des discriminations entre les personnes aidées et celles qui ne le sont pas et qui poussent ces dernières dans les circuits d'exploitation de travail clandestin, voire dans la délinquance.

Pour les personnes qui sont hors de toute procédure, la seule solution est la régularisation (voir supra ). Par contre, pour les personnes qui sont en procédure au Conseil d'État, l'arrêt de l'aide équivaut à leur dénier le droit à exercer un recours qui leur est par ailleurs ouvert par la loi.

Il faudrait donc modifier l'article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976, de façon à garantir aux personnes qui ont le droit d'introduire un recours auprès du Conseil d'État l'accès à l'aide sociale, durant toute la durée de la procédure.

B.2. L'accès à l'aide médicale urgente

Le droit à l'aide médicale urgente, tant préventive que curative, est reconnu aux personnes en séjour illégal. Un arrêté royal a été adopté à cet égard le 12 décembre 1996. Il laisse aux malades le libre choix de leur médecin et confie à celui-ci l'appréciation des soins à prodiguer. Le remboursement des frais est assuré par le ministre de la Santé publique, par l'intermédiaire des Centres publics d'aide sociale.

Conformément aux engagements du ministre de l'Intérieur et du secrétaire d'État à l'intégration sociale, l'arrêté royal garantit aux clandestins l'accès aux soins de santé et respecte la déontologie médicale. Il demeure cependant des problèmes techniques portant sur les modalités du contrôle des ressources du malade, le type de collaboration utile à mettre en place entre les hôpitaux, les médecins et les CPAS et le défaut d'information d'une partie non négligeable des acteurs de la santé.

Ces problèmes font encore obstacle à l'octroi de soins au remboursement des frais médicaux. L'évaluation de l'application de l'arrêté royal, prévue par le secrétaire d'État en janvier prochain, devrait être l'occasion de dégager des directives générales pour leur règlement.

Il convient de relever qu'à défaut de moyens de subsistance et d'un statut de séjour, même précaire, le malade ne peut être soigné dans des conditions optimales. Cette incohérence pourrait être atténuée en prêtant une meilleure attention aux avis médicaux qui fondent les demandes de prolongation de séjour pour raison de santé et un traitement plus rapide de celles-ci.

B.3. L'interprétation des termes « aide ou assistance purement humanitaire » octroyées aux personnes en séjour illégal ­ article 77 de la loi du 15 décembre 1980

L'article 77 de la loi du 15 décembre 1980 établit des peines pour les personnes qui se rendent coupables d'avoir aidé une personne à entrer ou à séjourner de manière illégale sur le territoire de la Belgique ou d'un État partie à la Convention de Schengen. Cette disposition précise que l'infraction ainsi définie ne concerne pas l'aide ou l'assistance « offerte à l'étranger pour des raisons purement humanitaires ».

Dans un arrondissement judiciaire au moins, ces termes sont interprétés de manière très restrictive. Ainsi, plusieurs femmes ont été condamnées par le tribunal correctionnel de Bruges pour avoir hébergé leurs compagnons, alors que ceux-ci se trouvaient en situation de séjour irrégulière. Le tribunal considère que les motifs humanitaires ont, d'une part, des bases objectives et contrôlables, et sont d'autre part exclusifs de tout « avantage » procuré à la partie aidante, alors que les deux parties tirent des avantages d'une relation amoureuse ou d'amitié. La Cour d'appel de Gand a récemment réformé une des décisions rendues en ce sens par le Tribunal correctionnel de Bruges. La Cour d'appel interprète les termes « purement humanitaire » de manière plus large, comme couvrant également l'aide fournie dans le cadre d'une relation d'amitié ou amoureuse entre deux personnes.

Cette interprétation correspond mieux au voeu du législateur de 1996, qui souhaitait que soient poursuivies et condamnées les personnes qui tirent un profit de l'aide apportée aux étrangers en séjour illégal (organisation de filières, travail clandestin, rémunération pour l'aide, ...).

L'arrêt de la Cour d'appel de Gand est assurément un point positif dans cette problématique. Néanmoins, il n'est pas certain qu'il mette automatiquement fin à toute controverse sur cette question. D'une part, les tribunaux inférieurs ne sont en rien obligés de se conformer à une jurisprudence d'appel et rien ne permet d'affirmer que d'autres tribunaux de première instance ne vont pas adopter une interprétation restrictive de l'article 77, dans la ligne de celle du tribunal de Bruges. D'autre part, certaines personnes, condamnées antérieurement, et qui ne sont pas allées en appel, sont toujours occupées à s'acquitter d'une amende. En outre, l'incertitude relative à l'application de l'article 77 a provoqué de nombreuses inquiétudes parmi les personnes de bonne volonté, a.s.b.l. ou individus, qui aident, de façon sporadique ou permanente, des personnes en séjour illégal.

Pour toutes ces raisons, une initiative émanant du législateur paraît devoir s'imposer. Seul le législateur peut en effet imposer aux juridictions une interprétation authentique d'une disposition (Constitution, article 84). En outre, il poserait ainsi un geste symbolique fort vis-à-vis des personnes qui aident les personnes en séjour illégal.

Il serait dès lors indiqué de prévoir soit une modification de l'article 77 existant, soit l'adoption d'une loi interprétative, afin de définir les hypothèses visées de manière plus stricte. L'avantage d'une loi interprétative est qu'elle s'applique d'office aux effets déjà acquis avant son entrée en vigueur. Elle s'incorpore à la loi interprétée qui est ainsi censée avoir eu, dès l'origine, la signification procurée par la loi interprétative.

C. La détention administrative et l'éloignement

C.1. La durée de la détention

À cet égard, le Centre reprend les critiques de fond déjà formulées au moment de l'adoption de la loi.

En tout état de cause, le centre rappelle qu'une mesure de détention prise à l'égard d'une personne dont la seule faute est de se trouver sur le territoire sans les documents requis doit demeurer l'exception. En tous cas, la mesure doit être indispensable à l'éloignement, strictement limitée à la durée nécessaire à celui-ci et les démarches en vue de celui-ci doivent être accomplies avec toute la diligence requise.

C.2. Les conditions pratiques de détention dans les centres fermés et d'éloignement

Il n'existe aucune instance, aucun lieu ou forum externe au sein duquel l'autorité compétente donne des indications sur la gestion des centres fermés. Les garanties du respect des droits des personnes détenues dans ces centres, les éléments à la base d'une décision de détention, les procédures et les démarches nécessaires à un éloignement du territoire, sont particulièrement mal connus.

Ainsi, le Centre n'a pas connaissance de dispositions particulières à l'égard de familles avec enfants : dans certains cas, il est décidé que seul le chef de famille est soumis à la mesure de détention; dans d'autres, l'ensemble de la famille est retenue dans un centre fermé.

Par ailleurs, certaines informations font état d'arrestations d'étrangers en séjour illégal au cours desquelles la situation familiale de l'étranger n'a pas été prise en considération. Ainsi, en juillet 1997, le centre a été contacté par l'avocat d'un Nigérien sur le point d'être éloigné, alors que son enfant âgé de dix ans avait disparu depuis la date de son arrestation, trois mois auparavant. Nul n'avait pris les mesures utiles à la protection de cet enfant, et seule l'intervention in extremis du cabinet du ministre de l'Intérieur a permis de surseoir à l'éloignement de l'étranger jusqu'à ce que toute la clarté soit faite sur la situation de l'enfant.

Il arrive également que des mineurs non accompagnés soient retenus dans ces centres. Dans le cadre de la politique d'accueil de cette catégorie d'étrangers, il conviendrait de ne réserver cette possibilité que lorsque la détention s'impose en vue de leur protection (dans des cas exceptionnels, durant une courte période).

À défaut de règles claires et connues du public spécialisé (avocats, ONG), il est à craindre que, malgré l'attention de l'Office des étrangers à respecter les droits des étrangers, des abus ou des dysfonctionnements provoquent des dommages graves et irréparables.

Il conviendrait d'envisager la création d'une commission, à l'instar du Conseil supérieur de la politique pénitentiaire, à qui l'Office des étrangers aurait obligation de faire rapport. Cette commission serait habilitée à donner un avis sur le choix des priorités en matière d'éloignement forcé et sur les conditions de détention en vigueur dans les centres fermés.

Le rôle des ONG, en termes de soutien aux personnes détenues et d'accompagnement au départ, vers le pays d'origine devrait être valorisé, notamment par un financement des permanences sociales tenues dans les centres. Il pourrait également être envisagé de conventionner certaines associations pour qu'elles contribuent à un éloignement dans des conditions optimales (contacts avec la famille demeurée dans le pays d'origine, reprise des effets personnels des intéressés...)

D. Le contrôle parlementaire

La loi sur l'entrée, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers constitue l'un des outils primordiaux de maîtrise des flux migratoires. Elle devrait garantir la sécurité juridique des étrangers et indiquer les obligations auxquelles ils sont soumis. Plus de quinze ans après son adoption et à la suite de multiples modifications tendant à accentuer le contrôle des étrangers et à faciliter l'éloignement des clandestins, il serait utile de procéder à un examen approfondi de certains aspects de la législation, de son application et de son efficacité, notamment en regard des principes contenus dans les conventions internationales sur la protection des réfugiés et le respect des droits de l'homme.

Le rapport rédigé à la demande du gouvernement français à une mission multidisciplinaire dirigée par Patrick Weil établit de manière particulièrement claire une série de constats liés aux effets de la législation française sur les étrangers. Il contient diverses propositions qui, sans remettre en cause les principes de base de la politique d'immigration (arrêt de l'immigration de travail, contrôle strict des frontières, respect de l'unité des familles, accueil des étudiants et protection des réfugiés), tendent à la fois à mieux garantir les droits fondamentaux des personnes, à valoriser l'apport des étrangers à la société française et à soulager l'administration de tâches inutiles.

Une démarche semblable, qui implique un large dialogue avec l'ensemble des acteurs concernés, pourrait être initiée dans le prolongement de l'évaluation parlementaire, notamment sur les sujets suivants :

La procédure d'asile est complexe, coûteuse et relativement longue (malgré le raccourcissement des délais intervenu ces dernières années), alors qu'elle donne lieu à des décisions parfois contestées. Une réflexion sur une rationalisation de la procédure garantissant à la fois des délais raisonnables et un examen circonstancié des demandes d'asile devrait être engagée. Pour rappel, le Centre pour l'égalité des chances avait formulé la proposition de supprimer la phase de recevabilité (à l'exception de l'examen par l'Office des étrangers de l'ordre public ou la sécurité nationale) et de conserver uniquement deux degrés d'examen du dossier. D'autres formules sont envisageables.

Par ailleurs, la dégradation de la situation politique dans certains pays européens et méditerranéens rend actuelle la question de l'instauration d'un statut de protection temporaire reconnu dans certaines circonstances (comme l'état de guerre civile) à des étrangers faisant partie de groupes particulièrement menacés.

La circulation des personnes est notablement affectée par les craintes de délivrer une autorisation d'entrer sur le territoire à des étrangers qui n'ont pas l'intention d'effectuer un court séjour en Belgique, mais de s'y installer durablement. Des procédures de contrôle de demandes de visa longues, insuffisamment accessibles et mal connues créent des complications inutiles aux nombreux étrangers qui souhaitent effectuer un séjour touristique, commercial ou à motif familial en Belgique. Une analyse précise des différentes étapes de la procédure de visa visant à la suppression des actes administratifs inutiles ou inefficaces, une plus grande transparence quant aux critères d'octroi, la formation continue et une meilleure information des agents pourraient faciliter les voyages d'étrangers vers la Belgique sans affecter le contrôle de l'immigration.

Le droit au respect de la vie privée et familiale est trop souvent mis en cause par des décisions unilatérales de communes (refus d'inscription, contrôles abusifs ou dilatoires, refus de célébrer le mariage...), par un traitement purement administratif de demandes de régularisation (non prise en considération d'attaches étroites en Belgique) et par des procédures de regroupement familial trop lentes. Dans un autre ordre d'idées, un certain nombre de décisions de renvoi et d'expulsion pour des raisons d'ordre public pourraient être réexaminées conformément au principe de l'unité familiale.

1.2. Échange de vues

Après avoir entendu cette analyse globale, un membre demande à M. Hallet s'il ne dispose pas, sur les cas qu'il dénonce, de statistiques, qui seraient basées sur des considérations plus détaillées.

M. Hallet dit que le travail du Centre est dicté par les plaintes, dont les thèmes varient.

M. Cornil précise que ces dernières années, ce sont les plaintes ayant trait à l'application de la loi sur le statut des étrangers qui donnent le plus de soucis.

Un sénateur demande si M. Hallet a l'impression que les plaintes qui parviennent au Centre sont surtout le résultat de démarches individuelles.

A-t-il l'impression que ses interventions donnent lieu à un examen suffisant qui, sans elles, ne se serait pas produit ?

M. Hallet constate qu'il faut refuser toute une série de demandes et d'interventions.

Le Centre intervient souvent auprès de l'Office des étrangers et du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides.

Les suites données à pareilles interventions sont très variées.

M. Cornil confirme ce dernier constat. Les susceptibilités et les dispositions des différents agents sont à tel point différents qu'on attend parfois le retour de congé d'un certain fonctionnaire pour être sûr d'une écoute plus humaine et attentive.

Vu cette disparité des approches, il s'impose, selon lui, d'objectiver davantage les critères, surtout dans un domaine aussi crucial que l'expulsion d'étrangers.

Un membre demande si les instances chargées de la politique y associent suffisamment le Centre.

Sur quels thèmes le consulte-t-on et selon quelle procédure la concertation se déroule-t-elle ?

M. Hallet explique que le Centre est amené à s'exprimer au niveau général sur les problèmes de fond. Par ailleurs, il entretient des contacts nombreux et discrets avec l'Office des étrangers sur des cas ponctuels.

Au niveau de l'application de la nouvelle loi sur les étrangers du 15 juillet 1996, M. Cornil relève le problème posé par l'article 57 (nouveau) de la loi sur les CPAS qui modifie sensiblement l'octroi de l'aide médicale urgente. L'application restrictive en faisait une disposition aberrante, laissant à l'administration le soin de juger si un rapatriement se justifiait sur le plan médical.

Il a fallu attendre la circulaire du secrétaire d'État Peeters de fin 1996 pour que ce pouvoir d'appréciation soit soustrait à l'administration et que ce soit à un médecin qu'il appartienne désormais d'en juger.

Mais en édictant ces directives, l'on a pas résolu le problème, puisqu'il appartient toujours au CPAS d'apprécier d'abord le manque de ressources avant d'intervenir.

Des problèmes de ce genre et notamment celui des enfants mineurs non accompagnés, sont dénoncés à suffisance dans le Vademecum de l'association flamande « Mensen zonder papieren ».

Le nouveau commissaire général aux réfugiés et aux apatrides a déjà dénoncé une augmentation du nombre de mineurs non accompagnés.

Des problèmes insurmontables se posent lorsque le juge de la jeunesse décide un placement, tandis que l'Office des étrangers décide que l'enfant en question doit être éloigné.

Il est clair que pour le suivi individuel de pareils problèmes, la mise en place d'un dispositif de coordination s'impose, auquel le centre peut contribuer.

En ce qui concerne l'aide médicale urgente, M. Cornil fait remarquer que le Centre a une collaboration extrêmement constructive avec le cabinet du secrétaire d'État à l'intégration sociale où le secrétaire d'État a pris connaissance d'un certain nombre d'arguments, ce qui a abouti à un texte positif. L'arrêté royal ne porte pas uniquement sur l'aide médicale urgente curative, mais aussi préventive et ambulatoire et surtout, il appartient strictement au médecin d'apprécier le caractère urgent de l'aide médicale à la dispenser.

Sur le plan de la législation, il ne se pose donc plus de problèmes. Des difficultés surgissent par contre lors de l'application concrète par les CPAS, par les établissements hospitaliers et par les médecins privés. Un certain nombre de mesures de conscientisation et d'information des médecins doivent être prises en compte.

Pour que la loi sur les CPAS s'applique, il faut pouvoir démontrer l'absence de ressources. On imagine mal que ce soit le rôle du médecin. Il y a des négociations en cours avec les grands CPAS, les grands hôpitaux du pays et les cabinets ministériels concernés pour essayer de trouver des solutions pratiques.

L'association « Mensen zonder papieren » a sorti récemment un vademecum complet sur l'aide médicale urgente aux personnes en séjour illégal.

Le problème des enfants mineurs non accompagnés a été soulevé par le centre à de nombreuses reprises au cours de la conférence interministérielle pour la politique des immigrés. Ce problème s'accroît significativement (cf . l'analyse de M. De Smet, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, sur cette question). Il s'agit aussi d'une compétence des communautés.

Le Centre a essayé d'harmoniser progressivement le statut de ces mineurs. La collaboration entre les différentes instances est très difficile.

Le Centre voudrait d'abord qu'il y ait un véritable dispositif coordonné entre les responsables des différents ministères (Intérieur, Affaires étrangères, Intégration sociale, les administrations de l'Aide à la jeunesse des communautés) pour assurer un suivi particulier et individualisé, compte tenu de la spécificité de cette catégorie.

D'après les informations du Centre, ces contacts se mettent progressivement en oeuvre.

La deuxième position du Centre, qui a été acceptée lors de la conférence interministérielle, était de prévoir des conditions particulières d'accueil pour ces mineurs non accompagnés qui, aux termes de la loi, ne peuvent pas être éloignés du territoire avant l'âge de seize ans.

Aujourd'hui, il n'existe pas un dispositif d'accueil spécialisé permettant de prendre en charge les problèmes tragiques de ces enfants. Les ministres s'y sont engagés mais cela n'a, jusqu'à présent, pas encore été réalisé.

Un membre voudrait connaître l'opinion du Centre sur la situation des réfugiés kosovars. Ils sont originaires d'un pays vers lequel le retour s'avère impossible. Est-ce que le Centre a fait une étude quantitative à cet égard ?

En deuxième lieu, elle voudrait que le Centre se prononce sur le rôle du bourgmestre par rapport à certains cas dans sa commune. Quand un bourgmestre essaie d'avoir une opinion exacte de la situation sociale, on pourrait songer à lui donner un rôle plus grand dans la procédure.

Les bourgmestres ne sont pas traités comme ils le devraient dans la procédure d'appréciation sur la situation des étrangers en situation illégale.

En ce qui concerne le personnel d'ambassade, on constate souvent des abus qui ne se limitent pas seulement aux titres de séjour, mais aussi à tout ce qui relève de l'inspection sociale. Est-ce que le Centre a l'intention d'approfondir son analyse à cet égard ?

M. Hallet répond que le Centre n'est pas à même de donner une position globale du Centre sur la position des réfugiés kosovars. À première vue, ces gens se trouvent dans une situation temporaire à propos de laquelle il est indiqué de prendre des mesures temporaires.

En ce qui concerne un rôle accru des bourgmestres se pose le problème d'approches différentes des bourgmestres ­ surtout en agglomération bruxelloise.

À propos du personnel d'ambassade, c'est surtout la situation de personnel subalterne séjournant dans notre pays depuis une douzaine d'années qui est préoccupante. Pour eux, il faut peut-être envisager une régularisation.

M. Cornil répond que le problème des Kosovars est le problème de ce qu'on appelle la « protection temporaire » ­ qui n'existe pas en Belgique. Elle a été instaurée à deux reprises dans notre pays et notamment lors de la guerre en Bosnie-Herzégovine et lors du génocide au Rwanda.

À une époque où les flux migratoires augmentent au niveau international et avec eux le nombre de réfugiés et à une époque où la Convention de Genève est interprétée de manière de plus en plus restrictive, la question est de savoir si dans certaines situations particulières (où il semble que la Convention ne s'applique pas), il ne faut pas prévoir des mesures spécifiques lorsqu'il s'avère impossible de faire rentrer des réfugiés. Les Pays-Bas ont prévu des mesures de protection temporaire face à une telle situation.

À son avis, il faut renforcer le rôle du bourgmestre. C'est lui qui est beaucoup plus proche de sa population et qui peut mieux évaluer un certain nombre de critères que le Centre met en avant.

2. Audition de la « Liga voor de Mensenrechten »

2.1. Exposés

M. P. Pataer prend la parole au nom de la « Liga voor de Mensenrechten ».

2.1.1. Considérations introductives

1. L'application des nouvelles dispositions légales en matière d'accueil et de reconnaissance des étrangers confirme ce que nous avons constaté, à savoir que la politique des étrangers et, plus particulièrement, la politique des réfugiés se caractérise par un climat général de dissuasion à l'égard des demandeurs d'asile. L'on considère comme une faveur le fait de ne pas éloigner du territoire national les étrangers qui n'ont pas de titre de séjour valable.

En raison de cette méfiance, l'on impose souvent toutes sortes de conditions strictes, sans examiner si elles sont réalistes. L'on développe un contrôle en profondeur, au détriment de la rapidité des procédures. Il n'y a toujours pas d'équilibre entre les exigences posées aux étrangers et les responsabilités que les pouvoirs publics sont disposés à assumer. Nous pensons, notamment, aux délais à respecter et à la motivation des décisions. Le but premier n'est pas tellement de chercher une solution aux situations concrètes, mais de rechercher les fraudeurs.

2. La procédure d'asile reste beaucoup trop complexe. La Ligue a déjà plaidé dans le passé pour une réglementation plus simple. La suppression de la phase d'examen de la recevabilité, dans la procédure, constituerait un début de simplification. Le dysfonctionnement de l'Office des étrangers constitue en soi un argument justifiant la suppression de cette phase. À cet égard, nous renvoyons notamment à la prise de position récente d'Amnesty International. L'ancien commissaire général, Marc Bossuyt, proposa jadis de simplifier la procédure en supprimant la Commission permanente de recours. Il semble que le ministre ait l'intention de charger la Commission permanente de recours, et non plus le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides, de trancher en cas de recours urgent introduit au cours de la phase d'examen de la recevabilité. Selon la ligue, ce ne serait pas une bonne solution. Les deux instances qui maîtrisent le mieux la matière sont le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) et la Commission permanente de recours. Il serait préférable que l'Office des étrangers se concentre sur sa propre mission, à savoir celle d'assurer le contrôle de l'immigration et l'éloignement du territoire de ceux qui n'ont effectivement rien à y faire. Selon nous, seuls des experts et des « juges » fiables devraient être chargés de l'examen délicat des demandes d'asile.

3. Les demandeurs d'asile déboutés, qui ne risquent pas, selon la législation internationale, d'être persécutés dans leur pays d'origine, sont souvent des individus qu'il est techniquement impossible d'éloigner. Pourtant, les pouvoirs publics préfèrent les voir s'en aller, mais, dans la pratique, leur éloignement soulève bien des problèmes, dont celui qui vient du refus de leur pays d'origine de les reprendre. Par conséquent, les intéressés se retrouvent souvent dans la clandestinité en n'ayant droit à aucune assistance officielle et sans perspectives de retour. Ceux qui ne sont pas pris en charge par des particuliers ou des groupes d'aide disparaissent dans le circuit illégal, avec toutes les conséquences que cela entraîne. Selon nous, les pouvoirs publics n'ont que trop négligé le problème jusqu'à présent, ou alors en imputent souvent la responsabilité aux demandeurs d'asile déboutés, auxquels ils reprochent de ne prendre aucune initiative pour quitter le pays. La Ligue souhaite souligner qu'il s'agit avant tout en l'occurrence d'un problème politique et qu'elle ne montre pas du doigt les fonctionnaires, qui sont surchargés de travail et insuffisamment formés. Nous signalons incidemment que certains pays d'origine de réfugiés déboutés exigent une déclaration de retour « volontaire », même si celui-ci ne l'est pas. Ils laissent ainsi entendre que seuls les citoyens obéissants et dociles sont les bienvenus. Parfois, on ne sait pas très bien si le réfugié est bel et bien originaire du pays en question. Il arrive que les demandeurs d'asile soient apatrides ou que l'établissement de leur identité pose des problèmes insolubles. Dans tous les cas, la responsabilité est partagée. Les pays d'origine, les demandeurs d'asile déboutés et les pouvoirs publics belges devront collaborer pour résoudre le problème des demandeurs d'asile « techniquement inéloignables ».

2.1.2. L'accueil des demandeurs d'asile

Un des objectifs prioritaires de la nouvelle législation est de renforcer le contrôle de l'immigration. C'est du moins ce qui ressort des travaux préparatoires. On a considéré explicitement le développement et l'affinement du système de l'accueil des demandeurs d'asile comme un des moyens permettant ce contrôle. C'est pourquoi, au cours de la phase de recevabilité, on a placé et on place toujours les candidats réfugiés dans des centres d'accueil. Ils ne peuvent bénéficier d'une assistance que dans ces centres. Si le candidat réfugié préfère quitter le centre, il ne peut en principe demander aucune aide au CPAS. Ce n'est que si sa demande d'asile est déclarée recevable que le candidat réfugié est envoyé dans une commune, en application du plan de répartition. La notion originelle d'assignation à résidence, en vertu de laquelle le candidat réfugié devait résider effectivement dans un centre, à défaut de quoi on pouvait considérer la demande d'asile comme irrecevable, n'a pas été retenue en raison des critiques du Conseil d'État. Pareille « concession » a été compensée par : 1) l'élagissement de la catégorie des candidats réfugiés qui sont obligés de s'inscrire dans un centre; 2) le caractère systématique de l'affectation à un centre et de la décharge que celle-ci doit entraîner pour les CPAS; 3) l'obligation de présentation qui peut être imposée aux demandeurs d'asile en application de l'article 52 de la loi sur les étrangers.

Si on a développé le système complexe du plan de répartition et du registre d'attente, c'est principalement en raison des protestations de certaines villes qui, dans les années '80, se sont dites submergées de candidats réfugiés et qui ne pouvaient ou ne voulaient plus supporter les charges financières pesant sur leur CPAS. Ces communes ont refusé, en violation de la loi, d'inscrire encore des étrangers dans leurs registres des étrangers ou de la population. De nombreux CPAS ont invoqué cette absence d'inscription pour refuser toute aide sociale, ce pour quoi ils ont été régulièrement condamnés. Alors qu'officiellement, l'objectif était d'éviter la formation de ghettos, il s'avère que les nouvelles dispositions mènent vraiment à la formation de ghettos. Étant donné que, pendant la phase de recevabilité, les candidats réfugiés ne peuvent pas exercer de travail lucratif et ne reçoivent une aide sociale que dans les centres désignés, la plupart d'entre eux sont obligés (sauf s'ils ont une fortune personnelle ou de la famille en Belgique) de résider effectivement dans ces centres. Comme seul un petit nombre de demandeurs d'asile franchissent la phase de recevabilité, il ne reste pas grand-chose de la répartition, que l'on voulait « harmonieuse », des demandeurs d'asile entre toutes les communes. D'une part, on a créé un système complexe de répartition des charges financières, qui pose problème aux administrations de nombreux CPAS. Et d'autre part, on assiste à présent à une concentration extrême de candidats réfugiés pendant la phase de recevabilité.

Il faut constater que les lenteurs dans la création des centres d'accueil ouverts entraînent la constitution d'une liste d'attente de candidats demandeurs d'asile, ce qui remet évidemment en question la philosophie de la réglementation visée.

2.1.3. Octroi de l'aide sociale aux candidats réfugiés et aux demandeurs d'asile déboutés

Les candidats réfugiés peuvent demander une aide sociale en application de l'article 1er de la loi sur les CPAS. Cet article prévoit que : « Toute personne a droit à l'aide sociale. Celle-ci a pour but de permettre à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine. » Nul ne conteste que cet article soit applicable aux candidats réfugiés. On a prévu un régime dérogatoire d'aide aux candidats réfugiés durant la période de recevabilité. L'article 57ter , alinéa 2, de la loi organique des centres publics d'aide sociale dispose que les centres d'accueil ouverts doivent dispenser l'aide sociale aux candidats réfugiés durant la phase de recevabilité. Force est cependant de constater dans la pratique qu'il est douteux que cette aide sociale fournie dans les centres d'accueil respecte la norme de la conformité à la dignité humaine.

La Ligue veut en tout cas rappeler qu'aucun argument ne saurait justifier que l'aide sociale se limite à assurer la survie du demandeur d'asile. L'aide doit permettre au candidat réfugié de mener une vie conforme à la dignité humaine.

Nous estimons que ce principe est pleinement applicable aux étrangers qui ont épuisé toutes les voies de recours, et ce en dépit de la formulation du nouvel article 57, § 2, de la loi organique des CPAS. Nous voulons parler ici de la limitation des interventions du CPAS à l'octroi de l'aide médicale urgente à un étranger qui séjourne illégalement dans le Royaume. Les étrangers en situation illégale visés sont ceux dont la demande d'asile a été rejetée et qui se sont vu notifier un ordre exécutoire de quitter le territoire. Le législateur a pensé ainsi mettre un point final à la discussion sur la notion d'ordre définitif de quitter le territoire, qui figurait initialement dans la loi. Un ordre de quitter le territoire est à présent réputé exécutoire à l'expiration du délai mentionné dans l'ordre, même si un recours a été formé contre cette décision, sauf si un arrêt du Conseil d'État en suspend l'exécution forcée.

Dans la pratique, nous constatons que la jurisprudence donne une interprétation plus large à la notion d'ordre exécutoire. Certaines décisions prises en référé, notamment par le président du tribunal du travail de Gand, déclarent inexécutable l'ordre de quitter le territoire lorsque des motifs matériels concrets peuvent être invoqués (par exemple, le fait que l'intéressé est mineur, l'état de santé du demandeur d'asile ou certaines situations dans le pays d'origine). La nécessité d'adapter la législation en la matière, au besoin par le biais d'une loi interprétative, nous paraît une évidence.

2.1.4. Sanction dont est passible quiconque aide sciemment ou assiste un étranger dans les faits qui ont préparé son entrée illégale ou son séjour illégal dans le Royaume ou qui les ont facilités

À la suite de certaines décisions judiciaires retentissantes concernant l'application de l'article 77 de la loi sur les étrangers, la Ligue estime qu'il y a lieu d'adapter cet article.

La Ligue propose de remplacer, dans la phrase liminaire de cet article, le mot « sciemment » par les mots « à des fins malveillantes ou dolosives ». Cette proposition s'inspire de la critique formulée par l'avocat général Gunther lors du procès Verschaeve devant la cour d'appel de Gand, qui s'est soldé par l'acquittement de cette Ostendaise le 22 mai 1997. Cette correction rendrait superflue la phrase litigieuse « L'alinéa précédent ne s'applique pas si l'aide ou l'assistance est offerte à l'étranger pour des raisons purement humanitaires ».

La Ligue se réjouit du dépôt au Sénat d'une proposition de loi visant à modifier l'article 77 en ce sens.

2.1.5. Circulaires relatives aux personnes inéloignables et à l'application de l'article 6, alinéa 3, de la loi sur les étrangers

La « Liga voor mensenrechten » souscrit entièrement aux réflexions de l'« Overlegcentrum voor integratie van vluchtelingen » (OCIV) portant sur les deux circulaires qui seront, paraît-il, publiées prochainement au Moniteur belge (voir la note de l'OCIV du 16 septembre 1997 jointe en annexe).


La parole est ensuite donnée à maître P. De Wilde qui, en sa qualité d'avocat et de membre de la Ligue, possède une réelle expérience des dossiers de réfugiés.

Maître De Wilde considère que les avocats qui traitent des dossiers d'étrangers ont une idée précise des défaillances de la législation en vigueur et des procédures actuelles. Le reproche permanent formulé par les différentes administrations à l'adresse des avocats est qu'ils dénoncent toujours des cas individuels qui font figure d'exception, alors que la majorité des dossiers sont traités correctement.

Il reste que chaque erreur de traitement est une erreur de trop et que l'expérience montre que cette problématique ne se limite pas à une petite partie des dossiers. Il paraît peu plausible que les problèmes se limitent aux seuls dossiers suivis par un avocat.

Une première série d'abus constatés est liée à la détention administrative. Dans bon nombre de cas, le fait que cette détention soit de durée indéterminée ne semble pas se traduire en pratique par un raccourcissement des périodes de détention, ce qui était pourtant l'argument justifiant de procéder à la modification.

Le rapatriement pose également des problèmes. On essaie parfois d'expulser un demandeur d'asile débouté vers un pays autre que sa patrie.

Le fonctionnement de l'Office des étrangers soulève en général des critiques. Lorsqu'il s'avère que quelqu'un ne peut pas être rapatrié, l'Office des étrangers devrait au moins proposer des solutions de rechange : les demandeurs d'asile déboutés ne sont pas tous indigents et il existe d'autres possibilités, à supposer que l'on permette à l'intéressé de trouver une solution à une situation spécifique, par le biais d'une régularisation temporaire.

La longueur extrême de la procédure d'asile pose d'autres problèmes aux demandeurs d'asile déboutés. Après cinq ans, certains se sont déjà partiellement intégrés. On éloigne pourtant encore ces personnes.

Bien que l'on ait promis de raccourcir la procédure d'asile, les avocats qui travaillent sur le terrain ne constatent pas d'amélioration. À la fin de la procédure, l'on devrait davantage se baser sur des considérations humaines.

L'Office des étrangers ne fait preuve d'aucune compétence lors de l'examen de leur recevabilité.

M. De Wilde a appris que cet office continue à travailler avec des quotas.

L'interview qui a lieu au cours de l'examen de la recevabilité laisse également beaucoup à désirer. Il est très difficile d'avoir des traductions, les interviews sont très sommaires et l'on essaie d'obtenir certaines déclarations (des dates exactes, etc.) que l'on utilise par la suite pour constater des « contradictions ». Il faut tenir compte du fait qu'une personne qui a subi des persécutions politiques n'a pas toujours une idée exacte de l'ensemble des dates et que toutes les cultures n'accordent pas la même importance au fait de connaître une date exacte.

Bref, la Ligue plaide pour que ce ne soit plus l'Office des étrangers qui soit chargé de l'examen de la recevabilité, ou pour que l'on réforme la procédure en profondeur et que l'on prévoie davantage de moyens.

Un autre problème se pose après la première interview à l'Office des étrangers. L'on invite le demandeur d'asile à résider dans un centre ouvert. Étant donné qu'il y a des listes d'attente, l'attribution d'un centre pose parfois des problèmes. C'est pourquoi les demandeurs d'asile doivent se présenter régulièrement à Bruxelles, ce qui est très difficile pour quelqu'un qui n'a aucun moyen de subsistance.

L'on satisfait aux besoins les plus élémentaires des personnes qui résident dans les centres ouverts. Les intéressés reçoivent 150 francs d'argent de poche par semaine. C'est particulièrement peu. Bien que les pouvoirs publics souhaitent éviter ainsi certains abus, l'on risque d'en provoquer d'autres. Tout d'abord, l'on crée un critère financier applicable aux candidats demandeurs d'asile. Ensuite, l'on risque de favoriser ainsi des activités criminelles.

La nouvelle réglementation met un frein au droit aux allocations versées par le CPAS, ce qui met en péril le champ d'application de la loi sur les CPAS. Heureusement, le juge du travail prend ses responsabilités et procède à une correction dans les cas pénibles. Il s'agit de demandeurs d'asile définitivement déboutés qui ne sont pas rapatriables. Le juge du travail impose parfois aussi des corrections en cas d'aide médicale urgente.

Il est grave de constater que les tribunaux doivent corriger une législation dégradante. Il espère que le Sénat défendra les propositions du Centre et de la Ligue.

2.2. Échanges de vues

Le vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur souhaite apporter immédiatement deux rectifications.

Tout d'abord, l'Office des étrangers ne travaille pas avec des quotas. Si c'était le cas, se serait contraire aux instructions et il s'agirait d'une action illicite des fonctionnaires en question. Il est vrai que l'avis du fonctionnaire chargé de l'examen est transmis à un supérieur. Celui-ci peut prendre une décision différente sur la base du dossier. L'on ne peut toutefois pas en déduire que l'Office utilise des quotas.

Ensuite, il n'existe pas de liste d'attente pour accéder aux centres ouverts. Jusqu'à présent, tous ceux qui, au cours de la procédure de recevabilité, ont fait appel à un centre ouvert, y ont été hébergés. Même si ce n'est pas facile. Pourtant, il est vrai que la moitié des demandeurs d'asile ne souhaitent pas recourir à pareille possibilité.

Le secrétaire d'État à l'Intégration sociale confirme que jusqu'à présent, et ce depuis le 20 janvier 1997, l'on est toujours parvenu à envoyer le jour même le demandeur d'asile dans un centre, s'il le souhaite. Pour ce faire, il reçoit d'ailleurs un titre de transport. Cependant, il arrive que le demandeur d'asile ne se rende pas au centre.

Une membre voudrait apprendre de maître De Wilde comment il entre en contact avec ses clients et combien d'avocats sont spécialisés dans la gestion de ces dossiers. Elle voudrait également disposer d'une statistique de ce que fait la « Liga voor Mensenrechten ». Combien de cas traite-t-elle ? De quelles catégories de problèmes s'agit-il ?

Ensuite, elle voudrait comprendre quel est le circuit par lequel certains avocats se spécialisent dans la gestion de ces dossiers. Elle a l'impression qu'on fait appel à un certain nombre de cabinets d'avocats pour utiliser les périodes maximales pour rester dans notre pays.

M. Pataer craint que la Ligue ne puisse pas apporter de réponse. Elle n'enregistre pas tous les problèmes et n'a pas non plus le monopole de l'examen des problèmes des demandeurs d'asile. La Ligue n'a pas davantage les moyens de suivre systématiquement tous les cas. Elle sert simplement d'antenne grâce à des contacts personnels et ses points de vue se fondent sur des expériences personnelles.

Maître De Wilde répond qu'à sa connaissance, c'est généralement grâce au bouche à oreille que les clients arrivent chez des avocats spécialisés. Il est au courant de certaines situations alarmantes au barreau de Bruxelles, mais ne peut pas se prononcer à ce propos. En tout cas, il n'entre pas dans ses intentions de vider la loi de son contenu ni d'en abuser.

Seul un petit nombre d'avocats (douze) collaborent régulièrement avec la Ligue. Il est à peu près évident que si, en tant qu'avocat, l'on s'occupe d'une matière telle que les droits de l'homme, l'on entre en contact avec la problématique des réfugiés. Naturellement, il n'a pas de vue d'ensemble des affaires qui sont traitées par des avocats pro deo .

3. Audition de la Ligue des droits de l'homme

3.1. Exposés

La présidente de la Ligue des droits de l'homme, Mme Françoise Tulkens, commence par constater que les modifications de juillet 1996 constituent la dixième modification de la loi de 1980. Ces modifications législatives ont complètement détruit la cohérence de la loi initiale et le statut du réfugié tel qu'il a été adopté au début des années 1980.

Ces multiples modifications ont conduit à une loi de plus en plus complexe et difficilement accessible pour ceux qui ont la mission de conseiller et d'aider les demandeurs d'asile.

Eu égard à la mission de la Ligue des droits de l'homme, elle désire attirer l'attention de cette commission sur un ensemble de dispositions de ces lois qui entraînent des restrictions et des violations des droits humains fondamentaux et qui témoignent aussi d'une efficacité relative des réformes partielles qui ont été engagées.

Pour les gens qui s'adressent à la Ligue des droits de l'homme, elle est leur dernier recours. La Ligue reçoit certainement un appel par jour des gens qui sont « en bout de course ».

La commission « étrangers » de la Ligue a examiné cette question. Mme Sarolea présentera les différentes questions soulevées.


Mme Sylvie Sarolea explique que son analyse n'est pas juridiquement-techniquement approfondie. C'est plutôt une analyse ponctuelle des dispositions qui sont le symptôme d'une situation générale. Les modifications apportées depuis 1980 sont autant de traces de dérives sournoises.

En effet, certaines restrictions au droit des étrangers étaient inimaginables en 1980. Jamais on n'aurait pu s'imaginer de telles restrictions. Petit à petit au cours des réformes portant atteinte, parfois de façon minimale, à certains droits fondamentaux, on a donné l'impression au législateur et à la population que certaines violations de ces droits fondamentaux étaient normales. Petit à petit, ce qui paraissait inimaginable devient réalité.

Les atteintes aux droits fondamentaux élémentaires ont été perpétrées par cette évolution législative pour arriver à une situation inquiétante.

Il est important de restaurer une échelle de valeurs. Qu'est-ce qui est plus important ? Respecter les droits fondamentaux de tout être humain ou bien prendre des mesures qui violent les droits fondamentaux parce qu'il y a des abus ?

S'il y a certainement des abus, ceux-ci se situent toujours à la marge. Ce n'est pas la majorité des étrangers qui abusent. Il est inadmissible que la lutte contre des abus marginaux implique des restrictions aux droits les plus fondamentaux de tous les étrangers.

Après ces considérations générales, Mme Sarolea examine les dispositions de la loi de 1980.

3.1.1. L'accès au territoire de la Belgique : l'engagement de prise en charge (article 3bis de la loi du 15 décembre 1980)

L'ancienne législation ne réglait pas la prise en charge pour un étranger en court séjour. Par analogie, les dispositions de l'article 60 de la loi du 15 décembre 1980, relatif aux étudiants, étaient appliquées.

La preuve de moyens de subsistance suffisants via un engagement de prise en charge ne constitue pas un obstacle uniquement pour les étrangers désireux de venir séjourner temporairement en Belgique mais aussi pour tous les étrangers déjà en Belgique qui désirent recevoir la visite d'un membre de leur famille ou d'un(e) amie(e).

Alors que le nouvel article 3 de la loi du 15 décembre 1980 se borne, lui, à exiger que les moyens de subsistance soient suffisants pour couvrir la durée du séjour envisagée et le retour dans le pays de provenance, le fait de prévoir un engagement de prise en charge des frais sur une durée de deux ans, même pour un séjour dont la durée est en principe fixée à trois mois, ne laisse pas à chacun, en raison de ce critère de fortune particulièrement rigide, les mêmes possibilités de pouvoir se faire rejoindre par quelqu'un (membre de sa famille, ami(e),...) en Belgique. Cette inégalité d'un autre âge est évidemment inacceptable.

Enfin, si cet article 3bis a, malgré tout, le mérite de clarifier une situation dans laquelle les initiatives locales anarchiques foisonnent, il convient précisément d'attirer l'attention des membres de la commission sur les pratiques de certaines communes qui ont profité de leur intervention, réduite normalement à une simple légalisation d'un document, pour s'arroger une compétence qu'elles ne possèdent pas en ajoutant elles-mêmes des conditions draconiennes supplémentaires à cet engagement de prise en charge.

Proposition :

La Ligue des droits de l'homme demande une révision de l'article 3bis de la loi du 15 décembre 1980, de façon à ce que la possibilité de prendre un engagement de prise en charge soit réellement accessible au plus grand nombre de personnes intéressées.

Elle désire également que les autorités ayant la tutelle sur les pouvoirs locaux interviennent de façon énergique pour rappeler à ces derniers les limites de leurs compétences. Une circulaire ministérielle en ce sens pourrait à tout le moins être diffusée.

3.1.2. Le séjour sur le territoire de la Belgique

3.1.2.1. La régularisation de l'étranger en séjour illégal

Exposé

Une demande de régularisation est basée sur l'article 9, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980 qui permet, lors de circonstances exceptionnelles, à un étranger se trouvant déjà sur le territoire du Royaume de demander une autorisation de séjour auprès du bourgmestre de la localité où il séjourne.

Normalement, cette autorisation de séjour doit être demandée par l'étranger, avant son arrivée en Belgique, au poste diplomatique ou consulaire belge compétent.

La demande de régularisation est ensuite transmise, par le bourgmestre saisi, au ministre de l'Intérieur ou à son administration.

Commentaire

Le pouvoir discrétionnaire ainsi accordé au ministre de l'Intérieur et à son administration chargée en pratique d'examiner ces demandes, c'est-à-dire l'Office des étrangers, a pour conséquence de générer une incertitude juridique préjudiciable à l'étranger qui souhaite être régularisé. L'opacité dans laquelle se déroule l'examen de ces demandes de régularisation, le silence de l'Office des étrangers quant aux critères qu'il utilise et, surtout, le problème posé dans une matière aussi sensible, qui ne peut en aucun cas se satisfaire de directives générales, par la dépendance hiérarchique de cette administration par rapport au ministre de l'Intérieur, ont pour effet :

­ d'une part, d'empêcher tout étranger de pouvoir introduire une demande de régularisation en connaissance de cause et

­ d'autre part, de donner l'impression que l'arbitraire le plus total préside au sort de toute demande de régularisation.

De plus, la récente pratique administrative de l'Office des étrangers consistant à faire vérifier par un médecin-conseil les problèmes médicaux invoqués comme circonstances exceptionnelles par un étranger à l'appui de sa demande de régularisation est également critiquable à plus d'un titre car :

­ on peut s'interroger sur l'indépendance de ce médecin-conseil lors de l'exercice de sa mission à partir du moment où il est employé par le ministère de l'Intérieur. Bien sûr, cette question relève surtout du domaine de la déontologie, mais elle a aussi pour conséquence immédiate de laisser planer un doute quant au caractère sérieux du travail que peut accomplir en pareilles circonstances ce médecin-conseil (lire à cet égard en annexe 1 l'arrêt 66 703 rendu le 10 juin 1997 par le Conseil d'État qui critique un examen effectué par un médecin de l'Office des étrangers);

­ il est d'autant plus légitime d'être circonspect quant au caractère sérieux de ce travail quand on apprend que le médecin-conseil de l'Office des étrangers ne rend son avis que sur la base de l'examen d'un dossier et sans réel examen médical. De plus, fait partie intégrante de ce dossier un questionnaire rédigé et envoyé par l'Office des étrangers au médecin traitant de l'étranger dans le but principal de savoir si un retour au pays d'origine est médicalement possible; pratique dont on peut se demander sur quelle base légale ou réglementaire elle repose et si, dans la mesure où elle appelle un médecin à remplir des documents qui peuvent être préjudiciables à son patient, elle est compatible avec l'éthique médicale (voir CRA , Sénat, séance du 22 mai 1997, question du Sénateur R. Lallemand et la réponse du secrétaire d'État à la Sécurité, l'Intégration sociale et l'Environnement);

­ en outre, vu son poids dans la décision finale prise sur la demande de régularisation, le fait que l'avis de ce médecin-conseil soit rendu de façon non contradictoire pose également un problème important de respect des droits de la défense.

Proposition :

Pour la Ligue des droits de l'homme, en raison des frustrations qu'il engendre, le système actuel de régularisation doit être fondamentalement revu en confiant cette compétence à une instance indépendante.

La Ligue des droits de l'homme propose donc :

­ une régularisation automatique pour l'étranger résidant depuis cinq ans en Belgique et qui a un lien familial avec une personne vivant régulièrement en Belgique, cette personne pouvant être son (sa) conjoint(e) sans qu'un mariage soit requis, le père ou la mère, un enfant ou encore un frère ou une soeur;

­ la création d'une commission indépendante, dotée d'un pouvoir décisionnel, qui serait chargée de statuer sur les autres demandes de régularisation.

Elle demande aussi que, lorsque l'Office des étrangers décide de faire appel à son médecin-conseil pour verifier la pertinence de certains éléments avancés dans une demande de régularisation, un réel examen médical de l'étranger puisse alors être organisé, en présence du médecin traitant.

3.1.2.2. L'article 18bis de la loi du 15 décembre 1980

Exposé :

L'article 18bis, alinéa 1er , de la loi dispose que :

« le Roi peut, sur proposition du ministre, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, interdire (...), par voie de disposition générale et pour une période déterminée, aux étrangers autres que les étrangers CE et assimilés au sens de l'article 40 et autres que ceux autorisés à séjourner plus de trois mois dans le Royaume pour y faire des études, de séjourner ou de s'établir dans certaines communes, s'il estime que l'accroissement de la population étrangère dans ces communes nuit à l'intérêt public. »

Commentaire :

Six communes bruxelloises, à trois reprises depuis 1985, ainsi que la Ville de Liège, entre 1990 et 1991, ont pu bénéficier de la faculté offerte par cet article 18bis. Les derniers arrêtés royaux pris en cette matière sont venus à expiration le 14 mai 1995.

Dans ses neuvième et dixième rapports périodiques, présentés les 12 et 13 mars 1997 au Comité pour l'élimination de la discrimination raciale de l'ONU, conformément à l'article 9 de la Convention internationale du 7 mars 1996, le gouvernement belge a clairement affirmé son intention de ne plus prendre d'arrêté royal en application de l'article 18bis de la loi du 15 décembre 1980 sous cette législature.

Proposition :

En conséquence, s'appuyant sur les conclusions déposées par le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale à la suite de l'examen des rapports déposés par la Belgique (voir en annexe 4 les conclusions en question, spécialement les points 13 et 21), la Ligue des droits de l'homme demande l'abrogation de l'article 18bis de la loi du 15 décembre 1980.

3.1.2.3. L'article 77 de la loi du 15 décembre 1980

Commentaire :

La récente condamnation d'une Ostendaise par le tribunal de première instance de Bruges à une peine de prison et à une amende pour avoir entretenu une relation amoureuse avec un étranger en séjour illégal démontre à suffisance à quel point une interprétation restrictive de cet article peut entraîner une violation manifeste du droit au respect de la vie privée et de la vie familiale tel que garanti par l'article 12 de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948, l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et l'article 17 du Pacte international de New York du 16 décembre 1966 relatif aux droits civils et politiques.

Qui peut prétendre qu'après le ou la partenaire d'une relation amoureuse, ce ne seront pas l'avocat qui introduit une demande de régularisation pour un étranger en séjour illégal, voire les écoliers qui se mobilisent pour un condisciple menacé, les prochains à être poursuivis sur base de cette disposition ?

Proposition :

S'il est heureux que la décision du tribunal de Bruges ait été réformée en appel, la Ligue des droits de l'homme estime qu'une révision de l'article 77 de la loi du 15 décembre 1980 est indispensable pour éviter, à l'avenir, d'être encore confronté à de pareilles chasses aux sorcières qui, selon les propos du ministre de l'Intérieur ne constituent pas l'objectif poursuivi par cette législation.

3.1.3. L'éloignement de l'étranger en séjour illégal sur le territoire du Royaume

La Ligue des droits de l'homme s'inquiète des dérives qui surviennent de plus en plus fréquemment lors de l'éloignement des étrangers ainsi qu'en témoigne, par exemple, la pratique consistant à confier en sous-traitance à des sociétés privées l'éloignement de certains étrangers sans qu'aucune garantie effective ne leur soit accordée (voir l'arrêt du Conseil d'État nº 62 819 du 29 octobre 1996 condamnant implicitement les relations entre les autorités belges et la société Budd établie en Côte d'Ivoire).

Elle réaffirme avec force sa volonté de voir le principe du respect des droits humains fondamentaux en toutes circonstances guider l'action des autorités politiques et administratives belges.

3.1.3.1. L'article 7, alinéas 2 et suivants de la loi du 15 décembre 1980, tel que modifié par l'article 11 de la loi du 15 juillet 1996

Exposé :

Déjà portée de un à deux mois par la loi du 6 mai 1993, la durée maximale d'une détention en vue d'un éloignement est aujourd'hui potentiellement illimitée.

La privation de liberté, constituant toujours une atteinte à une liberté fondamentale, doit donc être limitée au strict nécessaire, surtout si, comme en l'espèce, elle n'est pas une sanction mais une simple mesure d'ordre.

Elle doit être décidée de façon encore plus prudente lorsqu'elle concerne des mineurs (voir infra point 3.1.5.).

Le texte actuel octroie un trop grand pouvoir d'appréciation à l'Office des étrangers, redonnant toute leur actualité aux questions posées par le Conseil d'État lors de l'examen de ce qui n'était encore qu'un projet de loi : « quels seront les critères qui permettront de considérer que l'éloignement effectif de l'étranger est toujours possible : exigera-t-on de la part des autorités étrangères une promesse formelle de délivrance, dans un délai imparti ou non, des documents nécessaires ? Se contentera-t-on, au contraire, d'une promesse formelle d'examen de la demande de délivrance desdits documents ? Ira-t-on jusqu'à se contenter d'une simple acceptation de l'examen de la demande par l'autorité compétente ? »

Pour la Ligue des droits de l'homme, ce flou ne peut être maintenu et, si elle existe, « une possibilité d'éloigner effectivement l'étranger dans un délai raisonnable » doit être préparée avant une mesure de détention ou être trouvée endéans un délai maximum de deux mois. Dans les cas les plus fréquents, l'étranger ne se cache pas mais réside de façon ouverte. Souvent, il a des enfants scolarisés. Sa détention n'est pas une mesure nécessaire à son éloignement du territoire mais un traitement inhumain et dégradant contraire au respect des droits humains fondamentaux.

Proposition :

Parce qu'une période illimitée ou un délai de huit mois pour organiser un éloignement ne peut en soi jamais être considéré comme raisonnable et est contraire aux articles 6 et 18 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, la Ligue des droits de l'homme demande la suppression des trois derniers alinéas de l'article 7 de la loi du 15 décembre 1980 et l'adaptation en conséquence des articles 25 (alinéas 4 et suivants); 29 (alinéas 2 et suivants), 74/5, 3, et 74/6, § 2, de la loi précitée.

Elle regrette également que ne soient pas rendues publiques une évaluation et les données statistiques relatives, d'une part, au nombre de personnes détenues administrativement en vue de leur éloignement et, d'autre part, au nombre de fois où les nouvelles possibilités de prolongation de détention ont été utilisées. Cette absence de données empêche de vérifier l'efficacité des dernières modifications législatives adoptées. S'il apparaissait en effet que celles-ci ne sont guère utilisées, ce qui signifie que des possibilités d'éloignement peuvent être trouvées dans un délai de deux mois, leur raison d'être et donc leur maintien n'aurait pas de sens (à cet égard, un quelconque effet dissuasif qui s'attacherait à ces dispositions ne pourrait à lui seul justifier leur maintien car tel n'était pas l'objectif qui vous avait été présenté lors de l'adoption du projet de loi).

3.1.3.2. L'article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976, organique des CPAS, tel que modifié par l'article 65 de la loi du 15 juillet 1996

Exposé :

Cet article dispose que :

« § 2. Par dérogation aux autres dispositions de la présente loi, la mission du centre public d'aide sociale se limite à l'ocroi de l'aide médicale urgente, à l'égard de l'étranger qui séjourne illégalement dans le Royaume (...). »

Commentaire :

Pourtant, selon l'article 1er de la loi du 8 juillet 1976, « toute personne a droit à l'aide sociale. Celle-ci a pour but de permettre à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine. »

L'affirmation que « toute personne » a droit à l'aide sociale est sans doute présomptueuse : par les lois du 28 juin 1984, du 30 septembre 1992 et du 15 juillet 1996, petit à petit, le législateur belge, appuyé en partie par le pouvoir judiciaire, a délibérément établi (puis renforcé) un lien entre le droit à l'aide sociale et la régularité d'un séjour.

Le caractère illégal du séjour d'une personne prend donc le pas sur sa qualité d'être humain. Passant au second plan, celle-ci lui est déniée ainsi que certains droits humains fondamentaux qui y sont attachés.

Outre le fait que cette modification législative ne respecte pas les articles 22 et 25, 1º, de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948, ni les articles 11, 1º, et 12, 1º, du Pacte international de New York du 16 décembre 1966 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ni l'article 23 de la Constitution belge; ses conséquences sont à la fois humainement désastreuses et absurdes. À quoi sert-il encore d'offrir la possibilité d'une demande de régularisation si, durant l'examen de celle-ci, l'étranger ne peut disposer d'aucune ressource pour vivre ? De même, peut-on parler d'un droit à un réel accès à la justice, tel que garanti par les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si l'étranger, qui a introduit un recours devant le Conseil d'État à l'encontre de la décision lui enjoignant de quitter le territoire (recours qui n'est pas en soi suspensif), ne dispose d'aucun moyen de subsistance durant le délai pris par la haute juridiction administrative pour statuer sur son cas ?

Des effets pervers dans le monde du travail peuvent être attendus de pareilles dispositions et sont même déjà largement vérifiables.

Proposition :

Parce qu'elle ne peut se résoudre à des droits humains à géométrie variable, parce que, comme l'a souligné le professeur Rigaux, « l'idée que l'état de détresse infligé à l'étranger en séjour illégal par le refus de l'aide sociale est un moyen d'enfermer le renard pour lui faire quitter son terrier est un subterfuge indigne d'un pays civilisé » (F. Rigaux, observations sous CA du 29 juin 1994, Droit en quart-monde , 1995, p. 50), la Ligue des droits de l'homme demande la suppression de l'article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976, organique des CPAS.

3.1.4. Une modification procédurale malheureuse : l'article 51/4 de la loi du 15 décembre 1980

Commentaire :

Lors de l'examen d'une demande d'asile, l'usage de l'expression orale est crucial, surtout lorsque l'on constate que les autorités belges compétentes en la matière ont régulièrement recours à des contradictions entre les récits présentés aux différents stades de la procédure pour motiver une décision défavorable.

La Ligue des droits de l'homme estime que « les besoins du service » doivent céder le pas face à l'impératif d'une procédure d'examen des demandes d'asile conforme aux recommandations du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies, c'est-à-dire permettant d'obtenir une présentation aussi complète que possible des éléments à la base de cette demande d'asile (voir Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié , Genève, 1979, p. 53). Cette exigence peut-elle être remplie si une audition se déroule comme suit : première traduction du lingala vers le français, deuxième traduction du français vers le néerlandais et vice versa ?

De même, le fait que la décision attribuant le choix de la langue ne puisse faire l'objet d'aucun recours distinct est, ainsi que l'a affirmé le tribunal civil de Bruxelles siègeant en référé le 25 mars 1997, contraire aux articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 garantissant l'accès à un tribunal et à un recours effectif.

Proposition :

En conséquence, la Ligue des droits de l'homme demande la suppression de l'article 51/4 de la loi du 15 décembre 1980.

3.1.5. Les mineurs non accompagnés : des mineurs avant d'être des étrangers

La situation des mineurs non accompagnés désirant accéder au territoire de la Belgique ou s'y trouvant déjà, est aujourd'hui à ce point préoccupante que la Ligue des droits de l'homme juge nécessaire d'attirer particulièrement l'attention des membres de votre commission sur ce sujet.

Elle se fait ici, devant vous, le relais du véritable cri d'alarme lancé par les diverses associations qui travaillent sur le terrain avec des mineurs étrangers : le centre « Exil », l'ASBL « Mentor », le service « Droit des jeunes » et, jusqu'il y a peu, le centre « l'Escale ».

Leurs expériences pratiques respectives avec ces jeunes démontrent de façon lumineuse, par quelques exemples, toute l'acuité du problème posé par l'absence d'une procédure administrative cohérente et qui soit spécifique aux mineurs étrangers.

3.1.5.1. Le mineur étranger non accompagné arrivant en Belgique

A. Les mineurs étrangers non accompagnés qui demandent l'asile en Belgique

Exposé :

Divers engagements et déclarations de nature juridique ou politique lient sur ce sujet bien précis l'État belge :

­ l'article 22 de la Convention internationale sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989 dispose que :

1. Les États parties prennent les mesures appropriées pour qu'un enfant qui cherche à obtenir le statut de réfugié ou qui est considéré comme réfugié en vertu des règles et procédures du droit international ou national applicable, qu'il soit seul ou accompagné de ses père et mère ou de toute autre personne, bénéficie de la protection et de l'assistance humanitaire voulues pour lui permettre de jouir des droits que lui reconnaissent la présente Convention et les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ou de caractère humanitaire auxquels lesdits États sont parties.

2. À cette fin, les États parties collaborant, selon qu'ils le jugent nécessaires, à tous les efforts faits (...) pour protéger et aider les enfants qui se trouvent en pareille situation et pour rechercher les père et mère ou autres membres de la famille de tout enfant réfugié en vue d'obtenir les renseignements nécessaires pour le réunir à sa famille. Lorsque ni le père, ni la mère, ni aucun autre membre de la famille ne peut être retrouvé, l'enfant se voit accordé, selon les principes énoncés dans la présente convention, la même protection que tout autre enfant définitivement ou temporairement privé de son milieu familial pour quelque raison que ce soit. »

­ Outre l'article 22 de la convention précitée, il convient en cette matière de se référer également à la position officielle du gouvernement belge, telle qu'exprimée dans son rapport relatif à la Convention des droits de l'enfant en application de l'article 44 de celle-ci :

« (...) il échet de constater que de nombreuses mesures devraient encore être prises afin d 'améliorer la situation de ces jeunes réfugiés : À l'heure actuelle, il devient indispensable de disposer de nouveaux subsides afin de créer de nouvelles familles d'accueil pour ces jeunes ainsi que de créer de nouveaux centres spécialisés, et ce surtout dans la partie francophone du pays (...). »

­ Enfin, le 26 juin 1997, le Conseil des ministres européens de la Justice et de l'Intérieur a adopté une résolution concernant les mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers dans laquelle, pour les demandeurs d'asile (article 4 de la résolution), des engagements spécifiques à charge des États membres sont clairement définis :

a) il est prévu que les États membres de l'Union européenne pourront placer des mineurs de 16 ans ou plus dans un centre de transit pour adultes demandeurs d'asile (article 4, 4º); a contrario, tel n'est donc pas le cas pour les mineurs de moins de 16 ans;

b) le traitement des demandes d'asile introduites par des mineurs non accompagnés doit être traité par les États membres comme une matière prioritaire (article 4, 2º);

c) le mineur doit recevoir également la possibilité de se faire assister durant chaque interview prévue par la procédure d'asile (article 4, 5º, a) ; voir aussi l'article 3, 4º, relatif aux garanties minimales à accorder à tous les mineurs non accompagnés);

d) enfin, ces interviews doivent être menées par des fonctionnaires disposant d'une certaine expérience et d'une formation appropriée (article 4, 5º, b) de façon à pouvoir bien prendre en considération le fait qu'un mineur, vu sa maturité et son développement intellectuel, peut n'avoir qu'une connaissance de son pays d'origine (article 4, 6º).

Commentaire

Si nous souscrivons au diagnostic ainsi posé et aux engagements pris par la Belgique et les États membres de l'Union européenne, il convient cependant de déplorer l'immense écart que l'on retrouve ici entre le discours et les pratiques :

1. Des mineurs étrangers se retrouvent fréquement, quel que soit leur âge, détenus dans des centres fermés pour adultes situés à la frontière.

Or, cette détention n'est pas automatique mais constitue seulement une faculté pour le ministre de l'Intérieur (l'article 74/5 de la loi du 15 décembre 1980 permet le maintien dans un lieu déterminé à la frontière, ou dans d'autres lieux assimilés l'intérieur du royaume, de l'étranger qui ne remplit pas les conditions pour entrer régulièrement en Belgique et qui se déclare réfugié à la frontière).

Le ministre est donc habilité à ne pas détenir un mineur et à le confier à des personnes ou institutions ad hoc pendant que son dossier est traité, ce afin de trouver une solution adaptée à son âge et à sa situation. Cette solution aurait le mérite de respecter les articles suivants :

­ l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. Cet article limite les hypothèses dans lesquelles est autorisée la détention de mineurs aux mesures d'éducation surveillée et à la détention en vue de la traduction devant une autorité compétente;

­ l'article 37 de la Convention sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989 qui dispose que : « Les États parties veillent à ce que nul enfant ne soit privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. L'arrestation, la détention ou l'emprisonnement d'un enfant doit être en conformité avec la loi, n'être qu'une mesure de dernier ressort, et être d'une durée aussi brève que possible; (...) tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes à moins que l'on estime préférable de ne pas le faire dans l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ».

Dans l'hypothèse cependant où le ministre de l'Intérieur continuerait à ordonner la détention de mineurs étrangers non accompagnés, il paraît alors à tout le moins logique de respecter les engagements auxquels il a lui-même soucrit et qui militent contre la détention de mineurs étrangers de moins de 16 ans qui demandent l'asile dans un centre pour adultes (article 4, 4º, de la résolution du 26 juin 1997 précitée).

2. L'examen de la demande d'asile d'un mineur étranger non accompagné par les autorités belges compétentes peut prendre, malgré l'article 4, 2º, de la résolution précitée, un délai inacceptable ainsi qu'en témoigne le cas d'un mineur suivi par l'ASBL « Mentor » : arrivé en Belgique en 1994, il n'a été interrogé sur le fond de sa demande (deuxième étape de l'examen d'une demande d'asile) qu'en mai 1996. À ce jour, il attend toujours une réponse...

Cette attente engendre dans le chef du mineur une pression psychologique difficile à supporter : déjà isolé dans un pays qu'il ne connaît pas et face à une procédure pour le moins complexe, l'incertitude dans laquelle il est placé l'empêche de pouvoir se consacrer pleinement aux projets d'insertion qui lui sont soumis ou imposés.

3. Au stade de la recevabilité de sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié, l'Office des étrangers procède à la première interview de tous les demandeurs d'asile sans que la présence d'un avocat ne soit autorisée.

Outre le fait qu'elle viole le principe fondamental du respect des droits de la défense, cette pratique contredit la Résolution du 26 juin 1997 précité qui, en son article 4, 5º, a) , prévoit expressément pour les mineurs la possibilité de se faire assister à chaque interview.

4. Si certains fonctionnaires des autorités belges compétentes finissent bien par se spécialiser dans le traitement de demandes d'asile introduites par des mineurs étrangers non accompagnés, il convient d'observer qu'aucune formation spécifique, telle que prescrite à l'article 4, 5º, b) , de cette Résolution, ne leur a encore été dispensée.

5. Même si le gouvernement belge a reconnu dès 1994 dans son rapport relatif à la Convention sur les droits de l'enfant, qu'il était indispensable de dégager des subsides pour trouver de nouvelles familles d'accueil et créer des centres spécialisés, nous devons malheureusement constater aujourd'hui qu'il n'existait qu'un seul centre pour mineurs de ce genre en communauté française et qu'il a fermé ses portes au début de l'été.

Le centre « l'Escale », qui fonctionnait avec des moyens financiers et humains réduits (deux employés devaient gérer ce centre à eux seuls, sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre !), ne pouvait accueillir qu'une dizaine de mineurs en même temps, capacité largement insuffisante par rapport au nombre de mineurs étrangers non accompagnés qui demandent l'asile en Belgique (en 1996, 918 mineurs d'âge ont introduit une demande d'asile).

Dans ce domaine, où le gouvernement belge reconnaît lui-même toute l'étendue du problème, pareille situation est inadmissible. Il est plus que jamais crucial que des mesures soient adoptées et des ressources dégagées afin de se conformer au rapport déposé par la Belgique devant le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies.

B. L'accueil des mineurs étrangers non accompagnés : l'inadéquation des mesures législatives et réglementaires qui leur sont réservées.

Exposé :

Le mineur étranger non accompagné, qui se retrouve seul à la frontière de la Belgique, voire sur le territoire de celle-ci pour les mineurs de seize à dix-huit ans, est immédiatement confronté à la perspective d'un éloignement prochain.

Trop souvent, il est alors amené à introduire une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié alors que son histoire personnelle n'est pas nécessairement de nature à lui faire obtenir ce statut et que, surtout, tel n'était pas nécessairement son intention première. Les exemples de ce type sont malheureusement légion :

­ un enfant guinéen de quinze ans a été pris dans une manifestation en sortant de l'école et a eu les yeux brûlés à cette occasion. Venu en Europe pour se faire soigner, il s'est vu obligé de demander l'asile pour pouvoir rester. Aujourd'hui, alors qu'il a perdu un oeil et est devenu quasiment aveugle, ses demandes d'asile puis de régularisation ont été rejetées. L'enseignement adapté qu'il suit actuellement ne pourra évidemment pas lui être dispensé en Guinée;

­ une enfant congolaise de dix ans, orpheline de ses père et mère, est éduquée par sa tante. Lorsque la tante part en France, où elle séjourne régulièrement, elle la confie à une amie. Battue régulièrement par celle-ci, elle quitte finalement le Congo avec sa tante pour la France. Mais l'enfant est arrêtée durant ce voyage car elle est dépourvue de tout papier d'identité. En désespoir de cause, sa tante demande en Belgique que l'asile soit accordé à sa nièce, celle-ci étant alors placée seule au Centre de transit 127. Sa demande d'asile est déclarée irrecevable par les autorités compétentes, mais le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides « attire (toutefois) l'attention du ministre de l'Intérieur sur le fait qu'au regard de sa loi nationale, l'intéressé est mineur, et qu'en conséquence, la convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, ratifiée par la Belgique, est susceptible de s'appliquer à l'intéressée ». Il précise également que « l'enfant n'a que dix ans et que, selon les informations contenues dans le rapport de l'ambassade de Belgique à Kinshasa, il n'y aurait pas de membre de la famille actuellement connu susceptible de l'y accueillir. »

Commentaire

Dans ces deux cas, le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, dont la seule compétence est d'examiner les demandes de reconnaissance du statut de réfugié et non l'accès au territoire ou le séjour sur celui-ci, ne peut apporter à l'enfant la protection requise par sa situation de faiblesse et de vulnérabilité.

En l'état actuel de la législation, le ministre dispose du pouvoir d'autoriser, fut-ce à titre provisoire, un enfant mineur à séjourner sur le territoire belge dans l'attente d'un solution adaptée (article 9, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980).

L'octroi d'un tel séjour donnerait l'occasion aux autorités belges de mieux comprendre les raisons de l'arrivée du mineur étranger non accompagné en Belgique, de rechercher effectivement sa famille et, enfin, de prendre une décision appropriée en connaissance de cause.

3.1.5.2 Le mineur étranger non accompagné se trouvant en Belgique

A. Aide sociale

L'aide sociale est bien souvent indispensable au mineur étranger non accompagné pour lui permettre d'organiser son séjour. Le caractère vital de cette question se retrouve exprimé dans les articles 26 et 27 de la Convention sur les droits de l'enfant. Les autorités belges en sont également bien conscientes puisque, dans un passage (relatif aux mineurs étrangers non accompagnés qui demandent l'asile en Belgique) du rapport rendu au Comité des droits de l'enfant des Nations unies, elles indiquent ceci :

« Il faudrait également prévoir d'accorder une aide financière ainsi que des allocations familiales au profit de ces mineurs. Actuellement, les communautés n'octroient une aide financière qu'aux familles qui accueillent des jeunes placés en vertu de la politique de protection de la jeunesse ou d'aide à la jeunesse. Pour l'instant, le jeune a droit à l'équivalent du taux minimex isolé ou cohabitant, aide qu'il n'obtiendra qu'après plusieurs mois et après avoir fait au moins un recours vu la pratique actuelle de refus des CPAS. Si la famille d'accueil réside sur le territoire d'une des communes qui ont le droit légal de refuser toute nouvelle inscription, le jeune n'obtiendra alors rien du CPAS. »

Mais, au-delà de la suppression de l'aide sociale pour une personne en séjour illégal (voir supra , point 3.1.3.2), les relations entre les mineurs étrangers non accompagnés et leurs CPAS sont également parsemées de petits problèmes pratiques qui, additionnés les uns aux autres, ne sont pas sans conséquence sur l'octroi de l'aide sociale lorsque celle-ci est due :

­ l'absence de suivi social de la part du CPAS, le manque ou le peu de formation de ses employés à la matière des réfugiés;

­ les déplacements fréquents et lointains, nécessaires pour se faire payer l'aide sociale, qui sont occasionnés par le plan de répartition des demandeurs d'asile;

­ les délais pris par les CPAS pour délivrer un réquisitoire, formalité indispensable pour un mineur malade qui veut aller consulter un médecin (bien souvent, le mineur est « guéri » ou a payé lui-même ce médecin avant la délivrance du réquisitoire). Les conséquences en matière de santé publique et d'accès aux soins ne sont pas négligeables;

Déjà dénoncée supra, la dernière modification de l'article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976 appliquée aux mineurs étrangers non accompagnés, met cruellement en évidence l'absurdité de la politique globale des autorités belges en ce domaine : comme nous le verrons infra , le mineur qui se voit prié de quitter le territoire est généralement « toléré » en Belgique jusqu'à ses 18 ans, comment peut-il cependant continuer à survivre s'il se voit couper l'aide sociale ? Quel est aussi le sens de l'obligation scolaire qui lui est imposée (voir infra , point 3.1.5.2.B) s'il ne peut subvenir à ses besoins en même temps qu'il doit se rendre à l'école ?

Cette hypocrisie qui pousse le mineur à la délinquance, n'est pas acceptable : un État ne peut ainsi organiser une situation de non droit pour des mineurs se trouvant sur son territoire sans gravement enfreindre l'article 3.1. de la convention sur les droits de l'enfant, article qui affirme avec force que :

­ « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. »

B. La scolarité

Le droit à l'enseignement pour un mineur étranger non accompagné se trouvant sur le territoire de la Belgique est consacré par différents instruments internationaux (articles 13 et 14 du Pacte de New York du 16 décembre 1996 relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, l'article 28 de la Convention sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, l'article 2 du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et, enfin, l'article 3, 6 de la résolution précitée prise le 26 juin 1997 par le Conseil des ministres européens de la Justice et de l'Intérieur.

Plus qu'un droit, il s'agit même d'une obligation pour ce mineur étranger non accompagné puisqu'en vertu de son article 1er , § 7, la loi du 29 juin 1983 sur l'obligation scolaire lui est applicable.

Cependant, en pratique, la concrétisation de cette obligation scolaire ne va pas sans poser des problèmes divers aux conséquences souvent absurdes :

­ Il n'existe aucun système d'évaluation du niveau scolaire d'un mineur étranger non accompagné (les centres PMS se déclarent incompétents). Qu'en est-il alors de celui qui arrive en Belgique sans documents de son pays d'origine attestant de la réalité de son niveau scolaire ?

­ S'il a plus de 16 ans, il sera automatiquement intégré dans une classe de troisième professionnelle, ce quelques soient ses antécédents scolaires réels;

­ Parfois, il reçoit la permission de l'école de suivre d'autres cours en « élève libre » mais il reste alors inscrit administrativement dans sa classe de troisième professionnelle et risque donc de se voir refuser l'homologation de son diplôme;

­ Le fait que le mineur étranger non accompagné ne dispose que d'un droit de séjour provisoire a pour résultat que peu de ce que l'on pourrait appeler des « bonnes » écoles acceptent de l'inscrire;

­ Enfin, la majorité des écoles se plaint des absences fréquentes de mineurs étrangers occasionnées par les formalités nombreuses et répétitives à accomplir (prolongation de cartes de séjour dont le prix et la durée de validité de son renouvellement varient d'une commune à l'autre !, visites au CPAS...).

Il s'agit là d'un problème fondamental. Alors que l'école devrait en principe constituer un lieu idéal d'intégration et l'instrument majeur de la promotion sociale, comment arriver à motiver un jeune pour des études dans des conditions pareilles ?

De même, que peut-on attendre d'un mineur qui demande l'asile en 1993, s'inscrit la même année en troisième secondaire et reçoit un ordre de quitter le territoire à la fin de l'examen de sa demande d'asile en 1996 alors qu'il entame sa sixième secondaire ? Comment s'investir dans un cycle d'études à partir du moment où l'on sait qu'une décision d'éloignement peut être prise et exécutée avant la fin de celui-ci ou que l'aide sociale vous sera coupée en attendant cette exécution si celle-ci ne se fait pas immédiatement ?

Le droit à l'enseignement et l'obligation scolaire n'ont de sens que dans la mesure où le mineur peut mener à son terme un projet scolaire. Une régularisation permettant de mener à bout ce projet scolaire s'impose donc et, de surcroît, aurait pour effet de valoriser le séjour du mineur étranger en Belgique en lui laissant l'occasion de revenir dans son pays d'origine doté d'une formation sanctionnée par un diplôme.

C. Les responsables du mineur non accompagné

Par définition, à l'égard du mineur étranger non accompagné, personne n'est investi de l'autorité parentale. Il se retrouve donc seul, mineur et déraciné, face à un maquis de textes législatifs et réglementaires dans lesquels il doit se frayer un chemin pour tenter de régler sa situation. Les personnes qui désirent aider un mineur étranger non accompagné peuvent également être confrontées au même problème. Deux exemples concrets en témoignent :

­ un mineur marocain, qui aura bientôt dix-huit ans, vit en Belgique irrégulièrement depuis l'âge de neuf ans. Il a été confié par sa mère à sa tante lorsqu'il avait dix ans. Depuis, c'est cette dernière qui l'a élevé comme son propre enfant. Ses parents, qui n'ont ni résidence ni domicile connu en Belgique, n'ont plus jamais donné signe de vie. L'absence de documents de séjour engendrant certaines difficultés, la conseillère adjointe de l'aide à la jeunesse est saisie du dossier et prend une ordonnance de placement de ce mineur chez son oncle et sa tante. Elle demande ensuite à l'Office des étrangers de régulariser la situation de ce mineur. Cette demande sera refusée au motif que rien n'établit que les parents ont renoncé aux liens de filiation. Cette renonciation légale est en l'espèce une preuve impossible à fournir. En attendant, un conseil de famille a été réuni et a consenti à la passation d'un acte de tutelle devant le juge de paix. Par cet acte, en voie d'homologation devant le tribunal de la jeunesse, l'oncle et la tante se sont engagés juridiquement envers le mineur qu'ils élèvent comme leur fils depuis huit années. Compte tenu de cet élément nouveau, une nouvelle demande de régularisation a été introduite devant l'Office des étrangers, et y est toujours à l'étude;

­ Le même parcours du combattant a été réservé à une personne qui avait hébergé un mineur à la demande de la mère de celui-ci. La mère ne reviendra plus. La dame qui a accueilli ce mineur cherche alors à régulariser la situation. Elle se voit envoyée du CPAS au service d'aide à la jeunesse, puis à la commune. En fin de compte, après avoir dû établir devant un notaire un acte de notoriété pour remplacer l'acte de naissance manquant et réunir un conseil de famille, elle devient tutrice officieuse du mineur. L'acte de tutelle est soumis pour homologation au tribunal de la jeunesse et, enfin, une demande de régularisation est introduite devant l'Office des étrangers.

Ces démarches sont à la fois nombreuse et coûteuses, l'absence de procédure adaptée a pour conséquence de mener à ces tâtonnements procéduraux.

Conformément à l'article 3.1. de la Convention internationale sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, l'intérêt de l'enfant doit primer; il est donc essentiel que le ministre de l'Intérieur use de sa compétence d'accorder un droit de séjour sur base de l'article 9, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980 lorsqu'il est manifeste qu'un mineur est accueilli, sans fraude, par une famille qui l'élève et en assume l'éducation et l'entretien.

Si l'on peut comprendre que l'Office des étrangers exige qu'une situation de fait soit couverte par une décision judiciaire ou assimilée rendant officielle la présence de l'enfant dans la famille, il devrait cependant se satisfaire d'une mesure de placement décidée par la conseillère de l'aide à la jeunesse ou par le juge de la jeunesse ou de toute autre décision (tutelle, tutelle officieuse) de cette nature. En effet, ces décisions sont toujours prises après un examen minutieux et approfondi de la situation de l'enfant ce qui exclut toute fraude. Il importe donc que l'Office des étrangers agisse en concertation avec ces autorités et reconnaisse leur intervention.

Par ailleurs, afin de respecter l'article 20, 1º, de la Convention sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989 (« Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial ou qui, dans son propre intérêt, ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et à une aide spéciale de l'État »), les autorités compétentes, les CPAS surtout ainsi que les conseillers de l'aide à la jeunesse, doivent en cette matière pleinement assumer le rôle qui leur incombe légalement.

D. La régularisation de son séjour

Exposé :

Que ce soit lors de l'arrivée du mineur étranger non accompagné en Belgique, en matière de scolarité ou de désignation d'une personne responsable, les exemples cités supra démontrent de façon lumineuse toute l'importance des possibilités offertes par l'article 9, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980 au ministre de l'Intérieur.

Commentaire :

Il convient de rappeler ici qu'une régularisation, même provisoire, est non seulement de nature à mettre fin à des situations humainement désastreuses (voir supra), mais prend aussi en considération l'intérêt supérieur de l'enfant (article 3, 1º, de la Convention internationale sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989). Elle permet également une recherche effective des parents du mineur.

3.1.5.3. L'éloignement du mineur non accompagné

Exposé :

L'exemple de la jeune zaïroise de dix ans décrit supra est éloquent : malgré un avis formel du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides selon lequel il n'y aurait actuellement aucun membre de sa famille connu susceptible de l'accueillir en cas de retour dans son pays d'origine, l'éloignement de cette mineure est quand même décidé.

De même, le Conseil d'État, devant lequel un recours avait été introduit, a estimé que le régime prévu pour les mineurs à l'article 118 de l'arrêté royal du 8 octobre 1981, dérogatoire à celui applicable aux majeurs (le mineur ne se voit pas délivrer un ordre de quitter le territoire mais un ordre de reconduire qui est notifié à l'adulte qui accompagne le mineur; un fois majeur, il peut évidemment alors recevoir un ordre de quitter le territoire) ne s'applique pas puisqu'il ne s'agit pas ici de quitter le territoire mais de refuser l'accès à celui-ci.

Commentaire :

On s'aperçoit tout de suite à la lecture de ces quelques lignes que, quelles que soient les circonstances, une politique d'éloignement est conçue puis appliquée aux mineurs étrangers non accompagnés qui arrivent à la frontière de la Belgique.

Mais ceux qui sont déjà sur le territoire de la Belgique ne sont pas épargnés non plus car, dans la pratique, l'Office des étrangers notifie fréquemment à un mineur, âgé de quinze à dix-huit ans, un ordre de quitter le territoire en motivant la plupart du temps cette décision par le fait que le mineur a démontré qu'il pouvait se prendre en charge et donc voyager seul.

De pareilles attitudes sont inacceptables : l'éloignement d'un mineur n'est admissible que s'il correspond à la recherche de l'intérêt de l'enfant, celui-ci consistant en le regroupement du mineur avec sa famille. Une seule balise doit dès lors guider les autorités belges dans leur politique d'éloignement : l'intérêt supérieur de l'enfant, ce conformément à l'article 3, 1, de la Convention sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989.

3.1.5.4. Pour un statut qui soit spécifique aux mineurs étrangers non accompagnés

Le mineur étranger non accompagné est un être humain, sujet de droit.

Il est mineur, état qui exige une protection accrue.

De plus, il est dépourvu de la protection naturelle familiale, ce qui accentue ce besoin de protection.

Le rappel de ces évidences, récemment formulées dans un article consacré aux mineurs étrangers non accompagnés qui demandent l'asile en Belgique (S. Sarolea, « Demandeurs d'asile mineurs non accompagnés », J.D.J. , nº 154, p. 168), a quelque chose d'absurde mais est malheureusement nécessaire.

Le mineur étranger non accompagné reste toujours perçu par les autorités belges comme un étranger, potentielle « pompe aspirante », avant d'être considéré comme mineur, dont l'intérêt supérieur devrait cependant inspirer toute décision prise à son égard. L'article 3, 1, de la Convention internationale sur les droits de l'enfant fait primer cet intérêt supérieur sur celui de l'État qui, en l'espèce, désire seulement limiter l'immigration.

En conclusion, pour tenter de mettre un terme aux nombreux dysfonctionnements dénoncés supra, c'est à une inversion des priorités qu'il faut procéder : la Ligue des droits de l'homme réclame donc avec force la création d'un statut qui soit spécifique au mineur étranger non accompagné et respectueux des intérêts de celui-ci.

3.1.6. Conclusions

À long terme :

La Ligue des droits de l'homme réitère la nécessité d'une réforme globale de la loi relative aux étrangers, les réformes multiples depuis 1980 ayant rendu cette loi illisible et incohérente.

Une telle réforme doit s'inscrire dans le cadre d'une réflexion globale du législateur sur une nouvelle politique des migrations prenant en compte la situation européenne et mondiale contemporaine.

Un commissaire à la réforme du droit des étrangers, entouré d'une commission composée à la fois de théoriciens, de praticiens et de représentants du monde associatif devrait être créée, comme le fut la Commission « Rolin », préalable à l'adoption de la loi du 15 décembre 1980.

À moyen terme :

La Ligue des droits de l'homme considère que des réformes positives qui ne criminalisent pas l'étranger mais favorisent son insertion dans la société belge ou, à défaut, un traitement respectueux des droits humains fondamentaux sont possibles et devraient être adoptés en cette année européenne de lutte contre le racisme.

La Commission étrangers de la Ligue des droits de l'homme a produit une réflexion à cet égard (voir en annexe 20 « Pour une politique des étrangers I et II »). Deux propositions prioritaires son envisageables :

­ pour les étrangers présents, le droit de vote et d'éligibilité;

­ pour un droit de voyager, la suppression du visa de court séjour.

A court terme :

L'évaluation des dernières réformes de juillet 1996 permet de constater l'existence d'une disproportion frappante entre l'inefficacité quant à l'objectif poursuivi (le contrôle des migrations) et l'atteinte aux droits humains fondamentaux quant aux moyens utilisés.

Immédiatement, le législateur devrait à tout le moins décider de :

­ l'abrogation de l'article 18bis de la loi du 15 décembre 1980;

­ la limitation à deux mois de la détention en vue de l'éloignement du territoire;

­ la modification de l'article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976, organique des CPAS, et du maintien de l'aide sociale en cas d'introduction d'un recours en suspension devant le Conseil d'État ou d'une demande de régularisation du séjour sur base de l'article 9, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980;

­ l'abrogation de l'article 51/4 de la loi du 15 décembre 1980 et donc du maintien du libre choix de la langue de la procédure en matière de reconnaissance de la qualité de réfugié;

­ la création d'un statut spécifique au mineur étranger non accompagné se trouvant sur le territoire de la Belgique ou désirant accéder à celui-ci.

3.1.7. Exposé de M. Vandermeersch

M. Vandermeersch s'oppose surtout à l'état d'esprit qui a inspiré les réformes légales depuis 1980 et qui préside toujours au traitement de dossiers d'étrangers.

Lorsque l'Office des étrangers décide de recourir aux services d'un médecin conseil pour vérifier la pertinence des éléments médicaux à l'appui de la demande de régularisation d'un étranger, ne voit pas en cet étranger la personne malade mais uniquement l'étranger qui chercher à s'établir définitivement.

Lorsque le commissaire général aux réfugiés et aux apatrides met systématiquement en doute l'authenticité des documents apportés à l'appui de la demande d'asile, l'on ne voit pas la personne potentiellement persécutée mais seulement l'étranger qui cherche à venir ou à rester en Belgique.

Lorsqu'un mineur étranger non accompagné se retrouve dans un centre de détention fermé pour adultes ou qu'il se voit expulsé, ce n'est pas le mineur ­ état qui nécessite une protection accrue ­ que l'on voit mais l'étranger que sa famille pourrait rejoindre.

Lorsqu'on supprime l'aide sociale à un étranger en séjour illégal, l'on ne voit pas l'être humain mais l'étranger qu'il faut chasser définitivement.

Cette logique qui est contraire aux droits humains fondamentaux est pour la Ligue des droits de l'homme inacceptable. Tout ce qui précède n'est pas le fruit du délire des ONG. Ce souci est partagé par le Conseil d'État et différents tribunaux de ce pays.

3.2. Échange de vues

Un membre voudrait apprendre l'état d'avancement des négociations entre le niveau fédéral et les communautés en ce qui concerne l'hébergement des mineurs non accompagnés. Qu'est-ce qui se passe quand un mineur arrive ?

Mme Sarolea répond que jusqu'à ce jour elle n'a encore vu aucun résultat concret de ces négociations. Un mineur qui arrive reçoit l'adresse du Petit Château, et c'est tout.

M. Liebermann répond que le Centre pour l'égalité des chances essaie de contribuer à la mise en place de ces négociations dans le cadre de la Conférence interministérielle.

Les communautés et le secrétariat d'État à l'Intégration sociale sont d'accord sur le principe d'une coresponsabilité financière et politique quant à l'accueil des mineurs non accompagnés.

Le problème est la mise en oeuvre de ce principe et la structuration d'un réseau d'accueil qui peut prendre un mineur effectivement en charge. Il y a une absence de collaboration et de conception d'un accueil cohérent pour les mineurs non accompagnés.

Quand l'Office des étrangers reçoit une demande d'asile d'un mineur non accompagné, il est orienté vers le Petit Château ­ qui dispose d'un service particulier pour les mineurs non accompagnés ­ qui travaille de manière étroite avec un certain nombre d'organisations qui ont chacune leur spécificité.

Le centre constate souvent que, tant que le mineur non accompagné est dans la procédure d'asile, il peut être suivi par les différents intervenants sociaux. Dès qu'il reçoit l'ordre de quitter le territoire, le mineur « disparaît dans la nature », en ce compris les accompagnateurs qui ont permis un début d'insertion. Ce problème pourrait être réglé par une meilleure structuration et une vision globale de l'accueil des mineurs non accompagnés.

Une sénatrice demande si les différentes organisations ont connaissance de situations où des mineurs ont été traités de façon différente des adultes qui les accompagnent.

Mme Sarolea répond que, généralement, lorsque le mineur arrive avec des membres de sa famille au même moment, les dossiers sont traités ensemble. Il y va parfois différemment lorsque les parents sont arrivés d'abord et sont rejoints ensuite par un jeune.

Elle cite le cas d'un jeune de 17 ans qui est arrivé deux ans après ses parents.

Comme le mineur n'avait pas été persécuté pendant l'absence de ses parents, il a été renvoyé après cinq jours. L'enfant ne parvenait pas à prouver, par un acte de naissance, ses liens avec ses parents.

M. Vandermeersch rappelle ce que le Gouvernement belge a déclaré dans son rapport relatif à la Convention des droits de l'enfant : « À l'heure actuelle, il devient indispensable de disposer de nouveaux subsides afin de créer de nouvelles familles d'accueil pour ces jeunes, ainsi que de créer de nouveaux centres spécialisés, et ce surtout dans la partie francophone du pays (...). »

Le seul centre qui existait, « L'Escale », vient de fermer ses portes en juillet 1997.

Un membre souligne que les problèmes relatifs à l'accueil des mineurs non accompagnés se posent également en Flandre. C'est un problème qui relève de l'aide spéciale à la jeunesse. Personne ne dispose d'une vue globale de l'évolution des discussions et on se renvoie apparemment la balle.

Elle aimerait que le ministre lui dise ce qui a déjà été réalisé effectivement et quels accords on a conclu avec les communautés au sujet de l'accueil des mineurs et des possibilités d'enseignement qui leur sont offertes.

Mme Sarolea répond que la Ligue essaie de trouver des solutions pour chaque mineur qui se présente. La Ligue constate que la volonté de trouver des solutions des services d'Aide à la jeunesse varie d'arrondissement à arrondissement, comme la volonté des CPAS varie de commune à commune.

Comme tout doit se régler sur le terrain, il y a des mineurs dont on perd la trace. Certains de ces mineurs disparaissent dans des réseaux de prostitution ou de délinquance.

Le ministre de l'Intérieur communique que des réunions de coordination ont eu lieu au cabinet et que les communautés y étaient associées. Il y a certes des problèmes pratiques et on est à la recherche d'une solution pragmatique.

La procédure en vigueur pour le demandeur d'asile mineur est la suivante. À son arrivée à la frontière, le mineur est accueilli au Centre 127. La demande d'asile est traitée dans un délai strict. Si elle est déclarée recevable, le responsable du Centre contacte le parquet de l'arrondissement de Bruxelles en vue du placement de l'intéressé dans une institution.

Si la demande n'est pas recevable, on examine les possibilités d'éloigner le mineur vers un membre de sa famille ou un centre d'accueil situé dans le pays d'origine. Au cas où il s'avère impossible de refouler immédiatement le mineur, celui-ci est placé en attendant que s'ouvre une possibilité d'accueil dans son pays d'origine.

Les mineurs qui ont introduit une demande d'asile sur le territoire belge sont dirigés vers un centre d'accueil : le Petit-Château ou un autre centre.

Au cours de la procédure, on accorde la priorité à la demande d'asile. Si le droit d'asile est reconnu au mineur d'âge, il est orienté vers les structures d'accueil normales. Si la demande d'asile est rejetée quant au fond, le mineur est, en principe, renvoyé vers son pays d'origine, où l'on s'efforce de trouver des membres de sa famille ou un centre d'accueil.

En ce qui concerne les mineurs qui ne peuvent manifestement pas être refoulés, il a été convenu, lors de la dernière réunion que l'Office des étrangers examinerait chaque dossier individuellement pour trouver une solution pragmatique. Dans la plupart des cas, cette solution consiste à régulariser temporairement, sous certaines conditions, la situation de l'intéressé.

L'accueil ad hoc des mineurs est une compétence des communautés. On examinera les mesures correctes à prendre lors d'une prochaine réunion de coordination.

Mme Sarolea fait remarquer que les quelques cas qu'elle a suivis personnellement ne se sont pas déroulés de la manière décrite. Elle cite l'exemple d'une jeune fille zaïroise qui a été éloignée vers le Zaïre, alors que, de l'avis même des autorités belges, « aucune famille n'était susceptible de l'accueillir ». Malgré cet avis, elle a été renvoyée.

Mme Sarolea se heurte surtout à l'opacité de la procédure appliquée. Comment est-ce qu'on recherche la famille dans le pays d'origine ? Elle voudrait aussi que l'on en informe les responsables ou les conseillers de ces mineurs. Son expérience est que ces mineurs sont renvoyés tout seuls sans aucune garantie d'accueil. À cet égard, une simple référence aux « autorités zaïroises » ne suffit pas. La Convention des droits de l'enfant est très précise à cet égard dans son article.

M. Liebermann ajoute que lors de ces réunions, on a constaté que le niveau fédéral était compétent pour l'accueil des demandeurs d'asile et, à ce titre, intervenait dans l'accueil des demandeurs d'asile mineurs non accompagnés.

D'autre part, les communautés ­ et surtout la Communauté française ­ soulignaient qu'elles étaient compétentes pour donner de l'aide à ces mineurs dans la mesure où le décret sur l'aide à la jeunesse trouvait à s'appliquer, c'est-à-dire si le comportement du mineur pouvait porter préjudice à autrui ou à lui-même. Cela n'est pas le cas de tous les mineurs non accompagnés selon l'interprétation de la Communauté française. Il y a donc une zone qui n'est pas couverte par un quelconque système d'accueil.

Pour combler cette lacune, un accord doit être trouvé entre les communautés et les autorités fédérales pour qu'un filet de sécurité soit mis en place pour accueillir les mineurs dans cette zone de vulnérabilité particulière.

Un membre pense que la Communauté française se fait une interprétation terriblement restrictive de ses propres compétences. Elle ne peut pas échapper à sa compétence générale en invoquant un décret.

Mme Tulkens affirme que la Constitution donne une compétence beaucoup plus large aux communautés que celle revêtue dans le décret.

La situation d'un mineur qui se trouve ici seul relève de la compétence des communautés.

À la question de savoir comment contrôler la qualité de l'accueil dans un centre situé dans le pays d'origine de l'intéressé et quelles sont les garanties à ce sujet, le ministe répond que cela se fait par l'intermédiaire de notre représentation diplomatique sur place. Si la représentation diplomatique estime que le centre d'accueil donne suffisamment de garanties, le mineur sera raccompagné dans le pays d'origine. Il ajoute que l'expression « mineur non accompagné » désigne des mineurs qui ne sont pas accompagnés par un tuteur. Un grand nombre de mineurs sont accompagnés par des tiers qui ne sont pas leurs tuteurs légaux. Il importe de garder cet élémént à l'esprit lorsque l'on interprète les statistiques.

L'augmentation inquiétante du nombre de « mineurs » est due en grande partie au fait que beaucoup de personnes âgées de 20 ans et plus sont considérées, dans leur pays d'origine, comme des mineurs.

C'est pourquoi les statistiques du CGRA relatives aux mineurs comprennent les personnes de 18 à 21 ans. En fait, ces personnes ne devraient pas être comptabilisées avec les mineurs et on s'abstiendra désormais de le faire.

Un membre demande aux représentants des différentes associations s'ils ont pu remarquer que des mineurs non accompagnés étaient envoyés par des réseaux de prostitution.

Mme Sarolea affirme que ces mineurs arrivent généralement avec une tierce personne. Les mineurs savent difficilement dire s'il s'agit d'un réseau. Ou bien ils ont reçu la consigne de se taire, ou bien ils ne savent pas.

Après un certain temps, ils admettent que les parents ou des proches les ont conduits chez un « passeur » qui, moyennant de l'argent, accompagne le mineur jusqu'à l'aéroport de Bruxelles, où il lui fait passer les frontières. Ensuite, ce passeur reprend le passeport du mineur et disparaît ­ en donnant parfois au mineur l'adresse du Petit-Château.

Cela se passe assez souvent. Dans certains cas ces mineurs sont envoyés pour être insérés dans un réseau de prostitution. Parfois aussi les parents sont déjà ici en Belgique et donnent de l'argent à un intermédiaire pour faire venir leurs enfants. La majorité de ces mineurs entre au pays sans passer par l'aéroport. Quand ils disparaissent, on n'en apprend plus rien.

Le ministre déclare que les services concernés ont dû constater avec amertume que le problème des mineurs non accompagnés était lié étroitement à la problématique des filières, et ce plus particulièrement, lorsqu'il s'agit de jeunes filles de 14 ans ou plus.

Lorsque ces jeunes filles sont placées dans un centre, il arrive fréquemment que, passé un certain délai, elles disparaissent dans une de ces filières ­ à l'étranger, dans bien des cas. Cela ne signifie pas qu'il n'y ait pas de demandeurs d'asile mineurs, mais uniquement que ces derniers ne constituent qu'un pourcentage modeste du groupe des mineurs non accompagnés. Certains de ces enfants ont été envoyés en Belgique par leurs parents dans l'espoir qu'ils y auront un avenir meilleur.

L'augmentation ininterrompue du nombre de mineurs d'âge est certainement due au fait que, par rapport à d'autres pays européens, l'accueil de cette catégorie de personnes est exemplaire en Belgique.

M. Vandermeersch rappelle que les mineurs qui arrivent en Belgique via les filières en sont les victimes. En luttant contre les filières, il faut éviter de faire de ces mineurs une double victime.

Une sénatrice constate que les gens qui arrivent dans notre pays et qui sont renvoyés, viennent souvent des pays qui sont en guerre civile (le Soudan, l'Algérie). Elle demande de réfléchir à une manière plus collective d'envisager cette problématique et plutôt que de procéder à l'examen habituel au cas par cas prévu par la Convention de Genève.

Mme Sarolea pense qu'à partir du moment où une personne s'avère inexpulsable, soit parce qu'il y a une situation de guerre civile, soit parce que cette situation se joint à une situation d'inexistence de l'État (par exemple la Somalie), sa situation devrait être régularisée, ne fût-ce qu'à titre provisoire tant qu'elle ne peut pas être éloignée.

L'Organisation internationale des migrations donne des informations fiables sur les possibilités d'éloignement. D'autres éléments d'information se trouvent dans les résolutions des Nations unies qui qualifient parfois des pays comme étant en situation de guerre civile, les rapports d'Amnesty International ou d'autres ONG. Dans ces cas, une régularisation provisoire s'impose et si la période est trop longue, une régularisation définitive devrait être envisagée.

L'Office des étrangers répond souvent que rien n'empêche une personne de partir dans un autre pays. Pourquoi est-ce que la Belgique, qui est un des pays les plus riches au monde, se déchargerait-elle de la responsabilité des gens ?

Souvent, l'étranger n'est pas éloignable parce qu'il n'a pas de papiers. Comment s'imagine-t-on que quelqu'un qui n'a pas de documents d'identité pourrait voyager vers un autre pays ?

4. Audition de Caritas-Secours International

4.1. Exposé de M. Cleemput de Caritas-Secours International

Après une année d'application, il faut évaluer les effets de la loi du 15 juillet 1996, dont l'objet est de résoudre les problèmes de la politique d'asile, d'accès et d'éloignement du territoire. Telle fut la décision judicieuse du Sénat.

Les services sociaux ont, en ce domaine, une fonction de dénonciation essentielle car c'est chez eux que les problèmes y sont mis sur la table. Le but de l'intervention est d'apporter le témoignage du service social de Caritas-Secours International et de formuler quelques suggestions.

4.1.1. Accueil des demandeurs d'asile reconnus recevables

L'accueil des demandeurs d'asile nécessiteux dans des centres communautaires, mis sur pieds par le secrétariat d'État à l'Intégration sociale et la Croix Rouge de Belgique, pendant la période de l'examen de la recevabilité de leur demande a été bien acceuilli par les CPAS et nombre d'autres services sociaux. Le séjour dans ces centres est assez positif vu qu'il n'est pas forcé, mais qu'il est envisagé dans le cadre de l'aide sociale aux personnes nécessiteuses. À condition de ne pas durer trop longtemps, un tel séjour n'est pas difficile à supporter et, parfois, peut même être positif.

Le problème commence au moment où la demande d'asile est reconnue recevable. Le passage doit alors s'effectuer vers une forme de vie plus autonome. Ce qui permet de libérer des places pour les nouveaux arrivants dans les centres qui, autrement, risquent d'être saturés. L'accueil par le CPAS revient moins cher que le séjour au sein d'une collectivité et est, par ailleurs, une excellente préparation à l'intégration des personnes recevables.

Une bonne part des demandeurs d'asile préfèrent aller habiter chez des amis ou des membres de leur famille plutôt que de se rendre dans un centre. C'est possible. Lorsqu'il s'agit de membres de la famille, c'est même indiqué, surtout si la demande d'asile du membre de la famille qui est rejoint est déjà déclarée recevable. Heureusement, dans la plupart des cas, la loi est appliquée de façon rationnelle. En effet, les demandeurs d'asile qui vont naïvement vivre aux crochets de personnes souvent nécessiteuses elles-mêmes, peuvent se voir désigner un centre d'accueil lorsque l'attente devient trop longue, ou lorsque des tensions naissent entre eux et leurs hôtes.

Les demandeurs dont la demande d'asile est recevable se voient désigner une commune et, comme dans la plupart des cas, ils sont dans le besoin, ils peuvent demander une aide sociale au CPAS de cette commune. Le demandeur doit chercher une habitation. Mais, pour louer un logement, il faut de l'argent. Dans la plupart des cas, il faut payer une garantie locative, et acheter un minimum de mobilier. Le loyer doit être réglé à l'avance. Comment une personne sans ressources peut-elle payer tout cela ?

La plupart des CPAS n'interviennent pas en ces domaines. Certains, même, accordent leur aide à terme échu. Dans la plupart des cas, le CPAS refuse l'aide aussi longtemps que la personne n'a pas d'adresse ou n'est pas inscrite à la commune. La personne nécessiteuse se trouve prise dans un cercle vicieux. Pas d'argent = pas de logement. Pas de logement = pas d'argent.

Ceci peut être résolu si le demandeur d'asile reçoit une sorte de prime de « démarrage » dès qu'il a trouvé un logement.

L'arrêté ministériel qui permet au CPAS de conclure une convention avec le ministère de la Santé publique pour le remboursement des frais d'installation des demandeurs d'asile est inadéquat, car il exclut l'intervention pour la garantie locative. Il est peu connu des CPAS et peu utilisé.

4.1.2. Survie des personnes qui ne peuvent pas être (immédiatement) éloignées

Les déboutés reçoivent un ordre de quitter le territoire à courte échéance. Ce délai est une mesure peu réaliste; l'ordre est d'une telle importance qu'il exige quelque temps pour être assimilé. Si les personnes concernées n'y donnent pas suite, elles risquent de se retrouver sans moyens de subsistance ou d'être enfermées, peu importe si leur refus découle de l'impossibilité ou de leur refus de l'exécuter.

Nombreuses sont les personnes qui, même lorsqu'élles ont accepté l'inévitable, se trouvent dans l'impossibilité de retourner. Parfois leur pays est en guerre et il serait insensé de les y renvoyer.

De nombreux déboutés n'arrivent pas à obtenir les documents de voyage nécessaires de leur ambassade (par exemple les ex-Yougoslaves de Macédoine).

Le renvoi de certains de leurs membres déchirent des familles. Il faut aussi relever les cas où le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides remarque et mentionne qu'il serait irresponsable de renvoyer une personne vers le pays qu'elle a quitté.

Il est clair que ces personnes devraient bénéficier d'une autorisation de séjour provisoire jusqu'à ce que leur renvoi soit possible. Ou, éventuellement, d'une régularisation à plus longue échéance.

Il n'est pas rare que celle-ci soit refusé sur la base de motivations formalistes telles que « demande tardive », « absence de preuves ». Entre-temps, la personne concernée n'a aucun droit à une aide sociale. Pour survivre, il lui faut mendier, voler ou travailler en noir. C'est une lacune flagrante.

Il arrive régulièrement qu'après avoir été maintenues dans un centre fermé, des personnes qui ne peuvent être renvoyées sont libérées parce que l'Office des étrangers ne réussit pas à leur trouver une destination. Nous avons assisté à une tentative de rapatriement forcé à Moscou, restée sans résultat; l'Office des étrangers à dû s'incliner devant l'impossibilité d'y procéder.

La « mise en liberté » des personnes concernées avec un nouvel ordre de quitter le territoire (ou bien, devrions-nous plus justement parler de leur « mise hors-la-loi » ?), les laisse alors sans moyens de survie. Cette attitude est peu respectueuse de ces personnes et de leur environnement.

Une autre inconséquence de la politique est l'arrêté royal relatif à l'aide médicale urgente. En soi, cet arrêté est une mesure humanitaire. Mais lorsque, comme c'est le cas, cette disposition n'est pas associée à une intervention en matière de nourriture et de logement, elle devient absurde. Actuellement, nous sommes confrontés à la situation d'un père de famille qui peut être soigné mais qui ne reçoit ni nourriture, ni logement, à l'exception des périodes d'hospitalisation.

Ce dernier problème et d'autres semblables pourraient facilement être évités si le séjour de ces personnes était prolongé ou si, comme prévu à l'article 1 de la loi organique du 8 juillet 1976 des centres publics d'aide sociale, chaque personne en Belgique avait le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine indépendemment de son statut.

4.1.3. Éloignement des déboutés selon une procédure humanitaire

Lorsqu'il apparaît que la situation d'une personne ne peut être régularisée et qu'il faut procéder à son éloignement, il convient que cela s'accomplisse d'une manière conforme à la dignité humaine.

À notre point de vue, le rapatriement volontaire est de loin préférable au rapatriement forcé. Jusqu'à présent le rapatriement volontaire à partir d'un centre fermé n'est pas admis. Même les services de ces centres le regrettent. La proposition de l'OIM en ce domaine présentait des perspectives intéressantes mais elle n'a jamais pu être concrétisée.

À plusieurs reprises, des bruits alarmants nous sont parvenus concernant le sort de déboutés rapatriés. Une enquête à ce sujet ne serait pas un luxe superflu.

Avec quelques autres ONG ainsi que le CIRE et l'OCIV nous cherchons des formes de « rapatriement positif ». Il y a plus de chances de réintégration pour les personnes qui ont suivi une formation ou qui retournent avec un projet de réintégration. Le ministère de l'Intérieur n'a pas encore réagi aux propositions. À l'époque, le ministre Tobback avait déclaré qu'il souhaitait « maîtriser » ce problème et que, dès lors, on n'avait pas le temps de s'occuper des problèmes marginaux. Or, ces questions « marginales » sont précisement les droits de l'homme. M. Cleemput demande que l'on traite toujours les êtres humains comme des êtres humains. La réintégration aura plus de chances de réussir si elle intervient après une formation et/ou dans le cadre d'un projet de réintégration.

Un autre problème récurrent est l'éloignement des demandeurs d'asile vers le pays « Schengen » compétent.

Assez souvent, les demandeurs d'asile apprennent que l'examen de leur demande n'incombe pas à la Belgique et qu'ils doivent se présenter dans un autre pays avant une date déterminée. Comment peuvent-ils y arriver s'ils n'en ont pas les moyens ? Jusqu'à présent l'Office des étrangers n'a pu donner de réponse.

4.2. Échange de vues

Une sénatrice demande si, en ce qui concerne la « prime de démarrage », il n'y a pas d'autre solution pour permettre à celui qui a trouvé un logement de payer la garantie locative.

M. Cleemput répond qu'il y a un accord entre le secrétariat d'État à l'Intégration sociale et le CIRE-OCIV pour aider les gens à se réinstaller à partir d'un centre. Le problème que la sénatrice relève, à juste titre, n'occure que quand le CIRE-OCIV ou les CPAS n'ont pas les moyens permettant ce démarrage, y compris la garantie locative; on se heurte alors à un problème insurmontable. Une solution n'a pas encore été trouvée à cet égard.

En se référant à la loi Onkelinkx, qui contient une disposition permettant aux CPAS de venir en aide à des personnes qui n'ont pas d'adresse, un membre se demande si une telle possibilité ne peut pas apporter un remède à cette situation.

M. Cleemput répond que les CPAS n'interviennent pas tant que les personnes concernées n'ont pas d'habitation en refusant l'inscription. Beaucoup de CPAS n'interviennent qu'à terme échu, ce qui implique que les demandeurs d'asile devraient disposer à l'avance de moyens pour s'installer.

Le secrétaire d'État à l'Intégration sociale souligne qu'on est en train de chercher des solutions. Une prime au démarrage peut éventuellement apporter une solution. En principe, la réglementation en vigueur est claire : c'est au CPAS compétent qu'il appartient d'aider le demandeur d'asile dont la demande a été déclarée recevable.

Si un demandeur d'asile a été affecté à une commune donnée, le CPAS de cette commune doit donc lui proposer son aide. Pratiquement, un grand nombre de CPAS se montrent plutôt récalcitrants à l'offrir.

Dans le cadre des conventions susvisées, un CPAS qui s'offre pour accueillir des demandeurs d'asile a la possibilité d'obtenir une prime d'installation. Toutefois, le but de cette prime n'est pas de couvrir la garantie locative, car celle-ci relève des missions légales du CPAS. La prime d'installation doit servir à pourvoir la maison du demandeur d'asile de l'équipement nécessaire.

En ce qui concerne les missions légales du CPAS, un règlement prévoit que si celui-ci s'abstient sans raison valable, d'offrir un logement aux demandeurs d'asile qui lui ont été attribués, un mécanisme de sanction lui sera appliqué : le CPAS en question ne recevra que la moitié des sommes remboursées par l'autorité fédérale pour l'aide sociale allouée.

La convention avec le CIRE-OCIV fera l'objet d'une évaluation. Le CIRE-OCIV ne dispose pas de moyens suffisants et même l'OCIV ne sait pas très bien comment il faut créer et gérer un fonds de garantie locative. La situation est meilleure en ce qui concerne le CIRE, qui a appris d'expérience qu'il faut imposer des conditions très strictes. On doit ainsi s'abstenir de mettre à la disposition des demandeurs d'asile une somme déterminée sans y attacher de conditions.

Comme élément de conclusion, une rapporteuse retient que le rappel à l'égard des CPAS d'un certain nombre d'obligations qu'ils sont tenues de respecter, s'impose.

Dans toutes les villes, on se heurte ainsi à une difficulté particulière : le fait que, dans certains cas, les CPAS ne peuvent pas donner l'aide, a comme résultat que les demandeurs d'asile s'adressent à des organisations caritatives. Ces organismes se voient confrontés à une série de demandes dont la charge est telle que, au bout d'un certain temps, le bénévolat ne suffit plus. Ces organismes font alors appel aux communes pour bénéficier de subsides communaux.

Il est contraire à l'esprit de la loi que la commune donne des subsides sociaux qui ne sont pas autorisés par les CPAS.

M. Cleemput commence par exposer que chaque demandeur d'asile est confié à un centre. Le demandeur n'est toutefois pas obligé de s'y rendre et peut s'installer où il veut. Au moment où se présente une pénurie financière, les instances devraient le renvoyer au centre où il a été désigné initialement.

Pour les personnes déboutées qui ne sont pas éloignables, ce sont malheureusement des organisations privées qui sont les seules à octroyer une aide sociale. Cette situation est intenable et il faut trouver une solution structurelle.

Un membre constate que la solution proposée par M. Cleemput au point 2 de son exposé est la même que celle retenue par M. Weil dans son rapport au gouvernement français.

M. Cleemput ne s'en étonne pas puisque les mêmes problèmes se posent dans tous les pays d'Europe. Caritas est partisan d'une régularisation temporaire et renouvelable quand on espère trouver une solution rapide. Quand il s'avère qu'une solution n'est pas possible à brève échéance, il faut envisager une régularisation à long terme.

Une autre membre est frappé par le fait que la plupart des personnes qui se trouvent dans une telle situation pourraient travailler. Leur statut rend cela complètement impossible et cela crée inévitablement un circuit de travail au noir.

M. Cleemput partage entièrement cet avis. Il ne comprend pas pourquoi la ministre Smet a plaidé pour l'interdiction de travail aux non-recevables. Leur permettre de travailler légalement réduirait considérablement le travail au noir.

Le ministre de l'Intérieur donne un aperçu succinct de l'état de la réglementation :

1. les personnes qui attendent la décision exécutoire dans la phase de recevabilité : ces personnes ne peuvent pas travailler, car on a constaté que, pendant toute une période, des Punjabis quittaient l'Inde et venaient en Belgique pour travailler dans la culture fruitière dans la région de Saint-Trond; ces personnes demandaient le statut de réfugié, ce qui leur permettait de résider légalement sur le territoire et de travailler pendant un délai de trois à six mois. La procédure d'asile était ainsi détournée pour trouver de la main-d'oeuvre bon marché. Le Gouvernement a décidé de supprimer ce facteur d'attraction en interdisant aux demandeurs d'asile de travailler;

2. les personnes dont la demande a été déclarée recevable ont le droit de travailler;

3. les personnes déboutées ne peuvent évidemment pas travailler, sinon on viderait de sa substance le blocage de l'immigration qui a été instauré en 1974; le Gouvernement belge juge que notre situation économique ne permet pas de tolérer une immigration incontrolée en vue du travail.

M. Cleemput affirme que cette réglementation fait qu'un grand nombre des demandeurs d'asile hébergés dans les centres travaillent au noir. Ils ont en effet besoin d'argent pour pouvoir s'établir quelque part si jamais leur demande était déclarée recevable.

Lorsque la demande d'une personne est jugée recevable, il s'écoule en moyenne un délai de deux mois avant que l'intéressé puisse quitter le centre. C'est trop long.

Des problèmes se posent pour trois catégories de personnes :

1. les demandeurs d'asile qui ont des problèmes d'ordre psychique;

2. les mineurs non accompagnés;

3. les femmes isolées qui ont de nombreux enfants.

L'interdiction de travailler qui est faite aux personnes déboutées pose des problèmes surtout pour celles qui sont dans l'impossibilité de retourner dans leur pays, même si elles le voulaient. On devrait accorder à ces personnes un permis de séjour qui leur permet de travailler.

5. Audition d'Amnesty International

5.1. Exposé de M. Ph. Hensmans, directeur de la section francophone de Amnesty International Belgium a.s.b.l.

Il déclare que son intervention se basera sur trois sources, tout d'abord le rapport publié par son organisation en juin de cette année intitulé : « Réfugiés, les droits de l'homme n'ont pas de frontières. » Ensuite, il se référera au nº 1538 du courrier hebdomadaire du CRISP consacré à la réforme belge de la loi relative aux étrangers et enfin à un rapport peu connu puisqu'il s'agit du 7e rapport général d'activités du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitement inhumains ou dégradants qui couvre l'année 1996. Ce Comité est composé d'autant de membres qu'il y a d'États parties à la Convention européenne pour la prévention de la torture. Ce Comité est chargé, selon l'article 2, d'effectuer des visites dans « tout lieu où des personnes sont privées de liberté par une autorité publique. » Ces visites ne sont possibles qu'avec la coopération de l'État.

« Nous sommes aujourd'hui les otages d'une logique perfide selon laquelle la meilleure manière d'éloigner les réfugiés politiques consiste à rendre leur séjour et les procédures aussi rebutants que possible ». Je suis déçue, car ce projet ne part pas de considérations humanitaires et parce qu'il a vu le jour de façon unilatérale sous la pression d'une vision politique perverse à court terme ». Ainsi s'exprimait Bea Cantillon, sénatrice CVP, lors de la séance plénière du Sénat du 26 juin 1996.

Notre organisation ne peut qu'approuver ces paroles si dures dans la bouche d'une parlementaire dont le parti a pourtant voté cette loi. Pour combattre l'immigration, on a cadenassé encore un peu plus le droit d'asile qui se retrouve coincé dans la logique de contrôle des flux migratoires. À plusieurs reprises, nous avons interpellé le ministre, mais toujours sans succès.

Comme le disait Koen de Feyter dans un article récent : attendre le ministre, c'est attendre Godot.

Trois points majeurs font l'objet de nos préoccupations depuis l'entrée en vigueur de la loi.

5.1.1. Le renvoi des personnes

La nouvelle loi accroît les possibilités de délivrer les ordres de quitter le territoire. Les ordres de quitter le territoire s'appliquent évidemment aux demandeurs d'asile déboutés qui ne sont plus autorisés à séjourner dans le pays. Des rapports de l'Office des étrangers sont venus confirmer que, dorénavant, dans notre pays, l'objectif prioritaire, c'est d'atteindre les quotas d'expulsion prévu par le ministre. Amnesty International est opposée à l'expulsion ou au refoulement d'une personne dans un pays où elle risque d'être incarcérée en raison de ses opinions, d'être victime d'actes de torture, de « disparaître », d'être exécutée de manière extrajudiciaire ou encore d'être condamnée à mort. Il s'agit là d'un principe qui sous-tend l'ensemble de nos activités en faveur des réfugiés. C'est une composante fondamentale de l'action préventive en matière de droits de l'homme, visant à intervenir pour éviter que des atrocités ne soient commises, plutôt que de réagir lorsque le mal est fait.

C'est pour cela que nous avons écrit aux ministres Derycke et Vande Lanotte pour que les expulsions des Zaïrois soient provisoirement suspendues durant la période qui a précédé la prise de pouvoir par monsieur Kabila. En été, nous avons lancé une action urgente pour demander que la Belgique ne renvoie pas les demandeurs d'asile congolais. Les sénateurs ont été nombreux à évoquer cette question avec le ministre. De même, à plusieurs reprises, les militants d'AI ont sensibilisé les autorités politiques sur le sort qui serait réservé à des familles kurdes si elles étaient renvoyées en Turquie.

Dernier exemple, tragique : les Algériens. Nous avons exprimé notre soutien au HCR qui dans un communiqué paru le 29 août dernier « appelle fermement le gouvernement belge à ne pas rapatrier les demandeurs d'asile algériens déboutés sans prendre dûment en considération les risques que ce retour vers l'Algérie peut impliquer pour leur sécurité vu les circonstances actuelles prévalant dans ce pays »

L'affaire de M. Ben Othman, cet Algérien dont le statut de réfugié lui a été refusé en Belgique et qui a trouvé la mort parce qu'il aurait sauté par une fenêtre d'un commissariat de police algérien, a lors d'une réunion de la Commission de l'Intérieur du 20 mai dernier, servi à notre ministre pour traiter, à trois reprises, Amnesty International de menteuse. On attend toujours sa réponse, suite à la lettre circonstanciée que le secrétaire général d'AI lui a adressé et dont la Commission a reçu une copie.

Dans le travail quotidien, AI est confronté en permanence à des histoires véridiques de personnes qui souffrent parce que leurs droits fondamentaux ont été violés.

On pourrait aussi citer le cas d'une Angolaise, déboutée et renvoyée en Angola où elle est torturée. Elle réussit à s'échapper et arrive pour la deuxième fois en Belgique. Examinée par un médecin, celle-ci constate des lésions sérieuses qui viennent corroborer la thèse des sévices subis. Pourtant une fois encore, le CGRA rejettera sa demande. Quelque part en Belgique, elle vit terrorisée à l'idée d'être une fois encore renvoyée chez ses bourreaux.

Chaque fois qu'un demandeur d'asile débouté est renvoyé, on doit se poser la question de savoir s'il ne sera pas exécuté ou maltraité ou encore, si l'État de renvoi est en condition d'assurer sa protection. Qui pourrait répondre par l'affirmative quand on examine les situations qui prévalent en Algérie mais aussi au Libéria, en Somalie ou en Afghanistan ?

Ne faudrait-il pas que la Belgique, avec ses partenaires européens, puisque les renvois par charter s'organisent sur ce plan là, constitue un groupe de travail. Ce groupe de travail serait chargé de trouver des solutions pour assurer un suivi des personnes rapatriées. On pourrait imaginer un rôle accru des missions diplomatiques pour ce monitoring, une collaboration plus étroite avec l'OIM, (Office International des Migrations) et les bureaux du Haut Commissariat aux Réfugiés installés dans ces pays. Pourquoi n'organise-t-on pas un suivi avec les ONG installées dans ces pays pour peu qu'on leur en donne les moyens.

Quand le ministre Vande Lanotte dit que maintenir en Belgique, un médecin roumain n'a aucun sens parce que nous finançons des équipes de Médecins sans frontières en Roumanie, il devrait dans sa logique s'assurer que ce médecin roumain est en mesure d'exercer son métier dans son pays.

Amnesty International ne dit jamais qu'il ne faut pas renvoyer, de manière décente, les personnes qui viennent pour tenter de vivre économiquement mieux mais refuse une logique qui pousse à augmenter le volume des expulsions à n'importe quel prix. Dans le rapport de son organisation, on peut lire : « L'une des principales hypothèses consiste à dire que tous les réfugiés souhaitent rentrer chez eux, l'idée étant que l'exil constitue une parenthèse dans leur vie et que leurs foyers comme leurs communautés d'origine existent encore. Or, cette hypothèse est fausse dans bien des cas. Certains qui vivent en exil depuis des années se sont adaptés et ont refait leur vie. Ils s'intègrent à la société qui les entoure, ils contribuent à son développement en lui apportant leurs propres compétences et en tissant des liens très forts avec ceux qu'ils côtoient. Il peut arriver que les enfants n'aient jamais connu le pays d'origine de leurs parents. Chasser ces personnes de leur pays d'accueil peut avoir des conséquences dramatiques. »

Avant de conclure sur ce point, il rapporte les conclusions du CPT, Comité pour la prévention de la torture, à propos des moyens de contrainte dans le cadre de procédures d'éloignement.

« Le CPT reconnaît que faire quitter le territoire d'un État à un étranger qui fait l'objet d'un ordre d'éloignement et qui est déterminé à rester se révélera souvent une tache difficile. Les membres des forces de l'ordre peuvent, à l'occasion, être contraints de recourir à la force pour procéder à un tel éloignement. Toutefois, la force employée devrait être limitée à ce qui est strictement nécessaire. Plus particulièrement, il serait totalement inacceptable que ces personnes soient agressées physiquement pour les persuader de monter à bord d'un moyen de transport ou pour les punir de ne pas l'avoir fait. De plus, le CPT se doit de souligner que bâillonner une personne est une mesure éminemment dangereuse. Le CPT souhaite également souligner que toute administration de médicaments ne pourrait être effectuée que sur la base d'une décision médicale et conformément à l'éthique médicale. »

Amnesty a été informé de l'usage de la technique du « coussin ». Les protestations qui ont suivi, ont permis, paraît-il, de ne plus utiliser ce système. Mais qu'en est-il maintenant ? Nous espérons obtenir une réponse qui soit conforme aux recommandations du Comité pour la prévention de la torture.

5.1.2. L'accès au territoire

Le dossier du CRISP souligne : « Une modification importante concerne les restrictions à l'accès au territoire. En effet, les conditions nécessaires pour qu'un étranger puisse être refoulé par les autorités chargées du contrôle aux frontières ont été étendues ».

Les États doivent veiller à ce que des mesures de restriction prenant des formes diverses, comme le contrôle des visas, les sanctions infligées aux transporteurs ou le filtrage aux frontières ­ ne constituent pas un obstacle empêchant les demandeurs d'asile de pénétrer sur leur territoire ou d'avoir accès à la procédure d'asile. Tout demandeur d'asile se présentant à la frontière ou sur le territoire d'un État, doit être orienté vers l'organisme chargé de statuer sur les demandes d'asile. Manifestement notre nouvelle loi n'a pas vraiment pris en considération ce qu'Amnesty international demande.

Examinons les santions à l'égard des transporteurs : comment, dans le cadre de l'évaluation de cette loi, pouvons-nous faire pour obtenir des informations précises pour savoir combien de demandeurs d'asile ont été refusé d'embarquement dans un avion, dans un bateau ou dans un car ? Il est sans doute impossible d'avoir une réponse précise à une question aussi fondamentale. Une difficulté repose sur le fait que ce sont des compagnies privées à but lucratif, qui peuvent refuser l'accès à la fuite. C'est évidemment l'État belge qui a ratifié la convention de Genève et pas les sociétés de transport. C'est l'acquis Schengen, une obligation imposée ? Non, elle a été aussi acceptée par notre gouvernement.

Par ailleurs, dans un document préparé à votre attention, on y explique que l'augmentation du nombre d'expulsions est aussi due au fait que celles-ci se font directement lors de l'arrivée sur le territoire. La création dans les aéroports de « zones internationales », véritable fiction juridique, permet à un État de se débarrasser d'un demandeur d'asile sans que celui-ci ait pu avoir aucun accès à l'appareil juridictionnel du pays. En clair, on peut dire que l'Office des étrangers se réserve le droit de considérer certaines demandes comme manifestement non fondées ou alors il se réserve le droit de renvoyer directement des personnes dans des pays tiers. A t-on pris soin d'examiner si ce pays a ratifié la Convention et son protocole, et si la procédure d'asile en application est équitable et satisfaisante ? Sur ce point précis du renvoi vers les pays tiers, comment pouvons-nous, comment pouvez-vous procéder à une évaluation à la fois sur la quantité mais aussi sur le suivi de cette quantité qui représente ­ ne l'oublions pas ­ des vies humaines brisées ?

Y-a-t-il un registre au sein de l'Office des étrangers qui mentionne le nombre d'étrangers qui se sont présentés, la date, l'heure, le pays d'origine et la compagnie, la durée du passage dans l'aéroport, le pays d'expulsion, par quelle compagnie ? Quel suivi dans le pays d'expulsion : a-t-on contacté le HCR, les autorités chargées de l'asile, a-t-on véfifié les procédures d'asile ? Seul un suivi aussi précis nous permettrait de réaliser une évaluation digne de ce nom.

Un dernier aspect de ce problème concerne l'arrivée sur le sol belge, en toute légalité, sans demande d'asile, d'un étranger. Venir chez nous devient un vrai parcours du combattant ! Comme la loi prévoit en plus qu'il faut une prise en charge de 2 ans pour quelqu'un qui viendrait maximum trois mois, on peut comprendre que c'est aussi la libre circulation des idées et de la solidarité qui sont attaquées.

5.1.3. La détention

Un gouvernement ne doit jamais placer en détention des demandeurs d'asile dans le but de dissuader d'autres personnes de venir solliciter l'asile dans le pays, de compliquer la procédure de demande d'asile ou d'inciter les personnes ainsi détenues à renoncer à leur démarche. Tout nous porte à croire que la détention telle qu'elle est prévue dans cette loi a aussi pour objectif la dissuasion.

Passons en revue, ­ ce que les normes internationales garantissent aux demandeurs d'asile et aux réfugiés ­ le droit de ne pas être détenus arbitrairement. Qui peut dire que notre loi ne permet pas une détention arbitraire ?

S'ils se trouvent en détention, ces normes leur reconnaissent en outre les droits suivants :

­ l'accès à un avocat. C'est vrai que souvent nous sommes contactés par des avocats qui, en 48 heures, doivent préparer la défense d'un demandeur d'asile enfermé dès son arrivée et dont ils ne connaissent rien sur le pays d'origine. C'est dur d'être un bon avocat dans ces cas-là.

­ l'accès au Haut Commissariat aux Réfugiés.

­ avertir sa famille et communiquer avec le monde extérieur.

Régulièrement, des personnes du centre 127 et 127bis téléphonent au bureau d'Amnesty. Pour avoir eu ces gens en ligne, l'orateur assure que les conditions de communication sont très difficiles car le bruit de fond atteste que le téléphone se trouve dans la salle de séjour. Quand il rappele, bien souvent le personnel refuse de lui autoriser à parler avec ces gens. Parfois, on a de la chance et ils donnent le nom de l'avocat et c'est ainsi qu'ils pouvent intervenir. Donc, il y a communication, mais, il faudrait prévoir un espace plus intime et certaines facilités pour que, du côté d'Amnesty, l'on puisse plus facilement les contacter par téléphone.

­ le droit à des conditions de détention humaines. Des détenus ont téléphoné, pour dire que certaines personnes étaient battues. On a pris contact avec la directrice du Centre qui a très clairement expliqué ce qui s'était passé. Bien évidemment nous n'avons pas de raison de douter de sa version et en même temps, on se dit qu'un étranger, enfermé loin des regards peut difficilement faire valoir son point de vue. Dans le cadre de sa campagne, la section belge d'Amnesty international a demandé l'autorisation de se rendre dans les centres 127. Celle-ci a été accordée mais quand nous avons voulu clarifier les modalités de ces visites, on est resté sans réponse et depuis lors nous attendons toujours un rendez-vous avec le ministre.

Il conclut sur ce point, en reprenant les extraits les plus significatifs du rapport du Comité prévention contre la torture qui parle non pas de détention mais bien de rétention. En ce qui concerne les zones de transit et « internationales » : dans les aéroports, le CPT (comité prévention torture) « a été à plus d'une reprise confronté à l'argument selon lequel de telles personnes ne sont pas « privées de liberté » puisqu'elles sont libres de quitter la zone à tout moment en embarquant sur le vol international de leur choix. Le C.P.T. a toujours soutenu qu'un séjour dans cette zone s'apparente à une privation de liberté au sens de la Convention européenne des droits de l'homme. Il demande que des moyens adéquats pour dormir et pour faire sa toilette soient garantis. Des soins médicaux, si nécessaire, l'accès à la nourriture ainsi que l'autorisation à se rendre quotidiennement à l'air frais doivent aussi être garantis.

Se pose la question de savoir si ces exigences sont respectées chez nous.

De l'avis du CPT, dans les cas où il paraît nécessaire de priver des personnes de liberté pendant une période prolongée en vertu de législations relatives à l'entrée et au séjour des étrangers, ces personnes devraient être placées dans des centres spécifiquement conçus à cet effet. Voici une remarque qui fera plaisir à notre ministre puisqu'il a entrepris un vaste programme de construction de centre spécifiques. Mais, le CPT dit aussi, « qu'il y aurait lieu d'éviter autant que possible, dans la conception et l'agencement des lieux, toute impression d'environnement carcéral. » Ce qui est, reconnaissons-le, difficilement compatible avec trois lignes de fil barbelé. Amnesty International invite donc les sénateurs à insister auprès du ministre et des autorités compétentes pour trouver un nouvel architecte plus proche des exigences du Comité Prévention contra la torture.

5.2. Exposé de M. K. De Feyter, président d'Amnesty International Vlaanderen

Le 21 septembre, Amnesty International a lancé un appel pour que l'on procède à un audit indépendant des techniques d'interview et que l'on forme les fonctionnaires de l'Office des étrangers chargés de ces interview. Amnesty International est préoccupé par la qualité insuffisante des décisions de l'Office des étrangers.

Cette insuffisance de la qualité se manifeste dans la motivation des décisions de l'office. Souvent, on ne mentionne pas clairement le fondement juridique de la décision, et quand on le mentionne, on ne l'explicite pas dans la motivation de la décision.

Il est encore possible de remédier à cette piètre qualité au niveau du CGRA, mais la première interview et la décision de l'Office des étrangers restent dans le dossier et, souvent, le CGRA base sa décision sur les « contradictions » entre les déclarations qui ont été faites devant l'Office des étrangers et au CGRA. Il est donc très important de contrôler le travail de l'Office des étrangers.

La qualité des décisions est influencée par l'imperfection des interviews et le manque de formation du personnel de l'office des étrangers. De nombreuses organisations de défense des réfugiés, ainsi que le commissaire général ont régulièrement signalé la piètre qualité du travail de l'Office des étrangers. Cet office est du ressort du ministre de l'Intérieur, qui doit veiller à cette qualité.

Dès lors, Amnesty International plaide pour que l'on procède à un audit indépendant de l'Office des étrangers. Il faut discuter avec la société de la qualité de la politique d'asile, qui ne peut être laissée totalement entre les mains des autorités.

L'équipe chargée de l'audit doit être multidisciplinaire : il faut un psychologue, un juriste, un expert en communication interculturelle. Il existe un grand nombre d'études relatives aux interviews des demandeurs d'asile réalisées sous l'angle de ces trois disciplines.

L'audit devrait comprendre une étude sur le terrain ­ assister aux interviews ­ ainsi que l'examen des programmes de formation existants, tout à l'Office des étrangers qu'au CGRA.

L'on pourrait boucler un tel audit en vingt mois et il faudrait en publier les résultats et les recommandations.

Le but de l'audit est d'améliorer la qualité; il permettrait au ministre de montrer à la société qu'il accorde beaucoup d'importance à la qualité de la procédure d'asile. Il pourrait alors également se positioner en ce sens sur le plan européen.

Le but de cet appel n'est pas de chercher la confrontation avec le ministre ni de s'opposer à lui.

Jusqu'à présent, le ministre de l'Intérieur n'a pas réagi officiellement à cet appel. Toutefois, dans certaines interviews données par des collaborateurs de cabinet, l'on renvoie à l'audit de l'Office des étrangers effectué par le bureau ABC et au plan de ges tion de l'Office des étrangers qui est annoncé pour ces mois-ci.

Amnesty International a demandé à pouvoir prendre connaissance de cet audit. Le cabinet a toujours répondu que ce n'était pas possible avant que l'audit et le plan de gestion ne soient mis à la disposition de notre commission, en raison des prérogatives du Parlement.

Actuellement, notre commission est donc une entrave à la communication entre les ONG et le ministère de l'Intérieur.

Amnesty International ne peut donc pas répondre à la question de savoir dans quelle mesure l'audit et le plan de gestion répondent à ses préoccupations. Toutefois, l'on sait que les audits précédents se sont généralement bornés à analyser le cadre du personnel et l'organisation du service. L'on a rarement examiné comment se déroulent les interviews et ce que l'on entend par formation. Qui plus est, l'on peut difficilement considérer le bureau ABC, qui relève du ministère de la Fonction publique, comme une institution indépendante.

Amnesty International voudrait également avoir la possibilité de commenter l'audit et le plan de gestion une fois qu'il aura pu en prendre connaissance.

Grâce à ces contacts avec la presse, M. De Feyter a appris que le cabinet reproche à Amnesty International sa « naïveté » parce que de nombreux demandeurs d'asile feraient de la procédure un usage impropre. Qu'y a-t-il de naïf à réclamer une procédure convenable à l'Office des étrangers ? Ce genre d'attitude est caractéristique de la manière dont le ministère de l'Intérieur mène sa politique et des rapports qu'il entretient avec l'Office des étrangers.

Il estime que le ministère de l'Intérieur encourage l'Office des étrangers à être strict et à mettre surtout l'accent sur l'expulsion et la lutte contre les abus éventuels. Il n'est pas demandé d'effectuer un examen qualitatif.

La communication avec l'Intérieur se fait très difficilement. Le 13 juin déjà, l'on a demandé un entretien au ministre. Jusqu'à présent, l'on n'a obtenu aucune réponse.

Enfin, l'intervenant demande que notre commission fasse siennes les préoccupations d'Amnesty International et qu'elle soutienne la demande d'audit indépendant des interviews et de la formation. Le ministre devrait s'engager à tenir compte des conclusions d'un tel audit.

5.3. Échange de vues

Un membre se demande si le fait qu'il est impossible d'éloigner certains demandeurs d'asile déboutés vers certains pays, et que cela est connu, n'induit pas un certain nombre de demandes systématiques. Est-ce que cela n'entraîne pas le risque que notre pays devienne la base d'expression de certains mouvements qui n'ont rien à voir avec les droits de l'homme ? Pour cette raison, une régularisation doit toujours rester provisoire.

M. Hensmans répond qu'il ne faut pas traiter tous les demandeurs d'asile déboutés comme des demandeurs d'asile reconnus mais qu'il faut être très prudent en ce qui concerne le rapatriement vers certains pays. Au moment où le Gouvernement belge appelle ses ressortissants à quitter Kinshasa, le même Gouvernement continuait à renvoyer des Congolais, parfois même des mineurs non accompagnés. Amnesty International ne demande donc pas de reconnaître toutes les demandes mais de prendre des mesures provisoires pour éviter de telles situations. Même si la politique a été corrigée plus tard, le ministre lui a répondu qu'il ne voyait pas pourquoi il ne continuerait pas à rapatrier. Combien de Congolais ou d'Algériens ont été éloignés de notre territoire ? Jusqu'à preuve du contraire, Amnesty International reste convaincu que, dans le cas de Ben Othman, le droit d'asile a été violé.

Un membre demande s'il ne serait pas intéressant de promouvoir une politique plus ouverte avec une aide au retour qui permettrait de résoudre les problèmes de renvoi.

M. Hensmans souscrit entièrement à cette proposition. D'ailleurs, Amnesty International propose une sorte de « monitoring », c'est-à-dire un suivi systématique des personnes éloignées.

L'élément déterminant est donc de demander à nos instances officielles de réaliser un suivi. Amnesty International a l'impression que le vrai problème n'est pas posé par la gestion du droit d'asile mais par les quotas de personnes à renvoyer ­ peu importe vers où on les renvoie.

Dans l'ensemble des éléments de conclusion, un membre pense que ce problème ne concerne pas uniquement le ministre de l'Intérieur. Quand on pense à une aide aux personnes éloignées, cela implique aussi le secrétariat d'État à la Coopération.

En ce qui concerne la situation au Congo, le ministre répond qu'il n'y avait pas encore de raisons, à un certain moment, de suspendre les reconduites. En mai, il n'y avait toutefois pas assez de clarté concernant la sécurité à Kinshasa pour que l'on pût procéder à des reconduites forcées, de sorte que le ministre a ordonné à l'Office des étrangers de ne plus procéder, pendant un mois, à des éloignements forcés.

Entre-temps, l'on a repris les éloignements forcés, qui sont pratiquement toujours ordonnés après que la commission de recours ou le CGRA ont pris une décision dans ce sens. Ces deux instances sont indépendantes et le Gouvernement estime que leurs décisions offrent suffisamment de garanties permettant, si nécessaire, de procéder à des reconduites forcées.

En ce qui concerne l'Algérie, la politique à suivre requiert que l'on fasse preuve de la plus grande prudence en tenant compte de l'article 3 de la CEDH, qui interdit les traitements inhumains et dégradants. Il ne peut être porté atteinte à la vie ou la liberté de la personne reconduite.

Depuis août, le ministre a demande à l'Office des étrangers, en guise de garantie complémentaire, de lui soumettre chaque dossier d'éloignement. Au total, treize personnes ont été reconduites qui, toutes, étaient confrontées à des problèmes d'ordre public. Parmi ces treize personnes, il n'y avait que deux demandeurs d'asile déboutés.

En ce qui concerne le suivi des demandeurs d'asile reconduits, le ministre donnera sa réponse lorsqu'il viendra commenter sa politique globale.

Un membre ayant posé une question à ce sujet, le ministre précise qu'il y a actuellement, par mois, de quelque 20 à 50 Algériens qui introduisent une demande d'asile.

Un sénateur en revient au problème de la première audition effectuée par l'Office des étrangers.

Cette première audition est d'un intérêt fondamental pour chaque dossier individuel. Il souhaite qu'Amnesty International lui donne davantage de détails à propos des plaintes spécifiques dont l'organisation a connaissance.

M. De Feyter répond qu'Amnesty International a vérifié 250 dossiers de demande d'asile. L'organisation s'est attachée plus spécifiquement au traitement que l'Office des étrangers leur a donné, en examinant quelle fut la qualité des décisions prises. Deux grands problèmes se sont dessinés.

Il faut indiquer sur quelle base juridique se fonde la décision. Cela se fait par un formulaire pré-imprimé, sur lequel on entoure le fondement juridique pertinent.

L'on a constaté que les fonctionnaires entouraient souvent de nombreux fondements juridiques ­ parfois même tous ­ et qu'il n'en était plus question dans la motivation (« l'histoire est peu vraisemblable »), de sorte que le rapport avec le fondement juridique mentionné dans la loi ne ressort plus de la motivation concrète.

Selon l'analyse d'Amnesty International, il n'est pas question ici de mauvaise volonté, mais d'un manque de formation ou du caractère superficiel de l'interview. Une plainte que l'on entend souvent en la matière est que l'interview ne dure pas longtemps.

C'est pourquoi Amnesty International propose d'autoriser une personne qui n'est pas partie concernée à observer ces interviews de façon à ce que l'on puisse émettre à leur sujet un jugement scientifiquement étayé.

M. Hensmans souligne également que certaines personnes qui arrivent à Zaventem ne parviennent même jamais à obtenir cette première interview mais sont rapatriées presque immédiatement. Ces cas ne figurent pas dans les statistiques. Il y a également les demandeurs d'asile potentiels qui se voient refuser l'accès à l'avion, au car ou au train par les entreprises de transport, qui veulent ainsi éviter les amendes.

Une sénatrice avait compris de l'exposé d'Amnesty International qu'il y avait un plan de l'exécutif pour éloigner 12 000 personnes en 1997 et 15 000 en 1998. Sur quels éléments se base-t-on ?

M. Hensmans répond que c'est un document de janvier 1997 qui émane du ministre et qui relate le nombre d'éloignements que le Gouvernement s'est fixé.

Le ministre confirme que ces chiffres figurent dans la note de politique gouvernementale (12 000 en 1997 et 15 000 en 1998). Il a toujours affirmé que les éloignements ne constituaient pas un objectif en soi. Aussi ces chiffres ne représentent-ils pas un quota à atteindre, mais sont-ils une conséquence attendue de l'augmentation de la capacité d'éloignement. L'éloignement forcé constitue toutefois une conclusion nécessaire de la politique d'éloignement; il est toutefois donné priorité au départ volontaire.

Le ministre demande davantage d'explications à Amnesty International en ce qui concerne son affirmation que certaines personnes qui arrivent à l'aéroport n'ont pas la possibilité d'introduire une demande d'asile. Il n'est pas au courant de faits semblables. De plus, la procédure est claire : la demande d'asile d'une personne qui se trouve à la frontière figure immédiatement dans un rapport de la gendarmerie.

Si Amnesty International dispose de plaintes concrètes en la matière, il demande que cette organisation les lui transmette aussi vite que possible.

Un membre pense que c'est un élément qui doit être élucidé. Il faut que la Belgique se mette en position pour pouvoir appliquer la Convention de Genève. La commission doit examiner ce qui se passe dans la phase avant la demande d'asile, c'est-à-dire avant et après l'embarquement. Cela porte aussi sur le problème de l'octroi des visa et la procédure de l'octroi des visa.

M. Hensmans se borne à constater qu'Amnesty International a reçu des plaintes relatives aux étrangers qui, après l'arrivée à Zaventem, n'ont pas eu la possibilité de déposer une demande d'asile. Amnesty International n'a pas pu contrôler si ces plaintes étaient bien fondées étant donné qu'Amnesty International ne peut pas contacter ces étrangers.

Quelqu'un qui est poursuivi n'a souvent pas le temps de demander un visa. Même s'il a l'argent pour partir, le transporteur n'admettra pas son embarquement pour éviter les amendes prévues dans la loi.

M. Hensmans pense que cet examen devrait aussi inclure la façon dont les gens qui sont éloignés sont suivis par nos consulats surtout lorsqu'il s'agit de pays considérés comme un risque.

Le ministre demande si Amnesty International considère que la demande de visa constitue un obstacle pour la demande d'asile.

M. Hensmans répond que, dans un certain nombre de circonstances, cela peut constituer un obstacle. Amnesty International dispose d'exemples de personnes qui ont dû fuire leur pays sous la menace d'escadres de la mort. Avant d'arriver à l'aéroport, ces personnes devraient obtenir un visa. Souvent cela est impossible.

Un membre croit que la commission doit examiner ce problème. Dans le passé, la Belgique a travaillé de façon exemplaire (par exemple dans le cas du Chili) pour aider des personnes menacées par le régime politique à s'évader de leur pays. Dans le cas du Chili, nos diplomates sont allés chercher ces personnes et les ont aidés à s'échapper. Ce sont par contre les zones intermédiaires qui posent problème. Elle propose de demander un rapport complémentaire à ce sujet au ministre des Affaires étrangères. Le rapport devrait notamment fournir une réponse sur la façon dont ce problème est perçu par la chancellerie.

M. Hensmans affirme que quand une ambassade peut intervenir sur ce plan, elle fait parfois des choses remarquables. Amnesty International a été visité par un militant des droits de l'homme qui était menacé dans son pays. Après contact avec le ministre, notre ambassadeur a accueilli cette personne à l'aéroport, l'a accompagné chez elle et suit sa situation de semaine à semaine. Notre politique peut donc réaliser certaines choses dans ce domaine.

De M. Cleemput, un membre voudrait apprendre s'il est favorable à l'introduction de l'avis du bourgmestre dans le dossier.

M. Cleemput pense que cela constitue un certain danger. Le ministre de l'Intérieur réfléchit actuellement à un système de lettre circulaire aux bourgmestres où il leur proposerait un système de régularisation pour les personnes non éloignables. Le problème est que si les bourgmestres refusent de collaborer dans un tel système, cela mène inévitablement à instaurer l'arbitraire dans la procédure. Bref, il est assez réticent à soutenir un tel système.

6. Audition de la Plate-Forme de vigilance pour les réfugiés

6.1. Exposés

Mme Bouchat expose que l'objectif de l'intervention de la Plate-Forme est de montrer que bien au-delà des principes, l'application de ce qu'il est convenu d'appeler la loi Vande Lanotte pose nombre de problèmes pratiques et humains. Nous avons donc fait le choix de ne pas nous étendre sur des considérations juridiques théoriques ou éthiques mais de vous décrire une série de situations concrètes pour illustrer les conséquences sur le terrain de l'application de la loi. Sauf indications contraires, les références législatives citées dans ce texte émanent de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers modifiée par les lois des 10 et 15 juillet 1996 et par ses arrêtés d'exécution.

6.1.1. L'accès au territoire

Il arrive aux collaborateurs de la Plate-Forme de recevoir de l'aéroport des appels de personnes menacées de refoulement bien qu'elles présentent un visa en bonne et due forme. L'Office des étrangers leur refuse l'accès au territoire invoquant tantôt le caractère flou de la motivation de leur voyage, tantôt des moyens de subsistance insuffisants, ... Quand on connaît les difficultés souvent rencontrées par ces personnes pour obtenir un visa, on peut imaginer l'état d'esprit dans lequel elles rentrent après avoir payé un billet d'avion pour venir passer quelques jours, voire quelques semaines, au local « Inad » de l'aéroport.

Personne ne s'en étonnera que la Plate-Forme n'est pas à même d'évaluer les conséquences des sanctions infligées aux transporteurs sur les demandeurs d'asile. Il est impossible de contrôler si, avec ce système de cadenas, nous ne privons pas en quelqu'endroit du globe, quelqu'un de la possibilité de se soustraire à la persécution. Peut-être demain, trouvera-t-il une filière qui, échangeant ruse contre monnaie sonnante et trébuchante, lui permettra de pénétrer illégalement sur notre territoire.

Et comment contrôler les situations se déroulant quotidiennement dans les zones de transit de nos aéroports ? Combien d'étrangers ne sont-ils pas aussitôt réembarqués sur un vol retour sans le moindre contrôle, sans que personne n'en soit informé ?

Mais ceux qui ont la chance (car il en faut !) de pouvoir fuir ont encore beaucoup d'obstacles à franchir avant d'obtenir la protection qu'ils réclament.

6.1.2. Schengen : un jeu de l'oie dont les demandeurs d'asile ignorent les règles (article 51/5 de la loi)

Lorsque l'Office des étrangers demande la réadmission d'un demandeur d'asile à un autre État de l'espace Schengen, l'étranger concerné est tenu de résider dans un centre d'accueil s'il n'est pas en mesure de subvenir à ses besoins. Les personnes dans cette situation doivent se présenter très régulièrement à l'Office des étrangers pour s'entendre dire la plupart du temps après plusieurs heures d'attente, que le pays sollicité ne s'est pas encore prononcé. Ces voyages inutiles, outre le fait qu'ils coûtent à la collectivité, accroissent l'exaspération qui règne dans les centres. Les demandeurs d'asile ne se sentent pas respectés. Ils ne comprennent pas qu'un pays qui refuse d'entendre leur demande de protection leur impose des déplacements qui ne se justifient pas. La tension est d'autant plus grande que certains ne reviennent pas de ces rendez-vous. Il arrive en effet que l'Office des Étrangers profite de l'occasion pour placer en détention administrative des personnes devant être réadmises par un autre État.

Nous avons déjà pu observer que l'Office des étrangers manque de la plus élémentaire souplesse dans le traitement des dossiers « Schengen ». Citons l'expérience de cette dame moldave qui demande l'asile à la Belgique en février 1997. Le Centre de la Croix-Rouge de Lanaken lui est désigné comme lieu obligatoire d'inscription. Le 27 avril, cette personne reçoit un ordre de quitter le territoire assorti d'une injonction de se présenter, avant le 13 mai 1997, au Commissariat des étrangers de Madrid. Prise de panique, elle quitte le Centre et s'installe chez une personne dont elle a fait la connaissance. Considérant qu'elle est accompagnée d'un enfant gravement handicapé et que le voyage en train ­ avec un changement de gare à Paris ­ paraît irréalisable, un service social accepte de supporter les frais de voyage en car. Le 9 mai, l'enfant est cependant hospitalisé d'urgence. Il doit être opéré le 14 mai et les médecins estiment qu'il ne pourra pas quitter l'hôpital avant la fin du mois de mai.

Une assistante sociale, tout en fournissant les attestations médicales à l'Office des étrangers, demande que l'ordre de quitter le territoire soit prorogé et que la date à laquelle les personnes doivent se présenter à Madrid soit postposée. L'Office des étrangers refuse. Le jour même, l'assistante sociale envoie un fax au cabinet du ministre de l'Intérieur. La demande est transmise à l'Office des étrangers qui refuse à nouveau la demande de prorogation.

Autre exemple de l'intransigeance de l'Office des étrangers, cette fois en matière de regroupement familial : le Conseil d'État a examiné la requête en suspension introduite en extrême urgence par une Rwandaise dont la demande d'asile aurait dû être examinée par la France en vertu des accords de Schengen mais qui demandait à ce que son dossier soit néanmoins pris en considération par la Belgique, s'appuyant sur le fait que ses deux filles, réfugiées reconnues, vivaient en Belgique. Le Conseil d'État a suspendu la décision de refus de séjour, considérant que l'exécution de l'ordre de quitter le territoire aurait pour conséquence de séparer la requérante de ses deux filles dont l'une de surcroît est sourde et muette. L'arrêt rappelle aux États que l'application du traité de Schengen ne les dispense pas de prendre en considération les autres engagements internationaux contractés par la Belgique, en l'occurrence ici la Convention européenne des droits de l'homme et en particulier son article 8 protégeant le droit à la vie privée et familiale. Rappelons d'ailleurs que le législateur a explicitement stipulé que même si, en vertu des accords de Schengen, l'examen d'une demande ne lui revient pas, la Belgique a toujours la possibilité de l'examiner. Plusieurs autres arrêts du Conseil d'État ont cassé les décisions de l'Office des étrangers ayant négligé de prendre en compte les circonstances familiales, et cela à cause d'une application mécanique, déshumanisée des critères prévus par Schengen. Nous aimerions dès lors savoir comment le ministre entend à l'avenir mettre en balance le traité de Schengen et le respect du droit à la vie familiale.

Par ailleurs, en ce qui concerne les frais, lorsque l'État responsable de la demande d'asile accepte de réadmettre un étranger, la personne concernée reçoit, si elle est hébergée dans un centre, un ticket de train jusqu'à la frontière belge. Si elle est démunie, comment peut-elle rejoindre ­ avant une date déterminée ­ Madrid ou Lisbonne ?

6.1.3. L'emploi des langues : les demandeurs d'asile otages de nos querelles linguistiques

Combien de demandeurs d'asile francophones se sont-ils trouvés être les acteurs d'une bien désagréable farce à la Commission permanente de recours par ignorance de la formule rituelle « Je ne souhaite pas l'assistance d'un interprète ». Ces personnes, bien qu'ayant vu leur dossier traité en français au Commissariat général, bien qu'ayant explicitement stipulé dans leur recours qu'elles souhaitaient être entendues par une chambre francophone, ont dû se résoudre à faire traduire leurs propos par un interprète français-néerlandais.

L'application rigide de ces dispositions conduit à des situations absurdes.

Cette réforme procédurale est motivée par la volonté d'équilibrer la masse de dossiers traités par les instances francophones et néerlandophones. Il en découle que les personnes assistées d'un interprète voient automatiquement leur dossier traité en néerlandais, et ce, même si elles ont arbitrairement été envoyées dans un centre d'accueil wallon. Il en résulte dans la plupart des cas, une impossibilité pour le demandeur d'asile de trouver une aide adéquate dans la procédure d'obtention du statut.

Récemment, une assistante sociale a été consultée par un demandeur d'asile pour introduire un recours à la Commission permanente. Il s'agissait d'un Guinéen, d'origine ethnique peule, qui n'a pas été scolarisé mais a appris le français sur base orale. Son dossier a jusqu'ici été traité en français et il a toujours été assisté d'un interprète peul, mais d'une autre nationalité que la sienne. Cette situation a déjà conduit à des malentendus. Le Commissariat général, dans la notification de son refus, relève par exemple que la personne a affirmé avoir été inquiétée par la police militaire, puis lors d'un second entretien, par un agent de la Sûreté de l'État. Il s'avère que dans l'une et l'autre situation, l'intéressé a utilisé le terme « gardijo » , ce qui pour lui signifie « homme en tenue » et qui a été traduit de manière différente par les deux interprètes. Comment doit-il se comporter maintenant ?

­ s'il demande un interprète, il sera sans doute à nouveau assisté d'une personne qui ne le comprend que partiellement, et probablement devant une chambre néerlandophone. Dans cette hypothèse, il ne pourra plus exercer le relatif contrôle de la qualité de la traduction dont il pourrait se prévaloir devant une chambre francophone.

­ s'il renonce à l'assistance d'un interprète et choisit d'être entendu par une chambre francophone, il n'est pas certain de pouvoir maîtriser toutes les nuances de la langue. Il est bien différent de dire que l'on est membre d'un parti ou sympathisant d'un parti. Alors, de la lèpre et du choléra, que choisir ?

6.1.4. Les centres d'accueil : symptômes d'une Belgique trop obligée ? (art. 54, § 3, de la loi, art. 57ter de la loi du 15 juillet 1996 concernant les Centres publics d'aide sociale)

Est-il décent de parler de centres d'accueil lorsqu'existe une contrainte à y résider ?

Si le ministre ou son délégué a la faculté de faire inscrire le demandeur d'asile dans un centre, force est de constater que jusqu'à présent, cette disposition est appliquée systématiquement.

Des ONG ont déjà expliqué longuement en quoi ce type de structure est difficilement compatible avec le respect de la dignité humaine.

Évoquons au passage la souffrance de ceux (et ils sont nombreux) dont l'équilibre psychologique est précaire, des enfants confrontés à un système scolaire incapable de les intégrer, des jeunes filles contraintes de vivre dans la promiscuité. Nous avons rencontré des adolescents en âge d'obligation scolaire pour qui rien n'est prévu et qui n'ont dès lors d'autre alternative que de partager l'inactivité de leurs aînés.

La politique d'accueil en centres a ­ en son temps ­ été présentée comme le fruit d'une volonté d'humaniser l'accueil des réfugiés. Il faut cependant bien constater que seuls résident dans les centres ceux qui n'ont pas d'autre choix. Les plus débrouillards trouvent d'autres formules et les services sociaux observent que nombre de personnes quittent le centre après l'avoir expérimenté.

Peu de demandeurs d'asile ont les moyens de se faire assister par un avocat. Ils sont à la merci de la bonne volonté et de la compétence du personnel des centres. Beaucoup le déplorent. Certains services sociaux émettent d'ailleurs la plus grande réserve quant à la qualité du travail d'accompagnement au travers de la procédure assuré par certains travailleurs sociaux membres du personnel des centres.

Les centres d'accueil, qu'ils soient gérés par la Croix-Rouge ou par le ministère de la Santé publique, sont de grosse capacité. Ils ne conviennent pas à tous et il semble évident que certaines personnes devraient être assistées financièrement par les pouvoirs publics sans être obligées d'y résider.

L'obligation de résider dans les centres est, pour certaines personnes, tout à fait néfaste. Qu'il s'agisse de mineurs non accompagnés, de personnes qui ont subi un traumatisme grave, de personnes à la santé mentale fragile, ... Jusqu'ici, ces centres d'accueil orientaient les demandeurs d'asile les plus vulnérables vers les quelques maisons d'accueil privées à même d'assurer un suivi spécifique. Les centres et ces maisons travaillaient en parfaite complémentarité. Depuis la nouvelle loi, s'est posé pour les hébergés en phase de recevabilité et donc pour ces maisons, le problème du financement du séjour. En effet, l'Office des étrangers refuse de leur désigner un CPAS compétent, dérogation pourtant autorisée par la loi.

Il manifeste de la sorte son désintérêt pour les situations particulières. Ajoutons encore qu'à la fin du mois d'août 1997, le centre « L'Escale », seul centre francophone spécialisé dans l'accueil des demandeurs d'asile mineurs non accompagnés, a été contraint de fermer ses portes, faute de soutien suffisant des autorités. On comprend mal l'attitude de l'administration qui consiste à couper les ailes d'initiatives qui, le personnel des centres peut en témoigner, répond à des besoins élémentaires.

Nous craignons que la conversion du Petit-Château en centre d'accueil ne pose à terme un certain nombre de problèmes. Une assistante sociale nous raconte avoir reçu un après-midi une personne arrivée en Belgique la veille. Elle avait dépensé jusqu'à son dernier franc dans une nuit d'hôtel. Arrivée à 10 h 30 dans une permanence assurée en province, l'assistante sociale prend contact avec la cellule de Dispatching. Inutile pour la personne de se présenter avant d'avoir introduit sa demande d'asile, lui répond-t-on. Pour demander l'asile, il fallait se présenter avant 8 heures...

Il nous revient qu'un certain nombre de places sont actuellement disponibles au Petit-Château pour des personnes en instance de demander l'asile ou autorisées à quitter le centre 127bis . Nous en déduisons donc que cette assistante sociale a été mal renseignée. Il est cependant à craindre ­ vu que l'examen de la recevabilité de la demande d'asile est beaucoup plus long que ce qui avait été prévu ­ que la capacité maximale d'accueil dans les centres soit prochainement atteinte. Nous retrouverons-nous alors dans une situation paradoxale où certains souhaiteront en vain pouvoir quitter un centre alors que d'autres demanderont sans succès à être autorisés à y transiter ?

Un traitement spécifique n'est pas toujours réservé aux personnes qui introduisent une deuxième demande d'asile sur la base de nouveaux éléments. Nous avons rencontré le cas d'une famille pour qui l'Office des étrangers a considéré qu'il s'agissait bien de nouveaux éléments mais a néanmoins déclaré la demande irrecevable. Cette situation est courante. En dépit des engagements qui liaient cette famille à son propriétaire, de la scolarité des enfants et des efforts qu'ils avaient faits pour s'intégrer dans le village qu'ils habitaient depuis des années, l'Office des étrangers leur a désigné un centre comme lieu obligatoire d'inscription. Ces gens-ci ont eu la chance de voir leur demande très rapidement déclarée recevable par le commissariat général, ce qui les a dispensés de déménager. On peut néanmoins penser que d'autres ont eu moins de chance et ont dû vendre leurs meubles pour peut-être en racheter deux mois plus tard suite à une décision favorable du commissariat général.

6.1.5. La « délinquance » administrative des CPAS : un problème récurrent.

Lors des discussions qui ont précédé le vote de la loi Vande Lanotte, la nécessité de résider dans un centre pour bénéficier d'un soutien en phase de recevabilité était justifiée par le souci de mieux accueillir les personnes qui ont quelque chance de pouvoir s'établir en Belgique. La pratique nous montre que la chute du nombre des demandeurs d'asile à accueillir n'a pas fondamentalement modifié l'attitude des CPAS.

Nombre de CPAS ont encore une lecture fantaisiste des dispositions légales. Il y a ceux qui refusent de verser l'aide sociale à une personne qui vient de tomber dans l'illégalité, même si cette aide est due pour les semaines qui précédent l'ordre de quitter le territoire. Ceux qui refusent aux déboutés le mois d'aide sociale prévue par la loi pour leur permettre d'organiser leur rapatriement, en ne se privant pas de dire que ce n'est pas de Moscou que l'on introduit un recours au tribunal du travail. Ceux qui n'accordent pas les allocations familiales. Ceux qui font signer aux demandeurs d'asile un document attestant qu'ils leur ont proposé un logement alors qu'il n'en est rien. Ceux qui, après avoir essuyé un refus du CPAS de résidence, se tournent vers les services privés pour assurer l'enquête sociale préalable à l'octroi de l'aide. Ceux qui cumulent toutes ces pratiques et ceux qui ont plus d'imagination encore.

Certains CPAS prennent des décisions de refus d'aide sur base d'informations figurant au registre d'attente qui n'ont pourtant légalement aucune incidence sur le droit à l'aide sociale. C'est le cas après une décision de refus de la qualité de réfugié (décision au fond) prise par le Commissariat général, c'est le cas aussi après une décision négative prise par la commission de recours. Dans le premier cas, le CPAS ne devrait supprimer l'aide qu'après la notification d'un ordre de quitter le territoire (qui n'intervient qu'en cas d'absence de recours). Dans le second cas, le CPAS ne devrait refuser de poursuivre la prise en charge qu'après notification de l'ordre de quitter le territoire qui sanctionne la décision de refus de la Commission.

Notons que l'installation des demandeurs d'asile recevables dans les communes a jusqu'il y a peu été entravée par la lenteur de l'administration appelée à désigner le CPAS compétent. Une fois le code 207 déterminé, le personnel des centres prend contact avec le CPAS désigné et attend que le Conseil de l'aide sociale se prononce sur la demande d'aide. Ce n'est qu'après ces démarches que la personne peut envisager de s'installer. Le séjour aux centres d'hébergement s'en trouve donc allongé.

Dans la gestion du plan de répartition comme en d'autres matières, l'Office des étrangers agit sans égard à l'intérêt des personnes. Madame X est entrée en Belgique avec deux enfants mineurs en février 1997. Sa demande d'asile déclarée recevable à l'Office des étrangers, Madame X s'installe à Namur. Comme elle n'est pas en mesure de subvenir à ses besoins et qu'elle est entrée au Royaume sans être porteuse des documents requis, on lui désigne le CPAS de Burdinne. Monsieur et sa fille majeure, porteurs d'un passeport revêtu d'un visa, rejoignent la famille en mai 1997. Les personnes entrant légalement en Belgique n'étant pas liées au plan de répartition, c'est le CPAS du lieu de résidence qui est compétent. Considérant que ces personnes venaient rejoindre des membres de leur famille, l'Office des étrangers s'est cependant tourné vers Burdinne pour découvrir que cette commune venait juste d'atteindre son quota et ne pouvait dès lors plus être désignée comme lieu obligatoire d'inscription. Le CPAS de Maaseik, petite commune du Limbourg leur est alors désigné. Se rendre à Maaseik par les transports en commun n'est pas chose aisée. Ne désigner qu'un CPAS pour une même famille nous semble légitime. Mais lorsque l'Office des étrangers doit appliquer l'un ou l'autre régime, pourquoi choisir la formule la moins avantageuse pour les intéressés ?

6.1.6. L'aide médicale urgente : application frileuse d'une intention généreuse.

Nous tenons à saluer l'avancée que constitue l'arrêté royal relatif à l'aide médicale urgente. Il s'agit à notre sens de la seule disposition à vocation humanitaire parmi les modifications législatives récentes.

Si l'intention est louable, il faut cependant reconnaître qu'elle est insuffisante. Permettre à un diabétique de se procurer de l'insuline, sans lui donner la possibilité de s'alimenter de manière correcte, a-t-il un sens ?

La mise en pratique de l'arrêté royal est, en outre, loin d'être acquise. Force est de constater qu'hormis les hôpitaux publics du réseau Iris, les prestataires de soins ne sont pas informés de l'existence de cet arrêté royal. S'il est actuellement possible pour une personne sans papier de se faire soigner dans un hôpital, il n'en va pas de même en ce qui concerne les soins ambulatoires. Un diabétique ne parvient toujours pas à ce procurer de l'insuline. D'abord, parce que les pharmaciens ne connaissent pas le texte, ensuite, parce que les modalités pratiques n'ont pas été définies. Sachant que l'organisation de la procédure revient au CPAS et que ces derniers sont peu enclins à assumer de nouvelles tâches on peut craindre qu'à beaucoup d'endroits, rien ne soit concrètement mis en place. Nous nous sommes déjà heurtés à un CPAS qui demande à la personne illégale de prendre en charge ses frais médicaux en l'assurant qu'ils lui seront remboursés lorsque le CPAS aura reçu l'argent du ministère de la Santé publique ! Va-t-on en recours lorsqu'il s'agit d'aide médicale urgente, que l'on est démuni et de surcroît en séjour illégal ?

Lorsque les usagers des services de la Plate-Forme demandent de leur garantir que cette procédure sera confidentielle, nous sommes mal à l'aise. S'il est prévu que le ministère de la Santé publique n'informe pas le ministère de l'Intérieur de ses interventions en faveur d'illégaux, peut-on garantir à la personne que le CPAS n'informera pas l'administration communale ?

La Plate-Forme a vu tant de CPAS se mettre hors la loi ces dernières années que notre confiance ne leur est pas entièrement acquise.

6.1.7. L'amour illégal (art. 77 de la loi).

La décision prise par le tribunal de première instance de Bruges le 14 avril 1997 de condamner une Ostendaise pour avoir hébergé un étranger en séjour illégal avec qui elle entretenait une relation amoureuse, nous inspire de vives inquiétudes, même si ce jugement a été réformé en appel. Nous n'ignorons pas que d'autres décisions judiciaires ont été rendues en ce sens sans avoir le même retentissement médiatique. Grossièrement, nous avons pu observer autour de nous deux types de réaction : la décision a eu pour effet de rendre plus tièdes encore les timorés et plus déterminés les volontaristes. Il nous semble pourtant que l'avancée démocratique doit se situer quelque part entre le repli frileux et l'invitation à la désobéissance civile. Nous tenons à joindre notre voix à toutes celles qui demandent la révision de l'article 77 de la loi du 15 décembre 1980.

Les parlementaires, pensant mieux protéger les personnes venant en aide à des illégaux sans intention de type mafieuse, avaient souhaité introduire dans la loi un alinéa précisant que les sanctions ne s'appliquent pas quand l'assistance est offerte pour des raisons humanitaires. C'est cependant l'interprétation de cet alinéa qui a conduit à la condamnation tant décriée. Le juriste Jacques Fierens a rédigé une intéressante note dans laquelle il relève que selon les travaux parlementaires de la loi de 1980, l'adverbe « sciemment » contenu dans l'article 77 de la loi doit s'interpréter dans le sens d'une intention méchante (dol spécial), ce qui exclut nécessairement l'aide humanitaire et caritative. Il se demande dès lors s'il ne serait pas plus adéquat d'expliciter légalement le mot « sciemment ». Cette note de réflexion du professeur Fierens se trouve ici à la disposition de ceux qui le souhaitent.

6.1.8. La détention administrative des étrangers : une zone d'ombre

Il nous faut d'abord démentir une information plusieurs fois entendue et répétée par le ministre Vande Lanotte au journal Le Soir du vendredi 19 septembre 1997. Il est faux que les ONG autorisées à entrer dans les centres fermés n'y sont jamais allées. Plusieurs organisations, membres de la Plate-Forme et du Comité belge d'aide aux réfugiés, se sont organisées pour assurer une permanence au centre 127bis à raison d'une fois par semaine. Nous pouvons également témoigner être allés à plusieurs reprises au centre 127, à Bruges et à Merksplas, et ce, à la demande d'un étranger.

Il est également faux de dire que seules les familles ayant introduit de multiples demandes d'asile sont privées de liberté. Les familles qui introduisent leur demande d'asile à l'aéroport sont en effet également maintenues en détention pendant la procédure de recevabilité.

Une des organisations membres de la Plate-Forme rapporte le cas d'un Algérien détenu depuis août 1995 alors qu'hormis l'illégalité de son séjour, aucun fait délictueux ne lui est reproché. L'Office des étrangers détient pour lui un laissez-passer pour l'Algérie mais l'intéressé refuse tout rapatriement pour ce pays où son intégrité physique est menacée. Cette situation dure depuis près de deux ans. À partir de combien de temps la détention administrative devient-elle intolérable ?

Nous recevons de plus en plus d'appels suite à des situations de maltraitance dans les centres fermés. N'assistant pas aux incidents qui nous sont relatés, nous n'avons aucune preuve formelle que des personnes y subissent des traitements inhumains ou dégradants. La multiplication des témoignages en ce sens est cependant inquiétante.

Le ministre l'a confié dans son interview du 19 septembre 1997 : les autorités serbes refusent de délivrer aux autorités belges les documents de voyage qui leur permettraient d'éloigner les Albanais du Kosovo. Le ministre justifie son refus de régulariser systématiquement les déboutés du droit d'asile kosovars qui sont dans l'impossibilité de rentrer, par la volonté d'éviter le jeu de la Serbie. Comment peut-il cependant justifier que son administration ait fait placer plusieurs dizaines d'entre eux en détention pour séjour illégal ?

Lorsque ces personnes sont remises en liberté, elles sortent avec un nouvel ordre de quitter le territoire dans les cinq jours, qu'elles ne sont bien entendu pas plus en mesure d'exécuter. Elles n'ont dès lors d'autre alternative que de vivre ­ sans d'ailleurs qu'aucun moyen de subsistance ne leur soit accordé ­ dans la crainte d'une nouvelle arrestation.

6.1.9. « Régularisation » : un mot tabou ?

Il est grand temps qu'un vaste débat s'organise autour de ce thème. Qu'il s'agisse d'accorder un droit de séjour temporaire ou une régularisation définitive, des solutions doivent être trouvées pour certaines catégories d'étrangers.

Un débouté du droit d'asile algérien qui n'a pas les documents requis pour rentrer ou qui ne peut se résoudre à rentrer, n'a d'autre possibilité que de vivre dans la clandestinité, sans moyens de subsistance autres qu'une activité illégale ou la mendicité. Lors de l'examen des demandes de régularisation qui lui sont adressées en vertu de l'article 9, l'Office des étrangers ne prend pas en considération la situation dans le pays d'origine, alors qu'il convient d'être particulièrement prudent lorsqu'il s'agit d'un éloignement vers un pays tel que l'Algérie, comportant un risque de violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme prohibant les traitements inhumains et dégradants.

La Plate-Forme emboîte le pas au Haut Commissariat pour les réfugiés des Nations-unies pour réclamer qu'un statut temporaire soit accordé aux Algériens à qui le statut de réfugié est réfusé ou qui n'ont jamais osé introduire une demande d'asile.

Dans son interview du 19 septembre 1997, le ministre annonce qu'une circulaire en faveur des « non rapatriables » qui ont exprimé le souhait d'exécuter l'ordre de quitter le territoire est en préparation. À l'heure actuelle, il arrive déjà que l'Office des étrangers accorde des prolongations de séjour. Il n'est cependant pas rare que cela soit refusé, l'Office invoquant des motivations formalistes telles que l'absence de preuve, le caractère tardif de la demande, ... Quelquefois, il proroge l'ordre de quitter le territoire puis cesse de le faire, alors qu'en dépit de la volonté de la personne, le retour n'est toujours pas possible. La Plate-Forme a eu vent du projet de circulaire dont parle le ministre et craint que la nouvelle procédure envisagée ne place dans une plus grande précarité encore les personnes en attente d'une réponse à leur demande de prorogation d'ordre de quitter le territoire. Elle invite les sénateurs à se pencher sur ce projet de texte.

Les régularisations définitives constituent certes un problème épineux. La Plate-Forme est d'avis qu'il est cependant temps d'avoir le courage politique de l'aborder pour rencontrer ce qu'il est convenu d'appeler les « cas humanitaires » et la situation des personnes victimes des lenteurs de l'administration belge. Elle observe qu'à l'heure actuelle, les décisions sont prises dans un esprit d'arbitraire total.

La Plate-Forme, en dialogue avec d'autres organisations, rédige actuellement une proposition de critères de régularisation. Le travail n'est pas terminé mais elle peut d'ores et déjà dire que pour l'examen de certaines demandes, elle pense ne pas pouvoir faire l'économie d'une commission composée de représentants de l'administration, de la magistrature et des ONG. Il ne s'agit pas, comme l'affirme le ministre Vande Lanotte, de créer une nouvelle possibilité de recours mais de mettre sur pied les conditions d'un examen équitable.

6.1.10. Conclusion

Il n'est pas aisé de mettre des mots sur le ressenti des personnes à qui cette politique s'applique. Il faudrait parler de sentiment d'injustice, d'humiliation, de perte de considération pour leur personne. Mais ne parlons pas à la place des demandeurs d'asile.

En tant que citoyens belges ou étrangers établis de longue date en Belgique, les membres de la Plate-Forme sont également inquiets de voir le Parlement donner chaque fois plus de pouvoir à une administration qui peut se montrer incapable de l'utiliser avec discernement.

Ils sont conscients des limites de la démarche entreprise ici. L'objectif est de briser l'indifférence dans laquelle les dérivés se généralisent. La Plate-Forme est prête à apporter des compléments d'information ou d'observation à toute personne qui s'adresserait à elle.

6.1.11. Exposé de M. Bienfait

M. Bienfait, qui est également directeur de l'Association pour le Droit des Étrangers (ADDE), livre un exposé complémentaire sur les aspects juridiques de la critique de la loi.

M. Bienfait explique qu'il n'a pas l'intention de répéter ce que la commission a déjà entendu à l'occasion des auditions suivantes :

­ de la Ligue des droits de l'homme, il y a trois semaines,

­ du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme,

­ et de la Plate-Forme de vigilance pour les réfugiés, dont l'ADDE est également l'une des associations membres. Il a pris connaissance du contenu de ces trois auditions et se rallie à leurs constats et propositions.

Voici les points sur lesquels il souhaite attirer l'attention :

­ Le rôle considérable, voire exorbitant, confié à l'administration de l'Office des étrangers dans des secteurs toujours plus nombreux, sans que les possibilités de contrôle y soient toujours possibles et effectives. Sentiment fréquent d'arbitraire, constat d'inertie et manque de transparence y sont trop souvent de mise. Quelques exemples de secteurs où s'exerce ce pouvoir d'une manière non exempte de critique :

­ La délivrance des visas, notamment des visas de regroupement familial. Impossibilité d'obtenir un contact téléphonique : les postes sont occupés en permanence, de 9 heures à 12 heures. Ensuite, c'est un répondeur qui invite à téléphoner le matin, sinon, de préférence, à prendre contact par écrit. Aucune réponse ne fait suite à ces courriers. Durée anormalement longue de l'étude de ces demandes de visas;

­ L'application mécanique des critères de Schengen pour la détermination de l'État responsable du traitement d'une demande d'asile, sans prise en compte d'une situation familiale spécifique : formalisme de l'attitude de l'OE, alors que la loi lui donne la possibilité de se saisir d'une demande d'asile malgré les critères définis par Schengen (voir plusieurs arrêts récents du Conseil d'État, cassant la décision de l'OE renvoyant la demande vers un autre État Schengen, pour défaut de motivation suffisante par rapport aux arguments invoqués par l'étranger sur base du droit à la vie privée et familiale : art. 8 CEDH);

­ L'appréciation des composantes médicales qui font partie de certaines demandes. Suite à plusieurs arrêts du Conseil d'État cassant pour défaut de motivation adéquate des décisions de l'Office, celui-ci a pris l'initiative de recourir à l'assistance d'une SPRL de médecins chargée de lui rendre un avis avant décision. Cependant, le respect d'une procédure contradictoire, qui devrait permettre de confronter l'avis du médecin conseil de l'Office à celui du médecin de l'étranger n'est actuellement pas prévue.

­ La question des régularisations et des demandes humanitaires (voir le point ci-après).

L'ADDE se réfère ici à une question parlementaire de M. Anciaux, du 25 novembre 1996 (question nº 195, Questions et Réponses , Sénat, nº 1-53, 9 septembre 1997) concernant « l'administration du ministère de l'Intérieur et, plus particulièrement, le service de l'Office des étrangers » :

« (...) Que va faire l'honorable ministre pour remédier à ce dysfonctionnement grave qui existe au sein de son administration ? Va-t-il interroger les responsables à ce sujet ? (...) ».

Réponse du ministre de l'Intérieur : « (...) Ce nouveau règlement sera évalué fin-automne 1997 et si nécessaire des mesures complémentaires seront prises afin d'améliorer la communication avec l'Office des étrangers. (...) »

Il est à notre avis particulièrement important qu'une telle évaluation, promise par le ministre, ait effectivement lieu, non seulement par rapport à la rédaction de la loi du 15 décmebre 1980, mais également au niveau du fonctionnement de l'administration chargée de l'application de cette législation.

­ La présence sur le territoire d'un nombre quoi qu'inévaluable d'étrangers en situation de séjour illégal qui « préfèrent » parfois un (non-)statut à toute idée de retour vers le pays d'origine. Les raisons de l'illégalité de leur séjour peuvent être multiples, les raisons pour lesquelles un retour n'est même pas envisageable le sont aussi. Nous ne pourrons effectivement pas indéfiniment faire l'impasse sur un débat relatif à la régularisation si nous voulons éviter des situations humaines et sociales dramatiques. Mais la responsabilité de cette incontournable opération ne pourra être confiée au seul pouvoir discrétionnaire de l'Office des étrangers sous peine d'accentuer encore la situation décrite ci-avant.

D'où la nécessité d'une part, de prévoir des critères objectifs de régularisation, concernant des catégories de personnes pour lesquelles la régularisation devrait relever d'un droit (voir notamment à ce sujet le projet du Centre pour l'égalité des chances), et d'autre part, de la constitution d'une commission chargée d'examiner les demandes de régularisation introduites par les personnes n'entrant pas dans les catégories objectives précitées.

­ La nécessité d'une réforme et d'une restructuration en profondeur de la loi, qui au fur et à mesure de ses modifications successives, a perdu une grande partie de sa lisibilité et de sa logique initiales. Nous renvoyons par rapport à ce point à l'exposé de la Ligue des droits de l'homme. Dans une nouvelle réflexion sur la loi des étrangers, il sera difficile de ne pas tenir compte de nouvelles catégories d'étrangers. Notamment, ceux que l'on pourrait qualifier de « non-expulsables » (en référence directe à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme : interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants), ainsi que les « quasi-nationaux » (en référence avec l'article 8 de la CEDH : droit au respect de la vie privée et familiale », etc.

­ L'arrêté royal du 7 juillet 1997, paru au Moniteur belge du 8 août, relatif à la publication des arrêts du Conseil d'État. En quoi cela concerne-t-il la question des étrangers ? Cela les concerne au premier plan, ainsi que toutes les personnes chargées d'assurer leur défense juridique.

En effet, après avoir affirmé avec force dans le rapport au Roi qu'il convient d'assurer une plus grande transparence et une plus large diffusion de la jurisprudence de la plus haute juridiction administrative, qu'un accès complet et rapide à la jurisprudence du Conseil d'État est en effet indispensable pour les praticiens du droit, que le droit du justiciable d'avoir accès à cette jurisprudence est un droit garanti par la Constitution ou encore par l'article 6, § 1er de la Convention européenne des droits de l'homme, après avoir à bon escient insisté sur le fait que cette publicité constitue une garantie fondamentale contre l'arbitraire du juge et de même protège indirectement le juge contre les influences extérieures qui pourraient affecter de manière inconvenante le droit qu'il lui appartient de juger, que ce principe a pour conséquence que l'on puisse prendre connaissance de ces décisions de manière aussi complète que possible et sans entrave, on apprend avec étonnement en lisant le 3e alinéa de l'article 1er de cet arrêt royal qu'il y a une exception à ce principe, et cette exception concerne la publication des arrêts prononcés en exécution de la loi du 15 décembre 1980, c'est-à-dire concernant les justiciables étrangers. Dans ce cas, en règle générale, la publication est exclue. Pour l'étranger et son conseil, les excellents principes rappelés sur trois pages du Moniteur belge ne s'appliquent pas. Doit-on en déduire que pour ceux-ci, point n'est besoin de garantie contre l'arbitraire des juges, ni de pouvoir prendre connaissance de ces décisions de manière aussi complète que possible et sans entraves; que, quand il est question d'étrangers, il ne convient plus de protéger indirectement le juge lui-même contre les influences extérieures qui pourraient affecter de manière inconvenante le droit qu'il lui appartient de juger; que, pour le praticien du droit des étrangers et lui seul, un accès complet et rapide à la jurisprudence du Conseil d'État n'est pas indispensable...

La section de la législation du Conseil d'État a d'ailleurs disposé dans son avis rendu le 30 octobre 1996 que : « En prévoyant que les arrêts prononcés en exécution de la loi du 15 décembre 1980 ne sont pas publiés, le projet crée une discrimination entre les nationaux et les étrangers. En effet, certains contentieux, comme l'accès à la profession, les droits politiques, sont tout aussi sensibles que le contentieux des étrangers. Il n'est pas justifié de traiter de manière différente des situations comparables ».

Si nous nous sommes attardés sur ce dernier point, c'est à la fois pour son actualité, pour sa gravité et pour l'importance symbolique qu'il revêt dans la matière du droit des étrangers.

La loi est une chose, et c'est heureux que son évaluation soit possible, comme c'est le cas au sein de la commission de l'Intérieur. L'application de la loi en est une autre. Et le contrôle de son application correcte en est une autre. Or, progressivement, le rôle de l'administration s'est vu renforcé, à l'occasion de chacune des modifications successives de la loi depuis 1980. De plus en plus, les possibilités de contrôler cette administration se sont vues réduites (voir encore tout récemment la tentative d'éluder au maximum la possibilité pour l'étranger d'introduire une demande en révision : cf. la circulaire du 28 août 1997 relative à la célébration des mariages et à l'obtention des visas suite à un mariage). Un dernier garant essentiel contre le risque d'arbitraire des décisions administratives est et reste le Conseil d'État. En matière de droit des étrangers, quelles qu'en soient les raisons, l'arrêté royal du 7 juillet 1997 porte une atteinte considérable à cette garantie.

6.2. Échange de vues

Le ministre tient à préciser que l'interdiction de publier des arrêts du Conseil d'État concernant le contentieux des étrangers porte surtout sur le réseau Internet.

Ceci a pour but d'éviter que des étrangers soient visés par leurs compatriotes, sur la base d'informations recueillies par le biais d'Internet sur leurs intentions politiques. Ceci a entre autres été imposé par le danger que courent certains Algériens d'être abattus par les GIA.

Il confirme qu'il y a un problème en ce qui concerne l'éloignement d'Albanais ethniques originaires de l'ex-Yougoslavie. L'on est en train de négocier avec la Yougoslavie pour que celle-ci réintègre ses ressortissants.

Il existe, certes, une obligation qui est reconnue internationalement pour les États à réintégrer leurs ressortissants, mais l'on admet que les États peuvent, pour ce faire, prévoir des modalités.

Maintenant que ces négociations sont en cours, la Belgique a décidé de ne plus garder de Kosovars en détention. Le ministre a bon espoir que l'on parvienne à trouver une solution.

Certains sont bien entendu encore détenus pour des raisons d'ordre public ou ­ exceptionnellement ­ parce que leurs papiers ne sont pas en règle.

Une membre demande des précisions en ce qui concerne la composition et le fonctionnement de la Plate-Forme.

Comment voit-on, en tant qu'ONG, la collaboration avec la sphère politique ?

Elle partage le point de vue des orateurs selon lequel l'absence de publication des arrêts du Conseil d'État sur l'Internet est contraire au principe de la publicité de l'administration.

M. Bienfait explique que la Plate-Forme n'a pas d'équivalent en pays flamand, où existe l'OCIV. Les francophones ont établi une autre structure qui est plus informelle.

La Plate-Forme se dit prête à discuter avec les autorités et s'engage à participer à un dialogue.

En ce qui concerne la publication des arrêts du Conseil d'État, il indique qu'il est préoccupant de ne pas les voir publier. L'internet étant le canal d'avenir pour la transmission de l'information, la limitation proposée serait une discrimination vis-à-vis d'une publication sur papier. Il s'agit surtout de ne pas faire attendre les avocats qui assument la défense des intérêts des étrangers.

Pour atteindre l'objectif de la sécurité des parties plaidant devant le Conseil d'État, il suffirait de trouver un système pour supprimer les noms.

Les malveillants peuvent de toute façon obtenir les copies voulues en s'adressant au greffe, à des collections privées telles que l'APM, etc.

Le ministre déclare que l'on a établi cette réglementation à bon escient et qu'il est disposé à la revoir en fonction des conclusions que la commission de l'Intérieur du Sénat formulera en la matière.

Un membre demande aux représentants de la plate-forme s'ils ne seraient pas partisans de l'installation d'un observatoire qui centraliserait des cas concrets contenant des déviances.

D'autre part, il ne faut pas voir les choses de façon aussi négative pour tous les CPAS. Celui de la ville de Huy, par exemple, réussit bien à assumer les problèmes.

Peut-être faudra-t-il que le ministère s'impose une ligne de conduite uniforme, en éditant par exemple un vade-mecum pour les présidents de CPAS.

Il faudrait, ce faisant, prendre l'avis des bourgmestres qui discernent bien ce genre de problème en rencontrant les plaignants lors de leurs consultations.

M. Bienfait doute de l'efficacité de la solution de l'observatoire. Il faut éviter, selon lui, de disperser l'énergie. Il y a déjà un bureau des plaintes au Centre pour l'égalité des chances qui fonctionne bien.

Quant aux bourgmestres, qui sont bien placés pour déceler et pour apprécier des cas de dérive, il estime qu'il faut effectivement demander leur avis.

Il ne faut toutefois pas aller jusqu'à impliquer les bourgmestres dans la prise de décision de régularisation.

Il voit pour cela plutôt une instance composée des délégués du ministère, d'une instance neutre tel le Centre pour l'égalité et une instance émanant de la vie associative.

Mme Bouchat insiste sur le fait que les CPAS ont des pratiques très diversifiées. Elle cite l'exemple de Namur, où l'on refuse de respecter la loi, même si l'étranger apporte la preuve de la recevabilité de sa demande.

Dans beaucoup de communes, les enquêtes du CPAS sont effectuées par des agents de quartier tatillons, d'où une perte de temps considérable pour la personne à secourir. Après l'obtention du « code 207 », il faut encore compter un mois pour la prise de décision de l'octroi d'aide, de sorte que les procédures durent facilement deux à trois mois.

7. Audition de Mme K. Neyt et M. Lesiw, représentants de l'Union des villes et des communes belges

7.1. Exposés

7.1.1. Exposé de Mme Neyt

Mme Neyt donne un aperçu des dysfonctionnements que les CPAS affiliés à l'Union des villes ont relevés dans l'application de la nouvelle loi du 15 juillet 1996. Elle relève différents problèmes concrets (voir annexe 1).

Les CPAS, auxquels il appartient, en vertu de l'article 1er de leur loi organique du 8 juillet 1976, de fournir une aide humanitaire à quiconque se trouve dans le besoin, sont frustrés par la dernière modification de la loi qui a fortement limité leurs possibilités d'intervention (à l'égard des demandeurs d'asile, qui ne peuvent plus être aidés par les moyens normaux puisqu'ils ne peuvent plus invoquer le droit à la sécurité sociale et le droit au travail, mais doivent se contenter d'une aide leur permettant de survivre).

Les personnes qui ont épuisé toutes les procédures de demande d'asile deviennent des personnes en séjour illégal, et elles n'ont dès lors plus droit qu'à l'aide médicale urgente. Elles ne peuvent en principe recevoir aucun autre type d'aide, ce pourquoi leur dossier est transmis aux organisations caritatives.

Mme Neyt se plaint ensuite du fait que les demandeurs d'asile doivent attendre longtemps avant de savoir à quel CPAS ils doivent s'adresser. Pendant tout un temps, les CPAS qui reçoivent les demandeurs d'asile ignorent, dès lors, comment les choses évolueront.

Cette situation incite directement l'étranger à séjourner illégalement dans notre pays, à travailler au noir, etc.

Outre cela, l'on constate que les CPAS communiquent peu avec l'Office des étrangers. Les CPAS ont l'impression d'être le prolongement, pour ne pas dire la bonne conscience, de cet office.

Le ministère examine l'ensemble de la procedure de façon purement formelle et laisse le CPAS s'occuper des répercussions sociales.

Mme Neyt se plaint ensuite de l'exploitation des illégaux, de la clause de non-rapatriement malgré un ordre de quitter le territoire exécutoire, ou du maintien de cet ordre malgré l'impossibilité médicale de rapatrier.

Elle met également l'accent sur les problèmes relatifs aux enfants scolarisés.

Cette attitude stricte contraste vivement avec celle qu'adopte ce même service à l'égard d'autres étrangers. Elle cite le cas de réfugiés reconnus qui vont en vacances dans leur pays d'origine avec l'autorisation dudit service.

Elle constate par ailleurs que le coût de toutes les difficultés est répercuté sur le CPAS. L'État ne rembourse que le minimum de moyens d'existence pour les clandestins, alors que le coût des clandestins internés donne une image du coût réel, puisqu'il a été fixé à 1 360 francs par jour et par personne, soit 40 800 francs par mois.

En outre, l'État fédéral impose aux CPAS des modalités de remboursement de plus en plus strictes, dont certaines ne sont pas réalisables. C'est ainsi qu'il est quasiment impossible, pour les CPAS de moindre importance, d'organiser une guidance en matière de logement.

Depuis l'entrée en vigueur de l'article 11bis de la loi du 2 avril 1965, il est évident que le CPAS est devenu une annexe de l'Office des étrangers. En effet, le remboursement a été subordonné à la décision administrative relative au statut de l'étranger concerné. Mais le CPAS ne peut pas anticiper et dans l'intervalle, il a les problèmes sur les bras.

7.1.2. Exposé de M. Lesiw

M. Lesiw centre son intervention surtout sur les aspects juridiques (voir aussi : annexe 2).

De prime abord, il est d'avis qu'il ne faut pas modifier la loi, mais qu'il faut plutôt prendre des mesures complémentaires.

La loi a signifié une nette amélioration, sortant le domaine de l'aide aux réfugiés du no man's land dans lequel il se trouvait.

Il rappelle que la loi a d'abord limité l'aide aux illégaux, mais d'une façon tellement imprécise qu'un imbroglio juridique s'est installé. Malgré le fait qu'elle interdisait l'aide normale en cas de décision négative de l'Office des étrangers, les cours et tribunaux refusaient de ratifier pareille mesure des CPAS, aussi longtemps que les recours n'étaient pas épuisés.

La nouvelle loi a mérité d'avoir clairement indiqué les limites à l'aide, ce qui a créé la sécurité juridique.

Néanmoins, la législation actuelle provoque des situations de grande détresse, puisqu'après la fin des procédures, le CPAS doit cesser toute intervention.

Ces situations devraient être sujettes à des mesures complémentaires qui créeraient par exemple des systèmes d'aide réglés par convention entre les centres de l'État et certaines organisations humanitaires.

Il est inconcevable de faire dépendre les interventions du CPAS de leur bon vouloir, sans récompense par l'État, à l'instar des autres formes d'aide.

Il attire l'attention sur le problème des mineurs d'âge abandonnés, qui est à mettre en rapport avec l'émoi provoqué autour des enfants disparus, puisque ces mineurs risquent aussi d'aboutir dans des réseaux de prostitution.

À son avis, il faudrait créer une catégorie spéciale de demandeurs d'asile dans le contexte de l'aide fournie par les CPAS. Il s'oppose à la suggestion des organisations humanitaires de prévoir pour ces enfants l'application du système désuet des tuteurs CPAS. Le secteur de l'aide à la jeunesse a évolué, de sorte que chacune de nos communautés a prévu de nos jours par décret une aide spécialisée à octroyer par des services ad hoc. D'où sa demande de doter cette catégorie d'enfants d'un statut particulier dans le cadre de l'aide à la jeunesse classique.

Quant à l'article 11bis de la loi du 2 avril 1965, il sanctionne avec effet rétroactif l'aide donnée par un CPAS en méconnaissance flagrante des réglementations.

Le ministre avait annoncé lors des discussions en commission qu'un arrêté ministériel serait élaboré lénifiant cet effet pervers. Jusqu'à présent, l'on a rien vu venir.

Un tel arrêté ministériel aurait pour but de ne sanctionner que les CPAS qui auraient agi de mauvaise foi.

Il juge toutefois pareil système peu plausible, puisqu'il suppose un discernement de la part de l'administration de la Santé publique vis-à-vis des décisions des CPAS.

En introduisant pareil système, l'on obligerait par ailleurs les CPAS d'aller chaque fois en recours et en appel pour éviter la sanction, ce qui serait un effet pervers.

Il se dit plutôt favorable à l'établissement d'une relation entre les CPAS et les centres d'hébergement.

Quant aux délais de décision, il ne trouve pas qu'il faut les réduire au niveau des CPAS.

À son avis, il conviendrait de mieux déterminer quel est le CPAS compétent pour que celui-ci puisse être saisi le plus vite possible.

En plus, au lieu d'imposer aux CPAS des détours par des plans d'hébergement compliqués, il serait préférable d'octroyer une aide plus pratique, en remboursant par exemple une prime d'installation qui comporterait trois mois de garantie locative et le premier mois de loyer.

7.2. Échange de vues

Une membre a entendu avec satisfaction ces exposés de qualité, mais elle reste quelque peu sur sa faim. Le but était de recueillir des informations plus détaillées sur les cas où l'aide humanitaire échoue.

À cet égard, elle a pris acte de la nécessité de constater incontestablement la situation de détresse. Le ministre a déclaré que dans ce cas, l'aide n'est pas interdite. Cela ne s'avère pas être le point de vue de M. Lesiw. À son avis, cet aspect doit être élucidé.

Par ailleurs, en ce qui concerne les mineurs isolés, le litige concernant les compétences respectives de l'État fédéral et des communautés subsiste.

L'intervenante demande quelle est l'expérience de l'UVCB dans ce domaine.

Enfin, il y a la convention internationale des droits de l'enfant, au sujet de laquelle la Belgique a émis une réserve à l'égard des non-ressortissants. N'y aurait-il pas lieu de lever cette réserve ?

Mme Neyt dit qu'il ne peut y avoir aucun doute quant à la limitation de l'aide aux personnes déboutées du droit d'asile. Alors que l'article 1er de la loi organique des CPAS consacre le droit de tout un chacun à l'aide sociale, concrétisé par l'article 57, § 1er , l'article 57, § 2, déroge manifestement à ce principe pour la catégorie spéciale des demandeurs d'asile. Il n'y a aucune échappatoire possible : la loi les exclut nettement de toute autre aide.

Et même si l'aide pouvait être accordée pleinement en vertu de la loi, quod non, la réglementation actuelle impliquerait encore manifestement la prise en charge de l'incidence financière par le CPAS.

Un autre membre s'inquiète également des mineurs non accompagnés et demande à ce sujet que le point de vue de l'UVCB soit explicité.

En tout cas, la loi sur la protection de la jeunesse est claire : peut prétendre à une aide tout enfant qui court un danger.

Il faut donc faire une nette distinction entre les enfants en danger et les enfants demandeurs du statut de réfugié.

M. Lesiw revient d'abord sur la portée de loi organique du 8 juillet 1976 sur les CPAS en ce qui concerne l'aide à octroyer aux réfugiés en fin de procédure. À son avis de juriste, la loi est très claire, et il confirme en toutes lettres l'explication donnée par sa collègue, Mme Neyt.

Les CPAS tirent toutefois profit des déclarations que le ministre a faites en commission de l'Intérieur au sujet de la possibilité pour les CPAS de donner une aide à leurs propres risques et périls. S'il s'agit d'aide humanitaire, les CPAS ne seraient pas poursuivis pénalement.

Il trouve toutefois cette explication contra legem peu convaincante.

Il en vient ensuite au problème des mineurs d'âge et à la suggestion de leur donner un statut particulier. Il existe en effet des problèmes spécifiques à cette catégorie.

En cas d'un mineur d'âge qui se trouve illégalement sur le territoire, le CPAS qui reçoit sa demande d'aide se doit toutefois de considérer sa situation dans son ensemble, et va naturellement s'adresser à des services spécialisés.

Vu l'évolution dans le traitement de tels problèmes, il n'est donc pas partisan de la création d'un statut particulier.

Ceci reviendrait à le rejeter dans des situations tenant des pratiques du XIXe siècle, avec tous les dangers d'exploitation, de prostitution, etc., que cela comporte.

Il termine en citant l'exemple d'une dérive en ce domaine : une mère zaïroise en situation illégale à Liège décède du sida. Elle laisse un enfant seul que la communauté africaine est prête à prendre en charge. L'Office des étrangers fait preuve d'un manque de collaboration, de même que les services du ministère de la Santé publique. Alors que tous les éléments sont réunis pour régler le sort de l'enfant, la bureaucratie fait de sorte qu'il se trouve en situation précaire prolongée, ce qui est inadmissible.

8. Audition de l'« Overlegcentrum voor de integratie van vreemdelingen » (OCIV)

8.1. Exposé

M. Depelchin commence par définir l'objet et le fonctionnement de son association.

L'OCIV se préoccupe principalement du sort des demandeurs d'asile et, notamment, des personnes qui ont été déboutées du droit d'asile.

L'aide est accordée par la voie d'information, d'avis et de publications pour juristes.

L'OCIV soumet aussi régulièrement la politique menée aux niveaux fédéral et flamand à une analyse critique; c'est dans cette perspective qu'il collabore aux auditions actuelles.

Pour son analyse, il se base sur trois sources, à savoir :

1. La pratique du droit des étrangers, telle qu'elle est perçue par les organisations qui composent l'OCIV, comme la Croix-Rouge, Caritas, Solidarité socialiste, etc. Les contacts avec des instances officielles, comme le Centre pour l'égalité des chances, constituent une autre source.

2. Il y a par ailleurs une collecte d'informations qui résulte des contacts avec diverses ONG.

3. Citons également un service juridique attaché à l'OCIV, qui peut, lui aussi, distiller de nombreuses informations.

Il est surprenant de constater que, si les relations avec les groupements et organismes énumérés sous 1 sont bonnes, les contacts avec le cabinet de l'Intérieur sont par contre particulièrement difficiles.

Mme Put esquisse ensuite l'expérience qu'elle a accumulée au sujet des personnes qui ont été déboutées du droit d'asile.

Selon elle, la politique suivie vise à éviter que la Belgique ne devienne la terre d'asile des clandestins, ­ objectif auquel elle doit pouvoir souscrire.

Malheureusement, la manière dont on entend l'atteindre revient vraiment à affirmer les intéressés.

Pour atténuer les critiques dont cette politique fait l'objet, le ministre a préparé deux projets de circulaire.

Le premier concerne l'application de l'article 9, troisième alinéa, de la loi sur les étrangers.

Il règle la situation des étrangers qui prétendent obtenir, en Belgique, une autorisation de séjour sans devoir rentrer au préalable dans leur pays d'origine.

Le second concerne la prolongation du séjour effectif en cas d'absence d'autorisation de séjour.

Selon l'oratrice, ces deux circulaires auront peu d'effets. Une étude sur le caractère opérationnel des deux circulaires (annexes 3 et 4) de M. Degryse, qui a été achevée en septembre 1997 indique d'ailleurs que les effets seront minimes.

L'enquête a fait apparaître qu'en gros, trois catégories de réfugiés auront recours à ces circulaires :

1. Les personnes qui ne peuvent pas être éloignées techniquement, c'est-à-dire celles qui ne peuvent pas fuir vers leurs pays ou qui ne peuvent pas obtenir de documents.

2. Les individus qui, pour des raisons médicales ne peuvent pas y rentrer dans leurs pays et ceux qui ont un véritable lien avec la Belgique.

3. Les personnes qui refusent de rentrer dans leur pays pour des raisons qui concernent leur propre sécurité.

Si les circulaires peuvent offrir une solution à la première catégorie, elles ne peuvent absolument rien pour la deuxième et la troisième.

Il en est ainsi a fortiori en raison de l'extrême lenteur qui caractérise le fonctionnement de l'Office des étrangers. Et lorsque l'on parvient à prendre des décisions, ce sont des décisions le plus souvent arbitraires ou insuffisamment motivées.

Quelles sont les principales critiques contre la solution proposée par le ministre ?

1. Les circulaires ne répondent pas aux besoins qui se manifestent sur le terrain.

Comme on l'a dit, la première circulaire ne sert que les intérêts de la première catégorie d'« utilisateurs », à savoir ceux qui sont obligés de rester chez nous parce qu'ils est impossible techniquement de les éloigner.

En ce qui concerne la prolongation, force est de constater que diverses catégories de personnes peuvent être soumises à l'application de la seconde circulaire. Malheureusement, celle-ci ne donne pas satisfaction.

Pour ce qui est des mineurs, dont on peut dire difficilement qu'il est impossible techniquement de les éloigner, il faut une appoche qui ne soit pas purement administrative.

Quant aux Bosniaques, qui se trouvent dans une situation de détresse temporaire, ils devraient pouvoir disposer d'un statut approprié.

2. Les circulaires se situent dans une optique négative à l'égard des étrangers.

Cet élément de base empêche une série de problèmes préoccupants.

La méfiance intrinsèque génère des conditions rigides.

Aucun équilibre n'est perceptible entre les conditions strictes qui sont imposées et les éléments qui devraient garantir un examen sérieux du problème. C'est ainsi qu'aucun délai précis n'est prévu pour ce qui est de la prise de décision. Or, la fixation d'un tel délai constitue une condition minimale, étant donné l'extrême complexité de la procédure.

En outre, les circulaires sont démagogiques, à l'égard tant de la commune que du public en général.

3. Le ministre a assigné une mission importante aux communes, mais celles-ci ne sont pas nécessairement assez familiarisées avec la matière pour mener à bien cette mission.

En fait, l'on décharge l'Office des étrangers de son travail aux dépens des communes. Pour pouvoir assumer les tâches en question, les communes devraient disposer de programmes de formation complémentaire de leur personnel.

En outre, il faudrait instaurer un contrôle sur les agissements des communes. L'absence d'un tel contrôle risque de favoriser l'arbitraire et l'insécurité juridique.

Selon l'OCIV, la solution de tous ces problèmes passe par une concertation avec tous les acteurs concernés, et elle propose ses bons offices.

Cette concertation devrait permettre d'élaborer des mesures applicables à ces catégories spécifiques, surtout aux personnes devant bénéficier d'une protection temporaire, pour lesquelles une simple prolongation ne suffit pas.

En outre, selon l'OCIV, il ne suffit pas pour cela d'intervenir au niveau réglementaire; il faut légiférer.

M. Degryse s'est intéressé davantage au volet « détention » et expose brièvement les points d'achoppement à cet égard (voir annexe 5).

La question essentielle est de savoir s'il faut conserver le système actuel, qui prévoit une détention de huit mois, prolongeable éventuellement à l'infini lorsqu'il n'est pas possible d'expulser.

L'utilité de cette détention est très douteuse. Les statistiques de l'Office des étrangers n'indiquent pas que cette politique de détention ait conduit à une augmentation des rapatriements sur une base volontaire.

Il fait à ce sujet les constatations suivantes :

1. Le nombre plus grand de personnes qui ont quitté le territoire résulte en partie des transferts dans le cadre des règles de l'accord de Schengen.

2. En ce qui concerne les personnes libérées qui se voient notifier l'ordre de quitter le territoire, les chiffres demeurent inchangés.

On n'a pas non plus résolu le problème des occupants des centres.

3. On ne dispose d'aucun chiffre sur les prolongations mais l'on peut estimer le nombre des occupants des centres concernés à 5 à 10 %.

4. Si l'on s'en réfère à la note du directeur général Schewebach sur la réunion du 13 juin 1997, on constate que la politique ne tient guère compte des priorités légales.

5. La pratique des réinscriptions est inadmissible. En cas de détention consécutive à l'introduction d'une nouvelle demande, le délai de détention est recalculé à partir de zéro. On a ainsi connu des cas comme celui de trois Algériens sans condamnation qui ont vu leur délai de détention repartir de zéro à 10, 12 et 17 reprises.

Avant la modification de la loi, la Cour de cassation considérait que cette pratique était légale, mais, depuis que la loi a été modifiée, l'on se demande pourquoi l'on poursuit cette ancienne pratique, si ce n'est pour se soustraire au contrôle de la chambre du conseil.

M. Degryse estime qu'il y a lieu de réduire le délai légal de huit mois, parce que :

­ ce délai s'est avéré inefficace;

­ à Bruges et au centre 127, ce délai n'est jamais prorogé de plus de quatre mois;

­ aux Pays-Bas aussi, il n'y a également que 50 % de rapatriements à longue échéance, tandis qu'il n'y en a que 10 % après 3 mois.

Il en conclut :

1. qu'il y a lieu de faire une analyse par centre;

2. qu'il y a lieu de se pencher sur la note interne du directeur général Schewebach;

3. qu'il convient d'interdire les réinscriptions;

4. qu'il y a lieu de promouvoir le rapatriement volontaire;

5. qu'il y a lieu de mettre en oeuvre l'arrêté royal réglementant le travail dans les centres fermés.

Il souhaite également formuler les observations suivantes sur l'aide octroyée par le CPAS. Cette aide doit redevenir une aide à part entière de façon à permettre une transition au départ des centres fermés, à l'aide d'un dispatching central pour la deuxième phase et d'un système de paiement de garanties locatives.

M. Delpechin prend une décision prospective au nom de l'OCIV (Overlegcentrum voor integratie van vluchtelingen) en demandant que l'on s'attèle à résoudre deux problèmes fondamentaux.

1. Le problème de la protection.

La Convention de Genève sur les réfugiés laisse, selon lui, à désirer.

L'on prend trop souvent des décisions spécifiques en se laissant guider par une réglementation hyperdétaillée, sans se soucier suffisamment d'assurer une protection générale venant en sus des mesures de préservation des droits de l'homme.

2. Le traitement bureaucratique des dossiers par l'Office des étrangers a de lourdes conséquences pour les réfugiés.

Les deux nouvelles circulaires n'offrent aucune réponse satisfaisante à cet égard.

Il est dès lors impérieux de contrôler la qualité du travail qu'accomplit l'Office des étrangers.

Il se sent soutenu dans cette option par le point de vue d'Amnesty International.

Tout bien considéré, il veut rester ouvert au dialogue.

Pour ce faire, l'OCIV communiquera ses réactions écrites à l'exposé du ministre.

8.2 Échange de vues

Un membre demande par quels moyens l'OCIV propose de structurer ce dialogue avec les pouvoirs publics, ne fût-ce que, par exemple, pour corriger les circulaires.

M. Depelchin affirme envisager le problème dans une perspective qui lui est propre. En effet, il n'en connaît pas toutes les facettes. Il a pu conclure des rencontres ponctuelles qu'il a eues avec le cabinet qu'une volonté de dialogue existe.

Toutefois, il demande que l'on progresse dans le sens d'une vision globale. En effet, la question centrale est celle de savoir comment l'on élaborera un nouveau statut. L'OCIV organisera un débat à ce sujet en mars-avril 1998.

Une autre membre revient sur le rôle des communes dans la politique des étrangers. Selon elle, la commune est mieux placée que l'OCIV ne le dit pour résoudre les problèmes. En effet, c'est elle qui est la plus proche de la population.

Mme Put réfute pareil point de vue, parce qu'elle estime que l'application des nouvelles circulaires suppose une connaissance préalable, c'est-à-dire une certaine spécialisation. Les petites communes ne disposent pas de cette spécialisation et, dès lors, la matière leur pose de nombreux problèmes.

De surcroît, l'on ne contrôle absolument pas la mise en oeuvre de la réglementation et l'on n'a pas prévu non plus de sanctions en cas de mauvaise application. Une procédure de prolongation doit être rapide. Il y a des cas où chaque heure compte.

C'est pourquoi il faut renforcer dans le système les garanties en faveur des étrangers.

Le ministre réagit de la façon suivante :

1. Il y a bel et bien des délais clairs. En application de la circulaire relative aux non-éloignables, le ministre doit prendre une décision dans les deux mois, alors que dans la circulaire portant application de l'article 9, troisième alinéa, un délai de trois mois est prévu.

Les communes doivent contrôler le lieu de séjour illégal dans les 10 jours et transmettre sans délai le rapport qui a été établi.

À l'échelon de la commune, l'on a bel et bien prévu un contrôle, jusque dans le plan de gestion. À cet effet, l'on a créé une cellule spéciale au sein de l'Office des étrangers.

Début 1998, on entamera un dialogue permanent avec les communes et on élaborera une circulaire globale sur les « communes et la politique des étrangers ».

2. En ce qui concerne la demande d'une protection accrue, il faut attirer l'attention sur le fait que non seulement le commissaire général applique la Convention de Genève, mais qu'il doit également tenir compte de l'article 3 de la CEDH, qui interdit les traitements cruels et inhumains. En outre, on interprète la Convention de Genève de manière large.

En ce qui concerne les réfugiés « temporaires », suite à l'état de guerre, on applique le statut des apatrides. En ce qui concerne spécifiquement les Bosniaques, le ministre a certainement montré sa bonne volonté puisque jusqu'à présent, on en a régularisé 5 000.

3. En ce qui concerne la note de M. Schewebach, le texte lui-même montre qu'il s'agit du rapport d'une réunion, et non d'une instruction.

Au début, on n'a pas prolongé systématiquement la période de réclusion de deux mois.

Il faut considérer cette note comme un complément à la loi. Par cette prolongation, on a voulu faire comprendre qu'à l'avenir, on appliquerait plus fréquemment cette procédure, dans un but de dissuasion, tout en respectant, évidemment, les conditions légales.

4. En ce qui concerne le dialogue, le ministre est ouvert aux propositions. Toutefois, on ne doit pas oublier qu'il part d'un point de vue différent, dans la mesure où il a une politique à mener.

Un membre se réjouit de la manière dont on a résolu le problème des Bosniaques, mais il s'inquiète du fait que le ministre ne veuille plus accorder le statut d'apatride à l'avenir.

M. Depelchin fait observer qu'il continue à insister sur la nécessité d'une meilleure protection. Il constate en effet, que l'on applique trop souvent la clause de non-reconduite, ce qui ne fait que confirmer une situation illégale.

Le ministre précise que si le commissaire général confirme la décision de refus, il doit également émettre un avis sur le retour de l'étranger dans son pays d'origine. C'est au ministre d'interpréter cet avis, avant de prendre une décision.

Si le dossier contient une clause de non-reconduite, il est possible que cela allège la charge de la preuve pour l'étranger.

Mme Put regrette que l'on ne puisse pas invoquer l'application de l'article 3 de la CEDH au niveau de la Commission permanente de recours.

En outre, elle estime que la clause de non-reconduite est inadéquate, parce qu'elle fait partie d'un jeu de ping-pong.

M. Degryse souhaite illustrer cette dernière remarque par un exemple pour en montrer la véracité.

Le 8 octobre 1997, un Boeing a ramené un ressortissant algérien au Maroc, malgré la clause de non-reconduite. Il est vrai que la destination n'était pas l'Algérie, mais une ville proche de la frontière séparant les deux pays. On peut imaginer quelle a été la destination finale.

9. Audition de la « Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers » (CIRÉ)

9.1. Exposé

M. Gotto déclare souscrire entièrement aux explications de l'OCIV.

La CIRÉ. a un mandat de secrétariat social de la part des organisations pour lesquelles elle travaille.

La CIRÉ veut donner de l'aide aux réfugiés de façon structurée.

L'on a constaté un problème au niveau de la grande variété de cas sans issue :

­ il y a les non-rapatriables qui sont sortis des centres avec l'ordre de quitter le territoire;

­ il y a ceux qui, après une procédure longue de trois à quatre ans, ont perdu tout contact avec leur pays d'origine;

­ il y a aussi les étudiants qui ont fini leurs études.

Les circulaires offrent des solutions techniques purement formelles, qui ne satisfont pas quant au fond.

Selon lui, la réponse doit être politique : il faut élaborer une politique de régularisation massive pour ces différentes catégories.

Une détention au-delà d'un certain délai n'est plus opérante. La seule question qui se pose est de savoir quel délai.

L'accueil dans les centres fédéraux et la Croix-Rouge ne dépasse guère les cinq mois.

C'est grâce au dialogue qu'il y a lieu d'obtenir plus de départs volontaires.

L'accueil des déboutés et des irrecevables en 2e ligne ne peut dépasser 15 jours selon la loi. Ceci est un délai trop court. En fait, il faudrait prévoir un mois et demi.

C'est par ailleurs surtout le premier mois de sortie après l'octroi d'un « code 207 » qui est capital. C'est là qu'il faut avancer une garantie locative et un premier mois de loyer.

L'inscription à la commune en dépend.

Pour rencontrer ce problème crucial, la CIRÉ a créé un fonds de garanties locatives grâce à l'aide privée.

La prime que le Gouvernement met à la disposition des CPAS serait plus utile si elle pouvait être distribuée par les centres de 1ère et 2e ligne (voir aussi l'annexe nº 6).

9.2. Échange de vues

Une sénatrice demande comment fonctionne le système de la CIRÉ.

M. Gotto explique que la demande à la CIRÉ est lancée à partir des centres de détention. La priorité est donnée aux familles et aux gens munis d'une « annexe 26 » (durée de séjour garantie).

Le système est basé sur un prêt de 30 000 francs que le demandeur d'asile remboursera. Le demandeur d'asile doit contribuer à raison de 10 000 francs de ses propres moyens.

La CIRÉ a ainsi pu aider 180 familles.

Le gros problème reste de trouver un logement qui convienne. À cet égard, il est significatif qu'au CPAS de Liège seul, 245 dossiers concernent des gens relevant d'autres CPAS.

Pour obtenir des subsides, il n'est pas rare que des CPAS se fassent des offres « bidon », allant jusqu'à proposer des immeubles non habitables.

Les candidats réfugiés signent alors une déclaration selon laquelle l'habitat proposé ne leur convient pas, et cherchent de leur côté une autre solution. Les CPAS sont satisfaits puisqu'ils toucheront les subsides.

La même membre s'insurge contre l'existence de telles pratiques et demande des informations précises à cet égard.

M. Gotto promet de donner plus de détails lors d'une conférence de presse qui se tiendra dans le courant de l'année.

Mais il insiste sur le fait que le problème du logement n'est pas facile à résoudre sur le terrain. Il est clair que les propriétaires se montrent méfiants vis-à-vis des réfugiés et que l'offre est dès lors très réduite. En pratique, sur 20 offres maintenues originairement au téléphone, seuls 4 propriétaires sur 20 acceptent de laisser visiter effectivement. Il n'en subsiste qu'une seule après ces visites.

Il faut également admettre que le problème de l'accueil des réfugiés se résout plus facilement en ville, et qu'il est dès lors compréhensible que les chances de mettre sur pied le plan de répartition sont fort réduites au niveau des CPAS de petites communes.

La membre comprend ces circonstances mais trouve tout autant regrettable la formation de ghettos. Le plan de répartition doit éviter ces situations.

Elle demande si la CIRÉ ne sait pas fournir la liste des locataires qu'elle subsidie au niveau des garanties locatives.

M. Gotto déclare qu'il est compréhensible que les gens d'une même région en Afrique essayent de ne pas s'isoler, ne fût-ce que parce qu'il est plus aisé de se procurer des produits de ces pays en ville, d'y obtenir un logement et de se rencontrer.

Faut-il dès lors s'étonner de voir ces réfugiés s'installer avec des compatriotes pour aller chercher ensuite une fois par mois leur minimex à 100 km de distance au CPAS auquel ils ont été « affectés » ?

En guise de conclusion, il fournit à la commission un document de synthèse (voir annexe 6).

10. Audition de « Steunpunt Begeleiders uitgeprocedeerden »

10.1. Exposé

M. Vanderslycke souligne que les nombreux citoyens qui se préoccupent des droits et des conditions de vie des illégaux suivent les travaux de cette commission avec beaucoup d'intérêt. Il espère que ces travaux déboucheront sur une initiative parlementaire concrète et innovatrice.

Il trouve surtout dommage que l'on ne percoive pas très bien quels sont les concepts politiques auxquels le gouvernement se réfère dans ses travaux. À cet égard, il y a un manque de clarté dans tous les secteurs où son organisation doit faire face à des problèmes. Comme il n'existe aucune culture de dialogue, il est très difficile de saisir les instances fédérales compétentes de ces problèmes. Notre pays pêche par manque de créativité positive dans la manière d'envisager cette problématique.

M. Vanderslycke aborde ensuite en détail les points suivants (voir l'annexe 7 pour le texte intégral) :

1. La nécessité d'une démarche créative en vue du développement d'une politique des étrangers et d'une politique en matière d'immigration qui soient fondées sur des principes humanitaires et axées sur le respect des droits de l'homme.

2. Une définition claire des termes des formes adjectives « effective » et « humanitaire », utilisées à propos de la politique d'éloignement.

3. L'évaluation de la durée de détention en fonction d'un ensemble de critères complémentaires, et la suggestion de prévoir une durée de détention de deux mois au grand maximum.

4. La nécessité de définir un statut de protection provisoire et de créer un instrument sous forme de rapports officiels par pays.

5. Dans le cadre de la régularisation du séjour :

a) une procédure basée, non pas sur « l'ordre de quitter le territoire », mais sur le permis de séjour;

b) le courage de réfléchir à la nécessité d'une campagne de régularisation.

6. La définition d'un ensemble d'exigences fondamentales en matière de logement, d'alimentation et d'assistance juridique qui devrait constituer un minimum à garantir aux personnes sans papiers, en plus des droits à l'enseignement et à l'aide médicale urgente qui leur sont déjà reconnus.

7. La poursuite en 1998, d'une évaluation systématique par le Parlement de la politique des étrangers.

Dans son exposé, M. Vanderslycke affirme que les promesses du ministre ne résolvent pas le problème. En fait, notre pays ne mène pas une politique des étrangers sérieuse.

L'on ne trouve aucune trace, au niveau du gouvernement fédéral, d'une culture du dialogue comme celle qui s'est développée au sein de la Communauté flamande et de la Commission communautaire flamande. Il insiste dès lors pour que l'on organise rapidement ce dialogue.

L'analyse du phénomène migratoire implique l'examen du but poursuivi par la politique en la matière et l'évaluation des conséquences qu'elle aurait pour la Belgique dans le contexte européen. La politique en question devrait être d'inspiration humanitaire et elle devrait tenir compte des situations concrètes.

Tous ces aspects sont ignorés au niveau fédéral, où l'on agit uniquement dans la crainte de ne pas pouvoir maîtriser l'immigration.

Il est absolument nécessaire d'envisager les choses de manière plus humaine et dans le but de faire une évaluation quantitative et qualitative des faisabilités et de mesurer les effets tangibles.

Il faut également se demander si l'on ne peut pas mieux affecter les moyens que l'on consacre à la politique en matière de détention.

Pour rendre plus humaines les mesures d'éloignement, il faut se demander quelles sont les règles éthiques minimales auxquelles elles doivent satisfaire. L'intervenant pense en premier lieu à l'organisation d'un système de surveillance. De plus, il demande que le Parlement organise un suivi attentif de la politique d'éloignement.

Pourquoi personne ne s'interroge-t-il à propos de la « firme d'éloignement » BUDD et sur le sort de ses passagers ?

L'éloignement est précédé d'une détention à propos de laquelle se posent les mêmes questions. Les arguments en faveur d'une telle détention sont généralement inspirés par un syndrome d'angoisse.

Si une détention s'avère indispensable, on doit pouvoir lui donner un sens. L'on doit en déterminer la durée en tenant compte d'une pluralité d'éléments complémentaires tels que l'âge, la vie privée et l'avis d'assistants sociaux.

Il faut également tenir compte de certains éléments qui font obstacle au retour d'un groupe déterminé.

Malheureusement, il nous manque pour ce faire, un instrument tel qu'un rapport par pays, c'est-à-dire une analyse de la situation politique de certains pays par les Affaires étrangères.

À l'heure actuelle, il n'y a, par exemple, aucun document officiel concernant la situation en Algérie. Grâce aux rapports par pays, l'on peut éviter de renvoyer certaines personnes dans leur pays, si celui-ci prend le respect des droits de l'homme trop à la légère.

Il termine en parlant des lacunes auxquelles les gens sont confrontés pour ce qui est de la régularisation du séjour.

10.2. Échange de vues

Un membre demande quels sont les critères que M. Vanderslycke propose de retenir en ce qui concerne la régularisation.

M. Vanderslycke se dit plutôt partisan d'une opération ponctuelle de régularisation à grande échelle des étrangers qui séjournent sur notre territoire depuis suffisamment longtemps (cinq ans), que d'un dispositif législatif détaillé qui réglerait définitivement la procédure de régularisation. Cette opération devrait aller de pair avec une campagne de sensibilisation à grande échelle.

Par conséquent, la solution serait de fixer de manière prospective le cadre et les conditions de la mesure de régularisation et de prévoir un style de campagne excluant que l'on puisse contraindre l'étranger à sortir de l'illégalité en corrigeant la loi par-ci par-là.

Après vingt-cinq années sans régularisation, les clandestins doivent pouvoir reparaître au grand jour. Il faut donc absolument éviter de les effrayer. L'intervenant fait référence aux exemples français et italiens en la matière, tout en faisant quelques réserves à l'encontre du système français, dans lequel une circulaire distingue treize catégories d'étrangers.

Il y a lieu, en tout cas, d'associer les ONG et les syndicats à cette politique.

Un autre membre apprécie la démonstration de M. Vanderslycke quant à la nécessité de substituer un dessin plus visionnaire à une politique qui se meut dans une spirale descendante.

Nous devons nous doter d'un instrument politique; cet instrument pourrait se composer de contrats de gestion combinés aux rapports par pays réalisés par l'administration.

Nous devons impérativement mettre à la disposition des demandeurs d'asile un programme d'aide de base pour les aider à trouver une solution leur offrant toute la sécurité juridique voulue.

M. Vanderslycke estime que l'article 1er de la loi organique des CPAS doit redevenir la règle générale si l'on veut empêcher que tout l'édifice ne soit menacé : politique du logement, politique en matière de sécurité, etc.

La nouvelle loi est non seulement inefficace mais aussi contraire au principe de dignité.

L'intervenant est également d'avis qu'il convient d'ajouter un aspect qualitatif à la détention dans les centres de détention.

Le ministre déclare que le gouvernement oeuvre en ce sens, notamment en élaborant un règlement applicable aux centres de détention. Ce règlement est actuellement soumis au Conseil d'État pour avis.

En ce qui concerne les rapports par pays réalisés par l'administration, cet instrument n'offre pas que des avantages, puisqu'il repose sur le concept de pays sûrs et de pays non sûrs. Il s'ensuit qu'un ressortissant d'un pays catalogué comme sûr verra difficilement sa demande d'asile aboutir.

Un traitement individualisé des demandes lui paraît être nettement plus indiqué et offrir davantage de sécurité juridique : à défaut d'une telle approche, il serait quasiment impossible d'accorder l'asile à un Espagnol.

En outre, il ne faut pas oublier qu'aux Pays-Bas, on travaille avec deux sortes de rapports par pays, certains n'étant pas accessibles au public.

Pour le surplus, il n'est pas d'accord avec l'affirmation selon laquelle il n'existerait aucune politique. Les lignes de force de notre politique sont en effet claires :

1. La Belgique est une terre d'immigration, mais qui ne tolère qu'une immigration contrôlée et maîtrisée. Notre situation économique empêche toute nouvelle vague d'immigration effrénée.

2. Le départ volontaire des étrangers en situation illégale est la règle. Pour que cette règle demeure crédible, il faut conserver un moyen de pression, à savoir l'éloignement forcé.

M. Vanderslycke précise qu'il situe les rapports par pays dans le contexte de la problématique de l'expulsion et non pas dans le contexte de la politique d'asile.

11. Audition du « Point d'Appui »

11.1. Exposé

Mme Van Paeschen expose que son association partage entièrement la position de « Steunpunt ». Elle donne un exposé clarifiant les points de vue de son association. Son intervention sera fondée sur des cas concrets qui ont été soumis au Point d'Appui et qui mettent en évidence les problèmes humains que crée l'application de la loi des 10 et 15 juillet 1996. Le Point d'Appui a choisi, au regard de son expérience quotidienne, de traiter en profondeur et au départ de situations vécues, quelques thèmes qui mettent en question le respect des droits de l'homme et de la dignité humaine.

11.1.1. Sanctions vis-à-vis de ceux qui viennent en aide aux « sans papiers »

Qui sont ces « illégaux » que nous préférons appeler les « sans papiers » ?

­ Ce sont pour la plupart des demandeurs d'asile déboutés qui ont encore un recours au Conseil d'État et/ou qui ont introduit une demande de séjour pour raisons humanitaires. Ils ne bénéficient plus d'aucune aide sociale, sauf dans quelques rares cas.

­ Ce sont ceux dont la demande d'asile a été rejetée, mais qu'on ne peut rapatrier (par exemple, les personnes de la Sierra Leone) qui survivent donc sans aide sociale.

­ Ce sont ceux dont la demande a été refusée et qui, pour toutes sortes de raisons ne quittent pas la Belgique. Ils sont également sans ressources.

Des Belges, dans la majorité des cas, se mobilisent pour aider ces personnes à survivre. Car c'est bien de survie dont il s'agit. Une femme, la presse en a largement fait écho, a été condamnée à une lourde amende par le tribunal de première instance de Bruges, pour avoir hébergé son ami demandeur d'asile débouté entré en clandestinité. Elle a heureusement été acquittée par la Cour d'appel de Gand.

Cependant, l'article 77 sur base duquel elle a été condamnée reste d'application et il nous revient que d'autres personnes ont été condamnées sur cette base. Cela ne laisse pas d'inquiéter nombre de particuliers et l'associations qui viennent en aide aux « sans papiers » et ce, dans un but purement humanitaire et sans aucune intention de profit.

Les exemples de solidarité sont heureusement très nombreux et le Point d'Appui s'appuie sur cette solidarité pour mener son travail. Mais veut-on briser cette solidarité ? Veut-on une société où le « chacun pour soi » règne en maître ? Où la délation est de rigueur ? Où avant de nouer une relation avec quelqu'un il faudra s'assurer que ses papiers sont en règle ? Le discours politique invoque souvent la citoyenneté, la solidarité. Mais dans les faits, dans la vie des gens, qu'en est-il ?

Nous en sommes arrivés à une telle extrémité que, comme Steunpunt, nous proposons aux accompagnateurs et aux « sans papiers » une carte de parrainage qui rend à ces personnes un semblant de dignité, une identité. Être reconnu, même symboliquement, est important pour eux.

Mais est-il normal que la société civile doive combler, comme elle le peut, les carences des pouvoirs publics ? Ne faut-il pas rapidement trouver des solutions humaines qui mettent fin aux tragédies ­ le mot n'est pas trop fort ­ qui se vivent chez nous ?

Dans son interview au Soir du 19 septembre dernier, le ministre Vande Lanotte déclarait que la condamnation du tribunal de Bruges était le résultat de la modification introduite par les parlementaires sur l'aide humanitaire aux « illégaux » et que si d'autres précisions étaient apportées à ce que signifie l'aide au séjour illégal, d'autres condamnations suivraient. Il nous semble cependant que moins de précision n'assurerait pas une meilleure protection à ceux qui viennent en aide aux « illégaux » et que l'article 77 de la loi du 15 décembre 1980 doit être revu en profondeur.

11.1.2. La détention

1. La durée de la détention

Il nous faut d'abord dire notre désaccord de fond sur la détention de personnes n'ayant commis aucun délit et dont la seule « faute » est de ne pas posséder les documents requis pour se trouver sur notre territoire.

La durée de détention d'un étranger en vue de son refoulement, qui doit pouvoir s'organiser, selon les termes de la loi, dans « un délai raisonnable », a été portée à huit mois (selon les recommandations du Parlement qui modifiait en cela le projet initial qui prévoyait une durée illimitée de détention). Cette durée nous place parmi les pays européens les plus durs en cette matière (durée illimitée en Grande-Bretagne, Suède et Pays-Bas, de six mois en Allemagne).

Il n'est pas inintéressant de rappeler que la durée de détention est l'un des points les plus vivement critiqués du projet de loi de l'actuel ministre de l'Intérieur français. La prolongation qu'il propose porterait la durée de détention de dix à quatorze jours ...

Peut-on décemment parler de « durée raisonnable » pour une détention de huit mois ?

2. Les conditions de la détention

Les centres fermés sont un des points inquiétants de la législation et des pratiques en matière d'étrangers. L'aspect carcéral et hautement sécuritaire de ces centres participe à créer une criminalisation progressive de la demande d'asile, et de l'étranger en tant que tel, puisqu'il n'y a pas que des demandeurs d'asile dans ces centres.

Nous citerons le cas d'une personne africaine, installée chez nous depuis de nombreuses années, qui y a étudié et qui y travaille et qui s'est fait arrêter lors d'une démarche pour son mariage à l'administration communale parce que ses papiers de séjour n'étaient plus en règle. Cette personne a été placée dans un centre fermé.

La réflexion d'un riverain de Steenokkerzeel est interpellante à cet égard : « Si on les enferme, c'est qu'ils ont fait quelque chose. Et s'il y a tous ces barbelés et autant de sécurité, c'est qu'ils ont fait quelque chose de grave ».

Point d'appui ne fait pas partie des ONG autorisées à pénétrer dans les centres fermés. Nous voudrions d'ailleurs apporter à cet égard un démenti aux propos tenus par le ministre Vande Lanotte au Soir ce 19 septembre selon lesquels les ONG autorisées et les parlementaires ne sont jamais allés dans les centres fermés : plusieurs ONG tiennent des permanences hebdomadaires au 127bis , visitent des détenus dans d'autes centres et des parlementaires Écolo ont visité le 127bis le 23 juin dernier.

Il reste cependant que la question des centres fermés semble être un sujet tabou, sur lequel aucune information claire ne peut être obtenue ni du ministère, ni de l'administration, tant en ce qui concerne la gestion des centres que les rapatriements, ou le respect du droit des personnes détenues.

La fréquence des témoignages concernant des maltraitances subies dans ces centres ou lors des rapatriements est cependant inquiétante. Il est difficile de prétendre qu'il s'agit d'inventions ou d'exagérations quand ces témoignages proviennent d'employés des centres qui disent vouloir garder l'anonymat pour ne pas risquer de perdre leur emploi.

Nous nous étonnons également des mesures de contrainte ou de sanctions que prévoit le règlement général d'ordre intérieur des centres fermés établi par l'Office des étrangers. Ce règlement permet l'utilisation de menottes, d'entraves aux pieds, de la camisole de force ou de la cellule d'isolement. Le rapport annuel du 127bis pour l'année 1996 fait état de 64 personnes enfermées en cellules d'isolement. Le motif invoqué étant le plus souvent l'agressivité, ou le « refus de partir ». Mais on note également quatre cas d'enfermement pour« tentatives de suicide », deux pour « raisons médicales » et une pour « sa propre sécurité ».

L'isolement est une sanction. Faut-il constater que des personnes sont sanctionnées parce qu'elles en sont arrivées à un tel degré de désespoir qu'elles ne veulent plus vivre ? Faut-il constater que ce centre est si peu équipé que si il faut éloigner quelqu'un pour raisons médicales on n'a d'autre solution que de le mettre dans une cellule ?

Les personnes détenues dans ces centres ont pour la plupart un parcours dramatique, tant dans leur pays d'origine que chez nous, où elles n'ont pas été crues. Elles en gardent des séquelles psychologiques et parfois physiques. L'enfermement est un nouveau traumatisme. Elles vivent dans des conditions carcérales, n'en comprennent pas la raison; vivent dans la peur des conséquences de leur proche expulsion; dans la promiscuité, parfois avec des ressortissants de leur région, à qui elles s'étaient opposés chez elles; dans l'inactivité presque totale, malgré la bonne volonté de certains employés des centres; ont droit à un temps limité le promenade entre les barbelés.

Au 127bis , notamment, les détenus n'ont pas le droit de conserver friandises, boissons, jouets,...que des visiteurs leur apportent, pour ne pas, selon la direction, créer de jalousies. Ces conditions de vie sont-elles acceptables ?

Comment expliquer que des familles entières soient détenues pendant plusieurs mois et ce ­ nous reviendrons sur le thème des mineurs ­ au mépris des Conventions internationales sur les droits de l'enfant ratifiées par la Belgique ? Le ministre affirme que ne sont détenues que les familles qui ont fait des demandes d'asile répétées : or, les familles qui introduisent leur demande à l'aéroport sont systématiquement enfermées au centre 127 pendant l'examen de recevabilité. Il ne s'agit pourtant pas là toujours de demandes multiples !

Le coût financier et moral et l'efficacité d'une telle méthode de rapatriement devraient être comparés à ceux du rapatriement volontaire. L'OIM, qui gère les rapatriements volontaires, a proposé d'intervenir également à partir des centres fermés, mais jusqu'à présent, aucun accord n'a été conclu en ce sens.

11.1.3. Les rapatriements volontaires et les non expulsables

Les rapatriements volontaires nous semblent de loin une manière plus digne, mais aussi, moins coûteuse d'organiser le départ de personnes déboutées. Cependant, certaines conditions sont trop contraignantes ou sont un obstacle à ce départ.

Ainsi la suppression de toute aide financière du CPAS en cas d'introduction de la demande de rapatriement après un délai qui excède six semaines depuis le début du séjour irrégulier. Un délai plus long est souvent nécessaire pour qu'une personne réalise tout à fait que sa procédure est terminée et qu'elle commence à s'organiser dans cette nouvelle perspective. En effet, les décisions tombent souvent de façon brutale et inattendue, enlevant, dans un premier temps, toute capacité de se « restructurer », de se réorganiser.

On se trouve alors devant des personnes qui se décident réellement à partir, mais parce qu'elles introduisent leur demande de rapatriement après six semaines, se voient refuser toute aide sociale. Or, ces personnes qui survivent dèjà difficilement, sans aide, depuis quelques mois, ne disposent d'aucun moyen pour payer un document de voyage indispensable au départ. Elles se sont déjà endettées auprès de leur propriétaire, de leurs compatriotes,... et ne trouvent plus aucun support financier. Elles se tournent alors vers les services privés, mais qui ne disposent d'aucun budget pour intervenir. On peut donc se trouver dans l'incapacité matérielle d'exécuter un départ, pourtant voulu.

Une plus grande souplesse serait donc nécessaire et il faudrait délivrer un dernier mois d'aide sociale, via les CPAS, quel que soit le délai pris par les personnes pour envisager leur départ, comme le prévoit d'ailleurs la loi.

On se trouve aussi parfois dans l'impossibilité d'obtenir un document de voyage de la part des ambassades. C'est le cas pour les ressortissants d'ex-Yougoslavie, du Libéria, de la Sierra Leone...

L'Office des étrangers attend parfois que des personnes se rendent dans n'importe quel pays, même s'il n'est pas le leur, pourvu qu'ils quittent la Belgique. D'autres, les « non expulsables », sont priés de se faire oublier, sans qu'on leur accorde une prolongation de séjour, sans aide sociale. Ces personnes sont poussées dans la clandestinité, sans existence sociale, bannies.

Nous citerons le cas de cette famille arménienne, avec deux enfants, qui reçoit un ordre de quitter le territoire, mais pour laquelle le CGRA précise « qu'il n'est pas indiqué, dans les circonstances actuelles, de reconduire l'intéressé vers l'Arménie ». « L'intéressé » introduit une demande de régularisation sur la base de l'article 9/3 qui lui est refusée. « L'intéressé » n'a plus d'aide sociale depuis des mois !

Certains de ces « non expulsables » sont emprisonnés, puis relâchés quelques mois plus tard, l'Office des étrangers n'ayant pu réaliser leur expulsion. Elles reçoivent alors un ordre de quitter le territoire dans les cinq jours !

Lorsque le retour est manifestement impossible à réaliser dans des conditions dignes et légales, il serait plus cohérent d'accorder alors un droit de séjour.

Ainsi, certains, à qui la nationalité d'origine est refusée (c'est le cas de Macédoniens ou d'Albanais d'ex-Yougoslavie), ou qui ont perdu leur nationalité en raison d'une trop longue absence (comme les Gitans de Roumanie), devraient pouvoir obtenir un statut en Belgique. Nous terminerons sur les Congolais, qui se voient systématiquement signifier un ordre de quitter le territoire depuis l'arrivée de M. Kabila au pouvoir. Comment ose-t-on envisage de renvoyer les Congolais alors que fin septembre, l'administrateur-délégué de la FEB et le directeur général de l'office belge du commerce extérieur, dépêchés à Kinshasa en « mission exploratoire » par le ministre Maystadt déclaraient que « les conditions politiques, financières et de sécurité sont loin d'être idéales » dans un pays sinistré où tout reste à faire ? (Le Soir du 25 septembre 1997).

11.1.4. Les sanctions imposées aux transporteurs

Nous nous posons la question de l'impact de l'amende administrative à charge des transporteurs (articles 55 et 56 de la loi du 15 juillet 1996) et des protocoles d'accord qui ont été conclus dans ce cadre ­ notamment le protocole d'accord entre la société Sabena et le ministre de l'Intérieur en mai 1996 ­ et cela à deux niveaux :

1º Combien de personnes sont, en conséquence de cette mesure, empêchées de fuir leur pays et de se soustraire ainsi à la persécution ?

2º Combien de personnes arrivent en Belgique et sont aussitôt refoulées ? Combien de personnes sont enfermées au centre INAD de l'aéroport de Zaventem et sont aussitôt embarquées sur un vol retour ?

Si nous ne sommes pas en mesure d'évaluer les conséquences des sanctions aux transporteurs sur les demandeurs d'asile et de répondre à la première de ces questions, nous avons, par contre, des éléments de réponse sur le nombre d'étrangers refoulés sans avoir pu formuler leur demande d'asile.

Ainsi le nombre de personnes qui ont demandé l'asile à la frontière est de :

1 185 personnes pour 1994

915 personnes pour 1995

1 004 personnes pour 1996

836 personnes pour 1997 (jusqu'à fin septembre)

Le nombre de personnes ayant été refoulées à partir du local Inads est de :

2 159 personnes pour 1994 sur un total de refoulements de 3 327 personnes;

1 094 personnes pour 1995 sur un total de refoulements de 1 980 personnes;

1 781 personnes pour 1996 sur un total de refoulements de 2 831 personnes;

1 186 personnes pour 1997 (de janvier à août) sur un total de 1 638 personnes.

Le nombre de refoulements est en augmentation très sensible. Nous avons reçu plusieurs témoignages relatifs à des personnes menacées de refoulement ou réembarquées sans que l'on ait pris leur demande d'asile en considération. L'Office des étrangers invoque le caractère flou de leur demande ou l'absence de moyens de subsistance suffisants...

Le centre INAD, situé à l'intérieur des bâtiments de l'aéroport de Zaventem est une zone d'ombre totale, très peu de personnes extérieures y ayant accès. Les chiffres submentionnés font état d'un nombre croissant d'enfermements au centre Inads. Quel contrôle démocratique y a-t-il sur les conditions de vie dans ce local et sur sa gestion, laissée à une société privée ?

Le 9e rapport du CGRA mentionne qu'une évaluation de la bonne exécution du protocole d'accord passé entre la Sabena et le ministère de l'Intérieur est prévue, sur la base des statistiques relatives au nombre de passagers amenés dans le Royaume sans être pourvus des documents requis (p. 18 du rapport).

Nous nous posons aussi la question du caractère public des résultats de cette évaluation. Quel est le service chargé de cette évaluation ? Selon quels critères ? Dans quels délais ? Quelle publicité sera faite des résultats ?

11.1.5. Les mineurs

Dans les centres fermés se trouvent détenus des enfants, accompagnés de leur famille ou seuls, dans des conditions contraires à la Convention des droits de l'enfant que la Belgique a ratifiée. Ils n'ont accès dans ces centres ni à la scolarité ni aux services spécialisés. Aucune activité spécifique n'est prévue pour eux et leur détention au milieu d'adultes génère des comportements qui peuvent les mettre en danger.

Si la détention d'adultes n'est pas en soi considérée comme un traitement inhumain et dégradant, elle peut l'être quand il s'agit d'enfants. Une maman détenue dans un des centres disait que le plus dur pour elle était de ne pas pouvoir répondre à ses filles quand elles lui demandaient « Pourquoi est-ce qu'on est enfermées ici ? ».

L'argument invoqué par le ministère de l'Intérieur pour la détention des enfants est qu'elle permet de ne pas séparer des familles. Nous répondons qu'il est très difficile à des familles avec enfants de s'évanouir dans la nature pour échapper à une expulsion et que nous ne voyons donc pas comment leur détention se justifie.

Quant aux mineurs non accompagnés, encore plus vulnérables, leur détention est inadmissible. Nous ne pouvons que déplorer l'incohérence d'une situation où l'on souligne d'une part l'urgence de la nécessité d'accueil des demandeurs d'asile mineurs non accompagnés et où, de l'autre, la seule maison d'accueil spécialisée en cette matière a été contrainte de fermer ses portes cet été faute de subsides.

Certains enfants de personnes sans papiers ont dû être placés par le Service d'aide à la jeunesse en raison de l'extrême dénuement matériel dans lequel vivaient leurs parents. Une aide du CPAS serait certainement moins traumatisante et moins onéreuse !

Parfois, des parents font le choix cruel ­ si on peut parler de choix ­ de repartir dans leur pays en abandonnant en Belgique certains de leurs enfants, dans l'espoir qu'ils aient ici un avenir meilleur. Le vide juridique dans lequel on se trouve face à ces mineurs en situation illégale a été dénoncé à plusieurs reprises. Donner un ordre de quitter le territoire à un jeune de 18 ans ayant vécu plus de dix ans en Belgique nous semble inhumain.

Nous nous joignons à l'appel du HCR (paru dans Le Soir du 24 septembre 1997), pour réclamer une approche appropriée à l'enfant pendant la procédure de demande d'asile. Lors des interviews et dans les conclusions, il est impératif de tenir compte du développement à tous niveaux de l'enfant, ainsi que de l'ignorance compréhensible de la situation de sa région ou de son pays d'origine.

Nous réclamons également que soit largement diffusée et connue la circulaire de Mme Onkelinx permettant la scolarisation des enfants sans papiers, ainsi que la possibilité pour les directeurs d'établissements scolaires, de s'opposer à l'arrestation d'élèves dans leur école, au vu de leur dossier (voir réponse du ministre Vande Lanotte à une question parlementaire de M. Decroly en date du 23 mai 1996).

11.1.6. Les centres ouverts

La loi des 10 et 15 juillet 1996 permet au ministre ou à son délégué de désigner un centre organisé ou agréé par l'État comme lieu obligatoire d'inscription aux demandeurs d'asile jusqu'à l'examen au fond de leur demande. Si le demandeur décide de ne pas résider dans ce centre, il ne pourra percevoir d'aide sociale.

Nous marquons notre désaccord de fond avec ce qui est, en fait, une assignation à résidence, puisque cette disposition est appliquée systématiquement, même si la loi prévoit que le ministre a la faculté de désigner un lieu obligatoire d'inscription.

Ces dispositions ne tiennent aucun compte du droit des personnes et de la dignité humaine. La promiscuité dans ces centres est néfaste aux personnes qui ont subi un traumatisme psychique ou physique, aux personnes en mauvaise santé, aux enfants, au respect de la vie des familles, au respect de la vie privée. Un demandeur d'asile nous disait récemment avoir refusé de résider dans un de ces centres à cause de son activisme politique : il craignait de devoir vivre en promiscuité avec ses adversaires.

L'obligation de résider dans ces centres crée de plus une discrimination puisque les plus aisés ou ceux qui peuvent compter sur un soutien privé peuvent se permettre de choisir leur résidence, ce qu'ils s'empressent d'ailleurs de faire.

De plus, la sortie de ces centres s'avère souvent très problématique : le demandeur d'asile n'ayant pas bénéficié d'une aide sociale en espèces dans ces centres, il en sort sans un sou en poche, donc sans possibilité de se trouver un logement, pour lequel il devra payer le premier mois et souvent une caution équivalente à plusieurs mois de loyer. Or, sans domicile, il ne pourra se voir désigner de CPAS compétent et sans CPAS, il ne pourra avoir d'argent pour payer son loyer ...

On pourrait parler de véritable « accueil » dans les centres ouverts si la possibilité d'y résider était vraiment un choix, c'est-à-dire que l'obtention d'une aide sociale n'y soit pas liée. Il est également essentiel que la sortie de ces centres soit préparée et aidée à tous les niveaux (matériel, information pratique, ...).

11.1.7. L'emploi des langues

1. La désignation d'interprètes

Le recours aux interprètes ne tient aucun compte de la situation géopolitique de la région d'origine du demandeur et donne lieu à des refus non justifiés. Nous citerons le cas de X de nationalité libanaise, qui fuit son pays à cause de persécutions et des tortures dont il a été victime de la part des autorités syriennes, toujours présentes au Liban. Ne parlant que l'arabe, il demande un interprète lors de son audition à l'Office des étrangers. L'interprète qu'on lui désigne est Syrien. Encore traumatisé par les violence subies et n'ayant aucun moyen de se faire comprendre par l'employé de l'OE, X n'ose pas dire les vraies raisons de sa fuite. Plus tard, poussé par un Belge dont il a fait la connaissance et qui l'aide dans ses démarches, il osera raconter lors d'une audition au CGRA les violences subies. Sa demande sera refusée sur base des contradictions entre sa première interview, où il n'avait pas osé parler, et les suivantes.

La même situation se produit pour des Kurdes auxquels on désigne un interprète turc.

Au-delà des considérations politiques, les différences linguistiques régionales sont également ignorées. C'est ainsi que les interprètes de langue peule désignés d'office par l'OE ou par le CGRA s'expriment pour la plupart en poular toucouleur, langue peule de Mauritanie ou du Sénégal. Ces interprètes sont désignés pour les ressortissants guinéens, dont la langue peule est très différente du toucouleur. Le 14 novembre 1996, le président Van Der Cam de la Commission permanente francophone devait d'ailleurs constater que l'interprète sénégalais de langue peule commis au demandeur guinéen de langue peule ne comprenait pas ce dernier, et devait renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour convoquer un interprète de même langue ...

Nous ajouterons qu'il n'est tenu aucun compte, lors des interviews, de la différence culturelle et donc de structure mentale et de vision du monde des demandeurs, et que sont très rapidement qualifiées par l'administration « d'incohérences » ou de « contradictions » ce qui, en somme, ne sont que des conceptions différentes de la réalité. Il n'est tenu, non plus, aucun compte du niveau d'éducation de demandeurs : on fait signer des déclarations à des personnes qui sont analphabètes ou qui ne connaissent pas la langue dans laquelle le rapport est rédigé. On leur enlève ainsi un des droits les plus élémentaires de la défense, puisqu'elles sont dans l'incapacité de vérifier si leurs dires sont correctement reproduits.

2. La désignation de la langue de la procédure

L'article 51/4, et ses §§ 1er , 2 et 3 établissent que la langue de l'examen de la demande d'asile est également celle de la décision à laquelle il donne lieu, ainsi que celle des éventuelles décisions d'éloignement. L'étranger doit indiquer irrévocablement et par écrit s'il a besoin d'un interprète. Si l'étranger ne déclare pas vouloir d'un interprète, il peut choisir le français ou le néerlandais comme langue de l'examen. S'il ne choisit pas une de ces langues ou s'il déclare vouloir un interprète, c'est le ministre ou l'administration qui détermine la langue de l'examen en fonction des besoins des services et instances. Et ce, sans possibilité de recours. Il est fait usage de la langue déterminée lors des éventuelles procédures devant le CGRA, la Commission permanente de recours des réfugiés ou le Conseil d'État.

Ces dispositions amènent à des situations absurdes où des personnes dont la demande, introduite avant la loi du 10 juillet 1996, a été traitée en français, se voient instruire devant la Commission permanente de recours néerlandophone parce qu'elles ignoraient qu'elles devaient préciser qu'elles ne souhaitaient pas l'assistance d'un interprète. Elles se voient donc désigner un interprète français-néerlandais sans aucune possibilité de contrôle de ce qui se dit.

Nous citerons également le cas de ce couple congolais dont les deux dossiers ont été instruits en langue française jusqu'au stade de la Commission permanente de recours. À ce stade, monsieur renonce à la présence d'un interprète et est donc entendu par la Commission francophone. Madame, qui comprend et parle bien le français, demande cependant l'assistance d'un interprète lingala, par peur de ne pas être assez précise en français. Elle se verra alors désigner la langue néerlandaise et sera instruite devant la Commission néerlandophone. Plusieurs conséquences en résultent : ces cas semblables doivent être traités ensemble pour éviter le risque de jurisprudence contradictoire; le conseil de madame qui a instruit tout le dossier se voit dans l'impossibilité d'assurer la défense de sa cliente et doit céder la main à un collègue qui ne connaît pas le dossier; madame n'a aucune possibilité de contrôle sur la transcription de ses déclarations, ne comprenant pas du tout le néerlandais.

Ces dispositions nous semblent porter atteinte au droit de la défense en privant notamment certains demandeurs d'asile du libre choix de leur conseil, celui-ci devant être choisi dans certains cas sur des critères linguistiques. Elles constituent également une discrimination par rapport aux Belges qui peuvent s'adresser à l'administration centrale dans la langue de leur choix.

11.1.8. La question médicale

1. L'aide médicale urgente

L'aide médicale urgente, introduite par un arrêté royal du 12 décembre 1996 est une avancée tout à fait positive, que nous saluons.

Il reste que les acteurs concernés (médecins, hôpitaux, pharmaciens, CPAS et personnes sans papiers) restent mal informés de leurs obligations et de leurs droits. Ainsi, des CPAS rechignent au remboursement, des médecins aux soins et des pharmaciens à la délivrance de médicaments. Quel recours a-t-on contre cela quand on est illégal ? De plus, l'aide médicale urgente ne couvrira pas la thérapie non urgente mais nécessaire, comme dans le cas d'une radiothérapie pour un cancer, ou les soins médicamenteux ou de kinésithérapie suite à une fracture.

Les personnes sans papiers ignorent souvent ce droit à l'aide médicale urgente, ou craignent de l'utiliser par peur de se faire « repérer ».

Faut-il attendre que les choses se dégradent au point de devenir « urgentes » pour décider de soigner quelqu'un ?

2. Reconnaissance des problèmes médicaux

Nous constatons que des problèmes médicaux sérieux, voire graves, ne sont pas pris en compte dans les demandes de régularisation. Nous constatons également que l'avis rendu par les médecins mandatés par l'Office des étrangers passe régulièrement outre l'avis du médecin consulté par le demandeur.

Nous citerons le cas de cette famille congolaise arrivée en Belgique en 1992. La famille compte quatre enfants, dont une née en Belgique il y a quatre ans. Cette petite fille souffre depuis deux ans d'épilepsie grave. Le dossier médical du service de neuropédiatrie de l'hôpital où elle est suivie précise que la petite doit suivre un traitement par médicaments, qu'un monitoring thérapeutique, des contrôles électroencéphalographiques et un suivi neurologique s'imposent. Il précise également que si le suivi neuropédiatrique est interrompu, il y a un risque de « décompensation de l'épilepsie, avec risque à ce moment sur le plan développement, voire vital ». Ce dossier recommande le maintien en Belgique de l'enfant, car ces soins ne pourraient être assurés au Congo. L'avis du médecin de l'Office des étrangers est que cette famille peut être renvoyée au Congo sans danger pour l'enfant.

3. Un problème global

La santé est une question globale et si certains problèmes ne sont pas directement visibles, ils n'en sont pas moins cruciaux et peuvent avoir, à plus ou moins long terme, des conséquences désastreuses. Nous en sommes témoins chez tous ceux qui font appel à nous.

Nous pensons à ces affections bénignes, qu'on ne fait pas soigner quand on est illégal et sans ressources et qui, à long terme, peuvent dégénérer, entraînant une dégradation de l'état de santé de la personne et peut affecter le milieu qui l'entoure.

Nous pensons à ces carences alimentaires, dont souffrent les personnes sans ressources et qui ont des conséquences, particulièrement, sur le développement des enfants.

Nous pensons à ces problèmes d'ordre psychologique (qui ont des conséquences physiologiques : ulcère, stress, ...), dont souffrent toutes ces personnes en séjour illégal. Nombre de ceux qui font appel à nous souffrent de la pression insupportable que signifie la survie quotidienne, l'attente du résultat d'une procédure, la peur de l'arrestation, ...

11.1.9. Les CPAS : que reste-t-il de leurs missions premières ?

Les dispositions légales adoptées par la Belgique à l'égard des demandeurs d'asile déboutés se sont répercutées dans le domaine social. Un des problèmes cruciaux qu'il n'est plus possible de résoudre est celui de leur survie. Seule la solidarité permet encore d'assurer le minimum pour ce qui concerne le logement, la nourriture, les vêtements, les soins de santé, ... Les CPAS ont été progressivement empêchés d'accorder les aides requises et au fur et à mesure que les juridictions du travail condamnaient au paiement des aides minimum, le législateur a adopté des dispositions qui empêchent toute sentence de cet ordre. Pourtant, les articles 22 et 23 de la Constitution, les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme, les dispositions du Pacte des Nations unies relatives aux droits civils et politiques et celle de la Convention relative aux droits de l'enfant, garantissent des droits fondamentaux qu'un « pays civilisé » comme la Belgique se doit de respecter.

C'est le contraire qui sévit : en affamant les candidats réfugiés déboutés qui se trouvent sur son territoire, la Belgique poursuit le seul objectif de les obliger à quitter son territoire. Or, affamer un être humain ne doit-il pas être considéré comme un traitement inhumain et dégradant ? Nous sommes les témoins quotidiens et impuissants de la misère insoutenable de ces personnes et de leur famille. Il importe de réformer toutes ces dispositions légales.

Tous les recours introduits contre un refus de séjour, conformément aux dispositions légales, devraient tout aussi légalement permettre de considérer que le séjour est régulier et par là, le « toujours » candidat réfugié serait valablement inscrit au registre de la population. Il serait porteur de documents d'identité avec la garantie des droits au CPAS et l'autorisation de travailler.

L'article 54 de la loi du 15 décembre 1980, revue par la loi du 24 mai 1994, permet au ministre de désigner un lieu obligatoire d'inscription aux étrangers. Cette loi, qui a été durcie par la dernière modification de 1996 (article 37), a comme conséquence qu'il n'est pas tenu compte de la résidence réelle des demandeurs d'asile pour fixer le CPAS chargé d'assumer le paiement des indemnités d'aide sociale, de sorte que l'on rencontre régulièrement des demandeurs d'asile résidant par exemple en région liégeoise, qui doivent aller chercher leur aide sociale en région brugeoise, et donc dépenser plus de 1 000 francs pour le voyage. Cette situation amène également des problèmes de communication, des personnes s'exprimant en français, se trouvant confrontées à une administration néerlandophone.

Cette distance géographique a également pour conséquence que les missions du CPAS définies par la loi organique de 1976 ne sont plus remplies. Comment peut-on, en effet, parler de véritable accompagnement social ou psychologique dans ces conditions ? Pour obtenir l'accompagnement ou les informations qu'ils nécessitent, les candidats réfugiés se tournent vers les services sociaux privés de leur lieu de résidence.

Que reste-t-il des missions des CPAS dans ces conditions ?

11.1.10. Une logique administrative douteuse

L'orateur veut livrer à la réflexion de la commission un extrait d'une lettre lui adressée récemment par un candidat réfugié : « Je vous dois avouer que j'ai beaucoup réfléchi avant de prendre la décision de partir. Franchement, pour toute personne qui a une femme et deux enfants et qui a mon âge, subir des frustrations pendant bientôt 24 mois est insupportable, quelles que soient les raisons (lois, rigueur administrative, ...). Moi et ma femme sommes capables de vivre sans émarger au CPAS, mais on ne veut pas nous donner cette possibilité (...). Est-il vraiment possible de vivre ici sans ressources ? L'administration (Office des étrangers) sait bien qu'en nous affamant, on nous pousse à partir (...). Je ne souhaite plus continuer à subir les humiliations. Je ne suis pas un malhonnête, ni un délinquant et la manière dont on est considéré n'est plus supportable (...). Je suis un homme très diminué physiquement (j'ai perdu 8 kilos) et moralement. Je n'ai aucun moyen de m'en sortir. Je n'avais jamais pensé qu'un jour je me trouverais dans une telle situation (...). Dans une interview, le directeur de l'Office des étrangers déclarait que dans l'octroi de permis humanitaires, un des éléments les plus importants est le lien qui existe entre la Belgique et le pays d'origine des demandeurs. Je crois que le Zaïre est parmi les pays, si pas le pays, où la Belgique a et aura des liens assez étroits. Pourquoi alors tant de tortures ? »

Le représentant du ministre de l'Intérieur déclarait, lors de l'audition du 30 septembre 1997, qu'il existait des quotas d'expulsion et qu'il pensait pouvoir arriver à 12 000 en 1997. Ce sont donc les instructions données aux fonctionnaires qui traitent les dossiers de demande d'asile. Faut-il donc s'étonner que certains d'entre eux témoignent de si peu de considération pour les demandeurs d'asile ?

L'orateur a relevé dans certains dossiers un langage plein de suspicion. Pour un demandeur qui avait reçu un avis favorable au séjour dans le cadre d'une demande urgente de réexamen, les termes employés par le CGRA sont : « Il aurait posé tel acte... Il se serait réfugié... Il serait arrivé en Belgique ». Nous relevons également souvent « Il prétend... ». Pourquoi ne pas dire plutôt « Il affirme » ou « Il déclare » ?

Il est contraint de constater que la première interview, réalisée par l'Office des étrangers, est souvent bâclée, expéditive et se déroule dans un climat de suspicion. Or, c'est sur la comparaison entre cette interview et les suivantes que les refus de reconnaissance s'émettent. Il n'est pas expliqué aux demandeurs d'asile à quelle procédure ils sont soumis et, surtout, l'importance de ces interviews.

Il cite également le témoignage d'un accompagnateur qui s'indigne des propos qui lui sont tenus par un fonctionnaire de l'Office des étrangers au sujet d'une personne qu'il aide dans ses démarches. Dans une lettre qu'il adresse au ministre Vande Lanotte, il écrit : « C'est pour obtenir un renseignement à caractère général que je me suis adressé à l'administration centrale de l'Office des étrangers. Je n'ai donc logiquement pas fait mention du dossier auquel se reportait la demande de renseignement. La fonctionnaire à qui j'ai présenté la question m'a demandé si j'appelais de (...) et elle m'a dit qu'elle avait eu l'occasion de se pencher le matin même sur le cas auquel je voulais sans doute faire allusion. Esquivant ma question qui portait sur la procédure, elle s'est répandue en propos injurieux à l'égard des personnes concernées (« ce sont des gens qui tirent sur la ficelle », « ils ont déjà assez profité de notre pays »), en ajoutant, en réponse à une question que je n'avais pas posée et que je ne voulais pas poser, que la décision négative serait notifiée sous peu (...). Cet épisode m'autorise à penser une fois de plus que certains membres du personnel de l'Office des étrangers ne sont pas animés de la sérénité qui devrait présider à leur travail. »

Nous sommes malheureusement entrés dans une logique où un très large pouvoir est laissé à l'administration, ce qui amène des comportements douteux. Il serait grand temps de changer cette logique, qui heurte ceux qui en sont victimes et ceux qui en sont témoins.

11.1.11. Conclusion

L'histoire nous dit assez que l'étranger est souvent reçu et traité en bouc émissaire, en victime expiatoire des peurs, des troubles ou des bouleversements de la société où il est amené à résider. Elle nous dit aussi comment on devient vite cet étranger, cet autre catalyseur des angoisses et des fantasmes collectifs. Elle s'est donc dotée, dans son évolution démocratique, de principes visant à protéger tous les membres de la « famille humaine », leur reconnaissant des droits universels, égaux et inaliénables. Le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales est devenu ­ du moins le dit-on ­ un des facteurs de respectabilité dans un État dans les relations internationales. La situation des étrangers dans une société donnée peut être considérée comme un élément révélateur de l'état de la démocratie dans cette société.

Ces quinze dernières années, la législation sur les étrangers a été modifiée nombre de fois, toujours dans le sens d'un durcissement. Ce durcissement a généré des conceptions et des pratiques contraires au respect du droit des personnes. C'est regrettable. C'est toute une conception de l'asile et de l'accueil de personnes étrangères qui doit être mise en question sous peine de nous voir reprocher ce que nous dénonçons chez les autres.

11.2. Échange de vues

Le ministre souligne que le centre INAD est géré par l'Office des étrangers et qu'il faut distinguer le centre 127 et le 127bis , qui ont chacun leur mission spécifique.

Il nie qu'il y ait des quotas d'éloignement, même si l'on a prévu des objectifs quantitatifs dans la politique.

Un membre demande comment le Point d'Appui est financé.

Mme Van Paeschen explique que le financement provient de dons privés. Le Point d'Appui n'a au demeurant que peu de frais de fonctionnement. Il ne faut pas sous-estimer la force des bénévoles et l'aide matérielle offerte par certaines personnes, par exemple en termes de mise à disposition de locaux.

Le Point d'Appui ne donne pas d'aide matérielle aux réfugiés. Il n'a pas d'orientation politique et s'occupe de réfugiés de tous les pays pêle-mêle.

Le membre demande si le Point d'Appui a des contacts avec les CPAS, et, dans ce cas, quelles sont ses appréciations sur les CPAS.

Mme Van Paeschen répond qu'elle a beaucoup de contacts avec des services divers et pas seulement avec des CPAS. Il existe à Liège par exemple différentes associations qui s'occupent de l'un ou l'autre aspect touchant aux problèmes des réfugiés : logement, scolarité, ... D'aucuns prétendent que celles-ci enlèvent les missions du CPAS, mais ceci est dû au fait que les CPAS ne les assument pas et au contexte légal qui leur enlève leurs missions.

Mme Ghysen rappelle que les CPAS ont des limites légales qui leur interdisent d'octroyer de l'aide plus de 45 jours après l'ordre de quitter le territoire; les associations privées ne doivent pas tenir compte de cette limite, puisque les bénévoles qui les constituent assument leurs responsabilités comme ils l'entendent.

Le secrétaire d'État à l'Intégration sociale tient encore à faire remarquer que les pratiques des CPAS ne reposent pas sur des directives, mais doivent être conformes à la loi. Cette loi offre une échappatoire au demandeur d'asile dont la demande a été rejetée, en lui permettant de signer une déclaration de départ volontaire. S'il s'avère que le demandeur d'asile dont la demande a été rejetée est dans l'impossibilité de quitter le pays, il conserve son droit à l'aide du CPAS. En refusant de signer cette déclaration, il opte toutefois délibérément pour l'illégalité et perd, par conséquent, le bénéfice de cette aide.

Les CPAS appliquent la loi. En pratique, ils ne réclament même jamais au ministère l'aide qu'ils ont accordées pour une fraction de mois si le voyage de retour se passe réglementairement.

M. Vanderslycke réplique qu'en pratique, pour la subvention, les 45 jours représentent un délai maximum pour le remboursement d'autres formes d'aide. Il constate simplement que les circulaires sont rédigées en termes trop stricts.

12. Audition du groupe de travail « Vrouwelijke vluchtelingen » du « Nederlandstalige Vrouwenraad »

12.1. Exposé de Mme F. Talhaoui sur la procédure d'asile vue sous l'angle de l'égalité entre hommes et femmes

En octobre 1995, l'on a créé au sein de la structure du « Nederlandstalige Vrouwenraad » un groupe de travail ad hoc « Vrouwelijke vluchtelingen ». Le « Nederlandstalige Vrouwenraad » est un organisme de concertation regroupant 38 organisations de femmes de diverses tendances politiques et idéologiques de Flandre. Le NVR lutte pour l'égalité des chances entre les femmes et hommes et pour que toutes les femmes prennent conscience de la place qu'elles occupent dans la société. Le NVR adopte régulièrement des points de vue qui sont d'une importance capitale pour le statut social de la femme.

Le groupe de travail ad hoc « Vrouwelijke vluchtelingen » veut apporter sa contribution scientifique et constructive à la discussion sur l'égalité des chances des demandeuses d'asile. Il a élaboré à cet effet, avec l'aide de quelques organisations de femmes et les divers organismes et services qui s'occupent de la problématique des réfugiés, des directives spécifiques sur le traitement des demandes d'asile introduites par les femmes. Ces directives ont été approuvées par le conseil d'administration du NVR. Fin février 1997, elles ont été remises officiellement au ministre compétent à l'occasion d'une conférence de presse.

12.1.1. Position du problème

Les raisons et les circonstances qui poussent les gens à fuir sont souvent les mêmes, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes. Les femmes sont cependant touchées d'une manière particulière. Elles sont non seulement victimes ­ comme les hommes ­ d'atteintes aux droits de l'homme en général, comme par exemple des poursuites politiques dans leur pays d'origine, mais elles subissent en plus des discriminations et des poursuites du fait qu'elles sont femmes. Celles qui enfreignent ou ignorent délibérément des normes ou des habitudes sociales ne s'appliquant qu'à elles, risquent souvent leur vie.

La population mondiale des réfugiés est majoritairement féminine. Pourtant, parmi les demandeurs d'asile qui parviennent à l'Ouest, on compte toujours une minorité de femmes; elles ne représentent en effet qu'un tiers du nombre total des demandes d'asile.

En Belgique, comme dans la plupart des pays industrialisés, la procédure de demande d'asile est très formaliste et individualisée. Elle ne tient pas ou guère compte du facteur féminin, c'est-à-dire du facteur « genre », et ce, tant en ce qui concerne les raisons spécifiques qui ont poussé les femmes à fuir que les méthodes spécifiques de poursuite. Une telle approche globale du problème des demandeurs d'asile, tenant compte du facteur « genre », fait cependant défaut dans la politique des réfugiés des États membres de l'Union européenne.

Cette lacune est d'autant plus déplorable que les raisons pour lesquelles les femmes fuient peuvent différer de celles des hommes, dans la mesure où elles fuient également en raison de la condition sociale (socio-économique, politique et culturelle) qui est la leur dans leur pays d'origine.

Afin d'éviter de léser les demandeuses d'asile dans le cadre de l'octroi du statut de réfugié, il doit y avoir un traitement spécifique des demandes d'asile introduites par les femmes. C'est ce qui ressort non seulement de l'enquête réalisée par le groupe de travail ad hoc «Vrouwelijke vluchtelingen » mais aussi de constatations faites dans d'autres pays.

C'est justement ce souci de ne plus discriminer les femmes dans le cadre de la procédure d'octroi du statut de réfugié qui a été à l'origine d'une enquête sur l'accueil, la prise en charge et la position de la demandeuse d'asile dans le cadre de la procédure de demande d'asile en Belgique (voir aussi les Recommandations du groupe de travail « Vrouwelijke vluchtelingen » en annexe 8).

12.1.2. La Convention de Genève relative au statut du réfugié offre-t-elle suffisamment de protection à la femme réfugiée ?

Aux fins de la Convention de Genève relative aux réfugiés, de 1951, le terme « réfugié » s'applique à « toute personne ... qui ... craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays » (voir article 1A de la Convention sur les réfugiés de 1951).

Parmi les motifs éventuels de persécution (comme la race, la nationalité, la religion, la conviction politique ou l'appartenance à un certain groupe social) qui sont cités dans la Convention relative aux réfugiés, ne figure pas le sexe. Il s'agit d'une lacune regrettable du point de vue historique, car, dans certains États, les femmes sont persécutées précisément parce qu'elles sont femmes. Comme je l'ai déjà expliqué ci-avant, cet oubli est dû au fait qu'après la Deuxième Guerre mondiale, l'on a érigé en exemple classique du réfugié le militant politique et intellectuel masculin.

Cette interprétation « préconçue » que l'on retrouve dans la convention, laquelle ne véhicule pour le reste aucune discrimination sexuelle, prête, en pratique, à des malentendus, si bien que les demandeuses d'asile ont souvent du mal à établir que le motif de persécutions contre les femmes qu'elles invoquent à l'appui de leur demande est fondé.

Le fait que la Convention de Genève ne fait pas mention du « sexe » comme motif de persécution ne signifie par pour autant que les femmes ne peuvent pas se prévaloir de ses dispositions. Les motifs « persécutée du fait de sa religion, de son appartenance à un certain groupe et de ses opinions politiques », ont une signification suffisamment large pour permettre aux femmes d'obtenir le statut de réfugiée en raison de persécutions spécifiques contre les femmes.

C'est surtout le critère de « l'appartenance à un certain groupe social », qui permet dans le champ d'application de la Convention de tenir compte des formes de persécution dont sont victimes les femmes. En son temps, l'on a défini ce critère pour prévoir la possibilité de rendre la Convention de Genève applicable aux cas nouveaux de persécution dont elle n'aurait pas pu faire mention.

L'interprétation des motifs de persécution soulève toutefois des difficultés.

12.1.3. L'application des motifs de persécution. Une confrontation avec la pratique

Le principe de base est qu'une femme qui est persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de ses opinions politiques pourra, comme son homologue masculin, prouver que sa demande d'asile est fondée. Contrairement à ce qui est le cas lorsque la demande d'asile est une demande ordinaire, l'examen des faits dans le cas où des persécutions liées au sexe sont invoquées peut soulever des difficultés.

a) Les femmes et la violence sexuelle comme forme de persécution

Pour ce qui est des cas de persécution, l'on constate que les femmes sont bien plus souvent confrontées à la violence sexuelle (par exemple dans des conflits armés ou en prison) et aux conséquences traumatisantes de celle-ci que les hommes. La violence sexuelle est, pour les femmes, un motif non négligeable de fuir et de chercher un asile à l'étranger. En temps de guerre, le viol est utilisé systématiquement en tant que tactique de persécution (il suffira de rappeler ici les viols à grande échelle de femmes musulmanes en ex-Yougoslavie et de femmes au Rwanda). L'on utilise alors la violence pour toucher la partie adverse par le biais des femmes.

La violence sexuelle est une forme de persécution, surtout si elle est le fait de personnes qui sont au service de pouvoirs publics (par exemple des soldats ou des agents de police), dont la mission normale est de sanctionner le recours à la violence. Cette forme de persécution peut assurément être considérée comme une forme de torture, et elle doit d'ailleurs l'être, même si elle est le fait de personnes privées et que les pouvoirs publics se déclarent impuissants ou refusent d'intervenir.

Dans bien des cas, les femmes violées se sentiront fautives, parce que, dans de nombreuses cultures, on les éduque sévèrement et on leur inculque un énorme sentiment de culpabilité et de honte. Une femme violée tombe généralement en disgrâce auprès de son entourage, parce qu'elle aurait compromis l'honneur de la famille, du clan ou du groupe. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que les demandeuses d'asile s'abstiennent très souvent d'invoquer cette forme de persécution au cours de la procédure d'examen de leur demande, même quand elles savent qu'en se taisant elles réduisent sensiblement leurs chances de se voir reconnaître le statut de réfugiée.

Il faut en outre tenir compte du fait que les femmes qui ont subi des violences sexuelles peuvent avoir subi un tel trouble qu'elles n'ont plus qu'un souvenir vague et imprécis de certains faits. Ce phénomène est confirmé notamment par des recherches scientifiques concernant le syndrome du traumatisme dû au viol (cf. également le récit de la femme algérienne, qui figure à la page 5 du rapport cité plus haut). La demandeuse d'asile qui se trouve dans un tel cas n'est absolument pas en mesure de fournir une relation cohérente des choses et des événements et arrive difficilement à rendre crédible sa demande d'asile.

b) Mutilation génitale

Outre le viol et d'autres formes de torture pratiquées spécifiquement contre les femmes, il y a le problème de l'excision ou la mutilation génitale (clitoridectomie), auquel il convient d'accorder une attention particulière. Dans certains pays africains, les jeunes filles sont excisées à un très jeune âge pour qu'elles puissent rester vierge jusqu'au mariage. L'excision telle qu'elle y est pratiquée est souvent une intervention très dangereuse et très délicate qui présente des risques d'infection et d'hémorragie mortelle très réels.

Pour la plupart des femmes, demander l'asile pour prévenir une mutilation des parties génitales n'a aucun sens, puisque le mal est fait. Certaines mères parviennent toutefois à éviter cette souffrance à leurs filles en fuyant le pays d'origine. La difficulté, dans ce cas, est que ce ne sont pas les autorités elles-mêmes qui imposent l'excision des jeunes filles, mais des particuliers (membres de la famille). Les autorités sont souvent impuissantes face à de telles pratiques. En effet, dans les rares cas où la législation les interdit, elle se heurte à la tradition.

Le Canada est le seul pays du monde à reconnaître officiellement le danger de mutilation des parties génitales comme une cause de persécutions et il accorde le droit d'asile sur cette base. Aux États-Unis, le Board of Immigration Appeals a accordé, en juin de l'année dernière, le droit d'asile à une jeune Togolaise parce qu'elle était menacée d'excision (voir le récit de F. Kasinga dans le journal De Morgen du 18 juin 1996 : Op de vlucht voor verminking ). Cela a créé un précédent important, qui pourrait faire jurisprudence pour tous les juges de l'immigration compétents en matière d'asile.

Ce qui rassurera les terres d'asile potentielles, c'est que l'octroi du statut de réfugiée sur cette base au Canada et aux États-Unis n'y a pas entraîné un afflux de demandeuses d'asile. Ce n'est pas si étonnant si l'on se dit que, dans de telles cultures, les femmes n'ont pas l'occasion de fuir ou ne disposent pas toujours des moyens nécessaires. Du reste, pour la plupart des femmes, le mal est déjà fait.

c) La violation de normes sociales et religieuses

Dans certaines sociétés, certaines normes sociales et religieuses interviennent radicalement dans la liberté physique et personnelle des femmes et visent le plus souvent à asseoir la domination des femmes par les hommes (en imposant le port du voile, en excluant la conduite automobile et les études).

Les demandes d'asile formulées par des femmes qui contreviennent aux normes sociales et religieuses de la société dans laquelle elles vivent, en vue de favoriser la progression sociale des femmes dans leur pays, sont plus difficilement compatibles avec les critères de la Convention de Genève. Le plus souvent, ces persécutions sont le fait non seulement des instances officielles (police de moeurs), mais aussi de l'entourage social (membres de la famille, autres particuliers), et l'attitude de celui-ci est tolérée, voire encouragée par ces mêmes autorités, si bien que l'on ne doit pas non plus compter sur leur protection.

Lorsque cette grossière discrimination à l'égard des femmes, qui revient en fait à porter gravement atteinte à leurs libertés et à leurs droits fondamentaux en tant que femmes, s'accompagne de violences, c'est là une forme de persécution qui doit être protégée aux termes de la convention. Face à ce comportement qui contrevient aux normes, les critères « convictions politiques, religion, appartenance à un groupe social déterminé » offrent une solution qui permet d'accorder le statut de réfugié.

12.1.4. La procédure d'asile sensu stricto : l'examen de la demande d'asile

Il n'existe pas en Belgique de directives officielles prenant en compte le facteur féminin pendant le déroulement de la procédure et l'examen de la demande d'asile.

Les femmes sont censées pouvoir témoigner devant des fonctionnaires masculins par l'intermédiaire d'interprètes masculins. On ne prend pas toujours en considération les éventuelles objections culturelles qu'une demandeuse d'asile peut avoir à être interrogée par un homme ou même à devoir séjourner à proximité d'un homme. Le fait de ne pas tenir compte des facteurs culturels peut entraîner des discordances dans le récit de la demandeuse d'asile, si bien qu'elle risque de voir sa demande se heurter à un refus. Les instances en matière d'asile devraient se demander systématiquement s'il y a des éléments pouvant justifier la présence d'un fonctionnaire féminin (par exemple, en cas de violences sexuelles).

Il faut également prendre des mesures de précaution par rapport à la vie privée de la demandeuse d'asile. La présence de tiers dans une salle d'interrogatoire exiguë, ou encore la présence de membres de la famille, surtout si la femme a été victime de violences sexuelles, peuvent être néfastes à une issue favorable de la demande d'asile.

L'expérience a montré que bon nombre de fonctionnaires chargés d'examiner les demandes d'asile n'ont reçu aucune formation relative aux communications interculturelles, notamment aux différences d'ordre culturel liées au sexe et ne reconnaissent pas comme tels un stress posttraumatique ou un syndrome lié au traumatisme du viol, si bien qu'ils ne renverront pas à un examen psycho-social avant de tenir l'interrogatoire, et ce, au détriment d'une éventuelle évaluation positive de la demande de la réfugiée.

En l'absence de directives officielles et adéquates, la qualité de l'accueil repose plutôt sur les initiatives personnelles éventuelles des fonctionnaires, ce qui est politiquement insatisfaisant, même si la bonne volonté de ces fonctionnaires est indéniable. La qualité de l'accueil pendant ce déroulement de la procédure d'asile ne peut être laissé au hasard, mais doit être assurée structurellement, de sorte que les femmes qui ont introduit une demande d'asile puissent, elles aussi, compter sur un examen loyal de celle-ci.

Depuis 1985, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) se préoccupe spécifiquement, dans ses recommandations, du problème des demandeuses d'asile par le biais des conclusions du comité exécutif (voir les pages 16 à 21 du rapport). Il y incite les États membres à incorporer ces recommandations dans leur procédure d'asile nationale.

Des pays comme le Canada et les États-Unis ont déjà concrétisé le contenu de ces conclusions dans des directives officielles et elles sont appliquées par les instances d'asile respectives.

C'est notamment parce que ces conclusions n'ont pas été incorporées dans la législation belge que le groupe de travail ad hoc « Vrouwelijke vluchtelingen » a examiné les problèmes par l'examen des demandes d'asile des femmes et formulé sur cette base, dans son rapport, des recommandations générales à l'adresse des autorités responsables de la politique d'asile dans notre pays.

12.2. Échange de vues

Une commissaire désire en savoir davantage sur le fait qu'il arrive que le partenaire d'un demandeur d'asile ne soit pas reconnu s'il n'est pas poursuivi personnellement.

Elle demande au représentant du ministre si ­ et dans quelle mesure ­ on a donné suite à la note du Conseil national des femmes.

Mme Talhaoui signale que le rapport du groupe de travail contient une recommandation concernant le séjour de la partenaire du demandeur d'asile. Le plus souvent, les partenaires eux-mêmes ne sont pas poursuivis dans le pays d'origine.

Pour leur épargner les formalités administratives de la procédure de demande d'asile ­ toutes les instances concernées doivent faire face à un arriéré imposant ­, il y a lieu de rechercher pour ces personnes une solution leur permettant de rester dans le pays en attendant une décision concernant la demande d'asile de leur partenaire.

Le ministre précise que deux situations sont possibles :

­ ou bien il s'agit d'un demandeur d'asile accompagné de son (sa) partenaire et il est logique que ce partenaire demande également l'asile;

­ ou bien il s'agit du regroupement familial d'un demandeur d'asile pendant la procédure.

Mme Talhaoui fait remarquer que, dans la première hypothèse, le partenaire ne se trouve généralement pas dans une situation justifiant l'introduction d'une demande d'asile, n'étant pas poursuivi lui-même.

Le ministre observe qu'ils ont intérêt à demander l'asile parce qu'ils bénéficieront alors d'une meilleure protection. La Belgique n'expulsera toutefois pas un partenaire dont le conjoint est engagé dans une procédure d'asile. Dans ce cas, l'ordre de quitter le territoire est suspendu.

Il ne comprend cependant pas pourquoi le partenaire n'introduirait pas de demande d'asile. Le statut de demandeur d'asile lui garantirait en effet un meilleur statut social.

Mme Talhaoui souligne que l'on se trouve, en l'espèce, devant une utilisation impropre de la procédure de demande d'asile. Le partenaire n'est en effet pas poursuivi. Au lieu d'inciter le partenaire du demandeur d'asile à introduire une demande d'asile, l'on ferait mieux de définir un statut spécifique à son intention.

Un autre membre dit partager ce point de vue et considère que la recommandation en question a vraiment un sens. Si l'on oblige le partenaire à introduire lui aussi une demande d'asile, cela revient à le contraindre à prouver qu'il fait l'objet de poursuites, alors que ce n'est pas le cas. En conséquence, les instances chargées d'examiner les demandes d'asile sont surchargées inutilement. Poursuivre deux procédures d'asile parallèles n'a pas de sens.

Le ministre répond que les demandes d'asile des couples sont examinées conjointement. Même lorsque la demande d'asile n'est introduite que par un seul des deux conjoints, l'autre est convoqué lui aussi, et ce, comme témoin. Dans la pratique, les deux dossiers sont donc liés et la demande d'asile d'un des conjoints contiendra une référence aux motifs de l'autre.

Selon lui, un statut distinct pour le conjoint présente plus d'inconvénients que d'avantages.

L'intervenante reste d'avis qu'un statut distinct serait beaucoup plus logique et plus indiqué.

Elle estime d'ailleurs que le rapport du groupe de travail du NVR contient plusieurs recommandations utiles que la commission devrait absolument prendre en considération.

Elle se demande cependant s'il ne serait pas dangereux d'admettre, comme fondement d'une demande d'asile en Belgique, certaines coutumes comme l'excision des femmes, et ce, bien qu'elle se réjouisse des réactions de plus en plus nombreuses au niveau mondial contre celles-ci.

Mme Talhaoui répond qu'il est rare que quelqu'un quitte son pays pour ce motif. La plupart des femmes de ces pays acceptent leur sort et ne peuvent ni ne veulent se soustraire aux coutumes socio-religieuses. L'on doit néanmoins reconnaître aux femmes le droit de se protéger ou de protéger leurs enfants contre le risque d'une intervention qui porte atteinte à l'intégrité physique et psychique de l'individu.

Dans le cadre de la Convention de Genève, ces personnes bénéficient généralement d'une protection en vertu des dispositions relatives aux poursuites dont sont victimes certains « groupes sociaux ».

Un membre demande si le NVR a également enquêté sur l'accueil et la détention des demandeuses d'asile déboutées non éloignables.

Mme Talhaoui répond qu'une telle enquête n'a pas encore eu lieu, mais qu'on ne manquera pas d'en organiser une. L'on peut d'ailleurs dire la même chose à propos du détournement de la procédure d'asile par des réseaux qui sont spécialisés dans la traite des femmes.

13. Audition du Conseil des femmes francophones de Belgique (CFFB)

13.1 Exposé de Mme N'Gandu, présidente de la Commission « Immigration »

Mme N'Gandu expose que son intervention est basée sur des cas vécus par les femmes migrantes qui se présentent au CFFB mais aussi sur les divers témoignages recueillis à l'occasion de colloques ou rencontres-débats organisés par la Commission « Immigration » du CFFB.

Le Conseil a enregistré de nombreux cas de femmes, épouses d'étudiants ou étudiantes elles-mêmes dont la situation est plus que préoccupante car elles sont coincées entre la loi et la survie. C'est donc à partir de ces drames humains que le CFFB tire la sonnette d'alarme.

Les cas qui sont abordés dans ce rapport concernent les femmes migrantes arrivées en Belgique dans le cadre du regroupement familial ou pour des raisons d'études. Parmi celles-ci il y a une catégorie dont on parle peu, c'est celle des conjointes d'étudiants ou celles des étudiantes elles-mêmes.

En effet, celles-ci sont venues en Belgique soit dans le cadre de leurs études (elles sont minoritaires) soit dans le cadre des études ou d'une spécialisation du mari. Dans ce dernier cas, elles dépendent totalement de celui-ci sur le plan administratif et juridique (droits dérivés) car elles héritent automatiquement du statut de celui-ci : elles ne peuvent pas exercer une activité lucrative et leur séjour est limité à la durée des études du mari. Pour celles qui ont pu avoir un permis B, le renouvellement de celui-ci dépend également de l'inscription du mari.

Beaucoup de femmes africaines se trouvent dans cette situation. Quelques données chiffrées de l'INS nous donnent une idée de leur proportion :

sur une population étrangère de 911 921 personnes au 1er janvier 1997 :

­ il y avait 431 894 femmes, soit 47,36 %;

­ 73 % de femmes étrangères vivant en Belgique sont d'origine européenne;

­ 19 % d'origine africaine, dont 16 % pour le Maghreb et 3 % pour l'Afrique subsaharienne.

Théoriquement, la plupart des étudiants ont comme moyens de subsistances une bourse d'étude de leur gouvernement ou d'une autre institution. Mais la situation économique et financière des États africains subsahariens est bien connue de même que les difficultés qu'ils éprouvent pour honorer leurs engagement vis-à-vis de leurs ressortissants vivant à l'étranger.

La réalité est que les étudiants boursiers de certains gouvernements africains ne perçoivent plus leur bourse d'études depuis plusieurs années. Ainsi par exemple, les étudiants congolais (ex-Zaïre) n'ont plus perçu leur bourse depuis 5 ans. Dans les autres cas la bourse arrive si irrégulièrement et est tellement modique, que le vécu quotidien de ces étudiants qui obtiennent encore quelque chose n'est pas, en définitive, si différent de celui des étudiants qui ne reçoivent rien.

Entre-temps, certains étudiants se sont mariés, ici même, ou ont fait venir leur famille. Une deuxième voire une troisième génération est née en Belgique et les enfants y poursuivent leur scolarité.

Il est normalement stipulé qu'au terme de leurs études, les étudiants doivent retourner dans leur pays d'origine afin de mettre leur savoir au service de celui-ci.

Certains étudiants retournent effectivement dans leur pays mais nous n'avons malheureusement pas pu obtenir des données chiffrées fiables. Par contre, d'autres se rendent compte à la fin de leurs études qu'ils ne peuvent pas retourner dans leur pays tant l'insécurité physique, morale et matérielle est grande d'une part, et d'autre part leurs enfants ayant entamés leur scolarité ici, ils estiment qu'il est dommageable de l'interrompre et de plonger ces derniers dans un autre système d'enseignement. Ils décident dès lors de rester en Belgique.

Nous avons signalé plus haut les difficultés matérielles rencontrées par les étudiants et surtout leur non-accès à l'emploi lié à leur statut. C'est alors qu'intervient l'apport non négligeable de leurs épouses.

En effet, confrontés au problèmes de survie, les femmes d'étudiants se retrouvent inévitablement sur le marché de l'emploi et comme elles ne peuvent pas accéder à un travail déclaré, elles se rabattent sur le travail au noir qui est plus accessible. Il s'agit généralement des travaux de nettoyage ou de ménage chez les particuliers, d'aide-soignante dans les homes etc. Nous ne nous étendrons pas sur les conditions de travail, à savoir des horaires élastiques pour des gains dérisoires, l'absence de protection sociale, sans parler du harcèlement sexuel ou du chantage de la part de certains patrons qui les emploient.

Démissionner parce que la santé ne suit plus ou parce qu'elles ne peuvent plus supporter ces conditions d'exploitation pose inévitablement le problème de l'avenir et du devenir. Sur le plan économique, elles sont « chef de ménage » car elles assurent la survie de toute la famille mais administrativement et juridiquement, elles dépendent de leur mari.

En cas de séparation ou de divorce, situation en soi difficile, c'est le début du cauchemar pour elles et c'est à ce moment-là que l'on découvre l'absence d'une législation humaine et appropriée à ces cas. Nous l'illustrerons par quelques témoignages (annexe 9).

Par ailleurs, ces femmes sont conscientes qu'avec les nouvelles dispositions légales, elles ne peuvent pas recourir à l'aide sociale, ni leurs enfants, sous peine de recevoir un ordre de quitter le territoire.

Ces femmes se retrouvent coincées entre la loi et la survie et sont sans recours. Cependant, certaines résident en Belgique depuis 5, 10, 15 voire plus de 20 ans. Dès lors, le Conseil des femmes francophones de Belgique s'interroge :

­ Comment peut-on continuer à ignorer une réalité aussi dramatique qu'est le vécu de ces femmes ?

­ Que dire de ces nombreux enfants nés en Belgique et victimes de la situation administrative de leurs parents ?

Les trois témoignages révèlent le lien de dépendance de certaines femmes vis-à-vis de leur mari ou vis-à-vis de leur garant. Elles n'ont aucune protection juridique et conscientes de leur situation précaire, elles acceptent toutes sortes de combines ou d'exploitations.

Même si le statut d'étudiant ne permet pas l'accès à l'emploi, la réalité est que les femmes d'étudiants et les étudiantes sont présentes sur le marché de l'emploi. Leur travail est réel et est d'un apport non négligeable, même s'il est souterrain. Il est urgent que ces femmes sortent de l'ombre et que leur travail soit visible.

Aussi, nous concluons par les revendications suivantes :

­ Étant donné toutes les discriminations dont sont victimes les femmes migrantes ayant un statut d'étudiant et qui constituent des obstacles à leur promotion et à leur insertion sociale et professionnelle;

­ Étant donné le lien de dépendance administrative vis-à-vis de leur mari et l'absence de toute autonomie;

­ Étant donné leur non-accès au travail déclaré et leur présence réelle sur le marché de l'emploi;

­ Étant donné qu'avec l'application de la loi Vande Lanotte, notamment l'article 61, §§ 2 et 3, de la modification de la loi du 15 décembre 1980, beaucoup de femmes migrantes basculent dans l'illégalité;

­ Étant donné qu'avec cette situation d'illégalité, certaines deviennent des proies faciles pour les proxénètes;

­ Étant donné qu'avec cette même loi, confrontées aux problèmes de survie, elles se retrouvent sans recours,

Le CFFB propose :

­ qu'il soit reconnu à la femme migrante un statut administratif et juridique autonome;

­ que les demandes de séjour à titre humanitaire, article 9, alinéa 3, soient traitées au regard de critères objectifs tels que proposés par le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme;

­ que l'on puisse tenir compte de la situation particulière des femmes migrantes qui sont venues dans le cadre du regroupement familial et qui sont séparées de leur mari et donc se retrouvent sans statut;

­ que l'on puisse faciliter l'octroi d'un permis aux femmes ayant un statut d'étudiante afin qu'elles échappent à l'exploitation qui se fait dans l'ombre;

­ que l'on puisse intégrer quelques femmes migrantes dans les commissions consultatives lorsque l'on traite des questions qui les concernent.

Enfin, quant aux revendications globales concernant les femmes migrantes en séjour illégal, quel que soit leur statut de départ, le CFFB appuie avec force les propositions de régularisation du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme.

13.2. Échange de vues

Un membre interroge le ministre sur le statut de la femme en cas de divorce.

Le ministre répond que tout dépend de sa situation. Si sa situation est liée au statut de son époux (par exemple un étudiant) et que ce statut lui confère le droit de séjourner en Belgique, le divorce fait disparaître le motif de son séjour et elle doit quitter le territoire, sauf si des raisons spécifiques justifient son séjour dans notre pays.

Interrogé à ce sujet par un membre, le ministre confirme qu'une femme peut, dans ce cas, introduire une demande d'asile au même titre d'ailleurs que tout autre étranger et indépendamment du fait qu'elle soit en situation de séjour légal ou non. Des motifs d'ordre matériel font cependant en sorte que les étudiants ou leurs conjoints n'ont généralement pas envie de quitter le pays. Cette demande d'asile sera examinée individuellement.

Pour plus de clarté, le ministre souligne que, par le passé, la délivrance des permis de travail et des cartes professionnelles ne relevait pas de la compétence du ministre de l'Intérieur, mais de celle du ministre de l'Emploi et du Travail.

Mme N'Gandu demande si une femme qui est victime de violence ici en Belgique peut demander l'asile en Belgique même.

Le ministre répond que cela n'est évidemment pas possible. La première condition fondamentale à remplir pour répondre à la définition de réfugié selon la Convention de Genève est de ne pas se trouver dans le pays dont on a la nationalité. Si une femme est victime de violences conjugales en Belgique, elle doit faire intervenir les autorités. Ce motif ne suffit cependant pas pour faire aboutir la demande d'asile.

Mme N'Gandu pense qu'il faut alors tenir compte de la situation particulière de ces femmes plutôt que de les obliger à s'improviser en demandeuses d'asile.

Le ministre souligne qu'il s'agit ici de personnes qui viennent en Belgique à la faveur d'un visa d'étudiant. L'idée qui préside à l'octroi de ce visa est de permettre à son détenteur de venir acquérir des connaissances en Belgique pour ensuite les mettre en pratique dans son pays d'origine.

Toute personne qui se voit délivrer un visa d'étudiant sait qu'elle devra retourner dans son pays. La loi permet à ces étudiants de faire venir leur famille. Ces personnes doivent cependant bien se rendre compte qu'en tant que parents, elles sont responsables de leurs enfants. Ceux-ci sont tirés de leur contexte habituel pendant une période déterminée et ils doivent avoir conscience des problèmes d'adaptation qu'ils risquent de rencontrer à leur retour.

Il est inconcevable que les parents essaient de faire assumer les conséquences de leur décision par l'État belge.

En cas de divorce, ces personnes doivent rentrer au pays. C'est un élément dont elles étaient au courant au moment où elles ont pris la décision de venir en Belgique.

Un autre membre voudrait apprendre de Mme N'Gandu comment les contacts avec l'Office des étrangers se déroulent.

Mme N'Gandu répond que le CFFB a obtenu quelques résultats avec l'Office de l'emploi, ce qui a permis à certaines personnes d'obtenir un permis de travail tout en conservant le statut d'étudiant.

Après trois ans d'emploi stable, la personne concernée a pu changer de statut. La carte de séjour est prorogée annuellement. Ce n'est qu'au bout de cinq ans que la personne pourra obtenir une carte de séjour valable pendant cinq ans.

Ce résultat n'a pas pu être obtenu pour toutes les personnes qui se trouvent dans la même situation.

Le ministre rappelle que l'Office des étrangers n'est pas compétent en matière de permis de travail. Les porteurs d'une carte professionnelle se voient délivrer un permis de séjour. L'octroi de ces permis fait l'objet d'une coordination entre les deux ministres. Dans la pratique, toute personne pouvant produire une carte professionnelle voit sa situation provisoirement régularisée.

Un membre estime que le critères dans le débat sur la régularisation doivent être élargis. Les personnes qui séjournent dans notre pays depuis très longtemps doivent être régularisées pour une durée indéterminée, qu'elles soient ou non en possession d'une carte professionnelle.

Le témoignage de Mme N'Gandu rappelle une nouvelle fois la fragilité de la situation des femmes dont le droit de séjour découle du statut de leur conjoint ou partenaire. Cela rejoint les observations du NVR.

Reste à savoir comment ce problème peut être résolu. Selon une membre, nous avons affaire là à un cas de figure dans lequel le droit est contraire au sentiment de justice.

Un autre membre pense que, jusqu'à présent, la délivrance des permis de travail était demandée par un employeur. En général, l'employeur refuse de faire la demande parce que cela lui coûterait trop cher (cotisations sociales, impôts). Il en résulte que 99 % des étrangers travaillent au noir. Ne faudrait-il pas par conséquent faciliter la délivrance des permis de travail ?

Le ministre reconnaît que la coordination entre les permis de séjour et les permis de travail est perfectible. On s'y attèle d'ailleurs actuellement. Il rappelle la limitation de l'immigration décrétée en 1974. Il reconnaît également que les personnes autorisées à séjourner dans notre pays devraient également être autorisées à travailler, sous peine de favoriser le travail au noir. Cette décision dépend toutefois du ministre de l'Emploi et du Travail.

14. Audition du Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie

14.1. Exposé de maître Blanmailland

La loi dont l'évaluation est actuellement débattue, a été fortement contestée, notamment par le MRAX, qui a d'ailleurs mené une procédure devant la Cour d'arbitrage.

Nous étions de ceux qui estimaient que les modifications allaient unilatéralement dans le sens d'une restriction des droits des étrangers, et d'une attitude globalement hostile à l'immigration, ce que, comme mouvement antiraciste, nous ne pouvions accepter. La pratique n'a malheureusement fait que confirmer ce que nous dénoncions.

Le MRAX rejoint les critiques, remarques, suggestions, qui ont été exposées devant la commission par d'autres associations intervenantes, et ne souhaitons pas répéter ce qui a déjà été dit.

C'est ainsi qu'il se limite à deux questions assez précises.

Il s'agit d'une part de l'exigence actuelle de l'Office des étrangers, affirmée par le biais d'une circulaire publiée le 1er octobre au Moniteur belge , afférant à la délivrance d'ordres de quitter le territoire à des époux de belges ou de ressortissants communautaires s'ils n'étaient pas en règle de séjour au moment de leur mariage. Cette tendance consiste de plus en plus systématiquement à contraindre des gens qui vivent en Belgique souvent depuis des années à aller dans un pays où ils n'ont presque plus d'attaches, attendre pendant des mois un visa qu'ils sont de toute façon en droit d'obtenir. Ainsi ils se retrouvent dans la situation de ceux qui ont été expulés et souhaitent revenir en Belgique; indépendamment de la question posée par la peine de bannissement, dont le MRAX continue à contester le fondement même, le détour bureaucratique de l'exigence du visa accumule les obstacles à la solution d'une situation qui, quoi qu'il arrive ne se règlera pas dans le pays « d'origine », mais risque simplement de contribuer à la production de clandestins supplémentaires. Ce même esprit gouverne la politique des régularisations « humanitaires » basées sur les dispositions de l'article 9, alinéa 3, de la loi de 1980, où, presque systématiquement, l'Office exige que la demande soit introduite au départ du pays que l'on a quitté parfois il y a dix ans (voir annexe 10).

Il s'agit d'autre part des inquiétudes que suscite la situation à la frontière, et en particulier à Zaventem.

Le MRAX est interpellé à de très nombreuses reprises par l'écho de refoulements ou d'expulsions dans des conditions qui nous paraissent anormales : outre la question posée par la détention, il faut relever celle des refoulements et du maintien au centre INAD, mais aussi des cas de violences, de « rapatriements » via Abidjan en Côte d'Ivoire, malgré les dénonciations passées concernant le recours à des firmes privées installées dans ce pays. Il nous semble que le port d'Anvers ou l'aéroport sont des zones qui tendent à échapper à tout contrôle, et qu'il faudrait rechercher les moyens de permettre un minimum de transparence aux pratiques de contrôle des frontières.

Parmi les dispositions nouvelles les plus contestables se trouve sans doute la nouvelle formulation de l'article 3 de la loi du 15 décembre 1980 (introduite par l'article 6 de la nouvelle loi), qui vise à son 3º la possibilité de refoulement de l'étranger « s'il ne peut pas présenter, le cas échéant, les documents justifiant l'objet et les conditions du séjour envisagé ».

L'autorité chargée du contrôle des frontières, en l'occurrence la gendarmerie, dispose de tout pouvoir pour considérer qu'un étranger dispensé de l'obligation de visa (par exemple quelqu'un qui vient de l'Équateur, ou d'Israël) doit être refoulé ..., mais la pratique démontre que l'Office des étrangers ne conteste que rarement le bien-fondé de la position de la gendarmerie.

Il semblerait qu'environ la moitié des situations de refoulement sont dues à l'application de cette disposition, l'autre moitié des problèmes étant liés à l'existence de documents falsifiés ou supposés tels.

L'imprécision des termes de la loi laisse aux autorités chargées du contrôle un pouvoir d'appréciation exorbitant qui confine à l'arbitraire, compte tenu notamment de la situation concrète dans laquelle est organisé l'accueil à Zaventem, au centre dit INAD : absence d'informations concernant les recours possibles, difficultés d'avoir un contact avec l'extérieur.

Le gouvernement a invoqué pour justifier cette disposition le texte de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985, dont les termes sont identiques. Rien pourtant dans cet accord n'oblige les états signataires à adopter telle quelle cette disposition, laissée justement à leur appréciation (cf. l'utilisation des termes « le cas échéant »).

Indépendamment de ce qui peut être dit sur le plan des principes et du droit, il nous paraît essentiel de relever que c'est dans la pratique et non pas seulement dans l'énoncé de la théorie, que la disposition citée plus haut, et que nous avions déjà dénoncée au moment de la discussion parlementaire, traduit une politique fondamentalement discriminatoire et raciste.

Ce n'est pas n'importe quel étranger qui se retrouve au centre INAD, mais de façon systématique, des asiatiques et surtout des africains. Ce n'est pas au touriste américain que l'on demande d'apporter la preuve de réservation de son hôtel, mais bien au commerçant ivoirien, qui se fait refouler s'il n'a pas sur lui de quoi payer « cash » quinze jours au Sheraton. (voir annexe 11).

14.2. Échange de vues

Une membre partage les préoccupations du MRAX concernant la sécurité juridique dans le contexte de ce qui se passe à Zaventem et au centre INAD. Elle demande comment l'on pourrait améliorer cette situation et comment l'on pourrait organiser un certain contrôle.

Maître Blanmailland pense qu'une personne qui dispose déjà d'un visa ne doit plus prouver ses moyens à la frontière, étant donné qu'elle a fourni auparavant tous les apaisements requis. Quand quelqu'un n'a pas besoin de visa, on peut parfaitement exiger que les personnes prouvent leurs moyens de subsistance.

Les critères développés par le ministère de l'Intérieur en matière de moyens de subsistance, que ce soit indépendamment ou en application des Accords de Schengen, devraient être rendus publics. Les Pays-Bas publient toutes leurs circulaires administratives. La disposition de l'article 3, 3º, de la loi devrait être supprimée.

Un autre membre estime qu'il est très intéressant d'examiner quels éléments pourraient être modifiés par des circulaires. Il est possible que ce soit le cas dans la question de la démonstration des moyens de subsistance. Elle se demande s'il ne vaut pas mieux obtenir plus de garanties lors de la délivrance du visa par un contrôle encore plus strict dans les ambassades.

En ce qui concerne le centre INAD, Mme Miguel, collaboratrice du MRAX, répond que les associations n'y ont pas accès, contrairement à ce que le ministre de l'Intérieur a déclaré dans un article de presse récent. Certaines associations ont pu déléguer une assistante sociale au centre 127 et au centre 127bis . Les seules personnes ayant accès au centre INAD sont la directrice (Mme Cluydts), une représentante du HCR et les conseillers laïques et protestants. Ces derniers n'y vont que sur demande. Les ONG devraient pouvoir accéder au centre INAD afin d'assurer une information plus complète des personnes y détenues et d'en assurer une meilleure circulation.

Un autre membre demande si les avocats ont accès au centre INAD ne serait-il pas intéressant d'y avoir une antenne du Bureau de consultation au barreau de Bruxelles ou une autre forme de permanence pour assurer une garantie minimale ?

Maître Blanmailland répond que les avocats doivent être appelés par quelqu'un. Son expérience est aussi que lorsqu'on dénonce des cas de « coups et blessures », aussi bien à l'INAD que par la gendarmerie, la victime est très vite expatriée. Ces cas ne sont pas rares du tout.

Mme Miguel cite le cas d'un Congolais qui a été « rapatrié » contre sa volonté vers Abidjan (Côte-d'Ivoire) par la compagnie privée « Bud » avec laquelle la Belgique a signé un contrat de rapatriement.

Plusieurs avocats ont d'ailleurs dénoncé le fait que des personnes n'ayant pas la nationalité ivoirienne soient rapatriées vers la Côte-d'Ivoire.

Mme Miguel demande aussi que les agissements de certains gendarmes « un peu trop zélés » à l'aéroport soient contrôlés. Depuis des années, le MRAX reçoit des informations sur des dérapages totaux, coups et blessures sérieux et sur des cas qui ne sont pas pris en compte.

Une membre fait remarquer que l'exercice de la fonction de policier est très difficile dans ces circonstances. Sur ce point, il serait intéressant de recevoir des statistiques du ministre pour voir combien de fois des difficultés se posent lors des rapatriements.

Mme Miguel croit que la grande majorité des gendarmes se comporte correctement mais il suffit qu'un petit nombre de gendarmes ne soient pas corrects. Pour éviter cela, il faut obtenir des moyens de contrôle (cf. système anglais) avec des volontaires qui viennent contrôler sur place.

Le ministre concède qu'il y a effectivement parfois des plaintes. Il note cependant que, lorsqu'une plainte a été déposée, l'on ordonne une enquête approfondie et que, lorsque celle-ci révèle que des fautes ont été commises, l'on sanctionne les gendarmes concernés.

Par ailleurs, l'on peut toujours s'adresser au Comité P si l'on estime que les suites qui ont été données aux conclusions de l'enquête ne sont pas satisfaisantes.

De plus, des représentants du Comité pour la prévention de la torture (CPT) ont visité le centre INAD L'on pourra probablement disposer du rapport concernant cette visite dans quelques mois.

Le CPT a d'ailleurs remis un rapport sur la question il y a deux ans déjà.

Le ministre constate, que dans la grande majorité des cas, les plaintes pour de mauvais traitements ne sont pas fondées et que leurs auteurs les déposent simplement pour obtenir un prolongement de leur autorisation de séjour en Belgique.

En outre, il existe une directive précise que la gendarmerie doit respecter lorsqu'elle veut recourir à des mesures coercitives. En cas d'éloignement forcé, l'étranger en question est parfois lui-même violent. Lorsque les gendarmes utilisent la force, c'est uniquement pour se défendre. Les choses sont telles, à l'heure actuelle, que celui qui ne veut absolument pas quitter le pays, pourrait toujours y rester.

Il faut cependant mettre fin à la propagation d'informations non contrôlées et de rumeurs. Lorsque le ministre demande des informations concrètes sur un cas concret, il ne les reçoit pas. Cette matière est trop importante pour que l'on tolère la propagation d'informations non contrôlées. Celui qui dénonce certaines pratiques doit apporter la preuve formelle de leur existence.

Et le ministre d'ajouter que la gendarmerie filme les rapatriements pour prévenir toute discussion.

Mme Miguel demandera à des conseils la permission de soumettre au ministre deux dossiers concrets. Elle assure qu'il n'y aura pas de manoeuvres d'avocats en vue de tirer le séjour en longueur.

Un membre estime que certaines techniques (comme celle du « coussin ») trahissent des conditions inhumaines de rapatriement.

Le ministre répond que le recours à cette technique est réglementé de manière très stricte et qu'on ne l'utilise que ponctuellement dans des cas extrêmes.

Mme Miguel répond qu'il est trop facile de reprocher aux ONG de propager des rumeurs. Le problème vient de ce que le rapatriement ne fait l'objet d'aucun contrôle.

Qui contrôle le recours à la technique du coussin ?

Maître Blanmailland rappelle qu'un Zaïrois est décédé au cours de son rapatriement alors qu'on lui appliquait la technique du coussin. Un des gendarmes poursuivis a déclaré personnellement devant la chambre des mises en accusation qu'il avait le sentiment de conduire des personnes à Auschwitz. Elle s'est dit elle-même étonnée de ce que les gendarmes aient pu être gagnés par des émotions dans l'exercice de leurs fonctions. Il n'y a eu aucune poursuite parce que les gendarmes étaient en service commandé. Qui plus est, le Zaïrois en question avait obtenu le statut de réfugié politique en France.

Le ministre souligne une fois encore que les bavures éventuelles doivent être dénoncées au plus tôt.

Un autre membre estime que le stade de l'éloignement, qui clôture la procédure de demande d'asile, constitue, de toute évidence, le stade le plus difficile et le plus délicat de celle-ci.

À son avis, il est important de repérer les cas vraiment dramatiques. Les gendarmes décèlent en général très bien les gens qui ont vraiment peur de rentrer. Ne devrait-on pas arriver à un rapport interne des gendarmes permettant une décision de non-rapatriement à la dernière minute ?

Le ministre répond que les gendarmes qui sont chargés du rapatriement reçoivent une formation spécifique. Il ajoute qu'ils établissent aussi des procès-verbaux concernant le rapatriement et qu'il reçoit, lui-même, tous les mois, un compte rendu détaillé de tous les rapatriements. L'on fait part immédiatement des incidents et l'on transmet les plaintes à l'inspection générale, voire au parquet.

Quelques jours après cette réunion, plusieurs membres ayant demandé des informations plus précises, le MRAX a transmis des détails concrets concernant deux rapatriements à Abidjan (annexes 12 et 13).

Maître Blanmailland demande si les représentants de la société civile (parlementaires, ONG) pourraient avoir accès à ces rapports et aux suites données aux plaintes. Dans ce domaine, il y a un manque de transparence.

Un membre demande que le ministre de l'Intérieur fasse parvenir à la commission, dans les plus brefs délais, toutes les directives et circulaires émises après la dernière modification de la loi.

15. Audition de Mme Véronique Laurent et de M. Luc Walleyn, représentant la « Commission étrangers » des Barreaux de Bruxelles

15.1. Exposés

Maître Laurent se réfère au rapport annuel 1996 du commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, qui contient, à la page 110 e.s., quelques passages vexants pour le barreau.

Après avoir dénoncé l'abus de la procédure d'asile par des réseaux de prostitution, avec la complicité de certains avocats, il incrimine les bâtonniers de Bruxelles et d'Anvers « de prendre à la légère la collaboration prêtée à ces abus par des membres de leurs barreaux ».

Le bâtonnier de l'Ordre français des avocats de Bruxelles vient de protester par lettre contre ces allégations. En effet, jamais une plainte relative à de tels faits n'est parvenue au barreau. De plus, toute plainte est examinée, y compris par exemple celle qui a été formulée contre un avocat parce qu'il avait critiqué le projet de loi Vande Lanotte.

Beaucoup de dossiers concernent par ailleurs des plaintes émises par des avocats au sujet de difficultés rencontrées au CGRA Celui-ci refuse de communiquer le dossier avant l'audition. Après la décision, une copie peut être obtenue, non pas au tarif de 2 francs par page comme prévu par l'arrêté royal, mais au prix de 50 francs par « document », chaque lettre, note ou PV étant considéré comme un document distinct, ce qui pose des problèmes pour les avocats désignés pro deo.

Devant la Commission permanente des recours des réfugiés (CPRR), l'attitude à l'égard des avocats est aussi souvent négative, ce qui se traduit par un refus systématique de remise de l'affaire en cas d'absence ou d'indisponibilité de l'avocat. Cette attitude est maintenue jusqu'à l'absurde, même si l'avocat plaide au même moment devant la chambre de l'autre rôle linguistique.

Devant la CPRR, la procédure devant un juge unique devrait en principe être réservée aux recours irrecevables ou manifestement non fondés, mais c'est devenu la règle. Tous les recours introduits par des Zaïrois par exemple, sont fixés devant un juge unique, alors que beaucoup d'opposants craignent aussi des persécutions par le nouveau régime du Congo, et que ces dossiers demandent au contraire un examen approfondi.

Maître Walleyn parle plus précisément du fonctionnement de l'Office des étrangers.

Les avocats ont des contacts de plus en plus mauvais avec l'office, qui est d'ailleurs en grande partie inaccessible, tant pour le public que pour les avocats.

Ce qui est paradoxal, c'est que de ce fait, de plus en plus de personnes doivent prendre un avocat.

Un rendez-vous avec l'Office des étrangers n'est possible qu'en théorie. Lorsqu'on le contacte par téléphone, on tombe, l'après-midi, sur un répondeur et, le matin, sur des lignes constamment occupées.

Si on obtient malgré tout la communication, il faut toujours insister. Pour l'homme de la rue, cela pose un problème.

Le problème se pose avec plus d'acuité pour les dossiers relatifs aux regroupements familiaux. La décision y afférente peut se faire attendre pendant des mois.

En ce qui concerne l'avenir également, les perspectives sont sombres, parce que la politique suivie actuellement vise à refuser en principe les demandes de régularisation sur place et à contraindre les étrangers dont on doit ou veut autoriser le séjour à demander un visa, ce qui non seulement leur impose des frais de déplacement inutiles mais a en outre pour effet que de plus en plus de dossiers devront être examinés par des consulats et des services des visas déjà surchargés.

Jusqu'à il y a peu, cela n'avait aucune répercussion pour les Belges et les ressortissants de l'UE La demande suspensive en révision permettait la régularisation après quelques mois. Dans de nombreux cas, ce n'est plus possible.

La circulaire du 28 août 1997 prescrit qu'en cas d'entrée irrégulière, la demande d'établissement sera déclarée irrecevable. Par conséquent, lorsqu'un(e) clandestin(e) épouse un(e) Belge, il (elle) reçoit malgré tout un ordre de quitter le territoire et doit d'abord aller chercher un visa à l'étranger, ce qui est contraire à la jurisprudence de la Cour de justice de Luxembourg.

Le problème se pose également pour les personnes originaires des pays du bloc de l'Est, avec lesquels a été conclu un traité d'association prévoyant la liberté d'établissement des travailleurs indépendants et des chefs d'entreprises. Ces personnes doivent, elles aussi, demander à l'étranger une autorisation de séjour, même quand elles sont dispensées de l'obligation de visa. Cette pratique est contraire aux dispositions de ces traités.

En forçant des étrangers qui peuvent de plein droit séjourner chez nous à demander à l'étranger un visa, ou une autorisation de séjour, on les prive également du droit d'introduire une demande en révision contre une décision de refus.

Nombre d'étrangers n'osent d'ailleurs pas franchir ce pas et préfèrent demeurer dans la clandestinité plutôt que de courir le risque de rester bloqués à l'étranger.

En appliquant cette nouvelle politique, le ministre se prive d'ailleurs d'un instrument qui lui permettrait de régulariser au cas par cas des dossiers dignes d'intérêt, pour lesquels une régularisation générale n'est pas davantage prévue.

Il dénonce par ailleurs le fait que l'Office des étrangers se soit vu accorder une nouvelle compétence en matière de recevabilité territoriale suite aux traités de Schengen et Dublin.

Ses décisions ne sont susceptibles d'aucun recours administratif et seul un recours auprès du Conseil d'État reste possible.

D'une manière générale, il est fréquent de constater que les fonctionnaires de l'Office des étrangers ne se préoccupent pas ou guère de la vie familiale ou privée de l'étranger.

Il n'existe pas davantage de surveillance pour ce qui est de la recherche du pays le plus approprié dans le contexte de l'Accord de Schengen.

Il cite l'exemple d'un couple, originaire d'une des anciennes républiques de l'Union soviétique, qui souhaitait demander l'asile en Belgique. L'épouse et les enfants, qui étaient munis d'un visa, sont entrés dans notre pays via l'Allemagne; le mari, lui, est passé par les Pays-Bas.

Après un examen de quatre mois visant à déterminer le pays Schengen compétent, le couple a été séparé à nouveau et chacun a été renvoyé vers le pays Schengen compétent pour son cas, à savoir respectivement, l'Allemagne et les Pays-Bas.

Dans l'intervalle, leur visa étant parvenu à expiration, les époux ont été obligés de voyager avec un document de transit, ce qui fait qu'ils n'ont pas pu se rendre ensemble dans un des deux pays susvisés avec leur visa Schengen.

Heureusement, le Conseil d'État a suspendu cette décision juste à temps.

Le Parlement a modifié également l'article 3 de la loi sur les étrangers. Comme on s'y attendait, cette modification a créé un nouveau contentieux au sujet des personnes refusées. Il s'agit souvent de commerçants africains qui, bien qu'ils soient munis d'un visa, sont dans l'impossibilité de prouver ce qu'ils sont venus acheter en Belgique et qui ne disposent plus d'aucun recours administratif, pas même contre la mesure privative de liberté qui est prise dans l'attente de leur refoulement.

Cette disposition est contraire à l'arrêt Amuur de la Cour européenne des droits de l'homme, dans lequel la Cour dispose que tout détenu peut introduire un recours devant un tribunal indépendant. En dépit de la promesse du ministre, on n'a, à ce jour, toujours pas voté de loi qui change cette situation.

En ce qui concerne la procédure devant le Conseil d'État, l'arrêt de la Cour d'arbitrage qui étend le référé administratif aux demandeurs d'asile, a beaucoup clarifié la situation. Les frais ont cependant augmenté considérablement, car les droits de greffe ont été portés de 4 000 francs à 7 000 francs pour la requête en annulation, et on a instauré un droit de greffe supplémentaire de 7 000 francs en cas de référé administratif.

Ainsi, un couple qui devrait supporter et le coût de la procédure en référé et le coût de la procédure quant au fond, aura à dépenser deux fois 3 000 francs plus deux fois 7 000 francs en plus.

En outre, le Conseil d'État se montre particulièrement sévère pour ce qui est de l'octroi d'une procédure pro deo , lorsqu'on songe qu'au 1er juillet 1997, étaient considérées comme non nécessiteuses les personnes qui bénéficient d'une aide sociale d'un montant de 21 000 francs pour un isolé. D'après l'arrêt, une telle personne devrait pouvoir débourser sans problème 14 000 francs de ce montant en droits de greffe.

Il est clair qu'une initiative législative s'impose en l'espèce, notamment parce qu'en matière d'étrangers, le Conseil d'État est souvent la seule instance de recours.

En outre, il serait illogique que la notion de « préjudice difficilement réparable », sur laquelle est fondée la condition qui doit être remplie pour que la procédure de suspension puisse être engagée, soit interprétée différemment par les chambres néerlandophones et par les chambres francophones.

Il déplore que le ministre ait freiné la diffusion sur Internet des arrêts concernant les étrangers.

Pour ce qui est du rôle de la chambre du conseil dans la procédure de détention, l'intervenant déplore que le contrôle qui est effectué ne porte que sur la légalité de la décision et, donc, jamais sur le fond de la cause.

15.2. Échange de vues

Un membre demande comment il se fait que les bénéficiaires des accords d'association puissent s'établir légalement en Belgique sans demander un visa.

Maître Walleyn répond qu'en principe, un individu peut obtenir une autorisation de court séjour sans devoir disposer d'un visa.

Au cas où il créerait une société pendant ce court séjour, et solliciterait une inscription, il n'aurait en principe pas besoin d'un visa. Il remplirait en effet déjà toutes les conditions définies par les accords d'association.

Pourtant, on lui dénie le droit de se faire inscrire et on l'oblige, s'il souhaite poursuivre ses activités, à rentrer dans son pays d'origine pour aller y demander un visa.

Le ministre nie qu'il en soit ainsi et affirme que l'étranger qui se trouve dans une telle situation peut désormais introduire sa demande en Belgique.

Maître Walleyn répond que, jusqu'à ce jour, le bureau A de l'Office des étrangers n'a pas vu les choses de cette manière.

Le ministre dit présumer que c'est dû au fait qu'il existe quelques exceptions pour les PECO. En effet, en vertu de la nouvelle circulaire, les services sont obligés de se fonder, pour ce qui est de ces pays, sur une présomption générale de circonstances exceptionnelles. En ce qui concerne l'application de l'arrêt Amuur, il souligne qu'un projet de loi visant à régler cette question a été déposé le 23 septembre 1997 à la Chambre des représentants.

Le membre demande par ailleurs s'il faut que certains critères soient remplis pour qu'une procédure pro deo soit possible en Belgique.

M. Walleyn déclare qu'il ne saurait être question de critères dans la jurisprudence du Conseil d'État, étant donné que peu de Belges nécessiteux saisissent le Conseil d'État à propos de contentieux administratifs.

Il en va autrement dans les tribunaux civils, où les bénéficiaires du minimum de moyens d'existence se voient attribuer automatiquement le statut d'ayant droit pour ce qui est de la procédure pro deo. Dans la plupart des cas, on va plus loin encore en fixant le seuil en question au niveau du montant de la partie insaisissable du salaire.

16. Audition du Comité national d'action pour la Paix et la Démocratie (CNAPD)

16.1. Exposé de maître V. Lurquin, président du CNAPD

Le CNAPD a pour objet de regrouper des dizaines d'associations de toutes tailles, de toutes couleurs politiques, de toutes convictions philosophiques au sein d'une coordination qui, par ses réflexions, ses débats, ses actions, tente, avec le monde politique et des citoyens, de mieux vivre en démocratie.

L'orateur déclare que l'objet de son intervention ne sera ni celui du spécialiste ni celui du technicien, mais plus simplement celui du citoyen.

Il se déclare convaincu que la question du droit d'asile fait nécessairement partie de ce grand débat de citoyenneté que les représentants de la Nation ont pour difficile tâche de traduire en termes d'avancée démocratique.

Avant de formuler certaines propositions, un aveu : la seule certitude dans l'ensemble de cette problématique est, qu'ici comme ailleurs, aucune solution ne pourra être trouvée si l'on ne replace pas l'humain au centre des débats. L'utilisation du droit d'asile par l'extrême-droite, le piège tendu par celle-ci, visant à ce qu'idéologie s'oppose à idéologie, la guerre, ici aussi, de l'ensemble des services concernés dans la longue procédure que doit suivre le candidat réfugié, l'absence de transparence démocratique et, trop souvent, la mise hors jeu du Parlement ont abouti à oublier celles et ceux qui doivent cependant être à l'origine de toute la politique de refuge : celles et ceux qui craignent avec raison d'être persécutés en cas de retour dans leur pays parce qu'ils ont eu ce courage de dire non à une dictature, parce qu'ils ont eu cette malchance d'être nés au sein de minorités opprimées, parce qu'ils ont réclamé le droit d'exprimer leurs convictions philosophiques ou politiques.

Les propositions faites permettraient de tenir ce pari dont les deux branches semblent, à priori, contradictoires : une procédure de reconnaissance du statut de réfugié plus courte et, concomitamment, un meilleur respect du droit du candidat réfugié à être écouté et défendu : « Le pari lancé aujourd'hui est de dire que, loin d'être paradoxal, la réforme de la procédure d'asile doit et peut être basée sur ces deux conditions. À condition bien sûr que le point de départ soit la personne réfugiée elle-même.

Dans cette optique, je vous propose, comme le définissait le thème de la récente exposition de la CIRÉ, d'entreprendre ensemble ce voyage pas comme les autres : celui de l'exil.

16.1.1. L'accès au territoire

Disposition législative visée : article 74/4 de la loi du 15 décembre 1980 (article 55 de la loi du 15 juillet 1996).

Article 3bis de la loi du 15 décembre 1980 (article 7 de la loi du 15 juillet 1996).

Avant même d'avoir quitté son pays, le demandeur d'asile se voit confronté à deux logiques qui s'opposent : la sienne, celle de la peur et de la hâte de fuir un pays dont les autorités le persécutent et puis celle des législations nationales des pays dits d'accueil et qui vont dresser devant lui une série d'obstacles bien difficiles à comprendre et à franchir.

Imaginez-vous, le temps de cette audition, être ou avoir été, à Kigali, Mostar, Alger ou Téhéran. Parce que vous êtes membre d'un parti d'opposition, parce que vous avez voulu exercer votre métier de journaliste, parce que vous ne notez pas que la religion se substitue à l'État et que vous désirez exprimer vos convictions philosophiques, parce que peut-être, tout simplement, vous avez peur d'être arrêté, d'être détenu ou simplement de disparaître. Quelle est votre première réaction ? C'est celle de fuir, de demander à ceux en qui vous avez encore confiance d'organiser cette solidarité nécessaire pour sauver votre vie ou votre liberté, que ces personnes soient encore présentes dans le pays ou, si vous avez la chance d'en connaître, qu'ils soient à l'étranger.

Cette logique de la solidarité, il n'y a pas longtemps, nous la connaissions encore, nous Belges, quand nous nous cachions, quand nous faisions des faux papiers d'identité pour les juifs, pour les résistants, pour ceux dont il y a cinquante ans, la fuite signifiait le seul espoir de ne pas être tués ou déportés.

Le renforcement des barrières autour de l'Espace européen rendent de plus en plus difficile cette assistance à des personnes en danger.

L'exigence légale est claire : l'accès au territoire belge est conditionné par l'obtention d'un visa. Or, qui dit visa, délivré par le poste diplomatique belge dans le pays d'origine, dit bien sûr passeport, délivré, lui par ces autorités, dont on dit craindre la persécution.

Le premier paradoxe est là : la législation nationale établit que, sans document, passeport ou visa, il n'est pas possible de quitter le pays d'origine mais, d'un autre côté, le fait de posséder visa et passeport est une des conditions de refus d'accès à la procédure : comment rendre crédible une crainte de persécution alors que furent sollicitées auprès des autorités les documents nécessaires au départ.

Pas de possibilité de quitter le pays sans documents. Impossible de crédibiliser ses craintes de persécution et donc de s'établir dans le pays d'accueil si l'on est en possession de ces documents. La boucle est bouclée. Bien sûr un nécessaire contrôle doit pourtant se faire dans la transparence. Des rumeurs, qui se disent fondées sur des sources bien informées, prétendent malheureusement qu'il y aurait des instructions pour que certains postes diplomatiques ne délivrent plus de visas. Cela toucherait principalement les pays où la situation politique rendrait difficilement crédible la volonté de ces citoyens de voyager en Europe pour d'autres motifs que celui de demander l'asile. Nous savons qu'il n'y a pas de visa de réfugié et qu'il est nécessaire, pour un réfugié voulant venir régulièrement en Belgique de se travestir d'abord en touriste. Nous savons cependant aussi, et c'est un point essentiel de toute l'évaluation de la loi à laquelle cette commission s'attelle qu'il est vain de réformer la procédure suivie sur le territoire s'il n'y a pas également une reprise en main par le Parlement de la politique qui mène à l'accès ou au non-accès au territoire.

Alourdir la sanction des transporteurs aériens, les condamner s'ils véhiculent des personnes dont les documents ne seraient pas en ordre est la porte ouverte à tous les abus et aussi à toutes les filières.

Cela revient à déléguer à des personnes privées qui n'ont ni compétence, ni volonté, ni accréditation pour le faire, des contrôles d'identité. La pratique semble démontrer que l'efficacité d'une telle mesure est certes redoutable. C'est également un redoutable croc-en-jambes à la Convention de Genève. Si l'on accepte une politique restrictive en matière de visa principalement par rapport aux pays « pourvoyeurs » de candidats réfugiés joint à un contrôle plus strict délégué aux compagnies aériennes, de quel pays viendront les personnes qui se disent être persécutées par leurs autorités légitimes ? Ces mesures concernant l'accès au territoire doivent d'autant mieux être étudiées qu'à l'arbitraire de l'administration joint à celui du contrôle des compagnies aériennes s'ajoute enfin celui des administrations communales. Lorsque les personnes désireuses de venir en Belgique sollicitent l'octroi d'un visa, un engagement de prise en charge est nécessaire. L'article 3bis précise clairement que le bourgmestre de la commune ou son délégué doit légaliser la signature apposée au bas de l'engagement de prise en charge si les conditions de l'authentification de la signature sont remplies. Le bourgmestre ou son délégué peut indiquer, dans un avis adressé au ministre ou à son délégué si la personne qui a signé l'engagement de prise en charge dispose de ressources suffisantes. Cet avis n'est pas contraignant.

Cet article était une avancée importante par rapport à l'ancienne loi.

Malheureusement, la pratique communale est très différente et ne suit guère les bonnes intentions du législateur. Comme vous le savez, les exigences des communes par rapport à un salaire mensuel vont de 28 000 francs à plus de 55 000 francs. Il est évident que cette pratique ne s'harmonise nullement avec la nécessaire égalité de traitement des citoyens devant la loi, et ce quels que soient leurs revenus.

Cette problématique des visas va bien au-delà du problème du refuge. Est-il légitime qu'une personne reconnue réfugiée doive attendre deux ans avant que ces enfants ne puissent le rejoindre vu les risques qu'ils courent dans leur pays d'origine ? Est-il légitime de multiplier les procédures de légalisation de documents administratifs, procédures qui ont un coût tel qu'elles ne peuvent être initiées que par les plus aisés de nos citoyens ?

Un simple exemple illustratif de centaines d'autres :

Mme N ­ nationalité bangladeshi. En mars 1995, mademoiselle N convole en justes noces avec M. S. Selon les formules traditionnelles, les époux doivent tout partager, le meilleur et le pire, vivre ensemble jusqu'à ce que la mort les sépare ... Le seul problème est que l'époux vit en Belgique et retourne régulièrement au Bangladesh où la future épouse réside. C'est dire, vous l'aurez compris, qu'elle doit, pour respecter les promesses faites lors de son mariage, passer par l'administration tant des Affaires étrangères que du ministère de l'Intérieur pour solliciter un visa de regroupement familial.

Et c'est là que la situation devient quasi dantesque. En octobre 1995, le ministre de l'Intérieur refuse l'octroi d'un visa à mademoiselle N sans préciser les causes de ce refus.

M. S ira à quatre reprises au Bangladesh pour tenter de connaître les raisons pour lesquelles l'on empêche son épouse de le rejoindre, il apportera à trois reprises des documents nouvellement légalisés tant par les autorités belges que bangladeshi. Suite à des interventions au niveau du ministère de l'Intérieur, une enquête sera menée pour déterminer son niveau de revenus en Belgique, enquête qui se clôturera positivement, puisque M. S a une entreprise florissante à Bruxelles.

Plus de deux ans et demi après l'introduction de la demande de visa, M. S attend toujours, après un ultime voyage au Bangladesh, que son épouse le rejoigne. La seule réponse qu'il nous est à ce jour parvenue est que si nous nous plaignons de certains fonctionnaires de l'ambassade de Belgique au Bangladesh, il faut suivre une procédure disciplinaire qui doit être initiée par le ministère des Affaires étrangères. Nous ne savons toujours pas pourquoi ce visa est refusé, alors qu'il est aujourd'hui admis de manière certaine qu'aucune suspicion de mariage blanc n'est décelée, que les revenus de M. S sont amplement suffisants pour faire vivre une famille. Aux dernières nouvelles, l'épouse de M. S parle de divorce, mettant sur le compte de la mauvaise volonté de son mari le fait qu'elle ne peut le rejoindre.

Trois propositions

1. La conférence interministérielle de la politique de l'immigration du 6 novembre 1996 a pris acte d'un document daté du 12 juin 1996 signalant un projet d'informatisation du traitement des demandes de visa et une étude sur différentes améliorations possibles de la procédure. Un rapport de cette étude, présenté par le département des Affaires étrangères de l'Intérieur, devait être rédigé pour l'automne 1996.

Parce que l'on ne peut dissocier l'évaluation de la procédure sur le territoire belge de celle de l'accès au territoire, il serait essentiel que dans le cadre des travaux de cette Commission les conclusions de ce dernier rapport puissent être prises en compte.

La nécessaire transparence de la réglementation concernant l'octroi des visas et les conditions de celui-ci nécessitent que le Parlement soit informé des directives données par les administrations tant des Affaires étrangères que de l'Intérieur concernant la délivrance des visas. Il est à l'évidence impossible d'évaluer les conséquences d'une loi sans, parallèlement, connaître les pratiques et directives de l'administration.

L'évaluation des conséquences de la loi passe également par une évaluation de l'application de l'article 74/4, concernant les transporteurs aériens à laquelle il faut procéder en tenant compte des procédures appliquées dans les pays d'origine.

3. Pour permettre l'harmonisation de l'application de la loi, il serait opportun que la commission de l'Intérieur sollicite de M. le ministre de l'Intérieur la prise de circulaire définissant les compétences attribuées à l'administration communale dans le cadre du contrôle des informations données par le preneur en charge.

La transparence quant aux conditions d'accès au territoire est un des enjeux nécessaire à une véritable réappropriation par le Parlement de la définition d'une politique en matière d'asile et d'immigration.

16.1.2. Un départ qui ne signifie pas nécessairement une arrivée

Pour ceux qui peuvent quitter leur pays d'origine, munis de documents d'identité (passeport ou visa), ce départ ne signifie pas nécessairement l'accueil par la Belgique.

1. Le centre INAD

Abu Bakar ­ nationalité sénégalaise. L'orateur relate qu'un dimanche matin, il est appelé à Zaventem par un certain Abu Bakar. Celui-ci lui apprend que son frère est venu du Sénégal pour passer un mois de vacances en sa compagnie. M. Abu Bakar est étudiant en Belgique, son frère est étudiant à Dakar. M. Abu Bakar semble paniqué par le fait que selon les informations données à l'aéroport suite aux questions posées vu qu'il n'est toujours pas sorti de la zone de transit, son frère serait rapatrié dans moins de trois heures au Sénégal. L'orateur s'est rendu à Zaventem où une longue discussion s'engagea avec les gendarmes. Il lui est tout d'abord objecté que le passeport de M. Abu Bakar serait un faux. Suite à une communication avec le ministre de l'Intérieur, l'on peut apprendre que tel n'est pas le cas et que c'est muni d'un visa valable que le frère de M. Abu Bakar est arrivé en Belgique. Ce visa signifie bien sûr le fait qu'une prise en charge avait été faite de Belgique et envoyée auprès de l'ambassade belge de Dakar. Il est demandé de renouveler cet engagement de prise en charge sur base de revenus du frère. L'on apporte l'ensemble des éléments prouvant que le frère peut accueillir en Belgique son aîné pendant la période d'un mois. Un troisième argument fera cependant en sorte que l'Office des étrangers renverra M. Abu Bakar au Sénégal : il n'est pas, lui-même, en possession de ressources suffisantes sur le territoire.

Il n'est pas possible de voir le frère de M. Abu Bakar. Celui-ci est déjà dans l'avion de départ. Les négociations interminables avec l'Office font en sorte que l'avion part avant que l'on ne puisse savoir exactement ce qu'il en était de cet argent nécessaire pour entrer sur le territoire, indépendamment de la prise en charge. Un quart d'heure après le départ de l'avion, il s'avère que le frère de M. Abu Bakar avait effectivement une somme de 5 000 dollars sur lui, ce qui devait amplement suffire à résider pendant un mois en Belgique. C'est dommage, dira l'Office des étrangers, mais de toute façon, il s'agissait de coupures de 100 dollars qui, peut-être, étaient des faux et de plus, objectet-on, le frère de M. Abu Bakar n'avait qu'une seule valise.

Lors des auditions que la commission a déjà menées, certaines organisations de défense de droits de l'homme ont parlé des critiques adressées au centre INAD où l'on retient ces fameux inadmissibles dont la procédure se résume souvent à l'octroi d'un aller simple vers le pays d'origine. Disposition législative visée : l'article 51/5, § 1er , de la loi du 15 décembre 1980. L'inacceptable, dans cette procédure, c'est qu'elle se passe sans contrôle, sans transparence, la plupart du temps sans même que la personne concernée ait la possibilité de recourir à un conseil.

Ce n'est pas remettre en cause ni la compétence ni l'impartialité des personnes qui procèdent à l'examen des conditions d'entrée que de dire que tout pouvoir nécessite un contrôle de celui-ci.

La proposition simple qui est faite, c'est que le ministre de l'Intérieur permette aux organisations de défense des droits de l'homme d'avoir une présence permanente permettant l'accueil de ces INAD et le contrôle des motivations quant à l'entrée ou au refoulement de ceux-ci.

Une permission pour certaines organisations de droit de l'homme d'être présentes en permanence, de pouvoir entrer dans les centres de rétention mais aussi dans le centre INAD, de pouvoir avoir accès à la zone de transit de l'aéroport, permettrait une plus grande confiance vis-à-vis de l'administration et peut-être la démystification des inquiétudes que l'on peut avoir légitimement vu le caractère opaque de la procédure.

2. Les centres : Centre 127 et 127bis

Certains membres de la commission ont visité ces centres dont on a une telle fierté qu'on n'ose même pas les appeler par leur nom mais bien par des chiffres, 127 ou 127bis .

La question que l'on se pose lors de cette visite est de savoir en quoi ils diffèrent d'une simple prison, si ce n'est par leur dénomination. Il s'agit non de détention mais bien de rétention. Il ne faut jamais oublier que les personnes qui arrivent en Belgique et qui, de l'avion, sont immédiatement conduits au 127, sont souvent de véritables réfugiés, c'est-à-dire ceux qui ont fui sans avoir le temps de collationner les documents nécessaires dans leur pays par qui ils craignaient d'être persécutés.

C'est dire que pour eux, il est nécessaire que, si ces centres continuent à exister, la durée de séjour dans ceux-ci soit strictement limitée.

Pourquoi l'Office continue-t-il obstinément à refuser le séjour à ces Rwandais, ces Burundais, à ces enfants mineurs, dont on sait pourtant pertinemment bien qu'ils ne peuvent être expulsés vers leur pays d'origine ?

En 1993, à Ndjili, une grande pancarte prévenait ceux qui s'embarquaient pour la Belgique : « La Belgique n'est pas une terre d'asile. » Ce signal est le contraire d'une politique centrée sur l'homme.

16.1.3. Une arrivée qui est parfois synonyme de départ

Disposition législative visée : article 15/5 de la loi du 15 décembre 1980

Emmanuel Higiro ­ nationalité rwandaise. Arrivé en Belgique le 9 mars 1997 accompagné de sa fille Ariane, née le 10 juin 1993. Monsieur Higiro se déclare réfugié le 12 mars 1997.

Cinq mois plus tard, le ministère de l'Intérieur expulse M. Higiro vers l'Allemagne, pays dont il avait le visa. Le ministre de l'Intérieur savait pourtant qu'en Belgique, M. Higiro avait une fille, Julie, qui avait acquis, suite à un mariage, la nationalité belge. Il savait surtout que M. Higiro était porteur du virus HIV et atteint d'une affection pulmonaire amicobactérie qui nécessitait un traitement en milieu spécialisé presque universitaire. La seule volonté de M. Higiro était, vu son pronostic vital à très court terme, de permettre à sa petite fille de quatre ans d'être prise en charge par sa soeur. Cette demande, refusée par le ministre de l'Intérieur, dut finalement être acceptée suite à un recours en Conseil d'État en extrême urgence, Conseil d'État qui suspendit l'exécution de la décision de refus de séjour avec ordre de quitter le territoire notifiée en date du 10 septembre 1997.

L'application de la règle du pays de premier accueil doit, légalement, pouvoir connaître des exceptions, tout en partant du principe que la Belgique doit respecter une solidarité européenne et les traités internationaux qu'elle a ratifiés. Actuellement, la pratique du ministère de l'Intérieur est de renvoyer systématiquement les personnes vers le pays dont elles ont le visa. Quand on connaît les difficultés voire la quasi-impossibilité dans certains pays d'obtenir un visa Belge, n'est-ce pas là le début de la fin du droit d'asile ?

La proposition faite est qu'une réglementation intégrant la jurisprudence du Conseil d'État puisse, d'entrée du jeu, être respectée par le ministère de l'Intérieur.

16.1.4. La procédure d'asile en Belgique

Si le candidat réfugié parvient à passer l'ensemble de ces obstacles, il arrive enfin à la ligne de départ d'une procédure nouvelle de reconnaissance de la qualité de réfugié.

Premier constat, il s'agit d'une procédure de reconnaissance. C'est dire que l'ensemble de celle-ci tentera de démontrer ou informer que la personne qui s'est déclarée réfugiée à réellement une crainte fondée de persécution en cas de retour dans son pays d'origine.

La volonté clairement affichée tant du monde politique que des organisations de défense des droits de l'homme est, je vous l'ai dit, de réussir ce pari, de concevoir une procédure qui, à la fois, respecte les délais raisonnables d'examen de dossier et permet aux candidats réfugiés de présenter correctement sa défense.

La procédure actuelle ne permet pas de rencontrer ces deux exigences.

Cela tient notamment aux modifications législatives continuelles apportées à la loi du 15 décembre 1980. Chaque ministre qui avait le droit d'asile dans ses compétences a voulu marquer de son empreinte cette loi mais sans procéder à un véritable débat général et malheureusement sans souci de faire en sorte que les modifications législatives entrent dans une cohérence globale.

C'est cette cohérence que le CNAPD demande de restituer à la loi en réformant la procédure. Sans réforme de celle-ci, l'évaluation des conséquences de la loi dite Vande Lanotte ne pourrait être qu'un diagnostic qui ne serait pas accompagné d'une thérapie.

Il est souvent reproché aux candidats réfugiés et indirectement à leurs avocats de multiplier les recours. Ce reproche doit cependant d'abord être adressé à la loi.

De fait, lorsqu'un candidat réfugié se présente à l'Office des étrangers, il y a là une première interview. Dans près de 90 % des cas (96 % il y a peu), l'Office des étrangers va refuser le droit de séjour. Ce nombre impressionnant de refus dans le cadre d'un examen de recevabilité de la demande est bien sûr la cause première du nombre important de recours. Le pourcentage de recevabilité lors des auditions au commissariat général qui applique pourtant pourtant la même Convention, celle de Genève, démontre à suffisance que le ministère de l'Intérieur mêle des considérations de politique d'immigration aux seules considérations justifiables dans ce premier examen, celle de savoir si la personne qu'ils entendent craint avec raison d'être persécutée en cas de retour dans son pays.

En cas de refus par l'Office des étrangers, un recours urgent est introduit devant le commissariat général, recours suspensif où une audition sur les mêmes problèmes est organisée, demandant également que le candidat démontre les indices qui peuvent plaider en faveur d'une peur raisonnée du retour.

En cas d'avis négatif, le Conseil d'État peut être sollicité. En cas d'avis positif, c'est la longue attente d'une audition de fond. Cette audition de fond se passe de la même manière que celle de l'Office des étrangers, et que celle concernant la recevabilité au Commissariat général puisque, depuis la loi Tobback, il y eut une inversion de la charge de la preuve : ce n'est plus au Commissariat général ou à l'Office des étrangers de démontrer que la demande est manifestement non fondée, c'est au candidat réfugié de démontrer qu'il a été et risque d'être persécuté.

En cas de décision positive, le candidat réfugié est reconnu réfugié; en cas de décision négative, un nouveau recours lui est ouvert devant la Commission permanente de recours.

Celle-ci va procéder à la même interview, parfois plusieurs années après, va tenter également de déceler les indices apportés par le candidat. D'abord, souvent, comme c'est le cas actuellement en juge unique, et en cas de réponse positive du juge unique, devant une chambre à trois juges. En cas de réponse positive, le candidat réfugié deviendra réfugié; en cas de réponse négative, le Conseil d'État peut être saisi.

C'est dire que, par exemple, en cas de reconnaissance aujourd'hui d'un candidat réfugié congolais, celui-ci aura été interrogé au minimum à cinq reprises devant trois juridictions différentes mais qui, toutes, lui posent la même question, qui, toutes, appliquent la même convention, qui, toutes, doivent déceler les mêmes indices.

Mboyangawo, Kabongo, Mondele... et 57 autres familles ­ nationalité congolaise. Le 17 mai 1997, Kabila fait son entrée en Kinshasa. C'est la fin d'une dictature longue de 32 ans, celle du maréchal Mobutu. C'est l'espoir d'une avancée vers la démocratie. C'est aussi bien vite des inquiétudes : les organisations internationales de défense des droits de l'homme dénoncent arrestations arbitraires, confiscations de biens, troubles importants dans le Kivu. La Commission d'enquête de l'ONU n'en finit pas d'arriver et de repartir, n'ayant pas l'autorisation d'enquêter sur les réfugiés hutu fuyant les camps de la frontière rwandaise. À Kinshasa comme partout dans le pays, c'est la suppression des libertés publiques, de la liberté de manifester, de l'activité des partis politiques. La réalité s'impose à tous : il faudra laisser le temps au temps pour que, partant d'un état en pleine déliquescence et même s'ils ont la volonté de progresser vers la démocratie, la situation se clarifie et pour que chacun puisse bénéficier de la protection de ses autorités légitimes basée sur l'existence de pouvoirs distincts exécutifs, législatifs et judiciaires.

La prudence s'impose donc : c'est peut-être la seule certitude que l'on a par rapport à l'évolution du Congo et, pourtant, la Commission permanente, dès le lendemain de la prise du pouvoir par Kabila, convoque, ouvre ses tiroirs, ses placards et ses archives et fixe à juge unique plus de 600 dossiers ex-zaïrois.

S'éloignant de la jurisprudence habituelle et de la volonté du législateur qui a établi clairement que le passage devant un juge unique devait être réservé aux dossiers qui étaient soit irrecevables soit manifestement mal fondés, tous les Congolais sont auditionnés par un seul juge. La théorie qui prévaut est qu'il faut tenir compte de l'actualisation de la crainte, à savoir du changement du régime. Chacun passe devant ce juge qui peut refuser le statut mais qui ne peut pas l'accepter si ce n'est en renvoyant le dossier devant une chambre à trois juges et se voit soumis à cette question subsidiaire redoutable parce que la réponse pour eux, comme pour tous les observateurs, est impossible : qu'est-ce que, vous, personnellement, craignez du régime de Kabila ?

Un régime qu'ils ne connaissent pas, Kabila qu'ils ne connaissent pas puisque, pour la quasi totalité d'entre eux, c'est depuis quatre, cinq, six ans, qu'ils ont introduit une demande d'asile en Belgique.

Quelques-uns d'entre eux parviennent à démontrer qu'individuellement, ils ont une crainte raisonnable, raisonnée, de rentrer au pays. L'immense majorité rejoint le peloton des déboutés du droit d'asile. Commence pour eux cette angoissante attente : celle de la régularisation de leur séjour par l'Office des étrangers basée sur la longueur déraisonnable de la procédure et sur une intégration qui doit se faire tant au niveau économique, social que familial.

Les conséquences de cette démarche de la Commission permanente sont importantes au niveau du droit : était-ce bien la volonté du législateur de faire en sorte que l'exception devienne la règle et que le juge unique, dans la limite de ses compétences, puisse statuer. Imaginons les conséquences si le ministre de l'Intérieur réfusait les régularisations demandées. Les corps de police, les administrations communales, chacun de nous saurait que plus de 600 familles sont susceptibles d'avoir reçu l'ordre de quitter le territoire. Cela signifiera contrôle, pour appliquer simplement la loi, pour exécuter ces ordres : contrôle d'identité qui ne toucherait pas seulement la communauté zaïroise mais qui stigmatiserait toute la communauté d'Afrique centrale. L'ensemble des organisations de défense des droits de l'homme, nationales, internationales et congolaises se sont inquiétées de cette situation.

Cela démontre les dysfonctionnements d'une procédure qui, alors que la loi est modifiée tous les deux ans, continue à prendre un temps anormalement long. Cela démontre aussi la nécessité de fixer les critères de régularisation, et plaide la prévention de pareils dérapages et pour une réforme en profondeur de la procédure d'asile. Les personnes qui sont présentes sur le territoire depuis de longues années, dont les enfants sont nés et scolarisés ici, qui ont tenté d'avoir un travail leur permettant d'assurer une autonomie financière, qui ont établi un réseau d'amis et de connaissances en Belgique, n'ont-ils pas acquis un droit à la citoyenneté ?

Depuis des années, nous proposons une solution simple et de bon sens, que seule, probablement, la guerre des compétences peut ne pas faire admettre.

Ne serait-il pas plus simple d'imaginer une procédure à deux niveaux : recevabilité et fond se confondraient en première instance devant le Commissariat général, un recours serait ouvert de manière suspensive devant la Commission permanente de recours des réfugiés.

Il faut cependant que le ministre de l'Intérieur puisse avoir accès au dossier traité par le commissariat général lorsqu'il y a des indices qui peuvent établir que la personne peut porter atteinte à l'ordre public ou à la sécurité nationale.

De plus, il serait légitime que l'Office des étrangers puisse être présent en tant qu'auditeur auprès de la Commission permanente de recours. Cette présence qui est permise, mais facultative et exceptionnellement exercée par le ministre de l'Intérieur auprès de la Commission permettrait à celle-ci d'assumer un caractère plus juridictionnel en reprenant les trois acteurs nécessaires de toute juridiction, l'Auditorat ou le Parquet, la Défense et le Juge. Elle permettra également au ministre de l'Intérieur non seulement de faire appel par rapport à des décisions du commissariat général, mais aussi de s'exprimer lors des auditions.

Les trois acteurs (ministère de l'Intérieur, commissariat général et commission permanente) seraient présents dans cette nouvelle procédure mais elle seule permettrait de raccourcir les délais et, aux candidats réfugiés, de s'entourer des garanties juridictionnelles minimales nécessaires pour faire valoir leurs droits.

En termes budgétaires, nous ne pensons pas qu'une telle proposition puisse, au contraire, constituer un coût supplémentaire, vu que l'Office des étrangers pourra dégager l'ensemble des personnes qui interrogent quotidiennement les candidats réfugiés, vu aussi que la procédure étant plus courte, les nécessaires aides sociales qui supportent des réfugiés qui, vu leur statut administratif précaire, ne peuvent avoir accès à l'emploi, seraient diminuées de manière importante.

16.1.5. Régularisation

Il est impossible de réussir le pari lancé en début d'exposé sans envisager les conditions d'octroi d'une régularisation. La loi du 15 décembre 1980 avait ceci de particulier qu'au delà des différents statuts dans lesquels pouvaient se fondre les étrangers, il y avait une disposition, celle de l'article 9, alinéa 3, qui permettrait, pour des circonstances exceptionnelles, de régulariser la situation d'une personne qui n'était pas dans les conditions légales requises.

À l'origine, cette disposition avait été introduite principalement en faveur de ceux dont les postes diplomatiques belges, eu égard à la situation particulière du pays, ne pouvaient pas délivrer les documents adéquats.

La pratique de l'Office des étrangers a permis d'étendre le champ d'application de cette mesure faisant en sorte qu'aujourd'hui, cet article est invoqué pour obtenir au cas par cas une régularisation de fait.

Les critères d'application, soit un séjour de plus de quatre ans et une intégration sociale, économique et familiale laissent, par leur imprécision, grande attitude à l'administration et empêchent bien sûr toute possibilité de contrôle.

Il faut, à ce sujet, être clair par rapport aux pratiques de l'Office des étrangers. Il faut notamment avoir le courage de dire que cette latitude a permis un grand nombre de régularisations de séjour. Si l'opacité des structures administratives et du pouvoir décisionnel laissé à l'Office pose d'importants problèmes de contrôle démocratique, il faut cependant reconnaître à celles-ci le fait que, derrière un discours des plus dur, se cache une pratique qui s'éloigne parfois de la gestion de dossier pour tenter d'apercevoir derrière ceux-ci la réalité concrète de situation humaine.

Ces dernières années, on assiste cependant à un raidissement de la pratique administrative dû nous semble-t-il à une politique du ministère de l'Intérieur qui, contrairement au discours affiché, pèse de plus en plus sur les décisions individuelles. La volonté clairement exprimée par le ministère Vande Lanotte de centrer sa politique d'immigration sur une expulsion de 18 000 personnes par an, l'ensemble des mesures prises à l'encontre des demandeurs d'asile, l'enfermement de manière illimitée, le délit de solidarité, sont autant de signaux donnés bien sûr à l'opinion publique mais perçus de prime abord par l'administration du ministère de l'Intérieur.

C'est en raison du durcissement de cette politique qu'il est, aujourd'hui, nécessaire de définir plus avant les critères de régularisation.

Un exemple d'une régularisation nécessaire impliquant la pathologie d'un enfant mineur.

Ali ­ nationalité bulgare. Arrivé en Belgique en août 1993, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides lui remit une décision confirmant le refus de séjour en date du 24 janvier 1994.

De manière exceptionnelle cependant, le CGRA considérait qu'il n'était pas souhaitable que l'intéressé soit reconduit à la frontière du pays qu'il a fui tant que l'intervention chirurgicale demandée auprès du ministre de la Santé publique n'avait pas eu lieu pour l'enfant mineur du requérant, âgée actuellement de neuf ans. Le CGRA ajoutait, dans le corps même de la motivation, que, de source informelle, il avait appris que le ministre de l'Intérieur avait donné son accord à une telle mesure humanitaire.

H souffre en réalité d'une maladie hématologique grave ayant nécessité une greffe de moelle osseuse comme l'ont attesté des documents médicaux en provenance de médecins spécialistes. L'ensemble de ces médecins considéraient que la poursuite du traitement médicamenteux nécessaire pour la bonne évolution de la greffe ainsi que le suivi régulier hématologique nécessitait une prolongation de séjour de cette famille en Belgique. Ils précisaient également qu'un tel suivi ne pouvait être assuré en Bulgarie.

Suite à une demande de régularisation sur cette base médicale, l'Office des étrangers a désigné la sprl De Block aux fins d'examiner la petite H. Suite à cet examen par le médecin désigné par l'administration, le ministre de l'Intérieur considérait que selon l'examen approfondi de la situation médicale de l'enfant par ce médecin, il apparaît qu'il n'y a plus de traitement ni de soins spécifiques en cours depuis dix-huit mois mais uniquement une surveillance trois fois par an, ce qui ne justifierait plus une présence continue dans le Royaume.

Si la détresse des parents n'était telle et si la vie d'une petite fille n'était en jeu, cette décision ubuesque du médecin désigné par le ministre de l'Intérieur prêterait à sourire.

Il n'est nullement mis en cause que, trois fois par an, il est nécessaire, dans le cadre du contrôle hématologique sévère consécutif à la greffe osseuse dont fut l'objet la petite H, d'hospitaliser cette dernière dans des conditions que seule la Belgique peut offrir. Il est tout aussi évident qu'un retour en Bulgarie serait définitif et signifierait, à bref délai, une menace pour la santé et la vie de cette petite fille. Peut-on ne fût-ce qu'un instant imaginer la détresse et l'angoisse des parents qui sont toujours aujourd'hui sous le coup d'un ordre d'expulsion avec toutes les conséquences qu'ils savent signifier pour leur petite fille.

Il n'est peut-être pas inutile de préciser à ce sujet que les garanties d'intégration sociale, familiale et même économiques (le papa d'H pouvant trouver un emploi) sont réunies.

Peut-être est-il aussi nécessaire de préciser qu'un parlementaire agissant non en tant que parlementaire mais en bien en tant que bourgmestre et représentant de sa communauté a, à de nombreuses reprises, plaidé pour cette régularisation de séjour sur base de l'intégration de personnes qui le considèrent comme citoyen à part entière de sa commune. Plaidoyer qui reçut de la part du ministre de l'Intérieur une simple fin de non recevoir. Trisomique, sidéen, leucémique, quelle que soit la pathologie dont souffre les personnes, il semble que le meilleur conseil que l'on puisse leur donner est de se présenter chez le médecin de l'administration : tous en ressortent en bonne santé.

Nous voyons quotidiennement le sourire de ces enfants, inconscients de la procédure, mais confiants dans ce pays qui les a accueillis : aidez-nous au moins à répondre à cette confiance.

Un second élément qui plaide en faveur de cette régularisation est le fait que celle-ci est le passage obligé pour permettre à toute nouvelle procédure voire à la procédure actuelle concernant les nouveaux arrivés de respecter la volonté politique de restreindre les délais d'examen de la reconnaissance du statut de réfugié tout en garantissant les droits de la défense. Il est clair que si le problème de régularisation se pose, c'est principalement eu égard à l'incapacité dans laquelle se trouvent l'ensemble des administrations dont dépendent les étrangers, de statuer dans un délai raisonnable sur leur séjour.

Là aussi, l'urgence s'impose. Seule cette procédure permettrait de désengorger tant l'Office des étrangers que le Commissariat général pour les réfugiés et apatrides ou la Commission permanente pour les réfugiés, ainsi que la Commission consultative pour les étrangers.

Une telle régularisation représente bien sûr un coût, mais il est nécessaire de mettre ce coût en rapport avec l'économie de moyens qu'une telle régularisation pourrait générer ainsi que l'ensemble des conséquences positives qui en découleraient.

Un troisième élément enfin est à prendre en considération, mais il est pour nous essentiel. La régularisation actuelle du séjour au cas par cas est principalement motivée par le fait que l'administration n'a pas été en mesure de traiter, dans un délai raisonnable, notamment la demande de reconnaissance du statut de réfugié. N'est-il pas évident qu'après trois ans de séjour ininterrompu en Belgique, et ce de manière légale, les demandeurs d'asile y ont acquis droit de citoyenneté. Arrêtons de croire que l'ensemble de l'opinion publique ne comprendrait pas que quelqu'un qui est leur voisin depuis quatre ou cinq ans, dont les enfants vont à l'école avec leurs enfants, qui est devenu leur collègue de travail, qu'ils connaissent amicalement, ne puisse rester sur le territoire. Divers mouvements de solidarité, et le ministre de l'Intérieur le sait parfaitement, se font jour chaque jour pour témoigner de l'intégration, de la bonne conduite, du fait qu'ils ont envie de dire au ministère que ces personnes ont acquis droit de cité dans leur commune. La régularisation ferait en sorte qu'il ne s'agisse pas d'une grâce que l'on demande mais bien d'un droit que l'on reconnaît. Les propositions faites devant votre commission par le Centre pour l'égalité des chances peuvent, à l'évidence, servir de fondement à une procédure de régularisation et initier un débat à ce sujet.

En ce qui concerne les propositions de critères et l'établissement d'une procédure pour les régularisations pour motif humanitaire tel que défini par le Centre pour l'égalité des chances, nous pensons qu'il n'est pas nécessaire de créer une nouvelle Commission. Il est à cet égard utile de rappeller que la Commission consultative pour les étrangers, présidée par un magistrat et composée également d'un avocat et d'un membre d'une ONG choisie par la personne aurait les garanties d'indépendance et de compétence nécessaires. Elle aurait en outre l'avantage d'impliquer le ministre de l'Intérieur présent à chaque audience et assumant le secrétariat de la Commission.

Qu'est-ce qui est légitime dans une démocratie qui se veut citoyenne, dans une législation qui se veut protectrice et garante des droits individuels et des libertés publiques, si l'administration qui se veut service public applique ces lois, et déploye des pratiques administratives où l'intolérable, si 'on n'y prend garde, risque de devenir la banale règle du jeu.

Enfin, cette régularisation permettra de rapprocher droit et réalité.

À titre d'exemple :

N ­ nationalité algérienne. Monsieur N est en Belgique depuis plusieurs années. Il est ce que l'on appelle un sans-papiers. Lorsqu'il vient à la consultation, il est accompagné d'une dame belge, infirmière, qu'il voudrait épouser.

Depuis plus d'un an, il vit avec celle-ci ainsi qu'avec ses trois enfants, Pierre, Flore et Robert. Leur seul but est de fonder une nouvelle famille.

L'orateur lui donne ce conseil de sortir de sa clandestinité, parce qu'il croit que c'est le rôle de l'avocat. Aujourd'hui, du fond de sa prison de Bruges, il le lui reproche. Il s'en fait reproche.

Il examine d'abord la possibilité pour la future épouse de se marier en Algérie. De nombreux contacts furent pris avec la famille de monsieur N. Cependant, la situation en Algérie ne plaide guère pour un retour. La situation particulière est que les parents de monsieur N indiquent à de nombreuses reprises, qu'ils avaient fort peur, non seulement pour leur fils, mais également pour leur future belle-fille, européenne, dont ils ne pouvaient, en aucun cas, garantir la sécurité en cas de mariage. L'on sait que les européennes, et principalement celles qui veulent contracter mariage avec un Algérien, sont la cible d'attentats sanglants. Les rapports d'organisations internationales le démontrent à suffisance.

Vu l'impossibilité pour monsieur N de lever une autorisation de séjour basée sur le regroupement familial au poste diplomatique belge d'Alger, nous tentons dès lors de trouver une autre solution où le droit serait conforme à la réalité.

Madame D prend elle-même contact avec l'administration communale d'Ixelles en leur expliquant de manière claire sa situation et celle de son concubin. Elle a des contacts réguliers au niveau de l'administration mais aussi l'échevin, enfin auprès de monsieur le bourgmestre. Elle les voit à de nombreuses reprises; une enquête d'intégration est menée, et l'on croit alors que l'ensemble des documents sont réunis. Jusqu'au moment où, le 22 septembre 1997, à 7 h 30 du matin, des policiers se présentent au domicile de madame D et demandent à monsieur N de les suivre, en précisant bien qu'il ne s'agit nullement d'une arrestation mais uniquement d'une démarche administrative effectuée à la demande du Service Population. La suite des événements, vous l'imaginez : monsieur N est arrêté et transféré à Merksplas où il est toujours incarcéré. Il paie aujourd'hui de sa liberté le fait d'avoir suivi les conseils de ceux qui pensent que le ministère de l'Intérieur peut répondre, après des enquêtes et après s'être entouré des garanties nécessaires pour s'assurer de la véracité des liens unissant deux personnes, par la confiance qui lui est faite en exposant clairement une situation humaine.

L'on s'imagine le désespoir de madame D qui est même allée à la prison de Merksplas, pour rédiger le contrat de mariage et envisagerait même, si faire se pouvait, de se marier en prison.

Cela ne donne-t-il pas raison à ceux qui disent qu'il vaut mieux vivre dans la clandestinité plutôt que de tenter de faire en sorte de rapprocher le droit et les réalités humaines.

16.1.6. L'Aide aux personnes illégales

1. Les demandeurs d'asile déboutés dont le recours est pendant au Conseil d'État

Disposition visée : article 57 § 2 de la loi du 8 juillet 1976

Gholzon R ­ nationalité iranienne. Arrivé en 1993, militaire de carrière, Monsieur R connaît, lors du changement de régime iranien, les vexations, intimidations, persécutions. Cible toute désignée du régime des ayatollahs, Monsieur R parvient à mettre progressivement sa famille en sécurité en l'envoyant en Belgique. Chacun de ses enfants est reconnu réfugié. En 1993, le régime iranien découvre que sa femme est juive : la persécution se précise, sa vie et sa liberté ainsi que celle de son épouse sont en danger. Il décide dès lors de quitter l'Iran pour rejoindre sa famille en Belgique.

Suite à un premier refus du ministère de l'Intérieur, le Commissariat général, en recevabilité, considère que sa demande est manifestement non fondée et lui délivre un ordre de quitter le territoire dans les cinq jours.

Un recours en Conseil d'État est introduit à l'encontre d'une décision dont la motivation heurte à l'évidence des principes les plus élémentaux de motivation formelle des actes administratifs mais aussi du principe d'unité de famille contenu dans l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Date d'introduction du recours en Conseil d'État : le 8 mai 1995. À ce jour, le recours est toujours pendant.

Le jeune fils de Monsieur R. dont la procédure est pendante devant la Commission permanente de recours des réfugiés est, lui, reconnu. Motivation de la Commission : « La Commission a recueilli essentiellement le témoignage du père du requérant, sa mère étant de toute évidence gravement affectée nerveusement et n'ayant pas été capable de s'exprimer. Ce témoignage s'est révélé d'une grande précision et très cohérent. La vraisemblance des événements relatés ne semble pas devoir être mise en doute. La Commission dégage la conviction que l'ensemble de la famille a fait l'objet, au fil des ans, suite de mesures répressives de gravité inégale qui ont amené les parents à progressivement mettre leurs enfants à l'abri avant de se résoudre, eux-mêmes, à l'exil. »

Cette décision montre à l'évidence que le recours en Conseil d'État était fondé et que la décision du Commissariat général risquait, si elle était appliquée, de mettre gravement en péril la vie et la liberté d'un homme. Depuis deux ans et demi, devant les tribunaux du travail, la Cour du travail, par des questions préjudicielles à la Cour d'arbitrage, l'orateur essaye vainement de permettre à Monsieur et Madame R. de vivre simplement de manière conforme à la dignité humaine. Vainement, car la nouvelle législation empêche toute aide du CPAS lors de l'introduction d'un recours en Conseil d'État.

Par arrêt de la Cour d'arbitrage du 14 juillet 1994, celle-ci imposait au législateur de permettre un recours effectif contre une décision du commissariat général. Peut-on parler d'un recours effectif et efficace alors que, durant toute la durée d'introduction du recours, et même lorsque celui-ci paraît manifestement fondé, des personnes ne peuvent disposer d'aucun moyen de subsistance, n'ayant même pas le droit de chercher un travail.

2. Le « délit de solidarité »

Disposition visée : article 77 de la loi du 15 décembre 1980

Mme Ignès V ­ nationalité belge ­ fut condamnée par le tribunal correctionnel de Bruges en application de ce qui fut appelé le délit de solidarité. Elle avait hébergé, plus simplement, elle était amoureuse d'une personne, dont le seul défaut était de ne pas avoir de documents administratifs. Elle fut condamnée parce qu'elle avait omis de procéder à un contrôle d'identité d'une personne qu'elle aimait, parce qu'elle ne savait pas.

L'article 77 de la loi du 15 décembre 1980 établit les peines pour des personnes qui se rendent coupables d'avoir aidé une personne à entrer ou à séjourner de manière illégale sur le territoire de la Belgique ou d'un État partie à la convention de Schengen. Cette disposition précise que l'infraction ainsi définie ne concerne pas l'aide ou l'assistance offerte à l'étranger pour des raisons purement humanitaires.

Dans le cas d'Ignès V, s'il est vrai que la Cour d'appel a réformé la décision du tribunal correctionnel de Bruges en interprétant les termes purement humanitaires de manière plus large comme couvrant également l'aide fournie dans le cadre d'une relation d'amitié ou amoureuse entre deux personnes, il n'en n'est pas moins vrai que cette disposition n'a pas sa place dans une législation concernant le droit d'asile.

Elle fait partie par excellence de cette politique du signal prônée par le ministre de l'Intérieur. Quotidiennement, les avocats, dont on peut s'interroger s'ils ne tombent pas sous la coupe de la loi et ne pourraient pas encourir des peines d'emprisonnement de peines ou d'amendes, sont contactées par des personnes s'interrogeant sur les cas suivants :

­ J'ai un locataire dont je ne suis pas sûr qu'il possède les documents nécessaires pour résider en Belgique, qui a introduit un recours en Conseil d'État qui n'est pas suspensif, pourrais-je être condamné ?

­ Je fais partie d'une association qui aide les illégaux, aide purement humanitaire mais qui comporte également hébergement éventuel, dons, prêts, qui lui permettent d'attendre que le recours basé sur le recours 9 alinéa 3, qui n'est pas suspensif, puisse éventuellement aboutir. Pourrais-je être condamné ?

­ J'ai signé une pétition demandant que la Belgique ouvre plus largement ses frontières, j'ai initié des débats, j'ai dit être prêt à engager un clandestin et ai introduit une demande de permis de travail, sachant pertinemment qu'il n'était pas en règle de documents administratifs. Pourrais-je être condamné ?

Ces différentes interrogations prouvent que cette disposition crée un malaise. S'il est justifié de poursuivre les personnes qui profitent de la fragilité administrative de certains pour s'enrichir, les dispositions du Code pénal peuvent être appliquées, sans que l'on doive substituer à des relations de confiance et d'amitié une crainte de faire l'objet de poursuites ou de sanctions.

Nous pensons que cette disposition n'est pas amendable mais doit être supprimée de la loi.

16.1.7. La détention administrative

Mohammed H. ­ de nationalité algérienne ­ vient en Belgique pour fuir les horreurs d'une guerre civile qui se déclarait. Intellectuel, professeur d'université, il a le défaut d'oser dire librement, publiquement, que la démocratie repose sur un nécessaire dialogue. Il commet l'erreur de n'être ni d'un camp ni de l'autre mais uniquement de celui qui, loin de tout pouvoir, choisit la liberté d'expression. Demandeur d'asile, il n'a pas su préparer sa fuite. Il ne savait pas que, dès son entrée sur le territoire, ce serait à lui de démontrer, d'apporter les preuves qu'il était persécuté dans son pays. Refusé à l'Office des étrangers, refusé en recevabilité auprès du commissariat général il est, lui, ce père de quatre enfants, arrêté et incarcéré. Il restera, bien avant l'application de cette loi dont vous faites l'évaluation, près de neuf mois en prison. La détention administrative d'une durée maximale de deux mois, il la connaît, lui qui, tous les deux mois, avait l'avantage de quitter sa cellule de Saint-Gilles pour être emmené à Zaventem. Une détention plus longue que pour ceux qui auraient commis un vol à l'aide de violence, lui dont la seule violence a été de prendre la plume pour lutter contre un pouvoir qui se faisait totalitaire. Neuf mois de détention sans contact avec sa famille puisque celle-ci n'avait pas le droit d'aller le voir en prison, étant elle-même démunie de papiers d'identité. Après neuf mois, la détresse de la famille devient telle que la solidarité s'organise, le directeur d'école, le curé de la ville, le président de l'association des habitants alerte la presse. Neuf mois de détention pour une personne dont on sait qu'il n'est pas possible de l'expulser, n'est-ce pas franchir le seuil de l'intolérable ?

Le ministre de l'Intérieur se fait gardien de la loi : pas d'exception, le dossier est classé.

Mais à l'Office des étrangers, au-delà des directives et des circulaires, il y a aussi des hommes qui, eux, ont leur déontologie.

Mohammed H. sera libéré après avoir introduit une seconde demande d'asile qui, aujourd'hui, est toujours en cours devant le commissariat général, ce qui démontre à l'évidence que la première n'était pas si mal fondée qu'on ne l'a dit. Avant sa libération, après une grève de la faim de dix jours, dernier sinistre aléa : les gendarmes ayant reçu la décision de l'Office de ne pas l'expulser, le conduisent sur le tarmac de l'aéroport, lui montrant un avion : c'est lui qui, dans dix minutes, te reconduira en Algérie. Tentative de suicide, retour au CNC de Saint-Gilles. Pas d'explication, pas d'excuse, pas de sanction !

Il est faux de prétendre que la prolongation de la durée de la détention préventive n'a aucune conséquence.

Si tel est le cas, si le ministre de l'Intérieur peut donner la preuve qu'il n'a pas besoin de plus de deux mois pour mener à bien le rapatriement des personnes, à quoi sert donc une détention si longue ?

Est-il acceptable que l'on prévoie un terme de huit mois de détention administrative pour des personnes qui n'ont commis aucun délit, ni ici ni ailleurs, huit mois correspondant à une condamnation pour cause de violence ?

Cette décision a pour principale conséquence pratique d'enlever concrètement au pouvoir judiciaire tout pouvoir de contrôle, lui qui ne peut contrôler que si le mécanisme de l'expulsion est déjà en cours, et si l'éloignement est toujours théoriquement possible.

Il s'agit de la liberté des personnes. Il est nécessaire, dans ce cadre, de rendre au pouvoir judiciaire la compétence de contrôler la détention en ajoutant dans le corps même de la loi qu'une détention ne peut être justifiée, comme l'a redit le Conseil d'État, que dans le temps strictement nécessaire à l'expulsion.

Nous constatons que les débordements du ministre de l'Intérieur quant à la durée de la détention se font principalement par rapport à des personnes qui seront libérées après de longues périodes d'emprisonnement parce qu'il y a une impossibilité manifeste de les reconduire dans leur pays. Ce sont le cas des Algériens, ce sont le cas des Sierra-Léonais ou des Libériens. C'est d'autant plus inacceptable que l'on sait, au moment de l'incarcération, que cette personne, même si elle le désirait, ne pourrait être rapatriée dans son pays d'origine.

16.1.8. Statut B

Marc Gilbert, de nationalité libérienne. M. Marc Gilbert a introduit une demande d'asile refusée en première instance par l'Office des étrangers. Il est en appel suite à un recours urgent introduit auprès du commissariat général pour les réfugiés et apatrides. Nul ne prétendait que M. Gilbert ne pouvait bénéficier de la protection de ses autorités légitimes mais le Libéria est considéré comme étant le théâtre d'une guerre civile, guerre civile qui échappe au champ d'application de la Convention de Genève.

Il n'est pas possible pour celui-ci de prouver que personnellement, individuellement, il est persécuté par un régime, par un État qui n'existe plus.

Le paradoxe est dès lors qu'il est refusé, comme d'autres Libériens, Sierra-Léonais, aujourd'hui Algériens, mais que chacun sait qu'il n'est pas possible pour lui de rentrer dans son pays.

Chacun le sait et le Commissariat général aux réfugiés et apatrides l'indique de manière explicite en disant que, vu les circonstances actuelles, il est d'avis que l'on ne peut reconduire l'intéressé aux frontières du pays qu'il a fui.

Paradoxe de quelqu'un qui ne peut ni vivre en Belgique ni vivre ailleurs. Paradoxe synonyme de mort civile : aucune possibilité d'aide sociale, de soins médicaux, d'obtention de travail.

Clandestinité voulue et organisée dont le ministre de l'Intérieur lui-même fait aveu lorsqu'après avoir incarcéré, de temps à autre, ces personnes, il les relâche avec un ordre de quitter le territoire de cinq jours, ordre qu'il sait, en le donnant, qu'il ne peut, malgré la volonté de la personne, l'exécuter.

N'est-il pas paradoxal que l'État lui-même organise cette clandestinité dont ne veulent pas les intéressés ? Une question : pourquoi un statut provisoire pour les Bosniaques et pas pour les Libériens ou les Sierra-Léonais ? La souffrance serait-elle différente, qu'elle vienne de l'Est ou du Sud ?

Ce sont quelques pistes qui permettront, nous le croyons, de recentrer la procédure d'asile, de permettre à la Belgique de respecter véritablement les conventions internationales qu'elle a ratifiées, qui nous permettront non d'accueillir toute la misère du monde mais de redonner un peu de dignité à ceux qui viennent frapper à notre porte, qui permettront aussi à ceux qui pensent qu'une démocratie doit se conjuguer avec solidarité et citoyenneté, de redevenir ainsi un peu plus optimistes.

La commission peut être assurée que, si l'on parle peut-être peu de ses travaux, les premiers intéressés, les candidats réfugiés, ceux qui sont dans l'attente d'une régularisation, attendent avec une immense confiance qu'à leur tour, elle leur fasse confiance.

Ils ne sont pas seuls dans cette attente : quotidiennement, les avocats se présentent avec des centaines de signatures, de pétitions, de témoignages auprès du ministre de l'Intérieur pour lui dire que le meilleur remède à l'insomnie, pour un ministre, c'est peut-être encore de faire correspondre les impératifs de gestion du bien commun à ceux d'une justice solidaire.

16.2. Échange de vues

Un membre s'inquiète à propos du rôle limité qui est réservé à la chambre du conseil. Le simple contrôle de la légalité de la décision ne résout manifestement rien. L'intervenant pense-t-il qu'un contrôle de l'opportunité est préférable ? Ou voit-il une autre solution ?

Un autre membre se demande si maître Lurquin peut donner en outre un aperçu de la jurisprudence qui s'est développée depuis l'application de la nouvelle loi.

M. Lurquin explique qu'il ne dispose pas, à ce jour, d'une analyse systématique de la jurisprudence.

Il décèle toutefois un problème de la justice, en ce sens que les magistrats ont une méconnaissance du droit très spécialisé des étrangers. Ceci mène à certaines occasions à la naissance de l'amalgame entre détention préventive et administrative par le fait que ce sont les mêmes juges qui les confirment. En pratique ce sont en effet le président de la chambre du conseil et le procureur du Roi qui traitent ces affaires.

L'ancienne loi permettait des régularisations lors d'un recoupement entre une peine et une détention; maintenant, les peines sont d'abord purgées, et le délai de détention administrative est suspendu entre-temps.

Le principe est en plus qu'il ne faut détenir les étrangers que le temps nécessaire à l'expulsion. Il se fait que pour les gens provenant du Sierra Leone ou du Nigeria, par exemple, l'expulsion n'est possible qu'en théorie. En pratique elle ne l'est pas. Cela ne justifie pas qu'on maintient ces gens en détention.

Certains Algériens restent longtemps en prison sans jamais pouvoir être expulsés. Pourquoi les arrête-t-on alors ?

La chambre du conseil devrait selon lui refuser la prolongation dans des cas aussi manifestes de détournement des buts de la loi.

Pour en avoir le coeur net, il faudrait interroger les magistrats concernés afin de savoir comment ils conçoivent l'application de cette loi.

En plus, il faudrait de toute façon réactualiser le principe qu'il ne faut détenir un étranger que pendant le temps strictement nécessaire à son expulsion.

Le ministre souhaite apporter quelques précisions.

Il souligne qu'il n'a nullement décidé de ne plus expulser les Algériens. Il a simplement décidé de s'occuper lui-même des dossiers concernés. Lorsqu'il y aura lieu, comme à la suite de l'arrestation récente, à Molenbeek, à la suite d'une razzia effectuée à la requête de la justice française, de soupçonner certaines personnes d'entretenir des liens avec le FIS, le ministre vérifiera personnellement s'il convient ou non de les expulser.

Par ailleurs, ces personnes ne seront détenues effectivement que tant qui ce sera nécessaire à leur expulsion. Cela répondra au critère que M. Lurquin préconise de retenir.

Dans bien des cas, le délai de deux mois n'est pas prorogé et les intéressés sont libérés immédiatement.

Il ne faut toutefois pas perdre de vue que, dans certains dossiers, il y a toutes sortes d'éléments qui aggravent le cas des intéressés et que le monde extérieur ne peut pas percevoir.

Un membre demande combien d'Algériens ont été réellement renvoyés cette année.

Le ministre déclare qu'il y en a treize, selon ses informations récentes, et qu'il s'agissait là pour la plupart des cas de gens constituant un danger pour l'ordre public.

Le membre demande si l'on exécute les expulsions en cas de clause de non-reconduite de la part du CGRA.

M. Lurquin indique que l'avis du commissaire général n'est pas souvent pris en compte. Dans les cas où il l'est, il y a une régularisation provisoire. Mais ces gens ne disposent pas, pour autant, réellement d'un titre de séjour.

Il n'est pas sain de créer ainsi des personnes sans papiers, par le fait que leur régularisation n'est que provisoire. Après le délai fixé, ils sont dans l'illégalité. Il reste également tous ceux qui n'ont pas eu de régularisation du tout.

Le ministre fait remarquer que ces derniers sont dans cette impasse parce qu'ils sont de mauvaise foi. Dans la circulaire projetée, il est prévu d'alléger le fardeau de la preuve pour ceux qui ont bénéficié d'une clause de non-reconduite, pour obtenir leur régularisation.

Dans certains cas, et surtout lorsqu'il y a un manque total de collaboration, le ministre est impitoyable. C'est le cas de ceux qui refusent de parler avec leurs propres autorités (ambassade, consulat), voire même qui cachent leur passeport.

Mis à part ces cas, le ministre suit généralement l'avis du CGRA.

Un membre dit avoir une objection de principe d'ordre éthique contre la technique qui consiste à abuser, dans une procédure, du fait qu'une personne donnée a un statut défavorable.

Se servir du vide juridique dans lequel se trouve un réfugié pour excercer sur lui des pressions est une méthode qui n'est plus défendable.

Un autre membre est également d'avis que le transfert au centre de Zaventem est de toute évidence utilisé comme un moyen de pression, avec des cycles de deux en deux mois.

M. Lurquin le confirme et cite le cas d'un de ses clients qui avait été libéré en vertu d'une décision de la chambre du conseil du 14 juin 1995. Depuis lors, il a été ramené tous les deux mois au centre de Zaventem, jusqu'en décembre 1996.

Actuellement, et depuis la nouvelle loi, la situation s'est empirée, puisqu'on peut laisser des cas pareils en prison.

Souvent, les détentions se passent à Saint-Gilles, c'est-à-dire en prison.

Le ministre contredit cela, en prétendant qu'en principe, le régime pénitentiaire est réservé aux étrangers qui sont condamnés pour des délits ou qui constituent un danger pour l'ordre public.

M. Lurquin persiste à nier que ce traitement n'est réservé qu'à ces deux catégories de personnes.

Le membre demande quelle est la différence pratique entre le régime de détention et celui de prison.

M. Lurquin répond que le régime de détention administrative est à maints égards plus dur que la détention en prison.

Cela est dû aux circonstances suivantes :

­ il n'y a pas de fin prévue à cette détention;

­ il n'y a pas de contact avec l'extérieur;

­ il n'y a pas d'avertissement de la date d'expulsion, ce qui fait que ces gens vivent dans une crainte continuelle.

Le membre demande quel est le sort réservé aux familles dans les centres de détention.

M. Lurquin déclare que, dans la plupart des cas, on prend le mari en otage et on laisse les autres membres de la famille dehors.

Le membre demande si, à son avis, la durée de détention a évolué.

M. Lurquin prétend que deux mois suffisent pour savoir si quelqu'un est « expulsable ». Les autres restent cloisonnés dans de longues procédures.

Il cite l'exemple d'une Libérienne, hébergée dans un centre de la Croix-Rouge, revenue six fois après autant de tentatives successives de rapatriement forcé vers d'autres pays que son pays d'origine. Cette pratique est au demeurant absolument illégale.

Le ministre souhaite revenir sur les différences qui existent entre une prison et un centre fermé.

1. Une personne peut toujours quitter un centre pour n'importe quelle destination, sauf pour la Belgique. Lorsque l'intéressé coopère, tout se déroule très rapidement.

2. Les centres sont soumis à un régime collectif dans lequel les déplacements sont autorisés. L'on n'oblige donc pas les gens à rester dans une cellule, si bien que l'on satisfait à l'un des critères dont le CPT (Comité pour la prévention de la torture) surveille le respect. À la suite de sa visite, le CPT rendra un avis positif sur les centres belges en ce qui concerne le respect de ce critère.

3. Les familles ne sont pas séparées, sauf exception, et lorsqu'elles le sont c'est pour quelques heures seulement. Il y a d'ailleurs bel et bien des familles dans le centre 127bis (demandeurs d'asile Schengen et auteurs de demandes d'asile multiples).

Un membre dit connaître des cas dans lesquels l'on a mis des enfants en détention pour une longue période.

Un autre membre demande ce qui se passe avec eux quand ils sont relâchés.

M. Lurquin explique qu'à leur sortie, les expulsables vivent isolés jusqu'à ce qu'ils se font rattraper à n'importe quelle occasion, et se voient réinternés. Entre-temps ils survivent grâce à des paquets humanitaires.

Donner un ordre de quitter le territoire dans les cinq jours n'est de toute façon pas réaliste. Il faut se féliciter du civisme des réfugiés, en constatant que, malgré leur grande détresse, ils ne basculent pas dans la délinquance.

À terme, rien ne garantit qu'ils ne le feront pas, et l'on crée ainsi une situation explosive.

Le ministre souligne que l'on a bel et bien pris des mesures humanitaires.

Le membre voit dans tout cela une certaine opacité. Ne serait-il pas indiqué de formuler des critères ?

M. Lurquin n'a jamais insisté sur la nécessité de critères. On préfère compter sur l'humanité de certains fonctionnaires.

Le ministre compte introduire des critères, mais ce sera toujours dans un sens plus restrictif.

Le ministre confirme que si les critères proprement dits sont stricts, il y a toujours lieu de tenir compte des éléments qui correspondent à la notion de « circonstances exceptionnelles ». Le ministre souhaite objectiver quelque peu ce point.

17. Audition de la « Zaïroise et ses Soeurs », et de la communauté congolaise « Les Sans Papiers »

17.1. Exposés de Mme Yvette Makilutila et M. Henri Mpia, représentants de la « Zaïroise et ses Soeurs »

Mme Makilutila rappelle que cette série d'auditions vient à point, d'autant plus que 1997 a été consacré année contre le racisme.

Elle rappelle qu'à son entrée à l'aéroport, l'étranger peut rencontrer 3 sortes de cas, selon l'humeur de l'officier qui contrôle :

1. Le visa est vérifié et cacheté;

2. En cas de preuve de moyens de subsistance insuffisante, on est renvoyé;

3. Si l'on a un faux visa, on est interdit d'entrée mais se pose alors le problème de savoir s'il s'agit d'un faux réfugié s'il demande asile.

Le quatrième cas d'espèce est la fuite vers l'extérieur, où l'on passe dans l'illégalité.

Dès le passage au poste de contrôle, les demandeurs d'asile passent au Centre 127, et, en cas de refus d'asile, au Centre 127bis.

C'est dans ce dernier centre que les gens ont peur, ce qui provoque les tentatives de fuite avec comme conséquence un renvoi à Merksplas.

Il y a ensuite les expulsions de pères séparés de leur famille, pendant que les femmes sont internées à Forest. Il y a même des cas d'espèce où l'on reçoit les enfants tandis qu'on expulse les parents.

Parfois le demandeur d'asile est rappelé à l'aéroport, par exemple si on découvre un visa faux. Cela provoque des tentatives de suicide ou des crises cardiaques.

Face à ces situations de détresse, la Zaïroise demande un pouvoir de représentation vis-à-vis de ses compatriotes.

On a parlé de la délinquance des enfants. La seule réaction possible est qu'il faut respecter les enfants et ne pas les rejeter dans l'illégalité.

Les déboutés ne bénéficient pas de l'aide du CPAS, d'où des problèmes de santé, surtout parce qu'ils ne bénéficient pas de l'assurance-maladie.

Les Africains, qui ont accueilli jadis les colonisateurs blancs, et qui sont accueillants de par leur nature, sont fortement surpris de voir ce comportement à leur égard quand ils se rendent en Belgique.

Dans le centre des illégaux, les gens sont excités lorsqu'il y a des expulsions. On y vit une ambiance comme dans les « couloirs de la mort ».

En ce qui concerne les réfugiés, seuls 2 % sont reconnus comme tels. Cela tient en partie au fait que les avocats coûtent cher. Bien souvent, les associations comme la Zaïroise sont le seul recours.

La distinction opérée entre réfugié politique et économique est souvent factice, puisque les deux qualités se recoupent bien souvent.

Les mariages en blanc sont bien entendus devenus la présomption et les futurs époux doivent prouver leur amour.

Les lois sur les étrangers sont élaborées sans que l'on se soucie des principaux intéressés, c'est-à-dire les étrangers eux-mêmes.

Il faut savoir qu'il y a en Belgique actuellement des illégaux qui résident ici depuis trente ans.

La Zaïroise défend les droits de ceux-ci, mais également les droits de l'homme en général, même en faveur des Belges. C'est ainsi qu'elle a manifesté sa solidarité avec les ouvriers de Renault-Vilvorde et qu'elle a participé à la marche d'Amsterdam.

La tolérance est une construction politique, dont le versant est la charité.

Le respect mutuel en est la base.

M. Henri Mpia expose les problèmes administratifs et juridiques que rencontrent ses compatriotes congolais lors de leur arrivée en Belgique.

1. La problématique des visas

L'étranger qui, malgré toutes les tracasseries administratives, reussit à obtenir un visa peut malgré tout se voir refuser l'accès au territoire une fois en Belgique. Et ce, sans motif de la décision. Son visa est alors annulé et l'étranger est refoulé sur le champ. De plus la personne qui a signé l'engagement de prise en charge pourrait, le cas échéant, avoir des ennuis avec les autorités, puisque, selon la loi, cette personne est solidairement responsable avec l'étranger.

Est-il normal qu'un visa délivré par une représentation diplomatique et consulaire belge à l'étranger, bien souvent avec l'aval de l'Office des étrangers soit refusé, une fois l'étranger sur le territoire belge, par ces mêmes autorités ?

Même lorsque l'étranger est invité par un organisme belge qui a pignon sur rue et qui s'engage à tout prendre en charge : billet d'avion, séjour en Belgique, frais médicaux le cas échéant, etc. Même dans ce cas l'obtention d'un visa est un véritable chemin de croix.

Au niveau de l'Office des étrangers, les délais pour obtenir une réponse sont beaucoup trop longs. Et le refus d'octroi de visas est peu motivé, voire pas du tout. C'est l'appréciation du fonctionnaire de l'Office qui prime.

Au niveau des représentations diplomatiques et consulaires, les démarches administratives sont telles qu'il faut parfois plusieurs mois pour constituer un dossier. L'accueil n'est pas toujours des plus agréables. En plus, les renseignements fournis par l'employé de service sont parfois erronés. Ce qui n'arrange pas vraiment les choses lorsqu'on doit faire de longs trajets, ce qui est souvent le cas.

Au vu de la situation, la Zaïroise demande :

­ des délais raisonnables pour obtenir une réponse au niveau de l'Office des étrangers;

­ que le refus d'octroi de visas soit motivé de façon claire et précise;

­ une simplification des démarches dans les pays d'origine et une information claire et précise;

­ qu'une fois le visa accordé, qu'il le soit de façon définitive jusqu'à l'arrivée en Belgique de l'étranger.

2. La question des réfugiés

Depuis peu, un grand nombre de Congolais, demandeurs d'asile politique, ont reçu l'ordre de quitter le territoire du Royaume de Belgique. Ces décisions seraient essentiellement motivées par le fait que leurs demandes d'asile politique sont jugées soit irrecevables soit sans fondement par les autorités compétentes.

La majorité des demandeurs d'asile congolais résident en Belgique depuis de nombreuses années. Beaucoup d'entre eux ont des enfants. Pendant toutes ces années, les instances habilitées à le faire n'ont pas statué sur leur demande d'asile. Pendant toutes ces années, ces personnes et ces familles ont tissé des liens multiples, les enfants ont fréquenté les écoles. Puis, subitement, brutalement, arrive la menace de l'expulsion et de l'incarcération.

Pour tenter d'échapper à l'expulsion, beaucoup choisissent la clandestinité, situation par excellence de non-droit, engendrant tant de souffrances, d'exploitation, de peur.

De plus nous constatons que :

­ ces décisions sont tombées massivement et simultanément. Ce qui laisserait croire que le principe du traitement des dossiers au cas par cas n'a pas été suivi au nom d'une directive générale consacrant le refus de presque tous les dossiers de Congolais pour justifier leur départ de la Belgique;

­ la notification de ces décisions coïncide avec le changement de régime au Congo;

­ la quasi-totalité de demandes de permis de séjour sur la base de l'article 9 de la loi du 15 juillet 1996 des Congolais rencontrent une décision presque toujours négative;

­ le Gouvernement belge, par le biais du secrétaire d'État à la Coopération, porte un jugement sévère sur le sort réservé aux réfugiés et sur le respect des droits de l'homme au Congo. Mais il est prêt à renvoyer sans scrupules vers ce régime les Congolais réfugiés en Belgique.

Sans vouloir accuser qui que ce soit de quoi que ce soit, il se dégage un sentiment général que notre communauté est incomprise et est injustement traitée par rapport à d'autres communautés accueillies similaires à la nôtre.

Lorsqu'on analyse les relations des anciennes métropoles (France, Royaume-Uni, Portugal, Hollande, etc.) avec les ressortissants de ses anciennes colonies respectives, on constate qu'il y a et qu'il y a eu de la part de ces anciennes metropoles une prise de conscience de leurs devoirs historiques respectifs. Cette prise de conscience s'est traduite par un régime préférentiel envers les ressortissants de ses anciennes colonies.

L'acharnement contre les Congolais ne cache-t-il pas d'autres enjeux politiques ? La dictature mobutiste n'a été dénoncée, par les autorités belges, qu'à la mort de celui-ci.

Nous nous permettons aujourd'hui, devant cette commission qui est notre dernière chance d'être entendus, de demander :

­ l'arrêt total et immédiat des mesures d'expulsion des demandeurs d'asile congolais;

­ le réexamen au cas par cas des demandes d'asile des Congolais de manière sérieuse et équitable;

­ l'octroi du droit de séjour pour assurer le maintien les droits qui y sont liés.

Au-delà du problème des réfugiés, il y a celui de tous les autres. Tous ceux qui n'ont jamais demandé l'asile politique. Tous ceux qui sont rentrés de manière légale en Belgique mais qui se retrouvent aujourd'hui dans la clandestinité à cause de la loi Vande Lanotte.

Des étrangers séjournant de manière régulière et ininterrompue depuis plus de dix ans ont quand même été refoulés manu militari . Or, selon l'article 21, 1º, de la loi du 15 décembre 1980 qui n'a pas été modifié par la loi du 15 juillet 1996 :

« Sauf en cas d'atteinte grave à l'ordre public ou à la sécurité nationale, ne peuvent être ni renvoyés ni expulsés du Royaume : 1º les étrangers séjournant d'une manière régulière et ininterrompue depuis dix ans au moins. »

Le plus inquiétant, c'est que les rares articles de la loi du 15 juillet 1996 qui protègent les droits des personnes, ne s'appliquent que très rarement sur le terrain.

Au-delà de la loi Vande Lanotte, il y a la méthode Vande Lanotte. C'est à dire la mise en place d'une politique focalisée sur l'expulsion. Dans la dernière interview qu'il a accordé au journal Le Soir (19 septembre 1997), le ministre de l'Intérieur parle des expulsions en justifiant sa politique de façon cynique : « il s'agit d'une mission morale ».

Que dire encore de la puissance de l'Office des étrangers. On peut se demander si l'office n'est pas un État dans l'État. Le manque de transparence, de modernité et d'humanité de l'office, ajouté à cela le caractère absolu de ses décisions, ne peuvent que nous conforter dans cette idée.

Nous espérons que grâce à cette commission on aboutira à :

­ la fin de la politique de l'arbitraire de l'Office des étrangers;

­ la mise en place d'une commission de vigilance chargée de controler l'office;

­ la modernisation et l'humanisation de l'office;

­ une meilleure formation du personnel de l'office.

17.2. Échange de vues

Une membre a noté la demande de la « Zaïroise » de pouvoir visiter des compatriotes qui se trouvent en détention. Elle estime que cela doit être possible. Elle a bien compris quelle est la fonction sociale de l'organisation précitée.

Il serait par ailleurs utile que l'organisation puisse donner un avis en ce qui concerne les mineurs d'âge non accompagnés.

Mme Makilutila répond qu'elle a été souvent perplexe, au début de son action, d'apprendre que des mères abandonnaient leurs enfants. Dans l'esprit africain, cela est incompréhensible.

Lorsqu'elle a participé à un projet de la Fondation Roi Baudouin à ce sujet, elle a trouvé des cas pareils et elle a compris que des parents puissent venir en Belgique et préfèrent abandonner leurs enfants en croyant que ceux-ci auront un meilleur avenir ici.

Dans la plupart des cas rencontrés, les enfants avaient bel et bien des parents lorsqu'ils arrivèrent.

Ensuite, soit la mère disparaissait, et l'enfant était confié d'office au CPAS, soit la mère recevait l'ordre de quitter le territoire, et venait abandonner son enfant au CPAS.

Un autre membre insiste sur une solution large pour les familles concernées actuellement par une menace d'expulsion. Combien de familles seraient concernées ?

Mme Makilutila déclare qu'il y a 600 familles menacées, dont beaucoup n'ont aucun statut. Un chiffre précis est difficile à donner, mais il faut concevoir qu'il y a au moins un père, une mère et différents enfants par famille.

M. Aimé Kabongo Nkanka, représentant de la Communauté Congolaise « Les Sans Papiers », prétend que les conditions de traitement bureaucratique des dossiers par l'Office des étrangers sont la cause de cette détresse.

Les Congolais, qui jadis ont fui le régime de M. Mobutu, dénoncent maintenant M. Kabila. Mais la procédure d'asile les oblige à retourner volontairement revivre au Congo où ils subissent le nouveau régime, avant de revenir ensuite éventuellement se réfugier.

Leur séjour est d'une précarité à la mesure de leur crainte. S'ils ne sont pas sûrs de pouvoir rester, il est compréhensible qu'ils ne soient pas motivés pour s'investir pendant la période d'attente.

Jusqu'à présent, ils ont toujours eu la volonté de sortir de la dépendance de l'aide sociale. Mais si on les oblige à rester dans cette précarité, ils n'en sortiront plus.

Il plaide dès lors pour une suspension des ordres de quitter le territoire.

L'article 9, alinéa 3, de la loi sur les étrangers exige la présence d'une « situation exceptionnelle » pour régulariser. Les Congolais concernés attendent la circulaire annoncée.

Il est normal de leur octroyer un moratoire en attendant la mise en place du système de M. Kabila, tout comme il est normal de voir d'abord quels seront ses actes, par exemple l'organisation d'élections démocratiques.

Le 9 septembre 1997 déjà, une lettre a été remise au ministre à ce sujet. Il y est entre autres fait mention d'une femme à peine accouchée qui aurait été expulsée.

Le ministre se souvient de cette lettre.

Le cas de cette femme l'étonne, dans ce sens que, même si la gendarmerie avait pu la faire monter dans un avion, le commandant de celui-ci aurait probablement refusé d'emmener pareil passager.

18. Audition de M. Luc De Smet, commissaire général aux réfugiés et aux apatrides

18.1. Exposé

M. De Smet donne un exposé sur la situation des réfugiés à la suite de l'adoption de la loi Vande Lanotte.

18.1.1. Remarque générale

La modification de la loi intervenue en 1996 n'a apporté aucun changement notable des compétences du Commissaire général et de ses adjoints, ce qui a permis au Commissariat général de poursuivre ses missions légales en suivant en grande partie la même ligne de conduite. Seule la modification de la réglementation sur l'emploi des langues a, tout comme l'avait d'ailleurs déjà prévu son prédécesseur à l'époque, posé bien des difficultés sur le plan de l'organisation.

18.1.2. Quelques points dignes d'attention

L'évaluation d'une modification de la loi sous-entend deux choses :

­ primo, l'évaluation des modifications effectivement apportées;

­ secundo, l'analyse des lacunes suscitées par cette modification et qu'il y a lieu de signaler au législateur.

Le Commissaire général aimerait attirer l'attention sur certains points figurant soit dans la première catégorie, soit dans la seconde.

A. Accès à la procédure

1. Les transporteurs

Le libre accès à la procédure d'asile pour toute personne estimant pouvoir y faire appel constitue la pierre angulaire de cette procédure. Dans ce contexte, il est tout particulièrement préoccupé par l'information divulguée par les médias et reflétant le témoignage de deux employés de la société de gardiennage SIAS, selon lesquels un certain nombre de passagers clandestins n'auraient pas eu la chance de pouvoir demander l'asile. Il souhaite profiter de cette occasion pour insister pour que toutes les mesures possibles soient prises en vue de garantir, dans tous les cas, le libre accès à la procédure d'asile. Il y a quelques semaines, il a une nouvelle fois écrit au ministre de l'Intérieur afin de lui rappeler à nouveau ce principe.

2. Deuxième (et multiples) demande(s) d'asile

Bien qu'il soit de nature totalement différente, le nombre de deuxièmes (et multiples) demandes d'asile est un autre problème qui se pose, ce nombre s'étant considérablement accru ces derniers temps. Afin d'illustrer ses propos : en 1996, ce chiffre représentait 8 % des demandes d'asile; en 1997, il a atteint les 12,5 %.

Il appert en effet que, dans le cas d'une deuxième demande d'asile, l'Office des étrangers a de plus en plus tendance à prendre une décision d'irrecevabilité, le Commissariat général pouvant alors être saisi d'un recours urgent. Une lecture approfondie de l'article 51/8 de la loi sur les étrangers nous apprend pourtant que, dans l'état actuel de la législation, l'Office des étrangers ne doit en fait pas systématiquement prendre de décision d'irrecevabilité lors de l'appréciation d'une deuxième demande d'asile.

Cet article prévoit en effet que la déclaration peut ne pas être prise en considération par l'Office des étrangers si l'intéressé ne fournit pas de nouveaux éléments qu'il existe, en ce qui le concerne, de sérieuses indications d'une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. Cet article dispose en outre que ces nouveaux éléments doivent avoir trait à des faits ou des situations qui se sont produits après la dernière phase de la procédure. Une décision de ne pas prendre la déclaration en considération n'est susceptible que d'un recours en annulation devant le Conseil d'État. Aucune demande de suspension ne peut être introduite contre cette décision.

Le raisonnement a contrario du présent article est qu'en prenant la demande en considération, le ministre ou son délégué estime qu'il existe, en ce qui concerne l'étranger, de sérieuses indications d'une crainte fondée de persécution. Dans cette hypothèse, il lui semble alors que cela ne représente pas un postulat pour l'Office des étrangers de d'abord prendre une deuxième demande d'asile en considération pour ensuite la déclarer irrecevable en notifiant in concreto une annexe 26bis à l'étranger. Il est à recommander, dans cette optique, de déclarer également recevables de telles demandes.

En vue d'offrir une meilleure protection juridique au demandeur d'asile une fois que sa deuxième demande d'asile n'a pas été prise en considération, il pourrait être envisagé de prévoir, dans la loi sur les étrangers, la possibilité de pouvoir également introduire auprès du Conseil d'État une demande de suspension contre ce type de décision.

3. Exécution de l'accord de Schengen

Bien que l'exécution de l'accord de Schengen n'entre pas dans les compétences du Commissaire général, il lui semble toutefois opportun de formuler trois considérations à ce propos.

Tout d'abord, cela correspondrait davantage à l'esprit et à la lettre de la loi belge sur les étrangers si le commissaire général était plus rapidement mis au fait de ces demandes d'asile; il conviendrait même de recommander à l'Office des étrangers de procéder ­ sans pour autant y impliquer la responsabilité de la Belgique ­ à l'audition de ce type de candidats-réfugiés afin d'avoir établi au préalable un dossier pour le moment où sera conclu l'examen de la recevabilité sur le territoire.

Ensuite, on est en droit de se demander s'il existe suffisamment de garanties que, dans le cas où la Belgique a signé un accord de reprise d'un demandeur d'asile avec un autre État Schengen, les autorités belges prendront bien, en ce qui concerne leur responsabilité, suffisamment de mesures pratiques et organisationnelles permettant au demandeur d'asile d'avoir effectivement accès à la procédure d'asile dans cet autre État.

Enfin, l'intervenant voudrait plaider en faveur d'une attitude plus flexible et humaine des instances compétentes dans l'exécution de l'accord de Schengen quant à l'interprétation de la notion d'unité familiale. La protection de ce principe est d'ailleurs garantie par l'article 8 de la CEDH. Ce faisant, cela permettrait d'alléger la future charge de travail du Conseil d'État.

B. Délais de traitement au stade de la recevabilité

Tout comme l'intervenant l'a déjà mentionné, la préservation de l'accès à la procédure d'asile est capitale. Conformément à la politique d'asile que nous suivons, il est alors tout à fait normal que le délai de traitement des demandes soit maintenu ­ à coup sûr au stade de la recevabilité ­ à une durée aussi courte que possible. D'ailleurs, les intéressés ont eux aussi le droit de savoir dans les plus brefs délais ce qui les attend.

C'est la raison pour laquelle le commissaire général s'est engagé, dans le plan de gestion, élaboré en application de la loi du 15 juillet 1996, à chercher à atteindre certains objectifs en la matière.

Le plan de gestion, tel que présenté en septembre 1996 par le commissaire général, prévoyait pour le traitement des demandes au stade de la recevabilité un laps de temps moyen de :

­ 12 jours pour les demandeurs d'asile maintenus dans des centres fermés;

­ et 90 jours pour les demandeurs d'asile ne séjournant pas dans un centre fermé.

Le plan de gestion, tel qu'il a été unanimement approuvé en janvier de cette année par le Conseil des ministres, a reformulé ce délai « moyen » de 90 jours en un délai « maximum » de 90 jours. Le commissaire général a dû constater que le laps de temps moyen pour cette catégorie de dossiers a été fixé à 60 jours par le Conseil des ministres.

Le Commissariat général fait tout son possible pour réaliser ces objectifs. Mais Rome ne s'est pas fait en un jour ... On peut toutefois miser sur un certain succès. Ainsi, le laps de temps moyen de traitement des recours urgents introduits en 1997 a été ramené à 74 jours, comparé aux 111 jours encore nécessaires en 1996.

Pour ce qui est des demandeurs d'asile maintenus dans des centres fermés, l'objectif des 12 jours a été atteint pour les demandeurs d'asile séjournant à Zaventem. Pour ce qui est de Steenokkerzeel, on constate une nette amélioration, le laps de temps moyen pour ces dossiers étant momentanément de 17 jours.

Le plus gros écueil reste toutefois les dossiers des personnes séjournant en prison. Le Commissariat général est ici confronté à pas mal de problèmes pratiques tels que l'absence du rapport de l'interrogatoire de l'Office des étrangers, les transferts vers d'autres prisons, l'absence de chauffeurs, etc. Cela a pour conséquence que le délai moyen de traitement peut atteindre 34 jours.

Dans ce contexte, l'intervenant souhaiterait faire remarquer qu'il a le sentiment que la capacité des centres ouverts devrait être augmentée. Il lui semble en effet inacceptable que l'on demande au commissaire général de ne pas notifier de décisions d'examen ultérieur avant le week-end aux demandeurs séjournant dans un centre fermé, vu que les centres ouverts sont bondés.

Enfin, d'après les échos, d'autres organisations ont formulé bon nombre de critiques quant à la durée illimitée de la détention dans les centres fermés. L'intervenant ose se rallier à ces critiques tout en se posant la question de savoir si cette détention d'une durée illimitée est bien conforme à l'article 5 de la CEDH.

C. La réglementation sur l'emploi des langues

La nouvelle réglementation sur l'emploi des langues applicable aux demandes d'asile introduites après le 21 octobre 1996 (présent article 51/4 de la loi sur les étrangers du 15 décembre 1980) apparaît peut-être, du point de vue administratif, comme une bonne réglementation.

Cependant, tout comme le prédécesseur de l'intervenant l'a à maintes reprises rappelé, il faut souligner les nombreux problèmes pratiques découlant du fait que le législateur a opté pour une unité linguistique par dossier; cela revient à dire qu'une fois le rôle linguistique attribué à un dossier, ce rôle reste valable pour toutes les étapes ultérieures de la procédure. Lorsque le demandeur d'asile n'a pas explicitement formulé son choix pour l'une des langues nationales, l'Office des étrangers peut, lors de la détermination du rôle linguistique, se laisser guider par ses propres besoins, qui ne correspondent pas nécessairement aux besoins des instances amenées à traiter ultérieurement la demande. Il reste dès lors à savoir s'il ne serait pas plus efficace d'offrir également au Commissariat général la possibilité de modifier le rôle linguistique en fonction de ses propres besoins mais néanmoins dans une moindre mesure.

D. Cas spécifiques

Un certain nombre de problèmes spécifiques se posent pour lesquels, malgré les promesses de solutions formulées depuis longtemps, l'intervenant doit bien constater que très peu de choses ont été réalisées in concreto.

Tout d'abord, le problème crucial des mineurs d'âge non accompagnés sur lequel les rapports annuels successifs du Commissaire général n'ont cessé d'attirer l'attention. Il ne peut que regretter qu'en dépit des nombreuses années de discussion à ce sujet, cela n'ait abouti, à l'heure actuelle, à aucun résultat concret. Et pourtant, cette problématique est dépeinte, tant au niveau international que belge, comme « actuelle, capitale et urgente ».

Cependant, il se réjouis du fait que, ces derniers mois, une initiative du ministre de l'Intérieur menée en concertation avec toutes les parties tente d'aboutir à une solution à la problématique de l'accueil des mineurs d'âge non accompagnés. Il ose espérer qu'une réglementation sera rapidement élaborée pour ce type de personnes afin de pouvoir leur offrir des conditions d'accueil dignes et convenables. L'expérience de la concertation lui révèle cependant que l'évolution du problème se heurte actuellement non pas tant à des difficultés techniques, mais à un manque de consensus politique entre les communautés et l'État fédéral.

Quant à savoir s'il doit s'agir d'un accueil spécifique ou encore d'un accueil dans les oeuvres sociales d'aide à la jeunesse, l'intervenant laisse cette question de côté. Il estime en effet que les personnes spécialisées dans cette problématique délicate sont mieux placées que lui-même pour y apporter une réponse. Le vide juridique de la situation des mineurs non accompagnés en Belgique a été largement décrit dans le Rapport annuel du Commissariat général de 1996. Il voudrait cependant attirer particulièrement l'attention sur le fait qu'un certain nombre de ces mineurs sont actuellement abandonnés à leur sort et que certains sont même prostitués. À son sens, il relève de la responsabilité de l'État de contrôler que chaque mineur est effectivement pris en charge, soit par un membre de sa famille ­ fiable ­, soit par une institution publique. À cet égard, l'instauration d'une tutelle subsidiaire de l'État sur ces mineurs lui semble hautement recommandable.

De surcroît, nous sommes confrontés à la problématique des demandeurs d'asile ne répondant pas stricto sensu à la définition de réfugiés telle que citée dans la Convention de Genève mais méritant, sur la base de considérations humanitaires pertinentes, une protection. Dans ce contexte, le Commissaire général a fait usage, dans un certain nombre de cas, de sa compétence consultative en matière de reconduite pour attirer l'attention du Ministre sur le fait que ce type de reconduite serait problématique sur le plan humanitaire. Il nous faut toutefois constater qu'une solution ad hoc acceptable n'a été trouvée que pour une seule catégorie bien définie, en l'occurrence l'ex-Yougoslavie. Pour les autres catégories, nous ne pouvons que déplorer que la plupart d'entre elles soient confrontées à un vide juridique.

On peut se demander si, pour ces deux catégories susmentionnées, il ne conviendrait pas d'accorder un statut spécifique temporaire ad hoc mieux formulé reprenant comme paramètres valables, la situation objective dans le pays d'origine de même que la situation subjective des intéressés, celles-ci étant régulièrement appréciées par les instances compétentes.

Pour terminer, il trouve curieux que, bien que la Belgique ait signé la Convention internationale relative aux apatrides de 1954 (New York) et que les instances belges compétentes aient déjà reconnu la qualité d'apatrides à certaines personnes, ces dernières éprouvent des difficultés à obtenir un droit de séjour tout à fait évident.

E. Plan de gestion

1. Productivité

Même si le grand public et certains médias ont l'impression que la procédure d'asile belge devient de plus en plus stricte, la réalité est tout autre.

a. En 1997, le Commissariat général a enregistré un taux de recevabilité de décisions d'examen ultérieur de 33,2 % (au lieu de 23,3 % en 1996).

b. En 1997, le Commissariat général a enregistré un taux de reconnaissance de 28,1 % (au lieu de 26,7 % en 1996).

c. Arriéré.

Chaque service affirme avoir réduit son arriéré. Si cela se vérifie sur papier, il est bon d'aborder aussi brièvement cette problématique de manière chiffrée et pragmatique.

Par rapport à janvier 1996, l'Office des étrangers a enregistré une hausse de 830 unités de son arriéré d'instruction des dossiers et la Commission permanente de recours connaît un arriéré accru de 1 260 dossiers. Par contre, le Commissariat général a réduit son arriéré global de 7 300 dossiers.

2. Personnel du Commissariat général

Les résultats susmentionnés ne pourraient être atteints sans l'enthousiasme d'un personnel compétent, motivé et dévoué soumis malheureusement à un régime de contrats à durée déterminée. Et pourtant, tout comme ce fut le cas en 1996, le Commissariat général est confronté en 1997 également à une rotation considérable de son personnel de niveau 1. En vue de parvenir à une stabilisation nécessaire de l'effectif ainsi qu'en raison du profond déséquilibre entre le nombre d'agents statutaires et contractuels, une extension de l'effectif statutaire est indispensable. Le problème qui se pose à l'heure actuelle, c'est que le personnel contractuel est démotivé, à raison, et qu'il se fait du souci quant à la question de son engagement dans le cadre statutaire. C'est la raison pour laquelle le commissaire général prend particulièrement à coeur que l'excellent personnel contractuel dévoué et spécialisé en cette matière depuis plusieurs années ne soit pas remplacé par des agents statutaires inexpérimentés et non spécialisés, ce qui est de nature à mettre le fonctionnement du Commissariat général en péril. C'est également pour cette raison que le Commissaire général oeuvre pour qu'il soit procédé à l'organisation d'un examen de recrutement spécifique (pour tous les niveaux).

3. Indépendance du Commissaire général et de ses adjoints

La loi sur les étrangers de juillet 1987 prévoit que le commissaire général et ses adjoints sont non seulement entièrement indépendants administrativement lorsqu'ils prennent leurs décisions mais aussi que le commissaire général dirige son personnel.

Toutefois, le commissaire général est de plus en plus préoccupé par les nuages noirs qui menaçent cette indépendance prévue par le législateur, dans ce sens que tant l'administration que le cabinet du ministre entendent nommer un conseiller général statutaire (rang 15, identique au rang de commissaire adjoint). Et ce en vue d'appliquer au Commissariat général le régime d'évaluation (adopté par arrêté royal de février 1997 et non par le biais de la loi). Dans ce contexte, il y a lieu de faire remarquer que ni l'étude du bureau ABC, ni le plan de gestion du 30 septembre 1996, ni la note du 21 janvier 1997 du ministre présentée au Conseil des ministres et relative à ce plan de gestion ne font une quelconque mention de ce poste de conseiller général.

Bien entendu, l'intervenant est également préoccupé par une application correcte des dispositions portant sur le statut du personnel de l'État, notamment celle relative au régime d'évaluation prévu par l'arrêté royal du 6 février 1997. La question pressante reste de savoir si ceci peut constituer une justification à l'atteinte portée au noyau d'une réglementation légale garantissant l'indépendance du commissaire général et de ses adjoints.

L'intervenant est convaincu qu'aucun besoin fonctionnel ne nécessite la présence effective d'un conseiller général au Commissariat général. Bien au contraire, cette présence risque, dans la mesure où ce conseiller général sera appelé à prendre part aux réunions de direction, de contenir les germes de possibles situations conflictuelles. Il n'est d'ailleurs pas rare que, dans le passé, ce type de situation ambiguës ait abouti à ébranler certaines instances publiques. Il estime par conséquent pouvoir se permettre d'affirmer avoir prouvé par le biais de cet exposé que les prestations du Commissariat général ont largement démontré que l'association de sa mission indépendante à une certaine autonomie dans la politique du personnel ont garanti un fonctionnement efficace et des résultats démontrés.

À cet égard, il citera par ailleurs la situation bizarre en vertu de laquelle trois postes de rang 15 minimum sont prévus dans le cadre de l'Office des étrangers (dépendant du ministre) comptant plus de 500 agents statutaires. Et ce tandis que de facto quatre postes de rang 15 minimum seraient prévus dans le cadre du Commissariat général (comptant environ 140 agents statutaires).

Le commissaire général reste d'avis que son indépendance, prévue par le législateur, est en péril en cas de prévision et de nomination d'un conseiller général proposé par le pouvoir exécutif.

Il ose affirmer que le projet de loi relatif au statut du commissaire général et de ses adjoints constitue un élément essentiel de l'ancrage de cette indépendance fixée par la loi (dans laquelle la réglementation de l'évaluation susmentionnée peut être intégrée et réglée) et il espère que le législateur fédéral y accordera l'attention optimale requise.

Pour ce qui est du statut du commissaire général et de ses adjoints, il voudrait, pour terminer, faire référence au statut du « Kinderrechten-commissaris » ­ assimilable à celui de conseiller auprès de la Cour des comptes ­, poste qui a récemment été créé par le Parlement flamand, où tant le « Kinderrechten-commissaris » que ses membres du personnel sont directement nommés par ce Parlement.

18.1.3. Conclusion

L'intervenant espère avoir clairement prouvé par son exposé que le fonctionnement du Commissariat général ainsi que les résultats obtenus démontrent que cette instance créée par le Parlement est indispensable pour la Belgique si l'on veut continuer à préserver la reconnaissance et la protection des réfugiés de manière efficace, pragmatique et humanitaire, conformément aux critères repris dans la Convention de Genève de 1951 relative aux réfugiés et son protocole de 1967.

Il insiste une fois encore pour que la dynamique d'un effectif définitif du cadre du Commissariat général tienne compte de l'expérience acquise, de la motivation, du dévouement et du professionnalisme de tous les niveaux du Commissariat général. Donnons-lui un personnel motivé doté d'un bagage humanitaire suffisant afin de relever les défis que nous impose le XXIe siècle.

18.2. Échange de vues

Une membre aimerait savoir ce que pense le commissaire général de la réglementation applicable aux sociétés de transport, qui est assez sévère.

L'on constate plusieurs conséquences négatives :

1. Il y a par exemple l'incident qui a eu lieu avec la société SIAS. Le commissaire général est-il au courant de l'existence de ces demandeurs d'asile qui ont été repoussés par cette société en raison de la réglementation ?

2. En ce qui concerne le transfert dans un pays de l'espace Schengen, elle se demande s'il y a eu des cas où le transfert a donné lieu à des problèmes.

3. Malgré la diminution des demandes, l'on constate une augmentation des reconnaissances et du degré de recevabilité. Cette évolution n'est-elle pas bizarre, étant donné qu'il y a moins de demandes, ou est-elle le résultat de la plus grande productivité des services ?

M. De Smet répond ce qui suit :

1. En ce qui concerne le cas de la SIAS, il suppose qu'il y a encore d'autres cas. Lui-même n'en a toutefois pas d'exemple concret. Il souligne que la « Plate forme » cite cependant des exemples.

La réalité de la situation lui semble toutefois plausible eu égard à l'atmosphère de détresse qui caractérise le secteur des rapatriements, comme on a pu le constater lors de la conférence annuelle « Excom » du Haut-Commissariat aux réfugiés, qui s'est tenue à Genève et à laquelle il a participé.

Les instructions applicables aux frontières et aux sociétés de transport sont tellement sévères qu'il peut y avoir un risque de dérapage.

2. L'on n'est jamais assuré de l'admission dans un autre pays de l'espace Schengen.

Personne ne peut savoir si le fait de quitter un centre ouvert ou une demeure privée équivaut à quitter la Belgique. On peut aussi penser que les demandeurs d'asile continuent à vivre en Belgique.

En vertu de la Convention Schengen, les pouvoirs publics doivent vérifier s'il y a des engagements réels (par exemple financiers) au terme desquels d'autres instances s'occupant d'asile prendront sur elles la responsabilité de l'examen du dossier.

Les problèmes commencent lorsqu'on transite en Belgique sans avoir introduit de demande pour ce faire ou, au contraire, lorsqu'on entre en Belgique après avoir d'abord transité par un autre pays.

Le problème est que, s'il y a une possibilité de renvoi, l'Office des étrangers ne procède pas à un interrogatoire, simplement pour éviter de devoir rendre l'État belge responsable. Ce procédé ne se justifie pas.

L'intervenant se demande s'il n'est pas possible d'éviter ce genre d'impasse en ne transférant l'étranger dans le pays Schengen compétent qu'après avoir entamé la procédure d'asile dans un autre pays.

M. De Smet estime que ce scénario est en tout cas possible, mais que son application dépend de l'Office des étrangers et des conventions internationales qui devraient le prévoir.

3. À propos de l'apparente contradiction entre, d'une part, le durcissement de la procédure d'asile et, d'autre part, l'augmentation du nombre de reconnaissances, le commissaire général confirme qu'une augmentation du degré de recevabilité est inquiétante lorsqu'il y a moins de demandes. Il faut se demander si cette évolution n'est pas due à une certaine légèreté.

Pour sa part, il tient compte des cas de pareille légèreté signalés par d'autres organisations et il rappelle que le doute doit bénéficier à l'étranger lors de l'examen de la recevabilité de sa demande.

Pour les cas de guerre civile, il renvoie au manuel des Nations unies, qui prescrit également le bénéfice du doute. Ce doit donc être le cas, notamment, pour le Congo, la Bosnie, le Rwanda, le Burundi et même la Turquie.

Il faut appliquer la convention de Genève, même si c'est mauvais par la réputation du pays en question.

En ce qui concerne l'accord de Schengen et la convention de Dublin, M. De Smet affirme que l'on ne peut soupçonner des États comme la France, l'Allemagne et les Pays-Bas de ne pas observer la convention de Genève. En cas de renvoi, ces pays examineront bien évidemment la demande, c'est une certitude.

Un autre membre demande s'il y a eu des démarches au niveau des Affaires étrangères, afin de s'assurer de la bonne exécution de ces démarches.

M. De Smet s'en voudrait d'empiéter sur les compétences du ministre des Affaires étrangères. C'est une question qu'il faudrait poser à M. Philippe d'Artois.

Il a toutefois connaissance de certains cas où le pays récepteur ne traite pas la demande d'asile parce qu'il juge qu'après un certain délai, la démarche n'est plus possible.

M. De Smet dit qu'il y a deux possibilités :

­ soit l'étranger est hébergé dans un centre d'accueil. Il y reçoit une « annexe 26quater » pour se présenter dans un autre pays. S'il ne s'y présente pas dans le délai fixé, cet État-là reste responsable. Eu égard au principe du départ volontaire, ce transfert dépend de la bonne volonté de l'intéressé. S'il estime ne pas devoir se rendre dans un autre pays, c'est son choix, et on pourra l'interroger ici quant au sérieux de sa demande d'asile;

­ soit l'étranger se trouve dans un centre fermé, en vue d'une réintégration forcée dans un autre pays de l'espace Schengen.

Une troisième membre souscrit à la remarque qui a été faite précédemment et selon laquelle les mineurs d'âge ne peuvent pas être à la merci des différentes instances publiques. Le problème en la matière est toujours celui du coût.

Quelles sont les propositions du Commissaire général en la matière ?

Elle donne l'exemple d'un juge de la jeunesse qui a renvoyé un mineur d'âge au centre de Deinze.

M. De Smet est constamment en rapport avec les autorités fédérales concernant ce problème et plaide pour que les mineurs d'âge reçoivent un statut ad hoc qui leur offrirait une protection temporaire.

On peut donner à cette protection la forme que l'on veut, c'est-à-dire confier les mineurs d'âge au CPAS, à des membres de la famille, à un tuteur officieux, et ce, qu'ils soient demandeurs d'asile ou non.

Il est clair que l'État belge doit vérifier s'il y a encore de la famille ou des connaissances qui résident dans le pays d'origine.

Malgré la répartition des compétences, le Commissaire général continue à négocier au niveau fédéral. C'est en effet la Belgique qui, en tant qu'État, est responsable de la protection de ces mineurs d'âge, en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne les solutions sur le terrain, M. De Smet estime que l'avantage de certaines structures est qu'elles existent. Il vaut parfois mieux les laisser travailler que de créer un nouveau circuit qui ne fonctionnera peut-être pas. D'après lui, les hésitations sont dues à la crainte de devoir porter une responsabilité financière. Il suffit de regarder ce qui se passe aux Pays-Bas, où ces complications institutionnelles n'existent pas, pour constater que, là-bas, le modèle fonctionne.

Un membre demande :

1º si le Commissaire général souhaite que les avis qu'il rend, munis d'une clause de non-reconduite, lient l'autorité fédérale et

2º si le Commissaire-général est partisan d'une régularisation provisoire et comment celle-ci doit se réaliser.

M. De Smet constate que, quant au premier point, sa recommandation est non contraignante. La moindre des choses serait qu'on lui communique le suivi qui a été donné à son avis. Pour l'instant, ce suivi n'existe pas, et l'on ne peut que supposer que la plupart de ses avis soient appliqués.

Il se peut évidemment qu'après quelques mois, quand la décision doit être prise par le ministre, la guerre civile qui a été à la base de son avis, ait été convertie en paix. L'avis du commissaire général n'a donc qu'une valeur relative.

Il est d'avis que, dans les cas où il donne un avis pareil, la délivrance d'un permis de séjour définitif n'est pas indiqué, mais qu'un permis provisoire s'impose, lié à, d'une part, la situation intrinsèque du réfugié et, d'autre part, la situation objective du pays d'origine.

Dès lors, il faudrait réexaminer le dossier à intervalles régulières, par exemple chaque trois mois.

Ceci est nécessaire, afin que la Belgique ne devienne pas un pôle d'attraction pour cette catégorie de réfugiés.

Un membre demande quelles garanties le commissaire général réclame pour son indépendance.

M. De Smet répond que le système actuel fonctionne bien. Il souligne toutefois le risque d'interférences, pour les raisons qu'il a déjà énumérées. Il pense qu'il vaut mieux régler cela dans la loi, en conférant un statut distinct.

Il renvoie en la matière au statut du commissaire de l'Enfant, tel qu'il a été élaboré par le Parlement flamand, et qui est celui d'un conseiller à la Cour des comptes. Ce commissaire est responsable directement devant le Parlement. C'est un statut similaire qu'il souhaite pour lui-même.

Il rappelle sa carrière passée d'agent des Nations unies auprès du Haut-Commissariat aux réfugiés en Belgique, où il a oeuvré en faveur de ce genre de statut lorsqu'il a suivi les négociations avec le Gouvernement belge en vue de fixer le statut du commissaire général belge.

19. Audition de M. C. Kpenou, Haut commissaire aux réfugiés des Nations Unies

19.1. Exposé

M. Kpenou exprime son appréciation pour l'initiative d'appeller devant cette Commission les organisations comme le HCR qui se préoccupent du sort des personnes qui, ne bénéficiant pas de la protection de leur pays, se rendent en Belgique pour obtenir celle-ci. Cette protection ne s'obtient cependant que par une démarche expresse d'asile qui est elle-même traitée sur la base des dispositions énoncées dans la loi du 15 décembre 1980 avec ses modifications subséquentes notamment celles de 1987, 1991, 1993 et 1996 sur lesquelles le HCR s'est déjà prononcé.

Mais avant d'aller plus loin, il convient de situer la problématique des réfugiés dans son contexte réel. En effet, elle fait partie du phénomène plus général des flux migratoires dont on sait qu'il a de multiples variantes. L'un de ces aspects est la migration économique. Lorsque celle-ci a été arrêtée, les personnes qui en d'autres circonstances auraient pénétré sur le territoire en toute légalité trouvant leur voie bouchée, n'ont rien eu de mieux à faire que de se lancer à l'assaut de la seule porte de sortie à savoir la procédure d'asile. De même, les trafiquants pratiquant la traite des femmes ou celle des enfants essaient cette filière pour faire accéder au territoire du Royaume des individus qui n'y auraient jamais eu droit. Cependant, à côté de ces resquilleurs, il existe d'authentiques réfugiés qui arrivent en Belgique en quête d'une terre d'asile. Hélas, les autorités chargées de la surveillance des mouvements migratoires, très préoccupées par la masse des trafiquants de tous bords, ont pris des mesures destinées à enrayer les flux. Ces mesures sont applicables à tout le monde. Ce sont d'abord l'exigence d'un visa puis les sanctions contre les transporteurs aériens ou autres. Cela amène ces derniers à refuser certains passagers.

Ce faisant, il devient extrêmement difficile pour les candidats réfugiés d'accéder au territoire du Royaume afin d'entrer dans la procédure. Ceux qui arrivent à passer les premiers obstacles ne sont pas au bout de leur peine car le grand nombre des prétendants au statut de réfugié jette un voile de soupçon épais sur tous ceux qui se réclament de ce statut. La réalité du monde des réfugiés est qu'il y a encore de nombreux conflits civils, des suppressions et des violations des droits de l'homme qui forcent de plus en plus de gens à fuir leur pays d'origine pour aller chercher la paix et la sécurité ailleurs.

On s'est posé la question de savoir pourquoi ils recherchent l'Europe. La réponse est que quelques fois l'intégrité physique n'est pas assurée d'emblée dans les pays voisins. On a même assisté impuissant à des échanges de réfugiés pour la sérénité du climat politique entre certains pays. Il est donc raisonnable pour ces personnes de tout faire pour atteindre un pays où les droits de l'homme sont respectés. La Belgique fait partie des pays considérés comme démocratiques par les réfugiés.

Ceci amène l'orateur à aborder certains aspects dont la loi de 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers ainsi que ses amendements sont appliqués. Je souhaiterais présenter six thèmes : premièrement, la Convention de Dublin et deuxièmement, la détermination de recevabilité en l'article 52. Deux thèmes qui soulèvent des questions d'interprétation. Les troisième et quatrième thèmes concernent les mineurs non accompagnés et les femmes, deux domaines qui, d'après le HCR, méritent des directives spécifiques. Le cinquième sujet se rapporte à la question de la détention. Et pour terminer, j'évoquerai un domaine qui manque actuellement de dispositions légales et qui est l'apatridie.

19.1.1. La Convention de Dublin

Au titre de la Convention de Dublin, il existe un problème qui mérite considération : c'est l'unité de la famille. En effet, il peut y avoir par concours de circonstance la dispersion des membres d'une famille. Par exemple, le père, la mère, les enfants, les frères et autres dépendants ayant reçu des visas de différents pays se retrouvent séparés. En principe, dans ce cas, c'est l'état qui a émis le visa qui est responsable de l'examen de la demande, mais bien que la Convention de Dublin n'oblige pas les États à réunir ces personnes avant qu'un membre de la famille soit reconnu comme réfugié, l'article 9 prévoit la possibilité d'une approche humanitaire en affirmant que « Tout État membre peut, alors même qu'il n'est pas responsable... examiner pour des raisons humanitaires, fondées, notamment sur des motifs familiaux, culturels, une demande d'asile à la requête d'un autre État membre et à condition que le demandeur d'asile le souhaite ».

Le HCR voudrait encourager la Belgique à continuer d'appliquer cette clause humanitaire en accord avec la décision du Comité Exécutif de Schengen. Le HCR voudrait également suggérer que la Belgique applique cette clause humanitaire dans les situations où les membres d'une famille habitent ensemble mais n'appartiennent pas au même noyau familial, aux couples qui n'ont pas contracté un mariage légal mais cohabitent et au cas où aucun des époux avec ou sans enfants ne bénéficie du statut de réfugié, ou encore au cas où un des deux a eu un statut humanitaire ou un titre de séjour temporaire. Je voudrais signaler qu'il est du devoir du HCR d'encourager dans tous les pays de l'Union européenne cette approche plus humaine permettant une responsabilité partagée parmi les États pour les demandes d'asile des époux et membres d'une même famille. Nous espérons que la Belgique adoptera cette clause humanitaire et ainsi servira d'exemple à d'autres pays.

19.1.2. La recevabilité

La recevabilité est conditionnée avant tout par une détermination préalable du pays responsable pour l'examen de la demande d'asile selon la Convention de Dublin. C'est une étape incontournable pour entrer dans la procédure.

Si la Belgique se juge responsable, le requérant d'asile est admis à répondre dans une série d'entretiens destinés à révéler le bien-fondé de sa demande d'asile. En effet, le paragraphe second de l'article 52 de la loi de 1980 donne au ministre de l'Intérieur, ou son délégué, plusieurs bases sur la base desquelles il peut décider si une demande d'asile est manifestement fondée sur des motifs étrangers à l'asile et par conséquent la déclarer irrecevable. Ces dispositions sont conformes à la conclusion 30 du Comité Exécutif du Haut commissaire. La loi belge stipule en particulier que la demande sera déterminée comme manifestement non fondée si « elle est frauduleuse » ou « ne se rattache ni aux critères prévus par l'article 1er A (2) de la Convention de Genève » ni à d'autres critères justifiant l'octroi de l'asile.

Le paragraphe 7 de l'article 52 de la loi ajoute une base supplémentaire qui ne se trouve pas dans la conclusion nº 30. Celle-ci élimine du processus l'étranger qui ne fournit pas d'élément qu'il existe, en ce qui le concerne, de « sérieuses indications » d'une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. L'absence de cet élément qualifie la demande de manifestement non fondée.

Le Haut commissaire est de l'opinion que l'élément de crainte est une notion fondamentale du statut de réfugié. C'est elle qui conditionne l'octroi. Or, si cette notion est examinée d'entrée par les administrateurs en recevabilité, on peut déduire que déjà ils ont entamé l'examen au fond. De plus, l'interprétation de la notion manifestement non fondée au terme de l'article 52 dans ces paragraphes 2 et 7 doit être faite d'une façon plus stricte. Confronté à ce problème d'interprétation, le Haut commissariat est intervenu, ces dernières années, de nombreuses fois au niveau de la recevabilité dans le cadre de l'article 57/23bis . Dans ces cas, le Haut commissariat a indiqué que selon son évaluation la demande n'était pas manifestement non fondée et a suggéré qu'une étude plus approfondie fût faite quant au fond de la procédure.

L'orateurs s'empresse de souligner tout de suite que quelle que soit la bonne volonté du HCR, celle-ci a été mise en échec car il ne peut intervenir dans tous les cas où il estime que la demande n'est pas manifestement non fondée. La raison est que le nombre de cas est très important couplé avec le manque de ressources. De l'autre côté, on peut craindre que la complexité des cas et le manque d'experts puissent poser des problèmes.

Dans la complexité précitée, les administrateurs au stade de la recevabilité sont amenés, au niveau de cette dernière, à prendre une tendance qui inquiète le HCR, celle d'évaluer à ce point précis les liens entre les faits et les critères contenus dans la Convention de Genève. Dans l'opinion du HCR, la procédure au niveau de la recevabilité devrait seulement déterminer si ces liens existent et abandonner l'évaluation au stade de l'examen au fond. Il n'y a pas les mêmes garanties au niveau de la recevabilité : les interviews sont en général plus courts et le demandeur n'a pas accès à son dossier. Par conséquent, il y a des déboutés qui n'ont pas reçu une étude appropriée de leur demande au niveau du fond et sont ensuite exclus de la protection nécessaire et risquent d'être refoulés dans un pays où ils craignent avec raison d'être persécutés.

Une décision erronée au niveau de la recevabilité entraînant des conséquences graves, le HCR voudrait suggérer que soient reconsidérés les termes du paragraphe 7 de l'article 52 et que l'interprétation du terme « manifestement non fondée » soit faite de façon plus stricte.

L'orateur attire ensuite l'attention de la Commission sur deux catégories particulières, à savoir les mineurs non accompagnés et les femmes.

19.1.3. Les mineurs non accompagnés

Les circonstances dans lesquelles les mineurs non accompagnés se trouvent isolés sont souvent variées et complexes. Certains craignent la persécution; d'autres sont envoyés volontairement ou involontairement dans les pays plus développés pour y chercher un avenir meilleur. D'autres encore ont des motifs et des raisons mixtes. Souvent ils ont eu peu de choix dans les décisions qui les ont menés à cette situation vulnérable.

On constate qu'un mineur non accompagné et demandeur d'asile lorsqu'il entre dans un pays, est jeté dans un système créé par des adultes et pour des adultes. De ce fait, il est confronté à de multiples difficultés et peut se trouver, contre son gré, détenu dès son arrivée. Il reste souvent sans tuteur ou aucune autre personne responsable pour l'aider non seulement au niveau de la procédure d'asile mais aussi face à des aspects sociaux et économiques de la vie quotidienne. Pendant qu'il suit la même procédure que les adultes, il n'a pas toujours la même capacité que ceux-ci pour comprendre et apprécier véritablement ce qui se passe dans son pays d'origine. De plus, les questions qui sont régulièrement posées aux adultes peuvent leur paraître complexes ou intimidantes. À la fin de la procédure, si le mineur n'est pas reconnu comme réfugié mais ne peut pas entrer dans son pays d'origine, il reste souvent en Belgique dans la clandestinité, sans moyen de survie et en proie à un trafic d'êtres humains ou d'autres activités illégales.

Aucune disposition spécifique n'existe dans la loi belge concernant les mineurs non accompagnés à l'exception d'un arrêté royal qui spécifie les modalités à respecter en cas d'éloignement d'un mineur du territoire belge. Néanmoins, la Convention de 1989 sur les droits de l'enfant, que la Belgique a ratifiée, nous donne une orientation générale. Elle exige que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants ... l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » (article 3) et que « les États parties collaborent, selon qu'ils le jugent nécessaire, à tous les efforts faits (...) pour protéger et aider les enfants qui se trouvent en pareille situation » (article 22); cela veut dire un enfant qui cherche à obtenir le statut de réfugié ou qui est considéré comme réfugié. Le HCR voudrait également attirer l'attention sur la disposition de la Convention de 1989 exigeant également que la détention ne soit utilisée qu'en dernier ressort et pour une durée aussi brève que possible. Si la détention est nécessaire, il faut à tout prix tenir compte des besoins de l'enfant.

Les directives du HCR de février 1997 donnent des suggestions concrètes dans ces domaines, par exemple :

­ à cause de leur vulnérabilité, les enfants non accompagnés demandeurs d'asile ne devraient pas se voir refuser l'accès au territoire;

­ un tuteur ou un conseiller devrait être désigné dès que le mineur non accompagné est identifié;

­ les enfants devraient toujours avoir la possibilité d'introduire une demande d'asile peu importe leur âge;

­ les enfants demandeurs d'asile ne devraient pas être détenus. Ceci est particulièrement important dans le cas des mineurs non accompagnés;

­ les entretiens devraient être menés par du personnel qualifié et spécialisé dans le domaine.

Le HCR salue l'initiative du ministre de l'Intérieur qui a abouti à une première discussion à la fin du mois de mai 1997 et une deuxième discussion qui aura lieu le 18 novembre 1997, au sujet des problèmes rencontrés par les mineurs non accompagnés en Belgique en faveur d'un régime plus adapté aux besoins des mineurs. En accord avec la résolution de l'Union européenne sur les mineurs non accompagnés des pays tiers, et selon les directives du HCR à ce sujet, le HCR considère qu'il est impératif d'assurer une protection de manière systématique, compréhensive et intégrée et une aide effective aux mineurs non accompagnés. À cette fin, le HCR espère que la Belgique établira des directives dans ce domaine et formera le personnel qui traite les dossiers des mineurs non accompagnés.

19.1.4. Les femmes

Tout comme le mineur non accompagné, la femme « demandeur d'asile » est confrontée à des difficultés particulières. Elle peut être persécutée ou en désaccord avec les régimes politiques qui la rabaissent au niveau social, politique et culturel, et se dresse ainsi contre la loi de sa société. Elle peut être persécutée pour les activités ou pour les opinions de son mari ou d'un autre membre de sa famille, surtout si elle est au courant de ces activités. Cette persécution peut prendre la forme de détention, de menaces ou même de violences sexuelles. Mais à cause de la nature différente de sa persécution et les raisons de celle-ci, les instances compétentes qui l'écoutent peuvent trouver difficile de concilier la demande de l'épouse avec les critères de la Convention de Genève.

Les femmes rencontrent également des problèmes pratiques. Dans la procédure, elles n'ont aucune garantie que l'entretien sera mené par une femme fonctionnaire ou interprète qui comprendra leur problème. On ne peut pas oublier que certaines femmes viennent de pays où la culture ne les autorise pas à parler ouvertement de sujets intimes avec des hommes et hésitent souvent de ce fait à raconter leur histoire lorsque l'audition est menée par un homme. Ainsi, elles ne donnent pas tous les détails relatifs à leur demande d'asile et une décision peut être prise sur la base d'une information incomplète. Autrefois, les demandes des femmes étaient souvent liées à celles de leur époux. Si la femme est la personne qui a une crainte de persécution et si la demande s'asile de son mari est rejetée, elle reste sans protection et risque d'être refoulée dans un pays où elle ne sera pas en sécurité.

Je ne vous ai donné ici que quelques exemples des difficultés que rencontrent les femmes en demandant l'asile. Je voudrais suggérer qu'un forum des organisations internationales et non gouvernementales soit organisé avec les instances concernées et les autorités belges pour identifier les problèmes spécifiques que rencontrent les femmes pour trouver des solutions appropriées. Je voudrais également suggérer l'établissement de directives et la mise sur pied d'une formation adéquate des personnes qui examinent les dossiers pour établir une pratique systématique et globale en vue d'assurer la protection portant sur la substance de la demande et également les garanties d'une procédure qui tienne compte de la nature féminine de la requérante.

19.1.5. La détention

Le HCR est également préoccupé par les dispositions de la loi de 1980 qui prévoit la détention des demandeurs d'asile dans les conditions quasi pénitentiaires. Le droit à la liberté est un droit fondamental et repris dans tous les principaux instruments des droits de l'homme, tant au niveau international que régional. Le droit de demander l'asile est également un droit fondamental. Quand il arrive en Belgique, le demandeur d'asile a peut-être déjà souffert de persécutions ou rencontré d'autres difficultés dans son pays d'origine. Le fait de demander l'asile ne peut être considéré comme un délit ou un crime et il devrait être protégé contre tous types de traitements sévères.

Le HCR estime que la détention n'est, en règle générale, jamais souhaitable et que les demandeurs d'asile ne devraient pas être détenus.

C'est particulièrement le cas pour des groupes de personnes vulnérables tels que les femmes seules, les enfants, les mineurs non accompagnés et les personnes avec des besoins médicaux ou psychologiques particuliers. Selon le HCR, la détention ne devrait être envisagée que pour :

­ vérifier l'identité du demandeur;

­ déterminer les raisons de la demande d'asile;

­ vérifier si le demandeur d'asile a volontairement détruit le document qui prouve son identité ou son titre de voyage;

­ vérifier si le demandeur a présenté de faux documents;

­ protéger l'État contre toutes atteintes à l'ordre public et pour des raisons de sécurité.

Pour les demandeurs d'asile déboutés, comme l'a mentionné l'orateur lorsqu'il a parlé de l'interprétation du terme de « manifestement non fondé », il y a des cas où le HCR estime que la demande aurait dû être examinée au fond et pourrait de ce fait être basée sur une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Le HCR voudrait suggérer qu'une évaluation soit faite par le gouvernement sur le nombre de personnes détenues, leur nationalité, les raisons pour lesquelles ces personnes se trouvent en détention, et de la durée de leur détention, afin qu'une discussion efficace puisse être entamée entre les autorités, les organisations non gouvernementales concernées et le HCR à ce sujet afin de s'assurer que la détention soit appliquée plus humainement.

19.1.6. L'apatridie

Comme chacun le sait, les années 90 ont été celles du remembrement des pays de l'ex-Union Soviétique reconstituée en États souverains. Cependant, dans la mesure où le régime antérieur avait colonisé ces régions par voie de déportation de populations entières, la conséquence de nos jours est que ces États souverains ne reconnaissaient pas ou ne veulent plus reconnaître ceux qui hier encore étaient leurs ressortissants. On assiste alors à une recrudescence de l'état d'apatridie qui frappe les membres de ces communautés qui ont, sans le vouloir, servi d'instrument d'occupation et de colonisation. Il en est ainsi des Tatars, des Tchétchènes et autres entités ethniques qui se voient rejetées quand bien même on saurait que ce sont là des produits de plusieurs générations déjà. Ce ne sont pas là les seules causes de l'apatridie. L'apatridie peut naître de causes multiples telles que la tracasserie administrative, le transfert de souveraineté, la dénationalité, la renonciation, etc.

Ces personnes tombent dans ce néant juridique de l'apatridie. En effet, l'apatride n'est reconnu par aucun état comme son ressortissant au regard de sa propre législation (selon l'article 1er de la Convention de New York de 1954 sur l'apatridie). L'apatride en situation irrégulière ne bénéficie d'aucune protection. Or, tout comme le réfugié, il a besoin de protection, mais paradoxalement aucune organisation n'a été mise sur pied pour se charger de cette protection. La raison pour moi d'évoquer ce problème est basée sur le fait que le Comité Exécutif du Programme du Haut Commissaire a encouragé ce dernier à poursuivre ses activités en faveur des apatrides en promouvant de façon active l'adhésion des États à la Convention de 1954 relative au Statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie. L'Assemblée Générale des Nations Unies a réaffirmé ces responsabilités dans une résolution du 21 décembre 1995.

Comme on peut le comprendre une personne qui ne peut obtenir aucune documentation d'un État qui le reconnaîtrait soit parce que dès la naissance on lui a nié la nationalité soit qu'à un âge adulte cette nationalité lui a été retirée sans contrepartie, aurait beaucoup de mal à affirmer une personnalité quelconque.

C'est pourquoi face à ce vide, le HCR voudrait suggérer d'envisager des dispositions légales pour déterminer le statut d'apatride et les droits de la personne reconnue comme telle.

19.1.7. Conclusion

L'orateur se déclare convaincu que les sujets exposés tiennent la Commission à coeur. Le souhait sincère du Haut Commissariat est que les suggestions faites en ce qui concerne l'interprétation de la notion de manifestement non fondée, les traitements des cas de mineurs non accompagnés et des femmes, la détention et celui de l'apatradie puissent trouver pour certaines une solution et pour les autres la mise sur pied d'une législation destinée à sortir celles-ci d'un vide juridique.

Le HCR demeure conscient des efforts qui sont nécessaires pour faire aboutir chacune de ses entreprises mais demeure confiant que la bonne volonté de tous rendra la tâche plus aisée. Au nom du Haut Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés, il remercie la Commission pour tout ce qui a déjà été fait et se fera encore au profit des plus démunis.

19.2. Échange de vues

Un membre s'inquiète de la situation dans laquelle se trouvent certains habitants d'anciens États de l'Union soviétique, qui ne sont plus réintégrés par leur pays d'origine. Quelle législation concrète peut-on leur appliquer en Belgique ?

M. Kpenou déclare que pour les apatrides, il n'y a pas vraiment de solution. En Belgique plus précisément, il n'y a pas d'instruments concrets. Entre le commissaire général et lui-même, la question reste ouverte.

Sa préoccupation principale est de fournir aux apatrides la garantie qu'ils puissent se fournir des documents qui leur permettent de se déplacer. À défaut de tel document, tous les pays ont le droit de les déplacer, voire même de les expulser. Les modalités sont à discuter entre le HCR et le ministre belge.

M. Smet prétend que, même s'il n'y a pas de statut formel et à part entière pour les apatrides, il y a bel et bien un statut informel, dont on trouve des bribes dispersées à travers plusieurs législations.

C'est ainsi que l'on peut juridiquement acquérir l'état de personne. Le tribunal de première instance peut confirmer l'état d'apatride.

Certains fonctionnaires de l'état civil inscrivent l'apatride d'office en cette qualité.

Il faudrait, au département de l'Intérieur, élaborer un arrêté royal d'exécution, qui serait soumis à la réglementation des étrangers.

En tout cas, l'on peut difficilement autoriser un apatride qui dispose d'un permis de séjour en Belgique à se rendre dans un pays tiers pour ensuite revenir en Belgique.

Un intervenant se préoccupe également du sort qui est réservé aux mineurs d'âge et demande quel statut M. Kpenou envisage pour eux.

M. Kpenou répond que le HCR a édité un certain nombre de directives, qui sont à la disposition du ministère.

Il y a actuellement une discussion en cours pour l'implémentation de ces directives.

Un membre se demande comment le problème de la recevabilité de la demande d'asile est résolu dans d'autres pays.

M. Kpenou dit que la notion de crainte de persécution revient partout dans l'appréciation, et est réservée à celui qui étudie le fond. Dans cette mesure, la notion de « demande manifestement non fondée » émise par l'Office des étrangers amène inévitablement une appréciation qui appartient en fait au commissaire général.

Selon lui, l'Office des étrangers doit se limiter à voir si les motifs invoqués sont « plausibles ».

Un membre demande s'il est possible d'élargir les textes légaux dans le cadre de la Convention de Genève, à des cas non prévus initialement, comme la maltraitance des femmes.

M. Kpenou répond qu'il constate avec regret que ceux qui sont appelés à appliquer la loi belge, en font une interprétation trop restrictive. Pourtant, le HCR aurait préféré que le fait d'être femme serait considéré comme un motif spécifique de persécution, comme cela est admis pour d'autres groupes de personnes en danger.

20. Audition de M. Schewebach, directeur général de l'Office des étrangers

M. Schewebach esquisse d'abord la genèse de la loi sur les étrangers.

Tandis que la loi Tobback introduisit une révision fondamentale du droit belge des étrangers, la loi Vande Lanotte n'a fait que modifier deux aspects particuliers, c'est-à-dire le régime de la privation des libertés et la durée de la détention administrative.

La déclaration gouvernementale prône une meilleure politique des visas, l'accélération des procédures d'asile et l'éloignement des illégaux.

Encore fallait-il pouvoir disposer des moyens budgétaires en conséquence et créer un cadre, selon les données fournies par le bureau ABC, aussi bien pour l'administration centrale que pour les services extérieurs.

En ce qui concerne les visas, on a dû organiser la coordination avec les affaires étrangères. Dans la politique de migration, le visa est à la fois un frein et un moyen de contrôle.

En ce qui concerne le traitement des dossiers des étrangers, l'Office n'a plus de retard au niveau des demandes d'asile. Le seul goulot subsiste au CGRA, où beaucoup de dossiers sont « en attente de traitement ».

L'éloignement pose parfois problème; il y a des pays d'origine où il est difficile d'obtenir des documents permettant la rentrée. Diverses catégories d'étrangers se trouvent devant cette difficulté, quand ils ont reçu l'ordre de quitter le territoire. D'où la mise en détention inévitable dans la prison ou dans un centre de détention. L'Office est équipé pour assumer cette mission.

Il y a un « centre 127 » à Melsbroek, où se trouvent en moyenne 80 personnes qui ont demandé l'asile à l'aéroport, sur le TGV ou dans des bateaux.

Le « centre 127bis » constitue une réserve pour le centre 127 d'une part, et permet l'hébergement des illégaux de l'autre.

Les anciennes prisons de Merksplas et Bruges sont plutôt conçues pour accueillir des personnes « cueillies » en dehors des centres fermés, par exemple à l'occasion de rafles anti-travail en noir.

De façon générale, il y a un glissement vers les centres fermés pour ceux dont le seul délit est d'avoir bravé l'interdiction de séjour.

En pratique, le délai de détention est d'au moins 40 jours, et dépasse souvent les deux mois.

Bien que, sous l'empire de la nouvelle loi, il y a davantage de permis accordés, le délai de 40 jours est resté le délai moyen dans lequel un étranger obtient ses documents. La prolongation est une nouveauté.

La politique générale était et est toujours de permettre, si c'est nécessaire, une régularisation en Belgique, et ce à travers un ensemble de critères interprêtés largement.

Afin de rencontrer les directives du gouvernement, l'administration s'est d'abord ouverte au public, et a de ce fait dû absorber un flux important d'appels téléphoniques et de lettres, à un point tel qu'elle n'avait plus la possibilité d'effectuer son travail sur dossiers. En principe, l'Office ne travaille que pour les demandeurs d'asile en première ligne, et en deuxième ligne pour les autres dossiers, et tant que support logistique pour les postes diplomatiques et les communes.

Un membre demande où en est le plan de gestion de l'Office des étrangers.

M. Schewebach déclare que pour l'élaboration du plan de gestion, on est parti du volume en personnel commis d'office à cette nouvelle institution pour s'orienter ensuite vers le plan de stabilisation via une transformation de la formation du personnel contractuel en cadre statutaire. À ce niveau-là, il n'y a que très peu de directives, et on n'en est qu'au stade de l'élaboration.

Un autre membre demande quelle est son opinion au sujet de la régularisation des illégaux déboutés. Il y a dans ce domaine apparemment beaucoup de flou et d'arbitraire.

La nouvelle circulaire permet-elle la régularisation et qu'en est-il de la sécurité juridique en ce domaine ?

M. Schewebach prend le cas général des réfugiés qui tombent sous l'application de l'article 9 de l'arrêté royal d'application.

Dans le projet de circulaire, l'on règle, au niveau de la procédure, le sort de deux catégories, c'est-à-dire ceux qui sont retenus par la lenteur de la procédure, et ceux dont l'état de santé ne permet pas de rapatriement immédiat.

Pour sa mise en application, l'administration est actuellement en train d'élaborer des critères à usage interne. Il n'y a par ailleurs pas d'arbitraire en ce qui concerne le traitement à la base, puisque les bourgmestres ont reçu des questionnaires comportant des paramètres socio-économiques. En dehors de ces critères, c'est le ministre qui décide.

L'Office est jusqu'à présent réticent à publier ces critères, qui mènent à une prise de décision trop rapide. Il est d'avis qu'il faut conserver la possibilité d'une prise de décision discrétionnaire.

Quant à l'arriéré, l'on ne savait pas au début de la réorganisation comment l'arriéré allait évoluer. Il y avait en moyenne un arriéré de cinq ans, avec quelques dossiers vieux de dix ans.

Actuellement on cerne mieux les phases du retard. Toute la régularisation est fonction de budgets. On constate un glissement des fonds fédéraux vers les fonds communaux.

Le membre demande de savoir sur quoi alors, la jurisprudence administrative est basée, à défaut de critères publiés.

M. Schewebach répond qu'il y a certaines circulaires, mais qu'il faut se rendre compte qu'élaborer des circulaires demande de la connaissance de la matière et du temps.

Or, les juristes affectés à l'Office ont souvent moins de cinq ans d'expérience, et ne sont pas encore chevronnés dans la matière. En plus, la devise étant de travailler contre la montre, il n'y a pas beaucoup de temps libre pour s'occuper d'autres choses que les dossiers.

La plupart des agents concernés ne sont pas pour autant arbitraires dans le traitement de ces dossiers. Il y a en effet la tradition et l'expérience acquise qui leur servent de ligne de conduite.

Le membre insiste sur le caractère sensible de la matière. N'y a-t-il dès lors pas lieu d'élaborer une loi tendant à objectiver les critères ? De quel type de formation disposent les juristes de l'Office ?

M. Schewebach indique que les membres du personnel sont formés pendant leur travail. Les jeunes juristes participent en outre à des visites aux centres et à des stages, parfois à l'étranger.

Par ailleurs, la mission de l'Office est à voir dans le cadre de la loi, qui ne lui confie que l'examen de recevabilité dans les 8 jours.

D'une part il faut agir vite, et de l'autre, la matière n'est pas compliquée à l'extrême.

Il faut tenir compte bien entendu des traités Schengen-Dublin et de la Convention de Genève puisque la non-recevabilité se traite au regard de ceux-ci.

La plupart des cas sont limpides et il ne faut pas beaucoup de spécialistes pour les traiter.

La règle générale est qu'en cas de doute, la demande est déclarée recevable.

L'Office est d'autant plus à l'aise qu'il sait que quand au fond, le commissaire général prend plus de temps.

M. Schewebach est d'avis que des indications lui suffisent pour fonder sa conviction.

Le membre rappelle que le commissaire général aux réfugiés et apatrides a prétendu qu'il existe un danger d'empiétément sur ses compétences par la manière dont l'Office des étrangers traite la recevabilité de la demande d'asile. Ne faut-il pas donner une formation en la matière aux agents concernés ?

M. Schewebach explique que son service traite le cas de 30 à 40 demandeurs par jour avec un retard maximum de 8 jours.

Il ne voit pas par quelle formation l'on pourrait améliorer la qualité du travail des fonctionnaires qui sont formés en cours d'emploi.

L'on pourrait imaginer un dépaysement par un stage aux services des Nations Unies, ou un roulement au sein du service même. Mais il faut également prendre en considération que le travail doit être fait.

Nul ne peut ignorer qu'en ce domaine, l'action entreprise par l'Office est un succès, en termes d'atteinte des objectifs.

Le pourcentage de dossiers traités à temps est large dans son service par rapport au nombre de dossiers traités par le CGRA en vue d'une reconnaissance.

Dans l'appréciation des activités de l'Office des Étrangers doit aussi être pris en considération le fait que le champ d'application de la loi dépasse largement la problématique liée au statut des réfugiés.

Quant aux critères appliqués par son service, il y a lieu d'observer que :

1. La loi est là et prescrit l'introduction de la demande endéans le mois. Il n'y a pas d'interprétation possible.

2. Il y a peut-être quelques problèmes au niveau du tri effectué sur la base de la nationalité. En décidant dans ce domaine, on touche indirectement au fond, mais l'Office n'a pas l'habitude d'approfondir l'analyse dans ce domaine-là.

On a constaté dans le passé qu'au Petit Château, certains constats consignés dans des rapports étaient trop lapidaires. On a pris les mesures nécessaires afin de corriger cette situation.

Il faut reconnaître qu'il est parfois difficile de travailler en fonction de la dualité des instances (OdE. et CGRA).

Enfin, il faut savoir qu'au sein de l'Office, il y a une section qui étudie plus en profondeur la jurisprudence récente, et qui corrige les projets de décision en conséquence.

Un autre membre demande si M. Schewebach peut dire combien, parmi les 30 à 40 cas journaliers, relèvent de l'application du Traité de Schengen.

M. Schewebach déclare qu'il faut, pour que le Traité de Schengen soit applicable, constater la compétence d'un pays « tiers ». Il faut donc prouver qu'il vient d'une frontière terrestre. Ce n'est que s'il atteint l'aéroport que ce problème ne se pose pas, puisque dans ce cas, l'on connaît l'origine.

Il ne dispose pas de chiffres exacts pour l'instant, mais les fera parvenir à la commission.

Le membre sait qu'il y a une réelle difficulté pour le personnel concerné, surtout communal, à assimiler les matières du droit des étrangers. Comment faut-il gérer ce problème, et former le personnel communal ?

M. Schewebach déclare que le premier problème à résoudre lors de l'interrogatoire est la connaissance par l'étranger des langues nationales, parce que du choix de la langue dépend une répartition équitable entre les dossiers néerlandais et français voulue par le législateur. L'équilibre est atteint. Afin de se départir de ce problème, l'on travaille par couple de fonctionnaires, dont l'un est néerlandophone et l'autre francophone.

Pour le reste, le problème de la formation est général. Il se pose tant au niveau du ministère qu'au niveau de l'Office. Quant à ce dernier, il organise pour ses agents des dépaysements sous forme de programmes de visite aux services extérieurs.

Quand les agents sont saturés par le dur métier d'interroger, on essaye de les satisfaire par une mutation.

Le membre constate qu'il peut y avoir deux sortes de déviances : soit le fonctionnaire est trop répressif par nature, soit il est saturé, et dit non par réaction.

M. Schewebach répète que la dernière déviance est traitée humainement par une mutation. Par contre, le fonctionnaire qui est raciste est écarté.

Un sénateur aborde à nouveau le problème du traitement des mineurs d'âge, qu'ils soient demandeurs d'asile ou qu'ils résident tout simplement illégalement dans notre pays. A-t-on pris des dispositions pour eux ? Y a-t-il des procédures adaptées et a-t-on prévu des fonctionnaires spécialement formés au traitement de leur dossier ?

M. Schewebach explique que pour analyser la demande d'asile, il faut appliquer la loi, qu'il s'agisse d'enfants ou d'adultes. S'ils sont accompagnés, leurs tuteurs agissent en leur nom. Pour les non-accompagnés, il faudrait pouvoir obtenir une radioscopie des services concernés. Il s'y applique, avec l'appui du Centre pour l'égalité des chances. La Communauté flamande n'a pas de mineurs placés sous sa compétence. La Communauté française, quant à elle, ne veut pas collaborer, à part quelques conseillers de la jeunesse individuels.

Toute la procédure au premier contact avec l'enfant qui se trouve en Belgique sans titre valable commence par la voie normale : le gendarme dresse un procès-verbal, qui est transféré au parquet.

L'Office, quand il est confronté à une très jeune personne, statue s'il discerne, dans ses explications, une demande d'asile.

Pour une approche appropriée, une équipe mobile a été constituée pour les interrogatoires, composée de gens ayant des affinités dans ce domaine.

Si, après analyse, la demande est trouvée irrecevable, le jeune est reconduit, ou confié aux bons soins d'une ONG.

Il y a toutefois très peu de cas de ce genre, c'est-à-dire 3 à 4 par an.

Si la demande est irrecevable, l'on demande au parquet de lui trouver une instance s'occupant de son hébergement.

Il précise que cette dernière technique s'est faite surtout à Bruxelles, où se traitent la plupart des cas rencontrés (l'aéroport de Zaventem est situé dans l'arrondissement de Bruxelles), mais il faut admettre que c'est le seul parquet qui a réagi à l'appel de l'Office en vue d'une action conjointe de façon structurelle.

Les autres parquets n'agissent pas de la même façon ou pas du tout.

Si la demande d'asile se trouve recevable, l'enfant est confié aux institutions subsidiées par le ministère de l'Émancipation sociale.

Le sénateur demande qui prendra alors la décision finale.

M. Schewebach déclare que c'est là le privilège du juge de la jeunesse, qui collabore de plus en plus avec l'Office des étrangers.

Quant à la période qui suit la décision, il y a lieu de dire qu'en règle générale les ressortissants de beaucoup de nationalités récupèrent les enfants avant même la fin de la procédure.

Ce n'est que rarement qu'on ne retrouve pas la famille parmi les cas d'enfants pour lesquels la demande d'asile a été déclarée irrecevable.

Dans ces cas au demeurant exceptionnels, un titre de séjour est délivré pour la durée du placement décidé par le juge. Le droit commun prévaut et l'Office ne fait que suivre.

Tout ce qu'il fait est d'élaborer un système, sans jamais prendre en charge l'enfant lui-même. Ce système doit permettre de faire le suivi de ces mineurs.

La nécessité d'un suivi structuré est démontrée par le fait que l'on retrouve encore régulièrement, dans les institutions dépendant des Communautés, des enfants qui sont signalés lorsqu'ils deviennent majeurs d'âge alors que leur présence n'a jamais été renseignée à l'Office.

Comme les mineurs d'âge sans parents doivent en principe être ramenés à la frontière, l'Office cherche à savoir s'ils ont été vraiment abandonnés et s'ils n'ont plus de parents dans leur pays d'origine.

Si les parents sont en Belgique, un procès-verbal est dressé à leur encontre pour abandon d'enfants.

Il dénonce aussi la pratique des faux mineurs, c'est-à-dire qui faussent leur âge. Dans ce cas, la radiographie des poignets permet de se prononcer sur l'âge exact.

Un membre demande si des concertations structurées existent pour régler ces problèmes.

M. Schewebach déclare qu'à part l'expérience bruxelloise qui résulte d'une longue pratique, il n'y a rien. Les communautés ne bougent pas, sauf certaines personnes individuelles. Au niveau politique, c'est le ministre de l'Intérieur qui a la présidence d'un groupe de travail mixte, où il essaye de convaincre l'Office de l'enfance des deux communautés de participer à une solution.

Une autre membre se préoccupe des interrogatoires que l'on fait subir aux mineurs d'âge. Les directives du Haut Commissariat aux réfugiés insistent sur la nécessité d'une formation spéciale. Le premier bureau serait spécialisé en la matière. En ce qui concerne les femmes, le Haut Commissariat aux réfugiés a également donné comme directive de les considérer comme un groupe harcelé.

Elle renvoie également, en la matière, à la note du groupe de travail « Vrouw en Asiel ».

En ce qui concerne le plan de gestion, elle peut comprendre que les réalisations doivent être limitées en fonction des moyens peu importants.

La majorité des problèmes semblent se poser au service des Visas. Quels moyens a-t-on prévus pour y remédier ?

En ce qui concerne l'accès à l'Office des étrangers, le problème est que les lignes téléphoniques sont constamment occupées.

Il y a ensuite l'expulsion elle-même : celle-ci doit-elle être effectuée par les propres services, à savoir la gendarmerie et la police, ou doit-on faire appel à des services privés ? Dans ce dernier cas, qui donne l'ordre ? Qui contrôle l'expulsion ?

Peut-on dire qu'il existe un code en matière d'expulsion ?

M. Schewebach répond que :

1) Pour interroger les mineurs, il n'y a pas de formation spécifique requise ou donnée, mais l'on a fait le choix de fonctionnaires expérimentés sur base entre autre de leur parcours professionnel. Ainsi a-t-on trouvé une fonctionnaire munie d'un diplôme d'assistante sociale.

Le nombre de cas de mineurs est toutefois trop limité que pour justifier la formation d'un équipe spéciale, ce qui n'empêche qu'on a fait la tentative, mais sans succès.

Il se souvient de deux cas l'année passée et deux cette année-ci.

2) En ce qui concerne la problématique des femmes, il souligne que, sauf situation exceptionnelle, les femmes sont interrogées depuis deux ans systématiquement par des femmes.

3) En ce qui concerne les visas, il y a lieu de souligner qu'il y avait dans ce secteur un retard de deux ans en 1988, tandis qu'en 1998, on sera à jour dans certains secteurs. Le tableau n'est donc pas sombre à tous les égards.

Il restera toutefois des problèmes inhérents à l'organisation, par exemple le fait que tout doit passer par les postes diplomatiques, qui disposent d'une certaine autonomie. Une ambassade peut demander des informations à l'Office, mais c'est elle qui décide.

Pour les étudiants, on essaye de délivrer les visas au jour le jour. Ce n'est que quand un problème surgit que ce délai est dépassé.

Pour les regroupements familiaux, les ambassades accordaient d'office le visa, mais vu la recrudescence des mariages en blanc, on devient plus circonspect. Cela débouche parfois sur des enquêtes compliquées, par la force des choses.

Il y a une recrudescence dans le domaine des demandes de visa, et cela malgré les accords de Schengen. Pour les sujets de pays tiers, la demande doit en effet continuer à se faire à chaque pays où l'on se rend.

Parmi les goulots matériels, il y a la valise diplomatique, dont la fréquence est souvent trop petite à certains postes éloignés ou peu importants.

L'Office doit trier ces demandes qui se chiffrent à 40 000, voire 50 000 par an, tandis qu'il s'y ajoutent autant qui sont traités à Bruxelles même.

Le tri se fait à la base entre demandes « normales » et « spéciales ». Pour discerner plus vite des cas spéciaux, on essaye d'avoir accès au dossier dès sa création. C'est à cet effet qu'on teste pour l'instant un système de courrier informatisé avec le poste de Casablanca.

Pour comprendre certains retards, il faut se rendre compte également que la réaction politique vis-à-vis de l'immigration a changé fortement.

Alors que la loi ne comportait que des conditions minimales, il a fallu développer depuis 1974 des freins à l'immigration, suite à la volonté politique.

Toujours est-il que malgré la complication des tâches, l'on obtient facilement un permis de séjour de plus de trois mois, si l'on dispose d'un permis de travail, sauf pour les ressortissants des pays arabes et des anciennes républiques soviétiques.

Afin d'activer le processus, on a songé à travailler par fax, mais le budget ne le permet pas.

L'informatisation des grands postes est sur le métier.

Dans le domaine des visas, il faut aussi stabiliser le personnel. Il faut en effet un an pour former un agent.

4) Quant au problème de l'accès à l'OdE, il y a d'abord le problème de l'accessibilité des services.

Il est vrai que les lignes téléphoniques sont souvent bloquées, mais c'est la conséquence des demandes de visa qu'on traite en première ligne.

Suite à cette sursaturation, on a installé un répondeur à certaines heures, seul moyen de permettre aux agents de traiter les dossiers de 2ème ligne. Peut-être pourrait-on orienter ces demandes vers les communes, qui sont plus disponibles.

Il y a ensuite l'accessibilité des dossiers.

Les gens sont reçus par l'Office dans la mesure du possible. En novembre 1997, on installe un bureau d'accueil, où les gens sont assistés avec un décryptage. Tout citoyen ou son avocat a droit à l'accès au dossier, sauf en ce qui concerne l'information judiciaire, ou administrative interne.

5) En ce qui concerne l'éloignement, le transfert à l'intérieur de la Belgique se passe de façon forcée jusqu'à la frontière. Il y a également une escorte dans l'avion.

Malgré toutes les rumeurs qui circulent, c'est avec la gendarmerie que l'on continue à travailler.

Quant au menottage, on essaye de l'éviter. C'est ainsi que parmi les éloignements effectués par l'OdE, cela ne s'applique qu'en 10 % des cas.

La société BUD est une agence internationale qui est surtout utilisée par les compagnies aériennes. L'OdE a jadis fait appel à ses services, mais on a mis fin à la collaboration étant donné qu'elle ne remplissait par son contrat.

De toute façon, le contrôle des autorités belges doit être permanent sur toute opération de ce genre.

En ce qui concerne les compagnies maritimes, elles s'assurent contre les clandestins auprès de compagnies d'assurances, pour pouvoir laisser leurs navires quitter les ports sans problèmes de ce genre. Ce sont ces compagnies d'assurance qui mettent les clandestins en transit à leurs frais, et qui payeront le trajet en cas de refus du statut d'asile.

Une membre dit avoir retenu des discussions du projet Vande Lanotte que l'instauration du délai de détention de huit mois était censée apporter une solution par son effet dissuasif. Mais il y a aujourd'hui tout autant de prolongations qu'auparavant. Elle renvoie, à cet égard, à la note de M. Schewebach en personne où l'on peut lire que la prolongation est la règle.

M. Schewebach confirme que lors du vote de la loi Vande Lanotte, il n'y a pas un an, on a prolongé les délais de détention. Avant, on n'allait pas au-delà du premier délai de deux mois, pour la bonne raison qu'il n'y avait pas de place dans les centres. La pratique démontrait alors qu'après 40 jours déjà on pouvait les libérer, puisque ceux qui s'y trouvaient encore après ce délai étaient inexpulsables pour différents motifs. Les demandeurs d'asile s'étaient déjà habitués à ce délai. C'est à cette accoutumance des demandeurs d'asile eux-même que fait allusion la circulaire.

Il y avait un mauvais fonctionnement d'un des services, qui faisait que l'arrestation n'intervenait que huit à dix jours après la demande. C'étaient autant de jours inopérants. On a modifié cette pratique. Puisque certains pays demandent un délai plus long pour fournir un laisser-passer, il a insisté, dans ces cas, pour que l'on applique la loi.

Dans ces cas de dépassement des délais habituels, on applique désormais la loi en prolongeant la détention.

Ce changement de politique a fait que les gens collaborent plus facilement afin d'éviter une détention prolongée.

Ce n'est que si les premières démarches échouent, et qu'aucune solution n'est trouvée, que l'OdE fait le tour des ambassades pour trouver un pays d'accueil. C'est un travail de longue haleine, et souvent les ambassades demandent un contrôle dans leur pays même.

Ceci amène effectivement certaines personnes de mauvaise foi d'abandonner la procédure et de repartir.

Un membre demande combien de temps il faut pour se rendre compte de l'impossibilité d'obtenir les papiers nécessaires à l'expulsion. La prolongation est-elle bien opportune ?

M. Schewebach répond qu'il arrive souvent qu'il y ait des étrangers qui ont des papiers d'identité, mais qui les cachent. La détention est souvent une incitation à leur « découverte ». La détention a également comme avantage d'empêcher l'entrée en clandestinité.

La prorogation au-delà de 4 mois se fait de toute façon au niveau du ministre. Mais il s'agit d'un cas d'application très rare.

Une membre revient sur la note de M. Schewebach. Bien qu'il s'agisse d'une note interne, elle est néanmoins la confirmation de l'existence d'un système qui va en soi à l'encontre de la promesse faite par le ministre lors de la discussion de son projet de loi, de procéder à un examen au cas par cas.

M. Schewebach déclare que chaque cas fait l'objet d'une analyse ponctuelle où d'autres éléments peuvent jouer. Ainsi sera-t-on tenté d'appliquer une détention administrative si l'étranger a commis des délits qui ne justifient pas en tant que tels une détention préventive au pénal.

En aucun cas, la détention administrative n'est utilisée comme torture morale.

Du reste, il n'incombe pas à un fonctionnaire d'entrer dans des considérations émises par le ministre. Il doit se limiter à la loi.

Un autre membre se réjouit de la collaboration entre l'Office des étrangers et le parquet de Bruxelles. Il s'agit d'un tournant dans le traitement de l'épineux problème des mineurs non accompagnés.

M. Schewebach insiste qu'il s'agit d'un développement prétorien, et qu'il n'y a pas de perspective d'une procédure nationale. Peu de parquets adressent des demandes à l'OdE. Un schéma est bien en cours d'élaboration avec le Centre pour l'Égalité des Chances.

La première qualité à prendre en considération est celle d'étranger qu'il soit à refouler ou non.

Ensuite, il est considéré comme enfant en danger.

Malheureusement, les Communautés refusent de collaborer à cause des subsides qu'elles devraient débourser.

Un sénateur a appris au cours des auditions qu'auparavant, la détention était de deux mois au maximum. Afin que l'administration puisse organiser l'expulsion, on prorogeait parfois ce délai de deux autres mois. Il arrivait également que l'on renouvelle ce délai à plusieurs reprises. Cela se fait-il toujours et, si oui, quel est le plus long délai de détention d'un étranger que l'on ait connu depuis l'instauration du nouveau régime ?

M. Schewebach confirme qu'en cas de refus d'obtempérer à l'ordre de quitter le territoire, un deuxième délai était inévitable sous l'ancien régime.

Il arrivait que le délai dépasse deux voire quatre mois, dans le cas d'une condamnation pénale. Dans ce cas, la peine était d'abord purgée et le délai de détention était de ce fait suspendu, après quoi il reprenait son cours. Le poblème se posait aussi pour ceux parmi les Algériens qui constituaient un danger pour l'ordre public.

Avec la nouvelle loi, la technique de renouvellement complet de la détention n'est plus nécessaire, bien qu'encore possible juridiquement. La Cour de cassation a accepté cette pratique.

Si cette technique s'imposait encore exceptionnellement, ce devrait l'être avec son accord personnel.

Il connaît deux cas de gens ciblés dont la détention a été prolongée six fois. Mais il faut continuer à tenir compte du délai de détention pénale, qui est suspensif.

Le sénateur sait que d'aucuns sont détenus depuis plus d'un an pour séjour illégal, sans avoir encouru la moindre autre condamnation.

Se pose aussi le problème de l'expulsion après un délit. Il a constaté à cet égard que la coordination avec la Justice est mauvaise en ce qui concerne l'application de la loi Lejeune. L'Office des étrangers attend que la libération conditionnelle soit effective plutôt que d'agir dès l'annonce de l'engagement de la procédure de remise en liberté.

M. Schewebach explique que le rôle de l'OdE n'est pas répressif. Les normes sont différentes selon les cas. L'expulsion est la suite d'un arrêté royal après avis pris par l'OdE auprès de la Commission consultative des étrangers.

Si les peines sont accumulées, il a proposé d'essayer d'abréger les délais, mais les présidents de la commission ne sont pas toujours de même avis.

Juridiquement, un renvoi est possible pour des faits donnant lieu à condamnation. Cela permet de procéder à l'expulsion avant même que le condamné ait purgé la peine.

Un autre membre veut entamer un tout autre chapitre, c'est-à-dire l'aide impossible des CPAS aux illégaux.

Elle a dans sa commune une famille kossovare avec quatre enfants qui sont entassés dans un logement familial sans courant ni chauffage. Que pense M. Schewebach de cette situation ?

M. Schewebach déclare que s'ils sont en séjour illégal, ils auront reçu l'ordre de quitter le territoire. Si on les laisse faire, ils peuvent rester à titre précaire. Le jour où on veut les éloigner, il faudra employer la force.

L'intervenante s'insurge contre une telle décision. Si on veut les éloigner, il faut qu'elle le sache immédiatement, pour que les autorités communales ne soient pas dans une situation impossible. Est-ce que le CPAS peut donner de l'aide ?

Le secrétaire d'État à l'Intégration sociale répond que ceci ne pose pas de problème après la prorogation du titre de séjour provisoire en vertu de la nouvelle circulaire.

Un autre membre estime également qu'il faut apporter une solution formelle à ce type de situation d'urgence. Cela fait 18 mois que cette situation perdure et le ministre n'a toujours pas proposé de solution au niveau législatif.

21. Audition de Mme Cluydts, directrice du centre INAD, de M. De Vulder, directeur du Centre 127bis, du lieutenant-colonel Allaert, représentant du BCR de la gendarmerie et de M. Hongenaert (Office des étrangers)

Mme Cluydts donne un bref aperçu de la situation au centre Inad. Le centre qu'elle dirige accueille des personnes arrêtées au contrôle frontière à Zaventem, qui n'ont aucun motif de rester en Belgique et qui n'ont même pas sollicité le droit d'asile.

Ils y séjournent le moins longtemps possible, jusqu'à ce qu'il y ait un vol de retour vers leur pays.

L'hébergement est l'affaire de l'Office des étrangers, qui est chargé d'y pourvoir.

La gendarmerie détermine, en concertation avec les autres services de l'Office des étrangers, si ces personnes sont renvoyées dans leur pays. Chacun reçoit une « annexe 11 » indiquant les motifs de cette mesure.

Un membre demande comment le centre est géré et à combien on évalue le nombre de personnes qui transitent par celui-ci.

Mme Cluydts explique qu'il s'agit d'une sorte d'hôtel où la liberté personnelle n'est soumise à aucune restriction, sinon que les « pensionnaires » ne peuvent pas entrer en Belgique. Ils disposent d'un téléphone public et la gendarmerie leur fournit préalablement toutes les explications nécessaires à l'aéroport. Le centre Inad se caractérise en outre par la présence d'un agent de l'Office des étrangers, qui donne au besoin les compléments d'explication nécessaires.

Un autre membre s'enquiert de la durée de la période de détention.

Mme Cluydts déclare que cela dépend des plans de vol des compagnies aériennes. Il n'y a parfois qu'un seul vol par mois sur certaines lignes.

Une troisième intervenante demande de quelles nationalités proviennent les détenus.

Mme Cluydts renvoie aux services de la gendarmerie et aux autres services de l'Office des étrangers pour ce genre de données.


M. Allaert expose la procédure globale à Zaventem, en insistant surtout sur la mission de la gendarmerie.

La gendarmerie exerce en fait un contrôle frontalier.

­ Lorsqu'un étranger ne pose aucun problème à première vue, ni au niveau de ses documents officiels, ni au niveau du signalement, il est autorisé à pénétrer sur le territoire.

­ Dès qu'il y a le moindre doute, il est retenu et déféré à l'Office des étrangers. S'il n'est pas en possession des documents nécessaires, il est rapatrié aux frais de la compagnie aérienne.

Précédemment, il n'y avait aucune infrastructure d'accueil pour ces personnes pendant la période entre le contrôle frontalier et le rapatriment. Elles étaient alors cantonnées dans le hall et s'échappaient parfois par les issues de secours.

On a donc cherché une solution spécifique en prévoyant un hébergement dans ce qui est devenu le centre Inad.

Un membre s'inquiète du contrôle du volet « ressources suffisantes ». N'est-il pas trop arbitraire ?

M. Allaert précise que le contrôle frontalier s'exerce de la même manière dans toute la zone Schengen sur la base de critères objectivés. Il ne peut donc y avoir aucun problème.

L'intervenante se réfère à la déclaration de Me Lurquin, représentant du CNAPD qui a donné une toute autre version.

M. Allaert se mefie des déclarations des avocats, qui sont parfois tendancieuses. Une pratique fort répandue dans les milieux de la criminalité organisée consiste à faire entrer en fraude des étrangers munis d'un visa d'affaires. L'ambassade n'est souvent pas en mesure de vérifier la chose. D'où la circonspection des contrôleurs. On est actuellement en train d'élaborer un système permettant de vérifier les informations sur la base des dossiers de visa.

Il n'est pas rare que ces organisations recourent à des avocats pour épuiser toutes les procédures afin de faire entrer quand même l'étranger en territoire belge.

Un autre membre a eu vent de plaintes selon lesquelles certaines personnes n'ont pu contacter leur avocat. D'autres se plaignent de ne pouvoir lui parler en privé. L'unique téléphone est occupé la plupart du temps.

Un autre intervenant demande à quoi bon exiger un visa si son détenteur se voit malgré tout refuser l'accès au territoire à partir du moment où il provient d'un pays africain suspect.

Le ministre souligne que le visa est le support formel d'une décision prise par les autorités en fonction du motif de voyage invoqué.

Il est difficile dans le pays d'origine de vérifier si ce motif est conforme à la réalité.

Une fois arrivé à la frontière, les choses deviennent plus claires. On peut par exemple vérifier si la firme avec laquelle l'intéressé affirme venir traiter existe réellement, si elle exerce une activité dans le secteur mentionné par l'immigrant, etc.

Ce type de contrôle permet déjà de neutraliser toute une partie des fraudeurs.

L'intervenant désire savoir comment, au Centre Inad, on aide l'étranger à trouver un avocat.

Mme Cluydts déclare que la plupart des personnes qui demandent un avocat en connaissent déjà un avant leur arrivée en Belgique. Lorsqu'elles demandent une liste, chose rarissime, on la leur fournit.

Un autre intervenant comprend que l'on s'attaque aux réseaux, mais tout refus doit faire l'objet d'un rapport et être motivé. Qui peut consulter ces rapports.

M. Allaert rappelle que les critères en question ont été définis en vue des contrôles applicables aux ressortissants hors UE qui se présentent aux frontières extérieures de la zone Schengen.

Le contrôle de première ligne doit d'abord satisfaire à ces critères, mais il est également tributaire de l'expérience de l'agent contrôleur et doit être fondé en partie sur l'observation des comportements de l'immigrant.

Au moindre signe suspect, l'on procède à un contrôle de deuxième ligne, qui est un contrôle beaucoup plus approfondi.

En ce qui concerne l'établissement de rapports, la gendarmerie produit des indicateurs de performance en ce sens que l'on comptabilise les contrôles positifs qui sont opérés après ce deuxième contrôle. Ces indicateurs montrent notamment que, dans près d'un quart du nombre total de cas d'immigrants jugés suspects, les soupçons se sont avérés fondés, après vérification.

C'est beaucoup surtout quand on sait que la gendarmerie agit dans le secteur commercial de l'aéroport. Elle ne peut donc pas soumettre tout le monde à un examen approfondi. Si elle pouvait le faire, le nombre total de contrevenants qu'elle intercepterait serait sans doute encore plus élevé.

Au moindre signe suspect, l'on procède à un contrôle individuel, un rapport est établi à l'attention du service de l'inspection des frontières.

L'intéressé peut consulter son dossier personnel, conformément aux dispositions de la loi relative à la publicité de l'administration.

Un sénateur déclare que s'il y a des personnes qui opèrent pour le compte ou dans le cadre d'un réseau à visées financières, il y a aussi des personnes qui sont complètement désempérées. Le colonel peut-il fournir une idée de l'ordre de grandeur de ces deux catégories de personnes ?

Ne doit-on pas refuser, par exemple, tous les routards, si l'on estime que les intéressés doivent disposer d'un minimum de moyens d'existence.

M. Allaert répond que tout dépend du premier tri que réalise le gendarme qui opère au poste de contrôle. L'ordre de grandeur de ces deux catégories de personnes variera en fonction du facteur humain. Mais chaque fois que l'on constate que les critères ne sont pas remplis la chose est consignée dans un rapport.

Il y a aussi des personnes qui ne sont en règle à aucun point de vue, c'est-à-dire ni sur le plan formel, ni sur le plan financier. Pour ce qui est de l'aspect financier, l'on estime qu'un touriste a besoin en principe d'environ 1 000 francs par jour.

Le ministre déclare que pour ce qui est de la prise en charge sur place l'on utilise habituellement comme critère un séjour de deux ans.

En procédant en règle générale, l'on s'écarte toutefois quelque peu du principe définir à l'article 3, 4º, de la loi sur les étrangers, selon lequel tout intéressé doit disposer de moyens de subsistance « pour toute la durée de son séjour ». L'on s'écarte dès lors largement du critère en question à l'occasion des contrôles ponctuels.

Un membre s'inquiète de l'influence des musulmans intégristes sur leurs compatriotes. Que fait-on des gens qui sont menacés dans leur pays par des islamistes, qui ne sont pas dans le gouvernement, ce qui leur prive d'un motif pour faire valoir la Convention de Genève.

M. Allaert répond que dès qu'il y a un soupçon de demande d'asile, la personne est remise à l'OdE, et jamais envoyé à l'Inad.

L'intervenante demande un tableau comparatif des gens retenus parce que le mobile donné ne résistait pas au contrôle, et ce par rapport au nombre total de vérifications.

M. Allaert répond que tout n'est pas systématiquement converti en statistiques. Pour certains motifs, comme les mariages en blanc ou supposés l'être, il y a un suivi avec l'OdE. C'est là une des tâches de la cellule qu'il dirige. À ce propos, il note un glissement puisqu'il n'y a plus que 40 % de cas en Belgique, tandis que la proportion est de 60 % à l'étranger. Ceci est le résultat d'un suivi sérieux.

Malgré cela, il y a en Belgique une augmentation en chiffres absolus de la proportion de mariages en blanc par rapport à la totalité des mariages. Mais le phénomène est clairement contenu.

La même évolution se manifeste pour les regroupements familiaux : alors qu'auparavant, il y avait par exemple en Turquie quinze demandes par jour, il n'y en a plus actuellement que deux à trois par semaine, suite à un meilleur contrôle.

L'intervenante demande quelles sont les réactions des contrôleurs quand ils constatent des faux dans les documents et que la personne déclare qu'il a dû les fausser pour fuir son pays. Comment contrôle-t-on le comportement des contrôleurs qui pourraient être tentés de refouler ces personnes ?

M. Allaert répond que les contrôleurs rencontrent fréquemment cette situation et que dès qu'il est question d'« asile » les intéressés sont envoyés dans un centre.


M. De Vulder , directeur du centre 127bis déclare que son centre constitue le point d'aboutissement d'une procédure qui est dirigée depuis l'Office des étrangers.

Il y a deux groupes de gens : ceux qui sont transférés des postes frontières en attendant leur rapatriement et ceux qui sont enfermés après un séjour dans le pays en vertu d'une décision du Bureau R, ou qui se sont vus notifier un rejet de demande d'asile examinée en Belgique. Le groupe le plus important est toutefois composé des personnes relevant du régime des transferts dans le cadre de l'accord de Schengen.

Un sénateur demande si la présence de personnes agressives et d'enfants pose parfois des problèmes dans les centres.

M. De Vulder déclare que le bâtiment comporte quatre ailes pouvant abriter 40 personnes chacune. Lorsqu'ils y en a davantage, cela crée des tensions. Des tensions se produisent parfois aussi sporadiquement entre des personnes de même nationalité pour des raisons politiques ou racistes.

Depuis décembre 1996, on a réservé une aile aux familles avec enfants. Un service de gardiennage fonctionne pendant la journée. À l'heure actuelle, on compte 11 enfants sur 121 personnes.

Un membre demande quelles sont ses compétences comparées à celles d'un directeur de prison.

M. De Vulder déclare qu'au niveau de la réglementation, il exerce une compétence de procédure. Il ne peut intervenir que sur le plan normatif, par exemple pour la distribution des colis alimentaires.

La durée moyenne de séjours dans son centre est de 20,6 jours pour la zone pays et de 10 à 11 jours pour les transferts Schengen.

Certaines personnes, comme les Bulgares et les Roumains, quittent le centre dans la semaine, tandis que d'autres, comme les Pakistanais et les Indiens, y restent de 3 à 4 mois.

Pour rompre la monotonie, on a prévu une équipe sociale qui organise des activités. Des activités sont organisées chaque jour dans une des ailes.

À la demande d'un membre, il précise qu'il y a actuellement quatre kossovares dans son centre.

Le nombre de condamnés au niveau correctionnel n'est pas contrôlable; il ne dispose en effet pas des dossiers.

Un membre demande comment agit la gendarmerie lors des refoulements.

M. Allaert précise qu'en cas de refoulement, l'on n'a pas de recours à la force.

Ce n'est qu'en cas d'expulsion que cela arrive, et encore n'y a-t-il pas plus de 8 % de cas impliqués. Toute l'action est filmée, afin de parer à toute tentative de plainte calomnieuse.

Il y a un usage progressif de la force, dans la mesure de la résistance du repatrié.

L'intervenante se soucie de ces situations stressantes, et suppose qu'après le dépassement des limites psychologiques du tolérable, les gendarmes deviennent soit dépressifs, soit virent à l'extrême-droite.

M. Allaert explique qu'il n'existe pas de statistiques à ce sujet, mais qu'il peut recueillir certaines données impersonnalisées de la part du responsable du stress-team.

Un membre demande si après plusieurs tentatives d'expulsion à l'amiable, il est encore possible de se concerter avec les intéressés.

M. De Vulder déclare qu'il y a toujours une solution : les intéressés ont toujours la possibilité de quitter volontairement le pays dès lors qu'ils renoncent à leur demande d'asile.

M. Allaert a demandé au commissaire général aux réfugiés et aux apatrides de vérifier par un sondage quel est le pourcentage des abus constatés à la fin de la procédure. Il ressort de la réponse du commissaire général qu'un grand nombre de déboutés sont connus dans d'autres pays pour d'autres faits ou tentatives.

En réponse aux plaintes relatives à la longueur des procédures qui fait que les étrangers en séjour illégal s'intègrent, il communique que les étrangers en séjour illégal dans notre pays ont été arrêtés à raison de :

­ 44 % dans la semaine de leur arrivée;

­ 55 % dans le mois;

­ 85 % dans l'année.

Les procédures d'asile sont souvent liées à un comportement criminel.

Pour ce qui est du regroupement familial, les contrôles mettent à jour des falsifications mineurs dans 95 % des cas. On a ainsi des familles avec des enfants déclarés qui ne sont nullement issus des parents concernés.

Au Canada, on a soumis la première génération des familles nombreuses d'immigrants à des analyses d'ADN. Les analyses ont révélé que le grand nombre d'enfants était un mythe.

Les enfants non à soi sont souvent une charge qu'on assume par devoir envers le chef de famille ou de tribu.

En dehors du phénomène de l'octroi de l'asile, il ne faut pas oublier non plus qu'on a effectué 60 000 naturalisations depuis le blocage de l'immigration.

L'intervenant dénonce le rôle immoral qu'ont joué certaines compagnies aériennes nationales, par exemple la compagnie turque, en partant du principe que l'astuce réussirait, en vendant des billets aller-retour aux candidats immigrants et en revendant ensuite une deuxième fois le billet retour.

La lutte contre la traite des êtres humains a considérablement limité ces pratiques.

Toutefois, ce genre de trafic persiste et ce sont toujours les mêmes compagnies qui obtiennent les plus mauvaises notes pour ce qui est des amendes imposées aux transporteurs.

Un membre demande si certains Ruandais ayant participé au génocide, ne bénéficient pas de filières d'anciens étudiants d'écoles belges pour se faire inscrire en Belgique.

M. Allaert n'en est pas convaincu. Sans doute, certains d'entre eux ont, dans le passé, suivi des cours avec des Belges, mais on ne peut tout de même pas soupçonner ces derniers de prendre part à une action de surveillance en vue de faire entrer d'anciens condisciples en Belgique.

À son avis, cette question illustre bien les généralisations qui dominent ces auditions. On part de quelques cas qui ont mal tourné pour faire un nombre extrêmement élevé d'extrapolations.

En ce qui concerne l'excès de zèle de certains gendarmes qu'un membre a dénoncé, il peut confirmer qu'on veille à ce que les gendarmes d'extrême-droite ne monopolisent pas le poste de contrôle de Zaventem, ce qui créerait une situation qui pénaliserait certains étrangers.

Pour ce qui est des escortes, la gendarmerie ne demande pas qu'elles soient armées. Il est inutile de demander à la Sabena d'interdire les armes puisqu'il n'y en a pas. Le commandant de bord ne le tolérerait d'ailleurs pas non plus.

M. Hongenaert donne ensuite un court exposé sur le bureau des recherches de l'Office des étrangers, bureau qui a été créé en application de la recommandation de la commission parlementaire « traite des êtres humains » en vue de l'amélioration de la coordination entre les services. En fait, son propre service complète la cellule « traite des êtres humains » du BCR de la gendarmerie.

Outre son propre personnel, le service dispose d'antennes de contact dans d'autres bureaux de l'Office des étrangers, ce qui lui permet de disposer d'informations provenant des dossiers individuels et des demandes de visa. Des déclarations, anonymes ou non, font également partie de ses sources d'information.

Après une première analyse certaines décisions sont transférées aux services compétents, tels que la cellule « traite des êtres humains » du BCR, les ambassades ou les communautés.

Le Bureau des recherches remplit donc trois fonctions :

1) appui administratif des autres services de l'Office des étrangers et des actions sur le terrain;

2) une mission de liaison avec les autres services extérieurs au département;

3) une participation aux organismes internationaux, par exemple au groupe de travail sur les faux documents, qui a été institué au niveau européen, le SEDEFI.

Le Bureau des recherches a pour mission de rechercher et de constater les infractions sur la base de l'article 81 de la loi sur les étrangers.

Globalement, l'approche intégrée donne de meilleurs résultats.

22. Exposé de M. G. Genot, directeur général des Affaires consulaires du département des Affaires étrangères

22.1. Exposé

Dans beaucoup de cas, les étrangers ont besoin d'un visa pour pénétrer l'espace Schengen. Entre les postes diplomatiques ou consulaires des pays membres de l'espace Schengen existent des règles qui permettent de déterminer à quel poste l'étranger doit s'adresser lorsque tous les partenaires au Traité sont représentés dans le pays de l'étranger.

Il y a aussi des règles pour que, en cas d'absence d'un poste partenaire, le pays soit néanmoins représenté par l'un des autres partenaires présents.

En fonction de l'objectif du voyage, l'étranger s'adressera donc au poste Schengen de sa première ou principale destination pour obtenir son visa.

On distingue deux grandes catégories de visa :

­ visa court séjour (parfois visa de transit);

­ visa long séjour (« autorisation de séjour provisoire »).

Cette dernière catégorie relève toujours de la compétence nationale. Les visas de court séjour sont réglés dans le cadre de Schengen et du Benelux, où la coopération a été élargie.

L'étranger qui demande le visa doit indiquer le but de son voyage. Pour un visa court séjour il devra présenter un billet d'avion aller retour non cessible ­ pourvu qu'il dispose de moyens de subsistance suffisants pour la durée du séjour envisagé ainsi que des moyens pour retourner dans son pays d'origine ou de résidence initiale. Si le dossier paraît sain le poste sera en mesure de délivrer un visa d'office. Si, par contre, le dossier n'est pas constitué de manière satisfaisante ou si le poste a un doute, le poste consultera l'Office des étrangers.

Pour certaines nationalités, le poste est obligé de consulter l'Office des étrangers. Pour certains pays, la Convention de Schengen impose une vérification ­ par le biais du système « Vision » ­ et l'accord de certains partenaires avant de délivrer le visa.

Après l'obtention de visa, l'étranger doit, lorsqu'il entre dans le territoire, toujours être capable de prouver ses moyens de subsistance.

La décision de l'Office des étrangers dépend des éléments qui lui sont fournis par le poste consulaire. L'Office des étrangers est la seule instance qui peut décider d'un refus.

Pour prouver ses moyens de subsistance, l'étranger dispose de plusieurs moyens dont notamment la présentation d'une « prise en charge », ce qui est assez courant.

Le poste vérifie la prise en charge, soit par le biais de l'Office des étrangers, soit à l'étranger même.

Il y a encore d'autres moyens de prouver ses moyens de subsistance : carte bancaire, somme d'argent en liquides, ... Dans certains cas, la preuve des moyens de subsistance est délicate et pose parfois des problèmes. Il se fait que quelqu'un entre au pays à Zaventem avec une certaine somme d'argent mais la remet à un « réceptionniste » après le passage de la frontière. Cette somme ne sert donc que pour faire passer quelqu'un. Ces pratiques posent certainement un problème pour les services de contrôle concernés.

Le visa de long séjour regroupe plusieurs types de raisons d'entrée au pays :

­ les « rentiers », les personnes qui ont les moyens suffisants sans être employées en Belgique;

­ le regroupement familial;

­ les étudiants.

Ces deux derniers groupes constituent la majorité des visas de long séjour.

L'obligation de visa illustre le tiraillement entre la volonté de promouvoir la libre circulation des personnes et le souci de maîtriser l'immigration.

22.2. Échange de vues

Une membre demande quelles sont les catégories de pays qui ne sont pas soumises à l'obligation de visa et sur quelle base.

Qu'en est-il du tiraillement entre la libre circulation des personnes et la maîtrise de l'immigration vers les pays qui ne sont pas soumis à l'obligation de visa, comme la Pologne ?

Mène-t-on au sein des services compétents une réflexion sur la suppression de l'obligation de visa ?

Elle demande enfin pour quels pays la consultation de l'Office des étrangers constitue un préalable obligatoire à la délivrance du visa.

Quelle est l'instance belge ou européenne qui détermine quels sont les pays qui doivent figurer sur cette liste ?

M. Genot répond qu'environ 130 pays sont soumis à un visa dans le cadre de Schengen. Pour certains de ces pays, certains membres de Schengen n'imposent toutefois pas le visa. Une bonne soixantaine de pays sont complètement exemptés de l'obligation de visa.

Le visa est une des techniques de contrôle de l'immigration. La question d'une abrogation de l'obligation de visa nécessite une réponse commune, non seulement au niveau interne belge mais aussi au niveau de l'Union européenne et de Schengen.

Compte tenu des pressions migratoires existantes, les gouvernements préfèrent maintenir le visa comme une des techniques de contrôle de l'immigration. La technique de visa n'est, jusqu'à présent, pas considérée comme désuète. À côté de cet outil, il en existe d'autres, les accords de réadmission par exemple. Ces accords permettent souvent d'élaborer des solutions pratiques. Dans le cas de la Pologne, cela a permis d'abroger l'obligation de visa.

Pour ce qui concerne la répartition géographique des pays soumis à l'octroi de visa, M. Genot précise que cela varie de pays à pays. Il n'y a donc point de continent entier exempté de cette obligation.

Le maintien du visa comme moyen de contrôle de l'immigration d'un pays spécifique est une question d'opportunité. C'est dans le cadre de Schengen que ce problème est examiné.

La liste des pays pour lesquels la consultation de l'Office des étrangers est obligatoire en cas de demande de visa, est établie principalement sur la base d'éléments relatifs à la sécurité. La majorité des pays qui y sont mentionnés sont des pays de l'ancien Bloc de l'Est et des pays arabes. Cette liste est établie au niveau du Bénélux.

En ce qui concerne les moyens de subsistance, une deuxième intervenante demande quelles sont les normes appliquées au niveau des moyens de subsistance pour les prises en charges. Tient-on compte du milieu familial ou social, voire des habitudes de la famille qui accueille l'étranger ?

En ce qui concerne les visas, elle fait savoir que pour des écoliers maghrébins, des problèmes se posent parfois pour participer aux excursions scolaires dans nos pays limitrophes parce qu'ils n'arrivent pas à obtenir les visas nécessaires. Elle voudrait savoir si des dispositions ont été prises permettant d'accélérer la procédure de délivrance de visa, soit de lever l'obligation de visa dans des cas pareils.

En ce qui concerne les normes pour les moyens de subsistance, M. Genot répond qu'une pratique s'est dégagée de manière générale. Les postes diplomatiques et l'Office des étrangers doivent évaluer les moyens de subsistance par rapport à l'objectif poursuivi par l'étranger qui veut se déplacer. S'il s'agit d'un voyage touristique, la question se pose de manière différente que pour quelqu'un qui fera une visite familiale.

En ce qui concerne la preuve des moyens de subsistance par la prise en charge, on peut dire que, de manière générale, il faut compter sur une somme de 30 000 francs belges par mois dans la plupart des cas.

Pour l'autorisation de séjour d'étudiants, il faut démontrer qu'on dispose de 17 000 francs belges par mois.

L'intervenante demande si cela signifie qu'un chômeur ne peut pas prendre en charge un membre de sa famille ou un ami pour un court séjour.

M. Genot sait que des chômeurs ont effectivement pu prendre en charge des étrangers. Il faut remarquer qu'un éventuel refus de visa peut être basé sur une autre raison que les moyens de subsistance, le risque de non-retour par exemple. Tout dépend donc des circonstances concrètes du dossier.

Parfois, l'ampleur des moyens de subsistance ne suffit pas par rapport à l'objectif de séjour : quelqu'un qui ne dispose que de moyens de subsistance relativement bas et ne dispose pas de facultés de logement suffisants pour un grand nombre de personnes se heurtera aussi à un refus.

En ce qui concerne les excursions scolaires dans nos pays limitrophes, une directive européenne de 1995 a prévu un système permettant aux enfants de nationalité étrangère de circuler en voyage scolaire dans l'Union européenne avec une documentation réduite au minimum et, donc, sans visa.

L'école doit remplir certains formulaires. Après vérification par l'administration communale et l'Office des étrangers, l'enfant peut se déplacer dans les pays voisins. Cette directive n'a pas été mise en oeuvre dès son adoption. Il y a eu des discussions entre l'Office des étrangers et le ministre des Affaires étrangères pour examiner quels documents doivent être prévus. Actuellement, on cherche la technique la plus simple d'octroi des documents tout en préservant les garanties nécessaires pour les autorités étrangères, chargées du contrôle. On peut prévoir que ce problème sera résolu à brève échéance et que le système sera libéralisé.

Le ministre relève que l'on a adapté la loi sur les étrangers pour pouvoir appliquer la directive « Écoliers ». Le seul point de discussion qui subsiste concerne le document à utiliser. Il est question en l'espèce de la reconnaissance du « titre de voyage », laquelle relève en principe de la compétence des Affaires étrangères.

On a également questionné nos partenaires européens pour savoir quel document ils utilisent. Cette information a été très difficile à obtenir. Il a fallu attendre la semaine dernière pour obtenir une réponse provisoire.

Parallèlement à cela, l'on réalise une analyse coûts-avantages pour déterminer si le coût d'un document protégé se justifie par rapport à un document non protégé (trafic d'enfants).

Plusieurs décisions seront prises en la matière dans le mois qui vient. La question est de savoir si, compte tenu des exigences de sécurité, une copie du document visé dans la directive européenne suffit.

Dans le prolongement de la question d'une intervenante précédente, un membre demande si on envisage également d'élaborer un régime similaire pour les adultes qui souhaitent voyager dans les pays voisins. Elle évoque les difficultés auxquelles une mère marocaine d'un ménage anversois a été confrontée lorsqu'elle a voulu faire un voyage en France.

M. Genot s'étonne de l'exemple donné. Un étranger, dûment documenté et disposant d'un permis de séjour valable d'au moins trois mois dans notre pays, peut circuler dans l'espace Schengen sans problème. On ne peut toutefois exclure qu'un fonctionnaire se trompe dans la mise en oeuvre de certaines réglementations.

Un sénateur pose deux questions supplémentaires. Sur quoi porte exactement le contrôle lorsqu'un étranger demande un visa pour la Belgique ? Ce contrôle ne suffit manifestement pas puisqu'il arrive que l'intéressé se voie refuser l'accès au territoire à la frontière bien qu'il soit en possession d'un visa valable. En cas de mariage avec un étranger en situation illégale, ce dernier doit demander un visa dans son pays d'origine. Que vérifie-t-on dans ce cas ?

M. Genot rappelle qu'avant tout est vérifié le motif du déplacement. On vérifie, par exemple, les réservations d'hôtel, les billets d'avion (billet retour !), la lettre d'invitation, la preuve de moyens de subsistance.

Le sénateur s'étonne de ces conditions. On ne réserve pas un hôtel et on n'achète pas un billet d'avion avant d'être en possession d'un visa.

M. Genot précise que toute demande de visa doit être accompagnée de tout élément susceptible de prouver l'objet de voyage. Parmi ces éléments peut figurer une réservation d'hôtel. On cherche à vérifier, à travers plusieurs éléments, la véracité du motif de voyage annoncé.

Un homme d'affaires devra prouver, par exemple, qu'il fait partie d'une société qui dispose de moyens suffisants et devra procurer une lettre d'invitation d'une firme belge dont, le cas échéant, il sera demandé à l'Office des étrangers de vérifier si cette firme est fiable. Vérification faite, on se rend souvent compte du décalage entre l'objet du voyage annoncé et les informations recueillies.

Le sénateur demande également si l'on a accès au casier judiciaire de l'étranger dans son pays.

M. Genot répond que l'autorité belge n'a pas accès à ce type de registres. Ce qui, par contre, est vérifié, c'est si l'étranger figure dans le casier judiciaire, sur la liste SIS-Schengen ou sur la liste Benelux d'étrangers indésirables.

En ce qui concerne le contrôle effectué après conclusion d'un mariage en Belgique, le poste vérifie si le dossier constitué contient tous les documents nécessaires pour la délivrance d'un permis de séjour dans le cadre d'un regroupement familial.


II. DISCUSSION AVEC LE VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

1. Exposé du vice-premier ministre
et ministre de l'Intérieur,
M. J. Vande Lanotte

1.1. L'entrée en vigueur de la loi

Comme le rapport au Parlement du mois de janvier 1997 l'a déjà mentionné, les lois du 10 et 15 juillet 1996 modifiant la loi du 15 décembre 1980 (ce qu'on appelle ci-dessous la loi sur les étrangers) sont graduellement entrées en vigueur.

a) Les dispositions de Schengen (1)

La réglementation relative à la désignation du pays compétent pour l'enquête d'asile (en exécution des accords de Schengen) est entrée en vigueur depuis le 17 janvier 1997.

Le 1er septembre 1997, la Convention relative à la désignation de l'État responsable du traitement d'une demande d'asile introduite dans un des pays membres de la Communauté européenne (appelée la Convention de Dublin du 15 juin 1990) est entrée en vigueur. Cette Convention remplace les dispositions y relatives de Schengen. Pratiquement, ceci implique que la reprise peut être demandée à toutes les parties de cette Convention (2), au lieu d'uniquement aux partenaires de Schengen.

La modification de la loi du 15 juillet 1996 prévoyait déjà l'entrée en vigueur de cette Convention. L'arrêté royal d'exécution doit encore être adapté; il s'agit de l'Annexe 26quater qui doit être adaptée au modèle de la Convention de Dublin.

Les chiffres mentionnés ci-dessous ne se rapportent qu'aux reprises de Schengen.

Chiffres (période 17 janvier 1997 - 1er septembre 1997)

Reprises demandées par la Belgique ­ période du 17 janvier 1997 au 1er septembre 1997

D
­
A
F
­
F
NL
­
P.B.
E
­
E
P
­
P
L
­
L
Totaal
­
Total
Totaal aantaal. ­ Nombre total 783 265 107 54 5 5 1 219 (100 %)
+ 539 158 62 39 3 4 805 (66,1%)
- 207 80 41 7 1 1 337 (27,6 %)
? 37 27 4 8 1 0 77 (6,3 %)

Reprises demandées à la Belgique ­ période du 17 janvier 1997 au 1er septembre 1997

NL
­
P.B.
F
­
F
D
­
A
L
­
L
P
­
P
E
­
E
Totaal
­
Total
Totaal aantaal. ­ Nombre total 242 89 65 7 3 2 408 (100 %)
+ 221 39 49 7 3 0 319 (78,2%)
- 21 50 16 0 0 2 89 (21,8 %)

La Belgique répond en moyenne dans la semaine.

Le motif principal de refus pour tous les pays de Schengen est le fait que la demande soit basée sur un passage illégal de la frontière du partenaire de Schengen (la déclaration du demandeur d'asile est la seule preuve). Dans des cas exceptionnels, la France et l'Allemagne invoquent également la seule déclaration du demandeur d'asile prouvant qu'il a quitté l'espace Schengen sans que l'intéressé ou le pays concerné le prouve effectivement (ce qui est pourtant requis dans la Convention de Schengen).

Le regroupement pour des raisons humanitaires (article 36) est refusé par tous les États de Schengen, tandis que les dispositions de Schengen relatives au regroupement familial (article 35) sont appliquées de façon stricte.

Lorsque la Belgique n'est pas responsable du traitement d'une demande d'asile, celle-ci sera pourtant traitée par la Belgique si un membre de la famille nucléaire qui a un titre de séjour se trouve déjà sur le territoire belge.

Récemment, les chambres francophones du Conseil d'État ont suspendu la décision de renvoi dans quelques cas parce qu'elles estiment que le renvoi serait contradictoire à l'article 8 de la CEDH (protection de la vie familiale et privée).

On peut dire que le bilan est positif.

Pour en moyenne 16 % du nombre total de demandes d'asile, une reprise est demandée à un partenaire de Schengen. En moyenne 11 % du nombre total de demandes d'asile est repris par un partenaire de Schengen.

b) Centres d'accueil ouverts

Le renvoi des demandeurs d'asile aux centres d'accueil ouverts, suite auquel ils ne peuvent pas obtenir ­ dans la première phase de l'enquête d'asile ­ l'aide sociale d'un CPAS, est entré en vigueur depuis le 10 janvier 1997 (appliqué en fait depuis le 20 janvier 1997).

L'attribution effective est faite par une cellule de dispatching (3) qui fait en sorte que tout demandeur d'asile se voit attribuer un centre d'accueil le jour même.

Dans la période du 20 janvier 1997 jusqu'au 1er septembre 1997, 86,6 % (4) des demandeurs d'asile se voient effectivement attribuer un centre d'accueil. 53,2 % sont effectivement accueillis dans un centre. Ce chiffre correspond quasi au pourcentage qui, en ce qui concerne le changement du système d'accueil, a fait appel aux services sociaux. Le nombre de demandeurs d'asile qui se présentent effectivement augmente.

D'après un rapport d'évaluation du Petit Château, il apparaît que le passage d'un centre de transit à un centre permanent s'est déroulé sans problèmes et que la qualité de l'accueil s'est renforcée davantage. L'univocité, la tranquillité et le suivi se sont accentués pour le demandeur d'asile. Mutatis mutandis , ces considérations s'appliquent également aux autres centres d'accueil.

Le 27 janvier 1997, une circulaire relative à l'accueil des demandeurs d'asile a été adressée aux CPAS par le secrétaire d'État à l'Intégration sociale.

c) Aide médicale urgente

La réglementation relative à l'aide médicale urgente est également entrée en vigueur depuis le 10 janvier 1997.

Par la circulaire du 27 janvier 1997, les CPAS ont été mis au courant du contenu de la réglementation. Les autres parties concernées dans le secteur (médecins, dentistes, sages-femmes, pharmacies,...) seront contactées sous peu via leurs associations professionnelles et l'information est disponible sur internet.

Sur le terrain, des accords de coopération locale relatifs à l'application concrète de cet arrêté royal sont créés entre le CPAS et le secteur médical (par exemple à Gand).

d) Prolongation de la durée de détention

La réglementation relative à la durée de détention est entrée en vigueur le 16 décembre 1996, cela fait donc environ onze mois qu'elle est applicable.

Durée de détention 1997
du 1er janvier au
31 octobre 1997
Nombre de personnes Nombre d'éloignés
- 2 mois 1 710 1 071
2-4 mois 172 54
4-6 mois 6 1
6-8 mois 1 ­
+ 8 mois ­ ­

Uniquement des illégaux.

La durée moyenne de détention est de :

Durée de détention 1997
du 1er janvier au
31 octobre 1997
1996 1997
Centre
127 11 jours 15 jours
127bis 25 jours 20 jours
Merksplas 39 jours 43 jours
Bruges 34 jours 46 jours

Seulement Merksplas et Bruges sont des centres fermés pour illégaux.

La durée moyenne de détention est de 32 jours.

Dans une première phase, il a été conclu de décider de la prolongation après deux mois pour un nombre limité de situations prioritaires.

Après une évaluation, le règlement a été abordé à la réunion du 13 juin 1997 avec les gestionnaires de centre. Suite à celle-ci, une note comprenant les conclusions de la réunion a été transmise. Il a été décidé que la prolongation serait appliquée dans plusieurs cas en tenant compte des critères légaux et des priorités fixées par le ministre.

L'ordre prioritaire est le suivant :

1. Illégaux constituant un problème d'ordre public

2. Illégaux arrêtés pour emploi illégal/réseau de traite d'êtres humains ou immigration illégale/actions spéciales

3. Demandeurs d'asile récemment déboutés

4. Demandeurs d'asile anciennement déboutés

5. Autres illégaux (priorité célibataires)

e) Procédures devant la Cour d'arbitrage

Le 19 février 1997, la Cour d'arbitrage a rejeté les demandes de suspension des articles 2 et 8 de la loi du 10 juillet 1996 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, parce que les parties requérantes ne pouvaient pas démontrer le préjudice grave difficilement réparable.

Le 18 mars 1997, la Cour d'arbitrage a affirmé, en réponse à une question préjudicielle du 8 novembre 1995 du Conseil d'État, qu'une contestation sur la qualité de réfugié est une contestation sur un droit politique qui peut être attribuée à une juridiction administrative.

Le 25 mars 1997, un recours en annulation des articles 6, 7, 11, 22, 55, 58-60, 65, 69.3 de la loi du 15 juillet 1996 a été introduit près la Cour d'arbitrage par MRAX, la Ligue francophone des droits de l'homme et le « Syndicat des avocats pour la démocratie » pour violation des articles 10 et 11 de la Constitution. Ce recours est pendant.

Le même jour, un recours en annulation des articles 2 et 5, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1996 a été introduit auprès de la Cour d'arbitrage par les mêmes parties. Ce recours est pendant.

Le 23 avril 1997, le tribunal de travail d'Anvers a posé une question préjudicielle à la Cour d'arbitrage concernant l'article 57, alinéa 2, de la loi organique du 8 juillet 1976 concernant les CPAS, tel que modifié par l'article 65 de la loi du 15 juillet 1996. Cette question est pendante.

Le 8 juillet 1997, la Cour d'arbitrage a rejeté le recours en annulation partielle de l'article 66 de la loi du 15 juillet 1996 introduit par le CPAS de Huldenberg à défaut d'intérêt.

Le 12 août 1997, le tribunal de travail de Bruxelles a posé une question préjudicielle concernant l'article 57, § 2, de la loi relative aux CPAS.

1.2. Le nombre de demandes d'asile

Le nombre de demandes d'asile s'est stabilisé.

Demandes d'asile du 1er janvier
au 1er septembre 1997

Maand
­
Mois
ZVT
­
ZVT
INT
­
INT
Totaal
­
Total
1996
Januari. ­ Janvier 78 996 1 074 1 027
Februari. ­ Février 73 896 969 784
Maart. ­ Mars 90 821 911 907
April. ­ Avril 83 981 1 064 998
Mei. ­ Mai 118 714 832 940
Juni. ­ Juin 89 721 810 906
Juli. ­ Juillet 111 864 975 1 083
Augustus. ­ Août 78 840 918 1 080
September. ­ Septembre 116 876 992 1 128
October. ­ Octobre 123 1 085 1 208 1 226
Totaal. ­ Total 959 8 794 9 753 10 079
% in 1997. ­ % en 1997 9,8 % 90,2 % 100 %

Pour les dix premiers mois de 1997, il y a une moyenne de 975 demandes par mois, tandis que cette moyenne mensuelle pour 1996 était de 1 019 demandes; en 1997 il y a donc en moyenne 44 demandes en moins par mois.

Les causes principales sont la diminution légère des diverses nationalités (à l'exception des nationalités telles que l'Albanie) et la forte diminution des demandeurs arméniens.

Pourtant, il est remarquable que le nombre de demandes introduites à la frontière (quasi exclusivement à l'aéroport national) est de nouveau en hausse. En 1996, il s'agissait d'en moyenne 8,2 % du nombre total de demandes, tandis que ce chiffre est de 9,8 % en 1997. Pour la période 1988-1996, ce chiffre s'élève à 7,6 %. En chiffres absolus, une moyenne de 84 demandes d'asile par mois a été enregistrée à la frontière en 1996, tandis que cette moyenne pour 1997 s'élève à 96.

Il est clair que le régime de responsabilité pour les transporteurs n'a pas conduit à une diminution du nombre de demandes d'asile.

La partie principale (78 % du nombre total) des demandes provient d'un nombre limité de pays, à répartir en sept groupes de pays (5) :

­ 24 % originaires des Balkans (et 15,2 % originaires du Kosovo ou de l'Albanie);

­ 9 % originaires de la Roumanie, la Bulgarie, et la Slovaquie (principalement des tziganes ou des minorités ethniques);

­ 14 % originaires de la CEI (principalement d'Arménie et de Géorgie);

­ 7 % originaires du sous-continent indien (avec augmentation inquiétante des Pakistanais);

­ 4 % originaires de la Turquie;

­ 16 % originaires du Zaïre, du Burundi et du Rwanda (principalement attirés par la communauté zaïroise et burundaise);

­ 4 % originaires du Nigeria, de la Sierra Leone ou du Liberia (principalement arrivés à l'aéroport).

On peut de nouveau constater un glissement dans la liste des pays d'origine : l'Inde et le Pakistan sont en hausse, le Congo (Zaïre) dépasse de nouveau le taux de 10 %, le Rwanda atteint de nouveau le niveau de 1994 et le pourcentage de demandeurs d'asile albanais a augmenté de plus de la moitié. Pourtant, le nombre de Yougoslaves est en baisse (- 7,6 % comparé à 1996) et le nombre de personnes originaires de l'ex-URSS reste stable.

L'avantage du nombre limité de pays dont les demandeurs proviennent est la spécialisation du commissariat général qui peut ­ de ce fait ­ traiter les demandes plus rapidement.

Les afflux d'asile démontrent clairement l'existence de réseaux, tant informels que bien organisés. Ainsi la lutte contre ces réseaux reste une attention prioritaire afin de lutter contre l'immigration indésirable.

Quant au traitement des demandes d'asile, on prête une attention spéciale à la problématique de la prostitution. Principalement des personnes originaires du Nigeria, du Liberia, de la Bulgarie, de l'Albanie et du Kosovo utilisent la procédure d'asile afin que les femmes puissent exercer la prostitution « de façon légale » pendant une certaine période. Lorsqu'on constate qu'un certain demandeur d'asile est impliqué dans la prostitution, le dossier est plus vite clôturé.

Contrairement à ce que certains critiques professionnels ont prétendu et conformément à ce que le ministre a déjà affirmé, les modifications récentes de la loi n'ont pas mené à une procédure d'asile plus sévère.

Taux de recevabilité OE CGRA
1996 10 % 22 %
1997 12 % 32 %

77 % des recevables introduisent un recours urgent auprès du commissaire général aux réfugiés.

Il est clair que la plupart des demandeurs d'asile ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention des réfugiés, mais qu'il s'agit plutôt d'immigrés qui utilisent la procédure d'asile pour obtenir un séjour ­ temporaire ou pas ­ en Belgique.

Il faut continuer à faire comprendre à ces personnes qu'il est inutile d'aller en Europe de l'Ouest ou en Belgique.

Le traitement rapide de la demande d'asile et l'éloignement effectif de toute personne qui séjourne illégalement en Belgique constitue les piliers d'une politique préventive.

1.3. Le nouveau régime linguistique

a) Principes de base

Le demandeur d'asile a le libre choix entre le traitement en néerlandais ou en français, pour autant qu'il parle une des deux langues. Lorsque le demandeur d'asile demande un interprète et démontre ainsi qu'il maîtrise insuffisamment le français ou le néerlandais, le délégué du ministre peut fixer définitivement la langue de la procédure « en tenant compte des nécessités des services et des instances ».

Le nouveau régime linguistique s'applique depuis le 22 octobre 1996.

Un régime transitoire s'applique aux demandes d'asile introduites avant le 22 octobre 1996.

Le commissaire général aux réfugiés et aux apatrides et la Commission permanente de recours peuvent donc librement fixer la langue lorsque l'intéressé a fait savoir qu'il a besoin d'un interprète (et lorsqu'il a ainsi démontré qu'il maîtrise insuffisamment le français ou le néerlandais pour communiquer ses motifs de fuite). À cet égard, tant le commissaire général que la Commission permantente de recours se laissent guider par le retard de certaines sections ou chambres.

b) Évaluation

L'application du nouveau régime linguistique est régulièrement coordonnée par un groupe de travail sous la présidence du cabinet du ministre et regroupant des représentants de l'Office des étrangers et du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides.

Pour autant que le demandeur d'asile ne choisisse pas explicitement le français ou le néerlandais, l'Office des étrangers choisira la langue conformément à ses besoins et à ceux du Commissariat général, avec une légère préférence pour cette dernière instance.

Pourtant, les mesures nécessaires sont prises afin d'atteindre un rapport 50/50 pour toutes les nationalités.

Le rapport actuel approximatif est de 56 % de francophones et 44 % de néerlandophones.

c) Commission permante de recours

En 1997, environ huit recours ont été introduit devant le président du tribunal siégeant en référé à Bruxelles, avec la demande d'interdire à la commission permanente de recours de traiter un recours en néerlandais.

Dans deux cas, le président a déclaré les recours irrecevables tandis que dans les autres cas, le président a déclaré les (autres) recours, à l'exception du recours pendant, recevables. Dans trois cas, une astreinte a été prononcée.

Dans le dernier cas, le président avait suspendu le traitement jusqu'à ce que « l'autorité administrative compétente » se soit prononcée sur l'affaire. Conformément à la loi, c'est la Commission permanente de recours, et après jugement sur le fond de l'affaire, le Conseil d'État qui est compétent en la matière...

Dans tous ces cas, un recours a été introduit, mais il n'y a pas encore eu de prononcé.

Dans un cas, on a procédé, en exécution de l'astreinte, à la saisie d'une peinture. L'opposition a été faite à cette saisie.

Pour mémoire, on rappelle que le ministère de l'Intérieur estime que le président du tribunal de première instance n'est pas compétent pour statuer sur le régime linguistique. C'est la raison pour laquelle un recours est systématiquement introduit.

1.4. Détention à la frontière

Afin de satisfaire à l'arrêt Amuur c. France de la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg du 25 juin 1996, le ministre de l'Intérieur a soumis un projet de loi au Conseil des ministres le 29 novembre 1996, qui a été ensuite transmis pour avis au Conseil d'État.

Le 22 janvier 1997, le Conseil d'État a émis un avis.

Le projet de loi (6) a entre-temps été voté par les deux Chambres et sera sous peu publié au Moniteur belge .

1.5. Les amendes administratives à charge des transporteurs

a) Situation

L'article 74/4bis de la loi sur les étrangers prévoit que, dans certaines circonstances, le ministre ou son délégué peut infliger des amendes administratives de 150 000 francs aux transporteurs qui ne respectent pas leurs engagements.

Avec certains transporteurs, des protocoles d'accord ont été conclus; ceux-ci stipulent qu'aucune amende administrative n'est infligée aussi longtemps que le protocole s'applique et ce à condition que le transporteur prenne les précautions nécessaires, à savoir un contrôle systématique des titres et des documents de voyage requis.

À partir du 14 octobre 1996, des amendes sont systématiquement infligées aux sociétés dont il est clair que celles-ci ne prennent pas les précautions nécessaires.

b) Amendes infligées

Le montant total des amendes infligées durant la période du 1er janvier 1997 jusqu'au 5 novembre 1997 s'élève à 12 450 000 francs dont 7 500 000 francs sont payés et 4 950 000 francs ne sont pas encore payés.

67 procès-verbaux ont été établis, se rapportant à 83 personnes individuelles.

Raison de l'amende %
Pas de visa 66
Pas de documents 26
Documents expirés 8

La liste de toutes les sociétés avec lesquelles un protocole d'accord a été conclu se trouve à l'annexe 14; une liste des sociétés verbalisées se trouve à l'annexe 15.

c) Sabena

Le 18 juillet 1997, une lettre, signée par le directeur général de l'Office des étrangers, a été envoyée à la Sabena dans laquelle celle-ci a été sommée de respecter le protocole d'accord. On a en effet constaté de plus en plus d'infractions au protocole d'accord. Ainsi la Sabena a-t-elle transporté des passagers avec des documents manifestement falsifiés, a-t-elle transporté des voyageurs via Zaventem vers une autre destination en interceptant les passagers à Bruxelles et en les dénonçant à la gendarmerie, et a-t-elle transporté de plus en plus des passagers sans visa.

Suite à une infraction grave au protocole d'accord au début du mois d'août 1997, une réunion d'urgence entre les représentants de la Sabena, le ministre, l'Office des étrangers et la gendarmerie a eu lieu le 6 août 1997. À cette réunion, des accords concrets ont été conclus avec la Sabena et, jusqu'à présent, ceux-ci sont respectés.

d) Chiffres des refoulements en 1997 (jusqu'au 1er octobre 1997)

Raison Nombre %
Documents faux et falsifiés 1 222 57,7
Pas de visa 367 17,3
Motif de voyage peu clair 195 9,2
INAD renvoyé d'un autre pays 132 6,2
Moyens d'existence insuffisants 123 5,8
Signalisation Schengen 64 3,0
Pas de documents ou des documents non valables ou expirés 14 0,7
Signalé non souhaité - CSB signalisation 0 0
Total 2 117 100

1.6. Les plans de gestion

a) L'Office des étrangers

En juillet 1997, il a été demandé au bureau ABC du ministère de la Fonction publique d'établir une étude relative aux besoins en matière de personnel de l'Office des étrangers. Sur la base du rapport qui a été transmis au début du mois d'août 1997, un projet de plan de gestion et de besoins en matière de personnel a été établi.

Ce plan de gestion a été signé le 4 novembre 1997 et entrera complétement en vigueur le 1er janvier 1998. En attendant, l'Office des étrangers appliquera déjà les dispositions et prendra les mesures nécessaires dans les limites du possible afin que le plan puisse être appliqué dans son entièreté à partir du 1er janvier 1998.

Le plan de gestion fixe les missions, les moyens, les délais de traitement et les obligations de l'Office des étrangers.

Le plan prévoit huit missions principales de l'Office des étrangers :

1. Mission d'asile.

2. Mission de régularisation.

3. Mission d'éloignement.

4. Mission de visa.

5. Mission consultative relative au Code de la nationalité.

6. Mission juridique.

7. Mission d'inspection.

8. Mission internationale.

En outre, le plan prévoit des obligations à l'égard :

1. de l'étranger

2. du ministre de l'Intérieur

3. du ministre des Affaires étrangères

4. du Commissariat général aux réfugiés

5. de la Commission permanente de recours

6. du ministère des Affaires sociales et de la Santé publique

7. du ministère du Budget

8. du ministère de la Justice

9. du ministère des Classes moyennes

10. du ministère de l'Emploi et du Travail

11. des services de police

Le plan de gestion prévoit pour 1998 571,5 membres du personnel afin de remplir les missions et de respecter les obligations.

Plus particulièrement l'attention est fixée sur les exigences de qualité établies dans le plan de gestion pour l'Office des étrangers. Ainsi toute décision devra être prise dans les délais fixés, toute décision devra être convenablement motivée et une politique active d'information sera menée. En outre, le directeur général exercera constamment un contrôle de qualité intégral sur son service et recyclera régulièrement son personnel.

b) Commissariat général aux réfugiés

Lors du rapport sur la situation en janvier 1997, le plan de gestion conclus avec le commissaire général aux réfugiés a déjà été traité de façon détaillée.

Le plan de gestion prévoyait un afflux moyen de 1 000 nouveaux demandeurs d'asile par mois, ce qui équivaut ­ en ce qui concerne la recevabilité ­ à 810 dossiers par mois pour le commissaire général. L'afflux pour 1997 était de 975 nouveaux dossiers d'asile par mois.

Arriéré au 1er octobre 1997 Plan de gestion
CGRA
Statistique
Recevabilité 3 168 3 778 (3 228) *
Bien-fondé 7 978 7 075
Total 11 236 11 056

* L'arriéré réel s'élève à 3 228 dossiers parce qu'environ 550 dossiers d'asile ont été suspendus étant donné que les intéressés possèdent également le statut de personne déplacée (Bosniaques).

Il est à noter que l'on a également tenu compte d'un arriéré passif pour calculer l'arriéré quant au fond; il s'agit notamment des demandes d'asile de personnes qui veulent continuer leur procédure d'asile bien que celles-ci soient entre-temps autorisées au séjour.

Les chiffres démontrent que le commissaire général suit le plan de gestion en ce qui concerne le rattrapage de l'arriéré, bien qu'une baisse du nombre de décisions est constatée ces derniers mois.

La réserve de travail normale compte, en ce qui concerne la recevabilité, 2 400 dossiers et 1 500 dossiers en ce qui concerne le bien fondé.

Conformément au plan de gestion, il y aura bientôt une évaluation du plan de gestion entre le ministre et le commissaire général. Une nouvelle prévision du rattrapage de l'arriéré sera établie.

À dater du 31 janvier 1997, M. Luc De Smet a été désigné par le Roi comme nouveau commissaire général aux réfugiés et aux apatrides; il succède à Marc Bossuyt qui est devenu juge près de la Cour d'arbitrage. M. De Smet était déjà commissaire adjoint.

Suite à cette nomination, le poste de commissaire adjoint néerlandophone est devenu vacant. Le 20 mars 1997, un appel aux candidats a été publié au Moniteur belge . Parce que finalement le candidat proposé par la commission de sélection a renoncé à la nomination, un nouvel appel aux candidats a été publié au Moniteur belge du 9 septembre 1997.

c) Commission permanente de recours des réfugiés

Le plan de gestion de la Commission permanente de recours a également été approuvé par le Conseil des ministres du 24 janvier 1997.

Le plan prévoit que les chambres néerlandophones traitent en moyenne 150 recours par mois et que les chambres francophones traitent en moyenne 200 recours par mois. Les chambres néerlandophones ne peuvent pas développer un arriéré tandis que les chambres francophones réduiront leur arriéré à 1 300 dossiers avant la fin de l'année 1997 (700 fin 1998).

En 1997 (7) les chambres néerlandophones ont traité jusqu'à présent en moyenne 123,4 recours par mois, ou 26,6 recours en moins que le chiffre à atteindre, tandis que les chambres francophones traitent jusqu'à présent en moyenne 165,5 recours par mois, ou 34,5 recours en moins que le chiffre à atteindre.

Ces derniers mois, un plus grand nombre de décisions par mois a toutefois été pris.

Le 31 octobre 1997, il y avait encore 2 798 dossiers pendant auprès de la Commission permanente de recours.

Comme prévu dans le plan de gestion, une évaluation approfondie du plan de gestion sera établie fin 1997.

1.7. La politique de régularisation

a) Points de départ

Un des piliers principaux dans la politique d'immigration est la résorption de l'arriéré et plus particulièrement dans la procédure d'asile. En décembre 1997, le ministre établira un schéma à suivre pour la résorption de l'arriéré avant fin 1998.

Parallèlement à cette résorption, on mène une politique de régularisation approfondie. Une régularisation linéaire n'est pas retenue comme option.

La base juridique de celle-ci est l'article 9, alinéa 3, de la loi sur les étrangers.

Le point de départ de cette politique est le simple fait qu'un séjour illégal ne peut jamais être pris en considération comme motif de régularisation. Le fait que l'on ait jamais été contraint de quitter le territoire belge ne peut tout aussi peu être invoqué comme motif justifiant un séjour illégal prolongé. C'est tout d'abord la personne qui n'est pas autorisée à séjourner sur le territoire qui est responsable du fait qu'elle doit quitter le territoire.

Pour quatre raisons importantes, la régularisation d'immigrés illégaux n'est pas possible.

1. Contrairement aux demandeurs d'asile qui doivent attendre longtemps avant qu'une décision relative à la demande d'asile soit prise, un manquement ou une négligence dans le chef des autorités ne peut pas être reproché à l'égard des immigrés illégaux. Ceux-ci connaissent la décision et savent qu'ils ne peuvent pas prétendre à un séjour en Belgique.

2. Comme les pratiques de nos pays voisins le démontrent, une régularisation générale ne résout nullement la problématique relative à la présence d'immigrés illégaux. Au contraire, une telle approche a manifestement un effet d'attraction et profite aux organisateurs de réseaux d'immigration et d'emploi illégaux.

3. Une régularisation générale abrogerait de fait l'arrêt à l'immigration de 1974 de façon à ce que l'on ne puisse plus prêter suffisamment d'attention à l'intégration des immigrés déjà présents. En outre, la situation économique ne permet pas de plaider pour une abrogation totale de l'arrêt à l'immigration.

4. Une régularisation favorise ceux qui ont intentionnellement transgressé la loi et sanctionne ceux qui sont partis volontairement (bien que ceux-ci veuillent rester).

La régularisation de certaines personnes (qu'elles séjournent légalement sur le territoire ou pas) est justifiable pour des raisons spéciales, propres à la personne.

b) Demandeurs d'asile de longue durée

C'est la raison pour laquelle les demandeurs d'asile, qui attendent la décision déjà depuis un délai irraisonnablement long et qui se sont intégrés pendant cette période, peuvent être régularisés.

Ce délai irraisonnablement long s'élève à 4 ans pour des familles avec enfants et à 5 ans pour des personnes non mariées.

Toute décision de régularisation est prise individuellement sur la base de critères objectifs.

Comme on l'a déjà mentionné, la durée irraisonnablement longue de la procédure constitue le critère principal. Il est cependant important de distinguer cette période de la durée de séjour, qui peut être plus longue. Car on ne tient pas compte de la durée du séjour illégal sur le territoire. À l'égard des personnes qui ont introduit une demande d'asile avant le 1er janvier 1993, il y a une présomption positive de durée irraisonnable.

Outre ce critère, on utilise encore d'autres critères non négligeables. Ainsi on tient compte, dans le sens positif, de la situation familiale, de la mesure d'intégration, de la volonté de travailler et de la connaissance d'une langue nationale, tandis que dans le sens négatif, on tient compte de la fraude manifeste et du danger pour l'ordre public, la paix publique et la sûreté nationale.

Les dossiers des demandeurs d'asile qui ont introduit leur demande avant le 1er janvier 1992 et dont la décision définitive n'a pas encore été prise, sont (sauf 60) examinés d'office. (8)

Les dossiers des demandeurs d'asile qui ont introduit leur demande en 1992 et dont la décision finale n'a pas encore été prise, sont tous examinés d'office avant fin décembre 1997.

Les dossiers des demandeurs d'asile qui ont introduit leur demande en 1993 et dont la décision finale n'a pas encore été prise en novembre 1997, sont tous examinés d'office avant fin septembre 1998.

Situation au
1er septembre 1997
1990 1991 1992
Régularisés 431 327
Refusés 217 435
Reconnus 78 43
Mariés 84 76
Belges 13 10
Décédés 7 4
Partis 211 198
Total 1 041 1 093
Pendants 0 60 963

Les rapports sociaux établis par les communes constituent une aide importante à la décision de régularisation.

c) Personnes ne pouvant pas être éloignées

En outre, un séjour temporaire et conditionnel est offert aux personnes qui se trouvent, pour des raisons exceptionnelles indépendantes de leur volonté, dans l'impossibilité totale de retourner dans leur pays d'origine ou d'aller dans un pays tiers.

Cette réglementation s'applique uniquement aux personnes dont la nationalité est certaine et qui ont fait, dans les quatre semaines qui suivent la notification de premier ordre de quitter le territoire, des tentatives réelles à cet effet et qui ont signé un engagement à un départ volontaire et à une collaboration totale. Les personnes qui sont un danger pour l'ordre public, la paix publique et la sûreté nationale, qui ont commis une fraude dans une phase antérieure, qui peuvent séjourner moins de trois mois dans un pays tiers ou qui ont déjà séjourné dans un pays tiers, sont toutes exclues.

La demande doit être faite par le bourgmestre de la commune où l'intéressé séjourne effectivement.

En principe, la décision est prise dans une période de deux mois. Celle-ci sera transmise au bourgmestre où l'intéressé séjourne effectivement et elle comprendra les instructions nécessaires.

Si la demande est déclarée recevable et bien-fondée, l'intéressé sera en principe autorisé à une prolongation du délai de quitter le territoire de trois mois. Après un an de prolongation, l'intéressé peut, à l'instruction de l'Office des étrangers, être autorisé à un séjour provisoire.

La circulaire (9) adressée à mesdames et messieurs les bourgmestres qui explique la réglementation, a été publiée au Moniteur belge le 14 novembre 1997.

d) Personnes déplacées bosniaques

Fin août 1997, le ministre de l'Intérieur a décidé de donner la perspective d'un séjour définitif en Belgique aux ressortissants bosniaques qui séjournent en Belgique (4 392 personnes) par le statut de personne déplacée sur la base de leur intégration.

Ainsi, les Bosniaques qui se sont déjà intégrés en Belgique seront autorisés à un séjour sur le territoire lors de la prochaine prolongation de leur inscription au registre des étrangers. Les Bosniaques qui ne se sont pas encore intégrés en Belgique obtiendront, lors de la prochaine prolongation de leur inscription dans le registre des étrangers, une prolongation d'un an au lieu de la prolongation d'usage de six mois. Au cours de cette période, ils pourront s'intégrer dans la société belge.

L'intégration sera jugée par l'Office des étrangers sur la base d'un rapport d'intégration établi par le bourgmestre de la commune où l'intéressé séjourne. On examinera en particulier si l'intéressé parle la langue de la communauté où il séjourne, s'il a des enfants d'âge scolaire, s'il s'intègre dans les activités socioculturelles de la commune, s'il veut travailler et s'il n'a pas un passé criminel en Belgique. Pour juger l'intégration, la volonté d'intégration constitue un élément décisif.

Cette réglementation sera précisée dans une circulaire adressée aux bourgmestres.

Finalement, il peut être renvoyé à la décision du Conseil des ministres du 5 septembre 1997 de lancer un programme de retour volontaire et de réinstallation pour les personnes déplacées bosniaques.

e) Difficultés

Pourtant la politique de régularisation est compliquée par une intensification de toutes sortes de manoeuvres des avocats qui abusent depuis quelque temps en masse de l'application de l'article 9, alinéa 3, de la loi sur les étrangers.

Une décision négative relative au séjour est de plus en plus suivie par une demande de régularisation, même si les demandeurs ne séjournent que depuis peu de temps en Belgique. Les avocats utilisent la possibilité de régularisation comme un moyen de recours supplémentaire à tel point que le bureau compétent de l'Office des étrangers est surchargé et que ceux qui entrent en ligne de compte pour une régularisation doivent attendre le traitement de plus en plus longtemps.

À cet égard, il faut également souligner l'inflation causée par les interventions écrites et téléphoniques, ce qui rend un traitement normal du dossier très difficile et qui surcharge les lignes téléphoniques de l'Office des étrangers si bien que celui-ci est virtuellement inaccessible. Pour éviter tout malentendu, on répète une fois de plus que la régularisation s'effectue sur la base d'éléments objectifs et qu'une intervention éventuelle de quiconque n'influence pas la décision finale.

Dans la période du 1er janvier 1997 au 1er septembre 1997, 1 834 demandes de régularisation (dix par jour) ont été introduites dont 629 ont été acceptées et 1 205 rejetées.

f) Circulaire relative à l'article 9, alinéa 3, de la loi sur les étrangers

Le 14 novembre 1997, la circulaire, adressée à mesdames et messieurs les bourgmestres, relative à l'application de l'article 9, alinéa 3, de la loi sur les étrangers a été publiée au Moniteur belge .

Cette circulaire donne quelques explications sur l'intention de l'article 9 de la loi sur les étrangers et sur la procédure à suivre.

Cet article est un simple article de procédure qui stipule que, lorsque la demande de séjour au-delà de trois mois ne peut pas être introduite via la procédure normale suite à des circonstances exceptionnelles, celle-ci peut être introduite par le bourgmestre.

S'il n'y a pas de circonstances exceptionnelles, l'Office des étrangers déclare la demande irrecevable.

Pour demander l'autorisation concernée, l'intéressé doit démontrer qu'il est impossible ou très difficile de retourner dans son pays d'origine ou dans un pays où il est autorisé à séjourner, par exemple suite aux circonstances de guerre ou à cause d'une maladie grave.

La présence d'une circonstance exceptionnelle pour un demandeur d'asile dont la demande d'obtenir le statut de réfugié est encore pendante, ne peut être jugée après une décision exécutoire de sa demande d'asile. Par conséquent, sa demande faite au cours de sa demande d'asile sera déclarée irrecevable sur la base de l'article 9, alinéa 3.

Un séjour illégal, même de longue durée, ou l'intégration dans la société belge ne peut en principe pas être invoqué en soi comme une circonstance exceptionnelle pour introduire une autorisation à un séjour de plus de trois mois sur le territoire.

Pour ceux qui introduisent une demande d'autorisation à un séjour pendant leur séjour régulier, court et légal sur le territoire, la présence de circonstances exceptionnelles est toutefois présumée si leur demande comprend tous les éléments qui permettent de conclure au bien-fondé de celle-ci.

Un séjour régulier implique que l'intéressé est, au besoin, en possession d'une déclaration d'arrivée.

La personne qui obtient par exemple une carte de travail pendant son séjour régulier, court et légal (la simple demande ne suffit pas) ou un certificat d'inscription dans un établissement d'enseignement tel que visé à l'article 59 de la loi sur les étrangers (et qui remplit toutes les autres conditions), peut introduire la demande sur la base de l'article 9, alinéa 3, ou de l'article 58, alinéa 3, de la loi sur les étrangers.

Cette présomption de présence de circonstances exceptionnelles ne s'applique pas aux demandeurs d'asile déboutés puisqu'il est clair qu'ils ont à tort fait appel à la procédure d'asile et qu'on peut supposer qu'ils en étaient conscients.

Finalement, on signale que, lorsqu'une personne est autorisée à séjourner sur le territoire (pendant plus de trois mois), celle-ci peut introduire, pendant la durée de l'autorisation, une demande de modification du statut en Belgique sur la base de l'article 9, alinéa 3, de la loi sur les étrangers via le bourgmestre de la commune où il est inscrit dans le registre de la population.

Dans le cadre de l'article 9, une circulaire a été également publiée au Moniteur belge le 14 novembre 1997 relative à la délivrance d'un permis de séjour sur base de cohabitation dans le cadre d'une relation durable.

g) Création d'une image

Par le rapport sur les actions de certains groupes revenant sans cesse relatives à la politique d'immigration, on crée l'impression que le Gouvernement belge mène une politique d'immigration restrictive (le terme est souvent à tort confondu avec le terme politique des réfugiés). Cette image est donnée à cause de la communication de seulement quelques cas qui ne sont nullement représentatifs de la politique menée. De plus, les faits sont souvent représentés incorrectement et subjectivement.

On ne fait par exemple pas de distinction entre la durée d'une procédure ou la durée d'un séjour et les condamnations judiciaires et/ou la fraude commise sont toujours oubliées. En raison de la protection de la vie privée, le ministre ne peut pas toujours réagir à ces communiqués incorrects.

Comme la politique le démontre, la Belgique mène une politique d'immigration nuancée et ouverte où l'aspect humanitaire est considéré.

Effectivement, l'agenda caché de nombreux groupes d'action (frontières ouvertes) n'est pas partagé par le Gouvernement belge.

h) Proposition du Centre pour l'égalité des chances

Le ministre ne peut pas approuver la proposition du Centre.

Tout d'abord le point de départ est erroné. Dans l'actuelle loi sur les étrangers, il n'existe pas de droit à la régularisation et il est tout aussi peu souhaitable que celui-ci pourrait être créé par une modification de loi. Un tel article rendra toute politique d'immigration contrôlée impossible.

La création d'une commission pour les régularisations humanitaires serait une création bureaucratique superflue. Dans le cadre d'une responsabilisation de l'administration, celle-ci est parfaitement capable de prendre une décision motivée sur la base d'éléments objectifs.

En ce qui concerne les critères proposés, il est à noter que ceux-ci font déjà l'objet d'une application par l'Office des étrangers qui décide (une fois de plus) sur la base de critères objectifs. Ces décisions ne sont donc pas arbitraires.

La proposition de régulariser les familles qui sont entrées en Belgique avant le 1er janvier 1993 et qui, en dépit d'un ordre de quitter le territoire, se trouvent toujours sur le territoire, n'est ni plus ni moins que la récompense au profit d'une infraction continue aux lois belges et doit être traduite comme une incitation à transgresser les lois.

1.8. La politique d'éloignement

a) Point de départ

La politique belge part du principe d'un retour volontaire. La personne qui ne dispose pas d'autorisation à séjourner sur le territoire, est responsable de son départ et de l'organisation de celui-ci. Avant que son séjour légal n'arrive à terme, elle est chargée d'entreprendre les démarches nécessaires afin de quitter le territoire à temps.

Il sera procédé à un retour forcé (avec ou sans escorte) que si le retour volontaire n'a pas lieu.

En outre, l'organisation immédiate de l'éloignement n'a lieu lors d'un premier contrôle que dans des circonstances exceptionnelles (10).

Le retour forcé est nécessaire afin de faire comprendre à l'immigré illégal en question ainsi qu'à tous les immigrés potentiels qu'ils ne peuvent pas séjourner en Belgique sans l'autorisation requise. La politique d'éloignement a également un caractère tant préventif que répressif.

Ce principe est représenté par les chiffres suivants : 12 000 éloignements en 1997 et 15 000 en 1998 (11). Ceci afin de démontrer clairement que les étrangers illégaux ­ en cas de non départ volontaire ­ sont éloignés de façon forcée.

b) Chiffres 1997

Pour un aperçu détaillé des éloignements déjà réalisés en 1997, il est renvoyé à l'annexe 17.

Jusqu'au 1er novembre 1997, 8 587 éloignements effectifs ont pu être organisés, ce qui correspond à une moyenne de 859 personnes par mois. En 1996, 806 personnes ont été en moyenne éloignées.

Au même rythme, en 1997 10 304 personnes seront probablement éloignées, ce qui représente 1 700 personnes de moins que l'objectif fixé.

La légère baisse du nombre de personnes qui quittent la Belgique par l'OIM (1996 : 159 par mois; 1997 : 140 par mois) en est la raison. En outre, aucune personne ne peut être éloignée de façon forcée en Yougoslavie, les éloignements forcés au Congo ont été suspendus pendant un mois et les éloignements forcés en Albanie ont été suspendus entre juin et août 1997. En outre, il n'est procédé à l'éloignement vers l'Algérie (12) que dans des cas exceptionnels.

En outre, les difficultés pour l'obtention d'un laissez-passer persistent. C'est la raison pour laquelle l'Office des étrangers, en collaboration avec l'ambassadeur pour la Politique d'immigration, créeront une cellule spéciale qui incitera pendant six mois les représentations diplomatiques des États en Belgique pour que celles-ci délivrent des laissez-passer plus rapidement et plus facilement.

L'ouverture des nouveaux centres fermés et une mise en oeuvre efficace de la prolongation de la durée de détention peuvent contribuer à réaliser les objectifs prévus pour 1998-1999.

c) Le retour volontaire

En principe, l'étranger organise lui-même et à ses frais son départ.

Le Gouvernement belge prévoit également une collaboration avec l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) à un programme de retour, appelé REAB. L'État belge prend en charge le programme alors que l'organisation du retour s'effectue par l'OIM

Les demandeurs d'asile déboutés, les personnes déplacées et autres illégaux peuvent dans le cadre de ce programme recevoir un billet d'avion et une prime de départ de 10 000 francs. Ils s'engagent à l'égard de l'État belge de ne pas retourner en Belgique sous peine d'un remboursement de l'aide financière.

Dans des circonstances exceptionnelles (13), l'organisation du départ volontaire peut s'effectuer depuis un centre fermé avec l'appui de l'OIM.

Janvier 163
Février 122
Mars 141
Avril 134
Mai 150
Juin 108
Juillet 187
Août 170
Septembre 139
Octobre 90
Total 1 404

En moyenne, il y a à l'heure actuelle, en 1997, 140 personnes par mois qui sont parties volontairement par l'OIM. (Voir annexe 26 pour plus d'informations détaillées.)

En 1998 le fonctionnement du programme REAB sera évalué et le cas échéant précisé afin d'arriver à plus de départs volontaires.

d) Le retour fixé

­ Priorités

Il est évident que toutes les personnes qui se trouvent illégalement sur le territoire ne peuvent être refoulées immédiatement vers leur pays d'origine. C'est la raison pour laquelle la politique d'éloignement contient un certain nombre de catégories pour lesquelles un éloignement prioritaire est recommandé :

· ceux qui ont commis un délit;

· ceux qui constituent un danger pour l'ordre public ou la sécurité nationale;

· ceux qui sont responsables d'un trouble sérieux à l'ordre ou à la paix publics (ceux qui ont troublé l'ordre et la paix dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile inclus);

· ceux qui tentent dans les ports d'immigrer illégalement vers un autre pays comme passagers clandestins;

· ceux qui se font appréhender au travail illégal;

· ceux qui se font arrêter lors d'une action contre un réseau de la traite des êtres humains ou d'immigration illégale.

Tout d'abord, ces personnes seront détenues en vue de leur éloignement. En principe, cette détention a lieu dans un centre fermé pour illégaux (dans le cas des demandeurs d'asile, dans un centre fermé de demandeurs d'asile). Seuls les étrangers illégaux qui, après avoir purgé leur peine, sont encore détenus en vue de leur éloignement, ou les illégaux qui sont à l'origine de sérieux problèmes en ce qui concerne l'ordre public, sont détenus en prison.

­ Organisation du départ

Avant qu'une personne soit enfermée afin d'organiser son éloignement, il est examiné attentivement et systématiquement par le bureau C de l'Office des étrangers si :

· une décision exécutoire a été notifiée (donc après instruction des éventuels recours avec effet suspensif);

· la personne concernée séjourne illégalement en Belgique;

· il n'y a pas de raisons particulières pour qu'un séjour en Belgique soit accordé (14);

· l'éloignement est opportun à ce moment (tant en fonction de la situation personnelle qu'en fonction des priorités précitées);

· l'article 3 de la CEDH n'est pas violé lors de l'éloignement.

Après la décision de détention, il sera procédé sans délai au nécessaire afin que l'éloignement puisse être organisé dans les plus brefs délais.

En principe, l'éloignement s'effectue sans escorte de la gendarmerie.

­ Directive lors du rapatriement

Il est procédé à l'éloignement sous escorte de la gendarmerie lorsque l'immigré illégal s'est opposé lors d'une première tentative à l'éloignement lorsqu'on peut supposer raisonnablement que l'intéressé s'opposera.

À cet effet, l'emploi de moyens de coercition fait l'objet d'une réglementation sévère.

Le ministre a adopté des directives relatives à l'organisation de l'éloignement forcé qui ont été transmises à la gendarmerie.

Maand. ­ Mois Aantal escortes
­
Nombre d'escortes
Aantal mislukte pogingen
­
Nombre de tentatives échouées
Totaal aantal verwijderingen
­
Nombre total d'éloignements
Escortes in %
­
Escortes en %
Januari 1997. ­ Janvier 1997 32 0 325 9,8
Februari 1997. ­ Février 1997 23 1 309 7,4
Maart 1997. ­ Mars 1997 24 0 374 6,4
April 1997. ­ Avril 1997 18 0 327 5,5
Mei 1997. ­ Mai 1997 24 0 254 9,4
Juni 1997. ­ Juin 1997 35 0 290 12
Juli 1997. ­ Juillet 1997 30 4 307 9,8
Augustus 1997. ­ Août 1997 11 2 303 3,6
September 1997. ­ Septembre 1997 41 3 324 12,7
Oktober 1997. ­ Octobre 1997 27 5 414 6,5
Totaal. ­ Total 265 15 3 227 8,2

Comme on peut le constater, en cas d'éloignement forcé, seules 8,2 % des personnes sont escortées.

­ Plaintes

Pour les cas rares de dépôt de plainte, celle-ci doit être examinée par le Service d'inspection interne de la gendarmerie, du parquet et du Comité P. La majeure partie des plaintes ne sont pas fondées.

e) Contrôle

À l'heure actuelle le contrôle diffère de commune à commune en ce qui concerne le suivi ou non de l'ordre de quitter le territoire. Un contrôle systématique de la police communale en coordination avec l'Office des étrangers s'avère dès lors essentiel dans une politique d'éloignement efficace.

Les services de police qui désirent entreprendre une action spéciale, peuvent toujours réserver à l'avance des places pour que l'on puisse enfermer et éloigner l'intéressé en cas d'arrestation.

f) Reprise par les pays d'origine (15)

Du point de vue du droit international, chaque pays est tenu de reprendre ses propres ressortissants et de coopérer à cet effet lorsqu'il est certain que la personne en question ne peut plus séjourner dans un pays tiers (ce qu'on appelle l'obligation de reprise).

Dans la pratique, il est cependant constaté qu'un certain nombre de pays ne sont pas prêts à remplir leur obligation de reprise de façon rapide et effective.

L'ambassadeur de la Politique d'immigration (16) essaie en première instance d'inciter les pays concernés à une coopération effective et souple. Si cette politique échoue, il sera exercé une pression sur le pays en question, plus particulièrement par la politique de visa (17). Ceci si possible dans le cadre du Benelux, de Schengen ou de l'Union européenne. Dans le cadre de la présidence belge de Schengen (à partir du 1er janvier 1998), le Gouvernement belge prêtera toute son attention à ce sujet.

g) Clause de non-refoulement

L'article 63/5 de la loi sur les étrangers stipule qu'en cas de confirmation de la décision contestée, le commissaire général aux réfugiés et aux apatrides ou un de ses adjoints donne également un avis formel sur la remise éventuelle de l'intéressé à la frontière du pays qu'il a fui et où, selon sa déclaration, sa vie, son intégrité physique ou sa liberté serait menacée (ce qu'on appelle la clause de refoulement).

Décisions
Recours urgent
Sans clause de
non-refou-
lement
Avec clause de
non-refou-
lement
%
Frontière
(à partir du 1er janvier 1997
au 22 septembre 1997)
465 43 9
Territoire
(à partir du 1er avril 1997
au 2 septembre 1997)
2 047 10 0,5

Nombre de clauses de non-refoulement par nationalité :

Liberia 16
Sierra Leone 9
Albanie 8
Rwanda 4
Soudan 3
Zaïre 3
Turquie 2
Bosnie 2
Biélorussie 2
Algérie 1
Pakistan 1
Somalie 1
Russie 1
Total 53

L'Office des étrangers tient presque toujours compte de la clause de non-refoulement du commissaire général ce qui signifie qu'il n'est pas procédé à l'éloignement forcé. Dans les rares cas (4) où on n'en tient pas compte, ceci est dû à des infractions à l'ordre public.

h) Centres fermés

Début 1998, Merksplas II (+ 100 places) et Vottem (+ 150 places) seront opérationnels. Alors l'Office des étrangers disposera d'une capacité opérationnelle maximum de 760 places, soit toujours 400 places trop peu.

Le 1er octobre 1997, le projet de l'arrêté royal relatif au règlement interne des centres fermés est transmis au Conseil d'État.

1.9. Mineurs non accompagnés

1. Statistiques

Nombre

Le nombre de mineurs non accompagnés qui n'ont pas introduit une demande d'asile ne peut être déterminé qu'approximativement étant donné que l'Office des étrangers n'est pas informé systématiquement de la présence d'un mineur séjournant illégalement sur le territoire.

À l'heure actuelle, l'Office des étrangers est contacté pour une dizaine de dossiers par mois. Il s'agit souvent d'enfants séjournant chez un membre (non proche) de la famille.

Le nombre de mineurs non accompagnés ayant introduit une demande d'asile est connu.

De la même manière, il faut faire preuve d'attention en ce qui concerne l'âge indiqué par le mineur qui ne correspond pas toujours à l'âge réel (soit moins âgé, soit plus âgé). En cas de doute lors de l'enregistrement, l'Office des étrangers ordonne déjà à l'heure actuelle un examen médical des os. Les personnes déclarées mineures à tort sont toutefois maintenues dans les statistiques comme mineures alors qu'en réalité elles sont majeures.

Tous les mineurs non accompagnés n'arrivent d'ailleurs pas seuls en Belgique. Selon les définitions usuelles, il faut toutefois comprendre par mineur non accompagné : toute personne n'étant pas accompagnée de ses parents ou du tuteur légal. Ceci implique qu'un mineur par exemple accompagné par son frère majeur est enregistré comme mineur non accompagné. Les chiffres indiqués ci-dessous donnent un aperçu des mineurs non accompagnés d'un point de vue juridique ce qui signifie donc que nombreux de ces mineurs sont en pratique accompagnés.

À l'avenir, les chiffres feront cette distinction. 30 % des mineurs non accompagnés arrivent probablement totalement seuls.

Du 1er janvier au 31 octobre 1997, 615 (18) mineurs non accompagnés ont demandé le statut de réfugié, soit 6 % du total.

58 % des mineurs non accompagnés ont plus de 16 ans et démontrent presque toujours par leur comportement qu'ils peuvent voler de leurs propres ailes. En outre, 35 % des mineurs non accompagnés ont plus de 17 ans.

Parmi les mineurs en droit belge, le groupe le plus important a entre 16 et 18 ans. Celui qui pose problème se compose de 200 mineurs (1er janvier 1997-31 octobre 1997) de moins de 16 ans.

En ce qui concerne les enfants de moins de 7 ans, le ministre a demandé qu'on les suive individuellement. Entre le 1er janvier et le 2 octobre de cette année, l'on a recensé 46 enfants, dont 35 étaient accompagnés d'un proche qui n'était pas le tuteur légal (oncle, tante). Après, l'on a constaté que cinq d'entre eux étaient accompagnés par leurs parents. Six d'entre eux n'étaient pas accompagnés. Un enfant avait été ammené par des Belges lors d'une évacuation en 1994 et a été régularisé. Un autre habite dans sa famille en Belgique et un troisième en Allemagne. Trois autres enfants étaient accompagnés de leur soeur, devenue entre-temps majeure, et résident encore actuellement dans un centre de la Croix-Rouge.

Voici donc les chiffres réels pour ce qui est du problème des mineurs non accompagnés.

À l'annexe 20 l'on trouvera un aperçu en fonction du pays d'origine.

2. Accueil

En principe, l'accueil des mineurs, quelle que soit leur nationalité ou quel que soit leur statut de séjour, relève de la compétence des communautés.

Étant donné que les autorités fédérales prévoient cependant un centre d'accueil pendant la procédure d'asile pour demandeurs d'asile adultes, elles sont également disposées d'accueillir des demandeurs d'asile mineurs dans un centre d'accueil fédéral durant la procédure d'asile (tant dans la phase de recevabilité que dans la phase de bien fondé) (sauf si le juge de jeunesse prend une autre décision dans l'intérêt de l'enfant et à condition que le mineur veuille rester). L'accueil des demandeurs d'asile mineurs déboutés est en principe une compétence des communautés.

Il est apparu à la dernière réunion administrative de coordination du 7 novembre 1997, qu'un accord est en train de se conclure.

3. Aperçu

a) Les mineurs non accompagnés ne demandant pas l'asile

­ Accueil

Dans la plupart des cas, il n'y a pas de problème d'accueil. Ces enfants séjournent chez un membre de la famille ou chez des amis des parents ou font déjà l'objet d'une mesure d'accueil (via CPAS ou via aide spéciale à la jeunesse). L'accueil peut être organisé indépendamment du statut de séjour des enfants concernés.

­ Séjour

Le statut de séjour de ces enfants est dans certains cas problématique.

L'Office des étrangers n'est pas systématiquement mis au courant de la présence d'un mineur non accompagné, et, quand elle l'est, c'est souvent très tardivement.

Lors de la réunion administrative de coordination du 28 mai 1997, il a été convenu que l'Office des étrangers soit systématiquement mis au courant de la présence d'un mineur non accompagné lorsqu'une solution est en préparation en vue d'un séjour prolongé en Belgique.

b) Les mineurs non accompagnés demandant l'asile à la frontière

Les mineurs non accompagnés demandant l'asile à la frontière sont accueillis pendant la procédure au Centre de transit 127. Pour les enfants admis sur le territoire, le responsable du centre prend contact avec le parquet qui renvoie l'intéressé à une possibilité d'accueil.

En ce qui concerne l'organisation de l'accueil de cette catégorie de mineurs, on constate aucun problème.

c) Les mineurs non accompagnés demandant l'asile sur le territoire

Au cours de la procédure, les mineurs non accompagnés demandant l'asile sur le territoire sont en principe accueillis dans un centre d'accueil non subventionné par les autorités fédérales.

En principe, cela ne pose pas de problèmes à l'exception de trois situations qui, toutefois, se présentent exceptionnellement.

1. Fauteurs de troubles dans les centres

Lorsque certains jeunes sont récalcitrants, il est immédiatement demandé en tous cas à l'instance de réfugiés compétente de traiter la demande d'asile plus rapidement.

S'il y a doute sur l'âge réel du fauteur de troubles, un examen médical peut être demandé par l'Office des étrangers.

Au cas où l'intéressé est mineur, le centre d'accueil peut contacter le parquet afin de demander, par le tribunal de la jeunesse, des mesures spéciales. Il n'y a aucun problème de compétence mais plutôt un problème de jugement de la part du juge de la jeunesse qui estime que certaines situations ne sont pas suffisamment importantes pour prendre une mesure.

2. Les mineurs refusant de se rendre dans un centre d'accueil

Ces mineurs peuvent être accueillis dans les structures d'accueil ordinaires. Ceci implique que le CPAS est avant tout compétent et lorsqu'une initiative spéciale s'avère nécessaire, le CPAS contactera l'aide spéciale à la jeunesse pouvant éventuellement conduire à un accueil forcé.

3. Séjour de longue durée de demandeurs d'asile mineurs dans les centres d'accueil

Il est clair que le centre d'accueil est conçu pour un accueil de cinq mois maximum. Ces centres ne sont donc pas les lieux adéquats pour accueillir pour une longue durée les demandeurs d'asile mineurs.

Ce problème est résolu par le traitement prioritaire accordé aux demandes d'asile introduites par des mineurs.

d) Accueil des demandeurs d'asile mineurs non accompagnés déboutés

­ Séjour

Dans le cadre d'une politique d'immigration contrôlée, il est nécessaire que, pour cette catégorie de mineurs non accompagnés, le principe du retour soit également prévu.

Ceci suppose un engagement de toutes les parties afin d'élaborer des solutions dans ce sens.

Dès qu'un demandeur d'asile mineur non accompagné entre en contact avec l'Office des étrangers, ce dernier essaiera, en étroite collaboration avec le centre d'accueil, les ONG, l'OIM et l'ambassade de Belgique sur place, de rechercher rigoureusement les membres de la famille et d'examiner quelles sont les possibilités d'accueil dans le pays d'origine. Évidemment, il sera tenu compte de la procédure d'accueil en cours.

Dans le cas où des membres de la famille peuvent être localisés ou s'il existe une possibilité d'accueil dans le pays d'origine, le retour (volontaire) doit être organisé.

Dans le cas où des membres de la famille ne peuvent pas être localisés ou s'il n'existe pas de possibilité d'accueil dans le pays d'origine, il sera examiné au cas par cas par l'Office des étrangers de quelle façon le statut de séjour peut être réglé. En principe, la circulaire relative aux personnes qui ne peuvent être éloignées sera appliquée sur ceux-ci ce qui signifie que le mineur concerné doit s'engager à quitter le territoire lorsqu'il aura atteint 18 ans (ou plus tôt quand un membre de la famille ou un accueil sur place est trouvé).

Seulement lorsque l'éloignement ou le retour réel n'est pas possible dans un assez long délai, il peut être accordé aux jeunes demandeurs d'asile mineurs non accompagnés déboutés un statut de séjour clairement non précaire (mais conditionnel) avec inscription au registre des étrangers.

­ Accueil

L'accueil de ces mineurs est une compétence de principe des communautés.

Ces mineurs doivent donc être accueillis par les structures d'accueil des communautés.

4. Résolution du Conseil des ministres de l'UE

Le Conseil de l'Union européenne a adopté, début juillet 1997, une résolution relative aux demandeurs d'asile mineurs non accompagnés.

Principalement en ce qui concerne la tutelle, la Belgique devra adopter des mesures adéquates. Actuellement, il est examiné comment ceci pourra se concrétiser de la meilleure façon. Avant la fin de l'année, la Belgique appliquera la résolution.

5. Concrètement

À titre d'enquête, il a été examiné quel était le sort des enfants de moins de sept ans qui sont entrés en Belgique entre le 1er janvier 1997 et le 2 octobre 1997.

Des 46 cas, 35 étaient accompagnés d'un membre de la famille ou venaient rejoindre un membre de la famille. Cinq étaient accompagnés de leurs parents et six n'étaient pas accompagnés à leur arrivée. De ces six, un enfant a été amené par les Belges lors de l'évacuation en 1994 (régularisé), un habite avec sa famille en Belgique, un a été repris par l'Allemagne et trois étaient accompagnés d'une soeur qui entre-temps est devenue majeure (ils séjournent dans un camp de la Croix Rouge).

1.10. Coopération internationale

La conférence intergouvernementale s'est achevée en juin 1997 par l'élaboration du projet du Traité d'Amsterdam qui sera signé début octobre 1997. Ce traité modifie, en matière d'immigration, la manière selon laquelle les demandes d'asile sont traitées, les visas, les frontières, etc. en les tranférant du troisième pilier au pilier communautaire.

Une innovation importante est l'application du protocole de Schengen qui vise l'intégration progressive des acquis de Schengen dans le cadre de l'Union européenne et de ses instruments de travail pertinents, notamment en ce qui concerne la mise en vigueur des accords de coopération signés avec la Norvège et l'Islande. Ce processus, qui fait actuellement l'objet d'une étude au sein des groupes de travail, s'achèverait dans une période de plus ou moins cinq ans.

En ce qui concerne les travaux de Schengen, le problème principal à l'ordre du jour est l'application de la Convention par l'Autriche, l'Italie et la Grèce.

Pour ce qui concerne l'Union européenne, les travaux principaux du premier semestre 1997 concernaient l'élaboration d'un modèle uniforme de permis de séjour qui devrait être appliqué, avec ses modalités techniques, lors d'un prochain Conseil.

Le ministre souligne que sur la liste des priorités, la politique des visas vient après la naturalisation, les demandes d'asile, les régularisations et les éloignements, ce qui signifie que l'on ne pourra s'y atteler de manière structurelle qu'à partir de 1999. Il n'empêche qu'entretemps, l'on a pris une série de mesures, surtout en ce qui concerne l'échange électronique de données, ce qui doit permettre de gagner trois semaines.

Les experts « Migration » ont continué leur travail relatif à la problématique des ressortissants mineurs non accompagnés des pays tiers (Journal officiel des Communautés européennes, C 221 du 19 juillet 1997, p. 23) et ont entamé une enquête relative aux problèmes causés par les mariages blancs.

À cet égard, il est à noter que le projet de la Convention des frontières extérieures a été abandonné par la présidence luxembourgeoise et ne sera certainement pas poursuivie par la présidence britannique.

En mars 1997, la Commission européenne a introduit une proposition en vue d'une action commune relative à la protection des personnes déplacées. Ce document prévoit qu'en cas d'afflux massif le Conseil peut décider de procéder à un régime de protection temporaire pour les personnes qui nécessitent une protection internationale. Cette proposition, toujours à l'étude, est transmise pour avis au Parlement européen.

Le 14-15 octobre 1997, une conférence ministérielle a eu lieu à Prague relative à la prévention de l'immigration illégale à laquelle les représentants des gouvernements d'une quarantaine de pays et de plusieurs organisations internationales ont participé. Cette conférence est dans le prolongement de la Conférence de Vienne (1991) et de Budapest (1993). La conférence de Prague fait l'objet d'une préparation active du Groupe Budapest, chargé du suivi de cette matière. La Belgique joue depuis quelques années un rôle actif au sein de ce Groupe et a, à ce sujet, entre autres assisté à la conférence hongroise sur l'élaboration des recommandations en ce qui concerne la lutte contre la traite des étrangers et la traite des êtres humains. La circulation des personnes en Europe, la réadmission et l'assistance technique et financière sont également au programme de la Conférence de Prague.

En conclusion, le ministre constate que les modifications apportées à la loi sur les étrangers n'ont pas donné lieu à une diminution du nombre des demandes d'asile, ni à une appréciation plus sévère de celles-ci. L'accueil dans les centres ouverts est convenable ­ Caritas est du même avis ­, ce qui a pour effet que les demandeurs d'asile y restent plus longtemps que strictement nécessaire. La réglementation applicable aux transporteurs n'a pas mené à une diminution des demandeurs d'asile qui entrent dans notre pays par l'aéroport. La politique de régularisation n'est pas plus restrictive. Le nombre d'expulsions a toutefois augmenté, ce qui est d'ailleurs un des objectifs de la loi.

Il est évident que la politique peut encore être améliorée, mais ceux qui ont des critiques à formuler feraient bien de tenir compte aussi des faits. L'année 1998 est une année charnière, dans laquelle il faudra définitivement rattraper le retard accumulé dans le passé, pour pouvoir, à partir de 1999, travailler correctement et mieux résoudre un certain nombre d'autres problèmes, parmi lesquels celui lié à la politique en matière de visas.

2. Échange de vues

2.1. L'accès au territoire

En ce qui concerne la politique en matière de visas, une membre demande à pouvoir disposer du rapport qu'on lui a promis et qui concerne une éventuelle réorientation de la procédure.

À propos de l'application des Accords de Schengen, elle a demandé, au cours des auditions, si, selon la procédure de la convention d'exécution, un demandeur d'asile peut être renvoyé dans un pays ne faisant pas partie de l'espace Schengen par un État qui n'est pas obligé d'examiner la demande d'asile.

Selon les dispositions de la Convention de Dublin, le dossier d'un demandeur d'asile qui est arrivé en Belgique après être passé par l'Allemagne doit être examiné par l'Allemagne. L'Allemagne se charge pour cette raison du demandeur d'asile. Les pouvoirs publics allemands constatent que le demandeur d'asile est arrivé chez eux en transitant par un autre pays. Selon la législation allemande, le demandeur d'asile doit retourner dans le pays de transit si celui-ci est un pays « sûr ». Finalement, ce pays de transit renvoie le demandeur d'asile dans son pays d'origine.

Le scénario décrit ci-dessus n'est pas fictif; souvent, le renvoi dans un pays « sûr » a pour conséquence que le demandeur d'asile est finalement renvoyé dans son pays d'origine.

Un membre souligne que le European Council on Refugees and Exiles (Londres) a rédigé un rapport en la matière. Les membres de la commission n'ont pas toujours le temps ni les moyens d'examiner eux-mêmes des cas concrets. Si l'on dispose toutefois d'informations concrètes, il vaut peut-être la peine que les ministres les fassent examiner de façon approfondie.

L'intervenante demande que la Belgique vérifie soigneusement si le renvoi d'un demandeur d'asile, dans un autre pays de l'espace Schengen, ne mène pas à un « refoulement ».

Enfin, l'intervenante demande que d'autres que les seules personnes physiques puissent prendre en charge un étranger. Cela permettrait par exemple à des ordres religieux ou à une organisation humanitaire de prendre en charge des étrangers.

Puisque c'est toujours une personne physique qui doit s'engager à prendre un étranger en charge, le nombre des demandeurs d'asile qui peuvent être pris en charge par une seule personne est limité. Il est souhaitable d'assouplir la législation sur ce point.

Un sénateur attire l'attention sur la circulaire du 28 août 1997, dans laquelle le ministre rappelle le principe selon lequel le mariage est un droit de l'homme et que le caractère légal ou non du séjour d'un des époux n'est pas une condition essentielle pour pouvoir contracter mariage.

La même circulaire prévoit toutefois que le fait que l'on a pu se marier en Belgique ne signifie pas que l'on obtient ainsi un droit de séjour. Cette situation donne lieu, en pratique, à des problèmes insensés. L'étranger qui vient de se marier reçoit souvent l'ordre de quitter le territoire, alors que l'on sait qu'il obtiendra finalement le droit de résider en Belgique. De plus, la cohabitation avec le conjoint est un des éléments essentiels du mariage et constitue même un critère permettant d'apprécier si le mariage est un mariage blanc ou non.

Le retour forcé de l'étranger vers son pays d'origine en vue d'obtenir un visa empêche la cohabitation, occasionne des frais inutiles et perturbe la vie familiale.

Le retour forcé a également pour conséquence de créer un surcroît de travail superflu pour les services concernés. Quelle utilité le ministre voit-il dans le retour forcé ?

En deuxième lieu, le sénateur désire savoir quels sont les critères qui sont appliquées pour apprécier si une personne possède des moyens de subsistance suffisants avant de l'admettre sur le territoire. Dans quels cas s'enquiert-on des moyens de subsistance ? Qu'est-ce qui constitue des moyens de subsistance suffisants ?

La loi dispose également que la prise en charge doit être effectuée pour une période de deux ans et ce, même si le séjour est limité à trois mois. Qui va courir le risque de s'engager pour une prise en charge de deux ans (maladie, accident,...) ?

Une membre constate que les amendes pour les transporteurs n'ont pas diminué le nombre de demandeurs d'asile à l'aéroport de Zaventem. On ne peut par contre en conclure que cette mesure n'a pas empêché certains demandeurs d'asile d'introduire une demande d'asile. L'augmentation des demandes aurait pu être plus importante si ces dispositions n'étaient pas entrées en vigueur.

En ce qui concerne les raisons des amendes qui ont été imposées, l'intervenante demande s'il est possible de lier les cas dans lesquels on a imposé une amende aux suites qui ont été données à la demande d'asile des personnes concernées ?

À propos du centre INAD, l'intervenante demande quels sont les possibilités de contact avec des ONG ou avec des avocats. Qu'est-ce qui est prévu pour permettre l'exercice réel de leurs droits par les personnes y séjournant ?

L'article 3bis de la loi porte sur l'engagement de prise en charge. Plusieurs associations ont fait état du fait que plusieurs communes imposent des conditions supplémentaires au moment de la légalisation, surtout en ce qui concerne le montant de la prise en charge. Est-ce qu'il n'est pas nécessaire de donner des précisions aux communes par une circulaire ?

À propos de la Convention de Schengen, le Commissaire général a fait part à la Commission d'une série de critiques et de doutes sur le respect par certains pays des prescrits de cette convention. Est-ce qu'il n'est pas opportun d'organiser un suivi minimal des personnes dont la demande d'asile devrait être traitée par un autre état de Schengen ?

En ce qui concerne l'accès au territoire, la même intervenante voudrait apprendre si les critères pour l'engagement de la prise en charge sont systématiquement correctement appliqués. Elle croit que l'exposé du ministre permet de conclure qu'il en est ainsi.

En ce qui concerne les personnes refoulées, un point inquiétant subsiste : le comportement au premier contrôle. Ce comportement ne lui semble pas complètement rassurant. La première appréciation est faite par la gendarmerie. Selon les dires du colonel Allaert il suffirait que l'étranger qui se présente à la frontière prononce le mot « asile » pour qu'il soit immédiatement guidé vers la procédure d'asile. Pour être rassurée sur ce point, l'intervenante voudrait vérifier si tout se fait correctement. Depuis longtemps elle constate la difficulté de traiter ces matières de façon objective. Au bout d'un certain temps, les gendarmes chargés du contrôle à la frontière risquent de développer une attitude systématiquement négative vis-à-vis des étrangers. De quelle façon contrôle-t-on l'attitude de ces gendarmes, chargés de ce contrôle aux frontières ?

Finalement, l'intervenante voudrait savoir comment sont traités les génocidaires rwandais. Est-ce que le ministre constate une augmentation de leur accueil au sein des communautés religieuses ?

En ce qui concerne les remarques formulées par la première intervenante, le ministre répond qu'il ne pense pas que la politique des étrangers ne pose plus problème. Il prétend seulement que les prédictions des ONG qui ont été faites l'année dernière au moment où l'on a modifié la loi ne sont pas réalisées. Il faut au moins avoir l'honnêteté de reconnaître que ces prédictions ne se sont pas réalisées. Au cours des évaluations qui ont été faites par la suite, personne n'a pris la peine de suivre ces prédictions ou de poser des questions à ce sujet.

Le ministre dit qu'il a le souci constant d'améliorer la qualité des différents volets de la politique des étrangers. Il va de soi que cette qualité laisse encore beaucoup à désirer. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles on a fait appel au bureau ABC pour effectuer un audit de l'Office des étrangers. Ce dernier sera ainsi contraint d'entamer un dialogue permanent avec le bureau ABC et le ministre compétent. Le plan de gestion est le fruit d'une série de discussions et d'accords et il jette les bases pour une amélioration de l'amélioration de la qualité ­ que l'on peut d'ores et déjà constater.

Le rapport sur la procédure en matière de visa portait surtout sur l'informatisation que l'on est en train de réaliser progressivement.

La liaison électronique entre l'Office des étrangers et les Affaires étrangères permettra de raccourcir de trois semaines le procédure de visa. Le retard dans le traitement des demandes de visa n'est pas imputable à Bruxelles uniquement. Les deux tiers des demandes sont traitées directement dans les ambassades et les consulats. La durée moyenne du traitement des demandes de visa a été réduite de moitié environ. Elle s'élève actuellement à deux mois.

En ce qui concerne la prétendue observation déficiente de la Convention de Genève par un pays parti aux accords de Schengen, le ministre demande de concrétiser cette accusation. Il lui est impossible d'admonester l'Allemagne sans disposer de faits concrets. C'est la raison pour laquelle il demandera au commissaire général d'étayer ses dires par des faits, de sorte qu'il puisse les soumettre à l'ambassadeur d'Allemagne. Si ce que l'on prétend est exact, il provoquera un incident à ce sujet. Il souligne toutefois que l'on peut refouler l'intéressé vers le premier pays de transit, à condition d'avoir vérifié s'il ne court pas le risque d'être refoulé dans son pays d'origine, qu'il avait voulu fuir. Il est clair, néanmoins, que chaque pays peut commettre des erreurs d'appréciation. Mais s'il s'avère que l'on ne respecte pas cette disposition, il s'agit d'une très grave violation de la Convention de Genève.

Le gouvernement belge ne peut cependant s'adresser au gouvernement allemand qu'avec un dossier concret.

L'exemple cité par la première intervenant ne l'amène pas à conclure qu'il est certain que la Convention de Genève a été violée. Tout dépend de la situation concrète.

En ce qui concerne la prise en charge, le ministre constate que la formulation actuelle de l'article 3bis engendre pas mal de malentendus. C'est pourquoi il rédigera une circulaire visant une application uniforme dans toutes les communes.

Il signale néanmoins que l'auteur de la prise en charge peut être mandaté par une personne morale. Dans ce cas, il peut également être tenu compte du revenu de celle-ci. À cet effet, deux conditions doivent donc être réunies :

1. La personne morale doit avoir donné un mandat à l'auteur de la prise en charge.

2. Il doit y avoir entre ce dernier et la personne morale un accord par lequel celle-ci s'engage à payer si l'auteur de la prise en charge ne dispose pas de moyens suffisants.

Cela a d'ailleurs déjà été dit explicitement lors de la discussion de l'article 3bis .

En imposant comme condition que l'auteur de la prise en charge doit être une personne physique, il tente d'éviter que l'Office des étrangers ne doive enquêter sur une personne morale. Il souligne que les personnes morales sont exclues de la prise en charge parce qu'il y a eu dans le passé différentes a.s.b.l. qui en tiraient profit.

Un sénateur estime que la proposition du ministre n'est pas logique. Si une personne physique est responsable, mais que l'on peut faire appel à la solvabilité financière d'une personne morale, l'Office des étrangers devra quand même enquêter sur cette personne morale.

Le ministre répond que dans ce cas, une vérification marginale suffit, parce que l'on peut toujours s'adresser à la personne physique.

L'intervenant fait remarquer que cela risque de bloquer la situation sur le plan juridique. Si la personne physique est insolvable, ou n'a aucun recours à l'égard de la personne morale.

Le ministre répond que ce n'est pas l'action qui pose problème. On veut la garantie de solvabilité et la responsabilité directe d'une personne physique. Si une personne morale assume la prise en charge, elle doit chaque fois être soumise à un contrôle complet, ce qui est trop somptueux.

Le ministre signale que ce point a été tranché lors de la discussion de la dernière modification de la loi sur les étrangers et qu'on a alors opté pour cette formule.

Un membre répond que l'application de la réglementation actuelle engendre des problèmes. Certaines communes imposent des conditions supplémentaires, si bien qu'il faudra peut-être reconsidérer certaines choses.

Le ministre fait observer que certains auteurs d'une prise en charge ont souvent déploré par la suite leur générosité. S'il y a des problèmes, c'est également parce que de nombreuses firmes veulent bien que quelqu'un vienne travailler chez elles, mais refusent de fournir les garanties financières. Cela aussi fait partie de la vérité. Il s'agit donc moins d'un problème de procédures manquant de clarté que du refus de donner les garanties financières nécessaires. Ce problème ne sera pas résolu par une modification de la loi.

Il souligne en outre que la prise en charge n'est requise que lorsque la preuve de moyens de subsistance suffisants est fournie d'une autre façon.

En ce qui concerne les problèmes liés au séjour après un mariage, le ministre rappelle que la Belgique est un des rares pays dans lesquels la possession d'un statut légal n'est pas une condition de mariage.

Pour ceux qui séjournent légalement chez nous et se marient ou cohabitent, un séjour légal d'une durée limitée peut être converti en séjour d'une durée illimitée.

Pour l'étranger qui se trouve en séjour illégal dans notre pays, le fait de cohabiter ou de se marier est également un motif de permis de séjour.

Cela signifie toutefois que l'intéressé doit introduire une nouvelle demande dans son propre pays. Il a le droit au regroupement familial, mais pas nécessairement en Belgique.

Les personnes qui ont des problèmes dans leur propre pays (ordre public, poursuites judiciaires, etc.) peuvent venir se marier en Belgique, sans devoir être admises nécessairement dans notre pays. Les personnes qui souhaitent résider dans notre pays sur la base du droit au regroupement familial, doivent suivre la procédure normale, qui veut qu'elle introduisent une demande en ce sens à partir de leur propre pays. La circulaire dispose explicitement que l'étranger marié a droit à un visa, à moins que son dossier ne contienne des éléments (par exemple une condamnation pénale), qui obligent les autorités belges à lui refuser un permis de séjour. Il faut donc examiner la demande en tout état de cause, pour pouvoir déterminer si l'intéressé remplit les conditions requises pour séjourner dans notre pays.

La demande de visa ne pourra être introduite en Belgique que dans des cas exceptionnels comme le cas de grossesse.

La Belgique va donc beaucoup plus loin que certains de ses voisins, mais elle a prévu une procédure qui doit permettre de prévenir les abus. Il n'existe d'ailleurs aucun traité international qui oblige la Belgique à étendre ce régime aux cohabitants. Les services compétents ont pour instruction d'examiner les demandes en question très rapidement (dans les six semaines en moyenne). Il connaît toutefois l'expérience malheureuse de l'introduction d'une demande de visa soulevant souvent des problèmes dont personne n'avait conscience en Belgique et que pas même le partenaire de l'intéressé connaissait.

Pour ce qui est des amendes infligées aux compagnies de transport, le ministre dit ne pas pouvoir souscrire à l'affirmation suivant laquelle un plus grand nombre de demandeurs d'asile seraient entrés dans le pays par l'aéroport de Zaventem si on ne les avait pas instaurées. En effet, rien ne permet de vérifier cette affirmation. Il constate seulement que la prédiction selon laquelle le nombre de demandeurs d'asile chuterait de manière spectaculaire ne s'est pas réalisée, bien au contraire.

L'on a tort de penser que le moyen idéal ou, du moins l'un des moyens que les demandeurs d'asile utilisent souvent consiste à gagner un aéroport pour un vol régulier. En procédant de la sorte, l'on court un très grand risque de se faire arrêter au départ, précisément parce que les aéroports font l'objet de contrôles stricts. Il est beaucoup plus sûr de fuir dans un pays voisin et d'y introduire une demande de visa auprès de l'ambassade du pays dans lequel on veut se rendre. Les amendes prévues ne sont pas appliquées lorsque l'étranger introduit une demande visant à obtenir le statut de réfugié et qu'il reçoit l'autorisation de venir en Belgique à cette fin. Les amendes sont donc infligées uniquement par rapport aux personnes qui ont été refoulées.

En ce qui concerne les questions relatives au centre INAD, le ministre s'étonne qu'on ne les ait pas plutôt posées à la responsable du centre lorqu'elle a été entendue par la commission. Cette personne connaît pourtant tous les mécanismes du centre. Il propose, qu'au cas où la commission aurait encore des questions, elle invite à nouveau Mme Cluyds.

Il rappelle cependant que les autorités belges ne sont pas obligées de s'occuper du centre INAD. En application de conventions internationales, les compagnies de transport ont l'obligation de gérer pareils centres. Toutefois, s'agissant d'une situation délicate, les pouvoirs publics belges en ont assumé la gestion, tandis que les compagnies de transport en assument le financement.

L'Inspection des frontières est un service spécialisé de l'OdE. La gendarmerie ne peut faire qu'autoriser quelqu'un à entrer dans le pays. Le refus se fait par l'Inspection des frontières. La gendarmerie vérifie les documents et, en cas de doute, elle contacte l'Inspection des frontières. La gendarmerie vérifie aussi les moyens de subsistance. Si les étrangers sont invités par une entreprise, on leur demande s'ils connaissent cette entreprise ­ il existe une liste de firmes peu fiables ­ et où ils vont loger.

Il souligne que seulement 6 à 7 % des voyageurs font l'objet d'un interrogatoire.

Le troisième service concerné est la gendarmerie. Les plaintes relatives à ses interventions sont examinées. Lorsqu'il y a un grand nombre de plaintes, l'on remplace, par mesure de précaution, l'ensemble de l'équipe, et ce, même lorsque l'enquête indique qu'aucune faute n'a été commise.

Le fonctionnement de ces trois services et le contrôle dont il fait l'objet doivent garantir de manière structurelle une intervention correcte.

Le colonel Allaert fournit un travail remarquable, et il a déjà signalé de nombreux abus, mais, comme c'est à l'Inspection des frontières qu'il appartient de trancher, l'on ne saurait lui reprocher d'adopter une attitude négative. Les 2 000 personnes auxquelles l'accès au territoire a été refusé ne constituent qu'un pourcentage infime des millions de passagers qui sont entrés en Belgique par l'aéroport de Zaventem.

Pour ce qui est de l'application de l'article 77, il signale que cet article a été adopté sous sa forme actuelle par la voie d'un amendement qui a été déposé à la Chambre des représentants. Il se dit personnellement hostile à la modification qui a été effectuée parce qu'elle ne clarifie rien. L'ancien article était clair et il faisait l'objet d'une jurisprudence constante. L'« amélioration » qui a été apportée par la Chambre des représentants a donné lieu à des jugements que tout le monde, estime fort heureusement absurde même la Cour d'appel.

Un membre demande si on pourrait rendre plus effective la nouvelle disposition qui permettra un recours contre la décision de refoulement.

Le ministre nie formellement que les avocats n'auraient pas accès aux personnes qui sont retenues au centre INAD. Les services n'ont aucune raison de retenir quelqu'un au centre INAD : Lorsqu'on lui donne l'accès au territoire, c'est un souci de moins. Pour ceux qui gèrent ce centre, le recours au droit d'asile est la solution la plus facile. Les plaintes qu'il a reçues à ce sujet se sont avérées non fondées après examen. Il n'y a aucune raison de refuser un contact avec un avocat.

L'intervenante répond que c'est surtout le recours contre la détention au centre INAD qui devrait être optimalisé.

Le ministre craint que l'on ne veuille arriver à une consultation systématique d'un avocat avant le refoulement. Le résultat en serait que toutes ces personnes demandent l'asile.

Un autre membre craint que dans la situation actuelle on essaye simplement à empêcher les gens détenus au centre INAD d'exercer le droit d'asile.

Le ministre répond que c'est le contraire qui se passe. Dès que l'étranger prononce le mot « asile » on l'admet au territoire afin d'y exercer ce droit.

Un membre demande comment on peut faire la distinction entre une volonté « raciste » de refouler autant d'étrangers que possible et une volonté sincère de contrôler l'immigration.

Le ministre répond que cette distinction s'opère par un contrôle strict des trois services concernés. Chaque plainte relative au comportement des gendarmes est examinée. L'Inspection des frontières est un service qui examine, de façon indépendante, les dossiers des personnes retenues à la frontière. La grande majorité des personnes retenues croient qu'ils peuvent entrer dans notre pays et y trouver de l'emploi sans problèmes. Ces gens ne demandent pas mieux que de pouvoir rentrer.

Si on attribue systématiquement un avocat à tous ces gens, cela deviendra un système organisé avec l'accès au territoire garanti. Ceux qui organisent les filières veilleront à ce qu'un avocat demande systématiquement l'asile si un problème d'accès au territoire se pose. La gestion objective et l'approche correcte des demandes garantissent les structures actuellement prévues. De toute façon, si un étranger retenu au centre INAD demande l'assistance d'un avocat, on donne toujours suite.

Le ministre souligne qu'il faut bien se rendre compte de la situation dans laquelle se trouvent les étrangers concernés : ils arrivent en Belgique sans papiers en règle et ils ne demandent pas l'asile. Dans la plupart des cas, ces étrangers sont eux-mêmes victimes d'une duperie et ne demandent qu'à rentrer le plus rapidement possible dans leur pays. On abuse de leur position de toutes parts et même les compagnies aériennes profitent de la situation. La Sabena par exemple fait arrêter certaines personnes à Bruxelles parce qu'elle sait que les amendes sont beaucoup plus élevées dans le pays de destination. Les compagnies aériennes vendent donc des billets d'avion alors qu'elles savent pertinemment bien que le voyageur ne sera pas admis à pénétrer dans le pays de destination.

En ce qui concerne les génocidaires, le ministre a essayé de suivre les personnes, à travers la procédure d'asile, pour déterminer qui a fait quoi. Actuellement, cela s'avère impossible. Certaines personnes ont été dénoncées comme génocidaires alors que le tribunal d'Arusha a refusé de les reconnaître comme tels. Le ministre fait remarquer qu'il agit seulement quand la Cour internationale demande l'extradition en vertu des accords internationaux.

Un membre demande si la Belgique se base sur la liste des génocidaires établie par le gouvernement rwandais ou sur celle établie par le tribunal d'Arusha.

Le ministre répond qu'il ne se base pas sur une liste unique. Chaque cas est examiné individuellement. Outre les listes précitées, on dispose également d'informations émanant des ambassades ou des milieux judiciaires. Toutes ces informations sont étudiées afin de décider ce qu'il y a lieu de faire dans chaque cas concret. À l'heure actuelle, rares sont les cas de personnes que l'on a renvoyées dans leur pays.

L'intervenante signale que des Rwandais dont le nom figure sur la liste établie par le gouvernement de leur pays, séjournent actuellement à Nairobi. Ces personnes ne reçoivent pas de visa pour la Belgique, bien qu'elles soient totalement étrangères au génocide. Elle estime que ces personnes courent de graves risques de poursuites dans leur pays.

Le ministre se demande quelles données permettent à l'intervenante d'affirmer avec certitude que ces personnes sont totalement étrangères au génocide. Comment peut-on en acquérir la certitude depuis la Belgique ?

Tel n'est d'ailleurs pas le motif pour lequel le visa leur a été refusé. Si le visa ne leur a pas été accordé, c'est parce que le motif de leur séjour n'a pas été accepté. Le fait de figurer sur cette liste ne constitue pas un motif pour les autoriser à séjourner en Belgique.

2.2. La procédure d'asile

Un membre pose le problème des aspects linguistiques des demandes d'asile. Surtout en ce qui concerne les langues non-nationales, il y a souvent un interprète qui ne comprend pas la langue du demandeur. Y a-t-il une amélioration prévisible dans ce domaine ?

Un autre membre a relevé deux problèmes au cours des auditions :

1. Il y a souvent des contradictions entre les déclarations faites au cours de la première audition et de la seconde audition et ces contradictions sont invoquées pour rejeter la demande d'asile. La pénurie d'interprètes, pour compréhensible qu'elle soit, peut expliquer ces contradictions. Comment résout-on ce problème ?

2. Il n'y aurait pas d'accueil spécialisé pour les femmes, ce qui fait obstacle par exemple aux déclarations de viol. Dispose-t-on actuellement de personnel possédant une formation particulière ou prévoit-on une formation dans ce sens ?

Un sénateur constate l'existence de nombreuses plaintes sur la manière dont la première audition est organisée. Le bénéfice du doute ne peut-il jouer ici en faveur des intéressés si les déclarations faites à cette occasion diffèrent de la deuxième version ? Comment garantit-on le sérieux de cet interrogatoire ?

La langue est un élément important : si le demandeur ne connaît ni le français, ni le néerlandais, il paraît logique à l'intervenant que l'administration choisisse elle-même la langue de travail. Il en va cependant tout autrement lorsque la personne a, par exemple, des notions de français, mais qu'elle prétend ne pas connaître le français parce qu'elle ne se sent pas capable d'exposer son cas de manière détaillée et nuancée sans l'aide d'un interprète. Mais cela ne signifie pas que l'on peut en déduire automatiquement que le choix de la langue revient à l'administration. Même si l'intéressé ne possède qu'une connaissance sommaire du français, cela l'aidera à comprendre ce qui est dit à son sujet et il a donc droit à ce que son cas soit traité en français. Ou bien on crée ici une catégorie distincte, ou bien on adjoint un interprète à l'intéressé même si ce dernier déclare à tort ne pas connaître le français.

Une double interprétation fait inévitablement augmenter le risque d'erreurs de traduction.

Un membre se heurte surtout à l'irréversibilité du choix de la langue. Le ministre envisage-t-il des propositions modificatives en cette matière, par exemple en organisant un recours contre le choix imposé ?

Le nombre d'interprètes est-il suffisant ?

On dit que les agents de l'Office des étrangers reçoivent une formation sur le tas, mais ne serait-il pas indiqué de donner au moins un cours de techniques d'interview et de connaissances géopolitiques à ceux qui font les interrogatoires ?

Le ministre déclare qu'il ne voit pas où est le problème en ce qui concerne le choix de la langue. Si quelqu'un ne s'exprime que partiellement dans l'une ou l'autre langue, on lui adjoint un interprète.

À l'introduction du nouveau système on en a ressenti durement les conséquences. Il y a aussi eu des plaintes sur des traductions erronées, avec des gens qui revenaient sur leurs déclarations. On y remédie en organisant une évaluation permanente des interprètes.

En fait, l'utilisation de la langue administrative est indifférente, sauf pour les avocats qui préfèrent que l'affaire soit traitée dans leur langue maternelle. Il ne faut pas revenir au passé, où la langue devenait un mécanisme de défense en tant que tel.

C'est un argument factice, mais qui continue à avoir des succès épars. Aussi y a-t-il certains tribunaux judiciaires qui donnent parfois raison au demandeur d'asile au niveau du choix de la langue.

Faut-il améliorer le cadre du personnel ?

Il faut se rendre compte que jadis (c'est-à-dire il y a 4 ans), les interviews étaient faites par des gens de niveau 3. Maintenant, la moitié d'eux sont de niveau 1, tandis que les autres sont de niveau 2.

En plus l'on a organisé une cellule de formation composée de deux personnes qui leur instruisent les techniques d'interrogation.

Pour faire interroger une femme par une femme, il n'y a en principe pas de problème, puisque la majorité des interrogateurs sont des femmes.

Il ne faut toutefois pas se leurrer à ce niveau-là, puisque la plupart des femmes qui demandent l'asile viennent accompagnées. Il n'est alors pas nécessaire de les faire interroger par des femmes.

Ensuite, le ministre souhaite aborder la question des distorsions entre la première et la deuxième interview. En lisant les dossiers, il a pu constater qu'il y a certes souvent des contradictions, mais qu'en général, elles sont incompréhensibles. En effet, comment se fait-il que la personne affirme au cours de la première intervieuw qu'elle n'a jamais été en prison et qu'au cours de la deuxième, elle se souvienne subitement d'y avoir été ? Comment ne pas penser qu'un tel changement d'attitude lui a été soufflé par un avocat ou un autre conseil. En général, la première déclaration est sincère parce que non préparée.

Il estime qu'il faut résoudre le problème en améliorant le niveau des personnes chargées des interviews, ce qu'il pense pouvoir réaliser en faisant appel à des universitaires, que l'on recyclera. De surcroît, le recours constitue une garantie supplémentaire.

Le problème est que le recours se fait devant le CRRA, où, dans les 3/4 des cas, l'on argue du caractère contradictoire des déclarations.

Une membre estime que le choix irréversible de la langue est un problème qui n'est décelé par la plupart des réfugiés qu'en cours de route.

Le ministre répète que, comme par le passé, les avocats essayent de faire du changement de langue un moyen dilatoire. Au fond, c'est un faux problème, puisque les juges de la CPRR sont souvent bilingues de fait. Le seul préjudice existant l'est dans le chef des avocats.

L'intervenante reste convaincue que cela peut avoir un effet pervers, puisque s'il n'y a pas d'interprète spécialisé de la langue du demandeur d'asile vers celle de la procédure, il faut faire appel à une double traduction.

Le ministre répond que ce problème se pose dans les deux langues. En modifiant le système, l'on reviendrait à un système qui a démontré son inefficacité.

L'intervenante demande comment le ministre entend gérer le problème de l'accessibilité de l'Office des étrangers.

Le ministre répond que le « barrage » est constitué par un refus de coups de fil venant de particuliers l'après-midi. Les communes et autres instances sont toujours accueillies. On élabore actuellement un système par lequel les réfugiés pourraient avoir accès par téléphone en personne, mais pas par avocats interposés.

L'intervenante rappelle que le commissaire général a déclaré que des interférences ne sont pas à exclure au niveau de son indépendance. Elle demande au ministre ce qu'il en pense.

Le ministre rejette ce genre d'insinuations. Il rappelle que l'on a mis 200 agents à la disposition du Commissaire général et que s'il prend sa mission au sérieux, il n'a pas le temps de s'occuper de la gestion quotidienne du personne. C'est uniquement pour cette raison que l'on a désigné un fonctionnaire, qui est toutefois le subordonné du commissaire général et du commissaire général adjoint. L'on règlera formellement la question par un protocole ou un arrêté royal.

Pareille situation n'est pas unique. Elle existe également au Conseil d'État et existera sous peu dans les tribunaux, sans que ces instances estiment qu'elle menace leur indépendance.

Un sénateur rappelle au ministre le jugement du tribunal correctionnel de Bruges condamnant une femme pour avoir accueilli chez elle un étranger avec qui elle avait une relation. A-t-il connaissance d'autres cas semblables ?

Le ministre croit savoir qu'il existe un seul autre cas. Mais étant donné l'arrêt de Gand qui a réformé le premier jugement, plus personne ne risque d'être poursuivi. Le parquet de Bruges s'est lui aussi rongé à cette interprétation.

2.3. Le séjour sur le territoire belge

Un membre se plaint du fait qu'il subsiste encore une série de cas, qui ne demandent pas une réglementation générale, mais une approche ponctuelle donnant satisfaction aux acteurs du terrain.

Si l'on sait que certains policiers incitent le bourgmestre à ne pas dénoncer la présence d'illégaux ni leur travail en noir pour qu'ils ne basculent pas dans l'illégalité, ceci est un signal aux autorités fédérales pour les régulariser et se départir de son attitude intraitable. Dans ces cas, le ministre doit se rendre à l'évidence que les pouvoirs locaux peuvent assumer une régularisation, surtout quand en plus, les habitants prennent la défense des illégaux en question.

Le ministre admet que dans certains cas, il peut se fier à ces autorités locales, mais il y en a beaucoup d'autres qui ne trouvent les étrangers pas aussi sympathiques. Un traitement par les communes est très inégal et inégalitaire. Souvent aussi, les politiciens locaux prennent attitude en fonction des groupes de pression.

Ceci ne saurait empêcher les communes de mieux communiquer avec l'Office des étrangers, qui n'est souvent pas au courant des circonstances de vie des étrangers sur place.

Il est vrai aussi que, même muni de cette expérience des communes, l'Office des étrangers ne saurait faire face à ces rentrées d'information, étant trop pris par la masse de travail en attente. La routine qui en découle empêche souvent les fonctionnaires de trouver des solutions originales. Il ne faut pas oublier au demeurant qu'un tiers des demandes de régularisation sont acceptées, malgré ces contraintes.

Enfin, il y a lieu de souligner que les pouvoirs locaux ne disposent souvent pas de tous les éléments du dossier, ce qui fausse leur perception.

Une membre déclare que le CVP n'est pas partisan d'une régularisation linéaire, mais qu'il n'est pas insensible à certaines situations de guerre et au cas des personnes techniquement inéloignables.

Elle considère que les directives sont le signe d'un revirement favorable, mais qu'elles sont encore un peu trop strictes, dès lors qu'elles ne prévoient qu'un titre de séjour provisoire d'une durée de trois mois, éventuellement prorogeable.

Certains étrangers, comme les ressortissants du Kosovo, sont tenaillés par la peur et n'ont pas confiance dans la nouvelle mesure. Ils se sentent traqués depuis des mois et se montrent réticents envers la proposition.

Le ministre estime qu'ils doivent prendre leur décision en toute honnêteté et que la solution est entre leurs mains :

­ soit ils ne peuvent pas regagner leur pays, auquel cas il leur suffit de signer une déclaration comme quoi ils sont prêts à repartir dès que la situation sera normalisée, pour bénéficier d'un titre de séjour provisoire et, partant, de l'aide du CPAS;

­ soit ils ne veulent pas regagner leur pays, auquel cas ils restent dans la plus parfaite illégalité.

Si ces personnes séjournent en Belgique à titre provisoire, les choses peuvent rester en l'Etat jusqu'à ce que les autorités et le Commissaire général jugent que la situation est à nouveau sûre dans leur pays d'origine. Cette décision relève du pouvoir d'appréciation de ces autorités. Elle peut certes faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'État, soit quant au fond, soit sous forme d'une demande de suspension.

Un membre partage cette analyse pour les involontaires, mais la circulaire ne parle pas des gens qui ne veulent pas rentrer parce qu'ils ont peur, tout en n'étant pas reconnus comme réfugiés politiques.

Elle se réfère au cas des Algériens tant opposés aux intégristes qu'au gouvernement Algérien. Pourquoi ne pas accorder le pouvoir de décision en la matière au commissaire général ?

Le ministre répond qu'il suit d'habitude l'avis de non-reconduction (en 49 cas sur 53). Cet avis est donc un élément éminemment important. Mais donner au commissaire général le pouvoir de décider signifierait qu'on crée un amalgame injustifiable entre la politique d'asile et de reconduction.

Dans sa circulaire, le ministre a inséré des règles nuancées pour un nombre réduit de catégories-type. Il s'agit d'une situation temporaire, qui prendra fin après la disparition du danger. Le retour s'imposera à ce moment-là. Mais on réglera les dossiers au cas par cas par des mesures de prolongation régulière.

Parmi ceux qui n'ont pas bénéficié de l'indulgence du gouvernement, c'est-à-dire les treize Algériens renvoyés, il s'agit surtout de criminels, renvoyés souvent vers une autre capitale européenne, où ils devaient encore comparaître en tant qu'accusés.

La position du gouvernement dans le cas des Algériens est prudente et c'est la raison pour laquelle le ministre décide personnellement.

Pour les Congolais, la même attitude est de mise, après que la brève période d'accalmie politique au début de l'accès au pouvoir de M. Kabila ait pris fin.

Les billets d'avion pour le Congo ont d'ailleurs été décommandés et ces dossiers sont réétudiés au cas par cas.

La politique constante est de ne pas expulser les personnes trop identifiables au régime Mobutu. Pour les autres, par contre, à défaut d'autres motifs, il n'y aura plus de motif valable pour les garder en Belgique, maintenant que Mobutu a disparu.

Dans le même contexte, les demandes d'asile des Congolais ont été accélérées, et ceux qui le veulent, peuvent toujours introduire une nouvelle demande sur base de nouveaux éléments.

Un membre revient sur le cas de l'Algérien refoulé à Oujda, et dont le ministre prétend qu'il s'agissait en fait d'un Marocain. Il faut se détromper : les intégristes ont aussi une implantation du côté marocain et le Marocain en question risque sa vie.

Au niveau des intégristes, il y a la question de protection du territoire belge contre les actes violents. Elle trouve les discours rassurants du ministre très naïfs et lui demande d'être très vigilant.

Elle relève le cas d'un Algérien qui a dû sa fuite au fait qu'il avait un frère policier, et qui a dû changer deux fois d'identité pour arriver en Espagne. Cela démontre que la pression est énorme.

Dans un autre ordre d'idées, le ministre devrait faire confiance aux pouvoirs locaux lorsque ceux-ci proposent un candidat à la régularisation. Elle trouve parfaitement inadmissible que l'on expulse des gens qui se trouvent dans une situation semblable et que l'OdE demeure impassible dans des cas semblables.

La circulaire que le ministre invoque tout le temps est vidée de tout son sens pour le cas des Yougoslaves non serbes, puisque :

1) Elle exige l'établissement de l'identité. Or, ces gens refusent la définition de leur nationalité, puisqu'ils ne veulent pas être assimilés au régime serbe. Ils ne donneront pas les documents qui permettraient de les identifier, puisqu'à coup sur, ils seront ennuyés dès le retour au pays, ne fût-ce parce qu'ils sont par exemple déserteurs de l'armée yougoslave unitaire.

2) Elle exige l'expression d'une volonté non équivoque de retourner au pays. Or, ce retour est impossible étant donné qu'ils risquent de s'y faire arrêter.

Ils ont l'impression que la demande des autorités belges de leur fournir leur passeport est une façon détournée de les expulser, parce qu'en ce faisant, ils dépendront entièrement des autorités belges qui détermineront quand bon leur semble que la situation dangereuse aura pris fin.

Le ministre signale que la Belgique est sur le point de signer un accord avec la Yougoslavie début décembre.

Quant au fond, l'application de la circulaire suppose :

1) la preuve de la nationalité : c'est un élément essentiel;

2) la preuve de la volonté de retourner : ce n'est pas nécessaire pour ceux qui sont déjà en Belgique par prolongation.

Le ministre veut surtout éviter que certains étrangers s'installent dans leur situation, parce qu'ils ont décidé une fois pour toutes qu'ils préfèrent vivre ici. Cela n'est pas le but de la mesure.

La seule façon de s'en sortir est alors de demander l'asile politique.

Une autre membre partage la crainte du ministre de voir certaines communes adopter une attitude franchement négative vis-à-vis des étrangers, ce qui va drainer ceux-ci vers des villes plus accueillantes, comme Huy.

Le ministre dit que dans l'appréciation de la situation des illégaux, ce n'est pas tellement le rapport établi par les autorités locales qui doit prévaloir. Ce qui compte pour les régulariser, c'est leur volonté déclarée de partir.

La première intervenante se demande si la première priorité ne doit pas être de former le personnel des communes, qui est submergé par les directives qui modifient sans cesse les précédentes.

Un autre intervenant se plaint également qu'une fois la prolongation obtenue, les communes reçoivent les documents avec beaucoup trop de retard de telle sorte qu'il y a chaque fois une période de flottement de plusieurs jours.

Un sénateur juge inacceptable que l'on rapatrie des personnes gravement malades. On a ainsi renvoyé dans leur pays plusieurs malades atteints du SIDA.

Il interroge le ministre sur la politique du gouvernement en la matière.

Un autre membre déplore également que, pour l'application de l'article 9, l'Office des étrangers fasse appel à un médecin-conseil qui juge souvent de l'état de santé sans avoir vu la personne, en contredisant le diagnostic des différents médecins traitants.

Un membre évoque, dans le cadre de la problématique médicale, le cas des Hindous du Sud-Limbourg chez lesquels on dénombre de nombreux cas de tuberculose. Même s'ils sont en situation illégale, ils doivent pouvoir bénéficier d'un traitement médical.

Le ministre sait que plusieurs décisions d'expulsion reposent sur un avis contraire du médecin de contrôle par rapport à l'avis du médecin traitant. Le médecin de contrôle n'est aucunement influencé par le ministre et se laisse guider uniquement par son avis personnel et par son code de déontologie. Il lui est loisible, sans en avoir l'obligation, de procéder à l'examen de la personne en question. Un tel examen n'est obligatoire que si le médecin conseil conteste le diagnostic. Il peut toutefois tirer d'autres conclusions du diagnostic de ses collègues.

Il partage la crainte de voir s'installer une inégalité de traitement entre les différentes demandes de régularisation pour des raisons médicales. Lui-même doit parfois se baser sur des informations totalement opposées pour prendre sa décision, ce qui le place devant un choix difficile.

En ce qui concerne le traitement de la tuberculose, il n'y a, selon lui, aucun problème puisque le médecin peut considérer le traitement de cette maladie comme une forme d'aide médicale urgente. Le CPAS reçoit, à cet effet, une intervention du gouvernement fédéral.

Un membre revient sur l'opposition du ministre aux propositions du Centre pour l'égalité des chances qui prône l'élaboration de critères objectifs pour la régularisation.

Y a-t-il au moins une instruction énumérant les raisons de régularisation, pour qu'on puisse analyser a posteriori, à défaut de pouvoir cataloguer les cas quand ils se produisent ?

En outre, elle trouve le langage employé dans la note du ministre aberrant en tant qu'elle allègue que les CPAS aient formé des recours tout en étant conscients du fait que ceux-ci étaient téméraires.

Le ministre explique que c'est à bon escient que sa circulaire ne contient que très peu de critères. La présence légale en Belgique est un des critères qui sera prise en compte, tout comme la carte de travail.

Il préfère de loin une approche « souveraine » par le ministre puisqu'elle lui permet de juger en toute liberté, souvent en faveur de l'intéressé.

Tout comme pour la procédure d'asile, où malgré le nombre de règles très réduit il est possible de parer à la plupart des cas, il veut éviter de devoir s'insérer dans un carcan pour la régularisation. Tandis que l'appartenance à un groupe menacé et le fait d'être techniquement inexpulsable sont des critères objectifs, il appartient au ministre de prendre en compte un tas d'autres éléments purement subjectifs, par exemple le fait qu'ils sont bien intégrés, qu'ils se trouvent depuis longtemps dans le pays, sans que ce dernier élément ne puisse être l'argument prépondérant. C'est la combinaison de ces éléments qui fait que la balance penche vers l'une ou l'autre solution.

Le ministre entame ensuite le problème épineux des étudiants. Là non plus, la durée de leur présence en Belgique ne saurait être un argument, puisque le retour est précisément le but poursuivi. Il est logique que lorsqu'on donne une bourse d'étude à un médecin africain, ce n'est pas pour l'inciter à installer sa pratique en Belgique, mais bien pour qu'il retourne dans son pays pour être au service de son peuple.

Il admet qu'avec plus de personnel, on aurait pu traiter ces dossiers plus vite.

Dans le cas des étudiants, la discussion de fond ne saurait concerner des éléments comme la santé ni la présence depuis longtemps de leur famille en Belgique, mais uniquement le fait qu'ils sont étudiants et qu'ils disposent d'un titre de séjour limité.

Le Centre propose à tort de régulariser le séjour illégal en tant que tel.

L'intervenante ne pense pas qu'on puisse supposer que le Centre soit à ce point incohérent qu'il proposerait des choses insensées. Ne doit-on pas considérer certaines situations comme étant un élément de décision devant mener à une régularisation ?

Un autre membre appuie ce raisonnement : pour un certain nombre de situations il faut quitter la logique presque mathématique des règlements. Il faut remplacer, pour bien faire, cette logique par un vrai concept d'intégration, à proposer par exemple par les équipes constituées à cet effet dans les villes dans le cadre des contrats de sécurité.

Pareille situation vaut mieux qu'une décision négative, avec tous les recours épuisants qui s'en suivent.

Elle aborde ensuite la situation des Congolais, dont certains sont dans la clandestinité depuis 25 ans, à en croire les expériences relatées par le Conseil des femmes.

Il serait inconcevable d'expulser davantage de parents et de grands-parents d'enfants qui sont belges par naissance. Pour les autres, il ne faudrait pas hésiter à entendre des témoins de moralité.

Si l'on n'arrive pas à régulariser ponctuellement des dossiers semblables, la situation devient intenable.

Le ministre nie formellement que des familles soient encore rapatriées quand il y a des enfants de nationalité belge dans le ménage.

Il stigmatise ensuite l'arbitraire avec lequel les communes risquent de décider, si leur avis devient obligatoire.

En ce qui concerne les étudiants, il répète qu'il ordonnera que lors de contrôles, l'on considère leur situation de manière plus stricte. Il veut éviter que leur statut ne devienne plus favorable que le statut de réfugié.

Une membre est d'avis que ce débat n'apporte pas beaucoup de clarté quant aux possibilités dont disposent encore les CPAS en vue de venir en aide aux personnes déboutées. Elle renvoie à sa proposition de loi interprétative de l'article 77, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers (doc. Sénat, nº 1-648/1) en ce qui concerne les sanctions que peuvent encourir les conseillers d'un CPAS qui aideraient un étranger à l'encontre des prescrits de l'article 57bis .

Le ministre répond que les CPAS ont encore la possibilité de fournir une aide financière, mais que cette aide ne fait plus l'objet de subventions. Un CPAS ne sera jamais tenu pénalement responsable lorsqu'il donne de l'argent à une personne. Là où le bât blesse, c'est que les CPAS sont disposés à aider des étrangers, mais uniquement lorsque cela ne leur coûte rien.

Un membre pense que le ministre se trompe sur ce point : il ne faut pas enlever leur fierté aux gens qui veulent aider, que ce soit au CPAS ou dans les organisations humanitaires. Il ne faut pas organiser l'exclusion de l'aide sociale, en espérant d'ôter ainsi l'occasion à l'extrême droite de récupérer le mécontentement.

Les organisations caritatives comblent les lacunes, alors que les CPAS ne le peuvent pas.

Le premier CPAS qui donnerait de l'aide deviendrait vite la cible des appétits de tous les réfugiés illégaux.

En refusant de subsidier de tels cas de détresse, le fédéral démissionne de l'essentiel de ses devoirs comme état.

Un autre membre estime qu'il faut préserver les valeurs essentielles de la dignité humaine. Il y a des cas dramatiques qui justifient l'aide sociale.

La préopinante prétend que si l'on en vient à voir les policiers demander aux bourgmestres d'intervenir pour qu'on aide certains illégaux, c'est une situation inquiétante. Il est clair qu'ils veulent, par ce biais, éviter que ces gens basculent dans la criminalité.

Une membre cite l'exemple d'une famille albanaise originaire du Kosovo qui vit dans l'illégalité depuis quatre mois. Au cours de la période où ils ont séjourné légalement dans le pays, ils ont fait tout ce qui était possible pour régulariser leur situation, avec tous les soucis relatifs à la collecte d'attestations et de documents que cela implique. L'homme ne veut pas retourner dans son pays, car il risque d'être arrêté sur la base d'une convocation qu'il a reçue récemment.

Le ministre répond qu'un étranger qui se trouve dans cette situation doit uniquement demander l'asile sur la base d'éléments nouveaux. Il s'oppose à ce que l'on remette continuellement en cause la légitimité des procédures d'asile en refusant d'en reconnaître le résultat lorsque celui-ci est négatif.

Un sénateur estime que cela n'a pas de sens de faire signer la déclaration de retour volontaire aux Kosovars dès lors que l'on sait à l'avance qu'ils sont dans l'impossibilité de regagner leur pays. Il serait tout aussi simple de régulariser leur situation sans qu'ils disposent des papiers nécessaires et de juger soi-même du moment où la situation permettra leur retour.

Le ministre répond que ceci est impossible pour des raisons d'équité. Si on applique aux Kossovares un système qui ressemble fortement au système des déplacés, il faut en faire de même pour les africains, dont la situation est encore moins enviable.

Un membre pense qu'il faut tout de même y avoir une possibilité d'extension de l'applicabilité de la circulaire aux cas de gens qui ont une crainte sérieuse du régime, sans qu'ils aient pour autant demandé l'asile, si même le commissaire général souhaite qu'ils ne soient pas reconduits.

Le ministre répond qu'il ne faut pas confondre les rôles et qu'il ne faut pas dès lors laisser au commissaire général la responsabilité de juger du renvoi, sous peine de le voir insérer dans le processus de répression du séjour illégal, qui incombe normalement à l'Office des Étrangers.

Si on rétablit par ailleurs le système antérieur de l'octroi d'aide aux étrangers, les CPAS vont s'insurger.

À Bruxelles on a en effet constaté que les suspendus du minimex faisaient des recours et obtenaient systématiquement raison.

À titre de précision, il désire répéter que pour ceux qui sont déjà sur place, la règle des 4 semaines prévue dans sa circulaire ne s'applique pas; ceci ne vaut que pour les « nouveaux » cas.

Un membre se plaint du fait que les CPAS n'ont en mains aucun instrument pour les cas où le fédéral ne négocie pas avec les pays concernés pour activer une solution de retour. D'où sa demande d'un règlement ponctuel via les instances locales pour certaines situations très spécifiques.

Un sénateur suppose que le ministre est confronté régulièrement à des cas de personnes au sujet desquelles il constate qu'elles font partie d'un groupe qu'on ne peut pas expulser et qui présente le même dénominateur commun. Le ministre peut-il dire s'il y a une systématisation quelconque en la matière ? L'appréciation de la situation à l'étranger est-elle faite sur la base d'un rapport par « pays » ? Comment la décision est-elle prise ?

Le ministre explique que les décisions de ce type sont prises sur la base d'un large éventail d'éléments. L'impossibilité de procéder à l'expulsion peut résulter d'une demande du Commissaire général, demande pour laquelle on peut recueillir également l'avis du ministère belge des Affaires étrangères et pour laquelle on tient compte des informations provenant d'autres pays. On ne se focalise donc pas sur un rapport par pays, mais on procède plutôt à une analyse ponctuelle qui tient compte de différentes sources d'information.

C'est ainsi que, pour le moment, on considère, sur la base de ces analyses, que les Algériens sont, à quelques exceptions près, inexpulsables. Pendant un certain temps, il en a été de même pour les Albanais. Ce n'est plus le cas à présent. Pour ce qui est des Kosovars, il n'y a, en principe, aucun problème, mais dans ce cas, ce sont les Serbes qui refusent leur rapatriement.

Il est possible d'élaborer une réglementation pour des cas ponctuels, mais on ne doit pas attendre du ministre qu'il procède systématiquement à des régularisations lorsque le pays en question se trouve dans une situation difficile. Une telle attitude reviendrait à nier la procédure d'asile et à accorder malgré tout, sur une base arbitraire, un droit de séjour. Le choix qu'on doit faire est le suivant : ou bien on opte pour une procédure d'asile et on respecte la décision des institutions indépendantes qui sont chargées d'apprécier le bien-fondé de la demande d'asile, ce qui implique que les personnes à qui le droit d'asile a été refusé sont tenues de quitter le pays; ou bien on opte pour un quota d'immigration fixe et on refuse des demandes d'asile légitimes une fois que ce quota a été atteint.

La Convention de Genève ne prévoit malheureusement pas de procédure collective pour les groupes menacés. Pour introduire une telle procédure, il faudrait modifier la Convention. Or, peu de pays y sont disposés, car chaque pays a bien une minorité. Le statut de personne déplacée est le seul qui puisse répondre à ce besoin.

2.4. Problèmes spécifiques

Un membre demande quel motif a pu inspirer la détention au-delà de quatre mois dans les six cas mentionnés dans le rapport du ministre.

Le ministre explique qu'il s'agit là de cas dont on aurait pu espérer un dénouement plus rapide, mais qui ont duré anormalement longtemps à cause de circonstances extérieures.

L'intervenante demande au ministre s'il arrivait souvent que des étrangers se faisaient conduire à l'avion pour une tentative infructueuse de rapatriment. Dans pareils cas l'Office des étrangers n'hésitait pas de répéter cette même démarche, de sorte que le délai était chaque fois reconduit. Est-ce que de telles pratiques existent encore ?

Le ministre répond que ce n'est plus le cas.

L'intervenante se réfère ensuite à certaines informations au sujet de scènes de violence dans les centres.

Le ministre pense que la sénatrice pense sans doute aux événements de Merksplas. Il renvoie au débat à la Chambre des représentants, et aux comptes rendus des visites sur place de M. Wauters, député, ainsi que du Centre pour l'égalité des chances.

Les événements de Merksplas résultent en grande partie d'une rivalité entre personnes puisque les gardiens abusaient de la bienveillance d'un infirmier pour se soustraire systématiquement à toute tâche ayant un rapport avec les soins médicaux. Il faut remédier à de telles situations en donnant une meilleure formation aux gardiens. À Merksplas, ceux qui dénoncèrent l'incident, n'avaient pas le contact journalier avec la réalité.

Un membre demande s'il ne faut pas trouver des solutions spécifiques pour trouver une solution équitable pour le problème des femmes « hors norme », comme les divorcées, les répudiées etc. qui devraient pouvoir bénéficier d'un traitement spécial, aussi bien au niveau de l'accueil que du traitement de leur dossier en tant que formant une catégorie spéciale au regard des retours.

Le ministre ne s'oppose pas à une solution spécifique, mais invite les protagonistes à se mettre d'accord sur la délimitation du sujet dont ils parlent. Il faut donc se concerter avec ces femmes pour dégager un scénario.

Un membre aborde à nouveau le problème de la situation des mineurs d'âge et de la répartition des compétences entre l'État fédéral et les communautés. Il ressort des chiffres fournis par le ministre que les mineurs d'âges concernés ne figurent pas tellement dans les catégories d'âge les moins élevées, mais surtout dans la catégorie des 16 à 18 ans. Pour ceux-ci, il convient de prévoir de toute façon un certain encadrement. Elle pense personnellement que c'est là une matière qui relève des communautés. Qu'en pense le ministre ? Des accords sont-ils sur le point d'être conclus ? Ceux-ci portent-ils éventuellement sur le logement autonome assisté ?

Le ministre fait savoir qu'il a conclu un accord, la semaine passée, avec les communautés, lequel prévoit un système d'accompagnement et de logement autonome. Les pouvoirs publics fédéraux lanceront à cet effet un projet pilote, ce qui ne sera pas facile, puisqu'il n'existe plus de projets en cours émanent de la vie associative, comme c'était le cas à l'époque avec le projet « L'Escale ».

L'on a ainsi fait un pas important.

Par ailleurs, un certain nombre de juges de la jeunesse collaborent bien.

Il sera dès lors plus facile de trouver une solution pour les cas nouveaux, à condition que ceux-ci soient signalés en temps voulu.

Une autre membre demande si, à la suite d'un placement ordonné par un juge de la jeunesse, le mineur d'âge réside légalement en Belgique. Les jeunes qui n'ont pas 18 ans ne sont en effet renvoyés que lorsqu'ils atteignent 18 ans. Ou bien leur séjour ici est-il assimilé à un séjour temporaire pour des raisons humanitaires ?

L'intervenante signale également, en ce qui concerne les mineurs d'âge, qu'il y aurait actuellement un réseau de jeunes filles albanaises mineurs d'âge, qui sont enlevées dans leur patrie par un « accompagnateur » et qui se retrouvent ici dans des situations suspectes. Il s'agirait de 50 à 100 personnes, et la police est impuissante, puisqu'elle ne dispose pas d'équipements suffisants pour accueillir toutes ces jeunes filles.

Le ministre déclare qu'il est vrai que le système mis en place pour lutter contre la traite des êtres humains prévoit un accueil, mais ne peut offrir de solutions lorsqu'il s'agit d'aussi grands groupes de personnes.

D'un point de vue juridique, ces jeunes filles peuvent être protégées et accueillies si elles introduisent une demande d'asile et le service de la protection de la jeunesse ne devrait pas intervenir, en vertu des dispositions du protocole qui vient tout juste d'être conclu.

Une membre regrette que l'État fédéral lance sont propre projet sans tenir compte du savoir-faire acquis par les CPAS en ce qui concerne le logement autonome assisté. Elle pense qu'il vaudrait mieux faire usage de l'infrastructure existante.


III. PROBLÈMES RELATIFS À L'APPLICATION DE LA LOI SUR LES ÉTRANGERS

Introduction

L'évaluation de la loi sur les étrangers par la commission de l'Intérieur et des Affaires administratives du Sénat a été prévue au cours de l'examen des projets de loi (S 1-310/1 et 1-311/1) modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers.

Ainsi la commission a examiné et évalué régulièrement, avec le ministre de l'Intérieur, l'entrée en vigueur des lois du 10 et du 15 juillet 1996 (22 octobre 1996, 28 janvier 1997, 4 et 28 février 1997).

Le 18 février 1997, la commission a discuté du problème de l'aide médicale urgente avec le secrétaire d'État à l'Intégration sociale, M. J. Peeters.

Dans le cadre de cette évaluation, la commission a également organisé des auditions de représentants d'un grand nombre d'organisations et associations qui exercent une activité dans ce domaine. Chaque audition a permis d'aborder d'autres problèmes, en fonction de la spécialisation des organisations.

Le 18 novembre 1997, la commission a eu une discussion constructive avec le ministre qui a eu ainsi l'occasion de s'expliquer longuement sur les nombreuses questions et remarques qui avaient été soulevées lors des auditions.

Cet important travail d'évaluation n'aurait pu être mené sans le concours essentiel et très intéressant de toutes les personnes entendues, en particulier les associations, ONG, organismes qui ont participé aux discussions de manière très active en fournissant à la commission des documents, notes très claires et très constructives et en livrant à la commission des témoignages pratiques, liés à une réelle connaissance de terrain et qui furent précieux pour l'élaboration de ce rapport.

La commission est évidemment reconnaissante de la façon constructive et compétente dont le ministre lui a fourni des explications.

Les auditions ont porté essentiellement sur la politique en matière d'asile. Il faut toutefois garder à l'esprit que, si le ministre de l'Intérieur est responsable de la politique de l'immigration, il est associé de manière indirecte seulement à la procédure d'asile proprement dite, à savoir par le biais de l'enquête de recevabilité qui est effectuée en première instance par l'Office des étrangers.

La reconnaissance proprement dite de la qualité de demandeur d'asile ­ au sens de la Convention de Genève ­ est effectuée par une instance indépendante, à savoir le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides. Le demandeur d'asile ne relève à nouveau de la responsabilité du ministre de l'Intérieur qu'à partir du moment où cette qualité ne lui est pas reconnue. Le ministre décide alors de son séjour sur notre territoire en s'inspirant de la politique globale en matière d'immigration.

Comme la Belgique a décidé, en 1974, de mettre fin à l'immigration des travailleurs, le ministre éloignera du territoire tous les demandeurs d'asile non reconnus, à moins qu'il n'existe une raison objective (regroupement familial, permis de travail, ...) ou subjective pour lui accorder un permis de séjour. Dans ce dernier cas, le ministre peut décider de régulariser la situation de l'intéressé.

Parmi les problèmes auxquels le Gouvernement est confronté depuis quelques années, il y a le fait que, en raison du grand nombre de demandes d'asile, les institutions chargées d'examiner lesdites demandes n'étaient pas en mesure de remplir leur mission dans un délai raisonnable. Cette situation a abouti à un retard énorme dans l'examen des dossiers de demande d'asile.

Il s'ensuit que, lorsque l'examen avait abouti, parfois après plusieurs années, et que le résultat était négatif pour le demandeur d'asile, on se trouvait confronté à un problème humain : le demandeur d'asile était alors contraint de retourner dans son pays d'origine, qu'il avait abandonné depuis longtemps, et de quitter un pays où il s'était déjà partiellement intégré.

Afin d'éviter à l'avenir les conséquences inhumaines de la politique en matière d'asile, le ministre de l'Intérieur a accordé la priorité, dans sa politique, à la réduction du délai d'examen, à la résorption de l'arriéré, et à la régularisation du séjour des demandeurs d'asile qui ont dû attendre l'examen de leur demande d'asile pendant un délai déraisonnablement long.

Il a donc dégagé des moyens pour permettre à l'Office des étrangers comme au Commissariat général de rattraper le retard pour la fin de 1998. La Commission permanente a obtenu également des moyens accrus, de même que le Conseil d'État, spécialement chargé d'accélérer le contentieux en matière d'étrangers, en vertu de la loi du 4 août 1996.

Le ministre de l'Intérieur admet qu'on peut améliorer la qualité de la procédure d'asile et celle du personnel. Il considère toutefois que l'absorption de l'arriéré doit être la priorité absolue.

La commission considère que pour une bonne compréhension de la matière, il faut, d'une part, situer les problèmes de la politique d'asile dans le cadre plus large de la politique de l'immigration et, d'autre part, distinguer la politique en matière d'immigration de la problématique plus large des étrangers. Il est vrai que le ministre de l'Intérieur joue le rôle exécutif principal dans la politique de l'immigration, mais il n'en est pas le seul responsable. La politique de l'immigration repose sur un consensus au sein du Gouvernement et est fondée entre autres sur l'arrêt de l'immigration des travailleurs qui est en vigueur depuis 1974. Elle consiste en une combinaison d'une approche efficace de l'immigration illégale, d'une part, et de la bonne gestion de l'immigration autorisée, d'autre part.

Malgré l'arrêt de l'immigration, notre pays continue à être une destination pour les immigrés et notre société s'enrichit par la présence d'étrangers sur notre territoire. Notre pays continue aussi à stimuler les contacts internationaux.

La commission estime malgré une centralisation de la politique et la prise de décision plus prononcée en Belgique que dans les pays environnants, que la répartition des compétences entre divers ministres et divers niveaux ne sert pas la transparence et l'intelligibilité de la réglementation.

La politique en matière d'asile et la politique de l'immigration se recoupent sur certains points. On constate ainsi qu'on abuse parfois de la procédure d'asile pour contourner la politique de l'immigration. La procédure d'asile risque de la sorte d'être vidée de sa substance et le débat sur la politique à suivre en matière d'immigration surgit ainsi dans la question de l'asile.

Le ministre a eu le mérite de baser systématiquement sa politique sur le maintien intégral du droit d'asile. Pour ce faire, il y a lieu, selon lui, d'éviter autant que possible l'usage impropre de la procédure d'asile.

On peut certes s'interroger sur la manière dont l'Office des étrangers mène l'enquête de recevabilité et le ministre lui-même s'efforce, au moyen du plan de gestion, d'améliorer la qualité du fonctionnement du même Office des étrangers. Il faut toutefois du temps pour réaliser cet objectif. En outre, comme on l'a déjà dit, la priorité va à la résorption de l'arriéré. Le ministre souligne que, même dans le cadre de la procédure existante, on doit tendre à une qualité optimale. Dans le cas contraire, en effet, l'exercice effectif du droit d'asile serait compromis.

Lorsqu'un demandeur d'asile n'est pas reconnu, il doit quitter le pays. Le ministre estime toutefois que la politique d'éloignement constitue la clef de voûte indispensable d'une politique conséquente en matière d'asile.

Une grande incertitude règne en ce qui concerne la façon dont cette politique doit être transposée dans la pratique, et de nombreuses questions ont été posées en commission concernant les procédés actuels. Le ministre a toutefois souligné que l'on porte atteinte au droit d'asile lui-même si l'on touche au principe du retour obligatoire. C'est pour cette raison qu'il refuse par principe de considérer la durée du séjour illégal dans notre pays comme un critère objectif permettant la délivrance d'un permis de séjour. La longueur de la procédure d'asile est, par contre, prise en compte, en sus d'autres éléments, pour une régularisation.

Sur la base des auditions et de la discussion sur la loi relative aux étrangers, la commission relève les problèmes suivants :

1. Accès au territoire

1.1. Octroi de visas

1.1.1. Point de vue des organisations

La procédure de délivrance des visas et autorisations de séjour provisoire suscite différents problèmes, tant au niveau des postes diplomatiques et consulaires belges à l'étranger qu'au niveau de l'Office des étrangers :

­ les délais pour l'examen des demandes sont trop longs (Centre pour l'égalité des chances, voir I, point 1);

­ la procédure souffre d'un manque de clarté et d'information du public (absence de motivations en cas de refus) (Centre pour l'égalité des chances, loc. cit. );

­ les pertes de dossiers entre les postes diplomatiques et consulaires et l'Office des étrangers ou les pièces manquantes alors qu'elles ont été communiquées (Centre pour l'égalité des chances, loc. cit. );

­ l'obligation de faire accompagner, dans certains cas et pour des étrangers en provenance de certains pays, la demande de visa de réservations d'hôtel et d'un billet de retour non cessible (M. Genot, directeur général des Affaires consulaires du département « Affaires étrangères »);

­ l'obtention du visa est conditionné par un passeport délivré par les autorités dont on craint la persécution (CNAPD, I, point 16);

­ il y aurait des instructions pour que certains postes diplomatiques ne délivrent plus de visas (CNAPD, loc. cit. );

­ les décisions arbitraires des administrations communales lors de la légalisation de l'engagement de prise en charge (Centre pour l'égalité des chances, loc. cit. );

­ le fait de posséder visa et passeport est parfois une des conditions de refus d'accès à la procédure d'asile (CNAPD, loc. cit. ).

1.1.2. Point de vue du ministre

Le ministre indique que les problèmes signalés témoignent d'une approche casuistique et que ceux-ci doivent être traités dans l'ensemble de la politique des visas. La plupart des demandes sont traitées dans un délai très bref et sans aucun problème. Il y a quelques années, la situation s'est considérablement améliorée. Le ministre signale que le délai de délivrance a déjà été réduit de moitié au cours des dernières années et qu'il est actuellement de deux mois en moyenne. La durée du délai est largement fonction du cas concret et le retard est parfois dû au demandeur même (dossier incomplet, signes évidents de mariage blanc).

À l'avenir, l'on fera des efforts afin d'améliorer le fonctionnement des services concernés et de développer une politique d'information. Dans ce cadre, on peut déjà signaler le projet d'informatisation des services aux départements des Affaires étrangères et de l'Intérieur. Ce projet devrait être entièrement opérationnel dans un an et demi.

Un aspect intéressant de ces améliorations techniques est le projet de communiquer, à partir du printemps 1998, les décisions de l'Office des étrangers par l'intermédiaire du système de courrier électronique des Affaires étrangères; les ambassades utiliseront également ce système pour transmettre la plupart des demandes à l'Office des étrangers. Cela permettra de gagner ainsi environ trois semaines.

Le ministre reconnaît que la politique visant à lutter contre l'immigration illégale peut compliquer la fuite d'un certain nombre ­ limité ­ de réfugiés de leur pays. Mais la présentation de la problématique relative à la relation entre la politique de visa et le droit d'asile est tout à fait incorrecte. Cette problématique aussi doit être analysée dans son ensemble, en partant de la situation réelle du réfugié qui s'enfuit en général d'abord dans un pays voisin, et en tenant compte des règles de base relatives à la protection du réfugié et de la nécessité de mener une politique qui lutte contre l'immigration illégale.

Lorsqu'une personne court un danger réel, le consulat lui fournit les documents (documents de voyage belges) qui lui permettront de demander l'asile en Belgique.

1.1.3. Constatations de la commission

1.1.3.1. Généralités

Comme différentes organisations ont attiré l'attention sur la lenteur et l'absence de transparence dans le traitement des demandes de visa, la commission a recueilli de plus amples informations sur les procédures suivies pour le traitement des demandes de visa et sur les directives en la matière, tant auprès du département de l'Intérieur qu'auprès du département des Affaires étrangères.

Une bonne compréhension des conditions régissant l'accès au territoire est en effet indispensable si le Parlement veut pouvoir contrôler la politique d'asile. Pour certains membres de la commission, il est impossible de dégager une ligne générale parmi les critères utilisés pour apprécier le bien-fondé des demandes de visa. Certains membres de la commission ont l'impression que l'on pratique une politique du cas par cas, ce qui ne favorise certainement pas la sécurité juridique.

1.1.3.2. La procédure

Force est de constater que certains membres de la commission continuent à se poser un certain nombre de questions au sujet de la procédure existante.

Plusieurs membres de la commission constatent en tout cas qu'il n'existe pas assez de critères objectifs pour le refus d'un visa et que, bien souvent, le refus n'est pas suffisamment motivé.

1.1.3.3. Conséquences pour l'exercice du droit d'asile

En ce qui concerne les effets secondaires de la politique en matière de visa sur la procédure d'asile, la commission tient à faire un certain nombre de remarques. Une personne poursuivie dans son pays qui veut tenter de s'expatrier avec quelque chance de succès doit disposer d'un visa. Il faut pour cela posséder un passeport, document qui est délivré par les autorités dont elle appréhende les poursuites. Même si elle dispose d'un passeport, la personne en question n'aura pas souvent le temps d'attendre la délivrance d'un visa ou elle ne pourra pas prendre le risque de manifester son intention de quitter le pays. D'autre part, il ne faut pas perdre de vue que les transporteurs sont passibles d'amendes s'ils ne s'assurent pas que les passagers détiennent les pièces prévues à l'article 2 de la loi sur les étrangers.

Bien qu'un visa ne soit pas nécessaire pour pouvoir demander l'asile en Belgique, il est très difficile pour un étranger d'atteindre notre pays sans visa. Dans certains cas, l'obtention d'un visa s'avère toutefois être un des éléments permettant de refuser une demande d'asile.

Il paraît aussi assez singulier que, dans certains cas, la personne qui sollicite un visa doive pouvoir déjà produire des réservations d'hôtel et un billet de retour nominatif (voir l'audition de M. Genot, partie I.22 du rapport). Le demandeur de visa doit donc engager certaines dépenses alors qu'il n'est pas du tout sûr qu'un visa lui sera accordé.

Pour celui qui demande un visa dans le but d'obtenir l'asile, les ressources financières constituent, dans ces cas-là, de facto un élément substantiel de la possibilité d'exercer effectivement le droit d'asile. Les conditions financières dont est assorti l'octroi d'un visa excluent en tout cas ceux qui ne disposent pas des moyens voulus ou qui ne connaissent aucune personne disposée à souscrire à une attestation de prise en charge. Le billet de retour et les réservations d'hôtel sont en tout cas perdus pour le demandeur d'asile qui ne parvient pas à obtenir un visa.

Une autre conséquence singulière de la procédure de visa actuelle est que le demandeur d'asile est obligé de mentir sur l'intention qui est la sienne. Le demandeur d'asile doit en effet solliciter un visa à des fins de « tourisme » ou pour une autre raison acceptable.

La commission doit donc bien constater que le concours, certes involontaire, de toutes ces mesures n'est pas de nature à faciliter l'exercice effectif du droit d'asile. On peut se demander si ces mesures ne favorisent pas plutôt le recours aux filières clandestines.

1.2. Responsabilités des sociétés de transport

1.2.1. Point de vue des organisations

Les organisations ont formulé les critiques suivantes :

­ charger les transporteurs du contrôle des documents prévus à l'article 2 (passeport valable, visa) revient à déléguer à des personnes privées qui n'ont ni compétence, ni accréditation des devoirs qui incombent aux autorités publiques (CNAPD, I, point 16);

­ alourdir les sanctions a comme effet que les transporteurs « déposent » leurs passagers sans documents dans les pays où les amendes sont le moins élevées (pratique de Sabena, mentionnée par le ministre de l'Intérieur dans son exposé, voir chap. II du rapport);

­ pour échapper aux amendes, les transporteurs ont parfois recours à des firmes privées; les conditions sous lesquelles les étrangers sont reconduits échappent à tout contrôle (Ligue des droits de l'homme, I, point 3; MRAX, I, point 14).

Les enquêtes effectuées par les gendarmes ont démontré que certaines compagnies aériennes obligent certains de leurs passagers à payer un billet de retour, tout en sachant que lors de leur arrivée en Belgique, ils seront soit immédiatement refoulés soit autorisés à pénétrer sur le territoire, de sorte qu'elles pourront vendre une deuxième fois la même place (déclaration du lieutenant-colonel Allaert, I, point 21). Ces compagnies de transports abusent donc clairement de la situation de faiblesse dans laquelle se trouve l'étranger, dans le but de faire des bénéfices.

Selon des articles de presse, les transporteurs, surtout maritimes, ramèneraient les passagers clandestins qu'elles découvrent à bord de leurs navires dans leur pays d'origine sans que personne n'en soit informé et sans le moindre contrôle. (Voir point 4.4.1.)

Certaines sociétés de transport font appel à des entreprises de surveillance spéciales pour ramener les passagers indésirables dans leur pays d'origine quand il s'avère qu'ils ne peuvent pas entrer en Belgique.

1.2.2. Point de vue du ministre

Le ministre signale qu'on ne demande rien d'autre aux sociétés de transport que de contrôler les documents d'identité. On peut comparer ce contrôle au contrôle des banques à l'égard des clients qui souhaitent faire une certaine opération. Il ne s'agit donc en aucun cas d'une mission qui ne peut être exécutée que par les pouvoirs publics. La réglementation est tout d'abord créée à titre préventif, afin de prévenir l'immigration illégale et les abus de la position des voyageurs.

En ce qui concerne l'impact de cette politique sur la situation des réfugiés, les mêmes observations que celles qui ont été faites pour la politique de visa valent mutatis mutandum.

1.2.3. Constatations de la commission

Lors de la discussion de l'article 77/4 actuel, le ministre a certes attiré l'attention sur le fait que cela fait des années que les compagnies de transports sont tenues de vérifier si les passagers ont une pièce d'identité. Le seul élément nouveau est qu'actuellement, on leur inflige une amende si elles ne respectent pas leurs obligations. L'objectif de la disposition en question est de dissuader ces compagnies de transports de participer, pour des raisons lucratives, à des réseaux de traite des êtres humains. Il n'empêche que l'on impose à des personnes de droit privé, dont l'unique but est de faire des bénéfices et qui essaient de vendre autant de billets que possible, des missions qui ne devraient pouvoir être exercées que par des organes de contrôle publics.

La commission estime que l'on est dans le vague en ce qui concerne la pratique des compagnies de transports ou des sociétés privées de rapatrier, à leur compte, les refoulés, et en ce qui concerne la façon dont elles procèdent à ce rapatriement. La commission estime également que l'exercice d'un tel contrôle par les compagnies de transport entrave l'exercice du droit d'asile.

1.3. La prise en charge

Toute personne qui invite et prend en charge un étranger s'engage pour deux ans. Celui qui prend un tel engagement devient, conjointement avec l'étranger même, solidairement responsable, envers celui-ci, l'État belge et tout CPAS compétent, du paiement des frais de séjour, des soins de santé et d'un éventuel rapatriement.

1.3.1. Point de vue des organisations

Les organisations ont émis plusieurs critiques concernant les règles actuelles en matière de prise en charge.

C'est ainsi que, notamment, Caritas et le Centre pour l'égalité des chances ont formulé des objections contre la longueur du délai de prise en charge qui n'est pas en rapport avec la durée du visa (trois mois).

Caritas a également regretté que seules les personnes physiques puissent prendre des étrangers en charge. Actuellement, il arrive que, par exemple, des religieux (des membres ou des aspirants étrangers d'instituts dont les maisons mères ou des branches importantes se trouvent dans notre pays) n'aient pas accès à notre pays parce qu'il ne se trouve pas de personne physique qui puisse s'en porter garante. La plupart des religieux ne sont pas en mesure de se porter individuellement caution parce qu'ils vivent dans des communautés sans rentrées salariales. Cependant, les instituts eux-mêmes pourraient cautionner le séjour dans notre pays. La seule possibilité qui subsiste actuellement de recevoir des membres et des aspirants d'outre-mer est l'obtention d'un visa touristique.

Le problème ne se pose pas seulement pour les religieux, mais aussi pour les entreprises et les secteurs culturel et humanitaire.

Sur le terrain, le Centre pour l'égalité des chances constate que l'application erronée de l'article 3bis crée des difficultés en ce qui concerne la prise en charge. Bien que le rôle de la commune doive se borner à légaliser la signature de la personne qui se porte garante, les communes exigent parfois que celle-ci dispose d'une somme qu'elles ont elles-mêmes fixée au préalable.

Une étude récente effectuée à la demande d'un membre du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, a démontré que les pratiques communales en la matière sont diverses. Les résultats de cette étude sont confirmés par plusieurs plaintes reçues au Centre pour l'égalité des chances. Selon cette étude, certaines communes bruxelloises exigeraient, avant de procéder à la légalisation de la signature, la preuve que le garant dispose de ressources équivalentes à un montant qu'elles fixent; ce procédé constitue une dérogation aux critères arrêtés par l'Office des étrangers.

De plus, il faut déplorer un certain manque de souplesse en ce qui concerne les documents admis comme preuves de revenus suffisants, notamment pour les indépendants ou les personnes qui ne sont pas employées.

1.3.2. Point de vue du ministre

Le ministre indique que la prise en charge ne sera utilisée que pour la récupération des coûts, lorsque l'étranger ne respecte pas son obligation de visa. Si l'étranger séjourne plus de trois mois dans notre pays, il sera dans l'illégalité. Étant donné que son séjour illégal n'est pas toujours immédiatement remarqué, il est très raisonnable de récupérer les coûts créés pendant une période de deux ans. Il n'y a donc aucun problème pour l'étranger de bonne foi.

Par ailleurs, il n'y aura pas de récupération lorsque le preneur en charge peut démontrer que l'étranger invité a effectivement quitté le pays, même lorsqu'il se trouve dans l'illégalité par la suite.

Le ministre indique également que dans le passé des personnes morales douteuses avaient trop souvent souscrit à une prise en charge. Pour l'Office des étrangers, il est beaucoup plus simple de contrôler la solvabilité financière de personnes physiques. D'ailleurs, rien n'empêche que des personnes morales se portent financièrement caution pour des personnes physiques qui assument une prise en charge.

Le rôle des communes a clairement été déterminé dans la nouvelle loi entrée en vigueur le 1er janvier 1997 : il se limite à la législation de la signature (donc au contrôle de l'identité de la personne concernée et de la véracité de la signature) et à la transmission d'informations et d'un avis à l'Office des étrangers. Il n'appartient pas aux compétences de la commune d'apprécier la solvabilité de l'intéressé. À ce sujet, il ne peut plus y avoir de discussion. Depuis l'entrée en vigueur de la loi, la situation sur le terrain a également été modifiée en profondeur. On peut dès lors également se poser des questions à propos de la valeur d'actualité des plaintes et études. Afin d'éviter tout doute à ce sujet, le ministre transmettra une circulaire aux communes.

1.3.3. Constatations de la commission

Certains membres de la commission estiment que la prise en charge constitue un contrat civil de cautionnement. Il n'y a aucune raison, d'après eux, d'en exclure les personnes morales.

La commission constate que le rôle des communes ne se limite pas à la simple légalisation de la signature du garant.

L'exigence de certaines communes qui veulent que la personne qui se porte garante dispose d'un montant fixé au préalable par elles va à l'encontre des dispositions de la loi du 15 juillet 1996.

La commission constate que le ministre n'a pas encore édité la circulaire annoncée et destinée à préciser l'étendue des compétences des communes en cette matière.

1.4. Le contrôle aux frontières

1.4.1. Point de vue des organisations

L'étranger qui possède un visa valable peut, en principe, voyager en Belgique. Cependant, diverses organisations affirment que le contrôle aux frontières pose un certain nombre de problèmes.

La Plate-forme de vigilance pour les réfugiés fait état du fait que l'accès au territoire est parfois refusé aux personnes bien qu'elles présentent un visa en bonne et due forme (I, point 6). L'Office des étrangers en refuse l'accès en oquant tantôt le caractère flou de la motivation du voyage, tantôt des moyens de subsistance insuffisants.

Nombre d'aspects n'étant pas réglementés, les contrôleurs (gendarmes) auraient tendance à procéder plutôt subjectivement dès lors qu'il s'agit de retenir certaines personnes et d'en laisser passer d'autres.

Pour rémédier à cette situation, le CNAPD propose de permettre à certaines organisations de droits de l'homme d'être présentes en permanence, de pouvoir entrer dans le centre INAD, de pouvoir avoir accès à la zone de transit de l'aéroport. Cela permettrait une plus grande confiance vis-à-vis de l'administration et pourrait lever les inquiétudes dues au caractère opaque de la procédure (I, point 16).

À la question de savoir s'il n'y a pas lieu de craindre des réflexes racistes de la part de certains gendarmes, qui traiteraient plus sévèrement certaines nationalités, le colonel de la gendarmerie responsable de ces contrôles répond qu'il n'exclut pas que l'un ou l'autre excès puisse se produire. Il est clair qu'il s'agit ici d'une situation extrême, le nombre de personnes retenues constituant une infime minorité en comparaison du nombre total de passagers qui pénètrent sur le territoire. Si le nombre de refoulements exécutés par une équipe déterminée présente des pointes, on examine la situation et, le cas échéant, on remplace l'équipe (voir déclaration Lt. Col. Allaert, I, point 21).

1.4.2. Point de vue du ministre

Le ministre signale que la plupart des critiques sur le contrôle aux frontières ne sont pas fondées. Le contrôle est effectué sur la base de règles claires. Il n'est pas question d'arbitraire. De plus, il existe un contrôle clair sur la façon dont ces contrôles sont exercés. La décision au terme de laquelle l'accès au territoire est interdit est prise en concertation avec l'Office des étrangers ou sur l'instruction de celui-ci. D'ailleurs, le contrôle de la destination n'est aucunement à considérer comme un examen inutile des éléments déjà examinés pour la délivrance du visa. Le contrôle de la destination se situe dans le prolongement de l'examen de la demande de visa, afin notamment de prévenir la fraude.

Pour que la commission puisse se faire une meilleure idée de l'organisation du contrôle aux frontières, le ministre lui soumettra chaque année un rapport relatif au contrôle frontalier.

1.4.3. Constatations de la commission

Sans remettre en question le principe même du contrôle aux frontières, le contrôle des services qui sont chargés de l'effectuer a soulevé un grand nombre d'interrogations au sein de la commission car ce contrôle constitue en quelque sorte une répétition du contrôle lors de la procédure relative à l'obtention d'un visa.

Apparemment, la compétence d'appréciation de ce service crée, dans la pratique, des situations qui, à tout le moins, suscitent un certain nombre de questions, dans la mesure où le contrôle à la frontière implique un nouvel examen du motif du voyage et des ressources financières.

1.5. Le centre INAD

1.5.1. Point de vue des organisations

D'après les organisations, deux types de problèmes se posent.

Il y a d'abord le problème de fond, à savoir que ce centre accueille des personnes qui ne devraient pas s'y trouver, par exemple parce qu'elles ont été refoulées à tort faute de moyens d'existence suffisants par rapport aux critères en vigueur ou parce qu'elles en étaient totalement dépourvues ou parce que le but de leur voyage était imprécis (CNAPD, I, point 16).

En ce qui concerne l'organisation, on se voit reprocher la difficulté qu'il y a, pour les avocats, d'obtenir l'accès et, pour les détenus, de les contacter par téléphone en cas d'urgence (CNAPD, loc. cit. , Plate-forme de vigilance, I, point 6).

Le directeur du centre répond que rien n'empêche les détenus de téléphoner et qu'ils disposent d'une liste d'avocats.

Le CNAPD insiste pour que les organisations d'assistance soient présentes en permanence.

Il faut noter qu'il en est ainsi en France, aux dires de Patrick Weil, selon lequel il s'agit là d'une garantie contre les abus.

1.5.2. Point de vue du ministre

Le ministre a indiqué que, s'il a pris en charge la gestion de ce centre, c'est pour mieux garantir la qualité de l'accueil. En ce qui le concerne, il n'y a aucun problème à admettre le Centre pour l'égalité des chances (voir point 1.5.3.).

Le centre INAD a été créé comme centre d'accueil temporaire pour les voyageurs qui arrivent à l'aéroport et auxquels l'accès au territoire est refusé, dans la plupart des cas parce qu'ils ne sont pas en possession des documents de voyage requis, ou pour d'autres raisons mentionnées à l'article 3 de la loi du 15 décembre 1980. À ce sujet, aucun doute ne peut exister (voir point 1.4.2.).

1.5.3. Constatations de la commission

Certains commissaires se sont rendus en visite le 19 novembre 1997 au centre INAD et ont constaté qu'il est assurément possible d'améliorer les possibilités de communication externe qui sont mises à la disposition des personnes résidant dans le centre (un seul téléphone, ne fonctionnant que par une carte magnétique).

La situation réelle des étrangers auquel l'accès au territoire est interdit soulève encore de nombreuses questions. D'autres lacunes sont apparues lors de cette visite, comme les délais de rétention trop longs. Certaines personnes y ont séjourné trois semaines, d'autres y passent plusieurs jours. L'information interne y faisait défaut : pas de panneaux d'affichage; pas de registres téléphoniques des ambassades.

La commission constate également qu'alors même que le débat est en cours au Sénat, le ministre a déposé à la Chambre un projet de loi visant à adapter notre législation à l'arrêt « Amuur contre République française », rendu par la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg le 25 juin 1996. La commission a voté ce projet lors de sa réunion du 27 janvier 1998 (doc. Sénat, nº 1-798/1).

1.6. Schengen : renvoi vers un autre pays de l'espace Schengen

Depuis le 1er septembre 1997, les dispositions en matière d'asile de la convention d'application de l'accord de Schengen ne sont plus appliquées, mais elles sont remplacées par les dispositions parallèles de la Convention de Dublin du 15 juin 1990 (Moniteur belge du 30 septembre 1995).

Aux termes de l'article 3 de cette convention, les États membres des Communautés européennes « s'engagent à ce que tout étranger qui présente, à la frontière ou sur leur territoire, une demande d'asile auprès de l'un d'entre eux voie sa demande examinée » (article 3.1).

Les articles 3.3 : « Cette demande est examinée par cet État conformément à sa législation nationale et à ses obligations internationales » et 3.5 : « Tout État membre conserve la possibilité, en application de son droit national, d'envoyer un demandeur d'asile vers un État tiers dans le respect des dispositions de la Convention de Genève, modifiées par le Protocole de New York » sont très importants.

Les dispositions de l'article 3.5 ­ l'envoi d'un demandeur d'asile vers un État tiers ­ ne sont en aucun cas contradictoires avec celles de l'article 3.1, parce que la notion d'« examen d'une demande d'asile » est définie très largement (article 1.1.d) et ne signifie pas que la demande d'asile doit être examinée au fond. Il suffit, par exemple, que l'État responsable se prononce sur la recevabilité de la demande d'asile; en cas de décision négative, le demandeur d'asile en question peut être exclu de la suite de la procédure.

1.6.1. Point de vue des organisations

Selon certaines organisations, l'envoi vers un État tiers (qui n'est donc pas lié par la Convention de Dublin) peut aboutir à une expulsion ou à un refoulement, et, partant, à une violation des articles 33.1 de la Convention de 1951.

Dans certains cas, les membres d'une famille qui se trouvent réunis en Belgique après avoir transité par divers pays de l'espace Schengen sont à nouveau séparés par les règles de la Convention parce qu'ils doivent introduire leur demande dans les divers États par où ils sont entrés (Plate-forme, I, point 16, CNAPD, I, point 16).

On a également souligné que lorsqu'elle renvoie l'intéressé dans un autre État partie à l'accord de Schengen, la Belgique ne paie un ticket de train que jusqu'à la frontière et y abandonne le réfugié à son sort (Plate-forme, I, point 6).

1.6.2. Point du vue du ministre

1. Le ministre répond que le renvoi vers un État tiers (État non-Dublin) ne peut en principe aboutir à une violation du principe de non-refoulement. Conformément à la Convention de Dublin, une personne ne peut être renvoyée vers un pays tiers que si ce pays respecte à son tour le principe de non-refoulement. Si une personne était renvoyée vers un pays tiers ne respectant pas ce principe, l'État renvoyant violerait tant la Convention sur les réfugiés que la Convention de Dublin.

La Convention de Dublin est claire à ce sujet : le renvoi vers un pays tiers est uniquement possible « en respectant le Traité de Genève ».

2. Le ministre répond que l'approbation de la reprise implique que la procédure de traitement de la demande d'asile est automatiquement et logiquement entamée dans l'État membre responsable. Il ne faut donc pas attendre jusqu'à l'arrivée effective de l'intéressé. La question de certains sénateurs est dès lors sans objet.

Le ministre indique que la Belgique permet aux membres de la famille nucléaire de rester ensemble et ne demande donc pas la reprise. Sur ce plan, il constate en outre que la Belgique adopte un point de vue plus large que les autres États membres et qu'elle suit l'interprétation de l'article 8 de la CEDH.

1.6.3. Constatations de la commission

Certains sénateurs ont exprimé leur préoccupation sur le fait que certains réfugiés risquent de perdre leurs droits à l'asile parce que les délais seront échus à la suite du renvoi.

On peut se demander si, une fois l'irrecevabilité invoquée par la Belgique, on ne doit pas, avant de statuer sur le cas du demandeur d'asile, faire démarrer la procédure d'asile dans le pays « adéquat » de l'espace Schengen, de sorte que l'on ne doive pas attendre que le demandeur d'asile y arrive réellement pour y entamer l'examen de sa demande.

2. La procédure d'asile

La procédure d'asile est analysée dans le présent chapitre sous l'angle de ses différentes étapes et des institutions qui y sont associées.

La procédure est compliquée et semée d'embûches, ce qui amène souvent l'étranger à faire appel à un avocat. Vu la faiblesse financière de beaucoup de demandeurs d'asile, ceux-ci sont obligés de se « contenter » d'un avocat pro deo , qui est souvent un stagiaire et de ce fait, peu spécialisé en cette matière difficile qu'est le droit des étrangers.

La procédure dure longtemps et coûte cher, du moins pour ceux qui ne disposent pas d'un pro deo . Certains sénateurs ont l'impression qu'elle pourrait être abrégée, si les avocats ne cherchaient pas toutes voies (même téméraires ou manifestement vouées à l'échec) d'empêcher son aboutissement rapide (cf. Centre pour l'égalité des chances, I, point 1).

2.1. L'Office des étrangers et son fonctionnement

2.1.1. Procédure de recevabilité et première interview à l'Office des étrangers

2.1.1.1. Point de vue des organisations

D'une manière générale, le fonctionnement de l'Office des étrangers en matière de demandes d'asile a été dénoncé sur plusieurs points fondamentaux : la façon lapidaire dont se déroulent les interviews, la mauvaise qualité des décisions, la formation rudimentaire du personnel, les problèmes de traduction (dus en partie à des traductions doubles résultant de la nouvelle disposition de l'article 51/4, § 2, troisième alinéa, de la loi sur les étrangers), et même la mise en question de l'utilité de la phase de recevabilité.

­ Mauvaise qualité des interviews, due au manque de formation du personnel (Amn. Int. I, point 5).

­ En ce qui concerne les traductions, la nouvelle réglementation prévue à l'article 51/4, § 2, troisième alinéa, ne simplifie pas la procédure. Elle favorise de plus en plus un système de doubles traductions, qui fait que certaines nuances importantes exprimées dans les déclarations se perdent [LDH (Fr.), I, point 3; Plate-forme, I, point 6].

­ La mauvaise qualité des décisions : tant au niveau de la motivation qu'à celui de l'indication du fondement juridique (Amn. Int. loc. cit. ).

­ Le contrôle de la phase de recevabilité peut très bien être opérée par le commissaire général et la Commission permanente de recours. L'Office des étrangers pourra ainsi s'occuper exclusivement de sa tâche propre, le contrôle de l'immigration et l'éloignement des clandestins [Liga (Nl.), I, point 2; Centrum, I, point 1].

On a ensuite signalé les problèmes rencontrés par des groupes spécifiques de demandeurs, à savoir les femmes et les mineurs d'âge, puisque ceux-ci ont des problèmes à cause de l'organisation inadéquate même des interrogatoires par rapport à leur situation. Les autres problèmes qui se posent à tous les candidats-réfugiés sans distinction, sont exposés ci-dessus.

Pour ce qui est des femmes, on a évoqué les difficultés du premier interrogatoire, qui peut parfois être très pénible, en raison de certaines différences culturelles, quand des hommes doivent interroger des femmes sur certaines expériences intimes qu'elles ont vécues, telles que le viol ou les intimidations sexuelles (voir Conseil des femmes francophones, I, point 13).

Dans le cas des mineurs, il y a surtout des problèmes lorsqu'ils ne sont pas accompagnés, soit par leurs parents, soit par un tuteur ou un accompagnateur agréé par les parents.

La Ligue des droits de l'homme se réfère à une résolution du Conseil des ministres européens du 26 juin 1997, prescrivant des mesures spécifiques pour l'accueil des mineurs, à savoir entre autres le traitement prioritaire de leurs dossiers de demande d'asile, leur droit à une assistance pour tout interrogatoire et le droit à l'interrogatoire adapté, mené par des fonctionnaires spécialement formés à cet effet [voir LDH (Fr.), loc. cit. ].

2.1.1.2. Point de vue du ministre

Le ministre, appuyé à cet égard par M. Schewebach (directeur général de l'Office des étrangers), a expliqué comment les services et les instances compétents pour l'examen des demandes d'asile n'ont pu se créer que graduellement à partir d'une situation de crise due à une hausse considérable du nombre des demandeurs d'asile, dont la plupart s'appelaient à tort réfugiés au regard de la Convention de Genève. Dès le début, on a tenté de combiner la résorption de l'arriéré avec une amélioration de la qualité du travail et de la formation du personnel. Ces dernières années, l'Office des étrangers a également enregistré un progrès dans ce domaine.

En outre, le ministre tient à relativiser dans une large mesure certaines critiques, parce qu'elles interprètent erronément la mission de l'Office des étrangers dans la procédure d'asile. En effet, l'office n'est pas chargé de connaître de la demande quant au fond. Mais il doit examiner s'il existe suffisamment d'éléments justifiant un examen supplémentaire.

La préparation et la signature du plan de gestion avec l'Office des étrangers, ont marqué une nouvelle étape dans l'amélioration du fonctionnement du service. À l'occasion de la signature de ce plan, le Conseil des ministres a décidé d'élargir le cadre statutaire de l'Office des étrangers et de lui attribuer un certain nombre de membres du personnel supplémentaires pour le début de l'année 1998. Ces mesures permettent d'envisager un certain nombre de projets en 1998.

2.1.1.3. Constatations de la commission

La commission souscrit aux soucis exprimés, et apprécie les efforts consentis par le ministre pour y rémédier.

En ce qui concerne l'article 51/4 qui règle le choix de la langue, la Cour d'arbitrage vient de rejeter la requête en annulation de ladite disposition dont elle avait été saisie (cf. Cour d'arbitrage, 17 décembre 1997, Arrêt nº 77/97, Moniteur belge du 28 janvier 1998).

2.1.2. Formation du personnel

2.1.2.1. Point de vue des organisations

Plusieurs associations ont fait allusion au problème de la formation insuffisante des personnes qui interviewent à l'Office des étrangers les demandeurs d'asile.

Cette critique portait aussi bien sur le manque de formation générale du personnel que sur le manque de connaissances spécifiques de certains pays. En outre, les fonctionnaires ne tiendraient pas suffisamment compte des particularités culturelles du demandeur d'asile (Amnesty, p. 67). Il faudrait soumettre l'office à un audit indépendant quant à la manière dont sont réalisés les entretiens et quant aux programmes de formation existants (Amnesty, I, point 5).

2.1.2.2. Point de vue du ministre

Également à ce sujet, le ministre indique que le rôle de l'Office des étrangers dans la procédure d'asile se limite à l'examen de l'application des accords de Schengen ou de la Convention de Dublin et à l'examen de savoir s'il y a suffisamment d'éléments présents pour un examen quant au fond. Aucun examen quant au fond n'est demandé à l'Office. Les années précédentes ont enregistré un progrès considérable, et, dans le cadre de l'exécution du plan de gestion ­ en concordance avec l'élargissement du cadre statutaire ­, un projet de formation particulier est élaboré. Pour l'organisation de ce projet de formation, un groupe de travail particulier sera constitué.

2.1.2.3. Constatations de la commission

Les auditions ont montré qu'il y a un besoin de formation pour l'ensemble des fonctionnaires concernés par cette matière et en premier lieu pour ceux qui interviewent les demandeurs d'asile. Les fonctionnaires communaux sont également de plus en plus souvent confrontés aux règlements et directives qui modifient sans cesse la législation dans ce domaine.

Un doute plane dès lors sur la qualité des dossiers constitués par l'Office des étrangers et sur les décisions qu'il prend.

Ces dossiers ont une importance primordiale, car ils sont à la base des décisions prises à chaque étape ultérieure de la procédure d'asile.

2.1.3. Problèmes de communication à l'OE

2.1.3.1. Point de vue des organisations

En outre, les instances comme les avocats, les administrations communales et les CPAS dénoncent les lenteurs et les déficiences de l'Office des étrangers ainsi que les difficultés à l'atteindre (Barreau, I, point 15). Lorsqu'on lui demande des informations, la réponse est la plupart du temps incomplète, ou bien il faut retéléphoner parce qu'on ne la connaît pas ou que l'on ne parvient pas à mettre la main sur le dossier. La circulation des informations sur, par exemple, le séjour illégal ou non sur le territoire se fait souvent de manière peu claire. On s'est plaint à plusieurs reprises du fait que le registre d'attente est adapté trop tard lorsqu'il y a des changements (UBVC, I, point 7).

2.1.3.2. Point de vue du ministre

Dans le cadre de l'amélioration de l'accessibilité de l'Office des étrangers, priorité est donnée aux relations avec les communes. D'ailleurs, cette relation doit être considérée comme un maillon crucial dans une politique d'immigration rationnelle. Également dans ce domaine, des projets seront exécutés dans le cadre du plan de gestion.

Le ministre reconnaît que l'Office des étrangers n'est pas toujours aisément accessible à tous, ce qui dérange. Dans le cadre de l'exécution du plan de gestion, on examine avec l'office la manière d'améliorer la communication avec lui. À cet égard, on tient compte de tous les aspects, c'est-à-dire tant de son fonctionnement que du fait qu'il est confronté à un nombre extrêmement élevé d'interventions souvent inutiles.

2.1.3.3. Constatations de la commission

La commission constate qu'il y a de sérieux problèmes de communication, et avec les demandeurs d'asile, et avec les administrations dont l'attitude dépend des décisions de l'OE.

2.1.4. Retards à l'Office des étrangers

2.1.4.1. Point de vue des organisations

D'une manière générale, on s'est plaint de la trop longue durée de la procédure d'asile, que ce soit au niveau de l'Office des étrangers, du CGRA ou de la Commission permanente de recours.

La loi sur les réfugiés comme la procédure d'asile proprement dite ont été constamment modifiées ces dernières années, ce qui a mené à une situation confuse.

Les services et organisations associés à l'application de la loi sur les étrangers se voient dès lors confrontés à de nombreuses difficultés d'application.

Constatant qu'une demande d'asile ne peut être examinée sérieusement si on limite le délai d'examen par l'Office des étrangers à 8 jours ouvrables (article 52, § 5 de la loi du 15 décembre 1980), il faut porter le délai à maximum 20 jours et préciser explicitement qu'il ne commence qu'à la date de la prise en considération, en application des accords Dublin-Schengen.

2.1.4.2. Point de vue du ministre

L'arriéré dans le traitement des demandes d'asile s'est créé par l'énorme afflux de demandeurs d'asile au début des années 90 ainsi que par le manque de moyens et de personnel nécessaires pour maîtriser cet afflux. Depuis un certain nombre d'années, une politique est menée dans laquelle la résorption de l'arriéré constitue une des priorités. L'arriéré depuis 1993, est passé de 36 000 dossiers à 13 003 dossiers à peine fin 1997. L'objectif est de résorber complètement cet arriéré en 1998, afin qu'à partir de 1999 les services et instances concernés puissent travailler dans des circonstances normales et pour qu'à ce moment-là, toutes les demandes d'asile puissent être bouclées en un an. L'établissement et l'évaluation constante des plans de gestion constituent une charnière importante dans la réalisation de cette politique.

2.2. Le commissariat général aux réfugiés et aux apatrides

2.2.1. Fonctionnement du Commissariat général

En général, les organisations n'émettent guère de critiques concernant le fonctionnement du commissariat général; certaines citent des points positifs. En outre, il y a de nombreux problèmes sur le plan de l'organisation interne : dossiers perdus, pièces manquantes, etc. (Centre, I, point 1).

Il arrive souvent que les erreurs et les imperfections de la phase de recevabilité soient réparées par le CGRA (Amnesty, I, point 5).

2.2.2. Statut du commissaire général

2.2.2.1. Point de vue des organisations

Le commissaire général a fait remarquer qu'il convient de régler, et si possible d'améliorer dès que possible son statut ainsi que celui de son adjoint.

Il est anormal qu'il ne puisse pas être nommé, alors que 90 % des décisions finales sur les demandes d'asile relèvent malgré tout de sa compétence pour 10 % seulement de décisions finales prises conjointement par les présidents et les assesseurs de la Commission permanente de recours (cf. le point 7.4 du plan de gestion). Cette situation constitue une discrimination par rapport à la possibilité d'être nommé à titre définitif des présidents et des assesseurs de la Commission permanente de recours (Neuvième Rapport annuel, par. 210).

En août 1996, le Conseil des ministres a donné son assentiment à un projet de loi visant à modifier en ce sens le statut du commissaire général et de ses adjoints et qui prévoyait que les trois commissaires adjoints.

Il est prévu, dans un proche avenir, d'adjoindre au Commissariat général un conseiller général statutaire de rang 15 (rang identique à celui des commissaires adjoints), afin d'appliquer au Commissariat général les règles d'évaluation prévues à l'arrêté royal du 7 février 1997.

Lors de son audition, le commissaire général s'est plaint de certaines circonstances qui, à son avis, sont susceptibles de porter atteinte à son indépendance :

1. En confiant le contrôle de recevabilité à l'Office des étrangers, le Gouvernement belge instaure un système permettant à ce service de connaître marginalement du fond des affaires. En écartant les demandes « manifestement irrecevables », l'Office des étrangers s'aventure en effet sur le terrain du fond de l'affaire.

2. En prévoyant, dans le cadre du personnel, un poste de conseiller général de même rang que son adjoint, on crée un risque de pression, même si elle ne s'exerce pas pour le moment.

2.2.2.2. Point de vue du ministre

Le ministre explique qu'on en a presque terminé avec l'élaboration du statut disciplinaire du CGRA et qu'il paraîtra sous peu au Moniteur belge .

Le statut général sera déposé ultérieurement sur le bureau du Parlement. Ce retard était dû surtout au fait que ces dispositions sont soumises à la concertation syndicale parce qu'elles s'inscrivent dans un cadre administratif plus large.

Il se dit, en outre, partie prenante à ce que le projet de loi soit soumis au Parlement dans les meilleurs délais. Il attend actuellement l'avis du Conseil d'État et déposera le projet de loi dès réception de cet avis.

La désignation éventuelle d'un conseiller général peut difficilement être considérée comme une atteinte à l'indépendance du commissaire général. La désignation de celui-ci est nécessaire dans le but d'atteindre une bonne gestion d'un effectif de plus de deux cents personnes. Il ne peut exister le moindre doute sur le fait que le commissaire général conserve la direction et qu'il continue à prendre les décisions en toute indépendance.

2.2.2.3. Constatations de la commission

Il est étrange de constater que ni l'étude du Bureau ABC, ni le plan de gestion de septembre 1996, ni la note du 21 janvier 1997 du ministre de l'Intérieur adressée au Conseil des ministres et portant sur le plan de gestion du Commissariat général, ne prévoyaient cette réglementation.

Bien que les dispositions du statut des agents de l'État, notamment la réglementation en matière d'évaluation, doivent bien entendu être appliquées comme il se doit, l'on peut se demander si cette obligation peut justifier l'atteinte alléguée par le commissaire général à son indépendance et celle de ses adjoints.

2.3. La Commission permanente de recours

2.3.1. Point de vue des organisations

La Commission permanente de recours connaît les mêmes problèmes que les autres instances qui interviennent dans la procédure, peut-être même avec plus d'acuité encore (cf. barreau de Bruxelles, I, point 15).

L'arriéré est très important.

On applique parfois les règles de procédure de manière arbitraire. C'est notamment le cas pour les demandeurs d'asile congolais, dont les dossiers sont soudainement examinés par des chambres à juge unique, alors qu'il s'agit d'une matière particulièrement délicate (cf. Barreau de Bruxelles, loc. cit. ; CNAPD, I, point 16).

Posent également problème l'accès au greffe pour les avocats, la réalisation de copies et l'absence d'un minimum de savoir-vivre à l'égard des avocats, dont on traite parfois les affaires par défaut, alors qu'ils sont en train de plaider devant une chambre d'un autre rôle linguistique de la même commission.

Il serait utile que l'OE assiste à la procédure de recours quand c'est le CGRA qui est chargé de la phase de recevabilité (CNAPD, loc. cit. ).

2.3.2. Point de vue du ministre

La Commission permanente de recours des réfugiés est une juridiction administrative indépendante du pouvoir exécutif et, partant, du ministre. Cette

instance a également soumis un plan de gestion au Gouvernement par l'intermédiaire du ministre en vue de la définition des moyens nécessaires pour que l'on puisse fournir un travail de qualité en toute indépendance et résorber l'arriéré.

Le Gouvernement a pris une série de mesures (il a notamment nommé un nombre supplémentaire d'assesseurs et de suppléants) dans le prolongement du plan de gestion. Depuis mai 1997, l'arriéré n'a cessé de diminuer : en avril 1997, quelque 3 277 dossiers étaient encore pendants, contre 2 566 en décembre 1997. Ce nombre continue à diminuer.

Les critiques émises par les organisations sont souvent non fondées ou trop subtiles. L'affirmation selon laquelle les règles de procédure sont appliquées de façon arbitraire, à l'appui de laquelle l'on cite en exemple la procédure qui est appliquée en ce qui concerne les demandeurs d'asile congolais, est tout à fait injustifiée. La Commission permanente de recours a réfuté en son temps, de manière précise, toutes les allégations à ce sujet. Le fait qu'Amnesty International y ait consacré à l'époque une action dénuée de tout fondement, en dit plus long sur cette organisation que sur la Commission permanente de recours.

2.3.3. Constatations de la commission

La commission constate que le problème de l'arriéré subsiste.

Fin 1996, 609 affaires en langue néerlandaise et 2 395 afaires en langue française n'avaient pu faire l'objet d'une décision, tandis que leur nombre s'élevait respectivement à 755 et à 1 841 fin 1997.

Une amélioration est dès lors perceptible, mais l'arriéré reste important en chiffres absolus. Il convient d'encourager les efforts entrepris pour résorber l'arriéré.

2.4. Le Conseil d'État

2.4.1. Le point de vue des organisations

La première critique qui a été émise porte sur l'absence de possibilités de recours pour l'étranger qui se trouve dans la zone de transit et qui est refoulé sur-le-champ (cf. barreau de Bruxelles, I, point 15).

Le deuxième problème qui a été évoqué concerne l'impossibilité d'introduire, devant le Conseil d'État, un recours en annulation à effet suspensif contre l'ordre de refoulement ou contre le renvoi vers un autre pays Schengen (barreau de Bruxelles, loc. cit. ).

Le dernier point porte sur le coût de la procédure qui, pour les demandeurs d'asile ­ qui sont généralement sans ressources ­ est trop lourd.

Avant la dernière modification de la loi, le demandeur devait acquitter un droit de mise au rôle de 4 000 francs pour l'action en annulation. Aujourd'hui, ce montant est passé à 7 000 francs. Pour ce qui est de l'action en suspension, le montant à payer est également de 7 000 francs, alors que l'action était gratuite auparavant.

En outre, le Conseil d'État applique la procédure pro deo d'une manière nettement plus rigoureuse que ne le font les tribunaux civils (barreau de Bruxelles, loc. cit. ).

2.4.2. Point de vue du ministre

Les étrangers doivent respecter, tant en ce qui concerne la possibilité d'obtenir une suspension qu'en ce qui concerne le paiement des droits de mise au rôle ­ quel que soit le statut qui leur accorde un droit de séjour ­ les mêmes règles que les Belges. Il ne semble ni justifié ni opportun d'élaborer des règles particulières pour certaines catégories d'étrangers.

En ce qui concerne la possiblité d'obtenir une suspension, le ministre attire en outre l'attention sur le fait que les règles actuelles sont le fruit de considérations nuancées ­ l'on a en effet été confronté à une utilisation manifestement impropre des règles qui permettent de former un recours à effet automatiquement suspensif ­ qui prévoient la possibilité d'invoquer l'urgence et d'obtenir éventuellement une suspension dans les 24 heures (ou même dans un délai plus court).

En ce qui concerne la possibilité d'appel des décisions de maintien dans la zone de transit, on peut renvoyer au projet de loi modifiant les articles 54, 57/11, 57/12, 57/14bis et 71 de la loi du 15 décembre 1980 qui a été approuvé par les deux Chambres et qui paraîtra d'ici peu au Moniteur belge .

2.4.3. Constatations de la commission

La commission constate que le dernier problème est pratiquement résolu, puisque le projet de loi que le Gouvernement a déposé en exécution de l'arrêt Amuur (arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme) sera bientôt publié au Moniteur belge .

Pour ce qui est de l'effet non suspensif de la procédure devant le Conseil d'État, la commission constate que l'étranger qui est effectivement refoulé avant même que le Conseil d'État n'ait ordonné la suspension de la mesure incriminée, perd son intérêt. Il s'agit donc d'une situation irréversible.

Il en va de même, quoique dans une mesure moindre, lorsque l'étranger est renvoyé vers un autre pays de la zone Schengen.

L'augmentation des tarifs est susceptible d'entraîner une discrimination sociale, et ce, aussi bien pour ce qui est les étrangers que pour ce qui est des Belges.

Par ailleurs, la non-publication des arrêts implique une discrimination de fait entre ceux des sujets de droit qui ont un conseil disposant de la jurisprudence, d'une part, et, d'autre part, ceux qui n'y ont pas accès.

3. Le séjour sur le territoire belge

3.1. Demandeurs d'asile

3.1.1. Centres d'accueil ouverts

3.1.1.1. Point de vue des organisations

Certains étrangers aimeraient ne plus être liés à un centre dans lequel ils doivent, selon la réglementation actuelle, séjourner, s'ils veulent obtenir une aide sociale.

À l'heure actuelle, il n'existe pas de centre d'accueil spécifique pour les mineurs en pays francophone et l'enfermement dans un centre fermé est toujours officiellement prévu à l'article 74/5 de la loi sur les étrangers. Ces centres sont surpeuplés (cf. Point d'Appui, I, point 11).

3.1.1.2. Point de vue du ministre

L'accueil dans les centres ouverts de nouveaux candidats réfugiés arrivants qui souhaitent faire appel au service social de l'État pendant la durée de l'examen de la recevabilité de leur demande d'asile est considéré par presque tout le monde comme une amélioration par rapport à la situation précédente. Toute personne qui le souhaite est assurée, dans le centre d'accueil qui lui à été assigné, d'obtenir l'assistance sociale nécessaire.

Les centres d'accueil consacrent, dans la mesure du possible, une attention à l'accompagnement spécifique et à l'accueil de certains groupes cibles particuliers.

3.1.1.3. Constatations de la commission

Tous les candidats réfugiés nouvellement arrivés ont jusqu'à présent pu être hébergés dans un centre d'accueil ouvert. Les centres ouverts ont toutefois un taux d'occupation très élevé.

3.1.2. Le passage au CPAS

3.1.2.1. Point de vue des organisations

Au moment où un CPAS est désigné, l'étranger doit trouver un logement. Il ne le peut bien souvent pas, parce qu'il ne peut pas payer de garantie locative. Bon nombre de CPAS refusent d'intervenir (Caritas, I, point 4). C'est pourquoi des organisations privées ont mis sur pied un système de fonds privé de garantie locative (CIRÉ, p. 102).

3.1.2.2. Point de vue du ministre

L'organisation de la transition de candidats réfugiés recevables vers les CPAS, lesquels doivent assister socialement ces personnes, nécessite pour certains candidats réfugiés un certain temps. L'offre limitée de logements abordables pose ici, comme pour toutes les personnes défavorisées, un problème important.

Les autorités fédérales sont tout à fait conscientes des difficultés auxquelles certains candidats réfugiés sont confrontés pour transiter l'accueil décentralisé; ces difficultés manifestent en effet directement par la densité d'occupation des centres d'accueil. Les autorités fédérales tentent, dans le cadre de leurs compétences, d'assister le plus possible les CPAS, compétents pour accorder à ces personnes une aide sociale ­ y compris un logement ­, ainsi que les intéressés eux-mêmes.

D'une part, les membres du personnel des centres accompagnent lors de la transition les demandeurs d'asile recevables pour autant qu'ils en ont besoin. Ils les aident par exemple à chercher un logement ou lors du premier contact avec le CPAS compétent.

D'autre part, on sensibilise en permanence les CPAS pour qu'ils accomplissent correctement leurs missions légales à l'égard des demandeurs d'asile recevables et on examine si, et, le cas échéant, comment on pourrait optimaliser le système actuel de ce que l'on appelle la prime d'installation.

3.1.2.3. Constatations de la commission

Lorsque sa demande d'asile est jugée recevable, le demandeur d'asile se voit assigner un CPAS compétent pour lui accorder une aide sociale. Le demandeur d'asile doit alors se mettre en quête d'un logement, mais on lui réclamera bien souvent de déposer une garantie locative, ainsi que d'avoir un minimum d'équipement et de verser un loyer au préalable.

La plupart des CPAS n'y pourvoient pas. Une des tâches légales des CPAS est cependant d'assister les demandeurs d'asile déclarés recevables en leur octroyant une aide sociale, y compris le logement. Dans de nombreux cas, les CPAS refusent l'aide tant que que l'intéressé n'a pas de domicile, voire tant qu'il n'est pas inscrit.

L'octroi d'une prime d'installation pour les réfugiés reconnus comme tels est un élément important de l'aide sociale. (Voir aussi le point 3.1.3. Le Plan de répartition.)

Le CPAS est régulièrement confronté à des demandes de la part des réfugiés qui leur ont été attribués par le plan de répartition et qui visent à obtenir une garantie locative. Lorsqu'ils quittent le centre ouvert, les demandeurs d'asile ne disposent pas de l'argent nécessaire, ils doivent en emprunter à des amis qui sont eux-mêmes dans une situation difficile et ils subissent la pression des remboursements. Le CPAS peut décider d'accorder cette caution, mais il ne bénéficie pas dans ce cas de subsides de l'État.

3.1.3. Le plan de répartition

3.1.3.1. Point de vue des organisations

Plusieurs problèmes se posent parce que les plans de répartition sont trop rigides; ils ne tiennent en effet pas compte du facteur humain. C'est ainsi qu'une personne qui voulait rejoindre les siens à Burdinne a été refusée parce que le quota du plan de répartition était atteint. Elle a donc dû s'inscrire à Maaseik (cf. Plate-forme, p. 79). La réticence de certains CPAS à avancer la garantie locative pose également problème (Caritas, p. 55).

3.1.3.2. Point de vue du ministre

La différence entre le lieu de séjour réel et administratif complique en effet l'octroi de certaines formes d'aide sociale de la part du C.P.A.S. compétent.

Cette situation est une conséquence inévitable du fait qu'on ne peut ­ à raison ­ imposer aucun lieu de séjour obligatoire au candidat réfugié. Les centres d'accueil tentent de faire correspondre au mieux le lieu de séjour réel au lieu de séjour administratif (cf. accompagnement de la transition par les centres d'accueil); des activités de sensibilisation, pour lesquelles des contrats sont conclus notamment avec l'OCIV et le CIRE, ont également pour but de contribuer également en la matière. L'arrêté royal du 29 mai 1997 portant exécution de l'article 60, § 1er , quatrième alinéa, de la loi organique du 8 juillet 1976 relative aux centres publics d'aide sociale (réglementation en matière d'enquête sociale lorsque le lieu de séjour administratif et le lieu de séjour réel diffèrent) a été négocié de manière approfondie avec l'Association des villes et communes belges, division CPAS.

Lorsqu'on évalue la problématique, il faut garder à l'esprit que depuis que les demandeurs d'asile sont pris en charge dans un premier temps par les centres d'accueil, les problèmes posés par la différence entre le domicile effectif et le domicile adminnistratif ont diminué et que les CPAS n'ont plus à s'occuper que de demandeurs d'asile dont la demande a été déclarée recevable.

3.1.3.3. Constatations de la commission.

L'application du plan de répartition se heurte aux problèmes suivants : en raison de la différence entre le domicile de fait et le domicile administratif, l'on n'est pas en mesure d'avoir une vue d'ensemble ni d'exercer un contrôle sur l'intégration de l'intéressé, sur son emploi, etc.

Le CPAS accomplit une mission d'accueil et d'octroi de services financiers et sociaux aux candidats réfugiés qui lui sont attribués dans le cadre du plan de répartition. Les réfugiés qui ont été attribués au CPAS d'une commune rurale ne viennent généralement pas s'installer dans cette commune. Malgré le plan de répartition, ils choisissent eux-mêmes d'habiter dans les grandes villes avec d'autres compagnons d'infortune. C'est toutefois le CPAS auquel le candidat-réfugié a été attribué qui continue à lui fournir les services financiers et sociaux.

Ces services sont loin d'être optimaux. Il n'est guère question d'un accompagnement psycho-social. Les réfugiés ne séjournent pas dans la commune rurale et ne viennent que sporadiquement au CPAS Étant donné qu'ils ne disposent pas d'un moyen de transport personnel, ils doivent utiliser les transports en commun. Il leur faut donc souvent une journée entière pour accomplir une seule formalité admistrative. Dans ces circonstances, il est impossible d'assurer un véritable accompagnement et la question n'est pas résolue par la rédaction d'un rapport social par le service social de la commune où le demandeur d'asile réside. La commission constate que la charge de travail des CPAS des grandes villes se remet à augmenter et se demande si les vieux problèmes qui existaient avant le plan de répartition ne vont pas refaire surface. De plus, il y a des problèmes linguistiques : certains réfugiés ne parlent aucune langue d'Europe occidentale, ou à peine.

3.1.4. Le mariage

3.1.4.1. Point de vue des organisations

La récente circulaire du 28 août 1997 n'établit aucune distinction entre deux catégories de demandes de séjour, à savoir la demande de séjour (établissement) du conjoint d'un Belge ou d'un ressortissant de l'UE et la demande de séjour du conjoint d'un étranger qui n'est pas ressortissant de l'UE. Cette circulaire précise uniquement que si les documents d'entrée requis ne sont pas transmis, la demande d'établissement est en principe déclarée irrecevable. Depuis le 1er octobre 1997, cette circulaire aurait amené un changement dans la pratique administrative en ce qui concerne les demandes de séjour de conjoints de Belges ou de ressortissants de l'UE.

Cette pratique place les conjoints de Belges ou de ressortissants de l'UE établis en Belgique dans une insécurité juridique beaucoup plus grande que les conjoints de non-ressortissants de l'UE (Voir à ce sujet Tijdschrift Vreemdelingenrecht, décembre 1997, pp. 257 à 264 : arrêt du Conseil d'État et note de Luc Walleyn).

L'organisation MRAX a introduit devant le Conseil d'État un recours en annulation de la circulaire du 28 août 1997.

La circulaire qui impose au clandestin qui veut épouser un Belge d'obtenir d'abord un visa auprès du consulat belge de son pays d'origine entraîne une procédure coûteuse (tant au point de vue de la durée qu'au point de vue financier) et tout à fait absurde.

3.1.4.2. Point de vue du ministre

Le ministre explique quel est l'objectif de la circulaire. On a voulu indiquer à toutes les personnes que le mariage ne peut être refusé sur la base du simple fait qu'un des futurs conjoints séjourne illégalement sur le territoire. En outre, il a été indiqué qu'une personne mariée n'obtient pas nécessairement immédiatement un droit de regroupement familial. Pour cela, il faut qu'en plus du mariage, un certain nombre d'autres conditions soient remplies (p. ex. la présentation d'un passeport valable ­ afin de prévenir toute fraude en ce qui concerne l'identité ­ éventuellemnt d'un visa. Ceci implique qu'un étranger séjournant illégalement doit en principe retourner dans son pays afin d'y obtenir les documents requis. Une exception est autorisée à ce sujet dans des situations particulières (p.ex. la grossesse, une maladie grave ou la présence de jeunes enfants).

Depuis lors, la réglementation en question a été assouplie, en ce sens que les étrangers mariés à un Belge ou à un ressortissant de le l'UE ­ même s'ils sont en séjour illégal ­ peuvent déposer une demande d'établissement, s'ils peuvent présenter un passeport valable. L'ancienne pratique est donc à nouveau en vigueur.

3.1.4.3. Constatations de la commission

Les administrations communales sont parfois confrontées à l'obligation de délivrer un ordre de quitter le territoire à des personnes qui épousent un(e) Belge, mais qui ne satisfont pas aux conditions d'entrée. Actuellement, il n'existe plus qu'une possibilité de recours, c'est-à-dire un recours en annulation auprès du Conseil d'État, mais ce recours n'est pas suspensif.

La commission constate que la circulaire du 1er octobre 1997, qui prévoit que l'époux ou l'épouse clandestin(e) qui veut se marier avec un citoyen belge doit obtenir un visa au consulat de Belgique de son pays d'origine, entraine une procédure coûteuse et longue.

3.2. Les déboutés

3.2.1. L'aide sociale et l'aide médicale urgente

Différents intervenants agissant notamment pour le compte des associations humanitaires et de l'Union des Villes, font part de leur inquiétude en ce qui concerne la restriction de l'aide sociale aux réfugiés déboutés.

En tant que l'aide médicale urgente forme un aspect de la problématique de l'aide sociale, il y a lieu de l'analyser dans le même contexte.

D'autres problèmes spécifiques relevant de l'aide sociale méritent d'être traités ici; ils feront l'objet d'une section distincte.

3.2.1.1. L'aide sociale

3.2.1.1.1. Points de vue des organisations

Certaines associations, dont l'Union des Villes et Communes belges, se plaignent du fait qu'à un moment déterminé l'on suspende toute aide sociale aux réfugiés déboutés, sauf l'aide médicale urgente.

Elles sont parfois confrontées à des gens qui n'ont plus d'autre recours pour survivre que de se faire hospitaliser (Caritas, I, point 4).

Cette situation les prive des droits les plus élémentaires : droit au travail, droit à l'aide sociale. Ces personnes n'ont dès lors d'autre alternative que de se tourner vers le travail clandestin, vers les services d'aide privés, ou encore vers la mendicité.

L'Union des villes et des communes, de son côté, se plaint de voir les CPAS frustrés de ne pouvoir assumer la tâche qui leur incombe institutionnellement, c'est à dire proteger les plus faibles de la sociéte [voir art. 1er de la loi organique du 8 juillet 1976 des CPAS (UVCB, I, point 7)].

Les pouvoirs locaux doivent ainsi faire face à des situations d'urgence qui non seulement sortent du cadre de la politique communale, mais encore placent ces mêmes pouvoirs locaux en face d'une situation tout à fait insoluble. Les pouvoirs locaux peuvent en effet difficilement refuser d'accorder l'aide sociale à des personnes en détresse tout en se voyant refuser par l'Etat le remboursement de cette même aide sociale.

L'UVCB ne partage pas l'analyse du ministre, qui veut que les CPAS soient libres d'octroyer de l'aide comme ils l'entendent, c'est-à-dire au-delà des délais et des restrictions fixés par l'article 57, § 2, mais à leurs propres frais.

Pour l'UVCB, le texte légal interdit clairement toute forme d'aide sauf l'aide médicale urgente.

Il est signalé également que certains receveurs de CPAS refuseraient de payer les mandats afférents à l'aide normale, parce qu'ils la trouvent illégale.

Et même si la thèse du ministre est correcte, l'UVCB trouve que des situations d'urgence de ce genre méritent d'être traités avec subsidiation.

Il est donc nécessaire de revoir le régime basé sur les dispositions actuelles de la loi sur les CPAS. La mise en oeuvre des dispositions de l'article 57 et suivants de la loi de 1976 ne peut aboutir à placer les communes devant un surcroît de charges qui ne relèvent pas de leurs compétences.

Certains s'interrogent aussi sur la conformité de l'article 57, § 2, de la loi organique des CPAS avec les articles 6 et 13 de la CEDH, dans la mesure où il empêche de facto des personnes de saisir le Conseil d'État parce qu'elles ne bénéficient d'aucune aide au cours de l'examen de leur demande (Ligue (Fr.) I, point 3).

3.2.1.1.2. Point de vue du ministre

La limitation de l'aide sociale accordée aux illégaux, dont les candidats réfugiés déboutés, n'est pas une nouvelle donnée introduite par la modification de loi du 15 juillet 1996. L'histoire de la création de l'article 57 de la loi organique relative aux CPAS l'indique clairement.

Cette réglementation cadre avec le souhait du gouvernement de mener une politique univoque à l'égard des personnes qui séjournent illégalement sur le territoire. Un principe de base de cette politique est le fait qu'une personne qui séjourne illégalement sur le territoire doit quitter le pays de sa propre initiative.

Au besoin, l'on fournit à l'intéressé les moyens (et l'on prolonge le délai d'exécution de l'ordre) d'organiser son départ. Par ailleurs, l'on doit éviter qu'en octroyant de l'aide sociale l'on l'encourage l'immigration illégale. La politique développée vise à faire une nette distinction entre ceux qui ont des raisons particulières de séjourner temporairement ou pour un temps plus ou moins long dans notre pays et ceux qui n'ont aucune raison valable de rester. Cette distinction est fondamentale. Celui qui appartient à la première catégorie doit obtenir un statut de séjour. Il serait absurde de lui accorder une aide sociale, par exemple parce qu'il ne peut pas regagner son pays, sans lui donner de statut qui lui conféra un droit de séjour. Il est clair, par contre, que celui qui appartient à la seconde catégorie, doit quitter le pays, et ce, dans un premier temps, volontairement. On lui fournit, si nécessaire, les moyens d'organiser son départ, (et on prolonge le délai d'exécution de l'ordre).

La première catégorie compte plus de monde que d'aucuns veulent bien le croire. Les personnes dites « inéloignables », les personnes qui sont gravement malades (et leurs parents éventuels) sont également classées dans cette catégorie. Le ministre renvoie également à la circulaire relative à l'application de l'article 9, alinéa 3, de la loi relative aux étrangers.

Aux personnes qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, sont dans l'impossibilité totale de retourner dans leur pays d'origine ou de se rendre dans un pays tiers, la possibilité d'un séjour temporaire et conditionnel est offerte. Cette réglementation a été précisée dans une circulaire.

Si ce séjour est accordé, l'intéressé peut faire appel à l'aide sociale.

Le ministre serait disposé, au cas où certains CPAS ou certaines communes continueraient à se poser des questions, à rédiger un manuel pratique à ce sujet (et éventuellement à propos d'autres points) à l'intention de ces communes et des CPAS.

Un aperçu de tous ces régimes indique qu'il doit être possible de conférer à toute personne qui a des raisons fondées de rester dans le pays, un statut lui conférant l'un ou l'autre droit de séjour. Mais lorsque l'on constate qu'il n'y a pas de raison fondée, l'on doit aussi pouvoir accepter que l'intéressé puisse et doive quitter le pays.

Il n'empêche qu'un CPAS peut accorder à tout moment et dans n'importe quelle situation, une aide sociale ou une aide d'urgence. Il est clair, pour tout le monde, qu'un CPAS n'est pas punissable pour avoir accordé une aide à une personne qui se trouve en séjour illégal sur le territoire.

En ce qui concerne la conformité de l'article 57, § 2 de la loi organique relative aux CPAS aux articles 6 et 13 de la CEDH, tant la cour du travail de Liège que celle de Bruxelles ont jugé qu'il n'y avait pas d'objection en la matière.

3.2.1.1.3. Constatations de la commission

Pour bien comprendre le problème de l'aide sociale aux réfugiés, il est nécessaire de se rappeler la genèse de la loi du 8 juillet 1976 organique des CPAS, et plus particulièrement des articles 57 et suivants.

À l'origine, la loi sur les CPAS ne contenait en son article 57 qu'un simple principe :

« Le centre (...) a pour mission d'assurer aux personnes et aux familles l'aide due par la collectivité.

Il assure non seulement une aide palliative ou curative, mais encore une aide préventive. Cette aide peut être matérielle, sociale, médicale, médico-sociale ou psychologique (...) ».

Cet article renvoie implicitement, mais sans conteste, à l'article 1er : « Toute personne a droit à l'aide sociale. Celle-ci a pour but de permettre à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine. » L'article 57 amplifie même la portée de l'article 1er .

Ce principe va connaître très vite des modifications et rajouts, visant certaines catégories d'immigrés.

La vague d'immigration devant être arrêtée, et les grandes villes ne supportant plus le fardeau de la présence massive de demandeurs d'asile démunis, ce principe fut modifié pour les illégaux d'abord sans toucher explicitement aux candidats réfugiés :

« Toutefois, s'il s'agit d'étrangers, qui ne sont ni autorisés ni admis à séjourner dans le Royaume, ou d'étrangers qui séjournent illégalement dans le Royaume, l'aide se limite à l'aide matérielle et médicale nécessaire pour assurer la subsistance. Dans ce cas, l'aide ne peut être assurée que par des prestations en nature. » (Loi du 28 juin 1984, Moniteur belge du 12 juillet 1984.)

Puis, sur l'insistance accrue des grandes villes, la loi du 30 décembre 1992 (Moniteur belge du 9 janvier 1993) précise davantage les catégories d'aide accordée aux personnes exclues du système normal de l'aide sociale. L'article 57 est dorénavant scindé en deux paragraphes appropriés, dont le premier porte la règle générale, tandis que le deuxième règle l'aide aux étrangers illégaux. Le nouveau § 2 prévoit une aide plus restreinte :

1) elle doit être uniquement limitée à l'aide strictement nécessaire pour permettre à son bénéficiaire de quitter le pays;

2) elle doit s'arrêter « à dater de l'exécution de l'ordre de quitter le territoire et, au plus tard, au jour de l'expiration du délai de l'ordre de quitter ».

Passé ce dernier délai, il est prévu une ultime prorogation pendant le temps strictement nécessaire pour permettre à ces illégaux de quitter le territoire, étant entendu que cette prolongation de délai ne peut excéder en aucun cas un mois.

Une fois ce tout dernier délai écoulé, il n'est plus accordé à ces illégaux que l'aide médicale urgente. C'est la seule aide possible après la date de l'expiration du délai de l'ordre de quitter plus un mois.

Les demandeurs d'asile déboutés qui se trouvent dans un centre, échappent toutefois à ces restrictions puisque l'Etat continue à leur « assurer l'aide nécessaire pour mener une vie conforme à la dignité humaine » dans ce centre (art. 57ter nouveau).

La loi du 15 juillet 1996 différencie encore ce système, en prévoyant la continuation de l'aide sociale normale, même après la signification de l'ordre de quitter, moyennant signature par le débouté d'une déclaration attestant sa volonté de quitter le territoire aussi vite que possible, sans que cette prorogation ne puisse excéder un mois. L'ordre de quitter doit être exécutoire.

Après cette analyse théorique, la commission constate :

1º que la discussion juridique sur la portée de l'article 57, § 2, de la loi organique des CPAS se poursuit entre les CPAS et le ministre. Alors que le ministre prétend que l'inobservation de cet article par le CPAS n'a de conséquences qu'en matière de subventions, il s'avère que l'on peut avancer des arguments juridiques favorables à la thèse selon laquelle les CPAS ne peuvent accorder aucune aide, si ce n'est de l'aide médicale urgente, aux personnes qui ont épuisé la procédure de demande d'asile et qui ont reçu un ordre exécutoire de quitter le pays. Il s'ensuit qu'indépendamment de l'octroi de subventions, les CPAS, et plus précisément les receveurs, agissent à leurs risques et périls s'ils accordent malgré tout une aide. Ni le ministre de l'Intérieur, ni le secrétaire d'État à l'Intégration sociale ne peuvent y changer quoi que ce soit, puisqu'ils ne représentent aucune autorité de tutelle. Le rôle en question incombe aux communautés ou aux régions;

2º qu'en raison de ces imprécisions, les communes et leurs CPAS mènent de facto une politique discriminatoire, qui va à l'encontre du principe d'égalité et qui peut donner lieu à du « shopping »;

3º que la discussion sur la portée de l'article 57, § 1er , et, même, de l'article 1er de la loi organique des CPAS est rouverte de facto , même si l'on estime, dans le cadre de la jurisprudence, que les dérogations à ces articles ne sont pas contraires au principe d'égalité;

4º que des problèmes sociaux se posent effectivement sur le terrain. La limitation de l'aide entraîne certaines des personnes qui ont épuisé la procédure de demande d'asile sur la voie de la mendicité et de la criminalité.

3.2.1.2. L'aide médicale urgente

La loi du 15 juillet 1996 prévoit que le Roi détermine ce qu'il faut entendre par aide médicale urgente.

L'arrêté royal pris en exécution de cette disposition est celui du 12 décembre 1996, publié au Moniteur belge du 31 décembre 1996.

Il précise que c'est le médecin traitant qui détermine ce qu'il faut considérer comme aide médicale urgente, qui ne peut toutefois pas être une aide financière, un logement ou une autre aide sociale en nature.

3.2.1.2.1. Point de vue des organisations

Les organisations apprécient le règlement enfin mis au point (Point d'appui, I, point 11), certaines se plaignent du fait que sa mise en application laisse subsister des problèmes au niveau des modalités techniques (Centre pour l'égalité des chances, I, point 1; Plate-forme, I, point 6). Certains hôpitaux et pharmaciens ne connaissent pas les mesures et ne les appliquent donc pas. (Point d'appui, I, point 11).

Certaines organisations, comme La Ligue des droits de l'homme conteste la légalité du principe même de la limitation de l'aide pour une certaine catégorie d'étrangers en renvoyant à l'article 23 de la Constitution et à une série d'autres instruments internationaux. [LDH (Fr), I, point 3].

Une autre renvoie, pour sa part, à l'article 1er de la loi sur les CPAS, en se demandant pourquoi l'on ne revient pas au principe que chacun a droit à une vie digne (Caritas, I, point 4).

3.2.1.2.2. Point de vue du ministre

L'arrêté royal du 12 décembre 1996 relatif à l'aide médicale urgente a été publié à grande échelle. Non seulement les CPAS mais également les prestataires de soins ont été informés des modalités pratiques (entre autres le CPAS compétent, le remboursement de la part des autorités fédérales) de cette réglementation. Celle-ci pourrait être largement connue entre-temps.

3.2.1.2.3. Constatations de la commission

L'application de l'arrêté royal du 12 décembre 1996 sur l'aide médicale urgente n'est pas pleinement satisfaisante pour certains sénateurs.

Dans la pratique, il apparaît que les problèmes se posent principalement en raison de la réticence des prestataires de soins et des CPAS, qui craignent de ne pas être remboursés pour l'aide médicale qu'ils ont fournie. C'est pourquoi le secrétaire d'État Peeters a déclaré le 11 juin 1997 devant la commission des Affaires sociales qu'il adresserait au corps médical et aux hôpitaux une circulaire claire, dans laquelle :

­ il attirerait leur attention sur leur obligation de fournir une aide médicale urgente;

­ il leur assurerait que cette aide serait également remboursée;

­ il confirmerait expressément que les données médicales qu'ils fourniraient en vue d'obtenir ce remboursement ne seraient pas transmises aux instances chargées du rapatriement;

­ il soulignerait qu'eux-mêmes ne sont pas non plus autorisés à transmettre ces données.

Le secrétaire d'État Peeters a informé les CPAS, par la circulaire du 27 janvier 1997, de l'existence de l'arrêté, de sa portée et de la procédure en matière de remboursement des frais. En outre, le secrétaire d'État a mentionné une circulaire qu'il préparait en collaboration avec le ministre Colla et qui serait adressée aux prestataires de soins, dont les 35 000 médecins environ que compte notre pays, ainsi qu'aux institutions de soins.

Au cours d'une audition devant la commission de l'Intérieur le 18 novembre 1997, il est apparu que la circulaire destinée aux prestataires de soins n'avait pas encore été envoyée, ou du moins qu'elle ne l'avait été que partiellement et que ce retard était dû à des problèmes de traduction. La circulaire aurait déjà été diffusée ou le serait bientôt par Internet ou par des publications des associations professionnelles.

Pour que le système de l'aide médicale urgente fonctionne bien, il faut que les intéressés sachent parfaitement à quoi ils doivent s'en tenir; on peut dès lors se poser des questions sur la lenteur avec laquelle les informations sont diffusées et notamment sur la réticence manifeste du Gouvernement à donner la diffussion la plus large possible à la circulaire destinée au corps médical.

Par ailleurs, il apparaît que malgré la circulaire du 27 janvier 1997, une série de CPAS ont toujours des problèmes d'interprétation, et plus particulièrement que la confusion règne encore en ce qui concerne des points essentiels, tels que le contenu précis de la notion d'aide médicale urgente, les frais qui sont remboursés (quid du ticket modérateur, des honoraires supplémentaires ?). La loi du 2 avril 1965 ne permet pas de déterminer avec précision le CPAS qui doit prendre les frais en charge.

La commission rappelle que certains problèmes déjà abordés ailleurs dans le rapport, ont aussi un lien avec le secteur de l'ordre sociale.

3.2.2. Le « délit de solidarité » (article 77)

3.2.2.1. Point de vue des organisations

Les organisations humanitaires se sont plaintes de l'imprécision du libellé du délit de solidarité contenu dans l'article 77 de la loi sur les étrangers. Cette imprécision a amené le tribunal de première instance de Bruges à condamner une dame de nationalité belge cohabitant avec un homme d'origine étrangère résidant en Belgique en séjour illégal, à une peine correctionnelle au motif qu'elle l'hébergeait par amour, ce qui ne rentrait pas dans l'excuse légale de l'aide humanitaire.

Comme rien n'empêche un autre tribunal de prononcer un jugement identique à celui de Bruges, une réglementation légale devient inéluctible [Centre pour l'égalité des chances, I, point 1, Liga Mensenrechten (Nl.), I, point 2]. Il y a lieu également de s'attaquer au problème posé par d'autres condamnations inéquitables (Plate-forme, I, point 6).

3.2.2.2. Point de vue du ministre

Le ministre souligne que, dans la période précédant son adaptation, la loi était plus claire. La jurisprudence le démontre : une condamnation seulement entre 1980 et 1996, et encore a-t-elle été réformée par la cour d'appel de Gand. Aussi avait-il déconseillé, en 1996, d'amender le texte, car la proposition risquait de créer la confusion, ce qui s'est malheureusement vérifié. Les nouvelles propositions risquent d'avoir le même effet.

3.2.2.3. Constatations de la commission

Il sied de rappeler que l'article 77 de la loi ne punissait que ceux qui avaient aidé ou assisté un étranger à entrer illégalement en Belgique.

Le but poursuivi par cette disposition était de punir les faussaires de passeports ou les « passeurs ».

La loi du 1er juin 1993 a augmenté les amendes.

La loi du 15 juillet 1996 a d'une part étendu le champ d'application du délit à ceux qui aident un étranger à entrer dans la zone Schengen, et a, d'autre part, nuancé cet article en limitant ses effets aux vrais trafiquants, en exceptant l'aide ou l'assistance qui est offerte à l'étranger pour des raisons purement humanitaires.

Il est généralement admis que les représentants d'institutions comme le CPAS, la Croix Rouge, etc. ne courent aucun risque, mais vu les avatars de la femme condamnée pour amour par le tribunal de Bruges, il y a lieu s'interroger, même si ce jugement a été réformé en dégré d'appel, pour aboutir à un acquittement. Deux propositions de loi (1-648/1 de Mme Merchiers et consorts et 1-659/1 de Mme de Bethune et consorts) ont été déposées en vue préciser, par une loi interprétative, la notion d'aide humanitaire octroyée par une personne physique.

Ces deux propositions, en voulant mettre l'accent sur le caractère nécessairement désintéressé de l'aide excusable, risquent de ne pas couvrir tous les cas excusables.

Que doit-on penser d'un médecin qui aide un illégal en l'hospitalisant, le faisant de ce fait échapper aux recherches de la police ? L'aide étant accordée contre paiement d'un honoraire, on ne peut pas parler, en l'espèce, d'un aide bénévole au sens strict du terme.

La commission a reçu des indications que, même si elle a été réformée en appel, une condamnation a donné, à tort, aux personnes qui, au sein de la société, ont cette problématique à coeur, l'impression qu'elles sont passibles de peines lorsqu'elles fréquentent à un étranger qui séjourne illégalement en Belgique.

3.3. Régularisation

3.3.1. Nécessité d'une politique de régularisation cohérente

3.3.1.1. Point de vue des organisations

­ Le concept politique du Gouvernement n'est pas clair. Il y a une absence totale de culture de dialogue. Il faut une politique créative qui se fonde sur les droits de l'homme (Steunpunt , I, point 10).

­ Les lois qui se sont succédées ont rogné de plus en plus les droits fondamentaux. Il faut en arriver à une véritable échelle des valeurs, de sorte que la lutte contre les abus ne fasse pas obstacle au respect des droits de l'homme des étrangers [Ligue (Fr.), I, point 3].

­ La longueur des délais d'attente et le caractère arbitraire de certaines décisions à l'Office des étrangers empêchent de mener une politique harmonieuse de régularisation (OCIV, I, point 8).

­ En insistant trop sur la méfiance, on pousse l'étranger à la clandestinité [Liga (Nl.), I, point 2].

­ Les propositions du ministre en matière de régularisation (notamment concernant la circulaire relative à l'article 9, 3e alinéa, de la loi sur les étrangers) contiennent des critères qui ne sont pas suffisamment clairs. Il faut faire clairement la distinction entre ceux qui remplissent les conditions juridico-administratives pour être régularisés et ceux qui méritent de bénéficier d'un titre de séjour pour des raisons purement humanitaires (Centre pour l'égalité des chances, I, point 1).

­ Il ne suffit pas de prévoir des solutions purement formelles par le biais de circulaires : il faut une régularisation massive pour certaines catégories (CIRÉ, I, point 9).

3.3.1.2. Point de vue du ministre

À plusieurs reprises, le ministre a fourni des explications très détaillées concernant la politique de régularisation, la vision qui la sous-tend ainsi que la manière dont elle est mise en oeuvre. Il l'a fait notamment par le biais de la note de politique qui est présentée chaque année au Parlement. Dès lors, l'on peut difficilement prétendre qu'aucune vision ne sous-tend la politique de régularisation. L'on peut affirmer tout au plus que l'on n'est pas d'accord avec la vision sur laquelle est fondée cette politique de régularisation, ou avec certains points de celle-ci.

Dans plusieurs notes, notamment les notes de politique qui ont été présentées au Parlement, l'on explique pourquoi le Gouvernement ne souhaite pas procéder à une régularisation généralisée de la situation des personnes qui séjournent en permanence en Belgique de manière illégale depuis une date déterminée. En effet, une telle politique risque de créer davantage de problèmes qu'elle n'en résoudrait.

Néanmoins, le ministre offre la possibilité, à certaines catégories particulières, de régulariser leur situation ou d'obtenir un statut leur accordant un permis de séjour, parce que l'octroi d'un tel statut se justifie pour des raisons particulières dans certaines situations.

C'est ainsi, qu'entrent en ligne de compte pour une régularisation sous certaines conditions :

­ les demandeurs d'asile dont la demande d'asile n'a été examinée qu'au bout d'une longue période;

­ les personnes qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, ne peuvent pas rentrer dans leur pays;

­ les personnes déplacées venant de Bosnie;

­ les personnes gravement malades.

La situation de toutes ces personnes est évaluée sur la base de critères clairs et objectifs; il y a toujours une liberté d'évaluation discrétionnaire, fût-elle minimale. La supprimer rendrait le système plus rigide, si bien qu'il y aurait moins de régularisations.

Le nombre de régularisations est plus élevé qu'on veut le faire croire généralement. Une série de chiffres est soumise au Parlement pour rappel.

Également en ce qui concerne ce point de vue, des accords clairs ont été établis dans le plan de gestion avec l'Office des étrangers, tant sur les critères pour le traitement des dossiers, que pour l'organisation de l'Office (par exemple les délais dans lesquels une décision doit être prise, programme pour l'examen d'office de demandeurs d'asile qui attendent une décision depuis longtemps).

3.3.1.3. Constatations de la commission

La commission constate qu'il n'y a aucune vision globale objective et transparente d'une politique de régularisation; celle-ci n'a fait l'objet d'aucune note ni d'aucun débat politique.

Il existe seulement des directives ponctuelles concernant certains groupes cibles :

­ les demandeurs d'asile de longue durée;

­ les personnes concernées par la régularisation pour des raisons humanitaires (art. 9, 3º alinéa);

­ les Bosniaques, concernés par une circulaire spéciale;

­ les non-éloignables, qui font l'objet d'une circulaire (avec prolongation de l'ordre de quitter le territoire).

En outre, les auditions ont montré qu'en matière de procédure de régularisation, il arrive souvent que l'on ne sache pas qui, à l'Office des étrangers, traite certains dossiers, quelle est la compétence de ces personnes, s'il y a une concertation, etc.

Ceci comporte un danger d'arbitraire

3.3.2. Demandeurs d'asile attendant une décision depuis trop longtemps

3.3.2.1. Point de vue des organisations

En cas d'appel de la décision négative de l'Office des étrangers concernant la recevabilité de la demande de droit d'asile, il peut se passer des années avant que l'auteur de celle-ci ne soit à nouveau entendu (CNAPD, I, point 16), si bien qu'au moment où sa demande est finalement refusée, il est souvent déjà intégré. Par conséquent, il n'est pas normal de lui demander une nouvelle fois de prouver qu'il est intégré sans faire référence à des critères objectifs (CNAPD, loc. cit. ). Une régularisation générale au bout de cinq ans de séjour en Belgique serait une solution [Point d'appui, I, point 11, Liga (Nl.) I, point 2].

Les anciens réfugiés zaïrois constituent un groupe spécifique. Ils ont sombré dans un profond désespoir en raison de revirement subit de la situation dans leur pays.

Les motifs sur lesquels se fondait leur demande d'asile ne sont tout à coup plus valables, alors que le nouveau régime ne signifie pas nécessairement qu'ils ne courent plus aucun danger.

La Commission permanente de recours a profité de l'occasion pour accélérer brusquement l'examen de toute une série de ces dossiers, dans le but de décider subitement, au moyen d'une procédure accélérée, du sort de ces personnes, qui attendent ici une décision depuis des années. Elle n'a pas tenu compte de la nouvelle situation au Congo. La Commission de recours part du principe que celui qui se trouve dans ce cas doit d'abord retourner dans son pays pour aller vérifier sur place, puis prouver, qu'il doit encore craindre pour sa vie ou pour son intégrité physique (cf. Avocats, I, point 15, CNAPD, I, point 16).

3.3.2.2. Point de vue du ministre

Le ministre confirme qu'il a opté pour une politique consistant à régulariser la situation des demandeurs d'asile qui attendent depuis longtemps une décision (indépendamment de leur volonté) et qui se sont intégrés dans notre société ou qui ont fait des démarches en vue de s'intégrer. À cet égard, l'on examine chaque dossier individuel sur la base de critères objectifs. Les dossiers qui ont été introduits avant le 1er janvier 1991 ont été examinés d'office, ceux qui ont été introduits en 1992 et à propos desquels aucune décision n'a encore été prise ont été examinés d'office avant la fin de 1997, quant aux dossiers qui ont été introduits en 1993, ils seront examinés avant la fin du mois de septembre 1998. Le ministre a également laissé entendre que l'on examinera d'office les dossiers qui ont été introduits en 1994 en vue d'une régularisation.

Selon le programme précité, l'examen d'office, à savoir un examen concernant la régularisation de chaque dossier qui n'a pas encore été bouclé, s'effectue sans qu'une demande de régularisation n'ait été introduite. Par ailleurs, il existe le programme d'examen de toute demande individuelle, indépendamment de la date d'introduction de la demande d'asile. Ces demandes sont examinées selon les mêmes critères. Mais pour celles-ci, la chance de régularisation est mince, étant donné qu'en règle générale la condition de base n'est pas remplie, à savoir la durée trop longue de la procédure d'asile.

3.3.2.3. Constatations de la commission

La commission constate que les procédures peuvent durer des années, surtout en cas d'appel. Ainsi arrive-t-il que des demandeurs d'asile se soient déjà complètement intégrés dans la société belge au moment où leur demande est rejetée.

Ces étrangers, et souvent une grande partie de la population locale, ressentent alors l'expulsion comme une injustice. Leur départ forcé résulte, d'une application purement mécanique de la loi tandis que la perception personnelle de l'événement est tout autre. Cette dualité est à la base de l'incompréhension à l'égard de la politique même.

La commission constate qu'il existe très peu de statistiques sur ces situations, ce qui ne lui permet que difficilement de se faire une idée de l'ampleur du phénomène.

3.3.3. Les non-éloignables

Une catégorie particulière d'étrangers sont ceux que l'on ne peut pas éloigner parce qu'ils ne peuvent plus retourner dans leur pays d'origine, souvent parce que celui-ci est plongé dans l'une ou l'autre guerre civile.

Un autre groupe d'étrangers ne pouvant être éloignés est constitué par les illégaux qui sont frappés d'une maladie qu'ils ne peuvent faire soigner dans leur pays.

3.3.3.1. Point de vue des organisations

La seule façon de résoudre le problème des illégaux que l'on ne peut pas éloigner est de régulariser, fût-ce temporairement, leur situation (Centre, I, point 1).

L'unique solution pour les personnes techniquement inexpulsables est souvent d'entrer dans le circuit illégal, sans aide légale ni perspective de retour [Ligue (Nl.), I, point 2].

Il arrive, dans cette situation, que l'étranger est parfois renvoyé dans un État autre que celui dont il est originaire [Ligue (Nl.), loc. cit. ].

Les malades sont parfois renvoyés à tort, alors que leur maladie ne peut être soignée dans leur pays. Voilà pourquoi les organisations dénoncent le fait que divers médecins spécialistes sont désavoués par un médecin contrôleur désigné par le ministre, lequel, ne connaît pas bien la pathologie et se prononce plutôt à la légère quant aux possibilités de soigner ces maladies dans le pays d'origine. [CNAPD, I, point 16; Point d'appui, I, point 11; Ligue (Fr.), I, point 3.]

3.3.3.2. Point de vue du ministre

En ce qui concerne les personnes que l'on ne peut pas éloigner techniquement (par ex. celles qui ne peuvent plus retourner dans leur pays parce qu'elles ne peuvent pas obtenir les documents de voyage nécessaires à cet effet ou parce qu'une situation de guerre règne dans celui-ci), le ministre indique une nouvelle fois qu'elles peuvent compter sur un statut de séjour lors de l'application de la circulaire relative aux personnes qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté ne peuvent retourner chez elles. Après octroi de ce statut de séjour, l'intéressé peut sans hésitation faire appel à l'aide sociale.

En ce qui concerne les malades, il existe un régime particulier qui est indépendant des régimes applicables pour ce qui est des demandeurs d'asile qui ont dû attendre très longtemps une décision ou en ce qui concerne des personnes qui sont dans l'impossibilité de rentrer dans leur pays pour des raisons indépendantes de leur volonté. Pour ce qui est de l'application de ce régime, l'avis du médecin est effectivement capital. L'on fait appel à ce médecin lorsque le service compétent n'arrive pas à apprécier la gravité de la maladie ou la possibilité de retour.

Le ministre reconnaît que, lorsque l'on tarde à prendre une décision, les personnes malades (ou leurs parents) peuvent connaître des difficultés. Il s'engage dès lors à évaluer le régime en vigueur et à fixer des délais pour prévenir des situations socialement inadmissibles.

3.3.3.3. Constatations de la commission

La commission constate qu'il existe effectivement une catégorie d'étrangers non éloignables pour lesquels aucune solution n'a été trouvée jusqu'à présent.

Le ministre vient de rédiger une circulaire, instaurant une procédure grâce à laquelle l'étranger qui ne peut être éloigné et qui a reçcu l'ordre de quitter le territoire peut (temporairement) faire suspendre cet ordre.

Pour les personnes qui ne peuvent quitter le territoire pour des raisons indépendantes de leur volonté, une prolongation de l'ordre de quitter le territoire leur sera accordé et avec elle, l'aide sociale.

Toutefois, l'étranger doit faire la preuve qu'il ne peut quitter le territoire, ce qui n'est pas toujours possible.

De même faut-il constater que malgré le fait que l'article 57 de la loi sur les CPAS soit devenu plus clair en ce qui concerne l'instant de l'arrêt de l'aide normale, en précisant que l'étranger doit avoir reçu un ordre de quitter exécutoire, tout n'est pas résolu.

Cela implique bien sûr que s'il dispose d'un sursis, il continuera de bénéficier de l'aide sociale normale. Ceci n'est pas le cas s'il a introduit un recours en annulation et même en suspension auprès du Conseil d'État contre son ordre de quitter le territoire. Cette dernière exclusion est regrettable, parce que le Conseil d'État se prononce en général très vite en référé, et qu'on ne saurait dès lors parler d'une véritable manoeuvre dilatoire dans le chef de celui qui prend cette initiative.

Cette mesure constitue une évolution favorable. Il convient encore d'élaborer une solution plus claire pour certaines autres catégories, comme les malades graves ou les Congolais.

En ce qui concerne les malades, la commission constate qu'il n'y a pas de critères objectifs et que tout est laissé à l'appréciation du ministre, qui se base uniquement sur l'avis d'un médecin non spécialisé.

3.3.4. Les étrangers que l'on ne peut éloigner pour d'autres motifs

3.4.1. Point de vue des organisations

Il faudrait élaborer une solution distincte pour les étrangers qui n'osent pas rentrer dans leur pays par crainte pour leur vie ou pour leur sécurité, mais ne satisfont pas aux conditions individuelles à remplir pour pouvoir obtenir le droit d'asile. Il s'agit de personnes qui courent un danger parce qu'elles appartiennent à un groupe spécifique comme les ressortissants du Kosovo (Centre, I, point 1; Plate-forme, I, point 6), les intellectuels algérien, la cible privilégiée des fondamentalistes islamistes (Amnesty, I, point 5; CNAPD, I, point 16). Surtout dans les cas où le CGRA a inséré une clause de non-refoulement dans sa décision de rejet (OCIV, I, point 8) une régulation spécifique devait être élaborée.

Certaines organisations, comme le CNAPD, suggèrent la création, pour certaines catégories d'étrangers, d'un « Statut-B ».

En effet, certains étrangers ne peuvent accéder à un statut de réfugié politique parce que leur pays est en proie à une guerre civile, qui l'exclut du champ d'application de la Convention de Genève.

Il s'agit de pays tels que le Libéria, la Sierra Leone et l'Algérie.

Le CGRA, lorsqu'il refuse l'asile politique à une personne pareille, n'omet jamais de mentionner un avis de non-reconduction (CNAPD, I, point 16).

En ce qui concerne les malades, il n'existe qu'une solution fragmentaire, à savoir celle de la reconnaissance du droit à l'aide médicale urgente. Elle ne va pas de pair avec un droit de séjour. Toutefois, dans les cas où le ministre apprécie les choses souverainement, un droit de séjour provisoire est accordé aux malades qui ont besoin de soins urgents ou non. Le système des médecins contrôleurs désignés par le ministre ouvre trop largement la porte à l'arbitraire [Plate-forme, loc. cit. ; Liga (Fr.); Point d'appui, I, point 11; CNAPD, loc. cit. ].

Il y a, par ailleurs, ceux qui séjournent de facto illégalement en Belgique, depuis plus ou moins longtemps (Centre, I, point 1). Il faut également trouver une solution à leur problème.

Le rapport adressé au ministre français par M. Patrick Weil en juillet 1997 propose également de créer un nouveau statut pour certaines personnes persécutées ou pouvant craindre des persécutions dans leur pays d'origine. On peut lire à la page 14 du rapport Weil :

« Il n'est pas acceptable qu'un responsable de parti ou d'association de défense des droits de l'Homme, un syndicaliste, un journaliste, quiconque combat effectivement pour la liberté au sens que lui donne notre propre tradition constitutionnelle, ne puisse pas obtenir le statut de réfugié, sous prétexte qu'il ne répond pas aux critères de la Convention de Genève telle qu'interprétée par notre jurisprudence.

S'agissant d'un demandeur qui n'aurait pu se voir attribuer le statut de réfugié soit au titre de la Convention de Genève, soit au titre de la Constitution, mais qui risquerait la persécution s'il était renvoyé dans son pays, nous proposons d'inscrire dans la loi la pratique actuelle : le directeur de l'OFPRA transmet, avec avis, la demande d'asile au ministre de l'Intérieur. Celui-ci décide ou non de l'attribution d'un titre d'asile temporaire d'une durée d'un an, qui vaudrait autorisation de travail. Ce statut concerne en France, quelques centaines de personnes persécutées par des groupes terroristes, ou courant des risques vitaux en cas de retour dans leur pays d'origine sans être pour autant des « combattants de la liberté ». Différents cas individuels pourraient se présenter, qu'il n'est pas nécessaire d'énumérer dans la loi afin de laisser aux autorités une souplesse d'appréciation conséquente ».

3.3.4.2. Point de vue du ministre

Le ministre conteste l'urgence d'introduire un statut de protection temporaire. Celui qui a besoin d'une protection peut l'obtenir en application de la réglementation actuelle. La plupart des personnes entrent en considération en application de la Convention de Genève : la zone d'application de la convention est plus large que certains veulent le croire. Par ailleurs, il existe une réglementation pour les personnes dites inexpulsables : ce champ d'application est assez large et recouvre plus de situations que celles des personnes qui ne peuvent pas obtenir les documents de voyage nécessaires à cause de l'attitude des autorités de leur pays.

En ce qui concerne l'application de la circulaire relative aux personnes dites inexpulsables, la signature d'une déclaration de départ volontaire est d'une importance essentielle afin de leur faire comprendre que l'on ne peut compter que temporairement ­ tant que les circonstances qui rendent le retour impossible sont présentes ­ sur un statut de séjour.

L'exemple des Bosniaques ne peut être utilisé comme preuve pour l'introduction d'un statut spécial. En effet, la situation des Bosniaques était très spécifique et l'introduction du statut a été discutée au niveau européen. Sous ces conditions, l'introduction du statut de personne déplacée peut être considérée à l'avenir pour une situation particulière, ce que le gouvernement belge défend au niveau européen. À cet effet, la proposition de la Commission européenne constitue une bonne base et est appuyée par la Belgique.

Enfin, le ministre indique qu'il faut être prudent en reprenant des propositions françaises si celles-ci sont issues d'une autre situation réelle et juridique.

Tout d'abord, notre Constitution, contrairement à celle de la France, ne comprend pas de principes en matière d'asile, de sorte que nous ne pouvons les respecter. Par ailleurs, la juridiction belge est, en ce qui concerne la Convention de Genève, plus étendue que la juridiction française, étant donné que les instances d'asile belges reconnaissent également la persécution en dehors du pays comme fondement de reconnaissance. La Belgique n'a dès lors pas besoin d'un statut de combattant de la liberté, qui sera d'ailleurs accordé en France par le ministre.

Si la proposition française doit être suivie, ceci implique un renforcement préalable de la jurisprudence d'asile belge, renforcement non souhaitable selon le ministre.

Lorsque des instances indépendantes et spécialisées affirment qu'une personne peut retourner dans son pays d'origine, cette personne se trouve dans l'obligation de retourner chez elle, indépendamment du fait qu'elle estime pouvoir le faire ou non. Sa crainte subjective est en effet jugée non fondée. L'affirmation que ces personnes ne veulent pas signer pour des raisons évidentes une déclaration de départ volontaire est dès lors tout sauf évidente.

3.3.4.3. Constatations de la commission

La commission constate qu'il y a bel et bien des problèmes.

Il paraît réaliste, à certains membres de la commission, que le statut de déplacé soit octroyé aux ressortissants de tous ces pays, et pas seulement aux Bosniaques, et ce malgré l'opposition du ministre.

Il est vrai que celui-ci a amélioré considérablement le sort des « non-renvoyables » par sa circulaire du 10 octobre 1997 (Moniteur belge du 14 novembre 1997) mais il s'agit là d'une possibilité pour l'étranger comme pour le ministre, sans plus. Le réfugié n'en retire aucun droit, tandis que le ministre juge au cas par cas, et seulement pour une période limitée. Ceci a pour effet d'empêcher la stabilisation du réfugié débouté, ce qui est humainement difficile à supporter.

La circulaire relative aux étrangers ne pouvant être éloignés règle la procédure permettant à un étranger qui a reçu l'ordre de quitter le territoire de le faire suspendre temporairement. S'il obtient cette suspension, l'étranger séjourne à nouveau légalement dans le pays et il peut également bénéficier d'une aide du CPAS. Si les demandeurs d'asile ayant épuisé toutes les procédures veulent faire usage de cette possibilité, ils doivent signer une déclaration de départ volontaire et produire une certain nombre de pièces justificatives.

Cette circulaire ne résout pas en fait le cas des demandeurs non reconnus comme réfugiés qui ont épuisé toutes les procédures, mais n'osent quand même pas rentrer au pays par crainte pour leur vie ou leur sécurité. Pour des raisons évidentes, ces personnes ne peuvent ni signer une déclaration de départ volontaire, ni produire les pièces justificatives requises, qui n'ont en réalité pas grand-chose à voir avec la raison profonde de leur demande, à savoir la crainte de rentrer chez elles.

La commission estime qu'il faut prévoir un statut B. D'aucuns pensent, en faisant référence au rapport Weil, qu'il conviendrait que la Belgique s'inspire d'un tel projet d'origine légale, afin de s'offrir la même latitude en matière de politique d'accueil et la même conformité à ses propres principes.

En ce qui concerne l'expulsion d'étrangers malades, la commission se dit préoccupée par le choix des critères maintenus et par le système des médecins-conseils.

Ces médecins sont souvent des généralistes qui n'hésitent pas, semble-t-il, à aller, sur la base ou non d'une expertise médicale convenable, à l'encontre de l'avis de leurs collègues spécialistes. Le système même, dont l'existence n'est pas réglementée au plan légal, n'a guère de poids face aux règles déontologiques relatives au secret médical.

Comme la décision d'expulsion dépend étroitement de ce contrôle médical, il convient de repenser tout le système.

Il y a enfin la catégorie des étrangers « en séjour illégal » qui n'ont plus droit à l'aide normale depuis la loi du 30 décembre 1992. C'est le cas pour certaines catégorie d'étrangers dont la présence est tolérée sur le territoire en dépit du fait qu'ils ne disposent plus d'un titre de séjour valable : les personnes ayant introduit une demande de régularisation pour des motifs humanitaires (article 9, alinéa 3) toujours à l'examen, les personnes ayant fait l'objet d'une décision de refus de séjour ou d'établissement sans ordre de quitter le territoire, les personnes dont le titre de séjour est venu à expiration mais qui n'ont pas reçu l'ordre de quitter le territoire.

La circulaire ne règle pas le problème de tous les « inexpulsables » qui ne rentrent pas dans les conditions prévues par celle-ci.

3.3.5. La régularisation sur la base de circonstances exceptionnelles (article 9, alinéa 3, de la loi sur les étrangers)

3.3.5.1. Point de vue des organisations

Certaines organisations prônent une sorte d'« amnistie administrative » pour tous les illégaux se trouvant en Belgique. Elles estiment que cette régularisation peut se faire sur la base de l'article 9, alinéa 3, de la loi sur les étrangers. Certaines veulent confier une tâche d'avis préalable à une commission neutre, fixant ses propres critères (Centre, I, point 1). D'autres veulent donner le pouvoir décisionnel à pareille commission [Ligue (Fr.), I, point 3].

L'on constate que le ministre prépare une circulaire qui peut avoir son utilité pour les étrangers techniquement inéloignables mais pas pour la majorité des étrangers en situation illégale qui risquent d'entrer sous peu dans la première catégorie (OCIV, I, point 8).

La jurisprudence de l'OE a permis à bon nombre d'étrangers d'obtenir une régularisation, sur la base des critères suivants; c'est-à-dire, un séjour de plus de 4 ans et une intégration sociale, économique et familiale. L'on note toutefois un raidissement de cette pratique assez souple. Ceci mène à penser qu'il faut définir des critères clairs de régularisation (CNAPD, I, point 16).

Des exemples plus aigus peuvent se présenter : lorsqu'un étranger qui n'est pas en règle veut se marier avec une Belge, il lui est imposé par la loi belge un aller-retour inutile dans son pays d'origine, rien que pour attendre son permis de séjour, alors qu'il est déjà en Belgique. Une régularisation sur place s'impose alors (CNAPD, loc. cit. ).

3.3.5.2. Constatations de la Commission

La circulaire du 9 octobre 1997 du ministre de l'Intérieur, publiée au Moniteur belge le 14 novembre 1997, portant sur les régularisations sur base du troisième alinéa de l'article 9 de la loi sur les étrangers, est un pas dans le sens souhaité par la commission.

Il accorde une certaine importance à l'apport du bourgmestre. Dorénavant, son avis est prévu explicitement, bien qu'étant facultatif.

Le ministre devra de toute évidence en tenir compte. Même si la décision est négative, il devra motiver son refus par rapport aux éléments contenus dans l'avis, en vertu de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs.

Certains membres estiment que l'on pourrait aller un pas plus loin en prévoyant que le ministre devrait suivre un avis positif rendu par le bourgmestre, sauf à démontrer qu'il existe des raisons péremptoires pour décider dans le sens contraire, comme l'existence d'éléments liés à l'ordre public, des vices de procédures, etc.

Afin d'éviter les avis trop pris à la légère, l'on pourrait les faire accompagner par un dossier comprenant également l'avis du commissaire de police et du président du CPAS local.

Ce rôle prépondérant du bourgmestre se justifierait par le fait qu'il connaît la situation sur place et qu'il devra assumer sa prise de position non seulement seulement politiquement mais également administrativement. Il doit en effet faire inscrire l'étranger dans sa commune et, le cas échéant, le faire prendre en charge par le CPAS, et donc faire assumer le fardeau de l'aide par ses concitoyens.

Afin d'éviter des avis trop complaisants, il faudrait peut-être prévoir que l'étranger reste lié à la commune qui lui délivre sa carte de séjour. S'il change de domicile, il devrait y avoir un filtre, par exemple en demandant l'avis du bourgmestre de la nouvelle commune qui, pourra dénoncer la manoeuvre si mauvaise foi, il y a, ce qui pourrait alors entraîner les déchéances du permis.

3.3.5.3. Point de vue du ministre

Le ministre déclare qu'en prenant la décision, il tient bien entendu compte de l'avis du bourgmestre, qui est estimé important. Il ne peut toutefois pas accepter que l'on aille plus loin et que l'on confère, par exemple, un caractère impératif à un avis positif. Cela reviendrait à accorder, dans les faits, au bourgmestre, un pouvoir de décision et à politiser et « subjectiver » inutilement la politique de régularisation, ce dont l'étranger n'aurait finalement qu'à pâtir. Il va de soi que la plupart des bourgmestres exercent scrupuleusement leurs compétences, mais il n'est pas impensable qu'un certain nombre d'entre eux puisse émettre systématiquement un avis positif et d'autres systématiquement un avis négatif. Le risque d'une décision « à la tête du client » est trop grand.

Disposer que l'étranger reste lié à la commune peut soulever des problèmes eu égard au principe de la liberté de domicile et en principe de la sécurité juridique. Lors d'un déménagement vers une grande agglomération, par exemple, l'on peut perdre son titre de séjour.

4. L'éloignement du territoire

4.1. Conditions d'hébergement et de détention des personnes en voie d'éloignement

4.1.1. Point de vue des organisations

S'agissant des conditions de détention, les organisations ont formulé les remarques suivantes :

­ indépendamment des conditions de détention, la détention tient lieu de moyen dissuasif pour les futurs demandeurs d'asile (AI, I, point 5);

­ on pose la question de savoir si le maintien de personnes dont la seule faute est de s'être vu débouter de leur demande d'asile et de ne pas souhaiter quitter le pays ne constitue pas une violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui interdit les actes de cruauté et les actes inhumains (OCIV, I, point 8);

­ étant donné que les autorités responsables ne communiquent à l'extérieur aucune indication concernant l'administration et le fonctionnement des centres fermés, on ne sait quasiment rien des garanties du respect des droits de l'homme, des éléments d'appréciation de la décision d'internement et de la procédure qui aboutit à l'éloignement du territoire (Centre, I, point 1);

­ il n'existe aucune disposition particulière pour les ménages avec enfants (Centre, loc. cit. ) qui sont parfois internés dans une institution pendant plusieurs mois (Point d'appui, I, point 11);

­ des mineurs d'âge non accompagnés seraient, eux aussi, parfois maintenus dans des centres (Centre, loc. cit. );

­ les possibilités de communication avec les personnes maintenues dans les centres 127 et 127bis sont très restreintes (AI, loc. cit. );

­ il faudrait définir clairement les objectifs des systèmes de détention que nous connaissons actuellement (Steunpunt begeleiders uitgeprocedeerden, annexe 7 du présent rapport) et fixer des critères qualitatifs;

­ plusieurs personnes retenues dans les centres se plaignaient de situations de maltraitance (Plate-forme, I, point 6; Point d'Appui, loc. cit. );

­ l'aspect carcéral et hautement sécuritaire des centres contribue à une criminalisation progressive de la demande d'asile (Point d'Appui, loc. cit. );

­ le règlement général d'ordre intérieur des centres fermés permet l'utilisation de menottes, d'entraves aux pieds, de la camisole de force ou de la cellule d'isolement (Point d'Appui, loc. cit. );

­ l'enfermement est un nouveau traumatisme pour des gens qui ont déjà vécu un parcours dramatique (Plate-forme, loc. cit. , Point-d'Appui, loc. cit. ); cette situation est particulièrement pénible pour les enfants (Plate-forme, loc. cit. );

­ le « Comité de prévention contre la torture » stipule « qu'il y aurait lieu d'éviter autant que possible, dans la conception et l'agencement des lieux, toute impression d'environnement carcéral » (AI, loc. cit. ).

Beaucoup d'associations, ONG, ASBL, n'ont pas accès aux centres et ne peuvent dès lors pas aider les étrangers dans différentes démarches utiles (juridiques, sociales, familiales).

4.1.2. Constatations de la commission

Certains parlementaires de la commission de l'Intérieur ont visité des institutions d'hébergement comme le Petit-Château, un centre ouvert, ainsi que les centres fermés 127 et 127bis et le centre Inads.

S'il apparaît que les conditions générales d'accueil, d'hébergement et d'hygiène sont satisfaisantes dans la plupart des centres, il faut toutefois relever que le centre 127 aurait besoin d'une rénovation complète.

La commission note toutefois que le ministre Flahaut, responsable de la Régie des Bâtiments, annonce le lancement d'un projet à la suite de négociations avec la BATC.

Le Petit-Château aurait également besoin d'une rénovation de la même ampleur.

Il est nécessaire que le ministre de l'Intérieur affirme clairement quelles sont ses priorités et développe un programme de rénovation.

Plusieurs membres de la commission estiment que le régime de détention dans ces centres est équivalent au régime de détention en prison et, à certains égards, plus dur que ce dernier : ceci en raison du fait que :

­ il n'y a pas de fin prévue à cette détention;

­ il n'y a pas de contact avec l'extérieur;

­ il n'y a pas d'avertissement de la date d'expulsion, ce qui fait que ces gens vivent dans une crainte et une incertitude continuelles.

La commission a pris connaissance du projet de règlement interne des centres fermés. Elle constate en premier lieu que tant que ces dispositions ne sont pas entrées en vigueur, il subsiste une insécurité juridique. Elle constate par ailleurs que les mesures coercitives prévues sont lourdes de conséquences.

Certains sénateurs se demandent si l'on organise suffisamment d'activités de loisir ou sportives, et ce en dépit du fait que les centres disposent d'infrastructures qui leur permettent (salle polyvalente, terrains de sports, jeux, ....) d'organiser de telles activités.

Psychologiquement, il est très important que des personnes qui séjournent dans des centres fermés aient une occupation. Des petits travaux, tels que l'on en réalise dans les prisons, seraient donc les bienvenus. L'on a informé la commission que l'arrêté royal visant à régler les conditions de cette occupation , et qui devrait être pris en exécution de la loi sur les étrangers (article 74/8, § 4), n'est pas encore prêt.

Elle déplore que des mineurs soient détenus dans ces centres au mépris des conventions internationales et notamment celle des droits de l'enfant, que la Belgique a ratifiée.

Elle estime que l'aspect carcéral et sécuritaire des centres contribue à criminaliser progressivement le demandeur d'asile et l'étranger.

Elle estime que, pour certaines personnes, le fait de résider dans ces centres est néfaste, notamment pour des personnes ayant subi un traumatisme grave ou des personnes à la santé mentale fragile et ce, malgré l'existence de services médicaux dans les centres.

En ce qui concerne la maltraitance éventuelle de personnes détenues, une membre a formulé une demande d'explications concernant certains faits qui se seraient produits à Merksplas et qui auraient conduite à des comportements violents.

4.1.3. Point de vue du ministre

Le ministre est d'accord que le centre 127 doit être remplacé, mais il conteste vivement que personne n'ait pris l'initiative de faire quelque chose en la matière. Si la commission le désire, elle peut consulter les initiatives déjà prises ainsi que l'échange de courrier d'où il ressortira que le ministre et l'administration sont, depuis déjà deux ans à la recherche d'un emplacement adéquat. Cette recherche semble avoir enfin abouti. C'est ce qui ressort de la convention que le ministre Flahaut a passée avec la BATC. Les moyens financiers sont prévus dans le plan pluriannuel de la Justice et de l'Intérieur. Le seul problème est de trouver un terrain adéquat sur lequel on peut construire à court terme. Il semble bien que l'on ait réussi à résoudre le problème après de longues recherches. Contrairement à ce que l'on a prétendu dans le passé, l'on pourrait disposer d'un terrain situé sur le site de l'aéroport où dans ses environs.

Le ministre souligne que le Petit-Château n'est pas un centre fermé, mais un centre d'accueil ouvert pour demandeurs d'asile faisant l'objet de la procédure.

Le ministre estime que l'on peut difficilement affirmer que les conditions de détention équivalent à celles d'une prison et qu'elles seraient même plus dures. Ceci ne correspond pas à la réalité que tout observateur objectif peut constater.

Contrairement aux prisonniers, les habitants d'un centre fermé peuvent toujours quitter le centre afin de retourner dans leur pays d'origine ou de partir pour un pays tiers où ils ont la permission d'entrer. Ceci est une différence importante. En outre, contrairement aux prisonniers, leur séjour est destiné à être le plus court possible et un régime de groupe est en principe applicable dans un centre fermé et non un système cellulaire.

Il s'agit là de différences très importantes. L'aspect extérieur du centre pourrait effectivement être meilleur, mais il n'y a aucune solution de rechange pour le moment.

Le ministre rejette l'affirmation des intervenants selon laquelle la fin de la détention n'est pas déterminée. Celle-ci a lieu par périodes de deux mois avec un maximum de huit mois à partir du 1er janvier 1998. En outre, les intéressés déterminent principalement eux-mêmes la durée de la détention. S'ils collaborent à leur départ (présentent leur passeport, déclinent leur identité, ...), ils peuvent quitter très rapidement le centre.

De plus, la loi prévoit des conditions limitatives précises pour éviter qu'une personne ne soit retenue en détention pendant un temps déraisonnablement long. La durée de la détention doit être appréciée au cas par cas; il arrive que, deux mois soient déjà un délai déraisonnable, mais aussi que six mois soient justifiés. L'application des règles en question fait l'objet d'un contrôle judiciaire.

Le ministre ne comprend pas comment on peut prétendre qu'il n'y a pas de contacts avec le monde extérieur et que de nombreuses ONG n'ont pas accès aux centres. Les intéressés ont des contacts avec leur avocat, peuvent recevoir la visite de membres de la famille proche et peuvent appeler qui ils veulent (ils reçoivent même gratuitement une carte téléphonique). Par ailleurs, de nombreuses ONG ont bel et bien accès aux centres fermés, mais ne font usage de cette possibilité de visite que très exceptionnellement (et dans ce cas, uniquement sur demande). Au centre de départ 127bis , une permanence est effectivement organisée un jour par mois.

Le ministre reconnaît que la date d'expulsion n'est souvent communiquée que très peu de temps à l'avance. Ceci se fait cependant pour des raisons évidentes. D'une part, parce que les services ne connaissent eux-mêmes la date que tardivement et, d'autre part, afin d'éviter que les intéressés se rebellent.

Le ministre nie que les centres fermés n'organisent pas d'activités de détente. Là où c'est possible, ces activités sont organisées.

Il conteste donc avec la dernière énergie que la détention soit mal organisée et que l'on n'ait pas formulé d'objectifs clairs pour ce qui est de la politique d'éloignement. L'on a édicté des règles et des instructions claires pour ce qui est de la gestion ou de l'organisation des centres pour ce qui est des devoirs des personnes qui y sont retenues et pour ce qui est de l'organisation de l'éloignement. Le ministre renvoie à cet égard au rapport qu'il a remis au Parlement ainsi qu'aux annexes de celui-ci.

Pour ce qui est de la politique d'éloignement, il affirme qu'il existe bel et bien des priorités. Si, en principe, tout étranger qui réside illégalement sur le territoire peut être soumis à une mesure d'éloignement, l'on n'en éloigne pas moins en priorité certaines catégories de personnes et notamment celles qui ont commis un délit ou qui ont exercé un travail au noir ou celles qui représentent un risque pour la sécurité nationale. Quant aux contrôles systématiques en vue de déterminer si une personne a effectivement quitté le territoire, on les axe surtout sur les demandeurs d'asile qui ont épuisé la procédure de demande d'asile arrivés récemment en Belgique à propos desquels l'on a pris une décision dans un délai court.

Le ministre déplore que certains sèment à chaque fois sciemment la confusion autour des habitants d'un centre fermé. Il y a, d'une part, des centres fermés pour demandeurs d'asile qui ont déjà fait l'objet une décision d'irrecevabilité et, d'autre part, des centres fermés pour illégaux (qu'il s'agisse de demandeurs d'asile ou pas). Il est dès lors inexact d'affirmer qu'il n'y a que des demandeurs d'asile qui séjournent dans les centres fermés.

Le ministre n'est pas d'accord avec le fait que l'aspect extérieur de tels centres, bien que loin d'être idéal, contribue à faire passer les étrangers pour des délinquants. On ne peut d'ailleurs pas perdre de vue que ces personnes refusent de façon manifestement volontaire de partir.

Le ministre indique par ailleurs que les événements du type de ceux qui ont eu lieu à Merksplas sont fort sporadiques et résultent de conflits personnels entre des détenus.

À l'heure actuelle, on ne maintient les mineurs non accompagnés dans le centre de transit 127 que dans des cas exceptionnels et seulement pour une durée très courte. Cette détention doit être considérée comme un premier accueil (après l'arrivée à l'aéroport et dans l'attente d'une meilleure solution d'accueil).

Ensuite, l'on prend immédiatement des mesures pour assurer le suivi de l'accueil des étrangers mineurs d'âge.

4.2. La durée de la détention

Les articles 7, 27, 74/5 et 74/6 de la loi du 15 juillet 1980 (modifiée par la loi du 15 juillet 1996) prévoient que « la durée du maintien (...) ne peut dépasser deux mois. Le ministre ou son délégué peut toutefois prolonger le maintien de l'étranger (...) qui fait l'objet d'une décision de refus d'entrée exécutoire, par période de deux mois, lorsque les démarches en vue de l'éloignement de l'étranger ont été entreprises dans les 7 jours ouvrables, qu'elles sont poursuivies avec toute la diligence requise et qu'il subsiste toujours une possibilité d'éloigner effectivement l'étranger dans un délai raisonnable (...). Après 8 mois de détention, l'étranger doit être remis en liberté ».

L'article 69, § 3, de la loi du 15 juillet 1996 disposait que l'entrée en vigueur de la limitation de la détention à 8 mois n'était applicable au 1er janvier 1998. Auparavant, la durée de la détention n'était pas limitée.

Il est prévu que le ministre procédera à une évaluation de la règle relative à la durée illimitée de détention et soumettra le résultat de cette appréciation aux Chambres.

C'est chose faite, en ce qui concerne le Sénat, puisque le ministre a fourni, le 8 novembre 1997, à la commission une note comportant une série de données chiffrées relatives à cette problématique.

4.2.1. Point de vue des organisations

Les organisations ont fait valoir les observations suivantes :

­ la privation de liberté, qui constituent toujours une atteinte à une liberté fondamentale, doit être limitée au strict nécessaire (Ligue, I, point 3; OCIV, I, point 8; Steunpunt, I, point 10);

­ le critère selon lequel l'éloignement effectif est toujours possible octroie un trop grand pouvoir à l'Office des étrangers (Ligue, loc. cit. );

­ une période illimitée ou un délai de huit mois pour organiser un éloignement ne peut jamais être considéré comme raisonnable et est contraire aux articles 6 et 18 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Ligue, loc. cit. ; Point d'appui, I, point 11);

­ la détention doit être limitée à la durée nécessaire à l'éloignement (Centre, I, point 1);

­ la pratique des réinscriptions, qui a pour effet de prolonger à chaque fois la durée de la détention, est inconcevable (OCIV, loc. cit. ) et donne lieu à une détention dont la longueur dépasse ce qui est raisonnable; un contrôle de la légalité par le pouvoir judiciaire s'impose dans tous les cas.

4.2.2. Point de vue du ministre

Le ministre souligne en premier lieu que, d'un point de vue juridique, les intéressés commettent effectivement une infraction à une loi bien déterminée en séjournant illégalement sur le territoire. En outre, les intéressés ont en principe déjà eu la possibilité de partir volontairement, ce qu'ils refusent manifestement de faire. La détention est donc entièrement due à leur comportement. La Cour européenne des droits de l'homme permet d'ailleurs que des personnes soient détenues en vue de leur éloignement. Dès lors, il n'y a aucun problème juridique. La détention est conforme aux articles 6 et 18 de la CEDH.

Le ministre nie que la Belgique soit l'un des pays européens où la durée d'enfermement des clandestins est la plus longue. Ainsi il renvoie au Danemark, à la Finlande, à la Grèce, à l'Irlande, aux Pays-Bas, à la Suède et au Royaume-Uni, où la durée de détention est illimitée, et à l'Allemagne, où l'on peut être détenu pendant un an. La France est en effet le pays où la durée de détention est la plus courte, avec tous les problèmes y afférents (éloignement précipités).

Il est essentiel de tenir compte, lors de l'évaluation de la réglementation belge, des garanties que la loi a prévues pour empêcher que quiconque ne soit emprisonné pendant une durée déraisonnablement longue. Ces restrictions légales combinées à un contrôle judiciaire en la matière offrent aux intéressés davantage de garanties que n'importe quel délai maximum.

Le ministre affirme clairement que lorsque l'on sait qu'un étranger ne peut être éloigné (par exemple parce que son ambassade ne délivre aucun document), il n'est pas détenu. À cet égard, le ministre renvoie à l'exemple yougoslave. Par ailleurs, la détention ne satisfait pas alors aux conditions légales de détention.

Parfois, il peut arriver que la délivrance des documents nécessaires par les ambassades prenne du temps. Ceci est le plus souvent dû à l'intéressé lui-même (qui a caché ses documents d'identité ou qui a communiqué de fausses informations).

Le ministre nie que ses services esquivent la réglementation de détention en faisant appel au transfert à l'aéroport en vue de l'éloignement. La situation à laquelle il est renvoyé est d'un autre type. À savoir que les intéressés sont parfaitement éloignables, mais refusent de partir et se rebellent, de sorte que l'éloignement a dû être reporté. Par conséquent, un nouveau délai de deux mois a pris cours. Cette pratique est cependant totalement conforme à la loi.

4.2.3. Constatations de la commission

Sur la base des données fournies par le ministre relatives à la durée de la détention, la commission constate que :

­ la durée globale moyenne de détention est de 32 jours (voir rapport au Parlement sur la politique d'immigration du 18 novembre 1997 par le ministre);

­ que 6 personnes ont été prolongées dans leur détention de 4 à 6 mois;

­ qu'une personne a été prolongée de 6 à 8 mois;

­ que la durée moyenne de détention au Centre 127 est de 15 jours en 1997 contre 11 jours en 1996;

­ au Centre 127bis : elle est de 20 jours en 1997 contre 25 jours en 1996;

­ au Centre Merksplas : elle est de 43 jours en 1997 contre 39 jours en 1996;

­ au Centre de Bruges : elle est de 46 jours en 1997 contre 34 jours en 1996.

Sur la base des auditions qu'elles a menées, la commission constate :

­ qu'une évaluation appronfondie des données statistiques fournies par le ministre fait défaut. Ces données ne donnent pas une évaluation qualitative concernant l'objectif que l'on s'était fixé, à savoir que la prolongation de la détention faciliterait l'éloignement;

­ que beaucoup d'intervenants sont en désaccord total avec le fait que des personnes n'ayant commis aucun délit subissent un régime de détention;

­ qu'en ce qui concerne la durée de détention des illégaux, la Belgique est un des pays européens où la durée de détention est la plus longue. À ce titre, la commission désire rappeler qu'en France, actuellement, la durée de détention est de 10 jours et que le rapport du politologue P. Weil veut porter ce délai à 12 jours, ce qui est vivement contesté;

­ que plusieurs intervenants ont soulevé le problème de la compatibilité de cette disposition avec des instruments internationaux (notamment la Convention européenne des droits de l'homme en ses articles 6 et 18);

­ que la prolongation de la durée de détention est dans certains cas inutile puisque l'on sait certains étrangers « inexpulsables » (notamment parce que leur ambassade ne veut pas délivrer les documents nécessaires au retour dans le pays d'origine) et qu'il est donc inutile de maintenir les « inexpulsables » en détention. À ce titre, la commission souhaite rappeler les interrogations du Conseil d'État lors de l'examen du projet de loi de 1996 :

· exigera-t-on de la part des autorités étrangères une promesse formelle de délivrance, dans un délai imparti ou non, des documents nécessaires ?

· se contentera-t-on au contraire d'une promesse formelle d'examen de la demande de délivrance desdits documents ?

· ira-t-on jusqu'à se contenter d'une simple acceptation de l'examen de la demande par l'autorité compétente ?

4.3. Le retour volontaire

4.3.1. Point de vue des organisations

Les organisations plaident surtout pour une procédure humaine d'éloignement. À ce point de vue, le rapatriement volontaire est de loin préférable au rapatriement forcé (Caritas, I, point 4; Point d'appui, I, point 11). L'aide financière du CPAS devrait être prolongée d'un mois afin de permettre une préparation de ce départ (Point d'appui, loc. cit. ).

Caritas regrette également que le rapatriement volontaire à partir d'un centre ne soit pas admis et qu'une proposition de l'OIM à cet égard n'ait pas été acceptée.

Caritas, CIRE et OCIV cherchent des formes de rapatriement positif, un projet de réintégration.

Le Centre pour l'égalité des chances plaide pour un renforcement du rôle des ONG en termes de soutien et d'accompagnement en cas de départ vers le pays d'origine. Le centre propose également d'envisager des conventions entre certaines associations pour qu'elles contribuent à un éloignement dans des conditions optimales (Centre, I, point 1).

Avec ses partenaires européens, la Belgique devrait élaborer un projet pour assurer le suivi des personnes rapatriées afin de s'assurer que ces personnes ne seront pas poursuivies dans leur pays (AI, I, point 5, Steunpunt, I, point 10, ainsi que l'annexe nº 6 du présent rapport).

4.3.2. Point de vue du ministre

Le ministre estime lui aussi qu'il faut donner la priorité au retour volontaire. C'est d'ailleurs l'une des lignes directrices de la politique du Gouvernement. L'on ne considère l'éloignement forcé que comme un moyen extrême de contraindre des personnes qui ne peuvent manifestement pas rester en Belgique à quitter le pays. Le ministre n'en souhaite pas moins attirer l'attention sur le fait qu'il ne faut pas se faire d'illusions : une politique de retour volontaire (quel que soit sa nature) ne pourra jamais remplacer tout à fait la politique d'éloignement.

4.3.3. Constatations de la commission

À l'heure actuelle, les demandeurs d'asile qui sont déboutés ou non peuvent demander assistance à l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) lorsqu'ils veulent retourner à leur plein gré dans leur pays d'origine. Le Gouvernement belge prévoit, en collaboration avec l'OIM, un programme de retour volontaire pour demandeurs d'asile, dénommé REAB.

Après que le candidat a contacté l'un des 36 intermédiaires de l'OIM qui sont pour la plupart des services sociaux, l'on vérifie si la procédure de demande d'asile introduite par l'intéressé a encore des chances d'aboutir. Si une personne a décidé de rentrer dans son pays d'origine ou dans un autre pays, l'on constitue à son sujet un dossier complet qui doit en principe être approuvé par la direction d'administration de l'aide sociale du ministère des Affaires sociales, de la Santé publique et de l'Environnement. En pratique, seuls les dossiers dont l'OIM doute qu'ils relèvent de la convention conclue sont soumis à l'approbation préalable. L'on communique ensuite la date de départ et l'on se charge de la réservation. Un représentant de l'OIM est présent au moment du départ. La procédure dure en moyenne trois semaines. Dans le cadre de ce programme, les intéressés reçoivent un billet d'avion et une prime de démarrage de 10 000 francs au maximum par adulte. Auparavant, l'Office des étrangers aura prolongé d'un mois l'autorisation de séjour et l'intéressé aura reçu un mois supplémentaire d'aide de la part du CPAS dans l'attente de son départ.

Il faut toutefois que le demandeur d'asile s'engage envers l'État belge à ne pas revenir en Belgique dans les cinq ans sous peine de devoir rembourser l'aide financière.

Au terme de l'échange de vues que la commission a eu avec le ministre de l'Intérieur, il est apparu que jusqu'en octobre 1997 inclus, 1 404 personnes, c'est-à-dire en moyenne 140 personnes par mois, avaient quitté volontairement le pays par l'entremise de l'OIM. La moyenne s'élevait en 1996 à 159 personnes par mois.

De même, il apparaît qu'au 1er novembre 1997, on avait pu organiser 8 587 éloignements effectifs, ce qui représente une moyenne de 859 personnes par mois; en 1996, 806 personnes ont été éloignées en moyenne par mois. À ce rythme-là, 10 304 personnes seront vraisemblablement éloignées en 1997, soit quelque 1 700 de moins que l'objectif fixé. Selon le ministre, cela s'explique, entre autres, par la légère diminution du nombre des personnes qui quittent notre pays via l'OIM Belgique.

Il ressort de l'échange de vues que le ministre n'est pas optimiste en ce qui concerne la probabilité que les personnes optent pour le retour volontaire. Le retour impliquera toujours un drame humain.

4.4. Le rapatriement forcé

4.4.1. Point de vue des organisations

Le Centre pour l'égalité des chances propose la création d'une commission qui serait habilitée à donner un avis sur le choix des priorités en matière d'éloignement forcé (I, point 1).

Plusieurs organisations sont interpellées par l'écho de refoulements ou d'expulsions dans des conditions anormales et critiquent l'usage de la technique du « coussin » lors de rapatriements forcés (AI, I, point 5; MRAX, I, point 14).

Le MRAX demande un contrôle plus strict du comportement des gendarmes lors des rapatriements (loc. cit. )

Steunpunt demande que le parlement contrôle de près l'application de la politique d'éloignement (I, point 10).

Plusieurs organisations s'opposent à l'éloignement forcé de personnes vers des pays où la situation politique n'est pas claire et où les personnes concernées ne sont pas sûres du sort qui les attend (Congo, Algérie) (CNAPD, I, point 16, La Zaïroise et ses soeurs, I, point 17).

Certaines organisations soulignent que les sociétés de transport confient le retour des clandestins à des sociétés de gardiennage. Deux agents de la société de gardiennage SIAS l'ont révélé et ont été licenciés séance tenante. Le ministre a répondu clairement le 25 octobre 1997 que les sociétés de transport sont personnellement responsables du renvoi des clandestins et qu'elles peuvent éventuellement faire appel aux pouvoirs publics. Si cette mission est confiée à des sociétés privées de gardiennage, celles-ci risquent de se voir retirer leur licence.

Plusieurs organisations (Ligue, ADDE, Steunpunt ) ont toutefois dénoncé le fait que par le passé, les pouvoirs publics ont eux-mêmes fait appel à des sociétés privées (BUDD).

4.4.2. Point de vue du ministre

Pour ce qui est de l'éloignement de personnes, l'on respecte certaines priorités. C'est clairement établi. L'on éloigne en priorité certaines catégories de personnes, comme celles qui ont été arrêtées dans le cadre de la recherche des auteurs d'un délit, des responsables de la mise au travail de main-d'oeuvre illégale ou celles dont on considère qu'elles constituent un danger pour l'ordre public ou la sécurité publique (pour autant, évidemment, qu'elles ne doivent pas rester à la disposition de la justice). Les services de police qui sont chargés de contrôler systématiquement si quelqu'un a ou non quitté le territoire contrôlent par priorité les personnes qui sont arrivées récemment, qui ont introduit une demande d'asile qui a été examinée rapidement et qui ont épuisé leur moyen de procédure. L'existence de priorités pour ce qui est de la politique d'éloignement ne signifie pas pour autant que l'on s'abstient d'éloigner des personnes qui n'appartiennent pas aux catégories prioritaires. En principe, toute personne qui séjourne illégalement sur le territoire et qui refuse de le quitter par ses propres moyens est passible d'éloignement.

Lorsque l'on éloigne une personne, l'on veille à ce que les choses se passent au mieux. Dans la plupart des cas, on les accompagne jusqu'à l'avion. Dans un nombre limité de cas (8,2 % du nombre total des éloignements), la gendarmerie accompagne la personne à éloigner jusque dans le pays de destination. L'éloignement est organisé selon des directives strictes (une copie de ces directives a été transmise au Parlement). Ces directives, une formation spéciale dispensée aux agents concernés et un contrôle sévère de l'exécution de la mission doivent garantir que l'éloignement se fera dans les meilleures conditions. Dans les rares cas où une plainte est déposée, celle-ci est examinée sans délai par les services d'inspection internes de la gendarmerie, par le parquet ou par le Comité P. La grande majorité des plaintes s'avèrent non fondées.

L'on autorise l'usage de la technique du « coussin » ­ pour calmer une personne à éloigner qui se trouve dans l'avion ­ à l'issue d'une enquête réalisée par une équipe multidisciplinaire sur les avantages et les inconvénients de celle-ci. L'enquête a montré que cette technique est efficace et qu'elle ne fait courir aucun danger grave à la personne à qui on l'applique.

Dans le passé, les pouvoirs publics ont confié l'organisation de l'éloignement à une société privée. La mission de cette société se limitait toutefois à l'accomplissement de certaines formalités administratives et à l'organisation pratique du voyage; l'éloignement proprement dit incombait toujours aux autorités belges. Actuellement, les pouvoirs publics ne sollicitent plus les services d'une firme privée, même pas pour remplir les tâches précitées. On a mis un terme, en 1996, à la collaboration avec la société privée en raison de l'ambiguïté qu'il y avait sur l'exécution de certains accords.

La responsabilité des transporteurs pour ce qui est de reconduire un étranger qui, au moment de son arrivée, ne possède pas les documents requis lui donnant accès au territoire est consacrée par des conventions internationales qui sont applicables dans la quasi-totalité des États. Il faut tenir compte de ce contexte international lorsque l'on évalue la problématique.

Une enquête administrative est en cours sur le rôle qu'a joué la société SIAS dans la reconduite de plusieurs passagers clandestins. Si l'on constate qu'une infraction a été commise, on prendra les mesures appropriées.

4.4.3. Constatations de la commission

La commission constate que le rapatriement forcé suscite pas mal de questions.

Bien que la commission reconnaisse que l'expulsion forcée est parfois l'ultime recours, plusieurs membres estiment qu'il n'existe pas suffisamment de garanties concernant la manière dont elle se déroule en pratique.

La commission considère que l'existence de directives précises en la matière constitue un progrès. Certains de ses membres se posent de sérieuses questions quant à l'autorisation de l'utilisation d'un coussin pour maîtriser la personne que l'on rapatrie.

La commission partage le point de vue des organisations selon lequel on doit faire preuve de la plus grande circonspection lors de l'expulsion vers des pays dont la situation intérieure n'est pas claire ou qui sont plongés dans le chaos (guerre civile, ...). Dans ce genre de situations, en tout cas, il serait souhaitable d'organiser un système de surveillance.

La commission se dit préoccupée par certaines pratiques propres à des sociétés de transport qui font appel à des services privés de gardiennage pour l'organisation du rapatriement. Ce type de pratiques échappent de facto au contrôle des autorités belges, tout en se déroulant sur le territoire national.

L'existence d'une zone internationale ne peut en aucun cas justifier que l'État n'y exerce pas sa souveraineté.

5. Groupes cibles spécifiques

5.1. Les enfants étrangers non accompagnés

Lors de la discussion parlementaire sur les modifications de la loi du 15 décembre 1980, députés et sénateurs se sont montrés préoccupés par l'accueil réservé aux enfants étrangers non accompagnés.

La Belgique a ratifié la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant. Sans prévoir explicitement des dispositions concernant les mineurs étrangers non accompagnés, elle comporte des normes et des principes dont l'application ne saurait souffrir d'exceptions fondées sur la nationalité ou sur le statut de séjour.

5.1.1. Nécessité d'une politique spécifique à l'égard des mineurs

5.1.1.1. Point de vue des organisations

Le problème des mineurs d'âge, accompagnés ou non, a déjà été évoqué dans les chapitres précédents. C'est ainsi que l'on a remis en question la politique consistant à séparer les enfants du reste de leur famille en application des règles de Schengen (cf. point 1.6.1) et les techniques d'interrogatoire peu appropriées auxquelles sont soumis les mineurs d'âge demandeurs d'asile (cf. point 2.1.1.1).

Le problème des mineurs d'âge non accompagnés se pose évidemment dès leur arrivée, qu'ils soient transférés dans un autre pays Schengen, qu'ils demandent l'asile ou qu'ils entrent ou essayent d'entrer illégalement dans notre pays. C'est surtout une question de logistique inadaptée et de problèmes institutionnels non résolus.

Cette absence d'approche spécifique a été dénoncée (cf. Point d'appui, I, point 11). M. Schewebach a signalé que des mineurs d'âge résident encore régulièrement dans des institutions des communautés et font subitement surface à leur majorité, alors que personne ne les a jamais déclarés auprès de l'Office des étrangers (Schewebach, I, point 20).

Ce genre de situation serait due notamment à la solidarité de simples citoyens permettant à certains enfants de vivre clandestinement à la maison et à l'école, sans quoi ils seraient expulsés de Belgique (voir Steunpunt, Rapport, I, point 10)

Le problème le plus évident est l'absence de logistique pour l'accueil des mineurs d'âge demandeurs d'asile [cf. Schewebach, loc. cit. , LDH (Fr.), I, point 3].

En général, les mineurs d'âge sont tout au plus tolérés et pour le reste abandonnés à leur triste sort [cf. LDH (Fr.), loc. cit. ].

5.1.1.2. Point de vue du ministre

Pour une bonne compréhension du problème, il faut d'abord avoir une idée du nombre de mineurs.

D'après les statistiques, 916 mineurs (de moins de 18 ans) ont introduit une demande d'asile en 1997. Il s'agit d'un nombre élevé. Mais ce chiffre doit être fortement relativisé : plus de 50 % des mineurs ont plus de 16 ans et la plupart ­ certainement les plus jeunes ­ sont accompagnés. Certains sont accompagnés de leurs parents, d'autres de membres de leur famille ou d'amis. Le nombre de jeunes enfants sans aucun accompagnement est extrêmement limité. En outre, il faut tenir compte du fait que bon nombre de jeunes se présentent comme mineurs, dans l'espoir d'obtenir un traitement particulier. L'on effectue, systématiquement, depuis mi-1997, un examen des os pour connaître l'âge des jeunes qui arrivent à l'aéroport sans les documents requis et qui introduisent une demande d'asile : il est apparu que 52 personnes (sur un total de 70 examens) avaient plus de 18 ans.

Toutefois, si les mineurs non accompagnés sont peu nombreux, ils n'en méritent pas moins une attention particulière, justement parce qu'ils sont mineurs, et surtout lorsqu'ils ne sont pas accompagnés.

À cet égard, le Gouvernement a également développé une politique spécifique et se concentre actuellement sur l'élaboration d'une série de projets visant à améliorer cette politique. Le statut de séjour et l'organisation de l'accueil en sont les points les plus importants. Parallèlement à cela, l'on s'intéresse au problème de la tutelle, à la question de l'introduction d'une demande d'asile et à celle de l'accompagnement au cours de la procédure de demande d'asile.

Les mineurs non accompagnés bénéficient déjà d'un accueil, même s'il n'existe pour l'instant toujours pas d'accords clairs entre les autorités fédérales et les communautés.

­ pour ce qui est des demandeurs d'asile, cet accueil a lieu dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile. À Deinze, il y a un centre d'accueil destiné spécifiquement à l'accueil de mineurs. Au Petit Château, il existe une structure à part pour cet accueil;

­ pour ce qui est des mineurs non accompagnés n'ayant pas introduit une demande d'asile, l'accueil a lieu dans les structures ordinaires pour l'accueil de jeunes (donc par l'entremise des CPAS et/ou des instances d'aide spéciale à la jeunesse).

Mais cet accueil peut encore être amélioré, surtout par exemple en ce qui concerne le transfert de demandeurs d'asile (déboutés) vers les structures ordinaires d'accueil de mineurs. Des discussions sont en cours en la matière entre l'État fédéral et les communautés. Ces discussions seront bientôt terminées, ensuite, la conclusion (éventuellement sous la forme d'un protocole) sera présentée à la Conférence interministérielle sur la politique d'immigration.

En ce qui concerne le statut de séjour, le ministre a toujours clairement affirmé qu'un mineur n'est pas expulsé, à moins qu'il soit accompagné par sa famille ou par la personne avec laquelle il est arrivé en Belgique et à moins qu'il existe des garanties à propos de l'accueil du mineur dans le pays d'origine, et que chaque mineur peut compter sur un statut de séjour.

En ce qui concerne les mineurs non accompagnés, l'on tente de vérifier systématiquement d'abord où séjournent les parents, d'autres membres de la famille ou des connaissances, afin de pouvoir réunir à nouveau l'enfant et sa famille.

L'on a décidé, en concertation avec le parquet de Bruxelles, la police judiciaire, la gendarmerie de l'aéroport et la direction générale de l'OdE, d'introduire en septembre 1997, une procédure spéciale. La gendarmerie rédige immédiatement un procès verbal pour tous les mineurs non accompagnés qui arrivent à l'aéroport et elle le transmet au parquet, à la police judiciaire et à l'Office des étrangers. La collaboration avec ces services se passe bien.

L'on arrive dans de nombreux cas à retrouver la famille. Ensuite, selon la situation, l'on donne au mineur une autorisation de séjour (avec inscription au registre de la population) ou un statut temporaire plus précaire. Il est clair que l'on accorde généralement aux jeunes enfants un statut de séjour définitif.

Pour ce qui est de l'introduction d'une demande d'asile, il n'y a pas lieu de prévoir une réglementation particulière. En revanche, l'on peut prévoir un accompagnement particulier du mineur pour le premier entretien et pour la suite de la procédure d'asile. Ce problème est à l'examen, de même que celui de la tutelle de mineurs.

5.1.1.3. Constatations de la commission

La commission ne peut que constater que les services compétents en matière d'aide à la jeunesse, mais aussi les CPAS, les Centres d'accueil pour demandeurs d'asile et l'Office des étrangers ne disposent pas d'un cadre institutionnel clair garantissant le respect de l'intérêt de l'enfant et le bénéfice de ses droits fondamentaux. Le fait que les compétences en la matière soient dispersées entre plusieurs niveaux de pouvoir ne facilite pas une politique claire en faveur des mineurs non accompagnés. Ainsi, aucune disposition spécifique n'est en vigueur pour l'introduction d'une demande d'asile par un mineur non accompagné. Un jeune qui se présente à la frontière sans répondre aux conditions d'entrée sur le territoire est refoulé à moins de montrer qu'il court un danger en cas de retour dans son pays. Dans ce cas, il entre dans la procédure d'asile et la recevabilité de sa demande est examinée par l'Office des étrangers et, le cas échéant, par le Commissariat aux réfugiés.

La commission constate par ailleurs qu'il y a une absence de définition légale des notions de « mineur » et d'« accompagnement ».

Toutefois, le Commissariat général a émis une note (note de service - A/95/015); celle-ci a notamment pour but de donner une définition de la minorité et de définir les principes de base applicables au traitement des dossiers et à l'accompagnement du mineur.

Compte tenu des différentes questions liées à la problématique des mineurs non accompagnés et des différents niveaux de pouvoir dont elle relève, le Centre pour l'égalité des chances a saisi la conférence interministérielle à la Politique des immigrés et a proposé, lors de la réunion du 12 mars 1996, ou constituer un groupe de travail chargé d'envisager les différentes mesures à prendre pour améliorer l'accueil des mineurs non accompagnés. Le groupe de travail a rendu des conclusions. Une évaluation a eu lieu. Au terme de celle-ci, les instances concernées devraient conclure un protocole d'accord permettant d'optima-liser la coordination.

Cependant, aucune réglementation spécifique concernant les demandes d'asile des mineurs n'a été prise à ce jour.

La commission constate que le ministre est occupé à élaborer une réglementation pour les étrangers mineurs d'âge.

5.1.2. Tutelle sur les mineurs

5.1.2.1. Point de vue des organisations

Les mineurs non accompagnés éprouvent évidemment les mêmes problèmes que les adultes au cours de leur parcours d'entrée en Belgique. L'aboutissement en est le même, c'est-à-dire que, soit ils sont admis au pays en tant que réfugiés, ou munis d'un document de séjour, soit ils deviennent des « sans-papier », et dès lors perdent le droit à l'aide sociale (article 57, § 2, de la loi sur les CPAS) (Ligue des droits de l'homme, I, point 3).

Mais il est un domaine où le CPAS a une mission légale à assumer vis-à-vis des mineurs d'âge, à savoir l'exercice de la tutelle légale prévue aux articles 63 et suivants, de la loi sur les CPAS. Pour cela, il faut bien entendu que le mineur d'âge soit orphelin, ou que ses parents aient été déchus de leurs droits et qu'il soit confié au CPAS par les tribunaux de la jeunesse ou les comités de protection de la jeunesse. Si les parents sont introuvables, ce sont ces dernières instances qui doivent s'occuper de l'enfant (Ligue des droits de l'homme, loc. cit ).

Dans certains cas, les enfants sont effectivement confiés aux CPAS (La Zaïroise et ses soeurs, I, point 17).

Il semblerait que, dans l'arrondissement judiciaire de Bruxelles, le parquet et l'Office des étrangers collaborent facilement (cf. Schewebach, I, point 20).

D'aucuns pensent que seul un statut ad hoc pourrait offrir une solution; il convient toutefois de maintenir les structures qui fonctionnent bien (cf. CGRA, I, point 18).

5.1.2.2. Point de vue du ministre

Le ministre a annoncé qu'une réglementation de l'assistance au parcours pour les mineurs non accompagnés au cours de la procédure d'asile sera élaborée avant la fin de l'année. Dans le même temps, l'on évaluera avec les instances concernées, y compris le département de la Justice, le régime de tutelle existant en vertu duquel la tutelle est confiée au CPAS.

5.1.2.3. Constatations de la commission

La commission estime que l'absence d'une véritable tutelle sur les mineurs non accompagnés pose problème. La loi confie cette mission aux CPAS (article 63 et suivants de la loi organique des CPAS), en ce qui concerne les orphelins.

La tutelle des centres publics d'aide sociale pourrait effectivement offrir une solution. En effet, la loi confie aux CPAS la tutelle de « tout mineur d'âge à l'égard duquel personne n'est investi de l'autorité parentale ou n'exerce la tutelle ou la garde matérielle ».

Il est vrai que l'application de cette disposition aux mineurs étrangers fait l'objet d'un débat, car nombre d'entre eux ont un représentant légal, mais celui-ci réside à l'étranger. On pourrait cependant considérer la tutelle des CPAS comme une mesure d'ordre et de protection qui relève de la compétence territoriale et qui, dès lors, s'applique à tous les mineurs séjournant sur le territoire belge. On constate que, dans la pratique, les CPAS n'exercent généralement pas leur tutelle sur les mineurs étrangers qui ne sont pas accompagnés. On peut en tout cas s'interroger également sur l'opportunité de confier une mission spécialisée de ce genre à tous les CPAS du Royaume, qui éprouvent déjà des difficultés considérables à remplir leurs obligations vis-à-vis des candidats réfugiés.

Il n'existe donc aucun système qui permette d'organiser cette tutelle de façon cohérente. Certains jeunes sont pris en charge par le Petit-Château, d'autres sont placés dans une institution ou dans une famille d'accueil.

Cette diversité n'est pas sans causer des difficultés administratives, une précarité juridique qui aggrave les traumatismes que causent la séparation avec les parents, la rupture avec le milieu de vie et la rencontre avec une société étrangère. Dans ces conditions, tout projet éducatif ou pédagogique devient hypothétique.

5.1.3. Détention de mineurs

5.1.3.1. Point de vue des organisations

Les mineurs d'âge sont souvent enfermés dans des centres situés à la frontière, alors que la loi sur les étrangers permet au ministre d'imposer un lieu de domiciliation situé en dehors de ces centres et que, selon les conventions internationales auxquelles la Belgique souscrit, l'enfermement de mineurs d'âge doit être considéré comme le dernier recours des pouvoirs publics (cf. LDH (Fr.), I, point 3). Si l'enfermement s'avère inéluctable, il doit être limité à un miminum. Cette règle n'est pas non plus respectée en permanence (LDH (Fr.), loc. cit. ).

Globalement, l'enfermement de mineurs d'âge est injustifié en raison des conséquences psychologiques traumatisantes qu'il aura (cf. Point d'appui, I, point 11).

La Communauté française a pris une mesure positive en la matière, en décidant d'interdire l'arrestation d'enfants à l'école (cf. Point d'appui, loc. cit. ).

5.1.3.2. Point de vue du ministre

Le ministre affirme clairement que la Belgique n'a conclu aucun traité interdisant l'enfermement de mineurs dans des centres fermés. L'article 37 de la Convention des droits de l'enfant (principalement établi contre l'enfermement d'enfants dans les prisons) n'exclut pas l'enfermement de demandeurs d'asile ou de clandestins mineurs (moyennant le respect de certaines conditions). La pratique belge (détention exceptionnelle de mineurs dans des conditions bien définies) n'est pas en contradiction avec l'article 37, dans la plupart des cas, il s'agit d'enfants que l'on maintient en détention avec les parents ou l'un de leurs parents. Même dans ce cas précis on veille à réduire au minimum la durée de la détention. Ces enfants sont détenus dans un aile séparée qui est réservée aux familles avec enfants. La situation très exceptionnelle qu'un mineur non accompagné soit détenu dans le centre de transit 127 pourrait s'avérer problématique par rapport à l'article 37.

Cependant cette détention est limitée depuis peu à un délai particulièrement court dans l'attente de l'organisation de l'acceuil en un autre endroit : depuis septembre 1997 une procédure particulière est d'application qui veut que des mesures immédiates soient prises pour ce est de l'acceuil des mineurs, le cas échéant également pour ce qui est de l'examen de la poursuite d'organisateurs de traite d'être humains.

Cependant, il faut faire observer que :

1. dans certaines situations, il est de l'intérêt même de l'enfant qu'il soit retenu et détenu dans un centre de transit (trafic d'enfants, réseau de prostitution)

2. l'arrêt et la détention d'un mineur a un effet préventif (les réseaux de trafic et de traite des êtres humains savent qu'ils ne fonctionnent pas efficacement);

5.1.3.3. Constatations de la commission

La commission constate que des étrangers se trouvent, quel que soit leur âge, détenus dans des centres fermés pour adultes.

Or, l'article 74/5 de la loi du 15 décembre 1980 permet le maintien dans un lieu déterminé à la frontière ou dans d'autres lieux assimilés à l'intérieur du Royaume, de l'étranger qui ne remplit pas les conditions pour entrer régulièrement en Belgique et qui se déclare réfugié à la frontière.

Le ministre est donc habilité à ne pas faire détenir un mineur et à le confier à des personnes ou institutions ad hoc pendant que son dossier est traité, et ce afin de trouver une solution adaptée à son âge et à sa situation.

De plus, la Belgique a ratifié la Convention sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989 qui dispose que « Les États parties veillent à ce que nul enfant ne soit privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. L'arrestation, la détention ou l'emprisonnement d'un enfant doit être en conformité avec la loi, n'être qu'une mesure de dernier ressort et être d'une durée aussi brève que possible, ... »

Le ministre, dans les documents qu'il a remis à la commission, considère pour sa part que l'article 37 de la Convention sur les droits de l'enfant n'exclut pas l'enfermement des demandeurs d'asile mineurs ou illégaux (en respectant certaines conditions ou en octroyant certains droits). Selon lui, les pratiques de la Belgique (détention exceptionnelle de mineurs sous conditions définies) ne sont pas en contradiction avec l'article 37 de la convention.

La Belgique enfreint ainsi les « Directives sur la politique et les procédures en matière de demandeurs d'asile mineurs non accompagnés » du HCRNU, lesquelles disposent que les demandeurs d'asile mineurs et, en particulier, les mineurs non accompagnés, ne peuvent pas être hébergés dans des institutions fermées.

L'enfermement des demandeurs d'asile mineurs non accompagnés et âgés de moins de 16 ans est en outre contraire à l'article 4, dernier alinéa, de la résolution du Conseil de l'Union européenne du 26 juin 1997 relative aux demandeurs d'asile mineurs non accompagnés.

5.1.4. Première interview

5.1.4.1. Point de vue des organisations

Le mineur d'âge se trouve dans une situation encore plus précaire que l'adulte. La crainte de l'inconnu est encore plus grande pour lui et les procédures encore plus effrayantes, notamment parce que les interrogateurs n'ont pas de formation spécifique (cf. LDH (Fr.) p. 40). De nombreux enfants ne peuvent même pas se faire une idée de la situation de leur région ou de leur pays et doivent pour cette raison être mieux protégés (Steunpunt, I, point 10).

5.1.4.2. Point de vue du ministre

Le ministre estime lui aussi qu'il faut prévoir une approche particulière du mineur dans le cadre de la procédure d'asile. D'où le projet de créer un système d'accompagnement des demandeurs d'asile tout le long du trajet qu'ils ont à parcourir.

5.1.4.3. Constatations de la commission

La commission constate à ce sujet qu'au stade de la recevabilité de sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié, l'Office des étrangers procède à la première interview de tous les demandeurs d'asile mineurs sans que la présence d'un avocat ne soit autorisée. Au fil des auditions, la commission a cependant constaté toute l'importance de cette première interview sur la suite de la procédure surtout pour les mineurs qui sont particulièrement vulnérables et dont il importe de connaître l'histoire afin de les orienter de la façon la plus adéquate soit vers un centre spécifique, soit vers de la famille résidant en Belgique.

De plus, la commission constate que par ce fait, la Belgique sera en contradiction avec l'article 4, 5º, de la résolution du Conseil des ministres européen concernant les mineurs non accompagnés ressortissants de pays tiers, qui prévoit expressément pour les mineurs non accompagnés la possibilité de se faire assister à chaque interview (cette résolution n'est pas encore en vigueur).

La commission désire cependant signaler à ce sujet que le ministre à la commission dans ses réponses a signalé que bientôt, la possibilité sera offerte au mineur d'être accompagné par son représentant.

5.1.5. Régularisation de la situation des mineurs étrangers non accompagnés

5.1.5.1. Point de vue des organisations

La règle veut que les mineurs d'âge non accompagnés et qui n'ont pas atteint 18 ans ne soient plus expulsés.

Il y a pourtant des exceptions à cette règle : l'on voit régulièrement des enfants de 15 à 18 ans être expulsés ou en tout cas recevoir l'ordre de quitter le territoire [cf. LDH (Fr.), I, point 3].

C'est pourquoi l'on plaide pour que le mineur d'âge non accompagné puisse bénéficier d'un statut spécifique [LDH (Fr.), loc. cit. ].

Il aurait été convenu avec le ministre que les mineurs non accompagnés et dont la demande d'asile a été rejetée ne seraient désormais renvoyés dans leur pays d'origine que si on y trouve des membres de leur famille ou une maison d'accueil pour les héberger. Dans la négative, ils verront leur situation être régularisée temporairement ou définitivement [LDH, (Fr.), loc. cit. ].

D'aucuns estiment que la régularisation doit également être possible en raison de l'état pathologique dans lequel se trouve un mineur d'âge (CNAPD, I, point 16).

5.1.5.2. Point de vue du ministre

Le ministre répète que les mineurs non accompagnés ne sont pas expulsés, et que s'ils le sont, c'est sous certaines conditions (voir ci-dessus), et que chaque mineur peut compter sur un statut de séjour. L'octroi d'un statut de séjour n'est possible que lorsque l'Office des étrangers est averti de la présence de mineurs non accompagnés. D'où également la demande aux responsables de l'accueil ou de l'accompagnement de mineurs d'avertir dans les plus brefs délais l'Office des étrangers.

Le ministre n'affirme pas par là qu'un permis de séjour définitif est accordé à chaque mineur. Il faut toujours contrôler en première instance si le mineur peut à nouveau être accueilli par ses parents ou par d'autres personnes de son proche entourage (c'est-à-dire des membres de sa proche famille ou des connaissances qui ont la tutelle ou qui se sont occupés de lui jusque-là). Ensuite, le statut de séjour est déterminé compte tenu de la situation individuelle du mineur (entre autres de l'âge, de la possibilité de retourner dans le pays d'origine, des circonstances particulières telles que la maladie). Dans la pratique, cela revient à dire que la plupart des jeunes enfants obtiennent une autorisation de séjour (avec inscription au registre des étrangers), alors que les moins jeunes (plus de 16 ans) obtiennent un statut provisoire ­ en attendant leur majorité.

5.1.5.3. Constatations de la commission

Les étrangers mineurs non accompagnés qui sont en séjour illégal en Belgique (à la suite, entre autres, d'un refus définitif de leur demande d'asile mais pas uniquement en raison d'un tel refus) constituent un groupe particulier. L'on ne sait pas combien ils sont. Ils séjournent, pour la plupart, volontairement ou en vertu d'une décision administrative ou judiciaire, dans une famille d'accueil ou dans une institution d'un service spécial d'aide à la jeunesse d'une des communautés.

Dans la pratique, ces jeunes vivent en Belgique jusqu'à leur majorité sans statut légal. Cela pose pas mal de problèmes épineux sur les plans administratif et financier aux instances ou aux familles qui les hébergent. Cela rend pratiquement inapplicables les mesures d'aide que l'on prend en faveur de ces jeunes.

Le fait d'être privés du droit aux acquis les plus fondamentaux (entre autres, du droit à la sécurité sociale et du droit à l'enseignement) hypothèque gravement leurs chances d'avoir un avenir meilleur.

5.2. Les femmes demandeuses d'asile

5.2.1. La nécessité d'une politique spécifique

5.2.1.1. Point de vue des organisations

Même si les hommes et les femmes demandent généralement l'asile pour des raisons identiques, il arrive que les femmes aient des motivations plus spécifiques qu'on doit évaluer à la lumière des méthodes spécifiques que l'on utilise pour les persécuter, notamment la violence sexuelle, les mutilations sexuelles et les sanctions spécifiques infligées dans le cas d'infractions aux normes sociales ou religieuses (cf. Werkgroep Vrouwelijke Vluchtelingen du Nederlandstalige Vrouwenraad, I, point 12).

On a souligné que les orientations politiques officielles ne tiennent pas compte du facteur féminin.

Par exemple, les femmes demandeuse d'asile sont interrogées par des hommes, de sorte qu'elles n'osent pas parler des expériences très intimes qu'elles ont vécues concernant le viol et d'autres formes de violence sexuelle. Cela entraîne des répercussions négatives sur le bon déroulement de leur demande d'asile. L'ONU recommande aux États membres de prévoir, dans leur législation nationale, des mesures à ce sujet.

Dans les pays comme le Canada ou les États-Unis, c'est déjà chose faite. Ainsi, le Canada reconnaît que la mutilation sexuelle basée sur la pression sociale exercée par un groupe constitue un motif valable pour octroyer l'asile politique (cf. Werkgroep Vrouwelijke Vluchtelingen , loc. cit. ).

5.2.1.2. Point de vue du ministre

Le ministre nie formellement que les instances d'asile responsables ne tiennent pas ou presque pas compte d'une approche qui prend en considération le sexe et il dit savoir clairement, par expérience, que la politique en matière d'asile belge est bel et bien sensible à cet aspect des choses.

En fait, la plupart des demandeurs d'asile sont déjà entendus par des femmes. Mais en même temps, le ministre reconnaît que l'une ou l'autre chose pourrait être mieux élaborée. Il fera examiner cela en concertation avec les instances concernées.

5.2.1.3. Constatations de la commission

Les organisations de défense des femmes ont raison d'affirmer que les raisons et les circonstances qui poussent les individus à prendre la fuite sont souvent identiques pour les hommes et les femmes. Cependant, les femmes sont touchées d'une manière particulière. Elles ne sont pas seulement ­ comme les hommes ­ généralement victimes de violations des droits de l'homme, telles que les persécutions politiques dans leur pays d'origine, mais elles sont également discriminées et persécutées parce qu'elles sont des femmes. Les femmes qui enfreignent consciemment les normes sociales ou les moeurs qui s'appliquent uniquement à elles ou qui ne les respectent pas sont parfois menacées de mort.

La commission constate que la Belgique, comme la plupart des pays industrialisés, connaît une procédure d'asile très formalisée et individualisée. Celle-ci ne tient guère compte, ou pas du tout, du facteur féminin ou, en d'autres termes, de la nécessité d'une approche en fonction du sexe de la personne. Ceci vaut tant pour les raisons spécifiques qu'ont les femmes de fuir que pour les méthodes spécifiques de persécution. Cependant, une telle approche globale de la problématique des demandeurs d'asile, qui tiendrait compte du sexe, fait défaut dans la politique des réfugiés des États membres de l'Union européenne.

Dans le cadre des auditions de la commission de l'Intérieur, le ministre a confirmé que dans la pratique, il est bel et bien tenu compte du sexe dans la procédure d'asile. Le ministre a également estimé qu'il n'était pas nécessaire de promulguer des directives quant au contenu, étant donné que dans notre pays, pareilles directives ne sont pas usuelles dans ce domaine. Enfin, le ministre a souligné qu'il n'est pas habilité à donner des directives au commissaire général et à la Commission permanente de recours. Pourtant, la commission constate que l'on n'a pas résolu totalement le problème et que souvent, l'on n'y consacre aucune attention sur le terrain.

5.2.2. Actualiser la Convention relative aux réfugiés et inscrire le sexe comme motif de poursuites dans la législation internationale concernée

5.2.2.1. Point de vue des organisations

Selon les termes de la Convention de Genève, les persécutions basées sur la race, la religion, la nationalité, l'appartenance à un groupe social ou des convictions politiques constituent des raisons valables pour octroyer l'asile politique.

Dans une interprétation large de l'expression « appartenance à un groupe social », l'asile pourrait être accordé dès lors qu'il est manifeste que les femmes en tant que groupe font l'objet de persécutions systématiques (notamment des viols massifs) (cf. Werkgroep Vrouwelijke Vluchtelingen, I, point 12).

5.2.2.2. Point de vue du ministre

Le ministre estime que la Convention de Genève sur la protection des réfugiés contient suffisamment de garanties pour pouvoir faire face à la persécution due au sexe. Par ailleurs, il indique que l'ouverture de la discussion sur le contenu de la Convention de Genève peut avoir un effet inverse, étant donné que le résultat de la discussion pourrait plutôt mener à un pas en arrière qu'à un pas en avant.

5.2.2.3. Constatations de la commission

Le sexe comme motif de poursuites (cf. la race, la nationalité, la religion, les convictions politiques, l'appartenance à un groupe social déterminé) ne figure pas en tant que tel dans la Convention sur les réfugiés. C'est là une lacune historique regrettable, parce que dans certains États, les femmes sont poursuivies, précisément, en raison de leur féminité. Cet oubli s'explique par le fait que c'est l'image de l'activiste politique intellectuel masculin que l'on a fait entrer dans l'histoire comme l'exemple classique du réfugié après la Seconde Guerre mondiale.

Le fait que le « sexe » ne figure pas dans la Convention de Genève comme motif de poursuites ne signifie pas que les femmes ne puissent pas se prévaloir de ladite Convention. Les « convictions politiques », la « religion » et l' « appartenance à un groupe déterminé » sont des motifs qui offrent suffisamment de latitude pour octroyer le statut de réfugié en raison de poursuites dirigées spécifiquement contre des femmes.

C'est surtout le critère de l'appartenance à un groupe social déterminé qui permet aux femmes réfugiées de faire relever des formes de persécution liées au sexe du champ d'application de la convention. À l'époque, ce critère a été inséré dans la convention en tant que motif résiduel de persécution, pour permettre, à l'avenir, de tenir compte de cas de persécution imprévus dans le champ d'application de la Convention de Genève.

Il s'avère néanmoins que cette interprétation « partiale » d'une convention qui ne contient par ailleurs aucune discrimination fondée sur le sexe, donne lieu à des malentendus dans la pratique, de sorte que les demandeuses d'asile ont souvent des difficultés à prouver que leur demande d'asile se justifie en raison des persécutions dont elles ont fait l'objet précisément parce qu'elles sont femmes.

5.3. Étudiants étrangers

5.3.1. Point de vue des organisations

Le problème des étudiants étrangers se situe surtout au niveau des femmes, qu'elles soient épouses d'étudiants ou étudiantes elles-mêmes.

Les femmes étudiantes ne représentant qu'une infime minorité, c'est surtout le sort des épouses qui a le plus préoccupé les organisations.

Elles sont soumises à un statut calqué totalement sur celui de leurs maris : cela les exclut du marché du travail, et les rend donc totalement dépendantes de leur mari. C'est insupportable pour celles qui veulent divorcer, parce que cela signifie l'expulsion du pays, mais cela fragilise aussi celles qui doivent vivre seulement de la bourse de leur mari étudiant qui, en plus, tarde souvent à être payé.

Dès lors, ces femmes sont obligées d'effectuer des travaux au noir si elles veulent que leur famille vive décemment (Conseil des Femmes francophones, I, point 13).

5.3.2. Point de vue du ministre

Le ministre indique que, selon la loi, les étudiants étrangers peuvent faire venir les membres de leur famille pour autant qu'ils soient en état de payer les frais de séjour de ceux-ci. L'étudiant et sa famille savent donc bien que les membres de la famille ne peuvent pas travailler ici et qu'ils ne peuvent rester chez nous que pendant la durée des études. C'est aussi, dans ce cadre, qu'il faut évaluer la situation des femmes divorcées ou séparées : le statut de séjour était totalement lié à celui de leur conjoint. Si elles n'ont plus de relation de fait avec cette personne, elles n'ont plus aucune raison de continuer à séjourner en Belgique.

5.3.3. Constatations de la commission

Dans certains cas, les étudiants étrangers qui étudient en Belgique grâce à une bourse sont confrontés à un paiement déficient et surtout tardif de la part de leur pays d'origine. S'ils ne disposent pas de moyens financiers suffisants, ils se voient forcés de chercher de l'aide auprès des CPAS des communes où ils résident. En 1996, le secrétaire d'État à la Coopération au développement a promis de prendre les mesures adéquates pour s'attaquer à ce problème. Ce point a été évoqué lors des auditions, mais il avait déjà été discuté lors de l'examen de la loi sur les étrangers. En conséquence, la commission souhaite uniquement actualiser cette constatation.

La commission souhaite que l'on s'intéresse également au problème des couples mariés dont un des membres ­ généralement le mari ­ est étudiant. C'est surtout le sort des épouses qui veulent divorcer de leur mari étudiant qui est attristant, parce qu'une fois divorcées, elles sont expulsées immédiatement. Cette réalité les expose en permanence au chantage et à des violences qui resteraient impunies.


IV. RECOMMANDATIONS

1. Accès au territoire

1.1. Octroi des visas

La délivrance d'un visa (visa de touriste, visa d'étudiant, visa d'affaires, ...) devrait pouvoir intervenir dans un délai moyen d'un mois. Ce délai prend cours dès que le dossier est complet. S'il n'est pas possible d'atteindre cet objectif avec l'infrastructure et les effectifs existants, il faudra, le cas échéant, dégager des moyens afin de se doter d'équipements (courrier électronique) et d'effectifs supplémentaires.

En cas de refus de visa, la décision doit être notifiée immédiatement et par écrit à l'intéressé en respectant l'obligation de motivation, telle qu'elle est définie à l'article 62 de la loi sur les étrangers. L'intéressé doit aussi pouvoir consulter le dossier, conformément à la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration et sous réserve des exceptions qui y sont prévues.

La procédure d'octroi des visas doit être transparente. À ce sujet, la commission se réjouit que le ministère projette de publier des dépliants sur les visas, contenant toutes les informations nécessaires, mais elle insiste pour que ces dépliants soient disponibles encore avant cet été.

La non-obtention d'un visa ne peut avoir a priori de conséquences négatives automatiques sur l'appréciation de la demande d'asile.

1.2. Contrôle des compagnies de transport

La commission estime que le ministre doit continuer à exercer un contrôle sur la manière dont les compagnies de transport reconduisent les passagers qui se sont vu refuser l'accès au territoire. Il y a lieu de se montrer spécialement circonspect vis-à-vis du recours aux firmes privées de gardiennage.

La manière dont ces passagers sont reconduits et le contrôle de cette activité devrait, dans l'avenir, faire l'objet d'accords à passer lors de la signature ou de l'évaluation des protocoles d'accord.

La procédure clairement fixée par l'autorité définit la marche à suivre par les sociétés de transport et doit permettre de les contrôler et de les surveiller.

1.3. La prise en charge

On doit élaborer des règles spéciales, plus souples, pour faire face à une série de situations particulières. Certains sénateurs sont d'avis qu'on peut, à bref délai, fixer ces règles dans une circulaire. D'autres cependant estiment nécessaire de modifier la loi en vue de compléter l'article 3bis de la loi du 15 décembre 1980.

Cette modification devrait tendre à permettre aux ordres religieux ainsi qu'aux organisations humanitaires de se porter garants pour la prise en charge des demandeurs de visa, de sorte que cette obligation ne soit plus limitée exclusivement aux personnes physiques.

On pourrait imaginer comme solution de rechange que les personnes morales qui se porteraient garantes à la suite d'une modification de la réglementation, soient tenues de prévoir une garantie bancaire ou de déposer une somme en consignation auprès d'un fonds créé à cet effet.

La durée de la prise en charge (actuellement fixée à deux ans dans tous les cas) devrait être adaptée en fonction du type de séjour envisagé par l'étranger qui arrive en Belgique.

Dans l'immédiat, la commission demande au ministre de rédiger, à l'intention des communes, une circulaire dans laquelle il définit clairement l'étendue de leurs compétences en matière de prise en charge.

1.4. Le centre INAD

La commission estime qu'il faudrait permettre à une instance indépendante (par exemple, le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme) d'accéder au centre INAD afin d'en contrôler le fonctionnement.

En outre, il y a lieu d'améliorer la circulation des informations, d'une part, en affichant, à l'intérieur du centre, les adresses des avocats et ambassades et, d'autre part, en assurant un accès réel aux possibilités de recours administratif.

1.5. Renvoi vers un autre pays de l'espace Schengen

La commission encourage le ministre à plaider, au sein de l'UE, à l'échelon du Conseil des ministres, pour l'abandon du système des « pays tiers sûrs ». Ainsi, en matière de refoulement, on serait contraint de choisir uniquement des pays Dublin comme « pays tiers », ce qui correspond à la pratique actuelle en Belgique.

2. La procédure d'asile

2.1. L'Office des étrangers

2.1.1. La formation du personnel

Il est indiqué de donner à tous les fonctionnaires confrontés à la problématique des étrangers une formation dans le domaine de la législation sur les étrangers et des techniques d'accueil et d'interview. Les intervieweurs en particulier doivent régulièrement suivre une formation donnée par des experts.

L'augmentation de la professionalisation peut notamment se déduire de la durée moyenne de l'interview. Le contrôle de la qualité de l'interview nécessite notamment d'en indiquer la durée dans la procès-verbal.

L'utilisation d'une liste de questions fixe (modèle européen) doit permettre à l'intervieweur de développer la régularité dans ses interviews.

Des rapports régulièrement actualisés, venant du ministère des Affaires étrangères, sur les différents pays doivent être à la disposition des intervieuweurs. Grâce à ces rapports, la procédure d'interview sera d'autant plus efficace qu'elle devrait tenir compte notamment de la situation géopolitique de la région d'origine des demandeurs d'asile, des différences linguistiques régionales et culturelles, ainsi que du niveau d'instruction de la personne interrogée.

Tant l'Office des étrangers que la Commission permanente de recours doivent disposer des mêmes sources d'informations sur les pays.

Nous attendons du ministre qu'il veille à ce qu'après la formation de base, l'on donne une formation complémentaire, en collaboration avec des spécialistes ou des organisations des droits de l'homme (comme Amnesty International).

L'effectif contractuel doit, selon la commission, continuer à être converti en agents définitifs.

2.1.2. Communication

La commission demande que l'on améliore les échanges d'informations et la collaboration entre les services fédéraux, les services des communautés et les services des pouvoirs locaux.

Elle suggère les pistes de réflexion suivantes :

­ s'efforcer de simplifier radicalement les procédures administratives;

­ élaborer un guide pratique destiné aux mandataires, aux agents et aux services des communes et des CPAS. Le guide doit être un moyen de leur faire connaître les articulations de la loi sur les étrangers avec toutes les compétences locales et peut les aider ainsi à constituer plus rapidement les dossiers;

­ intégrer dans les plans de gestion une série de mesures visant à améliorer la communication et les échanges d'informations avec les communes et les CPAS et à faire disparaître rapidement certaines anomalies (réception d'informations contradictoires émanant des divers services fédéraux).

En résumé, on demande plus de précisions dans les échanges d'informations entre toutes les parties concernées : l'Office des étrangers, le ministère de la Santé publique, la commune et le CPAS. Ceci permettra de prendre les bonnes décisions tout en améliorant la situation du demandeur d'asile.

2.1.3. Contrôle

Conformément aux objectifs du plan de gestion, il convient de consacrer suffisamment d'attention au contrôle interne de la qualité à l'Office des étrangers, et ce pour répondre aux nouvelles conceptions en matière de bonne administration.

2.2. Le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides

2.2.1. Le commissaire général et ses adjoints

La commission insiste pour que le ministre tienne sa promesse de régler le plus rapidement possible, de manière satisfaisante, le statut administratif du commissaire général et de ses adjoints. À cet égard, l'indépendance du commissaire général doit être consacrée dans des dispositions légales qui constitueront une confirmation statutaire de sa position et de celle de ses adjoints. Le statut administratif du commissaire général et de ses adjoints doit être équivalent à celui des membres de la Commission permanente de recours.

2.2.2. Le personnel

La commission demande que lors de l'instauration du cadre statutaire du commissariat général, on veille à préserver l'efficacité du service en conservant le maximum d'expérience professionnelle.

2.3. La Commission permanente de recours

La commission souhaite que l'on intensifie encore les efforts entrepris en vue de résorber l'arriéré à la Commission permanente de recours.

3. Le séjour sur le territoire belge

3.1. L'organisation du séjour

3.1.1. Le passage au CPAS

La commission recommande :

­ que l'on fasse élaborer par les CPAS une solution globale pour l'hébergement de tous les groupes socialement démunis. Le problème du logement ne se limite pas, en effet, aux candidats réfugiés;

­ que l'on fasse en sorte d'améliorer le passage du centre d'accueil à un logement des candidats réfugiés dont la demande est déclarée recevable, en sensibilisant davantage les CPAS au problème;

­ que l'on recherche également une solution globale au problème des garanties locatives en concertation avec les CPAS.

3.1.2. Le plan de répartition

Pour l'exécution du plan de répartition, l'accompagnement des personnes qui ne séjournent pas effectivement dans la commune d'attribution constitue un problème.

Il convient d'évaluer ce plan régulièrement et de le rendre plus performant.

À cet effet, l'Office des étrangers peut, sur l'ordre du ministre de l'Intérieur, donner tous les ans un aperçu chiffré de la répartition effective de la population des demandeurs d'asile.

La réglementation actuelle relative à l'exécution de l'enquête sociale doit être évaluée, en vue d'être éventuellement adaptée à l'avenir.

3.1.3. Le mariage

En ce qui concerne les personnes en séjour illégal mariées avec une personne de nationalité belge ou un ressortissant de l'Union européenne, la commission a estimé que dans un certain nombre de situations, un assouplissement des conditions de la circulaire du 28 août 1997 s'impose pour éviter que l'intéressé ne doive retourner dans son pays d'origine.

3.2. Les déboutés

3.2.1. Aide sociale

L'arrêt nº 43/98 de la Cour d'arbitrage du 22 avril 1998 a annulé les mots « exécutoire » aux alinéas 3 et 4 de l'article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976 organique des CPAS.

Selon les termes de l'arrêt (point B.37) « cette annulation a pour effet que l'article 57, § 2, doit s'interpréter comme ne s'appliquant pas à l'étranger qui a demandé à être reconnu comme réfugié, dont la demande a été rejetée et qui a reçu un ordre de quitter le territoire tant que n'ont pas été tranchés les recours qu'il a introduits devant le Conseil d'État contre la décision du commissaire général aux réfugiés et aux apatrides prise en application de l'article 63/3 de la loi de 1980, ou contre la décision de la Commission permanente de recours des réfugiés ».

La commission demande que le gouvernement prenne position dans les meilleurs délais, sur l'arrêt de la Cour.

La commission demande de clarifier davantage les réglementations sur la régularisation du séjour des personnes, le traitement rapide de demandes éventuelles et la réglementation de l'organisation du départ volontaire.

Cela suppose toutefois l'existence d'un statut de séjour provisoire qui peut être accordé dans la plus grande partie des cas problématiques.

3.2.2. Aide médicale urgente

Il y a lieu d'amender l'article 57, § 2, de la loi organique des CPAS et de compléter le droit à l'aide médicale urgente par un droit à l'alimentation et, le cas échéant, au logement, pour que la dignité humaine continue à être respectée. La politique de dissuasion à l'égard des candidats réfugiés a eu pour effet d'atténuer sensiblement la portée du principe général inscrit à l'article 57, § 1er , de la loi du 8 juillet 1976 à l'égard des étrangers clandestins. La question reste de toute façon posée quant à savoir si pareille politique respecte le principe selon lequel toute personne a droit à une existence conforme à la dignité humaine. Pour garantir une politique humaine en la matière, nous proposons d'accorder de manière inaliénable certains droits fondamentaux aux personnes qui ne sont pas en séjour légal dans notre pays.

La commission propose, pour faciliter l'accès à l'aide médicale urgente, de prendre :

­ les mesures nécessaires pour informer correctement, rapidement et complètement les prestataires de soins sur le contenu, la portée et l'interprétation de l'arrêté royal relatif à l'aide médicale urgente à fournir aux étrangers qui séjournent illégalement dans le pays, ce qui n'a pas été fait immédiatement et de manière efficace après la promulgation de l'arrêté royal;

­ les mesures nécessaires pour que la première circulaire sur les questions ouvertes comme la question du contenu exact de la notion d'aide médicale urgente, les questions relatives aux compétences des CPAS et la question de la portée du remboursement, soit remplacée par une deuxième. Le remplacement devra se faire en concertation avec la section. »

3.2.3. Le « délit de solidarité » (article 77)

L'aide humanitaire aux clandestins par des individus ou des organisations sociales n'est pas punissable. Les propositions de loi portant interprétation de l'article 77, deuxième alinéa, de la loi sur les étrangers servent à écarter tous les doutes.

Ces propositions doivent être traitées par la commission de l'Intérieur dans les plus brefs délais.

3.3. La régularisation

3.3.1. Nécessité d'une politique cohérente de régularisation

Dans ce domaine, plusieurs choses sont déjà réalisées. On examine cas par cas, sur la base de critères individuels, si la régularisation peut être accordée.

Afin d'améliorer la clarté et l'accessibilité, il est recommandé de charger une cellule spéciale au sein de l'Office des étrangers (avec désignation d'une personne de contact) de l'examen des demandes de régularisation dans le cas :

1. d'une procédure d'asile trop longue pour autant que cette situation est imputable à l'administration;

2. de raisons humanitaires (l'opinion du bourgmestre est importante) sur la base de critères qui peuvent être notamment... : la situation familiale, la présence d'enfants et leur scolarisation, l'état de santé du demandeur et des membres de sa famille, la preuve que le demandeur dispose de moyens de subsistance et d'un logement suffisants, d'éléments indiquant une intégration sociale réussie du demandeur et des membres de sa famille, les liens familiaux du demandeur avec des personnes autorisées à séjourner en Belgique pendant plus de 3 mois, à quelque titre que ce soit, l'âge du demandeur, la durée du séjour en Belgique du demandeur, la situation politique dans le pays d'origine du demandeur, les difficultés relatives au statut de séjour dues à des événements de la vie personnelle du demandeur.

Les propositions de loi déposées à ce sujet feront l'objet d'un débat parlementaire.

3.3.2. Protection temporaire

Il est souhaitable d'établir un aperçcu transparent et coordonné :

1. des personnes déplacées

Il y a lieu d'élaborer au plus vite une réglementation au niveau européen sur la base de la proposition existante de la Commission européenne. La Belgique devrait y jouer un rôle actif.

Ce règlement européen, qui s'apparenterait à ce qu'on appelle communément le « statut B », permettrait d'octroyer à certaines personnes un statut provisoire de séjour d'une durée d'un an renouvelable. Celui-ci octroierait d'office le droit à l'aide sociale et le droit à un permis de travail pour les personnes considérées comme « inexpulsables ».

C'est pourquoi il faudrait accorder un statut aux personnes qui n'entrent pas dans le champ d'application de la Convention de Genève et craignent la persécution (par exemple l'Algérie). Dans ce cas, c'est le Commissariat général qui apprécierait cette situation et qui délivrerait un titre d'asile temporaire d'une durée d'un an, éventuellement renouvelable, qui vaudrait autorisation de travail et permettrait l'octroi de l'aide sociale.

2. des personnes impossibles à éloigner en raison de circonstances indépendantes de leur volonté

Certaines personnes sont inexpulsables parce que, par exemple, comme déboutés d'une procédure d'asile, elles n'osent pas rentrer dans leur pays d'origine par peur d'y être poursuivies (par exemple les Kosovars). Dès lors, elles refusent de signer la déclaration prévue par la circulaire du 14 novembre 1997.

Il s'impose alors d'adapter en conséquence cette circulaire, qui a été un premier pas dans le sens souhaité.

4. Les problèmes que soulève l'éloignement du territoire

4.1. Les conditions d'hébergement et de détention des personnes en voie d'éloignement

Le Centre 127 doit être complètement rénové. Les conditions générales relatives à l'accueil, au logement et à l'hygiène semblent être plutôt satisfaisantes dans la plupart des autres centres. Toutefois, il y a lieu de procéder à une certaine amélioration de ces conditions :

­ par l'organisation d'activités régulières (sports, ateliers, formations, travaux, ...) pour les adultes détenus, mais aussi pour les mineurs détenus qui sont accompagnés de leur famille (dans l'attente d'une disposition qui interdit la détention des familles);

­ par la diffusion d'une large information sur diverses aides qui peuvent leur être apportées en matière sociale, juridique, médicale;

­ par l'amélioration des infrastructures (bâtiments ...) accueillant les étrangers;

­ par la création d'une commission nationale des centres fermés, chargée de contrôler la qualité des conditions de séjour dans les centres fermés, à l'instar de ce qui existe pour les prisons. Cette commission effectuerait un contrôle permanent sur ces centres, et serait composée d'un délégué de l'Office des étrangers, un autre du Centre pour l'égalité des chances et un dernier qui proviendrait de la société civile;

­ par la promulgation rapide de l'arrêté royal en projet fixant les conditions de détention, dès que le Conseil d'État aura rendu un avis à son sujet;

­ par la promulgation d'un arrêté royal en exécution de l'article 74/8, § 4, de la loi sur les étrangers, afin que les personnes séjournant en centre fermé puissent accomplir de petits travaux, au même titre que les détenus.

­ par la conclusion d'un accord avec les communautés qui permettrait à l'ONE et à Kind & Gezin d'exercer, en raison de la présence de familles (avec enfants) un contrôle de la qualité sur ces centres.

4.2. La durée du maintien en détention

La réglementation existante prévoit des garanties visant à éviter des situations de détention injustifiée, par l'application de conditions restrictives auxquelles une prolongation doit satisfaire, le cas échéant assortie d'un contrôle judiciaire.

Il y a toutefois lieu de l'améliorer en prévoyant que la durée de détention devrait être limitée à cinq mois, avec une prolongation exceptionnelle de trois mois sous contrôle renforcé dans le cas où l'ordre public est menacé, tout en conservant la possibilité de recours actuelle mise à la disposition de l'intéressé. Il convient de modifier en conséquence la loi relative aux étrangers.

4.3. Le retour volontaire

Il y a lieu de mettre tout en oeuvre pour encourager le retour volontaire des étrangers ou demandeurs d'asile qui ne sont pas habilités à séjourner dans notre pays.

À cet égard, on peut envisager :

­ d'organiser une campagne active en collaboration avec les communes et les CPAS;

­ d'axer les efforts prioritairement sur l'encouragement du retour volontaire dans le cadre de la politique dite d'éloignement et d'inciter les services compétents à s'y atteler, à acquérir un savoir-faire et à prévoir un budget à cet effet. Ici aussi, il faudra une concertation entre les ministres compétents;

­ de suggérer des pistes de réflexion en vue d'optimaliser le système actuel de rapatriement volontaire, par exemple :

· en majorant le montant de la prime de retour et en prévoyant une liquidation en trois tranches, à raison d'un tiers au moment du départ et de deux tiers après le retour dans le pays d'origine;

· en élargissant les conditions d'octroi;

· en encourageant le retour volontaire dans le cadre des programmes de coopération au développement.

Le programme actuel dans le cadre de l'Organisation internationale des migrations (OIM), relatif à l'encadrement des demandeurs d'asile ou des étrangers expulsés, en cas de retour volontaire, est la seule initiative qui existe dans notre pays.

Nous considérons cependant qu'il convient de prendre d'autres initiatives et de lancer des projets pilotes, plus précisément dans le cadre des programmes de coopération au développement.

Les demandeurs d'asile qui ont épuisé toutes les voies de recours ainsi que les autres personnes non accompagnées peuvent bénéficier d'un encadrement pour retourner dans leur pays d'origine, afin de réintégrer leur société d'une manière plus positive et plus constructive, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, et contribuer ainsi au développement de leur pays, grâce à la mise en place de micro-projets économiques susceptibles de générer des revenus et de l'emploi.

4.4. Le rapatriement forcé

En cas de nécessité de rapatriement forcé, l'exécution de celui-ci doit être réalisée dans le respect de la dignité humaine, notamment par des procédures policières adaptées.

4.5. Analyse de la situation

Si la situation personnelle d'une personne qui est placée dans un centre fermé en vue de son rapatriement n'a pas encore fait l'objet d'un examen dans le cadre d'une procédure quelconque ­ parce que l'intéressé résidait illégalement dans notre pays et n'a pas demandé l'asile ­, la direction de l'institution concernée doit avoir la possibilité de faire reporter le rapatriement de cette personne afin que l'on puisse examiner sa situation (situation familiale, possibilités de retour, etc.).

4.6. Rapports-pays

La commission propose d'instaurer l'utilisation de rapport-pays (qui contiendraient les informations nécessaires pour apprécier si on peut ramener, avec accompagnement, une personne dans son pays d'origine ou un autre pays en s'assurant qu'elle ne court pas de danger et qu'elle peut subvenir à ses besoins sur place), en tant qu'instruments officiels de la politique d'éloignement et de rapatriement. La rédaction de ces rapports sera coordonnée par le département des Affaires étrangères.

Les informations contenues dans lesdits rapports sont collectées de manière scientifique et traitées en vue de constituer un outil de travail utile. Elles sont mises à jour régulièrement. Outre les informations provenant des services des Affaires étrangères et des ambassades ainsi que des départements du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, les rapports-pays intégreront les rapports d'Amnesty International, des différentes organisations de l'ONU et de la Croix-Rouge internationale.

5. Groupes particuliers

5.1. Les mineurs d'âge

La commission demande au ministre de continuer à élaborer la politique spécifique applicable aux mineurs d'âge d'origine étrangère.

À cet égard, il convient de définir davantage les notions de « mineurs d'âge » et de « mineur d'âge non accompagnés ».

À cet égard, la commission souhaite souligner particulièrement la nécessité :

­ d'un accompagnement et traitement adapté des mineurs pendant l'examen de la demande d'asile, compte tenu des recommandations du HCNUR;

­ d'une réglementation particulière relative à la tutelle du mineur non accompagné étranger. Ici, la réglementation suisse ou néerlandaise existante peut servir d'exemple;

­ d'un accueil et d'un accompagnement bien organisé de tout mineur non accompagné. Tant les autorités fédérales que les communautés doivent assumer leur responsabilité en la matière. Au niveau fédéral, on s'attend à une amélioration de la structure d'accueil pour demandeurs d'asile. En ce qui concerne l'accompagnement de l'accueil des autres mineurs non accompagnés, les communautés sont en principe responsables. Ceci doit s'effectuer quel que soit le statut de séjour du mineur. Afin d'enlever tout doute à cet égard et de garantir une organisation adéquate de l'accueil dans l'avenir, il faut conclure dans les plus brefs délais un protocole entre les autorités fédérales et les communautés;

­ d'une limitation de la possibilité d'enfermement pour mineurs à des conditions exceptionnelles et à une durée la plus courte possible.

5.2. Les femmes demandeuses d'asile

5.2.1. Attention particulière aux femmes demandeuses d'asile

Il y a lieu de porter une attention particulière à la problématique des femmes demandeuses d'asile, surtout vu sous l'angle du « genre ».

Il est dès lors souhaitable de veiller à ce que des directives officielles spécifiques garantissent une procédure d'asile respectueuse envers les femmes dans tous les domaines, qu'il s'agisse de la procédure, de l'audition, de l'accueil, de la détention, du retour volontaire ou forcé, ou de la santé, de l'intégration, de la formation ou encore du reclassement des demandeuses d'asile.

Le nécessaire doit être fait afin que les interviews soient faites par des femmes et que les membres du personnel concerné reçoivent une formation particulière sur la problématique relative à la situation de la femme.

Il convient d'imposer ces directives aux trois échelons qui sont l'Office des Etrangers, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides et la Commission permanente de recours.

Les directives du HCR des Nations Unies sur la protection des réfugiées et les directives qu'ont prises récemment trois États, en l'occurrence le Canada, les États-Unis et l'Australie, peuvent constituer, à cet égard, une source d'inspiration utile.

5.2.2. Actualiser la convention relative aux étrangers et inscrire le sexe comme motif de poursuites dans les instruments internationaux

L'idée devrait être conçue au niveau international d'actualiser la Convention relative aux réfugiés, en faisant inscrire expressément, dans les conventions internationales, le sexe comme une cause de persécution.

Le gouvernement devrait prendre soin de porter ce débat à l'ordre du jour des organisations internationales concernées, chaque fois que cela lui paraît possible sans nuire aux acquis contenus dans lesdites conventions.

6. Recommandations générales

Si l'on veut que la politique en matière d'immigration et d'étrangers soit bonne et efficace, il faut nécessairement qu'elle soit juste et humaine. À cet égard, la commission estime que la dignité de chaque demandeur d'asile, de chaque être humain, doit toujours se trouver au centre des préoccupations.

6.1. Une nouvelle coordination de la législation existante

6.1.1. Donner à la loi sur les étrangers une structure claire

La loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers a été modifiée une dizaine de fois depuis son entrée en vigueur. Les adaptations importantes ont été apportées par les lois des 10 et 15 juillet 1996.

À la suite de ces modifications, la loi sur les étrangers est désormais devenue plus complexe et plus difficilement accessible. Ce ne sont pas seulement l'administration et les services à tous les niveaux qui doivent appliquer la loi, mais également l'étranger lui-même, les ONG et les avocats, qui sont confrontés à ce problème.

La commission demande que le Conseil d'État soit chargé de procéder à une nouvelle coordination de la loi sur les étrangers pour l'année 2000.

6.1.2. Publier les circulaires ministérielles

En raison des circonstances sans cesse changeantes, l'on a fait un usage fréquent, ces derniers mois, de circulaires. Cette technique, qui permet de réagir rapidement à la réalité en pleine évolution, présente l'avantage de la clarté, mais offre moins de sécurité juridique en raison de sa flexibilité.

Nous proposons que toutes les circulaires ministérielles, pas seulement celles portant sur la matière qui nous intéresse, mais également les circulaires non réglementaires, soient publiées. Il faut également numéroter les circulaires par année et les répertorier et publier, chaque année, un tableau de ce répertoire au Moniteur belge.

6.2. Prévoir une formation adaptée pour ce personnel

La commission pense qu'il est nécessaire de faire participer tous les agents, qui auront à faire avec la problématique des étrangers, à une formation portant sur la loi sur les étrangers et sur les techniques d'accueil et d'interview.

6.3. Promouvoir un dialogue social

Le Conseil consultatif des étrangers est un conseil consultatif défini à l'article 31 de la loi sur les étrangers. La commission propose de faire une évaluation de la composition et du fonctionnement dudit conseil, tels qu'ils sont mentionnés à cet article. La commission estime que ce conseil peut fonctionner, à l'avenir, comme organe national de concertation sur la politique en matière d'immigration et d'étrangers entre la société civile et le pouvoir politique.

6.4. Faire un rapport annuel au Parlement

Il est indiqué de poursuivre au Parlement l'évaluation systématisée de la politique en matière d'étrangers. Cette évaluation devrait être effectuée chaque année par la commission de l'Intérieur du Sénat. Chaque année, le gouvernement doit publier un rapport qui donne un aperçu de la politique en matière de migration et de sa mise en oeuvre aux niveaux national et européen. Ce rapport pourrait faire l'objet d'un débat conjoint avec le rapport du commissariat général aux réfugiés et aux apatrides, dont le dépôt est déjà prévu par la loi.

Le rapport demandé doit, plus particulièrement, porter sur les points suivants :

­ l'application de la Convention de Dublin;

­ le contrôle frontalier;

­ l'évolution du taux d'occupation des centres d'accueil ouverts afin de pouvoir évaluer si la capacité existante répond aux besoins;

­ la politique de régularisation;

­ la politique d'éloignement, plus particulièrement la durée de la détention et l'éloignement vers les pays dits problématiques;

­ l'exécution des plans de gestion des services et instances concernées;

­ la responsabilité des sociétés de transport.


Les recommandations ont été adoptées à l'unanimité des 9 membres présents.


Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.

Les rapporteuses, La présidente,
Sabine de BETHUNE.
Anne-Marie LIZIN.
Joëlle MILQUET.

(1) L'Italie a adhéré le 26 octobre 1997 aux accords de Schengen, l'Autriche a adhéré le 1er décembre 1997 et la Grèce le 28 mars 1998.

(2) À savoir les États membres de l'Union européenne.

(3) Cette cellule regroupe deux collaborateurs de la Croix-Rouge et deux fonctionnaires de la direction de l'administration de l'aide sociale et exerce ses activités dans les bâtiments de l'Office des étrangers.

(4) Les demandeurs d'asile déclarés immédiatement recevables, les deuxièmes demandeurs d'asile ne sont pas reçus par un centre d'accueil mais bénéficient (ou continuent à bénéficier) de l'aide sociale octroyée par le CPAS.

(5) Ces chiffres sont calculés pour la période du 1er janvier 1997 au 1er septembre 1997.

(6) Doc. Chambre, 1204/1-96/97 et 1205/1-96/97.

(7) Pour un aperçu détaillé des chiffres : voir annexe 16.

(8) Donc sans demande de régularisation.

(9) Voir annexe 20.

(10) Par exemple en cas de danger pour l'ordre public ou la sécurité nationale ou en cas d'une demande d'asile lorsqu'il est clairement établi qu'il ne s'agit pas d'un réfugié.

(11) 1995 : 7 901 ­ 1996 : 9 675.

(12) Voir fiche pour ces pays en annexe 18.

(13) Par exemple lorsque le retour de la personne détenue avec les membres de sa famille est recommandé.

(14) Par exemple des personnes gravement malades, des femmes enceintes ou des mineurs non accompagnés.

(15) À l'annexe 19 se trouve une liste des pays avec lesquels la Belgique a conclu un accord de reprise.

(16) Il s'agit d'un diplomate qui est habilité par le ministère de l'Intérieur afin de coordonner les aspects internationaux de la politique d'immigration. Actuellement, le ministre délégué Dartois, assisté par le ministre délégué Gilles De Pelichy, remplit cette fonction.

(17) Par exemple en adoptant un comportement moins souple lors de l'enquête des demandes de visa introduites par le personnel diplomatique et le personnel des services publics.

(18) Dans l'aperçu du Commissariat général il est question de 794 demandes d'asile. Cependant, de celles-ci doivent être retirées les 179 demandes d'asile des plus de 18 ans puisque ceux-ci sont bel et bien mineurs selon leur statut personnel mais pas selon les normes internationales et belges en vigueur.