1-62 | 1-62 |
Sénat de Belgique |
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Annales des réunions publiques de commission |
Handelingen van de openbare commissievergaderingen |
COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES |
COMMISSIE VOOR DE SOCIALE AANGELEGENHEDEN |
SÉANCE DU MARDI 26 NOVEMBRE 1996 |
VERGADERING VAN DINSDAG 26 NOVEMBER 1996 |
Mme la Présidente . L'ordre du jour appelle la demande d'explications de M. Philippe Charlier au ministre des Affaires sociales sur « la situation des bénéficiaires et des prestataires de soins logopédiques ».
La parole est à M. Philippe Charlier.
M. Ph. Charlier (PSC). Madame la Présidente, le secteur paramédical est en évolution constante en raison de la limitation des moyens qui lui sont accordés et de l'évolution même des techniques et des professions.
Pour commencer par une note positive, je rappellerai la parution au Moniteur belge, le 6 décembre 1994, de l'arrêté du 20 octobre de cette même année, relatif au titre professionnel et aux conditions de qualifications requises pour l'exercice de la profession des logopèdes et portant fixation de la liste des prestations techniques et de la liste des actes dont le logopède peut être chargé par un médecin.
Il s'agit effectivement là d'une protection du titre et, par conséquent, d'une reconnaissance de la profession, comme je l'ai toujours souhaité et continue à l'appeler de mes voeux, pour toutes les professions paramédicales. Je sais d'ailleurs que des efforts continuent toujours à être faits en ce sens au niveau de l'administration de votre cabinet; je ne peux que les encourager.
J'en viens au sujet de ma demande d'explications. Je voudrais d'abord rappeler que le transfert des compétences du Fonds national vers l'INAMI en matière de rééducation fonctionnelle devait préserver les droits acquis des bénéficiaires, voire des prestataires.
À cet égard, je souhaite, madame la ministre, vous interroger sur la situation des bénéficiaires d'abord et des prestataires ensuite.
S'agissant des bénéficiaires, je voudrais, en premier lieu, attirer votre attention sur la couverture des besoins logopédiques des enfants placés en institution.
Bien entendu, je comprends votre souci, madame la ministre, de ne pas permettre le remboursement en privé de prestations déjà dispensées dans d'autres institutions telles que les IMP, les centres de rééducation, l'enseignement spécial ou les centres de jour. Il faut cependant constater que ces structures ne sont pas ouvertes en permanence, qu'elles ne disposent pas nécessairement d'un nombre suffisant de prestataires et qu'elles sont inégalement réparties dans le pays.
À cet égard, je voudrais plus particulièrement m'enquérir de la situation des handicapés mentaux sévères, lesquels sont orientés exclusivement vers des centres ouïe-parole agréés afin de suivre leur traitement logopédique.
Madame la ministre, estimez-vous le nombre de ces centres suffisant ? Quelle est leur répartition géographique ? Sont-ils aptes à rencontrer les besoins de la population de façon satisfaisante ? Pourriez-vous me préciser la répartition, par province, de ces centres agréés par l'INAMI ?
Je voudrais souligner également, dans cette discussion, la nécessité de préserver la liberté de choix du prestataire par les bénéficiaires ou leurs parents. Les thérapeutes privés ont, jusqu'ici, assumé correctement leurs responsabilités et peuvent d'autant plus prétendre à poursuivre dans cette voie. Ils ont pris l'habitude d'aller vers ceux qui, de par leur handicap ou leur situation particulière, éprouvent des difficultés à se déplacer.
Un autre point critique concerne l'aspect technique de la nomenclature des prestations de rééducation logopédique. Cette nomenclature est assez restrictive et même déséquilibrée. L'arrêté royal du 10 janvier 1991 pris en application de la loi du 9 août 1963 établit la nomenclature des prestations de rééducation. Il précise que l'intervention de l'assurance peut être accordée au bénéficiaire qui présente « des troubles du développement du langage montrés par un test du langage avec résultat inférieur au troisième percentile, un QI supérieur ou égal à 86 et aucune perte auditive ».
Cette définition pose d'abord problème dans sa référence à un quotient intellectuel supérieur ou égal à 86. Chacun sait que cette mesure est très difficile et fluctuante. De plus, dans ce domaine, on a affaire à des enfants défavorisés tant sur le plan verbal que sur d'autres plans. Je m'inquiète d'autant plus quand je lis les propositions du collège des médecins-directeurs selon lesquelles « les bénéficiaires, avec un trouble spécifique du développement, doivent présenter un QI de 100 ou plus, mesuré par un test individuel, et doivent avoir suivi au moins un an d'enseignement primaire ».
Actuellement, si la référence est située à 86, on doit savoir qu'en 1994, le même collège proposait dans son projet de révision un QI de 70, et voilà maintenant qu'il propose 100 ! Je ne perçois ni la cohérence ni les bases scientifiques sur lesquelles pourraient reposer de tels choix. Il est clair qu'un quotient intellectuel doit être mesuré selon divers paramètres : expression verbale, performances, etc. Si l'on a affaire à un enfant ayant des difficultés d'expression verbale, il est évident qu'il n'atteindra jamais un QI de 86, sauf s'il fait des résultats exceptionnels aux tests de performances.
Il me semble, madame la ministre, que cette mesure de l'intelligence est faussée. Je vous demande donc s'il n'est pas possible de supprimer cette référence au QI de 86, qui est fortement sujette à caution dans le secteur professionnel.
La notion de troisième « percentile », par ailleurs, indique que seulement 3 p.c. d'une population peuvent être considérés comme étant sous le seuil de la pathologie. Il s'agit d'une mesure arbitraire. Peut-on garantir qu'un résultat situant un enfant au quatrième percentile permettra à ce futur adulte de développer son langage seul et sans problème ? Cette référence devrait être revue dans le cadre de l'arrêté du 10 janvier 1991.
Je voudrais également relever le problème de l'âge à partir duquel un traitement logopédique peut être prescrit et insister sur le rôle préventif que peuvent jouer les traitements logopédiques précoces dans la lutte contre l'échec scolaire. L'âge de sept ans constitue manifestement un âge tardif pour intervenir à l'échelon des troubles de la lecture, de l'orthographe et du calcul lorsque l'on sait que ces derniers sont souvent le symptôme de dysfonctionnements beaucoup plus profonds qui, par un traitement logopédique spécifique, pourraient être mis en évidence dès cinq ans au moins. Que ne coûte pas l'échec scolaire ! Dès lors, il me semble que le traitement logopédique précoce devrait favoriser la réinsertion scolaire de ces enfants défavorisés.
La nomenclature des prestations de rééducation logopédique m'apparaît aussi fort restrictive.
Seriez-vous ouverte, madame la ministre, à la possibilité d'élargir la nomenclature aux troubles instrumentaux ? Je pense particulièrement aux problèmes de mémoire, de structuration et d'orientation spatiale, dont on sait l'importance dans l'apprentissage de la lecture, de rythme, de dysgraphie, dans l'apprentissage de l'orthographe ou de dyslatéralité, qui est un problème complexe à partir du moment où l'enfant doit suivre une formation en orthographe.
Le même arrêté royal du 10 janvier 1991 dispose également que la prescription doit émaner d'un médecin spécialiste en réadaptation fonctionnelle. Quels sont les arguments qui justifient cette nécessité ? Il me semble qu'un médecin généraliste serait tout aussi apte à rédiger une prescription logopédique. Cela s'inscrirait, par ailleurs, parfaitement dans le cadre de la politique qui est menée actuellement de revalorisation de cette profession. De surcroît, toutes les régions sont-elles couvertes en spécialistes en réadaptation agréés ? Je note également à ce niveau une divergence par rapport aux autres domaines paramédicaux. L'exigence d'un médecin spécialiste en réadaptation n'est, par exemple, pas requise pour la prescription de soins infirmiers ou de kinésithérapie.
L'intervention de l'assurance est également exclue dans les traitements logopédiques de troubles simples de la parole tels que sigmatisme, capacisme, bredouillement. Ce sont des troubles « légers » en apparence mais qui grèvent lourdement les apprentissages ultérieurs du jeune enfant en matière de lecture et d'orthographe. L'enfant risque d'entrer dans un mode de fonctionnement dit « d'échec » parce que ces petits troubles ne sont ni pris en compte ni soignés à temps. À titre d'exemple, citons la France qui n'hésite pas à intervenir pour de tels troubles. En Belgique, si l'on veut mettre en place une intervention rapide, il conviendrait de s'inspirer de tels exemples.
L'arrêté royal du 10 janvier 1991 mentionne également la durée du traitement. Le remboursement du traitement logopédique ne peut excéder une durée totale maximale de rééducation de deux ans calendrier à dater du début du traitement. Cette durée me paraît être fixée de manière assez arbitraire. Cette période est-elle bien adaptée à la spécificité de chaque trouble logopédique ? Cette durée rappelle celle des catégories C1 de l'ex-fonds, contre lesquelles il y a déjà eu plusieurs interventions. Les anciennes catégories C1 donnaient d'ailleurs lieu à des prolongations. Dans le présent système, on ne peut excéder la durée fixée, du moins pour le même trouble. Cette durée est souvent trop courte dans nombre de troubles moyens ou importants.
En outre, une durée calculée de date à date est beaucoup plus difficile à gérer pour un logopède qu'un nombre déterminé de séances. Maladies, vacances, circonstances fortuites peuvent, en effet, interrompre le traitement en cours.
Il y aurait lieu de prendre des mesures permettant d'éviter le gaspillage de séances. Ainsi, pour un enfant qui n'a reçu que 50 p.c. de son traitement, comment parler d'efficacité thérapeutique si aucune prolongation n'est possible au-delà de deux ans ? Or, le Tribunal du travail de Charleroi, dans un jugement du 22 novembre 1994, a estimé que la poursuite, après deux ans, d'un traitement de langage oral en langage écrit était impossible, et ce en dépit de l'intention du législateur qui avait senti l'utilité de pouvoir disposer de deux volets de traitement.
J'en viens à l'intervention personnelle du bénéficiaire dans les frais du traitement. Le fonds prévoyait une intervention par famille de 10 p.c., avec un maximum de 4 000 francs par année civile. Actuellement, en vertu des dispositions de la loi du 9 août 1963, le ticket modérateur s'élève à 25 p.c. pour les assurés ordinaires et à 10 p.c. pour les VIPO. L'augmentation est, au minimum, de 100 p.c. Si une famille doit offrir un traitement logopédique à plusieurs de ses enfants, ce qui n'est pas rare, le coût devient énorme pour des ménages à faibles revenus. Le principe des droits acquis me semble remis en cause.
L'ancienne législation évitait ce douloureux problème. On constate d'ailleurs, aujourd'hui, le refus de certaines familles d'entreprendre un traitement logopédique à cause de son coût trop élevé, avec pour conséquence des problèmes qui ne sont pas pris en compte à temps. L'enfant risque d'être confronté, par la suite, à une situation beaucoup plus problématique.
Je souhaite enfin aborder la question des prestataires eux-mêmes. L'évolution globale de la logopédie au sein de l'assurance maladie-invalidité se révèle régressive. La liste des actes logopédiques remboursés a été réduite. Aucune instance de négociation dotée d'un réel pouvoir n'ayant été mise sur pied, les prestataires de soins n'ont aucun moyen d'agir face à la situation présente. Les décisions quant à leur avenir reviennent à d'autres personnes. Cette situation est très mal ressentie par les logopèdes qui estiment être les parents pauvres du système, notamment en matière d'honoraires, si l'on en juge par comparaison avec d'autres prestataires ayant des grades similaires, sans aller jusqu'à une comparaison avec la situation dans des pays voisins. Quoi qu'il en soit, il est vrai aussi que d'autres catégories de prestataires du monde paramédical se trouvent dans la même situation.
Il faut ajouter que le tarif de remboursement n'a pas été différencié selon que le logopède preste à son cabinet ou au domicile du patient. Le patient est donc susceptible de prendre en charge la totalité des frais de déplacement du prestataire.
Madame la ministre, ne pourriez-vous introduire un remboursement au moins partiel des frais de déplacement des prestataires ?
Par ailleurs, le remboursement pour un traitement individuel d'une durée d'une demi-heure est le même, quel que soit le trouble traité. Or, certaines affections demandent plus d'investissements en matériel, en énergie ou en techniques. Ne serait-il pas possible de mettre en chantier une nomenclature basée sur les troubles afin d'évaluer la durée du traitement et les moyens à mettre en oeuvre par le thérapeute et d'adapter de la sorte le remboursement à l'effort ?
Enfin, madame la ministre, ne pourriez-vous prévoir le remboursement pour une simple consultation ? Il semblerait que, dans la pratique, l'assuré consulte directement le logopède qui pratique le tarif libre, lequel le renvoie systématiquement chez le médecin spécialiste en réadaptation. Le remboursement de la simple consultation permettrait une plus grande équité.
Madame la ministre, je sais que ces questions sont très techniques. J'accepterai donc des réponses plus détaillées par écrit.
Mme la Présidente. La parole est à Mme De Galan, ministre.
Mme De Galan, ministre des Affaires sociales. Madame la Présidente, je donnerai copie de ma réponse à M. Charlier car, en effet, ses questions sont assez techniques. J'essaierai de ne pas être trop ennuyeuse, mais il convient cependant d'en référer à des tableaux chiffrés afin de donner un aperçu objectif de l'évolution de l'ensemble du secteur.
Avant d'en arriver à la réponse préparée par les services de l'INAMI et un collaborateur du cabinet spécialisé dans les matières paramédicales, je voudrais attirer l'attention de M. Charlier sur le fait qu'il existe, indépendamment de la logopédie prévue dans l'enseignement spécial en faveur des enfants des types 1, 2 et 8, une formule assez souple permettant d'engager, dans le cours normal du cursus scolaire, un ou une logopède en vue d'offrir aux enfants défavorisés auxquels il a fait allusion une ou deux heures de rattrapage permettant d'éviter les hiatus observés lors des congés scolaires. On sait en effet que, durant les week-ends ou les ponts, ce sont les élèves qui en ont le plus besoin qui s'absentent aux consultations.
Il me semblait important d'apporter ces précisions car, dans ces matières, il existe toujours une partie scolaire et une partie post-scolaire.
Le premier tableau dont je dispose est une illustration du fait que depuis le 1er janvier 1991, date historique du transfert de la compétence en matière de remboursement des prestations de rééducation dont celles de logopédie du FNRSH à l'INAMI, le nombre de décisions favorables prises depuis l'entrée en vigueur de la nomenclature actuelle n'a fait qu'augmenter. Les décisions se rapportant aux troubles de l'apprentissage point A, b) , secundo : troubles du développement du langage, et point A, b) , tertio : troubles spécifiques du développement déterminés par des tests de l'arithmétique, de l'expression écrite et/ou de la lecture en prennent la majeure partie. En conséquence, les dépenses de logopédie ont également augmenté à un rythme préoccupant.
En 1991, les dépenses s'élevaient à 197,1 millions; en 1992, à 457,6 millions; en 1993, à 583,7 millions; en 1994, à 648,7 millions; en 1995, à 722,9 millions et, pour le premier semestre de l'année 1996, à 414,9 millions.
Quant au nombre de décisions favorables pour des séances de rééducation, nous sommes passés de 20 297 décisions favorables en 1991 à 60 151 en 1995. En ce qui concerne le premier semestre de l'année 1996, nous en sommes à 30 475 décisions favorables. À la lecture de ces données, on ne peut dire que l'évolution de la logopédie au sein de l'assurance maladie-invalidité soit régressive !
Un deuxième tableau fournit quelques éléments importants au sujet des conventions conclues avec des établissements de rééducation du « secteur ORL » conventions 9.53 et du « secteur PSY-enfants » conventions 9.65 voisin du premier et dans lequel la logopédie occupe également une place très importante : 442,64 équivalents de temps plein sur un total de 999,22 de personnel thérapeutique. Pour ces établissements, en grande majorité transférés de l'ex-FNRSH, c'est-à-dire l'ex-Fonds Marron, on remarque en effet une répartition assez inégale sur le territoire.
Pour votre information, monsieur Charlier vous trouverez aussi dans ce tableau, par province, le nombre de logopèdes actifs inscrits auprès de l'INAMI au 31 décembre 1995. Le collège des médecins-directeurs, qui a communiqué ces informations au Comité de l'assurance, est conscient des problèmes engendrés par cette répartition géographique sur le plan de l'accessibilité à la logopédie dans un cadre multidisciplinaire.
Je me limiterai à quelques exemples, en commençant par la province de Luxembourg, puisqu'un sénateur luxembourgeois se trouve parmi nous : le nombre de conventions est de zéro, le nombre de séances de logopédie, de zèro, le nombre de séances par 10 000 personnes, de zéro, donc dans le cadre des anciennes conventions du Fonds Marron, reprises par l'INAMI. Par contre, en ce qui concerne la province de Liège, le nombre de conventions est de 19, le nombre de séances, de 120 182, le nombre de séances par 10 000 personnes, de 1 184. Quant à la province d'Anvers, les chiffres sont respectivement 6, 51 847 et 319, et, pour la Flandre orientale, 26, 354 097 et 2 629.
La répartition géographique correspond en fait à une situation historique. En fonction de la création de centres par les provinces à l'époque du Fonds Marron, et de leur reprise par l'INAMI, l'accessibilité des enfants à la logopédie dans un cadre pluridisciplinaire est très variable et mal équilibrée sur l'ensemble du territoire, ce qui inquiéte évidemment le Comité de l'assurance.
L'arrêté royal du 10 janvier 1991 établissant la nomenclature des prestations de rééducation a été élaboré à l'occasion du transfert précité de la compétence en matière de remboursement de telles prestations du FNRSH à l'INAMI. Pour ce qui est de la logopédie, il visait à être une synthèse des prestations qui étaient remboursables au fonds national et de celles qui, déjà auparavant, pouvaient être remboursées dans le cadre de l'assurance maladie. Cela a donc résulté en une liste d'indications ouvrant l'accès au remboursement d'une logopédie monodisciplinaire. Par contre, les conventions de rééducation précitées offrent une possibilité de remboursement d'une rééducation ambulatoire multidisplinaire. Une réforme récente a encore mis davantage l'accent sur cet aspect et a essayé de mieux distinguer, également sur le plan des indications, ces conventions de la logopédie monodisciplinaire.
Au cours de l'année qui a suivi son entrée en vigueur, l'arrêté royal du 10 janvier 1991 a suscité de nombreuses réactions. Vous avez d'ailleurs cité les plus importantes dans le document de onze pages que vous m'avez adressé. Le collège des médecins-directeurs, sensible à plusieurs d'entre elles, a essayé de les rencontrer en rédigeant un projet de modification de cet arrêté. Dans ce projet, compte tenu des difficultés d'accessibilité aux soins multidisciplinaires en ambulatoire pour certaines personnes handicapés mentales je pense notamment aux infirmes cérébraux moteurs le collège avait notamment repris le handicap mental parmi les indications permettant d'accéder à la logopédie monodisciplinaire. De même, toutes les autres adaptations étaient en fait des extensions des conditions actuelles.
Entre-temps, les augmentations des dépenses, dont je viens d'exposer l'évolution pour les sept dernières années, ont amené le Comité de l'assurance à devoir refuser les propositions du collège des médecins-directeurs, pour les remplacer par des mesures d'économies portant notamment sur la réduction du montant remboursé pour les bilans d'évaluation semestriels. Inutile de dire que cela a suscité de nombreuses réactions.
Le niveau de QI exigé pour pouvoir bénéficier d'une prise en charge par l'assurance des séances de logopédie dans un cadre monodisciplinaire, vise à garantir l'efficacité des traitements, étant entendu dit-on à l'INAMI qu'un QI inférieur au niveau exigé implique l'orientation du patient vers la structure multidisciplinaire qui, elle, relève du domaine des conventions. Dans son projet final, le collège a accepté, pour des raisons pragmatiques, que le QI requis soit fixé à 85, bien que les scientifiques s'accordent sur l'opportunité de l'exigence d'un QI moyen, c'est-à-dire de 100. Il n'en reste pas moins vrai que des efforts devront être faits pour ouvrir la logopédie aux personnes handicapés mentales auxquelles l'accessibilité aux soins multidisciplinaires en ambulatoire pose trop de problèmes pratiques.
À propos du niveau de QI, je voudrais faire une remarque. Je me souviens d'un examen organisé dans ma commune pour les directions d'écoles. Un des livres soumis à la sagacité du jury traitant des questions suivantes : Comment mesurer le QI ? Efficacité de cette mesure ? À quel moment le mesurer ? Je pense que tous les directeurs d'écoles et tous les enseignants, tant de l'enseignement ordinaire que spécial, ont des raisons de se poser des questions quant aux techniques de quantification de l'intelligence. Sur ce point, nous sommes sur la même longueur d'onde.
Les problèmes réels que posent, d'une part, l'ouverture des prestations logopédiques à ceux qui en ont le plus besoin tout en maintenant la qualité des soins et, d'autre part, le contexte de maîtrise obligatoire des dépenses, ont accéléré un processus visant à impliquer directement la logopédie dans la prise de décisions en rapport avec la profession.
Ainsi, déjà au début de l'année dernière, le Comité de l'assurance avait suggéré la création d'une commission de conventions logopèdes-organismes assureurs. L'intention était, via une implication directe et une responsabilisation de la profession prise de décisions, toilettage de la nomenclature, etc. d'arriver à élaborer une politique en matière de logopédie favorisant l'accessibilité tout en permettant une maîtrise de dépenses.
C'est un défi important, mais la loi du 20 décembre 1995, portant des dispositions sociales, a prévu les adaptations nécessaires à la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, de même que la base légale pour la mise en place de la commission.
Après avoir parcouru les nombreuses étapes nécessaires, je puis vous faire savoir que, dans un avenir très proche, les arrêtés permettant le démarrage de la commission de conventions « Logopèdes-Organismes assureurs » seront publiés. J'ai d'ailleurs estimé qu'il appartiendra à cette commission d'examiner en priorité les propositions d'économie du Comité de l'assurance soins de santé. Pour l'année 1997, au sein de l'objectif budgétaire de 9 296,2 millions prévu pour la rééducation fonctionnelle, une enveloppe de 828,8 millions sera réservée à la logopédie monodisciplinaire.
Je suis persuadée que grâce aux efforts que les logopèdes eux-mêmes accompliront au sein de cette commission, la plupart des problèmes que vous avez évoqués seront résolus dans le courant de 1997, bien qu'il s'agisse d'une année budgétaire assez contraignante en matière de dépenses nouvelles.
Il nous appartiendra, dans le cadre des remboursements, de prendre en compte les intérêts des patients et des familles comportant plusieurs enfants, la précocité du traitement et sa continuité, etc.
Je répète une fois encore que, bien souvent, ce sont les personnes qui ont le plus besoin de traitements qui vont le moins souvent chez le médecin. Cela me fait penser aux réunions de parents dans les écoles, où les parents des élèves qui ont 90 p.c. au bulletin sont présents, tandis que ceux dont les enfants devraient faire un petit effort supplémentaire sont absents.
Je n'exclus pas, monsieur Charlier, d'avoir une discussion avec les collègues de l'éducation des entités fédérées, afin de déterminer comment l'on pourrait juxtaposer les moyens pour que les enfants qui sont dépistés dans le cadre des IMS et PMS soient bien dirigés vers les centres adéquats.
Comme vous le dites, le médecin de première ligne peut être aussi efficace qu'un spécialiste. Cela s'inscrit donc parfaitement dans une technique de revalorisation de la première ligne.
Enfin, en ce qui concerne les tickets modérateurs, les franchises sociales et fiscales sont d'application. Dans le cadre de la réforme de la franchise sociale, nous serons attentifs à ces problèmes.
Il est clair que la précocité du traitement est primordiale pour la réussite et l'intégration des enfants concernés. Il sera indispensable, au sein de la nouvelle structure de l'INAMI, d'avoir une discussion franche, cohérente et correcte sur les prestations qu'il y a lieu de rembourser. De même, nous ne ferons pas l'économie d'un débat plus large en matière de prévention.
Sur le plan des troubles de l'ouïe, par exemple, les provinces de Brabant et ma commune, où fonctionne un centre spécialisé, effectuent des dépistages à la crèche. Il s'avère en effet que si une déficience est constatée avant sept ou huit mois, les remèdes et les traitements sont beaucoup moins lourds que lorsque les problèmes de surdité ne sont dépistés qu'en première année primaire.
Les troubles concernent la vue, l'ouïe et le langage. Notre action se situe entre la prévention et la prise en charge au stade le plus précoce. Selon moi, nous ne ferons pas l'économie d'un débat beaucoup plus large sur cette question.
En tant que membre du Conseil de la Communauté française, monsieur Charlier, vous êtes certainement très attentif à cette problématique, comme moi-même d'ailleurs.
Mme la Présidente. La parole est à M. Philippe Charlier.
M. Ph. Charlier (PSC). Madame la Présidente, je remercie la ministre qui, comme d'habitude, a donné une réponse complète et intéressante dont je relèverai principalement deux points.
D'abord, madame la ministre, je note que vous êtes attentive à cette synergie avec les communautés. En effet, manifestement, c'est en matière de prévention que des mesures doivent être prises. Les moyens dont vous avez parlé sont importants, j'en conviens, mais ils pourraient être mieux utilisés si le travail était réalisé en meilleure collaboration avec ceux qui, sur le terrain, peuvent dépister les problèmes. Selon moi, il s'agit essentiellement d'une question d'adéquation entre les besoins et les moyens. Si les budgets ont augmenté, c'est peut-être parce que les besoins sont plus importants aujourd'hui qu'hier ou peut-être parce que la situation de l'enfant est davantage prise en compte. Auparavant, celui-ci évoluait tant bien que mal sans que ses difficultés soient nécessairement mises à jour.
Ensuite, je retiendrai l'aspect de la relation entre les logopèdes et les organismes assureurs. La demande des logopèdes lesquels ont été associés à la rédaction de mon intervention est pressante à cet égard.
Je vous remercie, madame la ministre, de l'attention que vous porterez à cet aspect de la question. De mon côté, je serai attentif à l'action des communautés dans ce domaine. Peut-être pourrait-on imaginer une rencontre avec les responsables à l'échelon des communautés, afin d'envisager une meilleure utilisation des moyens consentis ?
Mme la Présidente. C'est d'ailleurs le rôle du Sénat. Les sénateurs de communautés jouissent d'une position privilégiée dans ce domaine.
Nous nous tenons à votre disposition, monsieur Charlier, pour poursuivre ce débat ultérieurement. Comme j'ai pu le constater en examinant les documents de la ministre, le nombre et la concentration de conventions est fonction de la présence ou non d'écoles. Nous pourrions réaliser une étude, axée sur la lutte contre la pauvreté, car effectivement, de tels troubles peuvent mener à de l'exclusion sociale.
M. Ph. Charlier (PSC). Les coûts sont moindres lorsque des structures sont mises en place pour résoudre le problème à la source.
Mme la Présidente. Dans ma commune, lorsque j'étais échevine, nous avons pris le même type d'initiatives que Mme la ministre : nous avons affecté une logopède à l'enseignement primaire. Mais effectivement, c'est à la crèche que ce type de problème devrait être décelé.
M. Ph. Charlier (PSC). Madame la Présidente, j'attire votre attention sur le fait que c'est au niveau de l'ensemble de la commune que nous devons envisager le détachement de logopèdes et non pas uniquement dans l'enseignement communal. Évidemment, la question des avantages sociaux doit être prise en compte.
Mme De Galan, ministre des Affaires sociales. Nous avons également tenu compte de l'enseignement libre.
M. Ph. Charlier (PSC). Une certaine collaboration doit exister à cet égard, afin que certains enfants ne soient pas défavorisés par rapport à d'autres.
Mme De Galan, ministre des Affaires sociales. Il est évident que le budget doit prévoir une équivalence de traitement en cas d'engagement d'un logopède par la commune.
M. Ph. Charlier (PSC). Les avantages sociaux doivent être préservés.
Mme De Galan, ministre des Affaires sociales. Nous avons agi dans ce sens, et aucun tribunal ne nous a jamais condamnés.
M. Ph. Charlier (PSC). Je m'en doute.
Mme la Présidente. L'incident est clos.
Het incident is gesloten.
En attendant l'arrivée du ministre Colla, je vous propose de suspendre la séance jusqu'à 11 heures 30. (Assentiment.)
La séance est suspendue.
De vergadering is geschorst.
La séance est suspendue à 11 heures.
De vergadering wordt geschorst om 11 uur.
Elle est reprise à 11 h 35 m.
Ze wordt hervat om 11 h 35 m.