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Sénat de Belgique

SESSION DE 1996-1997

2 JUILLET 1997


Évaluation des services de police


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE L'INTÉRIEUR ET DES AFFAIRES ADMINISTRATIVES PAR MM. CALUWÉ ET HAPPART


IIème PARTIE

AUDITIONS ET RAPPORT DU VOYAGE D'ÉTUDE

SOMMAIRE


DEUXIÈME PARTIE

  1. AUDITIONS SUR LE FONCTIONNEMENT ACTUEL DES SERVICES DE POLICE
    1. La gendarmerie
      1. Visite à l'état-major de la gendarmerie
      2. Audition du lieutenant général De Ridder
      3. Audition de M. Van Keer, président national du Syndicat national du personnel de la gendarmerie, de M. Schonkeren, président fédéral de la Fédération syndicale de la gendarmerie belge, de M. Aerts, président national du Syndicat progressiste pour le personnel de la gendarmerie et de M. Clemmens, président national du Syndicat général pour les services de la gendarmerie
    2. La police communale
      1. Auditions de M. De Troch, commissaire de police en chef d'Alost, président de la Commission permanente de la police communale, de M. Warny, commissaire de police en chef de Namur, membre du conseil d'administration du Service général d'appui policier, et de M. Adam, commissaire de police de Bassenge, vice-président de la Fédération royale des commissaires de police et commissaires de police adjoints de Belgique
      2. Audition de représentants des corps de police des cinq grandes agglomérations (Anvers, Charleroi, Bruxelles, Gand et Liège) : MM. Brouchmiche, Carlier, Dijck, Noen et Van Reusel et de M. Herman, président de l'Association des corps de police communale de la Région de Bruxelles-Capitale
      3. Audition des bourgmestre, commissaire de police et commandant de brigade de gendarmerie compétent des communes d'Enghien, Pont-à-Celles, Oostkamp et Dilbeek
    3. Le Comité supérieur de contrôle
      1. Audition du ministre de la Fonction publique, M. A. Flahaut
      2. Audition de M. De Smedt, président du Comité supérieur de Contrôle
      3. Audition de M. Canneel, administrateur général du Comité supérieur de Contrôle
      4. Audition de M. Vermeulen, administrateur général adjoint du Comité supérieur de Contrôle, adjoint bilingue de l'administrateur-général
      5. Audition de monsieur Paul Vandeneede et de monsieur Ivan Chenot, Commissaires en chef au Comité Supérieur de Contrôle
    4. Audition du Comité permanent de contrôle des services de police
    5. Audition de MM. H. Meers, R. Scharff et J. Wiertz, Commissaires d'Arrondissement
    6. Audition de M. F. De Mot, directeur général de la police générale du Royaume et de Mme De Cnop, directrice générale adjointe
    7. Le Service général d'appui policier (S.G.A.P.)
  2. AUDITIONS RELATIVES AUX RÉCENTES PROPOSITIONS DE RÉFORME DES SERVICES DE POLICE
    1. La Commission permanente de la police communale de Belgique
    2. Proposition des corps de police communale des grandes villes
    3. La gendarmerie
    4. La police judiciaire
    5. Le front commun syndical de la magistrature et des services de police
    6. Audition des professeurs Van Outrive et De Valkeneer
  3. RAPPORT DU VOYAGE D'ÉTUDE DE LA COMMISSION DE L'INTÉRIEUR ET DES AFFAIRES ADMINISTRATIVES AU ROYAUME-UNI ET AUX ÉTATS-UNIS

DEUXIÈME PARTIE : AUDITIONS SUR LE FONCTIONNEMENT ACTUEL DES SERVICES DE POLICE

A. AUDITIONS

I. LA GENDARMERIE

1. VISITE Á L'ÉTAT-MAJOR DE LA GENDARMERIE

Le lieutenant général W. De Ridder, commandant de la gendarmerie, présente le programme des exposés.

Il y aura tout d'abord un volet sur l'organisation et le fonctionnement de la gendarmerie, après la loi du 24 juillet 1992 sur la démilitarisation.

Ensuite, les sénateurs pourront écouter un exposé sur le B.C.R., qui traitera, d'une part, de son organisation et, de l'autre, des problèmes spécifiques qu'il doit affronter.

§ 1. EXPOSÉ SUR L'ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DE LA GENDARMERIE

a) Exposé du colonel A. Duchâtelet

Le colonel A. Duchâtelet, directeur général du personnel et de l'organisation, esquisse la genèse de l'organisation actuelle.

Les crises de la gendarmerie ont été multiples, suite aux tueries du Brabant wallon et au drame du Heysel.

Ces crises ont donné lieu à la démilitarisation, accompagnée d'une nouvelle loi sur la fonction de police, le tout suite au plan dit « de Pentecôte ».

Cette dernière loi confie à la police la tâche de veiller à l'ordre public, en tant que volet du bien-être public en général.

La démilitarisation fut difficile, vu qu'il s'agissait d'un revirement total vis-à-vis de la tradition militaire.

La gendarmerie a eu la capacité de se remettre en cause, ce qui n'est pas évident.

La philosophie de base de l'organisation est contenue dans l'article premier de la loi du 5 août 1992. Elle est ensuite tributaire de son environnement : la criminalité est en effet croissante et de plus en plus mobile.

Le plan de Pentecôte a mis plus de moyens à la disposition de la police communale.

La gendarmerie, par contre, a des contingences budgétaires plus grandes, puisque son budget a évolué beaucoup plus lentement.

Il dresse ensuite un tableau de l'évolution des dépenses en personnel (qui absorbe environ 8,7 p.c. du budget), ainsi que de ses autres dépenses, qui se divisent en dépenses courantes et en investissements.

Le nombre de gendarmes en termes d'effectifs est à la baisse, et ce malgré la possibilité d'engager. Il y a actuellement un déficit d'environ 10 p.c. au niveau du personnel par rapport au cadre.

Le problème à résoudre n'est pas simple : malgré le déficit en hommes, il faut assumer plus de missions avec un budget serré. La nécessité s'est donc fait sentir de faire mieux avec des moyens inchangés.

C'est devenu l'un des objectifs du management de la gendarmerie, qui doit servir l'objectif principal, soit l'instauration d'une autre politique, c'est-à-dire la community policing , ou la police de communauté.

Travailler mieux signifie alors mieux servir la population.

Les moyens mis en oeuvre pour aboutir ont surtout consisté en un changement des mentalités par un corporate management approprié.

Il a fallu changer la culture d'entreprise et la politique du personnel.

Afin de bien faire passer le message, l'on a élaboré une Charte de valeurs, dont le non-respect est dorénavant sanctionné.

Le colonel Duchâtelet cite cinq cas de punitions sévères infligées pour faits de violence excessive au cours de manifestations.

Tout ceci doit mener à instaurer un climat de travail positif.

Pour insuffler cette nouvelle culture d'entreprise, il ne suffit évidemment pas de la décréter. Il faut aussi en convaincre la base, par des actions ponctuelles, accompagnées de campagnes de publicité interne.

Des formations sont aussi données sur des thèmes comme la communication et le leadership.

L'on accorde en même temps un certain espace de décision au niveau local. Cela s'est manifesté entre autres lors de la constitution des Z.I.P.

Il analyse également les programmes fédéraux pour les traduire en programmes concrets.

Il y a ensuite l'intégration des fonctions. C'est ainsi que le Calog (cadre logistique) a été placé en dehors de la structure hiérarchique, ce qui n'était pas possible avec la structure militaire qui demande une logistique à chaque échelon.

L'on a également adapté les structures elles-mêmes :

­ au niveau local, en agrandissant les districts, ce qui donne plus de poids aux brigades ;

­ au niveau de l'arrondissement, en créant un échelon intermédiaire de commandement qui coïncide avec l'arrondissement judiciaire ;

­ au niveau fédéral, il y a l'état-major.

D'autre part, l'on a diminué la réserve générale pour en transférer une bonne partie au niveau local.

Toute l'opération a permis de faire passer la quote-part des services sur le terrain de 61,3 p.c. à 73,5 p.c. du nombre total des effectifs.

b) Discussion

Suite à cet exposé, différents sénateurs posent des questions.

Un membre demande quelle est la répartition des effectifs par rapport à leur rôle linguistique. Il demande ces données à tous les échelons, de l'état-major aux niveaux inférieurs.

Le général De Ridder répond qu'il n'y a pas à la gendarmerie de cadres linguistiques à proprement parler. Il y a néanmoins un équilibre sur le terrain, et l'on constate qu'il y a 53,7 p.c. de néérlandophones, 45,1 p.c. de francophones et 1,2 p.c. de germanophones.

Le même intervenant pose ensuite une question sur la violence employée par les forces de l'ordre à l'égard des étudiants lors de la fameuse manifestation à Liège. Cette violence répondrait-elle à la notion de violence excessive ? Des sanctions ont-elles été prises ?

Le général De Ridder affirme qu'il y a eu une enquête, suivie de deux punitions.

Finalement, le membre demande, si les problèmes ont été réglés quant à la collaboration de la gendarmerie avec la Z.I.P. pour ce qui est des Fourrons.

Le général De Ridder répond qu'il existe à ce niveau-là un avant-projet de loi, qui a été transmis pour avis au Conseil d'État. En attendant, une directive a été rédigée, qui applique déjà les principes contenus dans ce projet.

Un deuxième intervenant demande quelle est la situation en ce qui concerne la présence des femmes au sein de la gendarmerie.

Le colonel Duchâtelet répond que les effectifs comprennent actuellement 405 femmes, dont un officier.

Le général Franssen explique qu'il ne faut pas se braquer sur ces chiffres et qu'il faut aussi tenir compte des nouvelles levées, dans lesquelles la proportion de femmes augmente. En effet, la dernière promotion qui a eu accès au rang d'officier comptait 12 femmes sur 32 diplômés. L'année précédente, il n'y avait eu que 6 femmes sur 28 diplômés.

Un autre membre demande si la structure hiérarchique militaire n'empêche pas l'entrée des femmes, par son système lourd d'accès aux grades de promotion.

Le colonel Duchâtelet précise qu'on a déjà éliminé certaines barrières, en éliminant le détour obligé par la catégorie des sous-officier d'élite pour devenir officier. Cette forme de promotion leur reste toutefois acquise par la voie de cours de promotion sociale.

Les officiers sont dorénavant recrutés de trois façons :

­ ceux qui ont réussi l'école militaire;

­ les universitaires;

­ les sous-officiers ayant 35 ans d'âge et 12 ans de service.

De plus, toute carrière est ouverte, puisque les cloisonnements ont été éliminés. Il n'y a plus de diplôme de breveté d'état-major requis non plus, au-delà du grade de major.

Un membre demande de pouvoir disposer de l'évolution du nombre des cas traités par l'inspection générale et le conseil d'enquête en ce qui concerne des infractions commises par les gendarmes.

Le colonel Duchâtelet demande à pouvoir disposer de quelque répit pour répondre à cette question, mais il livre déjà les grands principes en matière de sanctions en cas d'accidents routiers :

­ un accident en dehors du service avec intoxication entraîne une semaine de non-activité, ce qui provoque un décalage d'un an d'ancienneté pour les promotions;

­ si ce même cas se produit en service, cela entraîne la mise à la pension ou la démission.

À la question de savoir ce qui se passe en matière de violence, le général De Ridder répond qu'il s'agit ici d'une violation de la charte qui est punie de toute façon, quelque soit le grade. Il signale que trois officiers sont déjà partis pour ce motif. En matière d'abus sexuels, cinq dossiers sont actuellement à l'enquête.

Le général De Ridder insiste en outre sur le fait qu'il a interdit, à partir du premier novembre 1996, les boissons alcooliques dans les cantines, sauf pour accompagner les repas.

Une membre se plaint de la brutalité dont certains gendarmes ont fait preuve au Limbourg, à l'occasion de contrôles relatifs au travail au noir. Les traitements inhumains qui sont infligés lors de ces contrôles viseraient principalement les étrangers qui sont mis au travail dans l'arboriculture. Le général De Ridder est-il au courant de cette réalité?

Le général répond que non, mais il se déclare disposé à faire une enquête, si le membre lui fournit des informations détaillées.

Une membre se réfère au rapport du Comité P, qui mentionne de sérieuses difficultés dans sa collecte de données.

Elle évoque ensuite les tensions qui existent à ce propos entre le Comité P et l'Inspection générale.

Le colonel Duchâtelet réplique que l'on a répondu à toutes les questions.

Le général De Ridder veut bien enquêter sur ces doléances, mais il attend d'être mieux informé.

Un sénateur constate que la gendarmerie ne respecte pas la loi organique de contrôle des services de police qui l'oblige à communiquer au Comité P tous les faits à charge d'un gendarme.

M. Haché, chef de cabinet adjoint, note que cette situation résulte des instructions du ministre et que la gendarmerie a donc agi correctement. Ces instructions correspondent à une certaine interprétation de la loi et cette interprétation n'est pas celle du sénateur.

L'intervenant ne souscrit pas à cette interprétation, étant donné que, pour lui, les dispositions de la loi sont très claires.

Le général De Ridder réplique que les autres services de police ne souscrivent pas non plus à cette interprétation.

Un membre demande que l'on décrive le cadre dans lequel les décisions sont appliquées au niveau des unités. L'existence d'une charte est une chose louable, mais encore faut-il en assurer l'application au niveau de la base.

Le général De Ridder est partisan d'une délégation maximale, mais il estime qu'elle ne doit pas dépasser le niveau des responsabilités opérationnelles. Il est des matières qu'il ne peut pas déléguer, parce qu'elles relèvent des compétences des commandants, de par la loi.

Pour ce qui est de la création des Z.I.P., par exemple, les commandants locaux ont reçu les pouvoirs de négociation les plus larges, si bien qu'ils peuvent s'engager à utiliser tous les moyens dont ils disposent, étant entendu que la marge dont ils disposent reste limitée par le caractère fédéral de la gendarmerie. Dans tous les cas, les missions fédérales priment les missions locales.

Le général Van Belle ajoute que l'état-major n'est plus appelé à donner des ordres linéaires, et qu'il a pour rôle principal d'assurer l'entraînement des unités locales.

Un membre demande quelles sont les priorités dans la politique criminelle de la gendarmerie. Est-il vrai qu'il existe à cet égard un système de points ?

Le colonel Duchâtelet nie formellement l'existence d'un tel système.

Le général De Ridder indique par contre qu'il y a bel et bien des priorités. Celles-ci sont d'abord fixées au niveau fédéral par le Gouvernement, voire par le Parlement. D'autres sont imposées éventuellement au niveau local tout en respectant les priorités fédérales.

Il cite l'exemple du domaine de la drogue. Il n'y a pas de plan fédéral à proprement parler, mais il y a des consignes des pouvoirs civils et judiciaires. Ce sont là les seules bases.

Par ailleurs, l'expérience dicte aussi des politiques, par exemple la nécessité de s'attaquer à l'échelon de la distribution le plus approprié. S'il s'agit de dealers et de consommateurs, c'est la brigade ou la police locale qui s'en charge.

Tout le reste est repris à un niveau supérieur, c'est-à-dire que dès cet instant, la B.S.R. et le B.C.R. s'en chargent.

Le but est de maintenir un système cohérent.

Une membre s'étonne du fait que dès que l'enquête dépasse le niveau local, c'est la gendarmerie qui s'en charge.

Ceci mène à des consignes telles que en vigueur lors de disparition d'enfants. Ainsi ne prenait-on les fugues en considération qu'à partir de 10 jours de disparition.

Elle demande dès lors s'il y a coordination des phénomènes.

Le général De Ridder estime que le policier de base ne doit pas trop se spécialiser. Il doit être attentif à tous les phénomènes.

Si la recherche devient trop spécialisée, le travail sera repris par la B.S.R. au niveau du district.

La même membre se demande si les instructions venant de l'état-major ne contrecarrent pas l'action locale.

Le général De Ridder prétend que le policier de base ne doit pas recourir aux directives. Sa première préoccupation doit être d'agir dans le sens d'une solution qui soit dans l'intérêt de la sécurité publique.

Toujours est-il qu'à un échelon supérieur, il faut déterminer des priorités, vu la limitation des moyens.

Parmi ces priorités, les accents changent régulièrement; c'est ainsi que la traite des êtres humains est devenue une priorité il y a peu.

§ 2. EXPOSÉ SUR LE B.C.R.

a) Exposé du lieutenant colonel Berckmoes

Le lieutenant colonel Berckmoes est chargé de l'exploitation du B.C.R., qui est un système centralisé soumis aux exigences de la lutte contre une criminalité dont la complexité ne fait que croître.

Le B.C.R. est un système d'information. Il ne s'agit donc nullement d'une sorte de super B.S.R. Il ne mène aucune enquête lui-même. Ce n'est pas un organe de coordination entre les parquets et il ne se substitue pas aux enquêteurs locaux.

Le bureau a une mission d'appui qui s'inscrit dans le cadre d'une offre globale.

Ses tâches sont les suivantes :

­ l'analyse des phénomènes;

­ la mise à disposition d'expertise : le bureau assiste les unités locales dans certains domaines particuliers , comme celui des enlèvements, avec lesquels elles sont peu familiarisées;

­ la formation : il y a, à cet égard, interaction avec les études de besoins qui sont réalisées au sein de la gendarmerie;

­ la documentation : cette tâche est menée à bien au moyen de banques de données;

­ la fonction de signal : le B.C.R. cherche à identifier, à titre préventif, les nouveaux phénomènes, comme les bandes de motards qui sont apparues récemment.

Outre sa mission d'appui, le B.C.R. remplit une mission de coordination, et ce suivant le principe de la tolérance zéro (zero tolerance approach ).

La coordination concerne l'information et la mise en oeuvre des moyens.

Pour ce qui est de l'information, le B.C.R. a 90 informateurs répondant aux critères qui ont été définis dans une circulaire ministérielle.

Le B.C.R. se concerte et échange des informations avec la 23e brigade en la matière.

Il entretient aussi des contacts très fréquents avec le magistrat national au sujet de quelque 500 dossiers.

Il y a aussi des contacts avec les officiers de liaison auprès du cabinet (gendarmerie et police communale) ainsi qu'avec le S.G.A.P.

Le contrôle est un élément essentiel de la mise en oeuvre des moyens. L'on doit en effet avoir une vue centralisée des procédures, notamment avant l'engagement d'unités mobiles. À cet effet, le B.C.R. assure une permanence 24 h sur 24 h.

Il collabore aussi, en la matière, avec la cellule « Spreutels » (C.T.I.F.), qui traite les dossiers financiers.

Avant de décider d'engager des moyens, l'on effectue un contrôle sur la base de la circulaire et l'on recueille l'avis du parquet.

Le B.C.R. procède ensuite au double contrôle :

­ du respect de la procédure;

­ de l'adéquation des moyens matériels.

Le magistrat national tranche en cas de doute.

Le B.C.R. organise en son sein divers départements chargés des programmes qualifiés de prioritaires au niveau fédéral.

L'intégration de spécialités au sein de la cellule criminalité s'opère par l'intermédiaire de la cellule organisations et fortunes criminelles.

Le B.C.R. mène toutes ses tâches à bien avec un effectif de 160 hommes.

Le major Decraene, responsable de la cellule Disparitions, prend la parole pour expliquer la manière dont fonctionne son service.

Il en retrace la génèse comme suit :

9 août 1995 : le ministre Vande Lanotte charge la gendarmerie d'étudier les différents aspects organisationnels d'un tel service;

4 août 1995 : le ministre De Clerck ordonne la création d'une cellule opérationnelle;

12 septembre 1995 : création de la cellule (1 officier, 4 gendarmes, 1 analyste);

27 septembre 1995 : envoi de listes de contrôle à tous les services de police.

Le major Decraene situe ensuite la cellule Disparitions par rapport aux autres services de police :

Les missions attribuées à la cellule sont les suivantes :

­ mission de conseil : e.a. ­ conseiller les unités locales par téléphone;

­ envoyer un conseiller technique sur place.

­ mission d'appui en termes de matériel et de personnel

À Neufchâteau, par exemple, une personne s'est rendue sur place immédiatement; le lundi suivant la disparition, l'on avait établi le lien avec Dutroux; le lendemain, Dutroux était arrêté.

­ coordination

L'on organise, à intervalles fixes, des réunions avec la P.J. et la police communale. En outre, le service dispose d'interlocuteurs fixes à l'étranger.

Certains gendarmes se rendent à l'étranger pour y suivre des formations.

b) Discussion

Un membre demande à partir de quel moment une disparition est inquiétante et qui en décide.

Le major Decraene répond que c'est le policier local qui fait le premier tri, puisque c'est lui qui recueille les plaintes. D'autres canaux peuvent provoquer un signal, comme la presse ou des A.S.B.L. L'appréciation de droit revient au parquet.

Les dernières années, il y a eu environ 5 000 disparitions par an. Beaucoup dépend du policier de base, qui doit vérifier au domicile du disparu les indices qui permettent d'exclure ou de confirmer le caractère inquiétant de la disparition. Ainsi peut-on relever aussitôt des indices qui vont dans le sens de la simple fugue, comme la disparition du sac à dos, de l'argent de poche, etc.

Un autre membre demande si l'on ne lance pas de signalement dans ces cas-là.

Le major Decraene indique que chaque signalement va au S.G.A.P. Le B.C.R., quant à lui, n'intervient que quand la disparition est inquiétante, ce qui résulte des initiatives décrites ci-dessus (policier de base - presse - A.S.B.L.).

Des 5 000 personnes disparues, 60 p.c. ont été retrouvées au bout de six mois et 97 p.c. au bout d'un an. En fait, ce dernier pourcentage est trop pessimiste, car l'inventaire n'est pas mis à jour. En effet, il arrive que les autorités judiciaires et les familles ne signalent pas que des personnes disparues ont été retrouvées. Selon lui, l'on retrouve 99 p.c. des disparus.

Ensuite, l'on procède à une visite des locaux du B.C.R., de la « Cellule disparitions » et de la ligne 0800 qui recueille les dénonciations relatives à la pédophilie.

Un sénateur constate que le S.G.A.P. reçoit bel et bien les informations, mais qu'il ne peut rien entreprendre par manque d'informations relatives aux suspects.

Le major Decraene estime que cela va de soi, étant donné que le S.G.A.P. n'est pas un service opérationnel. Il se contente de classer les informations selon six paramètres objectifs.

À l'intervenant qui demande si la gendarmerie ne dispose pas, dès lors, de plus d'informations que le S.G.A.P., le major Decraene répond affirmativement mais en soulignant que la gendarmerie a pour mission spécifique de mener l'enquête, et qu'il faut dès lors davantage d'informations.

Un membre pense que ces informations devraient être mises à la disposition de tous les services de police.

Le major Decraene explique que chaque information est diffusée d'office vers la police judiciaire et la police communale, via le système informatique P.O.L.I.S.

À la question d'un membre, qui se demande comment alors optimaliser le système du S.G.A.P., le général De Ridder répond que cela n'a pas de sens, dans la mesure où cela tendrait à la création d'un quatrième service opérationnel de police, en dehors des trois qui existent déjà.

Pour faire ce que le membre suggère, il faudrait remplacer une partie de la télématique, de façon à ce que l'information dure soit intégrée dans l'ordinateur national.

Le général De Ridder signale également que toute banque de données est actuellement accessible à la police judiciaire ou à la police communale, tandis que la gendarmerie a accès à celle de la police judiciaire.

Le major Decraene fait observer que les « infos douces » ne sont pas communiquées d'office. Celles-ci forment en effet une catégorie spéciale qu'il faut obtenir par un lien de confiance.

En réponse à la question d'un sénateur, le colonel Berckmoes déclare que les données dont l'intérêt dépasse le niveau local sont transmises au B.C.R., pour ce qui est de la gendarmerie, et au fichier de la 23e brigade, pour ce qui est de la police judiciaire.

Le major Decraene déclare ensuite que l'information « douce » est stockée dans une banque de références interne, au départ de laquelle un lien peut-être établi en direction du B.C.R.

Le colonel Berckmoes souligne que la circulaire du ministre a provoqué une révolution par le biais de l'informatisation. Un tel système n'est toutefois opérationnel que si l'on respecte un code d'utilisation.

Le major Decraene ajoute que, lorsque des faits sont consignés dans un procès-verbal, ils deviennent de l'information « dure », qui paraît d'office dans P.O.L.I.S., par le biais d'un système centralisé.

Comme on l'a dit, l'information « douce » reste stockée dans un registre de police et est exploitée par le B.C.R., de manière autonome, au niveau fédéral et au niveau des districts.

C'est ainsi qu'un gendarme peut vérifier, lors d'un contrôle routier, s'il existe un code relatif à une mesure active lorsqu'il cherche des paramètres relatifs à des faits « durs ».

Un sénateur demande ce qu'il advient de l'information « douce » supplémentaire qui est recueillie après coup, une fois qu'un procès-verbal a été rédigé sur la base d'informations « dures ».

Le major Decraene répond que cette nouvelle information n'est pas jointe automatiquement au fichier « dur », à moins qu'elle ne se révèle suffisamment consistante à l'examen, comme c'est généralement le cas.

Le général major Van Belle ajoute que les règles en question sont des règles qui n'ont pas été établies d'autorité par la gendarmerie, mais qui ont été arrêtées par le collège des procureurs généraux.

Mme Milquet demande pourquoi l'on ne réagit pas plus tenacement en recevant certains signaux.

Le major Decraene réplique qu'il n'incombe pas à la gendarmerie d'entreprendre des opérations, mais qu'au contraire, elle est limitée au seul rôle de transmission de ces données au parquet, qui doit décider des suites à donner.

Le lieutenant colonel Vanden Driessche, responsable de l'informatique, décrit schématiquement le cheminement du procès-verbal établi par le gendarme de base.

En cas d'urgence, il existe une procédure permettant au gendarme de brigade d'informer directement le B.C.R.

Actuellement, il y a plus de 214 polices communales reliées au système P.O.L.I.S., qui peuvent l'utiliser au même titre que la gendarmerie. Les polices communales saisissent toutefois le système d'une autre façon que via la brigade (le projet P.I.P.).

Les données provenant des divers corps de police sont intégrées de la même façon. Il n'y a donc aucune discrimination vis-à-vis des autres corps de police.

La consultation se fait en effet directement via une station de travail. Pour l'exploitation, la consultation est possible lors d'un contrôle sur le terrain, via des questions paramétriques.

Pour des questions demandant de longues périodes de recherche à l'ordinateur, il est répondu en différé.

Plusieurs sénateurs se posent des questions quant à la transition du domaine de l'info douce à celui de l'info dure.

Le général De Ridder admet qu'il faut établir des règles de poigne.

Un sénateur croit savoir qu'il existe parfois un dossier parallèle contenant des informations douces.

Le général De Ridder répond qu'il faut faire, en l'espèce, une distinction entre l'enquête judiciaire et l'enquête de police qui vise uniquement à récolter des informations.

Selon le major Decraene, il y a lieu de respecter le principe selon lequel la gendarmerie mène, au niveau policier, une enquête ordonnée par un juge d'instruction.

Lorsqu'il s'agit d'une enquête importante, comme celle qui a été menée dans l'affaire Dutroux, et que le juge demande l'ouverture d'une ligne verte, la gendarmerie doit accomplir un travail de triage. Elle le fait sur la base de paramètres qu'elle a fixés au préalable avec ce juge.

C'est ainsi que sur les 400 appels enregistrés jusqu'à présent sur la ligne 0800 qui vient d'être ouverte, 200 appels ont été jugés utiles et ont été transmis au juge d'instruction, qui a transmis à son tour à ses collègues des autres arrondissements ce qui ne relève pas de sa compétence.

Une simple enquête de police menée d'office peut donner lieu à un rapport confidentiel et celui-ci peut donner lieu à un procès-verbal lorsque des faits concrets sont constatés. C'est le passage d'un stade à l'autre qui est le plus difficile à organiser.

2. AUDITION DU LIEUTENANT GÉNÉRAL DE RIDDER

§ 1er . Exposé

Le général se réfère aux auditions qui ont eu lieu au début de cette année-ci au sujet des Z.I.P. Les déclarations faites alors valent toujours, sous la seule réserve que la problématique abordée aujourd'hui dépasse de loin le cadre communal.

Il n'empêche que la création des Z.I.P. cadre dans la réforme entreprise en 1992 qui consistait à démilitariser la gendarmerie pour la rapprocher du citoyen, au niveau des tâches administratives et judiciaires.

Ce rapprochement par le biais de la démilitarisation comportait nécessairement un volet interne. En effet, il serait vain de vouloir restructurer formellement un appareil de 16 000 hommes, qui a des traditions militaires séculaires, sans s'attaquer à la « culture d'entreprise ».

La première modification à ce niveau-là était le remplacement de la discipline militaire par un régime se rapprochant des règles en vigueur dans la fonction publique, sous réserve toutefois des règles devant préserver la spécificité de la gendarmerie.

Il s'agit en effet d'un corps nécessitant une hiérarchie, une disponibilité permanente et une neutralité dans son action.

La méthode organisationnelle choisie pour arriver à ce résultat a été la déconcentration du niveau de décision, ce qui implique la responsabilisation des unités de base.

Le deuxième aspect de cette réforme organisationnelle a consisté en la création de trois « stratégic business units », à savoir :

­ la police de base;

­ la police spécialisée;

­ le support opérationnel.

En plus, le retrait des missions militaires a permis d'alléger la structure territoriale en réduisant le nombre des échelons de cinq à trois, c'est-à-dire la brigade, le district et le commandement fédéral.

Au niveau provincial subsiste un commandant de groupe mais il n'a plus de véritable mission opérationnelle (sauf la circulation routière). Il est intégré en fait dans le commandement fédéral.

Cette réforme a été consignée dans la loi du 19 décembre 1994.

Il y a également eu des interventions au niveau des « ressources humaines ». La formation a été améliorée à tous les niveaux, à l'exception de l'École royale de la Gendarmerie.

Il était en effet important d'avoir des résultats immédiats sur le terrain, en activant le processus auprès des unités territoriales, avant de réformer la formation de base.

Faute de temps, il a fallu choisir.

Le recrutement a lui aussi subi des modifications : alors que le recrutement des sous-officiers se faisait jadis distinctement de celui des sous-officiers d'élite, il existe depuis 1995 un nouveau système qui fait que tous les candidats entrent comme sous-officier, avec la possibilité de promotion à la catégorie supérieure après un certain nombre d'années de service.

L'idéal serait d'ailleurs de pouvoir engager tout le monde au même niveau, mais les échelles barémiques des sous-officiers sont si basses qu'il serait impossible d'engager des candidats-officiers pour un revenu si faible.

Au niveau des promotions, les commandants de brigade disposent actuellement de possibilités de promotion via des examens.

La logistique a également été restructurée. L'on avait en effet constaté des lacunes dans l'approvisionnement des unités de base.

Les mesures de rationalisation ont amené le regroupement des activités à un niveau supérieur.

2. Discussion

Un sénateur demande plus de précisions au sujet du nouveau concept de police de base que le général De Ridder tend à élaborer.

Certaines polices locales ont l'impression d'être « doublées » par l'initiative de la gendarmerie.

De ce qu'il connaît déjà du nouveau projet de loi au sujet de cette police de base, il a l'impression que les compétences du bourgmestre et du commandant de brigade sont mises sur le même pied.

Les « communalistes » considèrent que la gendarmerie s'accapare de plus en plus les moyens financiers disponibles, mais aussi, en occupant le terrain, le pouvoir et qu'elle ne laisse rien aux autorités communales.

Le général De Ridder revient sur la notion de police de base, encore appelée police de proximité ou communautaire (« community police »).

La notion couvre la tendance qui consiste à s'orienter plus vers la population.

Jadis, les polices avaient tendance à se spécialiser à outrance. Elles prétendaient connaître les besoins de la population sans aller sur le terrain. C'était l'ère de la police professionnelle.

Il en a résulté un clivage profond entre la police et la population, d'où l'initiative de retourner vers la « clientèle » et d'écouter ses souhaits.

Au niveau organisationnel, cela se traduit à la base par la volonté d'être à l'écoute de la population, avec laquelle il faut dorénavant collaborer.

Cette façon de travailler était jusqu'il y a peu l'apanage de la police communale, mais il est apparu que même un service fédéral, qui a une implantation sur tout le territoire, et qui l'occupe parfois seul, en l'absence de polices communales bien structurées, doit entretenir un contact direct avec la population.

Il en résulte une conception plus rentable de la sécurité et une valorisation des efforts de recherche de la police spécialisée, puisque les informations viennent toujours du niveau le plus bas.

Ce rapprochement entre la gendarmerie et la population ne serait un problème pour la police locale que si les services de base des différents corps ne communiquaient pas. Or, c'est le contraire qui se passe, du sommet jusqu'à la base.

Au sommet, il y a des contacts au sein de la Commission permanente de la police communale, où l'on échange des idées, tandis qu'à la base, un effort continuel est fourni pour que le travail soit mieux réparti, notamment dans les Z.I.P.

Même dans les grandes villes, où il y a de grands corps de police bien structurés, il subsiste des phénomènes à traiter uniquement par la gendarmerie ou à tout le moins par des gendarmes en régie.

Il pense par exemple au problème de la drogue.

Travailler en régie n'exclut pas la participation de la police communale. Ceci est à prévoir dans la charte de sécurité.

Alors qu'à Bruxelles, rien n'a encore été prévu, il existe à Gand une répartition des tâches. C'est ainsi que la gendarmerie centralise le phénomène des vols de voiture.

Cela n'empêche pas la police de la ville de partager les constats et le suivi avec la gendarmerie.

En règle générale, il est persuadé que les Z.I.P. feront disparaître les situations concurrentielles.

Quant à la mise à égalité des pouvoirs, le général souligne que le bourgmestre est le chef local de la sécurité locale. Son rôle est d'ailleurs confirmé par le projet de loi.

Le bourgmestre aura deux interlocuteurs: le chef de corps de la police communale, d'une part, et le commandant de la brigade de gendarmerie, de l'autre.

Tout ceci est à préciser dans les Z.I.P., en accord avec les autorités judiciaires.

Il est même prévu que si la gendarmerie ne tient pas ses engagements, le bourgmestre peut la requérir et dispose d'un recours auprès du ministre de l'Intérieur, en cas de refus.

Suite à une demande, le lieutenant général De Ridder précise que les programmes P.I.P. et P.I.P.O.G. sont des dossiers traités par la police générale du Royaume.

Pour bien les situer, il faut remonter au programme I.P.O.G., qui est un logiciel mis au point il y a cinq ans, initié au district de Courtrai, au central 101, permettant aux équipes des deux polices d'enregister tous les appels, pour les analyser si nécessaire.

Ensuite, l'on a introduit des règles de répartition des appels, selon des critères objectifs, résultant en une plus grande facilité de manipulation.

Lors de l'introduction des Z.I.P., l'on a réfléchi à la possibilité d'équiper tous les centraux 101 du logiciel I.P.O.G. C'est pour désigner cette extension au système existant P.I.P. (projet d'informatisation de la police locale) qu'on emploie le sigle P.I.P.O.G.

P.O.L.I.S., par contre, est un système d'une toute autre nature, puisqu'il s'agit d'une banque de données relative aux tâches de police judiciaire, et gérée par la gendarmerie. 200 corps de police locale (soit 80 p.c. des effectifs globaux de la police communale) et la police judiciaire y sont connectés.

Il a été convenu qu'en échange de l'accès des polices communales au système, celles-ci y introduiraient leurs propres données (au niveau du district).

Par ailleurs, les communes qui n'ont qu'un accès au système de la police judiciaire, l'ont par extension aussi à P.O.L.I.S.

Ce système a bénéficié de l'avis favorable du Collège des procureurs généraux via le groupe de travail O.K.A.P.I., où les trois polices siégeaient.

À ce jour, l'on évolue vers la transmission de ces données au S.G.A.P.

À la question de savoir combien de centraux 101 sont gérés par la gendarmerie et combien par la police communale, le général De Ridder répond qu'à chaque central correspond en principe un opérateur du corps qui le gère.

Il se fait toutefois que les polices communales ont décliné l'offre faite par la gendarmerie de les associer aux centraux gérés par cette dernière en les équipant de personnel.

Par contre, il y a des gendarmes dans chaque central géré par la police. Ceci est le résultat des leçons tirées de l'attentat C.C.C. de la rue des Sols. C'est depuis lors qu'il y a des équipes mixtes.

En règle générale, la gendarmerie gère les centraux ruraux et de certaines villes moyennes, comme Tournai, Louvain, Bruges, Turnhout et Verviers.

Le système P.I.P.O.G. mettra fin à toutes les discussions au sujet de la gestion de ces centraux, puisque toutes les données seront enregistrées et mises à la disposition des deux corps.

Il note à cet égard que la Commission permanente de la police communale est d'accord avec le point de vue de la gendarmerie sur les systèmes I.P.O.G. et P.I.P.O.G.

Un commissaire souligne qu'en fait, le système I.P.O.G. a déjà débuté en 1985, en raison du choix que les communes devaient faire d'un réseau de transmission déterminé.

Il revient ensuite sur la démonstration faite à l'aide du système P.O.L.I.S. à l'intention de la commission et demande si la gendarmerie gère encore d'autres fichiers et, dans l'affirmative, lesquels.

Le général De Ridder confirme qu'outre la banque centrale de données relatives à la gestion du personnel, la gendarmerie gère encore de plus petites banques de données, notamment pour ce qui est de la recherche en matière de vols de voitures.

Grâce à la loi sur la protection de la vie privée, il est devenu possible de créer de pareilles banques de données décentralisées moyenant notification préalable.

La banque de données Megasys constitue un autre exemple. Elle est gérée au B.C.R. pour le stockage d'« informations douces ».

Un membre remarque que la police judiciaire prétend ne pas avoir d'accès direct aux systèmes de la gendarmerie, même pas à P.O.L.I.S..

Le général De Ridder nuance ces propos et souligne que la police judiciaire a bien un accès, mais qu'à défaut de disposer d'un poste centralisé (comme celui du B.C.R.) elle doit s'adresser au B.C.R. pour tout ce qui excède la fonction « contrôle ».

Cette dernière fonction est la seule à pouvoir être consultée « on line », même par la police communale, du moins si l'utilisateur dispose d'un moniteur.

Avant la création du S.G.A.P., une banque de données similaire était gérée conjointement par les deux services de police.

Un membre demande

­ quelle protection le système offre contre les effractions criminelles éventuelles;

­ si certains informateurs sont protégés par la gendarmerie;

­ pourquoi le modèle théorique de la nouvelle culture ne se retrouve pas dans la pratique, où l'on a vu, notamment, les services de police « se marcher sur les pieds » à l'occasion d'une affaire de meurtre à Gingelom.

Un autre membre constate que les interventions traitent surtout de la criminalité. C'est pourquoi il s'interroge sur l'opportunité d'une police criminelle qui ne serait pas autonome et qui serait administrée conjointement par la gendarmerie et les parquets, si l'on ne veut pas porter préjudice à l'intégration avec les services de police de base.

Un troisième intervenant demande comment la mise en oeuvre de la nouvelle culture policière a évolué jusqu'à présent.

Il s'inquiète par ailleurs des lacunes qui se sont fait jour dans la transmission des questions disciplinaires au Comité P.

En ce qui concerne les services de police de base, il constate que le rôle du commandant de brigade gagne en importance, surtout dans la mesure où il devient l'interlocuteur des bourgmestres. Pourquoi n'engage-t-on pas des officiers pour cette fonction ?

Enfin, il constate qu'au niveau provincial, le commandant de groupe n'a quasiment plus aucune compétence opérationnelle. Est-il, dès lors, le représentant idéal de la gendarmerie dans le cadre de la concertation pentagonale par arrondissement ?

Un intervenant demande comment il y a lieu d'organiser la recherche proactive au vu de l'opposition entre information dure et douce.

Un membre est d'avis que le discours du général sur le rapprochement avec le citoyen est singulièrement en contraste avec ce qu'on constate sur le terrain :

­ lors de contrôles routiers, on se voit souvent confronté avec des gendarmes agressifs, armés d'une panoplie d'armes menaçantes;

­ l'emploi de voitures banalisées pour les constats de contraventions etc.

La gendarmerie présente ainsi deux visages, c'est-à-dire à la fois celui d'un appareil du pouvoir et celui d'un instrument traduisant la volonté politique de se fondre dans la masse.

À cause de cette équivoque, le citoyen perçoit toujours la gendarmerie comme un appareil répressif.

Un autre commissaire s'oppose à la politique équivoque menée par la gendarmerie à l'égard des autorités communales en ce qui concerne les Z.I.P. La gendarmerie semble manoeuvrer en vue d'obtenir un monopole. Elle crée ainsi un grand malaise au sein des pouvoirs locaux.

Elle formule par ailleurs une remarque concernant l'informatisation imparfaite de la gendarmerie.

Les unités de base ne disposent pas de suffisamment de moyens en ordinateurs, si bien que plusieurs gendarmes se sont achetés des appareils à leurs propres frais. D'autres ont refusé de le faire, ce qui est normal. L'ennui c'est que l'on a décidé de mettre en service une série de nouveaux appareils et que les premiers servis sont ceux qui avaient fait eux-mêmes l'acquisition d'un appareil, si bien que les autres ne recevront toujours rien.

Ce n'est pas une façon de procéder normale : la gendarmerie doit prévoir l'appareillage nécessaire pour tous.

Le général De Ridder commence par répondre aux questions relatives à la réalisation du concept de service de police de base. Il souligne que changer en un court laps de temps une culture professionnelle existante n'est pas une sinécure. Cela nécessite un effort soutenu de plusieurs années.

Il déclare ensuite que, bien qu'il ait d'ores et déjà l'impression que beaucoup de choses ont changé, il ne se risquera à émettre un jugement définitif que lors de sa mise à la retraite.

Le double visage de la gendarmerie dont a parlé un membre est une conséquence de l'intégration encore imparfaite de la nouvelle culture.

Il y a un lien essentiel à entretenir entre la sécurité et la sociabilité, par exemple au niveau de la police de la route qui ne doit pas être répressive en premier lieu, mais plutôt convaincante.

Même dans la branche des activités répressives comme celle du maintien de l'ordre, l'on essaie d'introduire l'option nouvelle. Cela n'évite pas les bavures, mais il souligne que celles-ci sont sanctionnées.

Cette nouvelle option n'est d'ailleurs pas propre à la Belgique, mais a fait son entrée dans nombre d'autres pays. La Belgique joue même un rôle de leader dans le domaine, à tel point qu'elle a été choisie pour collaborer par exemple avec la police de l'Afrique du Sud, qui y trouve un exemple pratique de ce que le concept de police de base devrait représenter.

Ceci le conforte dans son idée qu'on est sur la bonne voie.

Le problème des responsabilités au niveau de base a déjà fait l'objet d'une analyse. Le projet de désigner systématiquement des officiers comme commandants de brigade s'est heurté au refus radical des syndicats.

En plus, ce serait une opération très coûteuse.

La gendarmerie maintient l'option existante qui consiste à considérer que la fonction prime, et que le grade est subsidiaire. Du point de vue de la motivation du personnel également, il est avantageux de ne pas honorer tant le grade, mais plutôt la qualité intrinsèque de celui qui occupe le poste.

En ce qui concerne l'idée d'une police unique en matière criminelle (comme la Kriminalpolizei allemande ou le F.B.I. américain), le général estime qu'elle n'est pas bonne. Pareille police unique serait une police inefficace, aveugle.

En effet, pour ce qui est de son information de base, elle doit quand même toujours s'appuyer sur la police locale.

Un commissaire fait observer que cette objection n'est pas valable, surtout depuis qu'il existe des systèmes d'information électroniques d'où l'on peut puiser les données dont on a besoin.

Le général De Ridder réplique que l'on se fait une idée erronée du travail de la police. En principe, il n'y a jamais de flux spontané d'informations d'un corps de police à un autre. Il s'agit d'une réalité sociologique : chacun tient à protéger ses sources. En créant un nouveau corps, on interrompt le flux.

Un membre demande si l'on peut en déduire qu'il n'y a pas un flux d'informations suffisant entre, d'une part, la gendarmerie et la police communale et, d'autre part, la police judiciaire.

Le général De Ridder souligne une nouvelle fois que la police judiciaire peut disposer de toutes les informations, à l'exception des « informations douces ».

L'avantage d'un système intégré comme celui de la gendarmerie est qu'il accroît la motivation du policier à qui l'on donne la possibilité de poursuivre l'enquête sur la base de l'information douce qu'il a recueillie lui-même.

Un nouveau service, même géré conjointement avec la gendarmerie, vivrait sa propre vie et aurait ses propres réflexes. Il constituerait une nouvelle source de concurrence.

Il cite l'exemple de la D.I.A. (direction antimafia) italienne, qui, bien qu'elle soit gérée conjointement par les Carabinieri , la Polizia delle Finanzie et la Polizia dello Stato , commence également à mener sa propre vie en travaillant sur des dossiers spécifiques.

Un commissaire fait remarquer qu'il continue de penser qu'une formule de gestion conjointe serait préférable à un service distinct.

Le général De Ridder note qu'il pourrait donner son accord à la création d'une task force au sein de laquelle M. De Vroom et les procureurs généraux seraient en quelque sorte ses interlocuteurs. Il signale qu'elle existe déjà dans certains dossiers.

Il constate, à cet égard aussi, des divergences qui pourraient entraîner des dysfonctionnements, comme dans le cas, notamment, de la cellule Cools, qui, par l'indépendance dont elle a fait preuve, a rompu le lien avec sa base. C'est sans doute la raison pour laquelle le dénouement de l'affaire Cools est venu non pas de cette cellule, mais de l'extérieur.

Il considère que le S.G.A.P. est une solution de coopération possible si la police judiciaire ne fait plus cavalier seul.

Un sénateur demande ce que pense le général de l'idée de faire de la gendarmerie un service unique.

Le général De Ridder répond qu'en tant qu'entité intégrée et unique, la gendarmerie ne serait toujours pas une police criminelle, mais un service de police dans le sens qu'on donne habituellement au terme.

La structure de ce service importe peu, pourvu qu'elle soit intégrée.

Il en prend comme exemple la police métropolitaine londonienne, qui comporte 24 unités locales, mais qui est dotée d'un état-major général avec un seul décideur.

Si l'on décide de faire des grands corps fédéraux pour les différents niveaux, il y aura des concurrences insolubles, parce qu'ils ne vont pas se passer leurs dossiers.

Le même intervenant demande pourquoi le général est sceptique au sujet du modèle du F.B.I.

Le général De Ridder dit que le F.B.I. subsiste par la grâce de la county police . Créer en Belgique une police fédérale sur le modèle de la F.B.I. irait à l'encontre de toutes les tendances actuelles en matière de politique policière.

Un membre demande quels sont les grands principes qui doivent guider le fonctionnement d'une bonne police, et quels sont les organes à créer.

Une autre membre constate que le général n'est pas favorable à une police unique.

Elle pense toutefois que, pour rencontrer les nécessités de la réforme judiciaire en cours, il faut créer une grosse 23e brigade de la police judiciaire, qui casserait les baronnies locales de cette dernière.

Cette piste conviendrait-elle au général ?

Le contrôle démocratique ne doit-il par ailleurs pas être organisé pour le secteur judiciaire et non seulement pour le seul domaine de la police administrative ?

Ceci lui semble important, afin de contrecarrer certaines déviations qu'elle a cru pouvoir constater. La gendarmerie distille en effet ses informations à différents juges d'instruction, selon son bon vouloir, de façon à rester maîtresse du jeu.

La réforme en cours, qui tend à améliorer l'image de marque de la gendarmerie, n'empêchera pas les pouvoirs locaux d'avoir le sentiment que les décisions leur échappent, puisque la gendarmerie a une meilleure connaissance de la criminalité. Elle se demande dès lors pourquoi la gendarmerie ne partage pas son savoir et son expérience.

La sénatrice se préoccupe ensuite de la présence de réseaux d'extrême droite dans la gendarmerie, surtout lorsque ceux-ci ne se contentent pas de prôner la fin de la démocratie, mais manifestent une volonté expresse de la renverser.

Le général De Ridder pose comme principe que la neutralité de tout gendarme est une exigence absolue, à sanctionner par des peines disciplinaires, quel que soit le grade.

La présence d'éléments d'extrême droite n'est pas l'apanage de la seule gendarmerie. Il estime qu'il y a un besoin urgent d'enquêter sur ce phénomène dans d'autres services.

Créer une « grosse 23e » reviendrait à créer un service de police concurrentiel. Comment va-t-on mettre en oeuvre la distribution et le suivi des enquêtes ? Un élément anodin peut subitement donner lieu à une enquête importante.

Le contrôle de la facette judiciaire du travail policier a fait un grand pas en avant par le biais de la modernisation de l'outil.

La même démarche n'a pas été faite dans d'autres corps, ce qu'il regrette.

Il faudrait, à son avis, investir dans les deux autres services de police pour moderniser leurs méthodes de travail, tout en introduisant des contrôles plus performants, par exemple via les Comités P & R, mais aussi par d'autres méthodes.

Sa vision est qu'il ne faut en aucun cas ralentir le développement des services de police, mais qu'il faut mieux les contrôler.

Finalement, il faut contrôler davantage l'exécution des priorités.

Un sénateur demande si la gendarmerie dispose de dossiers sur des parlementaires.

Le général De Ridder dément cela, mais indique que si un parlementaire venait à se rendre coupable d'un délit, il serait bien évidemment poursuivi sur base d'un dossier judiciaire.

Le même intervenant demande combien de gendarmes servent dans le S.G.A.P.

Le général De Ridder indique qu'il s'agit de 60 gendarmes.

À ce propos, il revient sur les propos concernant la sécurisation des banques de données.

Aussi bien en ce qui concerne les fichiers du S.G.A.P. que ceux de la gendarmerie, il y a bien sûr une protection via des accès en cascade.

En plus, il y a des listings des personnes qui les ont consultés.

Le réseau technique repose sur des programmes écrits par des gendarmes, ce qui diminue le risque de fuites.

Le seul grand danger serait effectivement l'infiltration par une organisation criminelle. C'est là un nouveau défi pour la gendarmerie.

Il faudra en arriver à effectuer de meilleurs « screenings » du personnel disposant de certaines clefs de sécurité.

Ceci est évidemment une chose délicate, puisqu'il faudra entrer dans la vie privée des personnes concernées.

Mais le défi de la lutte contre la crimininalité pèse tellement lourd dans la balance, qu'il faudra bien en tenir compte.

En ce qui concerne le recours à des informateurs, le général répond qu'il est nécessaire dans le cadre de toutes les activités policières. Toutefois, le système du « donnant, donnant » ne peut être le fait de l'enquêteur ordinaire, qui n'est pas habilité à la pratiquer. Pour la gendarmerie, l'on ne peut donc en principe y recourir qu'avec l'accord de la personne compétente en la matière, par exemple, un magistrat du parquet pour ce qui est du classement sans suite.

Le général plaide en tout cas pour que l'on améliore la législation dans ce domaine.

3. AUDITION DE M. VAN KEER, PRÉSIDENT NATIONAL DU SYNDICAT NATIONAL DU PERSONNEL DE LA GENDARMERIE, DE M. SCHONKEREN, PRÉSIDENT FÉDÉRAL DE LA FÉDÉRATION SYNDICALE DE LA GENDARMERIE BELGE, DE M. AERTS, PRÉSIDENT NATIONAL DU SYNDICAT PROGRESSISTE POUR LE PERSONNEL DE LA GENDARMERIE ET DE M. CLEMMENS, PRÉSIDENT NATIONAL DU SYNDICAT GÉNÉRAL POUR LES SERVICES DE LA GENDARMERIE

§ 1er EXPOSÉ DE M. VAN KEER

1. Quels manquements constatez-vous dans le fonctionnement interne de la gendarmerie ?

Depuis que la démilitarisation de la gendarmerie est devenue un fait, nous constatons que le changement de mentalité qui doit y être lié dépend, pour toutes les catégories du personnel, de la personne, de la fonction et du lieu de travail.

Il y a donc une nette distinction à faire entre les membres du personnel travaillant dans les unités territoriales, la Réserve générale ou les unités logistiques ou administratives.

Le rapport militaire strict entre le chef et les subordonnés avait déjà disparu avant la démilitarisation des districts et les brigades depuis plusieurs années.

Comme ils devaient s'assister quotidiennement sur le terrain, la confiance était plus grande et les clivages entre les catégories de sous-officiers, sous-officiers d'élite et officiers étaient moindres et même inexistants à certains endroits.

Le personnel de brigade était plus un fonctionnaire de police que militaire et travaillait comme ses collègues de la police communale, de telle sorte que, de facto , la seule différence entre les deux était la structure et l'uniforme.

Lorsque les relations entre les cadres et les exécutants étaient moins bonnes, c'était très souvent dû au manque de connaissance du travail et du terrain qui se manifestait parfois chez les officiers formés militairement.

Là où les maréchaux des logis et les adjudants accentuaient leurs tâches de police et les voyaient donc, comme prioritaires, nous devions constater régulièrement dans le passé que les officiers, qui de plus n'étaient pas concernés par le travail sur le terrain, trouvaient plus importantes des choses comme la tenue, le port d'un képi, le respect des limites de temps lors de l'exécution des haltes, que l'investissement dans l'enquête, les contacts avec la population ou la construction avec la population d'une collaboration au niveau du travail de voisinage, etc.

Aujourd'hui, nous constatons, par le fait que les officiers sont formés autrement, qu'ils sont recrutés plus directement au sortir des universités, mais surtout parce qu'ils sont plus directement concernés par le travail policier, que la distance entre les deux groupes diminue et que la collaboration et la compréhension mutuelle augmentent ainsi sensiblement.

Malgré ces changements, il faudra quand même faire de nombreux efforts pour diminuer la conception des grades militaires qui sont liés à la répartition des grades à la gendarmerie, de telle manière que l'on puisse passer plus vite aux concepts liés aux dénominations, comme elles existent dans les autres services de police.

Une des causes de l'incompréhension et même de malendendus, entre par exemple certains commandants de brigade et des collègues commissaires de police, est le fait que les deux sont officiers de police judiciaire, auxiliaires du procureur du Roi, mais que les commissaires de police se nomment eux-mêmes « Officiers » et donnent à cela la signification militaire de telle manière qu'ils peuvent se placer eux-mêmes au niveau du commandant de district de la gendarmerie qui, était en effet, dans un passé récent, « un officier militaire », alors que, ces trois fonctionnaires de police ont sur leur lieu de travail, les mêmes compétences et les mêmes missions.

Qu'une telle attitude ait aussi ses conséquences dans les contacts avec les collègues de la police communale est clair. Alors qu'auparavant, avant les années 80, un tel problème entre la brigade et le commissariat de police ne se posait pas, les districts, sur ordre du commandement national, se sont profilés de plus en plus sur le terrain et ont enlevé à certains endroits le droit de contact du commandant de brigade de manière à faire passer par les districts tous les contacts avec les parquets, les bourgmestres et les commissaires de police. La première conséquence était que certains commissaires de police allaient considérer les commandants de brigade comme des simles exécutants et qu'eux-mêmes « en tant qu'officiers » n'allaient plus s'adresser qu'à leurs collègues officiers de gendarmerie.

Quand alors l'école supérieure de formation de police fut créée, école où la gendarmerie envoya presqu'excluvisement des officiers du niveau de lieutenant-colonel ou de colonel, beaucoup de commissaires crurent avoir la preuve qu'ils étaient au niveau supérieur et que les collègues des brigades de gendarmerie étaient des « échantillons sans valeur ». Cela a conduit dans certaines communes à une rupture et cela a aussi aujourd'hui pour conséquence que certains commissaires ne sont plus prêts à considérer leurs collègues qui commandent une unité de police de base de la gendarmerie comme des égaux.

Cette attitude, qui a été appuyée par certains à la gendarmerie, a conduit tout un tas de collaborateurs des brigades à prendre leurs distances vis-à-vis du district et de son commandement de sorte que le fossé s'est agrandi, entre ceux qui devaient faire le travail sur le terrain et ceux qui devaient le surveiller.

L'amertume qui naquit alors existe encore en partie aujourd'hui. Les brigades ressentent encore trop les districts comme des contrôleurs qui donnent des ordres et posent des exigences qui relèvent plutôt du travail administratif que des nécessités du travail à la base, et ce, selon certains, sans connaître le travail policier.

L'impression que l'état-Major du district, de même que celui du groupe comme celui de la région, n'était pas là pour intervenir pour appuyer les travailleurs de la base mais bien pour paraître important vis-à-vis de ses supérieurs et ceci aux dépens du travail policier, était et est encore clairement présente à certains endroits.

La démilitarisation mais surtout la réorganisation interne qui est encore aujourd'hui en pleine expansion, ont contribué fortement à ce que les échelons inutiles soient supprimés ou réduits, à ce que beaucoup plus d'importance soit donnée aux missions de police qui sont quand même la tâche principale et la plus importante d'une unité de police de base de la gendarmerie.

Aujourd'hui, nous constatons que le personnel est plus et mieux concerné par le processus de formation de la décision interne, que les commandants de brigade ont la possibilité de se former de manière permanente et que les districts mettent de plus en plus en pratique leurs tâches de soutien aux enquêteurs.

Sans la réorganisation interne, la gendarmerie serait aujourd'hui un service de police qui n'aurait pu s'adapter efficacement à l'évolution du phénomène criminel. Aujourd'hui, ce service est décrit par certains comme « effroyablement efficient ».

Un point de friction interne qui n'est pas encore éliminé et qui doit être pris d'urgence à bras-le-corps est de dessiner des perspectives d'avenir pour toutes les catégories du personnel mais surtout pour ce groupe de membre du personnel que l'on désigne aujourd'hui encore toujours par la vieille dénomination militaire « d'officier ».

Avec la réorganisation, on doit surtout mieux décrire le contenu de leurs tâches, leur dire clairement qu'ils sont des collaborateurs-donneurs d'appui pour les unités de police de base et que la période où ils auront tous un jour un commandement est dépassée. Beaucoup de ces cadres supérieurs devront se contenter de fonctionner comme des « réservoirs de la pensée » et ils devront accepter que des collègues dont la formation s'est déroulée au sein du corps ou qui ont commencé leur carrière sans être porteurs d'un diplôme universitaire puissent devenir commandants d'une unité de police de base tandis qu'eux-mêmes devront faire leur carrière dans des tâches qui se remarquent parfois moins.

C'est surtout ici que l'on devra faire des efforts pour élargir plus clairement leurs possibilités d'avenir et pour leur prouver que leur travail est très important pour la construction future d'un corps de police moderne.

La suppression des dénominations militaires des grades d'officiers et le remplacement par la dénomination donnée à des fonctions équivalentes dans la fonction publique peut être une première étape.

Dans le même groupe de membres du personnel, il y a depuis des années une autre bombe à retardement, c'est-à-dire tous ces officiers, et il y en a environ 190 sur les 241 capitaines-commandants qui n'ont aucune perspective de monter dans le cadre.

Alors que pour l'avenir, ce problème a déjà reçu une meilleure approche, entre autre par l'augmentation du nombre de possibilités de participation à la promotion de majors, les commandants qui ont obtenu ce grade avant 1995, sont définitivement bloqués. Le S.N.P.G. a déjà insisté à plusieurs reprises pour passer outre ce frein mais jusqu'à présent, l'autorité n'a entrepris aucune tentative pour trouver une solution. Le S.N.P.G. pense qu'il n'est pas acceptable qu'une telle masse d'intelligence, d'expérience et de connaissances soit poussée ainsi sur une voie de garage.

Tout manager d'entreprise puiserait immédiatement dans cette source. À la gendarmerie, on pense devoir les considérer comme forclos parce que l'on traîne toujours ce passé militaire.

Grâce à notre insistance, nous constatons que le commandement actuel de la gendarmerie fait de nouveau appel à ces collègues et les engage de nouveau dans des fonctions qui interpellent le potentiel présent. Nous pensons vraiment qu'on devra prendre des mesures pour donner à ce groupe de membres du personnel une deuxième chance de telle sorte que leur expérience puisse être rendue utile.

Pour en revenir aux problèmes de fonctionnement interne des unités territoriales, nous pensons que :

­ les districts doivent, encore plus que par le passé, se déployer comme des unités d'appui pour les unités de police de base;

­ une détermination nette du rôle des officiers au niveau du district doit être faite;

­ on doit indiquer clairement aux officiers au niveau du district que la ligne de commandement est la ligne qui part du commandement national et qui va, via les districts, vers la brigade et qu'eux-mêmes n'ont pas d'immixtion directe dans le fonctionnement de la brigade, sauf quand cela se passe sur ordre du commandant de district et si cette mission est en concordance avec la gestion déterminée fédéralement;

­ les commandants de brigade devront encore plus que par le passé être appuyés et formés pour pouvoir remplir leur tâche de fonctionnaire de police gestionnaire-directeur et fournisseur d'appui;

­ les contacts au niveau local entre tous les partenaires du phénomène policier doivent, en ce qui concerne la gendarmerie, passer par le commandant de brigade.

Fonctionnement interne de la gendarmerie ­ A.R.G. (Algemene Reserve ­ Réserve générale).

Cette unité est surtout orientée vers le maintien de l'ordre public et a surtout à affronter des problèmes sociaux.

Les gendarmes qui servent dans cette unité sont assez jeunes et y aboutissent la plupart du temps directement après leur formation.

En dehors du fait que leurs services ne sont pas des plus agréables, il faut ajouter le fait que ceux-ci se passent la plupart du temps à des moments où les autres collègues sont libres ou peuvent développer une vie sociale normale.

Vu les distances entre le lieu d'habitation et le lieu de travail, la plupart des membres du personnel essayent de faire autant que possible des services les uns après les autres, ce qui met lourdement sous pression les liens familiaux.

Le fait que ces services plus chargés socialement, les services de nuit et de week-end, soient mieux payés, compense en partie les charges mais leur donne l'impression que les gendarmes ont un revenu convenable et qu'ils peuvent donc se permettre beaucoup sur le plan financier. Certains sont alors confrontés à l'obligation de toujours venir avec leur propre voiture, vu que les services commencent et finissent à des moments où les transports publics ne fonctionnent pas. Par conséquent, s'ils ont un problème de voiture, un accident ou une panne, ils doivent se procurer très rapidement un autre véhicule, ce qui risque de leur poser des problèmes financiers, car ils sont obligés de contracter plusieurs emprunts.

Pour résoudre le problème, on pourrait vérifier si le taux d'occupation de l'A.R.G. ne peut être augmenté de telle manière que les membres du personnel doivent prester moins d'heures, qu'on puisse accorder plus d'attention à leur formation permanente et que leurs services puissent être répartis sur plus de participants de telle manière que leur vie familiale et sociale puisse se dérouler d'une manière normale.

Pour cela, il faut permettre à la gendarmerie de passer à un plus grand recrutement de telle manière que non seulement les départs soient compensés mais qu'en même temps, on puisse former une réserve qui tienne compte de la grande vague de mises à la pension que l'on va connaître à partir de l'an 2000. Si l'on ne peut augmenter maintenant le recrutement, on sera dans l'avenir dans l'impossibilité de combler le vide créé.

De manière globale, on peut dire que beaucoup de problèmes ou de points de discussion à la gendarmerie sont dus au manque de dialogue. Malgré la réorganisation ­ et peut-être n'a t-elle fait qu'aggraver le problème ­, nous devons constater que le contrat entre le commandant de district et le personnel se limite à des rencontres régulières à l'occasion de réunions où, la plupart du temps, la communication est à sens unique, ce qui rend le contact personnel ou le débat, dont il conviendrait qu'il soit contradictoire, pratiquement inexistants.

En ce moment, on semble souffrir de « réunionite aigüe » et l'on sent très nettement au niveau du travail le manque de direction du commandant de brigade, vu ses nombreuses absences.

Nous pensons qu'il est utile aujourd'hui de donner aux nouveautés issues de la réorganisation la chance d'être assimilées par le personnel, sinon, l'on court le risque que ce personnel décroche et que le renouveau manque son but.

Ce que l'on va devoir aussi surveiller, c'est le ralentissement et parfois même le fait de rendre plus difficiles les promotions en ce qui concerne les cadres subalternes. Le personnel peut difficilement accepter que l'on nomme éventuellement plus de généraux si l'on constate en même temps que pour les nominations d'adjudant à adjudant-chef, les délais de 7 à 8 ans sont portés à 14. Le mécontentement ressenti par le personnel concerné pourrait causer de sérieuses difficultés.

Au point de vue disciplinaire, les sanctions et les procédures qui y sont liées, semblent acceptées par le personnel. Il faudra cependant veiller à ce que les droits du personnel soient respectés pendant toute la procédure et qu'on donne aux organisations syndicales la possibilité de mieux élaborer la défense des membres du personnel. En la matière, il est typique de remarquer qu'on chicane sur la comptabilisation des heures consacrées par les défenseurs à l'étude, à l'élaboration et à la défense d'un dossier, des heures qui sont régulièrement diminuées arbitrairement de sorte qu'on doit avoir recours à une semi-procédure d'appel au plus haut niveau afin de faire respecter ses droits.

En ce qui concerne la répartition des inconvénients, c'est-à-dire prestation de nuit et de week-end, on rogne de toutes les manières possibles afin de ne pas dépasser les budgets. Cela a pour conséquence que dans de nombreux districts, il n'y a pas d'officiers de police judiciaire présents pour intervenir en cas de nécessité, mais cela a aussi pour conséquence qu'un maréchal des logis ou que les premiers maréchaux des logis qui tournent aussi dans le système, ont un revenu sensiblement supérieur à celui de leurs chefs qui doivent rester sur la touche.

L'exclusion des gradés et commandants de brigade du rôle de chef de permanence mobile a créé un grand mécontentement, vu que la perte financière n'est pas ou n'est que peu compensée.

2. Relations avec la police judiciaire

Dans le passé, les relations entre les gendarmes des unités territoriales et les collèges de la police judiciaire étaient limitées aux contacts lors des constatations ou à une visite d'un membre de la P.J.P. à un service de gendarmerie.

À l'époque, l'on avait déjà la conviction que les membres de la P.J.P. traitaient les gendarmes de manière hautaine, mais ils étaient dépendants des gendarmes pour rassembler des informations ou avoir les contacts nécessaires afin de mener à bien leurs enquêtes.

Depuis que la police judiciaire a remis sérieusement en question ses propres institutions, nous pensons aux actions menées à l'époque du ministre Wathelet, et qu'elle a réclamé le droit de priorité sur les autres officiers de police judiciaire, l'incompréhension envers la raison de leur existence a augmenté et de plus en plus de gendarmes se sont interrogés sur le sens de l'existence de ce service de police.

L'attitude des membres de la police judiciaire, le fait qu'ils désavouent leur commissaire général De Vroom et les actions relatives à la note de consensus ont conduit les gendarmes à se poser de plus en plus de questions sur la P.J.P.

Cependant, il apparaît que chaque fois que la gendarmerie et la P.J.P. collaborent dans une enquête clairement délimitée, ces deux services arrivent la plupart du temps à une bonne compréhension et à une bonne collaboration.

Il n'est pas inutile de mentionner que cela est souvent dû au magistrat qui dirige l'enquête et qui doit donner des tâches bien délimitées et traiter les deux services sur un pied d'égalité.

L'expérience du passé est que les collègues de la police judiciaire qui collaborent dans une enquête avec la gendarmerie et s'y engagent à fond ont parfois plus de problèmes avec leurs propres collègues qu'avec les gendarmes. Alors qu'ils sont vite acceptés dans le groupe d'enquête comme des partenaires à part entière et comme des collègues, il semble qu'ils soient parfois considérés par leurs collègues de la P.J.P. comme des traîtres.

Aujourd'hui, les actions des membres de la P.J.P. mettent régulièrement la gendarmerie et les gendarmes sous un éclairage négatif. On ne va évidemment pas les remercier.

Dans un passé récent, beaucoup de membres de la police judiciaire étaient partie prenante pour s'intégrer dans un service de police fédéral qui pouvait fournir une aide de police de base et spécialisée. Ce qui était surtout important, c'était leur demande d'être plus indépendants des parquets.

Aujourd'hui, nous constatons que, pour l'une ou l'autre raison, ils plaident pour le contraire.

Nous pensons qu'en l'espèce, le législateur devra prendre d'urgence une initiative pour en arriver à une seule police fédérale si l'on veut éviter que ces frictions renforcées aujourd'hui par toutes sortes de discours et d'actions, ne débouchent sur une véritable inimitié.

En parlant d'un service de police fédéral, il ne serait peut-être pas inutile d'examiner s'il ne serait pas judicieux de placer tous les services du niveau fédéral, qui ont des compétences de police, sous une seule autorité politique. Dans une deuxième phase, nous osons affirmer qu'on devrait en arriver à un seul service fédéral de police qui existerait aux côtés de la police communale.

Nous nous posons notamment des questions sur la viabilité future et surtout sur la manière dont on va organiser le contrôle nécessaire des services comme :

­ la police portuaire et aéroportuaire;

­ la police des chemins de fer;

­ le service de contrôle du ministère des Communications, etc.

3. Relations avec la police communale

En général, les contacts et la collaboration avec la police communale se déroulent assez bien. Mais il est vrai qu'il faut faire une différence selon que l'on parle de régions rurales ou urbaines.

Dans les régions plus urbaines, le conflit entre l'équivalence d'un commissaire de police et d'un commandant de brigade est plus nettement présent. Il faut surtout remarquer que ce sont très souvent des commissaires de police qui viennent de la gendarmerie qui sont à la base de cette action « anti » (pensons à Saint-Nicolas, Evergem, Lokeren, etc.).

L'installation des Z.I.P. oblige les partenaires à s'asseoir ensemble à la même table et à chercher ensemble des solutions. Ce qui n'est pas négligeable, c'est que le bourgmestre peut jouer un rôle dans la collaboration.

Cette dernière dépend souvent des individus; les deux groupes devront donc faire un effort pour voir la contribution positive de chacun plutôt que les éventuels aspects négatifs.

En général, nous pouvons dire que les brigades de gendarmerie et les services de la police communale collaborent bien et que, dans le cadre des accords de sécurité et des accords Z.I.P., ils peuvent continuer à développer cette collaboration, de sorte que la population puisse en voir les résultats sur le terrain.

La gendarmerie devra faire des efforts pour fournir un taux d'occupation en personnel des brigades permettant de respecter les accords avec la police locale.

Nous pensons que dans le cadre d'une collaboration et des accords Z.I.P., le bourgmestre doit avoir l'assurance qu'une partie du personnel de gendarmerie présent dans sa circonscription puisse toujours être engagée pour l'exécution des accords.

Le commandant de brigade devra, en outre, disposer du personnel suffisant pour pouvoir exécuter également ses missions fédérales. Des accords à ce niveau devront donc être conclus entre l'autorité fédérale et la gendarmerie de sorte que les tableaux organiques des brigades soient adaptés à court terme.

On demande en même temps un effort de l'autorité fédérale et de l'autorité communale sur le plan de la communication afin que, dans une même circonscription, tous les services de police et même les autres services d'assistance puissent travailler sur la même fréquence.

Nous pensons que les Z.I.P. sont une première possibilité pour en arriver à une meilleure collaboration et qu'elles peuvent devenir la base de services de police mieux intégrés.

4. Relations avec les autorités judiciaires

En général, cela se passe assez bien.

On se plaint cependant régulièrement du manque de direction réelle des parquets. Les gendarmes qui veulent néanmoins mettre tout en oeuvre pour mener à bien les enquêtes sont confrontés à l'attitude du magistrat instructeur, dont ils estiment qu'elle est laxiste, ce qui réduit leur envie de travailler. À la longue, ils finissent par se borner à faire des constatations et ne se posent plus aucun acte d'enquête.

En cas de contact avec le magistrat de service à l'occasion d'actes d'enquête, on reçoit trop vite comme réponse, la petite phrase stéréotypée « Que feriez-vous dans un tel cas ? ». Une fois que le gendarme s'est exprimé, il reçoit alors la mission de faire ce qu'il a proposé lui-même. Trop souvent, des conflits naissent également parce que les verbalisants appellent le magistrat de service la nuit pour lui communiquer des faits ou pour l'informer de missions complémentaires. Les réponses parfois mordantes que le personnel de police reçoit alors ne favorisent certainement pas une meilleure compréhension ou un meilleur respect pour le savoir-faire du magistrat concerné.

Le fait de retirer des enquêtes à un service de police au bénéfice d'un autre donne parfois lieu à des frictions, pas tellement parce que l'on retire l'enquête mais, la plupart du temps, parce que l'on n'en informe pas le service qui a commencé l'enquête ou qu'on ne lui donne pas le motif de ce retrait.

Surtout en ce qui concerne les enquêtes spécialisées, les policiers qui lancent l'enquête se rendent bien compte que pour obtenir de bons résultats, il faut des enquêteurs plus spécialisés, ils ne comprennent cependant pas quelle enquête doit rester à leur niveau.

Au niveau des contacts humains, on peut constater que, dans la plupart des districts et des brigades, les contacts avec les parquets sont bons et que des deux côtés, on fait des efforts pour les améliorer quand cela s'avère nécessaire.

Ce que le personnel ne comprend vraiment pas, c'est que les parquets travaillent encore comme au siècle passé et que, malgré les efforts des personnes qui travaillent dans ces parquets, celles-ci ne soient visiblement pas appuyées ou appuyées de manière insuffisante au niveau des moyens en personnel et en informatique par leurs autorités de tutelle.

5. Relations avec la Commission de l'Intérieur

Ici, l'intervenant voit une lueur d'espoir en ce qui concerne les contacts avant et après la démilitarisation. Très souvent, la gendarmerie se voit reprocher qu'elle échappe à tout contrôle, qu'elle n'est pas démocratique, qu'elle accapare tout, etc.

Pour autant qu'il ait pu le vérifier et si ses informations sont correctes, la commission de la Défense nationale n'est jamais venue contrôler le fonctionnement à la gendarmerie. Depuis la démilitarisation, votre commission semble avoir rendu une fois visite à la gendarmerie.

Il trouve un peu facile de la part de certains milieux parlementaires de se plaindre du manque de contrôle d'un service de police, et alors que l'on remarque en même temps que les commissions responsables du Sénat et de la Chambre ne font aucun usage de leurs droits, de leurs devoirs de surveillance et de contrôle de la gendarmerie. La gendarmerie elle-même et les gendarmes souhaitent que les institutions démocratiques de notre pays éclairent régulièrement la gendarmerie et si nécessaire la remettent sur la bonne voie.

Il est bien trop facile de lancer des attaques du Parlement quand il apparaît que l'on n'a encore jamais entendu la gendarmerie et que l'on ne lui a jamais rendu visite.

Dans cette matière, nous appuyons la proposition du Commandant de la gendarmerie quand celui-ci demande à être régulièrement entendu par le Parlement au moins lors de la discussion du budget de la gendarmerie pour pouvoir se justifier quant au fonctionnement de l'année précédente et attirer l'attention sur certains points pour l'année suivante.

Contrôler davantage la gendarmerie ne peut que contribuer à mettre fin à tout un tas de rumeurs qui surgissent régulièrement et faire en sorte que les représentants du peuple connaissent le fonctionnement de la gendarmerie et puissent en parler en connaissance de cause.

6. Relations avec la justice

Ces relations sont clairement régies par la loi sur la gendarmerie (article 2, § 2).

On peut se poser la question de savoir s'il est nécessaire de désigner deux responsables politiques pour un seul service de police mais visiblement, cela n'engendre pas tant de réactions négatives du personnel.

On peut placer le contrôle de la gendarmerie dans le même cadre.

7. Zones interpolices

Comme je l'ai déjà dit dans la partie qui a trait aux relations avec la police communale, il semble que les efforts qui ont été faits pour la créations des Z.I.P. et de la collaboration qui y est liée, sont bien acceptés par le personnel.

Il y a bien eu dans la phase de départ et à certains endroits un problème, vu que le transfert par exemple, des constatations d'accidents de roulage d'un service à l'autre a pu créer l'impression qu'on était en train de réduire à néant son propre engagement : ainsi naissait la crainte que l'on démantèle ses propres services.

Des discussions avec des membres de brigades et des commandants de brigades mais aussi du contact avec des commissaires de police, il ressort qu'ils se posent surtout des questions sur les effectifs des brigades, des glissements que cela va inévitablement causer et des nouvelles délimitations de terrain que cela va entraîner.

Les Z.I.P. peuvent certainement donner une réponse à une des parties des problèmes de sécurité qui existent dans la population mais l'autorité devra alors veiller à ce qu'il soit pourvu au cadre : ainsi il ne nous semble pas possible de créer des Z.I.P. où le total des effectifs serait inférieur à 48.

Si l'on veut être dans chaque Z.I.P. et de manière permanente au service de la population, nous pensons qu'un taux d'occupation en personnel de minimum 48 personnes est nécessaire.

En rapport avec cela, on devra aussi examiner si la gendarmerie peut garantir à chaque instant son engagement vu que des obligations fédérales peuvent primer les accords Z.I.P.

Nous osons donc insister auprès de l'autorité fédérale pour qu'elle ne prenne pas seulement en considération l'occupation organique du 1er juin 1995 mais qu'elle envisage aussi à court terme une révision de l'occupation organique et en tenant compte clairement à ce moment :

­ des obligations fédérales;

­ des accords dans le cadre des contrats de sécurité et des Z.I.P.;

­ de la circonscription et des problèmes de sécurité spécifiques dans la zone;

Nous pensons qu'une garantie minimale doit pouvoir être donnée au bourgmestre qu'il pourra toujours compter sur l'exécution des accords conclus entre les services de police qui travaillent sur son territoire. Ce n'est que dans des cas exceptionnels (force majeure, émeute générale, etc) que les membres du personnel mis à sa disposition pourraient être rappelés. Il est possible qu'une telle attitude signifie que l'effectif de la gendarmerie dans les unités territoriales devra être augmenté.

8. Fonctionnement du S.G.A.P.

Le Service général d'appui policier, qui a comme mission principale de structurer la coordination et l'appui des différents services de police en Belgique, vient à peine de pouvoir développer ses premières activités.

Le S.N.P.Gd pense que ce service, pour autant qu'il soit bien conduit et élaboré, peut être l'amorce d'une intégration meilleure et plus rapide de tous les services de police de sorte que la guerre des polices dont on parle si volontiers puisse appartenir rapidement au passé.

Comme chaque service nouvellement créé, l'intervenant constate ici aussi quelques problèmes de croissance dus notamment au fait qu'on ne traite pas sur un pied d'égalité les officiers de police judiciaire de la gendarmerie, de la police communale et de la police judiciaire.

Il constate en effet qu'un officier de police judiciaire provenant de la police communale ou de la police judiciaire ne se laissera pas employer comme employé-exécutant tandis qu'une personne ayant les mêmes qualifications fonctionnelles mais originaire de la gendarmerie, se verra dégradé de manière forcée comme exécutant et employé.

Il s'agit néanmoins de l'acceptation de l'équivalence des fonctions, de la formation et des connaissances.

Sur le terrain, il ne constate pas encore directement l'influence du S.G.A.P., mais il pense, comme il s'emploie surtout à améliorer la coordination des trois services existants et leur soutien, ce seront surtout des services spécialisés qui feront appel dans une première phase à la technicité et aux connaissances présents dans ce service. Si l'on veut éviter que ce service souffre du même mal que toute une série de services de coordination, à savoir, notamment, la volonté de se maintenir en vie et de rester importants, mais si l'on veut, par contre, qu'il joue convenablement le rôle que lui attribue l'arrêté royal du 11 juillet 1994, le S.G.A.P. peut devenir un atout important dans le système policier belge.

9. Propositions de réforme

Avant que l'on puisse passer à une police unique ­ une police intégrée ou une équivalence entre les différents services de police ­, il faut selon nous que six conditions soient réunies, à savoir :

1. Partir des vrais problèmes et ne pas se laisser mener par des slogans. De plus, il n'est pas possible d'imposer des solutions toutes faites. Quelques-uns des problèmes ou des obstacles que l'on va rencontrer sont :

­ l'indépendance politique de nos services de police et des organisations qui représentent le personnel;

­ le problème des grandes agglomérations et le recrutement du personnel de police;

­ le fait que la fonction ne soit pas attirante pour toute une série de jeunes gens tant au point de vue rémunération que des possibilités de carrière.

2. Les statuts du personnel des différents services de police doivent être harmonisés, notamment les conditions de recrutement, les rémunérations, les compensations pour des exigences entraînant des charges sociales comme le rythme de mutation, l'endroit de la formation, le statut disciplinaire, etc.

3. Le nouveau système policier doit refléter l'imbrication entre les services locaux et supralocaux, judiciaires et administratifs, en uniforme ou non. Il n'est pas acceptable pour le policier que l'on crée des « superflics » qui viennent dorer leur blason personnel au détriment de leurs collègues des unités de police de base et grâce à leurs efforts.

Des cellules de recherche et des unités spéciales, des services de police avec des missions particulières doivent recruter parmi les unités de base opérationnelles et être intégrés dans le système policier. L'organisation de police doit donc représenter toutes les facettes du travail policier.

4. Garder le système simple, ne pas créer de niveau s'il n'est pas nécessaire à un bon fonctionnement ou une prestation de services convenable. Dans le passé, des structures organisationnelles ont été imaginées trop souvent dans le seul but d'avoir des possibilités de créer des fonctions qui n'apportaient aucune plus-value au travail policier. Alors que la gendarmerie a aujourd'hui démontré qu'elle pouvait démanteler des structures superflues, nous constatons que certains services de police créent des spécialisations et des services intermédiaires sans que cela améliore les services dont bénéficie le public. Ces échelons ne font qu'augmenter les frais de fonctionnement et installent une mentalité de chefs et de services multipliant la paperasserie, qui ne peuvent se faire valoir qu'en submergeant les échelons subalternes de notes et de demandes d'information qui n'entraînent pas une amélioration du travail policier.

5. Les services de contrôle existants doivent tenir compte du fait qu'un service de police a besoin de la liberté de manoeuvre nécessaire pour réaliser, de manière pratique et acceptable pour le citoyen, la gestion de la sécurité déterminée par les responsables de la police.

Si des lettres anonymes suffisent à paralyser un service de police, il est temps que les contrôleurs enquêtent sur eux-mêmes et examinent si leur fonction fournit bien une contribution au bon fonctionnement du service de police ou du policier visés.

Des services de contrôle qui se recouvrent ou qui font double emploi avec les services existants doivent oser se remettre en question et l'on doit vérifier s'ils apportent une contribution essentielle à un service public fontionnant convenablement.

6. Maintenant que toute une série de groupes d'étude et de partis politiques se penchent sur un nouveau concept d'organisation policière, nous leur demandons de vérifier quels concepts supportent de la manière la plus efficace et de la manière la plus positive le meilleur rapport qualité-prix. Nous sommes bien conscients que des buts politiques, des rapports de force personnels et l'impact personnel sur la vie des citoyens sont plus importants pour certains que de donner un service qui pourrait supporter la comparaison avec d'autres services comparables à l'étranger.

Il est clair que ces six conditions n'ont aucune chance d'être réunies si les intéressés à chaque niveau ne sont pas prêts à faire abstraction des aspirations personnelles et des préférences. De plus, il sera nécessaire que les représentants du personnel de la gendarmerie et de la police soient concernés par ces études et les réalisations. Des rapports de force politiques ne peuvent certainement pas être prépondérants dans la réalisation d'un nouveau concept policier.

Parler de la réforme signifie également parler de la formation.

Pouvez-vous vous imaginer qu'une école subsidiée et créée par l'État ne puisse pas délivrer à ses élèves un diplôme de fin d'études valable ?

Eh bien l'école royale de gendarmerie créée par l'État, dotée par le Roi du titre de « royale » et où n'étudient que des élèves qui sont payés par l'État, ne délivre pas de diplôme.

Malgré toutes les promesses des Gouvernements précédents et du Gouvernement actuel, on n'a rien fait jusqu'à présent pour résoudre ce problème. La conséquence en est que les gendarmes qui ont leur formation spécifique ne peuvent aboutir nulle part dans la fonction publique ou dans le secteur privé.

Des membres du personnel qui ont été blessés lors d'interventions et qui ont été réformés ou qui veulent travailler à un autre endroit n'ont aucune issue.

Pourtant, ce problème serait facile à résoudre si la volonté politique était présente.

Pour améliorer la carrière des gendarmes, il faut examiner la formation.

L'évolution du paysage policier, le niveau d'étude supérieur des candidats-gendarmes et les lourdes exigences qui sont posées aux gendarmes imposent de revoir les exigences de recrutement, la formation et la carrière et de les adapter en tenant compte de l'évolution des services de police et de leurs missions qui ont été modifiées.

Alors que, dans le passé, les branches étaient approchées de manière théorique et indépendamment les unes des autres, la formation est maintenant considérée comme un tout et chaque branche est acquise avec l'application pratique; les liens entre la théorie et la pratique sont déterminés plus clairement. De plus, l'instauration de stages prépare mieux les candidats.

Par le fait que la formation de base, donc la formation de maréchal des logis à la gendarmerie, a été acceptée récemment comme étant une formation de niveau supérieur non universitaire, on rend possible la liaison avec la formation de cadre.

Alors que la formation de base ne devrait pas seulement être ouverte aux candidats-gendarmes mais en même temps à tous les candidats-policiers, la formation de cadre doit certainement être une ouverture où tout qui satisfait aux conditions de recrutement, peut entrer.

Ne serait-il pas judicieux d'examiner comment la formation de base des services de police peut se dérouler en valeur égale et en même temps dans un seul institut de formation avec ou sans points d'implantation dans plusieurs provinces, de telle manière que les policiers puissent enfin parler la même langue et collaborer plus facilement ?

Cela devient plus clair quand on parle d'une école des cadres.

Est-ce que cela n'épargnerait pas de l'argent et ne favoriserait pas l'intégration de former tous les cadres de police dans la même école et de préférence, une école ayant une situation centrale ?

Que cette école de cadres pose des exigences de départ supérieures à celles de la formation de base est logique; nous pensons que le minimum ici (pour le cadre moyen) est un diplôme de niveau supérieur non universitaire et pour le cadre supérieur, un diplôme universitaire.

Nous pensons également que la possibilité d'avoir accès à cette école de cadres doit être offerte à tous les policiers qui peuvent suivre cette formation, soit par l'auto-apprentissage soit par leur expérience, après un examen d'entrée et un test de connaissances.

Il faudra aussi déterminer la vitesse de l'avancement et l'accès à certaines fonctions en fonction de leur diplôme de base.

Vu le court laps de temps dont il dispose pour faire un exposé de sa proposition, il renvoie au discours du dernier congrès, où l'on présente en détail la formation interne à la gendarmerie.

10. Chances d'une réforme de la gendarmerie

Une des raisons qui était à l'origine de la réorganisation et de la réforme de la gendarmerie semble être son caractère militaire. À ce niveau, nous avons constaté après la démilitarisation de janvier 1992 que beaucoup d'efforts ont été faits sur le terrain; dans ce qui précède, nous avons mis l'accent sur le problème de l'acception militaire du terme « officier ».

Alors que dans les services de police, un officier est un officier de police judiciaire, il paraît que ce terme porte à la gendarmerie sur le statut militaire.

Le S.N.P.Gd. propose donc de remplacer les grades d'officiers par des grades équivalents dans la fonction publique et formule la proposition suivante :

Adjudant : secrétaire de direction;

Lieutenant : directeur adjoint;

Capitaine : directeur;

Capitaine-commandant : directeur;

Major : conseiller adjoint;

Lieutenant-colonel : conseiller;

Colonel : premier conseiller;

Général-major : inspecteur général;

Lieutenant général : administrateur général.

Il faut également parler de l'équivalence des membres du personnel à la base. Cette comparaison devra surtout se faire avec la police communale et la gendarmerie. Une initiative s'impose d'urgence si on veut que la volonté d'intégration soit nettement présente.

Vu que chaque réforme requiert que les intéressés s'assoient autour de la table, il se permet aujourd'hui d'insister pour que l'on crée un groupe de travail, on pourra l'appeler si on le souhaite le xème groupe de travail Mangelaers, mais il devra être cette fois composé des représentants de l'autorité et des membres des services de police concernés, du moins leur délégué représentatif.

La mise en route d'un tel groupe avec une mission et un timing clairement définis, groupe qui se sait appuyé par les responsables politiques, peut rapidement produire des résultats positifs.

§ 2. EXPOSÉ DE M. SCHONKEREN

1. Des déficiences dans le fonctionnement interne de la gendarmerie ?

a) Recrutement et formation

La démilitarisation de la gendarmerie, associée à une série de mesures destinées à promouvoir le recrutement des femmes dans le corps, a généré de nouvelles conditions d'engagement. Ainsi, en particulier, les aptitudes physiques ont-elles été remplacées par un « test de potentialités et de capacités ». Ce test vise à vérifier auprès des candidats s'ils sont capables, moyennant une formation d'une certaines durée, de réussir à atteindre des socles de compétence préalablement définis.

La F.S.G.B. reçoit toutefois régulièrement des plaines du corps des formateurs qui déplorent que certains candidats ne possèdent pas ces socles de compétence mais qu'on les laisse malgré tout réussir (sur ordre d'en haut) la formation de base. Ce phénomène est confirmé par les moniteurs sportifs des grandes unités, qui constatent que bon nombre de « produits » livrés par l'École Royale de Gendarmerie ne sont pas à même de fournir certains efforts que l'on serait normalement en droit d'attendre du maréchal des logis diplômé de la gendarmerie (par exemple, dans les opérations de maintien de l'ordre).

La deuxième critique fréquemment entendue par la F.S.G.B. sur le plan de la formation est qu'il faut laisser réussir des élèves qui suivent la formation de base même si leurs résultats sont manifestement insuffisants dans une ou plusieurs branches enseignées. Les instructeurs qui formulent des remarques à ce propos, sont parfois tout simplement rappelés à l'ordre.

Les situations qu'il vient de décrire engendrent la démotivation et une attitude critique au sein du corps des instructeurs. Il n'est pas exclu que tout cela entraîne de graves dysfonctionnements lorsque les membres du personnel concernés seront, à un stade ultérieur de leur carrière, engagés dans une unité territoriale de police de base, et ce, sur le plan de la qualité du service qu'ils fourniront d'une part, et de l'intégrité physique de leurs collègues ou de tiers, de l'autre.

Pour ce qui est de la formation, il convient de reconnaître que les gendarmes d'aujourd'hui sont le produit d'une formation de type prussien, avec régime d'internat. Dès que l'on quittait l'école, l'on ne recevait plus la moindre formation. Des réunions mensuelles devaient vérifier, sur papier, que la connaissance du personnel se maintenait à niveau : des exercices, des opérations de maintien de l'ordre public, etc., étaient imposés. Depuis quelques années, une formation continue a été mise en place à la gendarmerie. Jusqu'à présent, elle n'a fait que répondre aux aspirations liées à la modification de la culture d'entreprise, à l'affirmation de soi et aux relations internes, mais très peu aux questions relevant de la connaissance professionnelle. Aujourd'hui, la formation de base évolue. Toutefois, l'intervenant note qu'il n'y a pas encore de place pour des formateurs externes.

Par ailleurs, tous les gendarmes ne peuvent pas bénéficier d'une formation scientifique générale ou spécifique. Ces divers facteurs renforcent le caractère fermé de l'esprit de corps et ne favorisent certes pas l'ouverture vers d'autres services de police, la magistrature ou les autorités civiles. À titre d'exemple, citons la réticence manifeste de certains gendarmes, dans toutes les catégories de personnel et d'âges, à ne fût-ce qu'évoquer la méfiance, voire l'agressivité à l'égard du monde politique, tant au niveau local que régional et fédéral. La gendarmerie souffre d'un manque de connaissance scientifique, qui ne peut être acquise au sein du corps même, mais que ce dernier importe toutefois pour la gestion, le développement et le management, sans se préoccuper de la nécessité que cette connaissance soit aussi présente sur le terrain.

b) Le statut des formateurs à la gendarmerie

Chaque service de police est tributaire de la qualité de sa formation. La gendarmerie en a pris conscience et, dès 1997, un nouveau type de formation sera mis en place, que l'on peut décrire comme une « formation situationelle », où l'on aborde de façon intégrée tous les aspects de l'intervention policière en plaçant les élèves dans des situations fictives. Cette formation est bien plus axée sur la préoccupation pour le client.

La motivation des formateurs y est déterminante, Or, il a été constaté que cette motivation est fortement mise à mal par le cadre de travail où les intéressés exercent leur fonction. Il n'est pas normal que l'on essaie de recruter des formateurs par toutes sortes de moyens. Il est tout aussi anormal que le corps des instructeurs comporte un nombre substantiel de formateurs qui ne poursuivent qu'un seul but : quitter l'instruction aussi rapidement que possible.

Une importante revalorisation de ce corps s'impose d'urgence. Elle n'a jamais pu être réalisée en raison de restrictions budgétaires. Mais cette revalorisation doit intervenir au plan financier comme au plan statutaire.

c) La réorganisation de la gendarmerie

La réorganisation de la gendarmerie, qui fait suite à sa démilitarisation, s'accomplit au pas de charge. Bon nombre de personnes sont lassées de cette réorganisation. La patience de tous est mise à rude épreuve et la démotivation menace. Il suffit de voir combien de membres du personnel sont déplacés contre leur volonté pour comprendre ce dont il retourne.

Dans ce contexte, l'objectif suprême est toujours resté le service à la population. Cependant, nombreuses sont les personnes qui ne remarquent aucun changement dans la manière dont elles servent la population. Petit à petit se développe un sentiment d'aversion à l'encontre de toute innovation annoncée. L'image que l'on brandit, c'est-à-dire une plus grande présence sur le terrain, n'est que partiellement vraie. En effet, le démantèlement des brigades mobiles et la contraction de l'échelle hiérarchique ont induit une augmentation du personnel dans les unités territoriales. Mais on oublie de dire que, dans beaucoup d'unités et surtout dans les brigades des grandes agglomérations, ces membres du personnel assumaient déjà une fonction de support auprès de ces brigades. Par ailleurs, l'option zéro en matière d'heures supplémentaires (nous revenons sur ce point ci-après) sera plus facilement atteinte s'il y a augmentation des effectifs.

De bons résultats sont certes engrangés grâce à certains accroissements des effectifs. Néanmoins, la question de savoir si cela entraîne de facto une augmentation des capacités reste ouverte.

La frustration des jeunes officiers est nettement perceptible. La mise en place de « méga-districts » a limité bon nombre d'entre eux dans leurs perspectives d'assumer une fonction dirigeante effective. Beaucoup sont maintenant utilisés comme adjoints, responsables de l'un ou l'autre projet. La coordination est très limitée. Et pour pouvoir obtenir les quelques fonctions de commandement, ils doivent plus encore démontrer ce dont ils sont capables. Le carriérisme demeure une importante pierre d'achoppement au bon fonctionnement de la gendarmerie.

Le résultat de tout cela est que l'unité de police de base et, en particulier, le commandant de la brigade, est submergée de travail de conception de projets imposés d'en haut. Très souvent, le commandant ne s'occupe plus de l'essentiel de la fonction : la direction journalière effective du personnel de la brigade. La F.S.G.B. affirme sans détour que le commandant de brigade est aujourd'hui structurellement absent de la brigade.

Lui-même a l'impression de faire les frais de la situation. Il se sent talonné par les jeunes officiers et craint que, tôt ou tard, ceux-ci ne lui soufflent son commandement. L'absentéisme pour raisons de santé dans le cadre des commandants de brigade, n'a jamais atteint le taux actuel.

Leur démotivation s'accroît au fil des jours et ils ne s'en cachent pas. Si, en outre, l'on tient compte d'une perte nette de pouvoir d'achat que subit le commandant de brigade parce qu'il est soustrait à des services qui donnent droit à des primes, nul ne s'étonnera qu'ils soient nombreux à décrocher ou à faire savoir qu'ils ne nourrissent aucune ambition d'assumer une telle fonction. La soustraction de cette catégorie de personnel à ce type de service a par ailleurs généré un effet pervers.

d) L'application du règlement disciplinaire et de mesures d'ordre intérieur

Le personnel de la gendarmerie ne peut manquer d'être perturbé par l'application pratique du règlement disciplinaire et, tout particulièrement, par la différence d'approche des faits répréhensibles selon la catégorie de personnel où ils sont constatés. Ainsi, un sous-officier doit pour ainsi dire prouver qu'il est innocent lorsque certains faits lui sont reprochés. Dans le cas où un officier est mis en cause, il faut avancer les preuves avec l'accusation avant qu'une action ne soit entreprise.

Le fait que le système disciplinaire soit dirigé par la hiérarchie n'est pas étranger à cette situation. L'opinion qui prévaut parmi le personnel de la gendarmerie est que les supérieurs hiérarchiques se protègent mutuellement à n'importe quel prix. Cela engendre des frustrations considérables parmi les sous-officiers. Ils assistent à des affaires qui ne connaissent quasi aucune suite alors qu'eux-mêmes sont rappelés à l'ordre pour la moindre bêtise.

Qui plus est, sous le prétexte des « valeurs de la gendarmerie », il y a même immixtion dans la vie privée des gendarmes lorsqu'ils sont sanctionnés par une mesure disciplinaire pour des faits à caractère strictement privé.

Les contrôles effectués par les officiers sont généralement ressentis comme répressifs plutôt que comme préventifs et destinés à éviter les problèmes. Les supérieurs sont encore trop nombreux à ne pas s'intéresser au travail judiciaire de leurs subordonnés et à se montrer pressés, à la moindre erreur, de rejeter leur propre responsabilité sur les exécutants.

Pour ce qui concerne les mesures d'ordre intérieur, on peut alléguer qu'elles sont appliquées à tort et à travers et fréquemment assorties de l'argument que l'intéressé ne jouit pas de la confiance des autorités publiques ou du public, en raison de la publicité qui aurait accompagné une affaire. Or, il n'est pas rare que ce soit la gendarmerie elle-même qui ait provoqué cette publicité en mutant un membre du personnel et en suscitant ainsi des interrogations dans la population. La « notoriété a posteriori » ainsi induite est cependant utilisée comme élément d'écartement dans le cadre de l'obligation formelle de motivation.

e) Le service à la population placé dans un cadre budgétaire

La gendarmerie opère une gestion décentralisée des budgets prévus pour les primes liées aux prestations irrégulières. Sur ce plan, l'option zéro en matière d'heures supplémentaires est devenue une condition sine qua non.

Eu égard à cette situation, les services dans les unités territoriales doivent être envisagés en fonction des moyens encore disponibles. Dès lors, en début d'année, on se montre très parcimonieux avec les budgets alloués (unités P.R.E. ou unités de prestation). Si l'on constate ensuite que l'on s'est montré trop économe et que l'on risque de se retrouver avec un surcroît de P.R.E. à la fin de l'année, on sera tenté de les affecter aussi rapidement que possible, par crainte de voir le budget diminué pour l'année suivante. Ainsi, le nombre d'interventions et de services spéciaux de surveillance augmente au fur et à mesure que l'on approche de la fin de l'année et il convient de s'interroger sur leur opportunité.

Il arrive que des dossiers ne soient tout bonnement pas traités jusqu'au bout sur une période de référence en cours parce que les budgets nécessaires ne sont pas disponibles. Lorsqu'une enquête approfondie doit être menée et que l'on n'a pas les moyens de la faire exécuter la nuit ou le week-end, il va sans dire que cela peut gravement entraver son bon déroulement, voire son aboutissement. Prenons l'exemple suivant : la B.S.R. de Bruxelles peut obtenir autant de P.R.E. dans le cadre de ses activités dans le dossier Neufchâteau mais, en revanche, elle doit négliger d'autres dossiers pour lesquels aucune P.R.E. n'est plus attribuée.

Le même phénomène se produit dans le cadre de la réponse aux attentes de la population ciblées sur un fait ou un phénomène. Lorsque l'on est confronté à une épidémie de vols dans un quartier et qu'il faut prévoir des patrouilles de nuit supplémentaires, cet effort opérationnel doit toujours être mis en balance ave la marge budgétaire encore disponible. De telles conditions sont néfastes et démotivantes. Il n'est pas possible d'expliquer à la population qu'il n'y a plus d'argent pour des heures supplémentaires ou des primes de nuit, et que, par conséquent, on ne peut faire droit à ses demandes.

Un cas navrant est celui de l'enquêteur qui travaillait à une affaire de disparition d'une caissière du Gel 2000 à Charleroi et qui a ensuite été retrouvée assassinée. L'enquêteur avait été envoyé au repos car il comptait trop d'heures durant la période de référence en cours.

Une telle limite est totalement en opposition avec le postulat en vertu duquel le travail de police est tributaire des circonstances et ne répond à aucun timing. En réduisant les services, on pourra très certainement atteindre un objectif budgétaire fixé. Toutefois, ce n'est pas en comprimant les équipes sur le terrain ou en planifiant les services selon les budgets disponibles que l'on contribuera à réduire le sentiment d'insécurité qui règne dans la population.

Il convient de revenir ici sur l'effet pervers induit par le fait que les commandants de brigade sont soustraits du service de chef de Permanence Mobile. Ce service donnait aux commandants de brigade accès au droit à des primes de week-end. Actuellement, cette possibilité leur échappe. Certes, par suite d'un accord sectoriel, la prime de commandant de brigade a été quelque peu majorée mais cela ne compense pas la perte de pouvoir d'achat subie pour les raisons que nous avons énoncées. Pour maintenir leur pouvoir d'achat au même niveau qu'auparavant, des commandants de brigade exécutent une série de services inutiles durant le week-end et grèvent ainsi le budget total qui a été alloué à cet effet à la brigade.

f) Le service placé dans un cadre « infrastructurel »

La gendarmerie est confrontée à d'inimaginables problèmes d'infrastructure. Prenons la brigade de Bruxelles à titre d'exemple. Trois, voire quatre enquêteurs doivent occuper le même bureau, ce qui n'est guère stimulant pour le bon accomplissement du travail. L'installation incommode des bureaux et le manque de matériel minent la motivation du personnel.

À cet égard, la F.S.G.B. peut prendre le dossier Neufchâteau pour illustrer la situation. La B.S.R. de Bruxelles, qui travaille dans ce dossier, demande des moyens (véhicules, radios, matériel informatique), mais ne les obtient pas.

g) L'intensification de la charge de travail administratif

Ces aspect est généralement méprisé. Pourtant, le volume de paparasserie a gonflé hors proportions. Le gendarme se sent perdu dans les statistiques, les formulaires, les documents administratifs et les notes internes. De fait, dans de nombreuses unités, le traitement de données statistiques a pris plus d'importance que les événements qui en sont à l'origine. La perte de temps qui en résulte est énorme, un temps qui pourrait être utilisé à bien meilleur escient.

h) L'Inspection générale de la gendarmerie

Le fonctionnement de l'Inspection générale de la gendarmerie (I.G.Gd) est perçu comme particulièment gênant. Ce service ministériel mène des enquêtes de sa propre initiative, à la demande du ministre ou à la suite de plaintes.

Ce faisant, l'I.G.Gd n'en fait souvent qu'à sa tête, en utilisant des méthodes que l'on peut pour le moins qualifier de « peu orthodoxes ». Un code déontologique qui définirait les modalités et les circonstances d'intervention lui fait cruellement défaut. L'Inspection générale est globalement considérée par le personnel de la gendarmerie comme un service hostile, un genre de service internal affairs. Soulignons qu'en aucun cas, le personnel de la gendarmerie ne veut échapper au contrôle ou à l'obligation de rendre des comptes, mais souhaite le faire dans le respect d'une série de règles fondamentales. Il arrive que l'on ignore qu'une enquête est en cours; quant à son résultat, il est illusoire de vouloir le connaître même s'il est favorable au membre du personnel ayant fait l'objet de l'enquête.

Dans le passé, la F.S.G.B. a transmis au ministre compétent un dossier relatif au fonctionnement de l'I.G.Gd. Cet acte a débouché sur une confrontation juridique en règle entre l'inspecteur général et le président de la F.S.G.B.

i) La loi sur la fonction de police

La loi sur la fonction de police prévoit l'assistance judiciaire de l'État lorsque le fonctionnaire de police a été victime d'un acte intentionnel de violence. Cependant, lorsqu'il est impliqué dans un accident de la circulation, il ne bénéficie d'aucune assistance. Récemment, un gendarme a été embouti sur le chemin de son domicile par un jeune de dix-sept ans, sous l'influence de drogues et sans permis de conduire. Le gendarme en question est mort sur le coup. Sa veuve doit se charger elle-même de la défense de ses droits puisqu'il s'agit d'un fait d'homicide involontaire.

Il convient de mettre fin immédiatement à cette situation car elle accentue la démotivation. Comment attendre d'un fonctionnaire de police qu'il se dévoue totalement à la société s'il se sent laissé pour compte par cette même société dans des moments aussi délicats ?

2. Des problèmes dans les relations avec la police judiciaire

Nous avons récemment assisté à une campagne anti-gendarmerie quasi orchestrée par la police judiciaire, laquelle n'a évidemment pas amélioré les relations entre les deux services, lesquelles n'étaient pas optimales auparavant.

La F.S.G.B. doute que la note de consensus relative à la répartition des tâches et à la spécialisation entre la gendarmerie et la police judiciaire arrange réellement les choses. On note même de nettes réserves quant à la volonté de la police judiciaire d'exécuter loyalement cet accord. La F.S.G.B. craint que cette note ne mette de l'huile sur le feu de ce que l'on a appelé la « guerre des polices ».

La spécialisation des services de police dans des aspects spécifiques du travail judiciaire exerce un impact non négligeable sur la philosophie policière et, surtout, sur une mentalité que l'on peut décrire brièvement comme la volonté de pouvoir mener chaque enquête à tout moment et dans tous les domaines.

La dynamique de réaction qui a caractérisé le fonctionnement des services de police n'y est certes pas étrangère. Chaque policier qui se respecte souhaite récolter lui-même les fruits de son propre travail. Il est utopique d'imaginer (et cela vaut pour tous les corps) que l'information recueillie sera livrée sans plus à un autre service de police.

Le personnel de la B.S.R. est très contrarié par le fait que les deux services bénéficient d'une indemnité judiciaire pour les faux frais. Or, cette indemnité procède de la même législation de base mais les modalités d'exécution différent en ce sens que, pour la P.J., l'indemnité est calculée mensuellement tandis que, pour les membres de la B.S.R., il s'agit d'une indemnité journalière. Dès lors, les membres de la BSR doivent accomplir une prestation judiciaire chaque jour pour percevoir cette indemnité. Aussi est-on tenté de prendre ses jours de congé par demi-jours, ce qui peut à son tour entraver le bon déroulement du service. Il conviendrait donc de verser cette indemnité aux membres de la B.S.R. de la même manière qu'aux membres de la P.J.

Une autre pratique malsaine, est celle où, en cas d'identification positive d'empreintes digitales, il arrive que la P.J., dont le laboratoire technique effectue l'analyse comparative des empreintes digitales, procède à l'arrestation du suspect. Cette pratique entrave également la bonne collaboration entre les services.

3. Des problèmes dans les relations avec la police communale ?

a) Généralités

Nous pouvons affirmer que, globalement, au niveau exécutif, les relations sont bonnes avec la police communale. Les quelques problèmes que nous enregistrons procèdent souvent d'une différence de culture policière ou de tensions individuelles entre personnes.

Il convient aussi de souligner que certains services de police (principalement dans certaines parties de la Wallonie) professent de tout autres idées quant à la qualité des services à fournir à la population. Alors que, depuis plusieurs dizaines d'années, la gendarmerie assure un service continu, il est difficile pour des corps de police bien plus restreints de s'inscrire dans un tel système.

Par exemple, il y a des corps où l'on affirme carrément que l'on ne souhaite pas travailler après 17 heures ou durant le week-end, et qu'il faut alors s'adresser à la gendarmerie. Or, sur le plan de la politique de sécurité locale, où gendarmerie et police communale sont également représentées, une telle mentalité rend la collaboration et la répartition des tâches plus que difficiles.

Le noeud essentiel dans les relations entre la gendarmerie et la police communale se situe au niveau du commandant de brigade et du commissaire de police. Il est fréquent que ce dernier soit diplômé d'université, ce qui n'est pas le cas des commandants de gendarmerie ayant accédé à cette fonction jusqu'il y a quelques années. De nombreux commandants de brigade se heurtent à une attitude intransigeante de la part du commissaire de police lorsqu'il s'agit de les considérer comme des interlocuteurs égaux, dans le contexte de la politique de sécurité locale, de la concertation pentagonale, etc.

Actuellement, il faut avoir terminé les études secondaires supérieures, avoir accompli ensuite une formation de base de sous-officier d'élite durant trois ans et réussi l'examen de promotion d'adjudant, avant de pouvoir être désigné, via une procédure de sélection très stricte (qui évalue les mérites), à une fonction de commandant de brigade. Le commandant de brigade est l'égal de son confère commissaire, mais il n'est pas reconnu comme tel.

Bon nombre de commissaires de police se montrent condescendants à l'égard du commandant de brigade et n'acceptent de concertation qu'avec l'officier du district. Dans certains cas, cette attitude engendre des tensions entre personnes, qui, à leur tour, nuisent à la collaboration. À plusieurs reprises déjà, la F.S.G.B. a insité sur ce problème. Il est réellement nécessaire de revaloriser la formation de commandant de brigade. Il doit recevoir une formation approfondie de niveau 1.

b) O.O.P. 13

Dans le cadre de l'O.O.P. 13 qui définit la répartition des tâches, divers accords ont été conclus entre la police communale et la gendarmerie. Dans les grandes agglomérations, ils ont généré des situations incongrues au niveau des services de première ligne. Les appels centralisés au service 101 sont, en vertu d'un accord, transmis à un même service de police.

S'il y a plus d'appels que d'équipes disponibles, on ne fera pas appel aux autres services qui ne sont pas chargés en priorité de l'exécution de cette tâche (par exemple, les constats d'accidents de la circulation dans les grandes agglomérations). Ainsi se peut-il que l'on voie plusieurs patrouilles de gendarmerie passer sur les lieux d'un accident alors que l'on attend, depuis un certain temps déjà, une équipe de police. Le citoyen ne comprend pas et ne comprendra jamais une telle situation.

4. Des problèmes dans les relations avec les autorités judiciaires

Un problème qui marque à l'évidence les relations avec les autorités judiciaires réside dans le fait que ces autorités sont souvent inaccessibles au sens général du terme. Il n'est pas rare que, la nuit, on souhaite contacter un magistrat de service mais que celui-ci ne veuille pas être dérangé. D'avance et avec récurrence, nous nous voyons intimer l'injonction d'« appeler tôt demain matin s'il y a quelque chose de spécial... ». Certains magistrats ne veulent pas être dérangés pour des « futilités » même si la loi prescrit qu'ils doivent être consultés en tant que magistrat compétent (par exemple, une privation de liberté dans le cadre de la loi sur la détention préventive, la tenue à disposition d'un suspect pour un interrogatoire).

Il y a même des magistrats qui ne connaissent pas, ou à peine, l'existence de certaines procédures (S.I.S., ...). Lorsque l'on avance des suggestions touchant à l'application de ces procédures, il n'est pas rare que, pour toute réponse, on nous dise d'attendre.

Il y a des arrondissements judiciaires où l'on interdit à un agent de la police judiciaire de prendre contact avec le magistrat du parquet. Dans ces cas, le contact doit être pris par un officier de la police judiciaire (commandant de brigade, officier, chef de permanence mobile, ...). Il est habituel que des informations essentielles se perdent ou que la communication en soit perturbée.

En outre, le gendarme territorial en a assez de fonctionner comme un tampon entre les parquets et la population. C'est le gendarme de terrain qui est le premier et généralement le seul à être associé à l'appareil judiciaire. D'ordinaire, il n'est pas en position pour répondre à une question d'un citoyen sur un dossier. Tel n'est au demeurant pas son rôle.

Dans la grande majorité des cas, il faut renvoyer le citoyen à la maison avec un numéro de procès-verbal, et le conseil de s'adresser à un avocat qui pourra demander les informations désirées auprès du parquet concerné, tout en sachant que, dans beaucoup de cas (la plupart), la plainte ou le fait à l'origine de la demande a tout simplement été classé sans suite. Ces procédés ont un effet très frustrant et démotivant.

Le fossé se creuse entre le citoyen et le fonctionnaire de police, la confiance du citoyen dans l'appareil judiciaire s'érode et, par conséquent, la volonté de collaboration du citoyen avec les services de police se désagrège.

Une autre source d'exaspération au sein du personnel de la gendarmerie à l'égard des parquets provient de la protection dont le fonctionnaire de police jouit de la part de la justice lorsqu'il est impliqué dans des circonstances où ses droits sont lésés. Les plaintes émanant des gendarmes (reprises ou non dans des procès-verbaux ou déposées selon d'autres voies) ne débouchent souvent sur rien : elles sont tout simplement ignorées et le gendarme n'en est même pas informé. Le fonctionnaire de police se sent négligé par l'appareil judiciaire et cela déclenche des réactions inopportunes.

5. Des problèmes liés à la double tutelle (organique et fonctionnelle) de la gendarmerie ?

La F.S.G.B. n'a connaissance d'aucun problème spécifique dans ce domaine.

6. Les zones interpolices (Z.I.P.) ?

Contrairement à la note de consensus, la F.S.G.B. est modérément optimiste à propos des zones inter-polices (Z.I.P.). Nous désirons opérer une distinction claire entre la Flandre et la Wallonie.

D'aucuns vont jusqu'à considérer les Z.I.P. en Wallonie comme une utopie, parce que la police, dans certaines régions rurales wallonnes, ne sera certes pas prête à quitter le giron du bourgmestre pour s'en aller sur les routes la nuit et le week-end.

Une série de conditions essentielles doivent être remplies pour que cette nouvelle forme de collaboration fonctionne de façon optimale.

Tout d'abord, l'effectif dans les zones interpolices doit être adéquat. Il s'agit là d'une exigence incontournable pour pouvoir assurer une permanence 24 heures sur 24. Lorsque police et gendarmerie réunies ne peuvent atteindre un effectif de 40 personnes, il est impossible de faire fonctionner une Z.I.P. Dès lors, à court terme, il faudra ajuster les effectifs de plusieurs brigades.

Les communes qui, pour des motifs budgétaires, refusent d'amener (ou de maintenir) leur effectif à niveau, doivent être sanctionnées. Il convient de briser la mentalité de certaines autorités locales qui estiment que la gendarmerie est de toute façon omniprésente.

Dans les endroits où police et gendarmerie collaborent déjà dans le cadre d'une zone interpolices, l'expérience est globalement positive. Toutefois, elle ne va pas sans quelques problèmes pratiques (liaisons radio, divergences de culture policière, méfiance tenace). Quoi qu'il en soit, les zones interpolices sont encore trop peu nombreuses pour que l'on puisse émettre un jugement définitif sur cette forme de coopération.

Il serait souhaitable de mettre en place simultanément le plus grand nombre possible de zones inter-polices. Actuellement, nous avons constaté que des équipes de gendarmerie actives dans une Z.I.P. sont parfois dépêchées par le chef de permanence mobile du district de gendarmerie en dehors du territoire de la zone interpolices concernée, ce qui est parfois préjudiciable pour le service (disponibilité). La police communale, active dans la même Z.I.P., ne quittera pas son territoire lorsqu'elle assume la permanence.

La F.S.G.B. se demande si les différences de statut et de rémunération et, surtout, de rétribution des prestations irrégulières, n'entament pas la volonté de certains corps de police de s'impliquer véritablement dans le phénomène Z.I.P.

7. Le fonctionnement du S.G.A.P. ?

En tant qu'organisation principalement chargée de la défense des intérêts du gendarme, dans le cadre de l'amélioration des conditions de rémunération et de travail, la F.S.G.B. est mal placée pour évaluer le fonctionnement du Service Général d'Appui Policier (S.G.A.P.), et ce, d'autant plus que ce service intervient également au plan du développement de la politique et de la stratégie policière.

Cependant, des rumeurs circulent à propos d'un mécontentement de la part des membres de la gendarmerie qui y sont occupés. Ce mécontentement trouverait son origine dans le fait qu'un même travail est accompli par des personnes jouissant d'un statut et d'une rémunération différents.

Par ailleurs, des rumeurs non confirmées indiquent qu'il y aurait concurrence entre le S.G.A.P., d'une part, et le B.C.R.-Gendarmerie et le B.N.B.-G.P.P., de l'autre. Nous avons ouï dire que ces deux derniers services utiliseraient des canaux parallèles pour récolter leurs informations, et ce, moins pour garantir le secret de l'enquête préliminaire que pour éviter que le concurrent, en l'occurence le B.N.B. pour le B.C.R. et le B.C.R. pour le B.N.B., ne s'empare de l'information.

8. Des propositions concrètes de réforme ?

Le F.S.G.B. est d'avis qu'une harmonisation des statuts (administratif, pécuniaire, disciplinaire, en matière de pension) des divers services de police est, à terme, inéluctable. D'aucuns rêvent déjà à haute voix d'une police unifiée ou d'une structure unifiée. Restons toutefois conscients de la complexité et des difficultés d'un tel projet.

La question fondamentale est la suivante : est-ce réalisable et supportable pour les pouvoirs publics dans la mesure où aucun des divers services ne sera prêt à renoncer aux avantages de son propre statut ? Si les pouvoirs publics devaient envisager de créer une police unifiée sans se préoccuper de ces difficultés, c'est alors, pense la F.S.G.B., que la guerre des polices éclaterait réellement. Au sein du personnel de la gendarmerie, on perçoit clairement la crainte d'être le grand perdant d'une telle opération.

Une police duale, intégrée dans une même vision policière générale, nous paraît la solution la plus appropriée. Elle pourrait se composer d'une police de première ligne uniformisée, dotée d'une compétence fédérale, et d'une police criminelle spécialisée, également dotée d'une compétence fédérale. Ces deux services doivent être incorporés dans une structure offrant des garanties que ses deux composantes (service de police de base et service de police spécialisée) coopèrent harmonieusement. Il serait irresponsable que ces deux composantes policières soient assumées en parallèle par deux services de police indépendants. La police spécialisée doit pouvoir faire appel à la police de base pour l'exécution de sa tâche (récolte d'informations).

Les différentes formations de police devraient être confiées à une même Académie de police, ce qui générerait une seule culture policière qui supplanterait l'actuelle disparité. Les membres du service de police spécialisée seraient normalement recrutés parmi les membres de la police de base.

Au niveau interne de la gendarmerie, le cadre des officiers, dont la composition est un héritage de son passé militaire, doit être lentement mais sûrement et naturellement démantelé. La structure militaire où la gendarmerie pouvait être tenue d'assurer des missions militaires imposait un rapport mathématique entre chaque catégorie de personnel cadre et la catégorie subordonnnée. Un service de police civil n'a pas besoin de tels ratios et d'une telle structure. Cela crée un étage supérieur trop large, nuisible au bon fonctionnement car trop nombreux sont ceux qui s'immiscent dans tout.

Jusqu'il y a deux ans, chaque officier suivait une formation de deux années à l'École Royale Militaire. Aujourd'hui, des officiers sont engagés sur la base de leur diplôme. Ils sont tout d'abord assignés à des fonctions assorties d'un travail de conception. Cependant, il en reste un certain nombre qui sont encore formés par le biais de l'E.R.M. Ces officiers aboutissent rapidement dans des unités où ils contribuent à la politique policière en se référant à des schémas de pensée militaires, ce qui n'est guère recommandé. Cette formation devrait donc aussi disparaître à la gendarmerie.

Les problèmes d'infrastructure auxquels la gendarmerie est confrontée doivent être analysés d'urgence en vue de leur résolution.

Enfin, il convient de revoir en profondeur le statut financier du personnel de la gendarmerie.

§ 3. EXPOSÉ DE M. AERTS

Le Syndicat progressiste pour le personnel de la gendarmerie a été reconnu en 1987 en tant que troisième organisation syndicale au sein de la gendarmerie.

Il a été fondé dans le but principal de combattre le corporatisme au sein de la gendarmerie, objectif qui n'a été que partiellement atteint à ce jour.

En réponse aux questions générales du président, il développe les points suivants :

1. Les failles dans le fonctionnement interne de la gendarmerie

Depuis 1992, la gendarmerie est formellement démilitarisée. Cette démilitarisation a été rendue possible, d'une part, par les constatations des Commissions parlementaires d'enquête sur le drame du Heysel et sur les tueries du Brabant et, d'autre part, par la chute du rideau de fer, la participation des gendarmes à la défense du territoire dans le cadre de l'O.T.A.N. étant devenue sans objet.

Malgré la disparition du statut militaire, le fonctionnement de la gendarmerie présente encore certaines caractéristiques militaires.

Il est incontestable que des structures ou des rapports hiérarchiques de caractère militaire entravent le fonctionnement d'un service général de police.

Depuis la démilitarisation de la gendarmerie, son état-major a introduit une nouvelle culture d'entreprise, notamment en appliquant une philosophie centrée sur la recherche de la qualité totale.

Il tient à souligner qu'il s'agit en l'occurrence de l'application d'une philosophie présentant certaines caractéristiques propres aux sectes, et non de la simple recherche d'un gain de qualité.

Alors qu'auparavant, c'était le caractère militaire de la gendarmerie qui avait pour effet d'isoler totalement les gendarmes de la vie sociale, on obtient à présent le même résultat en appliquant la philosophie de la recherche de la qualité totale.

On continue à endoctriner le gendarme en lui inculquant les prétendues « valeurs de la gendarmerie » et cette culture spécifique doit faire de lui un « supercitoyen ». La gendarmerie avant tout !

L'état-major de la gendarmerie exige du personnel qu'il respecte scrupuleusement toutes les lois, les règlements et les directives possibles. Pour y parvenir, on use et on abuse très habilement du régime disciplinaire.

Dès lors, personne ne sera étonné d'apprendre que, malgré la démilitarisation, un large fossé continue de séparer les officiers des sous-officiers. Et l'on imagine bien que l'existence de ce fossé nuit au fonctionnement interne de la gendarmerie.

Un manque évident de communication se fait toujours sentir entre l'état-major et les exécutants. Les ordres sont toujours les ordres.

Outre le fossé qui sépare officiers et sous-officiers, il y a également un manque de communication entre l'état-major général et des responsables locaux comme les commandants de district et de brigade. Le personnel a l'impression que quelques officiers supérieurs contrôlent tout et décident de tout à eux seuls.

Selon lui, ce n'est pas seulement une impression, mais une réalité !

Le fait que ces officiers supérieurs qui tirent les ficelles ne sont que très peu en contact avec le travail sur le terrain et n'ont qu'une expérience fort limitée, a évidemment des conséquences.

L'état-major de la gendarmerie adopte pour principe de ne résoudre un problème que quand il se pose, s'inspirant apparemment en cela du Premier ministre.

En réalité, cela revient à dire que l'on ne résout un problème que lorsqu'il se pose à l'organisation, et non lorsqu'il se pose à un individu ou un groupe d'individus.

Les membres du personnel confrontés à des problèmes s'adressent donc en vain à l'état-major. Ce n'est que lorsque leur problème est devenu celui de la gendarmerie que l'on s'occupe d'y trouver une solution.

L'augmentation considérable des indemnités de week-end et de nuit au cours de l'année 1989 a eu des conséquences importantes sur le fonctionnement de la gendarmerie.

Le cabinet du ministre de la Défense de l'époque ayant mal calculé ces augmentations, il a fallu les financer en grande partie dans les limites du budget existant.

On a donc donné un sérieux coup de frein aux prestations de nuit et de week-end. En d'autres termes, celles-ci ont été en partie supprimées et limitées à un strict minimum. Les conséquences de cette limitation sur le fonctionnement de la gendarmerie se font encore sentir aujourd'hui.

Le fait de ne pouvoir manifestement dégager qu'un budget insuffisant pour le règlement des inconvénients hypothèque son fonctionnement.

Les commandants de brigade ont été reconvertis en comptables pour gérer les maigres crédits destinés aux heures supplémentaires et aux prestations de nuit et de week-end. On calcule au préalable le coût de chaque opération afin d'en estimer la faisabilité.

Il est évident qu'en réalité, cette mentalité de comptable ne favorise pas la responsabilisation; elle serait plutôt synonyme de déresponsabilisation.

Le personnel a ainsi l'impression qu'il ne peut pas travailler parce qu'il n'y a pas d'argent.

Il nous faut pourtant constater nous aussi que le budget de la gendarmerie a augmenté de 36 p.c. au cours des six dernières années.

L'absurdité de la situation ne peut s'expliquer que par la stratégie de l'état-major, qui consiste à étendre continuellement le champ d'action de la gendarmerie en y incluant, par exemple, les aéroports et les ports maritimes, le métro, les postes frontières et la fonction de police de base.

Simultanément, on a réduit nettement les fonctions administratives, avec la conséquence qu'aujourd'hui, beaucoup plus de gendarmes travaillent sur le terrain, ce qui explique l'augmentation des frais de fonctionnement.

En résumé, on peut avancer les affirmations suivantes :

­ Il existe un problème de communication entre les cadres supérieur, moyen et subalterne.

­ Il existe une dualité entre l'autorité hiérarchique des chefs de la gendarmerie et du pouvoir judiciaire d'une part, et l'interprétation des prescriptions et des règles légales, d'autre part.

­ Le spectre de la bureaucratie rôde toujours au sein de la gendarmerie.

­ Il n'est toujours pas possible de travailler dans un objectif de résultats. Certains formalismes absorbent encore beaucoup trop l'attention du personnel. La crainte d'encourir des sanctions disciplinaires, déguisées ou non, l'empêche de prendre des initiatives.

­ L'état-major général n'a que peu de contact avec le travail sur le terrain, voire aucun.

­ La gendarmerie est toujours une institution fermée; il ne saurait être question d'une quelconque démocratisation de son fonctionnement interne.

­ Le syndicalisme n'est accepté que pour la forme par lar hiérarchie.

­ Le statut juridique du personnel est d'une précarité telle que la crainte de représailles étouffe dans l'oeuf toute initiative.

­ La stratégie et la politique suivies par l'état-major général donnent au personnel l'impression erronée que l'on veut effectivement travailler mais qu'il n'y a pas d'argent.

­ Il y a une responsabilisation excessive dans la gestion de budgets insuffisants qui entrave le fonctionnement de la gendarmerie.

2. Quels sont les problèmes qui se posent dans les relations avec la police judiciaire, la police communale et les instances judiciaires ?

Ces dernières années, la gendarmerie a mené une stratégie et une politique de présence renforcée là où la police communale était faible. Là où le corps de police communale était étoffé, la gendarmerie s'est consacrée à des domaines auxquels la police s'intéressait moins.

Dans les communes rurales, la gendarmerie s'est concentrée sur la fonction de police de base. Diverses initiatives ont été prises en vue de nouer le contact avec la population, par exemple en se mettant en rapport avec des figures « clés », des présidents d'associations diverses, etc.

Le haut commandement a incité les commandants de brigade à entretenir des contacts réguliers avec les autorités civiles locales.

Dans certains cas, le commandant de brigade a gratifié le conseil communal d'un véritable plan politique. L'objectif était de garantir au maximum l'ancrage local de la fonction de police de base assurée par la gendarmerie.

Dans les grandes agglomérations, la gendarmerie a surtout pris en charge les secteurs où la police communale ne disposait que de moyens insuffisants, tels que les aéroports et les ports de mer, les postes frontières, le métro, etc.

L'expérience de l'OOP13 avait déjà permis de se rendre compte que la répartition des tâches de police administrative entre la gendarmerie et la police communale n'avait guère résolu de conflits et qu'elle en avait même plutôt engendré. Alors qu'auparavant, la plupart des problèmes se réglaient en bonne intelligence, chaque corps s'est désormais efforcé de s'en tenir scrupuleusement à la répartition, avec les frictions que cela a nécessairement entraîné.

Le ministre de l'Intérieur a alors incité les corps de police communale et la gendarmerie à conclure à nouveau des accords de coopération, en vue d'assurer une permanence 24 heures sur 24.

Il ne fait aucun doute que cette évolution n'a pas manqué d'éveiller la méfiance des chefs de corps de la police communale.

Ils pouvaient voir en effet comment la gendarmerie se réorganisait, se renforçait territorialement et investissait la fonction de police de base, terrain où la police communale était précisément, elle aussi, le plus active.

En outre, il ne faut pas perdre de vue que bon nombre d'administrations communales ne demandent pas mieux que de transférer autant que possible le travail de police à la gendarmerie; cela leur permet d'investir d'autant moins dans leur police communale.

Le comble de cette stratégie a assurément été de « vendre » des gendarmes aux communes à un tarif préférentiel.

Pour 1,2 million par an, les communes pouvaient « s'acheter » un gendarme, qui était alors affecté à la police communale.

La commune avait ainsi la possibilité d'engager rapidement un membre du personnel, c'est-à-dire de l'acheter, sans sélection, ni recrutement, ni coût de formation.

Il n'est pas étonnant que cette situation ait engendré de la rancoeur chez plus d'un commissaire de police, et ce d'autant plus que pour la négociation d'éventuels accords de coopération, la gendarmerie peut compter sur le soutien important du commandement général de la gendarmerie.

Dans l'intervalle, nous avons appris qu'il existe une guerre des polices.

Nous savons également quelle en est la cause.

Ce conflit est inscrit dans notre structure policière elle-même, avec le morcellement des services.

Chaque service de police a tendance à vouloir montrer qu'il est le meilleur et veille en outre jalousement à ne pas se laisser désavantager par rapport aux autres sur le plan des moyens.

Cela étant, point n'est besoin de démontrer que l'exploitation maximale de ses points forts par la gendarmerie ­ notamment sa compétence générale en matière de police judiciaire et administrative, sa compétence territoriale s'étendant à l'ensemble du pays et son degré élevé d'autonomie en matière d'organisation, de réorganisation et d'orientation ­ a suscité la colère des autres services de police, qui se sentent, dans une certaine mesure, menacés par ce qu'ils appellent l'expansionnisme persistant de la gendarmerie.

La guerre des polices existe, mais c'est une guerre qui ne se livre pas entre gens de terrain.

C'est une guerre que se font des responsables, et surtout de hauts responsables.

Les hommes de terrain font partie des victimes.

Les relations entre agents de police et gendarmes sont normales, car ils effectuent grosso modo le même travail.

Il existe peut-être une plus grande rivalité entre les membres de la B.S.R. et de la police judiciaire, ce qui s'explique, en fait, par leur spécialisation.

La guerre des polices n'est pas menée par les hommes de terrain.

Ils n'ont que faire d'une guerre des polices. Ils entendent uniquement faire leur travail et le faire le mieux possible.

Dans ce contexte, l'épisode de la note dite « de consensus » est navrant.

La gendarmerie et la police judiciaire devaient se partager le « gâteau ».

Dans ces circonstances, il était quasi irresponsable de la part du Gouvernement de faire régler par les services de police eux-mêmes le problème de la répartition des tâches.

C'était vraiment chercher les ennuis : c'est une mesure qui n'a rien à voir avec une responsabilisation.

Un problème structurel ne peut être résolu par des palabres.

En ce qui concerne les relations avec les instances judiciaires, il est, en fait, inapproprié de parler de relations. Il s'agit plutôt de contacts, et de contacts qui sont empreints de formalismes.

Pour le gendarme moyen, le pouvoir judiciaire est tout aussi monumental, pompeux et distant que les palais de justice qui l'hébergent.

Les instances judiciaires représentent un autre monde; c'est du moins ainsi qu'ils le ressentent.

La distance entre un magistrat du parquet, un juge d'instruction et un gendarme est incommensurable.

3. Problèmes relatifs à la double tutelle de la gendarmerie

L'énoncé de la question est correct; il s'agit bien uniquement d'une tutelle. La direction de la gendarmerie se trouve de facto entre les mains du commandement général de la gendarmerie elle-même.

On peut vraiment se demander si l'autorité de tutelle dispose des instruments nécessaires pour exercer effectivement celle-ci.

Le commandant de la gendarmerie dispose de pouvoirs fort étendus, ce qui fait de celle-ci un service de police très autonome.

La question de savoir qui dirige la gendarmerie ne data pas d'aujourd'hui. Elle a toujours été tranchée par des compromis politiques.

Dans l'état actuel des choses, la gendarmerie mène une politique qui consiste à « mettre un prix sur chaque opération ».

On évalue préalablement le coût de chaque opération, on fixe un budget et on attribue une priorité. Du point de vue du management, c'est un procédé valable.

Il doit cependant être précisé ici que les discussions concernant une tutelle double ou triple, de même que la distinction entre police administrative et police judiciaire, sont purement académiques.

Une intervention de police administrative peut à tout moment se muer en intervention de police judiciaire.

Pour une solution à ce problème, il renvoie aux propositions qui clôturent son intervention.

4. Z.I.P.

Compte tenu des explications qui précèdent, les Z.I.P. ressemblent plus à un emplâtre sur une jambe de bois qu'à la solution d'un problème structurel.

L'initiative est louable, mais elle bute sur l'autonomie communale et la guerre des polices.

Il semble bien que les Z.I.P. ne connaissent qu'un succès modeste dans le pays. Ou bien les administrations locales ne sont pas intéressées, ou bien elles se heurtent à l'opposition des corps de police communale.

La bonne volonté ne peut s'imposer par la loi ou le décret.

Là où les Z.I.P. existent, on constate que la compétence territoriale limitée de la police communale peut malgré tout poser des problèmes et que l'on doit quand même faire appel à une équipe de gendarmerie d'un district voisin.

On peut se demander si les Z.I.P. sont autre chose qu'un emplâtre sur une jambe de bois.

On ne résoudra pas un problème structurel par des accords de coopération volontaires, même si l'on sanctionnait la non-conclusion de ces accords de l'une ou l'autre façon en n'accordant pas les subventions fédérales.

5. S.G.A.P.

Le S.G.A.P. est un pas dans la bonne direction. Il est toutefois regrettable que le spectre de la guerre des polices plane également sur ce service.

A notre avis, le S.G.A.P. doit être maintenu, renforcé et étendu.

Il faut cependant prendre une initiative pour éviter de donner l'impression, à tort ou à raison, qu'un seul service de police domine le S.G.A.P.

6. Propositions concrètes de réforme

Nous partons du principe qu'il faut obtenir des résultats. L'appareil judiciaire a notamment pour mission de faire cesser les délits, de les élucider, d'arrêter les auteurs ou les suspects, de démontrer leur culpabilité ou leur innocence et, enfin, de les punir ou de les acquitter.

Les services de police sont un maillon important de l'appareil judiciaire.

Une chaîne a la solidité du plus faible de ses maillons.

Or, la gendarmerie est incontestablement un maillon important du processus judiciaire.

On peut renforcer ce maillon tant qu'on voudra, cela n'aura en définitive aucune influence sur la solidité de la chaîne, qui se rompra toujours au maillon le plus faible.

Cette comparaison ne vise nullement à suggérer que d'autres services de police ou certaines instances judiciaires pourraient être des maillons faibles. Il s'agit uniquement de bien faire comprendre qu'en définitive, seul compte le résultat.

Quand la justice faillit à sa mission, c'est toute la société qui en pâtit. Il est opposé à la gendarmerie pour la gendarmerie.

Si des coupables restent impunis parce que des fautes ont été commises au cours de l'instruction judiciaire, alors nous avons failli à notre mission, quels que soient les responsable de ces fautes.

Il formule donc les propositions suivantes :

1. Les techniques spéciales de police et la recherche proactive doivent être réglementées par la loi. Il est dans l'intérêt de tous que la police sache clairement ce qu'elle peut et ce qu'elle ne peut pas faire.

Il est inacceptable que dans des matières aussi importantes, un policier, un magistrat du parquet ou un juge d'instruction doivent se contenter d'une circulaire ministérielle.

On n'a pas le droit, dans une information, de s'en remettre à la « créativité ». Il est urgent de fixer des règles légales univoques.

2. Il faut mettre fin à la dispersion des services de police.

Nous estimons que la fonction de police spécialisée et la fonction de police de base ne peuvent être dissociées et confiées à des corps distincts.

C'est pourquoi nous proposons, dans un premier temps, de placer tous les services de police sous le contrôle d'un Comité de direction national ayant à sa tête un administrateur neutre.

Il est indispensable de conjuguer toutes les forces pour assurer la fonction de police spécialisée et gérer les bases de données.

Dans le même temps, on pourra travailler à l'élaboration d'un statut et d'une formation uniques pour tous les membres de la police.

Il faut donc en arriver à une police unique.

3. Il doit être mis fin d'urgence au corporatisme.

C'est un point sur lequel j'attire tout particulièrement l'attention. On peut penser qu'il s'agit d'un détail; or, ce n'est nullement un détail, mais au contraire la clef du succès de toute réforme.

Le corporatisme doit être battu en brèche. Il faut lever d'urgence l'interdiction de s'affilier à des syndicats libres.

Le corporatisme est pernicieux. Il rend impossible toute démocratisation véritable de la gendarmerie et l'intégration de celle-ci et de son personnel dans la société.

L'élimination du corporatisme est une condition sine qua non de la réussite des réformes.

Dans cette perspective, la proposition de « financement » des syndicats de la gendarmerie apparaît comme le comble du corporatisme.

Le financement d'une organisation syndicale par le patron n'est pas seulement contraire à tous les principes du syndicalisme; c'est la négation même de toute liberté syndicale.

Aujourd'hui déjà, le statut syndical comporte d'importantes restrictions, telles que la reconnaissance et le retrait de reconnaissance des délégués syndicaux, qui entravent la liberté syndicale.

Le S.P.G. l'a appris plusieurs fois à ses dépens : ces décisions ne sont pas toujours exemptes d'arbitraire et, de plus, tous les syndicats ne sont pas traités sur un pied d'égalité.

Les dernières modifications apportées au statut syndical, à savoir l'augmentation du nombre des délégués et des permanents accordée aux syndicats représentatifs ainsi que la quasi-suppression des permanents pour les syndicats reconnus qui n'atteignent pas le seuil fixé ou ne veulent pas se soumettre au contrôle, n'ont qu'un seul but : détruire les syndicats qui ne sont que reconnus et renforcer les associations corporatistes.

La proposition de financement des syndicats s'inscrit parfaitement dans cette volonté de tuer les syndicats qui ne sont que reconnus, et en particulier le S.P.G.

On peut d'ores et déjà prédire à coup sûr que les syndicats représentatifs mettront tout en oeuvre, avec l'appui enthousiaste du commandement, pour tarir toutes les sources de revenus des syndicats reconnus.

Le fait que, 18 ans après l'adaptation de la loi de 1978 sur le statut syndical, le pouvoir exécutif n'a appliqué celle-ci que partiellement et au compte-gouttes, prouve que l'on a manqué, de manière flagrante, à ses obligations. Il faut donc agir d'urgence.

La liberté syndicale contribuerait par ailleurs à freiner sérieusement les pratiques douteuses de racolage publicitaire auxquelles s'adonnent certaines organisations corporatistes.

On pourrait donc éviter ainsi que des membres du personnel de la gendarmerie en uniforme n'aillent récolter de la publicité pour renflouer les caisses de leur organisation.

Il faut en outre interdire que des avantages lucratifs ne soient offerts aux affiliés d'une organisation professionnelle.

Cette pratique est aujourd'hui courante, notamment sous la forme de combinaisons d'assurances : l'organisation perçoit une somme globale, en déduit la cotisation de membre, et verse le solde à une compagnie d'assurances. Ce faisant, les organisations jouent d'ailleurs le rôle de courtier.

Comme les combinaisons d'assurances proposées sont intéressantes, elles attirent un grand nombre de membres, qui s'affilient pour cette seule raison.

Dans quelle mesure une telle organisation est-elle encore représentative, alors qu'elle recourt au sophisme pour affirmer qu'elle représente au moins 10 %. du personnel ?

4. À court terme, il est possible aussi :

­ de mettre fin au rôle que joue l'inspecteur général dans la promotion et la présentation des officiers. Cette mission est d'ailleurs incompatible avec la fonction d'inspecteur général;

­ de renoncer d'urgence à former les candidats officiers à l'École militaire;

­ de créer d'urgence un service social pour le personnel de la gendarmerie.

En terminant, je voudrais lancer une mise en garde contre une application trop diligente de techniques de gestion modernes telles que la philosophie G.I.Q.

Ces techniques ne peuvent être transposées ou mises en oeuvre telles quelles au sein de l'appareil judiciaire. La justice ou les services de police n'ont pas pour finalité de faire davantage de bénéfice ou de l'emporter sur la concurrence, mais bien d'enregistrer des résultats dans la lutte contre la criminalité.

La justice doit être au service de la population et de notre régime démocratique. La priorité est l'intérêt général.

§ 4. EXPOSÉ DE M. CLEMMENS

1. Quels manquements pouvons-nous constater dans le fonctionnement interne de la gendarmerie ?

J'aimerais répondre à cette question en envisageant les trois points suivants :

­ les manquements au sein de la gendarmerie elle-même;

­ l'absence de contrôle par les parlementaires;

­ l'absence de véritable travail syndical de la part des syndicats représentatifs.

I. Les manquements au sein
de la gendarmerie elle-même

A. Discipline

1. Sanctions disciplinaires

Depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi disciplinaire, le 1er juillet 1994, le personnel de la gendarmerie est soumis à de très lourdes pressions. Bien que le commandement de la gendarmerie essaie de minimaliser cette situation, je constate que la réalité est tout à fait différente de l'image qu'il donne.

Dans la brochure « Info-news » nº 7 du 7 mai 1996, le commandement publie avec fierté un état des lieux, sous le titre « Sanctions disciplinaires » : du 1er juillet 1994 au 31 décembre 1995, il y a eu 190 sanctions frappant des gendarmes néerlandophones et 284 frappant des gendarmes francophones, soit au total 474 sanctions sur un an et demi. Quelques chiffres nous donnent cependant matière à réflexion.

Dans la même période, la Communauté flamande, qui emploie un nombre similaire de fonctionnaires, n'a infligé que 11 sanctions. De plus, la gendarmerie se compose pour 53 p.c. de néerlandophones et pour 47 p.c. de francophones; le rapport francophones/néerlandophones a donc été faussé sur le plan des sanctions, puisque les francophones, qui se situent dans un rapport de 17 à 10, ont été sanctionnés davantage jusqu'à présent que leurs collègues néerlandophones.

Comme le cadre du personnel compte 15 750 agents et que la carrière comporte 36 années, il faut s'attendre à ce que 11 376 sanctions soient infligées. Le commandement a omis, prudemment, de publier le rapport officiers/sous-officiers.

J'ose cependant affirmer que le corps des officiers ne fait jamais l'objet de sanctions. Les choses y sont trop souvent étouffées entre collègues.

Il ressort donc nettement de la pratique que la procédure disciplinaire n'a été instaurée que pour sanctionner les sous-officiers et qu'elle constitue un instrument de travail idéal dont le corps des officiers peut se servir pour faire « plier » des collaborateurs « récalcitrants ».

L'exemple des dérives des services de l'ordre lors de la manifestation estudiantine du 28 novembre 1995 à Liège en fournit une illustration flagrante. Les gendarmes de service ont été rendus responsables des déficiences du commandement des officiers responsables. Pour apaiser le ministre de l'Intérieur, l'on a lourdement sanctionné deux sous-officiers, à savoir un maréchal des logis-chef et un maréchal des logis. C'est avec une certaine satisfaction que le commandant actuel de l'A.R.G., le colonel Jules Koninckx, a infligé cette sanction.

Je ne m'étends même pas, ici, sur les fréquentes mesures d'ordre interne, ni sur les mesures disciplinaires, ni sur les appréciations négatives que l'on inscrit dans certains bulletins d'évaluation.

L'on peut, dès lors, à juste titre, dans ce contexte, se demander si le gendarme peut encore être suffisamment motivé et s'il peut encore faire preuve d'initiative afin de fournir un travail de qualité.

Le corps d'officiers, qui a le pouvoir d'infliger des sanctions, viole en permanence, toujours impunément, la loi disciplinaire et les règles de procédure.

2. Conseil d'enquête

Étant donné sa composition, le fameux conseil d'enquête est un instrument à l'usage des officiers, qui ne garantit aucunement une procédure disciplinaire équitable, malgré la présence d'un magistrat en son sein. Je suis dès lors persuadé que ce conseil d'enquête pérennise en quelque sorte les tribunaux militaires au sein de la gendarmerie.

Aucun recours n'est possible contre les décisions que ce conseil d'enquête de type militaire prend dans l'exercice de son pouvoir consultatif. Qui plus est, le ministre de l'Intérieur les applique presque telles quelles.

Les gendarmes qui se rebiffent s'entendent chaque fois dire laconiquement ce qui suit : « Si vous n'êtes pas d'accord avec la décision qui a été prise, vous avez soixante jours pour vous adresser au Conseil d'État. »

Il est incompréhensible, en outre, qu'un officier de la police judiciaire ou de la police administrative qui fait l'objet d'une prévention puisse être jugé et condamné par un agent de la police judiciaire.

3. Devoir de loyauté

Récemment, un certain nombre d'officiers de l'état-major sont allés sortir le devoir de loyauté de dessous la poussière des archives. Si la loi Camu a instauré le devoir de loyauté pour permettre à l'employeur de contrôler le travail du fonctionnaire, le commandement de la gendarmerie l'a invoqué pour contraindre le gendarme à s'accuser lui-même lors d'une éventuelle action disciplinaire. Elle en a donc fait une application perverse et a adopté une attitude de type fondamentaliste.

Notons, en outre, que ce même commandement a récemment fait paraître un avis selon lequel un gendarme peut mentir dans le cadre d'une procédure judiciaire à sa charge. Comprenne qui voudra.

En conclusion, je tiens à souligner que l'on consacre des milliers d'heures-hommes à la discipline et à la procédure disciplinaire, qui pourraient être consacrées à l'amélioration de la protection de la population. La procédure disciplinaire présente un aspect fâcheux qui sape le moral du gendarme et de sa famille.

B. Règles internes propres

Je dois constater trop souvent que la gendarmerie estime nécessaire d'élaborer ses propres règles dans des matières qui sont déjà réglées par la loi.

Je cite à cet égard : « l'inobservation du R.G.P.T. en ce qui concerne les conditions de travail et les quartiers de la gendarmerie, l'inobservation de VLAREM II, l'aménagement de locaux de tir sans autorisation, etc. »

En tant que syndicaliste, j'estime qu'il est de mon devoir d'oeuvrer pour que des comités de concertation de base soient créés au sein de la gendarmerie. Le commandement de la gendarmerie a désigné des officiers de la gendarmerie aux postes d'officiers de sécurité attachés à chaque province. Jusqu'à présent, il n'y a eu ni résultats concrets, ni améliorations concrètes.

La gendarmerie n'estime pas devoir veiller à remplir les conditions requises pour pouvoir obtenir des autorisations environnementales. Bien des abus ont déjà été tolérés, sous prétexte que la gendarmerie est une organisation « militaire ». Maintenant que la gendarmerie souhaite se définir comme une institution publique civile, l'on est en droit d'attendre au moins d'elle qu'elle respecte la législation en vigueur.

Il aimerait enfin attirer votre attention sur la note la plus récente, qui n'a pas encore été publiée et qui concerne le harcèlement sexuel au travail. Une fois de plus, le commandant de la gendarmerie estime nécessaire de souligner que les textes réglementaires existants ne s'appliquent pas directement à la gendarmerie. Il se sent donc une fois de plus appelé à rédiger une note interne distincte, alors qu'il est clair et net, selon moi, que la législation sur le harcèlement sexuel est applicable à tout un chacun.

C. Fonctionnement interne

L'intervenant se demande ce que l'on fait au juste à la gendarmerie.

1. « Réunionite »

La gendarmerie ne fait plus rien d'autre que se réunir. L'on a oublié la mission spécifique de la gendarmerie, qui est de rechercher les criminels, les arrêter, rédiger les documents nécessaires et les transmettre au pouvoir public, et, au lieu de l'accomplir, l'on a sombré dans la « réunionite » à tous les niveaux.

Il ne faut pas oublier que le commandant d'un grand district, qui oblige 40 gendarmes à se réunir pendant au moins 5 heures pour leur expliquer pour la énième fois sa politique, prive la collectivité de 200 heures-hommes. C'est comme si l'on empêchait pendant 5 semaines un gendarme d'accomplir des missions dans la rue. À quoi bon parler, alors, de la lutte contre la criminalité ! ! !

Pour conclure sur ce point, je puis vous indiquer que 35 groupes de travail sont actifs dans le district de Gand.

2. Réorganisation

Le commandant de la gendarmerie doit mettre fin d'urgence aux réorganisations de tous genres auxquelles il procède, pour que le personnel de la base puisse se ressaisir. Bien des membres du personnel donnent actuellement l'impression d'avoir quelque peu perdu le nord et de manquer de repères.

3. Protocoles d'accord internes

Il peut comprendre qu'à l'occasion de la concertation pentagonale, des protocoles d'accord aient été conclus entre les différents représentants. Mais les méthodes de travail que l'on applique actuellement dans la gendarmerie dépassent les bornes. Il convient que les divers services concluent des accords et que ceux-ci soient actés dans des documents de manière qu'aucun niveau ne puisse ensuite contester ses responsabilités.

Est-ce exagérer que de demander à des personnes qui remplissent des fonctions à responsabilités qu'elles assument celles-ci quand il se doit ?

À titre d'exemple, il cite le cas des commandants de district qui concluent des protocoles d'accord internes entre eux, et des commandants de district et commandants de l'unité de la circulation provinciale qui font de même entre eux.

Qu'en est-il du principe « unité de terrain = unité de commandement » ?

L'on critique l'existence de 27 arrondissements judiciaires, mais l'on pratique le même morcellement chez soi.

4. Rémunérations particulières pour dispensation de cours

Il se demande quand l'on mettra finalement fin à la pratique qui permet à certains officiers de la gendarmerie, titulaires d'un diplôme universitaire, de donner cours, pendant les heures de service, à des personnes faisant partie ou non de la gendarmerie, et ce, contre forte rémunération. Souvent, les études nécessaires à l'obtention dudit diplôme ont été financées par la gendarmerie.

Ik croit pouvoir affirmer que ces officiers doivent d'abord être présents au sein de la gendarmerie, où ils doivent s'acquitter de leur tâche de dirigeant, d'entraîneur et de manager. En pratique, c'est le monde à l'envers.

N'est-il pas vrai, en outre, que le gendarme ordinaire fait l'objet d'une grande méfiance et qu'il est sanctionné à la moindre suspicion qu'il pourrait exercer une deuxième activité professionnelle ?

Il faut soit que ces enseignants quittent le corps, soit qu'ils s'acquittent de leur mission de gendarme. Ce sont ces mêmes gendarmes qui parlent à l'envi de disponibilité et d'accessibilité. Or, lorsque l'on souhaite faire appel à eux, ils n'ont le plus souvent pas le temps. Je pense ici à quelques généraux et autres officiers supérieurs qui donnent cours à l'École royale militaire, à l'École d'officiers de gendarmerie et à la « Vlerickschool ». Les postes d'enseignement en question ne peuvent-ils pas être occupés par des gens issus de l'enseignement ?

Le personnel s'offusque grandement de cet état de choses.

5. Nominations au grade supérieur

L'insatisfaction grandit, au sein du cadre des officiers et du cadre des sous-officiers, à propos de la manière dont les décisions de nomination à un grade supérieur sont prises.

Il estime qu'une nomination à un grade supérieur ne peut être possible que si l'intéressé a réussi un examen et qu'elle ne peut pas être réservée a priori aux titulaires de certains diplômes. Une nomination autoritaire est une nomination discrétionnaire et elle ne se fonde généralement pas sur une appréciation motivée et objective.

6. Manque de moyens informatiques

Le manque de moyens informatiques constitue depuis longtemps un problème. La gendarmerie a, certes, consenti des efforts en la matière, mais ils sont insuffisants. Il arrive encore trop souvent que le simple gendarme doive se débrouiller avec son propre matériel, alors que certains officiers réussissent à obtenir de leur corps un P.C. portable personnel.

7. Véhicules - moyens de fonctionnement

Le gendarme, dans la rue, a pour mission de protéger le citoyen, mail il n'a souvent à sa disposition qu'un parc de véhicules vieillis, ou de véhicules dont l'usage ­ même si ce n'est pas décrété expressément par le commandement ­ ne peut pas dépasser un certain nombre de kilomètres en raison du manque de moyens de fonctionnement.

Cette situation est révoltante, d'autant plus que certains officiers supérieurs parviennent à obtenir un véhicule en crédit-bail à charge du budget de la gendarmerie et qu'ils l'utilisent même à des fins privées.

8. Informateurs - nécessité de directives claires

Les enquêteurs ont besoin d'urgence de pouvoir se référer à une loi relative aux informateurs. Il peut dire qu'à l'heure actuelle, les informateurs ont peur, parce qu'ils ne font plus pleinement confiance aux pouvoirs publics et, en particulier, au pouvoir judiciaire.

Il ne faut pas oublier que c'est le gendarme qui opère sur le terrain qui risque le plus de faire éventuellement l'objet de poursuites et de sanctions. C'est pourquoi il demande que les pouvoirs publics lui fournissent des directives claires.

9. Inconvénients

Il est conscient du fait que les moyens ne sont pas illimités, mais, lorsque l'on a revalorisé les rémunérations pour prestations de weekend et de nuit, l'on a nettement sous-estimé le problème, et les inconvénients qui en ont résulté pèsent désormais lourdement sur le budget de la gendarmerie.

La situation a évolué dans le mauvais sens. Selon moi, alors que, dans le passé, les services ­ qui donnaient droit à une rémunération complémentaire ­ étaient organisés dans une perspective opérationnelle, ils le sont désormais en fonction de l'argent disponible. L'on fait donc le contraire de ce qu'il faut faire, sans se soucier de ce que le citoyen peut et doit pouvoir attendre de la gendarmerie.

10. Délégués syndicaux

Les délégués syndicaux ne peuvent toujours bénéficier d'aucune protection de la part des autorités de la gendarmerie lorsqu'ils saisissent la hiérarchie de problèmes en matière de personnel.

11. Aide au développement en faveur de l'Afrique du Sud

Il a appris par la presse et par Info-news que la gendarmerie s'est associée à un programme d'aide en faveur de l'Afrique du Sud. Bien qu'elle soit encore pleinement plongée dans un processus de démilitarisation, la gendarmerie se sent déjà appelée à promouvoir la démilitarisation de la police sud-africaine.

L'activité interne peut se mesurer aux multiples voyages qu'effectuent de nombreux officiers de la gendarmerie en compagnie de leurs épouses. Le personnel de la gendarmerie se demande quels sont les objectifs réalisés sur les lieux de destination et ce que coûtent ces multiples voyages.

Les allocations d'inconvénients sont également versées sur les lieux de destination, et leur prélèvement se fait lui aussi au détriment de la sécurité de nos propres citoyens.

Enfin, le personnel n'a pas apprécié ce fait que le commandant de la gendarmerie séjournait en Afrique du Sud au moment où l'affaire Dutroux a éclaté dans toute sa violence chez nous.

Il se demande, en outre, comment il se fait que les membres de ce petit groupe sélect parviennent toujours à se faire accompagner de leurs épouses au cours de leurs missions à l'étranger.

12. A.R.G.

Bien que les politiques aient clairement montré, depuis le 1er janvier 1992, qu'ils voulaient démilitariser la gendarmerie, le commandant de l'A.R.G., le colonel Jules Koninckx, réussit à diriger l'A.R.G. d'une main de fer et en imposant une discipline militaire. Les jeunes gendarmes n'ont aucun droit, ni financier, ni moral, ni matériel. Ils n'ont que des obligations militaires.

J'ose même affirmer qu'une vie de chien est nettement plus agréable que la vie que l'on y impose aux gendarmes. Malgré mes nombreuses interventions syndicales au niveau de l'état-major général, personne n'a eu le courage jusqu'à présent d'inciter le commandant en question à faire preuve d'un peu plus d'humanité.

J'ai déjà dû intervenir trois fois pour obtenir un repos obligatoire entre deux plages de service successives. L'on n'a aucun scrupule à imposer aux hommes des plages de service de 12 et même de 16 heures, sans ravitaillement. Comme il y a 40 ans, les gendarmes doivent téléphoner tous les soirs, à leurs propres frais, à l'A.R.G. pour savoir quel service ils devront assurer le lendemain. À la moindre faute, ces très jeunes gendarmes se voient infliger immédiatement de lourdes sanctions.

Aucun équipement sanitaire n'est prévu pour les gendarmes féminins. Au cours des services d'ordre, on leur conseille laconiquement d'aller se soulager dans « les fourrés ». Je fais références à cet égard à une lettre que j'ai adressée au colonel Duchâtelet et dans laquelle je dénonçais cette situation à charge du commandant Ameye et du lieutenant Bertrand.

Il doit bien constater que l'on n'a pas remédié jusqu'à présent à cette situation qui plonge bien des jeunes recrues dans la frustration dès le début de leur carrière.

II. L'absence de contrôle par les parlementaires

L'intervenant aimerait profiter de l'occasion pour attirer l'attention sur l'article 35 du règlement A4bis , c'est-à-dire le règlement d'ordre intérieur de la gendarmerie, qui permet aux parlementaires de contrôler à tout moment la gendarmerie de manière approfondie.

« Les commissions parlementaires de la Défense Nationale (lire désormais : « de l'Intérieur »), fonctionnant en corps ou par délégation de trois de leurs membres au moins, sont autorisées à visiter les locaux et installations militaires, afin de se rendre compte du fonctionnement des différents rouages de la gendarmerie et des dispositions qui sont prises pour assurer le bien-être du personnel. »

Il a été satisfait de voir qu'il y a quinze jours, une délégation parlementaire avait rendu visite au B.C.R. pour la première fois en trente-trois ans.

Il arrive pas à comprendre, en tant que membre d'un syndicat, comment il se fait qu'une institution comme la gendarmerie, qui est dotée d'un budget annuel de quelque 28 milliards, ne soit jamais contrôlée de l'extérieur !!!

III. L'absence de véritable travail syndical de la part des syndicats représentatifs

1. La loi du 11 juin 1978 fixe les prérogatives à accorder à un syndicat de la gendarmerie, et, aux termes de celles-ci, nous pouvons faire les démarches nécessaires auprès des pouvoirs publics pour défendre les intérêts financiers, matériels et moraux de nos membres.

Bien qu'il soit conscient de l'existence d'une guerre des polices, il ne s'occupe pas du domaine opérationnel de la gendarmerie. C'est au commandement de la gendarmerie qu'il appartient de s'en occuper. Le commandement lui a toutefois demandé de prendre position en sa faveur et en faveur de l'ensemble de la gendarmerie, ce qu'il refusé, étant donné qu'il n'appartient pas à un syndicat de la gendarmerie de faire une telle chose.

M. Van Keer se sent appelé en permanence à défendre les intérêts du commandement de la gendarmerie. Il le fait avec l'approbation du ministère de l'Intérieur et du sommet de la gendarmerie.

Le syndicat national du personnel de la gendarmerie (S.N.P.G.) est un des plus grands courtiers en assurance de Belgique. Le commandement et le ministre de l'Intérieur ferment les yeux sur ses multiples activités.

Le 20 mars 1992, M. Van Keer a créé, avec quelques gendarmes actifs, une société coopérative, appelée « Groupe Publi-Synd », en sachant très bien qu'il enfreignait lourdement ainsi, sur le plan disciplinaire, la loi de 1973.

L'intervenant cite à cet égard la disposition suivante :

« Les membres du personnel ne peuvent, ni directement, ni par personne interposée, exercer aucune espèce de commerce, être agent d'affaires, ni participer à la direction, à l'administration ou à la surveillance de sociétés commerciales ou d'établissements industriels ou commerciaux. »

Il a informé l'état-major général et le ministre de l'Intérieur de la création de cette société. Il n'a obtenu aucune réaction. M. Van Keer a même omis de déposer les bilans, commettant ainsi une infraction !

La loi syndicale prévoit que seuls les gendarmes en service, les pensionnés, les veuves et les orphelins peuvent s'affilier au syndicat. L'article 60 du règlement intérieur du S.N.P.G. prévoit toutefois des exceptions et permet à des personnes externes de s'affilier par l'intermédiaire de celui-ci. Il en résulte une concurrence déloyale dont les affiliés tirent profit et le syndicat obtient ainsi de l'argent de personnes auxquelles la loi syndicale ne s'applique pas. Cela permet finalement au S.N.P.G. ­ comme on le constate ­ de se faire construire un immeuble de 72 millions dans l'agglomération bruxelloise.

2. Il aimerait préciser ici que le S.N.P.G. ne représente qu'environ 1/3 du personnel de la gendarmerie et que quelque dix mille gendarmes n'y sont donc toujours pas affiliés. Pourtant, M. Van Keer s'érige régulièrement, mais indûment, en porte-parole de toute la gendarmerie.

3. Il demande que l'on retire au S.N.P.G. l'agrément en tant qu'organisation syndicale représentative reconnue qu'il avait reçu, et que l'on contrôle en détail la provenance de ses moyens financiers.

À titre d'information, l'intervenant peut dire que la Fédération syndicale de la gendarmerie (F.S.G.B.) fait, elle aussi, ses premiers pas dans le monde des assurances, suivant l'exemple du S.N.P.G.

4. En tant que président national du S.G.S.G., il estime qu'il n'appartient pas à un sydicat de la gendarmerie de vendre des assurances. La situation a dégénéré à ce point que des délégués syndicaux sont récompensés en nature s'ils parviennent à recruter des membres.

2. Zones interpolices (Z.I.P.)

Si l'on crée des Z.I.P., elles ne seront efficace que si tous les exécutants bénéficient du même statut, du même salaire et des mêmes allocations. En tant que syndicat, ils doivent veiller à ce qu'il en soit ainsi.

Ils ne souhaitent pas se prononcer sur la nécessité des Z.I.P., ni sur leur fonctionnement. À cet égard aussi, ils respectent la loi syndicale.

3. Fonctionnement du Service général d'appui policier (S.G.A.P.)

Il peut dire simplement que, du 23 au 29 octobre 1996, s'est tenue à Atalia (Turquie) la 65e réunion « Interpol général ». Quatre officiers de la gendarmerie devaient y être présents, à savoir le général De Ridder et les colonels Monoyer, Sanders et Vandamme, ainsi que quelques membres des autres services de police et quelques employés des ministères.

En raison d'un voyage à Washington, le général De Ridder n'a toutefois finalement pas pu y participer. Les épouses étaient également du voyage, lequel a coûté, paraît-il, quelque 100 000 francs belges par personne au contribuable.

4. Proposition concrète

Les syndicats doivent s'efforcer d'exercer les prérogatives syndicales et s'abstenir de toute activité annexe.

L'intervenant estime qu'il y a bien des dysfonctionnements au sein de la gendarmerie, et qu'il reste, dès lors, un grand champ d'action aux syndicats.

2. Échange de vues

Un membre a entendu M. Van Keer souligner le risque de voir le commandant de brigade être totalement subordonné au commandant de district. Les chartes de sécurité, élaborées dans le cadre des Z.I.P., précisent que les commandants de brigade représentent la gendarmerie et qu'ils ont compétence pour rédiger ces chartes. Le commandant de district pourrait-il contredire ces dispositions ?

M. Van Keer répond qu'à l'heure actuelle, sous la pression des organisations syndicales, et plus grave, des circonstances, le commandant de brigade est de plus en plus amené à jouer son rôle de commandant d'une unité de police de base.

Certains commandants de districts ont du mal à accepter cette situation. La hiérarchie s'efforce toutefois de soutenir les commandants de brigade (formation, idées sur une autre collaboration interpolice, sur d'autres rapports avec le citoyen, sur une autre manière d'assumer les responsabilités.

Il ne partage pas l'avis de l'autre intervenant, quand celui-ci parle d'une « mentalité de comptable » : si l'on confie au commandant de brigade la responsabilité de son unité, il est responsable aussi des budgets dont il dispose.

Lorsqu'on donne une responsabilité à quelqu'un, il faut lui en confier tous les aspects. Les commandants de brigade devant évidemment apprendre à gérer cette responsabilité et ils ne feront peut-être pas toujours un usage optimal des moyens à leur disposition.

Ce qui pose problème, par contre, c'est que les commandants de brigade ne soient plus autorisés à participer aux prestations de nuit et de week-end, ce qui représente pour eux une perte nette de revenus de l'ordre de 8 000 à 12 000 francs. En dépit des promesses, cette perte n'a tooujours pas été compensée. Le problème sera en tout cas évoqué lors de la prochaine concertation syndicale.

Une autres membre revient sur la question de l'assouplissement des conditions de recrutement dont a parlé M. Schonkeren. Elle demande si les efforts destinés à promouvoir le recrutement des femmes sont la cause directe d'une perte de qualité.

M. Schonkeren souligne que d'ici à la fin de 1998, la gendarmerie est tenue de recruter 640 femmes, dont 600 sous-officiers et 40 officiers. Si elle n'atteint pas ce quota, la gendarmerie ne pourra pas combler le déficit avec du personnel masculin.

La gendarmerie fera donc tout pour que tous les candidats, et surtout les femmes, réussissent.

Sur dix candidats, on compte trois ou quatre femmes. Pour atteindre le quota susvisé, on a abaissé les permis d'accès. À l'incorporation, l'on ne tient donc compte que des capacités physiques potentielles des candidats, et non des capacités existantes.

Comme la formation d'un gendarme coûte relativement cher, on fait réussir des gens qui ne répondent absolument pas aux normes fixées. Les instructeurs qui s'opposent sont rappelés à l'ordre.

Ce déficit de qualité se manifeste également dans les branches théoriques. Ce manque de connaissances théoriques ou de capacités physiques ne manqueront pas à certains moments, de poser des problèmes dans la pratique.

Il est pourtant clair qu'un gendarme doit posséder certaines capacités pour fonctionner correctement.

Certains collègues refusent d'ailleurs, pour cette raison, d'effectuer leur service avec des personnes qui ne répondent pas aux normes susvisées, mettant ainsi en péril et leur propre sécurité et le service à la population.

La membre demande si une prolongation du délai fixé pour réaliser les 640 recrutements permettrait éventuellement de résoudre le problème.

M. Schonkeren pense que cela pourrait effectivement empêcher les conséquences néfastes. D'un autre coté, l'on ne peut laisser réussir quelqu'un qui ne répond pas aux normes imposées.

M. Van Keer est d'avis qu'il serait effectivement utile de prolonger ce délai. Mais pour résoudre vraiment le problème, il faudrait supprimer la disposition en question et ouvrir simplement les rangs de la gendarmerie aux femmes et aux hommes qui répondent à toutes les conditions.

Le fait que les femmes se classent souvent parmi les meilleurs pour ce qui est de la formation théorique démontre d'ailleurs qu'elles sont au moins aussi bonnes que leurs collègues masculins. Souvent cependant, elles échouent aux épreuves physiques. Le problème est que les normes sont également revues à la baisse pour leurs collègues masculins. Le risque est donc qu'à moyen terme, la qualité générale du corps en pâtisse.

Un autre membre croit pouvoir déduire des exposés que la suppression des groupes territoriaux n'a nullement conduit à un renforcement des brigades.

M. Van Keer le confirme. Ce sont les districts ou d'autres unités (grandes agglomérations) qui ont été renforcés. Les syndicats plaident pour que l'on modifie les tableaux organiques. Cette mesure est sans cesse différée par les responsables de la gestion.

Le même membre demande quelle est la proportion d'officiers par rapport au nombre global de gendarmes.

M. Van Keer répond qu'il y a 676 officiers pour un effectif total de 15 740 gendarmes. La moitié environ des officiers se trouvent dans les districts. Alors qu'auparavant, il y avait un officier par district, on en compte aujourd'hui de 10 à 30. le grand problème est que la plupart sont des jeunes officiers qui ont été formés pour exercer un commandement. Comme cela n'arrivera jamais pour la plupart d'entre eux, ils en éprouvent une frustration énorme. Nombre d'entre eux quittent donc la gendarmerie après un certain temps.

M. Schonkeren souligne que le fait que cet excès d'officiers est encore un héritage du passé militaire de la gendarmerie. Il plaide pour une réduction naturelle du cadre.

Le même intervenant croit avoir compris que le général De Ridder souhaitait désigner des officiers à la fonction de commandant de brigade. Apparemment les syndicats ne sont pas du tout d'accord.

Les représentants des syndicats le confirment.

M. Schonkeren signale que les commandants de brigade sont mis sous pression par les officiers. Le commandant de brigade devrait être l'interlocuteur du commissaire de police tant dans la concertation pentagonale qu'au niveau de la politique de sécurité locale.

Or il arrive fréquemment que le commissaire de police adopte une attitude très dénigrante vis-à-vis du commandant de brigade, parce que celui-ci n'a pas bénéficié d'une formation universitaire du même niveau. On oublie toutefois que le commandant de brigade a suivi, pendant trois ans, une formation de base de sous-officier d'élite et ne peut être désigné qu'à l'issue d'une procédure de sélection très sévère et basée sur le mérite.

C'est pourquoi les organisations syndicales estiment que le commandant de brigade doit certainement être considéré comme l'égal du commissaire de police.

La classe intermédiaire des jeunes officiers lorsque manifestement me place ces commandants de brigade et surchargent donc ceux-ci de travaux de conception. Beaucoup de commandants de brigade y voient une tactique délibérée pour permettre aux officiers de revendiquer cette fonction.

Divers officiers supérieurs ne font d'ailleurs pas mystère de cette intention.

Un membre voudrait savoir quels sont les problèmes concrets des B.S.R. dans leur contacts avec les parquets. Est-ce que ces conflits rendent plus difficile l'exécution des missions des B.S.R. ? Cette question se situe dans la problématique de la double tutelle exercée sur la gendarmerie.

En deuxième lieu, elle voudrait savoir quels sont les problèmes concrets avec la police judiciaire.

M. Van Keer souligne que les membres des B.S.R. sont des gendarmes qui ont reçu une formation complémentaire en matière de techniques spéciales de recherche et de reconnaissance des produits (stupéfiants).

Le grand avantage est qu'ils peuvent toujours compter sur leur base, c'est-à-dire la brigade dont ils proviennent.

En ce qui concerne leurs contacts avec les membres de la police judiciaire, le problème principal vient de ce que ces derniers les regardent de haut. Cette attitude est favorisée en partie par le fait qu'à certains endroits, la situation est telle que la magistrature ne dirige pas du tout les enquêtes.

Les cas dans lesquels les magistrats dirigent vraiment l'enquête sont exceptionnels, alors que le contact entre le juge d'instruction et ceux qui doivent exécuter les devoirs d'instruction est essentiel au succès d'une enquête. Souvent, les magistrats du parquet abandonnent la totalité de l'enquête aux fonctionnaires de police. Parfois, ils manifestent carrément de l'agacement parce que l'on vient les déranger.

En ce qui concerne la relation avec la police judiciaire, les problèmes se sont aggravés ces derniers temps, parce que cette police s'est mise à reconsidérer sérieusement son attitude. C'est la police judiciaire qui n'a pas voulu respecter les accords conclus par ses représentants. Elle désavoue donc ses propres représentants. La coopération avec la gendarmerie dans le cadre d'une enquête concrète (par exemple, l'enquête sur les tueries du Brabant à Termonde et l'enquête de Neufchâteau) est généralement positive et constructive. Il paraît essentiel que celui qui dirige l'enquête connaisse son métier.

Toutefois, force est de constater que, quand cette coopération fonctionne bien, les membres de la police judiciaire subissent la méfiance de leurs pairs.

Ce qui nuit certainement à cette relation actuellement, c'est la manière dont la police judiciaire de Charleroi réagit actuellement à l'enquête de Neufchâteau, gâte quelque peu le tableau.

On peut se demander, en outre, si la police judiciaire forme vraiment un corps, dans la mesure où l'on constate que les 23 brigades judidicaires travaillent de manière relativement indépendante.

Ne faut-il pas envisager d'intégrer les brigades au sein de la gendarmerie, de manière que l'objectif, qui est celui de mener à bien l'enquête judiciaire, puisse être mieux défini pour que l'on arrive à obtenir une police fédérale bien structurée, et fonctionnant de manière satisfaisante, qui puisse être à la fois un service de base et un service spécialisé ?

La même question se pose à propos de la police portuaire et de la police aéroportuaire, ferroviaire, ainsi que des services du ministère des Communications : n'est-il pas souhaitable de placer sous une autorité fédérale unique tous ces services investis de missions de police ?

Les syndicats de la police judiciaire ne verraient pas une telle opération d'un mauvais oeil, si l'on préserve, certes, les statuts pécuniaires et les acquis.

À terme, l'on obtiendra un service de police fédéral unique soumis à un statut global unique.

Un sénateur demande pourquoi on ne peut pas envisager une hypothèse inverse, qui consisterait à détacher les B.S.R. de la gendarmerie et de les rattacher à une police criminelle unique.

M. Van Keer constate que les membres de la police judiciaire et de la police communale sont obligés de faire appel à la gendarmerie, parce qu'ils n'ont aucun lien avec leur base. Pourquoi couperait-on une police criminelle de sa base alors qu'elle doit précisément faire appel à celle-ci pour pouvoir mener ses enquêtes ?

Il renvoie à cet égard au service fédéral de police des États-Unis, qui a énormément de mal à obtenir les informations nécessaires à ses enquêtes.

Il trouverait étrange que l'on coupe la B.S.R. de ses racines.

L'un des problèmes de la police judiciaire vient précisément de ce qu'elle ne peut accomplir aucune mission préalable, étant donné qu'elle dépend entièrement des missions que lui confient les magistrats.

Il y a des personnes très compétentes à la police judiciaire; simplement, il leur manque une structure adéquate et une base à laquelle elles puissent avoir recours.

Le choix de créer une police criminelle ne serait certainement pas bon. L'on constate que l'ensemble des grands corps de police communale créent des services de recherche propres, parce que les parquets ne réagissent pas de manière adéquate à leurs demandes et que la police judiciaire ne peut dès lors rien entreprendre.

C'est pourquoi la police judiciaire est mise quotidiennement sur la touche. Le Gouvernement précédent a certes amélioré le statut financier des membres de la police judiciaire, mais il n'a pas résolu pour autant le problème du fonctionnement.

M. Schonkeren ajoute que la « note de consensus » est un enfant mort-né. Lors des négociations, au cours desquelles l'on a conclu que les divers services de police devaient se spécialiser, l'on a omis de tenir compte du fait que chaque policier veut mener lui-même à bien à chaque enquête. Il est illusoire de croire que les divers services de police se communiqueront leurs informations.

C'est pourquoi la fédération syndicale plaide pour une intégration des services de police spécialisés. Cela ne signifie pas qu'il faut à tout prix que la police judiciaire soit intégrée à la gendarmerie. Si une intégration devait avoir lieu, il faudrait faire en sorte que le service de police spécialisé travaille dans le cadre de la même structure que le service de police chargé de la fonction de police de base.

C'est une condition sine qua non. Si elle n'est pas remplie, les informations recueillies à la base ne seront jamais transmises, et l'on travaillera de manière parallèle.

Différents interlocuteurs soulignent que la réorganisation de la gendarmerie se fait de manière trop hâtive. L'on constate également que l'héritage militaire continue à peser lourd. Un membre demande comment l'on peut arriver à concilier les deux affirmations qui précèdent.

M. Van Keer préconise une stabilisation de la réorganisation, pour que les agents de base puissent s'adapter. Les syndicats plaident néanmoins pour une suppression rapide des grades militaires, surtout pour ce qui est du corps des officiers, car c'est précisément au sein de ce corps que la mentalité militaire reste présente. Le grade militaire n'est pas une garantie de professionnalisme policier. L'on ne saurait faire abstraction de l'expérience.

Une modification en profondeur des mentalités s'impose. Cela fait 200 ans que le corps a une structure militaire. Plusieurs officiers se sont mis à accomplir du travail de policier par hasard. La formation des officiers était et est encore d'abord quasi militaire ­ on les envoie toujours à l'école militaire. De là également le fossé énorme entre l'état-major de la gendarmerie et les brigades qui sont un véritable service de police, le pendant de la police communale. L'état-major était d'abord chargé de la défense du territoire. C'est depuis à peine trois ans que les officiers sont formés comme officiers de police.

Un membre a été frappé par le comportement par grade, qui est un frein à l'utilisation maximale des compétences des gendarmes.

Sur le terrain, on a des gens extrêmement compétents, qui ne peuvent pas, sous peine de recommencer à s'occuper de la circulation dans un district, passer à un grade supérieur. Ce système est hérité de la période militaire. Le Parlement pourrait aider les gendarmes à se débarrasser de tous ces freins et à avoir une carrière sans compromettre leurs expériences acquises sur le terrain dans le travail policier.

L'enjeu des Z.I.P. tourne également autour de ce problème. Si on a le sentiment que les syndicats poussent les gendarmes à ne pas accepter l'autorité du bourgmestre, cette commission sera réticente à soutenir les syndicats dans leur plaidoyer.

Enfin, on a parfois l'impression qu'au sein de la gendarmerie, existent des groupes qui collaborent avec des groupes d'extrême droite.

Quelle est la réaction des syndicats à propos de cette attitude ?

M. Schonkeren répond comme suit :

L'aversion qui existe dans certains milieux de la gendarmerie à l'encontre de la politique en général est peut-être bien due à la formation au sein de la gendarmerie. Le fait que les gendarmes ne peuvent bénéficier de presque aucune formation externe favorise fortement l'esprit de corps. Ce n'est toutefois pas propice à l'ouverture vers d'autres services de police, la magistrature, les autorités civiles ou la politique.

On constate chez certains de la méfiance, du dégoût, voire de l'agressivité manifestes vis-à-vis du monde politique.

La gendarmerie souffre en général d'un manque de connaissances apportées de l'extérieur, à telle enseigne qu'il n'y a pas d'instructeurs externes lors de la formation. Il s'ensuit inévitablement des réflexes corporatistes et un rejet de tout ce qui peut porter atteinte aux privilèges ou au pouvoir du corps. De là également la méfiance de certains à l'égard des bourgmestres. Pour l'organisation des zones interpolices, c'est un obstacle réel. Les brigades réagissent avec beaucoup de méfiance à l'éventuelle tutelle du bourgmestre. La récente modification de la loi communale, qui permet au bourgmestre, dans le cadre de la politique de sécurité, de faire engager par la hiérarchie de la gendarmerie des procédures disciplinaires à l'encontre d'un commandant de brigade, a suscitéé de vives réactions.

En ce qui concerne les liens entre la gendarmerie et l'extrême droit, M. Van Keer souligne que les gendarmes proviennent de toutes les couches de la société et que certains gendarmes nourriront donc sans doute des sympathies pour l'extrême droite. En outre, et en partie en raison de leur formation, les gendarmes sont parfois très sensibles au langage de certains slogans. Lorsqu'on lit dans des dépliants que les étrangers sont à l'origine de la criminalité et que leur place, dès lors, n'est pas ici, la gendarmerie est malheureusement forcée de constater que nombre de ses interventions se déroulent dans le milieu des étrangers. Même si l'on s'oppose à ces slogans, on est confronté en permanence à une certaine réalité.

C'est pourquoi il importe que les gendarmes bénéficient d'un bon encadrement interne et puissent prendre leurs distances vis-à-vis de ces idées dans leur propre environnement et de leur entourage social.

Les syndicats de gendarmerie ont également pris des mesures spécifiques et réduit à zéro les contacts avec les mouvements non démocratiques. Cette politique est appliquée d'une manière très conséquente.

La gendarmerie a également réagi à l'encontre de bourgmestres qui veulent parfois aller trop loin dans l'exercice de leurs compétences. Mais il y a quatre ans déjà, au congrès du S.N.P.Gd. à Herentals, on avait plaidé pour un apport beaucoup plus grand du bourgmestre dans la politique en matière de police et de sécurité de tous les services de police opérant sur son territoire. Si le bourgmestre a certaines responsabilités sur son territoire, il faut aussi lui donner la possibilité d'influer sur la politique de sécurité qu'il définit en tant qu'élu.

Dans le cadre des Z.I.P., le S.N.P.Gd plaide en faveur d'une adaptation des tableaux organiques des brigades de gendarmerie, afin que celles-ci puissent honorer les accords conclus dans ce cadre, mais aussi assumer les missions fédérales qui leur incombent de surcroît.

On peut craindre en effet que les accords ne soient conclus sans une adaptation de l'effectif des brigades, ce qui empêcherait les commandants de brigade de répondre adéquatement aux demandes du bourgmestre.

Il demande au Parlement d'insister pour que, si des accords sont conclus, l'effectif du personnel soit adapté en conséquence, afin que le commandant de brigade puisse faire face à sa double mission. À l'heure actuelle, celle-ci n'est complétée qu'en théorie, alors que chacun sait que des problèmes surgiront. Ce renforcement doit intervenir soit au niveau de la Réserve générale, soit à celui des brigades.

Quant aux possibilités de promotion au sein de la gendarmerie, il convient de résoudre en premier lieu le problème de la formation. Un accord a, entre-temps, été conclu concernant la formation de base, laquelle sera complétée par des stages, un encadrement par des conseillers et une formation axée sur la pratique. Il faudra en outre mettre en place une formation des cadres.

Le diplôme délivré après une formation à l'École royale de gendarmerie n'est pas reconnu : cette formation ne permet pas de travailler dans d'autres services de police ou d'autres services publics, ce qui est parfaitement absurde alors qu'une adaptation limitée suffirait.

Il faut d'autre part attirer également des professeurs externes, qui élargiront la vision et la conception que les gendarmes ont du monde.

Cette formation de base doit donner accès à des fonctions de cadre. Le S.N.P.Gd. plaide pour l'accès à une fonction à la gendarmerie de trois manières :

1. Avec un diplôme de l'enseignement secondaire supérieur : après un examen d'entrée, satisfaire à un certain nombre de normes préalablement déterminées et une formation d'un an.

2. Après une expérience pratique de deux ans, il doit être possible, jusqu'à l'âge de 43 ans, d'accéder, moyennant un examen d'entrée, à l'école des cadres; celle-ci doit prévoir une formation de 24 mois au minimum, ce qui correspond à la période de formation actuelle de sous-officiers d'élite supérieurs et à la période de formation des candidats officiers qui peuvent, sur la base de leur diplôme, entrer à la gendarmerie (école d'« application »).

On pourra de la sorte compléter tant le cadre moyen que le cadre supérieur.

3. Un diplôme de l'enseignement supérieur non universitaire ou universitaire donne directement accès à l'école des cadres.

Au sein de celle-ci, les titulaires d'un diplôme non universitaire sont placés, après huit mois, dans le cadre moyen (les sous-officiers d'élite actuels, les commandants de brigade et les officiers subalternes).

Les titulaires d'un diplôme universitaire restent à l'école des cadres pour y être formés en vue de fonctions supérieures (fonctions de management ou de développement de projets).

Ceux qui aboutissent dans le cadre moyen doivent toutefois avoir aussi la possibilité d'accéder au cadre supérieur.

Aujourd'hui, le problème est précisément qu'après treize ans, une grande partie des cadres moyens n'ont aucune perspective d'avenir, parce que les possibilités d'encore progresser sont trop restreintes.

La gendarmerie doit donc faire en sorte que les gens puissent encore faire valoir leur expérience dans une fonction supérieure. Il faut donc également abandonner l'idée que seuls les officiers de la gendarmerie entrent en ligne de compte pour exercer les fonctions supérieures.

Les « Vlerick-boys » ­ c'est-à-dire les officiers de gendarmerie qui donnent cours à l'école Vlerick ­ n'appliquent pas dans la pratique ce qu'ils enseignent : promouvoir les gens de l'intérieur disposant d'un potentiel pour progresser.

Un sénateur pose deux questions :

Quel est le nombre des membres des organisations syndicales respectives ?

Est-ce qu'il y a une politisation dans la gendarmerie aux différents échelons ?

M. Van Keer répond qu'on ne devient pas commandant de la gendarmerie sans appui politique.

Depuis peu, les gendarmes peuvent s'affilier à un parti politique, mais ils ne peuvent pas le montrer ouvertement.

Le S.N.P.Gd. pense qu'il s'agit là d'une évolution positive, mais il veillera à ce que la préférence politique n'aboutisse jamais à la partialité.

Le S.N.P.Gd. compte non seulement des gendarmes en activité, mais aussi des pensionnés et des veuves. Il représente environ 65 p.c. des gendarmes en activité.

M. Schonkeren déclare que la F.S.G.B. représente environ 22 p.c. du personnel de la gendarmerie. Le prochain comptage de représentativité auquel seront soumis les syndicats de la gendarmerie (« Commission Derinck » le montrera.

En ce qui concerne la politisation, la gendarmerie est le reflet de ce qui se passe au sein de la société.

Le sénateur précise que sa question visait surtout à apprendre si la politisation jouait un rôle dans la carrière des gendarmes.

M. Schonkeren ne dispose pas d'éléments concrets indiquant que la politique joue un rôle dans les promotions. Les mauvaises langues prétendent que cela pourait aider.

Un membre demande si les différents syndicats de la gendarmerie ont une couleur politique ou linguistique précise. Si tel n'est pas le cas, pourquoi n'y a-t-il pas de syndicat unique ?

M. Van Keer déclare qu'il n'y a pas de problèmes linguistiques au sein des syndicats. Ce sont tous des syndicats nationaux.

S'il y a quatre syncicats, c'est la conséquence de la liberté syndicale.

Le S.N.P.Gd. n'a pas de couleur politique et souhaite entretenir de bons rapports avec tous les groupements démocratiques du pays.

Contrairement, peut-être, aux autres syndicats, le S.N.P.Gd. défend la gendarmerie en tant qu'institution.

M. Aerts, quant à lui, répond que le S.P.G., représente quelques centaines de gendarmes. C'est un syndicat de création très récente.

M. Clemmens répond que le S.G.S.G. représente 7,5 p.c. des gendarmes en activité.

Un sénateur demande d'avoir le nombre exact de gendarmes qui sont affiliés aux syndicats.

M. Schonkeren répond que son syndicat compte 3 650 gendarmes en activité.

M. Van Keer répond que le S.N.P.Gd. compte de 7 900 à 8 000 membres.

M. Clemmens indique que son syndicat compte près de 1 000 membres actifs, dont environ 40 p.c. de francophones et environ 60 p.c. de néerlandophones.

Il insiste sur le fait que son syndicat n'a pas d'orientation politique spécifique. Il souligne cependant que les personnes affichant une idéologie extrémiste sont tenues à l'écart de l'organisation.

L'intervenant demande ce qui différencie les syndicats.

M. Schonkeren déclare que les fractures qui se sont produites au sein de l'ancien syndicat unique étaient dues principalement à des conflits de personnes.

Il souligne également que la F.S.G.B. est apolitique et qu'elle exclut les personnes qui affichent une idéologie extrémiste.

M. Van Keer souligne que la différence la plus spécifique entre les syndicats réside dans le fait que le S.N.P.Gd. est opposé à toute affiliation aux syndicats existants. Dans l'ensemble, les syndicats défendent les mêmes intérêts.

M. Schonkeren confirme que la F.S.G.B. est née de la volonté de se rapprocher du syndicalisme interprofessionnel traditionel. L'un des objectifs principaux de la Fédération est de rompre avec le corporatisme.

Tous les représentants syndicaux déclarent expressément exclure de leurs organisation les personnes qui ont des idées d'extrême droite.

À un membre demandant si les gendarmes membres du Vlaams Blok sont exclus, tous les représentants syndicaux répondent par l'affirmative.

M. Van Keer précise que la raison en est que le Vlaams Blok préconise le renvoi forcé des étrangers résidant légalement en Belgique.

M. Clemmens souligne qu'il ne s'agit pas de l'appartenance à un parti politique en particulier, mais de l'exclusion d'un mode de pensée extrémiste, qu'il soit de gauche ou de droite.

M. Aerts souligne que l'on a créé son syndicat pour mettre fin au corporatisme. Le syndicat progressiste pour le personnel de la gendarmerie veut que soit levée l'interdiction d'adhérer aux syndicats libres. Le corporatisme est un obstacle réel à la démocratisation de la gendarmerie et à son intégration dans la société. La discussion à propos du financement des syndicats de la gendarmerie est elle aussi une expression de ce corporatisme.

Le financement d'un syndicat par l'employeur tourne en dérision l'ensemble des principes syndicaux et constitue une négation de la liberté syndicale. Le statut syndical limite actuellement la liberté syndicale (en ce qui concerne l'agrément et le retrait de l'agrément des représentants syndicaux). Le S.P.P.G. a fait plusieurs fois l'expérience de l'arbitraire à ses dépenses et a constaté que l'on ne met pas l'ensemble des syndicats sur un pied d'égalité.

En augmentant le nombre des représentants et des permanents des syndicats « représentatifs » et en supprimant, pour ainsi dire, les permanents des syndicats reconnus qui n'ont pas atteint un seuil de représentativité suffisant ou qui ne souhaitent pas se soumettre au contrôle, l'on ne poursuit qu'un seul but : éliminer les syndicats reconnus et renforcer les associations corporatives.

La proposition de financement des syndicats cadre parfaitement dans un scénario d'assassinat des syndicats reconnus et, en particulier, du S.P.P.G.

Les syndicats représentatifs, soutenus en cela par l'État-major, mettront tout en oeuvre pour que les sources de revenus des syndicats reconnus se tarissent.

La loi de 1978, qui règle le statut syndical, n'a été appliquée qu'au compte goutte par le pouvoir exécutif. Il faut remédier d'urgence au problème.

Grâce à la liberté syndicale, l'on pourra limiter nettement les pratiques douteuses qui consistent, pour les associations corporatistes, à recruter des membres en faisant de la publicité. L'on évitera ainsi que des gendarmes en uniforme soient obligés de recruter des membres pour alimenter les caisses de leur association. En outre, il faut interdire dorénavant les offres lucratives (comme les blocs d'assurances) aux membres d'un syndicat.

Le syndicat agit en tant que courtier d'assurances. Le bloc d'assurances étant intéressant, beaucoup de membres sont attirés par l'avantage financier qu'il procure.

À la demande d'un sénateur, M. Aerts précise que son plaidoyer contre le syndicalisme corporatiste n'est pas un plaidoyer en faveur de l'affiliation à un syndicat spécifique. Chaque gendarme doit avoir le droit d'adhérer à un syndicat. En réalité, si elle était satisfaite, la revendication qui précède sonnerait le glas d'au moins trois syndicats de gendarmes, mais elle permettrait aux gendarmes de défendre leurs intérêts dans une perspective interprofessionnelle ­ comme c'est actuellement le cas à l'armée. La méthode interprofessionnelle était possible quand la gendarmerie appartenait encore aux forces armées.

M. Van Keer souligne que la loi interdit en effet aux gendarmes d'adhérer à un syndicat libre. Le législateur a fait, en l'espèce, un choix qui doit être respecté. En outre, l'Union européenne a souligné explicitement que l'on peut restreindre la liberté syndicale des services de police pour garantir les droits démocratiques de la population. Comment des gendarmes syndiqués doivent-ils réagir quand leur syndicat organise une manifestation à la préparation de laquelle ils ont participé ? Comment les gendarmes doivent-ils réagir vis-à-vis de leurs collègues qui participent à la manifestation ?

Il est souhaitable, pour la protection des gendarmes eux-mêmes et de leur liberté syndicale, que l'on maintienne ce corporatisme.

Il plaide néanmoins pour que l'on prévoie qu'une commission d'arbitrage ou un organe judiciaire peut obliger le Gouvernement à négocier ou, du moins, à entendre les représentants syndicaux. Le système existe, aux Pays-Bas, pour ce qui est des fonctionnaires. Un tribunal peut y décider d'accorder une augmentation de salaire aux services de police en attendant une décision définitive du Gouvernement. Le S.N.G.D. demande la création d'une telle commission. C'est la seule réponse adéquate à l'interdiction de la grêve qui existe en Belgique.

Un membre relate que certains gendarmes ont déclaré vouloir expliquer des dysfonctionnements au sein de la gendarmerie. Le problème est qu'ils ne jouissent d'aucune protection. Ils ont peur d'être mutés ou de subir d'autres « punitions administratives ».

Elle demande si on ne doit pas prévoir dans le statut des gendarmes une clause qui les protège de sanctions quand ils se prononcent devant une commission parlementaire.

M. Schonkeren répond que le personnel de la gendarmerie est certainement demandeur en la matière. Bichay et Balfroid, qui ont témoigné devant la Commission sur le banditisme, ont été par la suite l'objet de brimades. L'un d'eux au moins a démissionné de la gendarmerie pour cette raison.

Hier encore, il a lui-même été contacté par un gendarme d'une grande unité B.S.R. pour lui demander des garanties quant à la sauvegarde de son emploi. Il était disposé à témoigner sur les enquêtes relatives à des délits qui mettent actuellement la société en émoi, mais il craignait des représailles.

Il faudrait trouver une solution à ce problème afin que les gendarmes puissent être entendus individuellement sans devoir en subir les conséquences par la suite. Mais la question est de savoir quelle protection on peut prévoir. Dans la gendarmerie, il est très facile de sanctionner quelqu'un sur le plan disciplinaire. Cela se fait d'une manière tellement subtile que l'on ne peut jamais faire le lien avec le témoignage. Les exemples sont légion.

Un autre membre fait remarquer que ce thème est d'une actualité brûlante. Les parlementaires n'ont aucun moyen pour aider les personnes concernées si ce n'est de demander au chef d'État-major de ne pas avoir une attitude disciplinaire à l'égard des personnes concernées.

Cela est actuellement le point le plus faible du statut actuel : un simple acte humanitaire des gendarmes chargés de l'enquête Dutroux vis-à-vis des parents des enfants disparus ­ les parents qui ne peuvent s'adresser qu'à eux ­ risque de leur causer d'énormes ennuis dans leur carrière.

Au gendarme concerné, on reproche actuellement d'avoir adressé une lettre aux parents. Cela est considéré comme une sorte de trahison du corps. Il faut réussir à casser cette logique.

Dans le dossier des tueurs du Brabant, M. Bihay a été exclu de la gendarmerie. Le Parlement devrait examiner et demander pourquoi il a été exclu de la gendarmerie.

Comment pouvons-nous, par une mesure législative, éviter une telle situation ? Dans l'affaire de Julie et Mélissa, le problème va se poser pour plusieurs gendarmes, à différents niveaux.

Le Parlement, en tout cas, est prêt à prendre des initiatives.

M. Schonkeren souligne que la gendarmerie n'a pas pour politique générale de sanctionner les gendarmes qui s'expriment. Le problème se situe plutôt au niveau des responsabilités : lorsqu'une erreur est commise, l'officier commandant a trop rapidement tendance à se décharger de ses responsabilités sur ses subordonnés. Même si l'on devait créer un cadre protecteur, ou s'adresser au chef de corps, les brimades continueront de la part des supérieurs directs du gendarme concerné. On pourrait éventuellement songer à permettre les témoignages anonymes (par exemple devant un juge d'instruction). Il suffit que l'on soit convoqué par une commission d'enquête pour faire l'objet de tracasseries.

M. Aerts demande si l'on ne pourrait pas envisager de désigner un ombudsman, qui ferait rapport au Parlement.

L'intervenant demande si cela n'est pas une tâche de l'inspection de la gendarmerie.

M. Van Keer fait remarquer que l'on devrait alors d'abord élaborer un code déontologique pour cet organe.

En premier lieu, il est important de garantir le droit à la parole à chaque gendarme. La solution du témoignage anonyme ne lui semble pas très opportune. De tels témoignages sont souvent faux et ont un effet contreproductif.

La protection doit viser à immuniser de sanctions ultérieures le gendarme qui vient témoigner devant une commission parlementaire.

Il doute par ailleurs de l'utilité de désigner un ombudsman de plus.

Pour ce qui est de l'Inspection générale, il se demande si la gendarmerie n'est pas déjà suffisamment contrôlée comme cela. Outre le Parlement, il y a deux ministres de tutelle, la presse, les parquets et l'opinion publique, qui exercent chacun une forme de contrôle. L'inspection interne, quant à elle, n'a toujours pas fait ses preuves et se heurte à des résistances au sein même de la gendarmerie. Cette inspection est également confrontée au contrôle externe du Comité P.

La question est de savoir quelle est la contribution positive de tous ces services d'inspection au fonctionnement de la gendarmerie. M. Van Keer renvoie aussi au texte de son exposé (cf. supra).

Comme il considère que le Comité P n'en a plus pour très longtemps, il s'attend à ce que l'inspection interne de la gendarmerie reste en place quelque temps encore.

M. Schonkeren estime qu'il y a encore d'autres raisons pour ne pas confier cette mission à l'Inspection générale : pour l'instant, seuls douze gendarmes ­ les représentants syndicaux permanents ­ sont protégés. Il a personnellement saisi le ministre de l'Intérieur d'un dossier très sensible dans lequel l'Inspection générale était impliquée. Ce dossier est étayé par des preuves concrètes (rapports du parquet-général et du procureur général). Si, à ce moment, il n'avait pas été protégé, il aurait été exclu de la gendarmerie depuis longtemps. Une plainte a été déposée contre lui avec constitution de partie civile. Il a dû se justifier devant le Comité supérieur de contrôle et auprès du ministre de l'Intérieur.

Comment un simple gendarme peut-il se sentir protégé, si la politique ne peut même pas offrir de protection à un délégué syndical ?

M. Van Keer déclare cependant qu'il ne faut pas présenter la situation de manière trop manichéenne. On critique parfois un peu vite une institution dans laquelle on ne se sent pas à l'aise ou dans laquelle on se trouve dans l'impossibilité de concrétiser ses perspectives d'avenir. Le droit de parole au sein de la gendarmerie est une réalité : il y a dans chaque brigade des gens qui font ouvertement part de leurs point de vue aux autorités. Cela n'empêche pas qu'il faille prendre des mesures. Le droit de parole doit être inscrit dans le statut. Peut-être faudrait-il créer une commission d'arbitrage pour jouer le rôle de médiateur entre les syndicats et le commandement de la gendarmerie.

II. LA POLICE COMMUNALE

1. Auditions de M. De Troch, commissaire de police en chef d'Alost, président de la Commission permanente de la police communale, de M. Warny, commissaire de police en chef de Namur, membre du conseil d'administration du Service général d'appui policier, et de M. Adam, commissaire de police de Bassenge, vice-président de la Fédération royale des commissaires de police et commissaires de police adjoints de Belgique

§ 1er . Exposé de M. De Troch

Avant la création de la Commission permanente de la police communale (arrêté royal du 5 avril 1995), il était impossible aux autorités administratives supralocales (entre autres les ministres et les gouverneurs), aux responsables politiques (entre autres les parlementaires), aux autorités judiciaires (entres autres les procureurs généraux) ainsi qu'aux services de police fédéraux (entre autres la Gd., la P.J.P., le C.S.T., la Sûreté de l'État), ou à d'autres services, de se concerter avec un interlocuteur qui représentâ légalement les 584 corps de police communale. Cela n'a pas empêché nombre de collègues de formuler des positions ou d'émettre des avis valables et intéressants, bien au contraire. Mais ces positions et ces avis n'étaient pas fondés sur une base légale valable. Il va de soi que l'absence d'une telle base ne facilitait pas la position de la police comunale lorsqu'il s'agissait de se concerter, de négocier et de prendre des décisions dans diverses matières relatives aux services de police. En effet, quelle qu'ait été la valeur des options défendues par les collègues, celles-ci n'étaient pas soutenues par un organe composé de manière démocratique et dans le respect des équilibres qui représente la police communale.

Cette situation comportait en outre le risque de voir les interlocuteurs de la police communale aborder la question de l'expérience en tenant compte uniquement de la situation de leur propre corps ou de certains autres corps seulement, et ce malgré leur bonne volonté et leurs bonnes intentions. L'on a ainsi abouti involontairement à des approches unilatérales dans lesquelles les spécificités des autres corps, soit ont été négligées, soit ont été insuffisamment prises en compte, de sorte que les mesures prises en définitive se sont révélées insuffisantes, boiteuses ou inopérantes.

Or, au cours de sa brève existence, la Commission permanente de la police communale a déjà démontré non seulement qu'il était nécessaire de la créer, comme le prévoyait l'article 228 de la nouvelle loi communale, mais aussi qu'une composition optimale de celle-ci permettrait effectivement de préparer des décisions en se basant sur un avis univoque et unanime, un avis qui respecte la diversité des polices communales, tout en laissant à chaque chef de corps la latitude de concrétiser, en respectant la spécificité de son corps, le rôle que peut jouer la police communale dans la politique de sécurité. La police communale a le droit de jouer ce rôle. Sans son apport, il est certain que la qualité du service de police administrative et judiciaire se dégraderait dans une large mesure. M. De Troch renvoie, à titre d'exemple, à la note de consensus relative à la spécialisation, la coordination et la collaboration des services de police.

Cette note qui, de l'avis de la Commission permanente, compte tenu de la déclaration de Gouvernement qui prévoit le maintien de trois services de police, représente la formule la plus acceptable et la plus faisable, garantit aux autorités judiciaires qu'elles pourront continuer à faire appel aux 18 000 agents de la police communale qui, tous, peuvent être motivés. Suivant la spécificité du corps auquel ils appartiennent, ces agents peuvent être progressivement affectés aux services de police judiciaire, et ce à des degrés divers, suivant que l'on se trouve confronté à un corps de police rurale avec un à cinq gardes-champêtres, un corps de police communale dont l'effectif se situe dans la fourchette de 20 à 30 agents, de 50 à 100 agents ou de plus de 100 agents ou, enfin, un grand corps de police communale, comme ceux dont disposent les métropoles de Bruxelles, de Gand, d'Anvers, de Liège et de Charleroi (cf. le commentaire dans la farde de documentation).

La mission de la Commission permanente de la police communale consiste dès lors à dépasser les aspects fonctionnels spécifiques des corps de police des 589 communes du Royaume et à traduire ces besoins individuels en lignes directrices qui s'imposent à chacun. Ces lignes directrices doivent à la fois respecter et préserver la diversité et l'autonomie des corps locaux.

Ce n'est pas une tâche aisée, car, comme c'est le cas dans les services qui ont une structure fédérale, l'éventail des idées et des conceptions est excessivement large. C'est une richesse, car l'on dispose ainsi de nombreuses sources auxquelles l'on peut puiser pour parvenir à une décision finale. C'était, récemment encore, la faiblesse principale de la police communale. Une faiblesse, parce que la police communale ne pouvait utiliser la force que représente sa grande diversité pour parvenir au plus large degré d'uniformité possible. Cette situation a changé récemment, car tant la note de consensus que notre propre conception de l'avenir, qui englobe les lignes directrices sur lesquelles se fonde la note, ont été examinées et approuvées à l'unanimité lors de plusieurs réunions de la Commission permanente de la police communale.

Comme avant chaque intervention publique importante du président, le point de vue de la Commission permanente de la police communale a été arrêté le vendredi 22 novembre 1996. À cette occasion, on a approuvé un texte qui reprend nos principes, et confirmé que le président de ladite Commission était mandaté pour la représenter et qu'il était donc habilité à négocier légalement pour l'ensemble de la police communale.

Pour la police communale, il est clair que l'évolution à laquelle l'on a assisté récemment au sein de la société et les réactions que cette évolution a suscitée dans les milieux de la justice et de la politique, permettront de poursuivre la politique menée jusqu'il y a peu, en se fondant sur les zones interpolices et la note de consensus, qui n'a pas encore été concrétisée. Depuis peu, on recueille à nouveau une foule d'idées, émanant de divers milieux, qui visent à restructurer l'appareil policier en Belgique. Certaines de ces idées émanent du monde policier même. Il faut cependant ajouter que dans la période troublée qui a suivi les événements de l'été dernier, la P.J.P. a, jusqu'à présent, été le seul service de police à formuler des propositions écrites. À remarquer cependant qu'en septembre 1995, in tempore non suspecto , la police communale avait déjà, par l'intermédiaire de la Commission permanente, formulé un point de vue qui, à notre avis, méritait d'être examiné.

M. De Troch peut donc rassurer la commission : la police communale a adopté, par un consensus le plus large possible, le modèle qui vise à dépasser le corporatisme étroit. C'est un modèle qui nous a servi en permanence de fil conducteur dans la manière d'aborder les évolutions récentes, tant en ce qui concerne les Z.I.P. que la note de consensus, dont la police communale estime, comme cela a été souligné précédemment, qu'elle constitue, dans le cadre de la déclaration actuelle de gouvernement, à peu près la seule solution possible et la seule formule opérationnelle. Une formule qui, pour la police communale, représentait la voie vers un débat d'évaluation à mener le plus vite possible au Parlement en vue de parvenir à des résultats.

En tout cas, la police communale estime, au vu des événements récents, que la structure policière actuelle, composée de trois services de police, n'est plus viable et qu'en remettant à plus tard la clarification de la situation, l'on ne fera que favoriser les conflits, sinon les aggraver.

Dans ce cadre, il est indispensable, pour la police communale, d'obtenir des garanties fondamentales et irréversibles en ce qui concerne son rôle dans la fonction de police. Il est trop simple d'affirmer que le débat actuel ne concerne pas la police communale et la dépasse. En effet, il ne faut pas oublier que la police communale locale a elle aussi une compétence de police générale et qu'elle agit souvent sur un territoire plus large que celui de la commune, sur la base de l'article 45, deuxième alinéa, de la loi sur la fonction de police. (cf. l'application interprovinciale que font les Flandres occidentale et orientale de cet article). Il faudra donc en l'occurrence des accords clairs qui ne sauraient en aucun cas nuire au pouvoir général de la police communale. Un pouvoir qui ne doit pas être seulement théorique, mais qui doit être surtout tangible dans le travail quotidien, dont font évidemment partie les tâches et les missions accomplies dans le cadre d'enquêtes judiciaires, ou les recherches menées par les brigades judiciaires de la police communale.

Les garanties attendues devraient être les suivantes :

1. Au niveau fédéral, il faut donner à la police communale les possibilités financières et légales d'assumer son rôle d'interlocuteur, d'expert consultatif et de soutien des corps locaux. Cela signifie qu'il faut un développement structurel et fédéral, en plus d'une réglementation légale concernant notamment la mobilité du personnel entre le niveau local et fédéral.

2. Un développement renforcé du S.G.A.P. s'impose, géré par les services de police, la police communale et la police fédérale. Pour qu'il puisse assumer pleinement son rôle, l'on doit prendre les mesures mentionnées au point 1.

3. Le gouvernement doit s'engager à concrétiser les garanties accordées à la police communale, concommitemment avec les nouveaux projets, ce qui suppose une déclaration publique claire, liée à celle qui concerne les autres mesures prises.

Ce n'est pas parce que la Commission permanente n'a pas pêché jusqu'à présent par une approche médiatique déplacée en vue d'exploiter la situation actuelle, qu'elle n'a pas un point de vue clair et ne veut pas faire entendre un appel énergique afin d'être associée à l'évolution en cours, de sorte que sa participation puisse apporter à la police de base cette plus-value à laquelle la population a droit. Soulignons donc avec force l'importance de l'existence, même si elle est encore récente et précaire, de la Commission permanente de la police communale, et la nécessité de faire respecter sa représentativité légale exacte. Sinon, la police communale court le risque, en perdant cette représentativité que sa diversité se mue en faiblesse.

En ce qui concerne la suite de l'exposé concernant le modèle de la Commission permanente de la police communale, M. De Troch a, en tant que président, fait appel, en application du règlement d'ordre intérieur, à son collègue le commissaire principal F. Warny, qui siège à la Commission permanente de la police communale en tant que membre du S.G.A.P., ce qui, dans le contexte actuel, représente un avantage supplémentaire : il peut en effet faire le lien, grâce son expérience, entre le modèle policier proposé et la nécessité d'un organe de soutien.

Par sa proposition, la Commission permanente veut contribuer de manière sereine et constructive au débat relatif à l'orientation à donner à la politique de sécurité dans notre pays. La Commission permanente souhaite, par sa proposition, contribuer au renouveau du système policier dans l'intérêt de tous, la population et les pouvoirs publics. Et ceci dans un esprit d'ouverture et avec la sérénité nécessaire.

§ 2. Exposé de M. Warny

Dans la continuité des propos formulés par le président de la Commission permanente de la police communale, M. Warny tient à rappeler ce qu'il a déjà déclaré devant cette commission en date du 16 janvier 1996, à savoir : « qu'il était urgent de sortir d'une logique de guerre de polices et d'affronter l'avenir sur base d'un partenariat constructif ».

En guise de préambule, il lui paraît important de réaffirmer que les services de police agissent sous l'autorité et le contrôle des autorités administratives et judiciaires compétentes.

Ce principe constitue l'un des fondements de la loi sur la fonction de police. Il a pour effet de créer l'obligation pour les services de police d'informer et même d'assister les autorités locales et fédérales qui ont le devoir, quant à elles, de déterminer une politique de sécurité qui répond le mieux aux besoins et fonctionnement de la société. Il s'agit là d'une responsabilité politique.

1. Les lignes de force d'un nouveau modèle policier

Lors de la réunion du 22 novembre 1996 et à l'unanimité, la Commission permanente a décidé de proposer un nouveau modèle policier basé sur les huit lignes de forces suivantes :

1. La construction d'un nouveau modèle policier doit partir des problèmes d'insécurité à résoudre, et se baser sur les notions d'efficacité, d'efficience, de qualité et de démocratie.

2. Une responsabilité univoque et la simplicité de la solution à adopter.

3. Une double structure policière fonctionnellement intégrée et sur base d'une composante locale et d'une composante fédérale afin d'apporter une réponse efficace aux problèmes d'insécurité locaux et fédéraux;

4. Une autonomie maximale pour la composante locale dans une solution intégrée. Cela implique :

­ de garantir une autonomie au niveau local, chaque fois que cela est possible;

­ de prévoir un droit d'évocation, chaque fois que cela s'avère nécessaire pour réaliser les caractéristiques d'une bonne police.

5. Intégration des possibilités de fonctionnement et des responsabilités de la composante locale et de la composante fédérale.

6. Pas de simple intégration de la police communale dans la gendarmerie.

Bien que la gendarmerie évolue vers un corps de police moderne et professionnel, et que dans cette évolution sa structure hiérarchique et centralisée soit un atout dans la réalisation de ses objectifs, ceci ne peut en ce qui concerne la police communale donner lieu à une simple intégration dans la gendarmerie, ni à une direction par la gendarmerie.

À côté de cela, la garantie doit être donnée que le fonctionnement local, à part entière et autonome sur le plan du service policier, soit sauvegardé.

7. Pas de création d'une police fédérale criminelle.

Une police fédérale criminelle est pour différentes raisons inacceptable pour la police communale. Premièrement, une telle police criminelle ne pourra fonctionner si elle dispose d'un droit de réquisition et de priorité vis-à-vis de la police communale. Il est clair qu'il est inacceptable pour les autorités communales et pour la police communale de devoir utiliser au profit d'un autre service de police les moyens dont elle dispose pour remplir ses propres tâches policières.

Deuxièmement, une pareille mesure signifierait une érosion de la mission de police à part entière de la police communale.

Finalement, il faut remarquer qu'une telle mesure n'apportera nullement une solution à la concurrence entre la première et la deuxième ligne. Au contraire même, la création d'une police criminelle fédérale et la subsistance en même temps de la gendarmerie et de la police communale ne pourra qu'entraîner de plus grandes tensions, notamment au niveau de la première ligne.

8. Une décision politique claire concernant la finalité à court terme afin de prévoir une période de réalisation assez longue étant donné l'envergure des travaux à effectuer et la nécessité d'éviter les résistances inutiles.

2. Proposition d'un nouveau modèle policier

Concrètement et dans le respect des huit lignes de force exposées ci-dessus, la Commission permanente propose un nouveau modèle policier composé :

­ d'un service de police de première ligne qui assure la fonction de police de base au niveau local et

­ d'un service de police de deuxième ligne qui assure la fonction de police spécialisée au niveau supralocal et plus précisément au niveau fédéral avec une décentralisation au niveau des arrondissements judiciaires ainsi que

­ le maintien du service général d'appui policier (S.G.A.P.) agissant au profit des deux services de police.

a) Missions générales des services de police

1. Le service de police de première ligne, c'est à dire la police locale de base, a pour mission générale d'assurer l'entièreté des tâches policières qui ne requièrent pas des compétences, des moyens, des méthodes ou des effectifs spécialisés ou plus importants.

2. Le service de police de deuxième ligne c'est-à-dire la police fédérale spécialisée a pour mission générale :

­ d'assurer le traitement approfondi des faits et phénomènes ainsi que la continuation des interventions de la police de première ligne qui requièrent des compétences, des moyens, des méthodes ou des effectifs spécifiques ou plus importants;

­ d'organiser le soutien logistique spécialisé ainsi que la formation et le recyclage du personnel.

Ces deux services de police conservent leurs compétences en matière de police administrative et judiciaire en exécutant des tâches policières de nature proactive et réactive.

b) Obligation d'informer

Les services de police de première et de deuxième ligne ont le devoir de communiquer les informations recueillies dans le cadre de leurs activités afin de répondre aux besoins ainsi qu'aux demandes formulées :

­ par les autorités administratives et judiciaires compétentes;

­ par l'un des deux services de police.

Remarque :

Pour le bon fonctionnement du système policier, la police fédérale doit fournir un appui opérationnel spécialisé lorsque les moyens, les compétences et les effectifs ne sont plus au niveau de la police de base.

À ce propos, tant l'abus de recours au service de police de deuxième ligne par le service de police de première ligne que l'absence de recours doivent être corrigés par les autorités administratives ou judiciaires. À cet effet, la concertation est un instrument indiqué tant au niveau local que fédéral.

C. Le service général d'appui policier

Le maintien ainsi que la gestion en commun du S.G.A.P. sont les garanties nécessaires au bon fonctionnement du modèle policier proposé.

À ce propos, nous tenons à préciser que l'expérience professionnelle est un atout indispensable pour assurer la gestion de ce service de coordination afin d'offrir un appui qui réponde aux besoins des deux services de police.

Ce service devrait permettre à terme de réaliser des économies d'échelle au niveau de l'expertise documentaire et technique, des relations internationales, de la télématique, de la politique policière et du développement de projets concernant la formation des policiers.

Sous le contrôle des ministres de l'Intérieur et de la Justice, les policiers auront ainsi l'occasion de concevoir et de développer des projets communs visant à une meilleure coordination et par conséquent à un meilleur fonctionnement du système policier.

À côté de cette structure d'appui (S.G.A.P.) gérée en commun par les deux services de police, la Commission permanente souhaite le développement d'une structure afin de former un contrepoids pour la police fédérale; ce qui doit permettre à la police communale de participer en tant que partenaire à part entière au développement d'une politique policière intégrée tant au niveau fédéral que local.

De nouvelles formes de coordination devraient être développées également au niveau fédéral afin de permettre la coordination opérationnelle des deux services de police.

3. Conclusion

Le modèle proposé par la Commission permanente de la police communale s'inscrit dans la logique d'une création de zones interpolices au niveau local (Z.I.P.).

La police de deuxième ligne, c'est-à-dire la police fédérale, ne peut se trouver à un niveau hiérarchique supérieur à celui de la police de première ligne. Ces deux services devront fonctionner en parallèle et selon un principe d'intégration fonctionnelle.

Cette interaction sous-entend que des accords doivent être élaborés et conclus sur base d'une réglementation fondée sur le principe du partenariat.

Il convient également de prévoir des procédures de contrôle et d'évaluation du fonctionnement des services de police ainsi que l'obligation pour les chefs de corps de rendre compte aux autorités compétentes.

La police communale est convaincue du fait qu'une nouvelle police peut être construite autour de cette vision dans laquelle tous les policiers qui abordent cette problématique de façon objective doivent pouvoir se retrouver. La police communale est prête à se mettre autour de la table avec les autres services de police et avec des experts en matière d'organisation policière afin de formuler à très court terme des propositions concernant le contenu concret de ces lignes de force. Un tel apport de la part des services de police est indispensable pour pouvoir prendre les mesures effectives qui s'imposeront lors du conclave gouvernemental annoncé.

Il n'est pas trop tard mais il est grand temps !

§ 3. Exposé de M. Adam

1. Statut de la fonction

La police communale souffre de son reliement sinon de son asservissement au pouvoir communal dans ce qu'il a d'excessif ...

Les statuts locaux propres aux policiers communaux maintenant amenés à travailler régulièrement ensemble au sein des Z.I.P. qui se mettent en place restent encore trop différents.

Il est nécessaire d'aligner leur situation au plus tôt afin d'éviter des frictions ou les démotivations qui résultent indiscutablement de différences inacceptables.

Au même titre que les enseignants communaux, les policiers ne pourraient-ils être directement payés par le ministère de l'Intérieur par exemple ?

Cette formule aurait l'énorme avantage de placer tous les policiers du Royaume sur un pied d'égalité en ce qui concerne les rémunérations par exemple et déchargerait d'autre part nos mayeurs de ces combats permanents qu'ils doivent mener pour emporter la prise en compte des besoins indiscutables de la police communale au niveau budgétaire surtout.

Nous constatons qu'actuellement le bourgmestre ne dispose pas des moyens afférents à sa compétence propre.

Une formule mitigée telle que celle qui existe au Grand-duché de Luxembourg pourrait éventuellement être prise en considération. Là-bas, les policiers locaux sont payés à concurrence de 40 p.c. par la commune et de 60 p.c. par le ministère, la commune fournit les bâtiments tandis que le ministère garnit ceux-ci du mobilier et des équipements nécessaires, le même ministère fournit évidemment le matériel et les véhicules opérationnels.

2. Âge de la retraite

Il s'impose absolument d'aligner au plus tôt l'âge de départ à la retraite des membres des différents services de police.

La différence en défaveur des policiers communaux est de plus en plus mal ressentie par ceux-ci !

Dans un tout premier temps, et de toute urgence, il s'impose absolument de rendre obligatoire le départ à la retraite à l'âge de 60 ans.

Il n'est pas normal alors que la pratique professionnelle et les différentes difficultés d'organisation et de gestion des corps de police s'accentuent sans cesse, que certains, qui ne sont pas nécessairement les meilleurs, puissent encore s'accrocher au-delà de l'âge de 60 ans quels que soient leurs grades ou fonctions.

Il faudrait également prévoir la possibilité de transfert vers le cadre administratif de policiers devenus inaptes, pour différentes raisons, à l'exercice de leurs fonctions initiales.

3. Nouvelle approche de la fonction de police à inculquer de manière pédagogique aux différentes composantes de la population

On constate que nos concitoyens se montrent de plus en plus exigeants et revendicatifs lorsqu'ils requièrent l'intervention de la police.

Ils sont évidemment très concernés par les problèmes ou difficultés qu'ils rencontrent et qui justifient l'appel aux forces de l'ordre mais ne semblent pas capables d'accepter un certain délai objectif dans la réponse qui doit leur être fournie.

C'est ainsi que le retard le moins significatif dans l'arrivée de la patrouille envoyée sur place est particulièrement mal accepté et fort critiqué, la période de turbulences que traverse notre société n'arrange rien évidemment.

Il conviendrait quand même d'expliquer attentivement à la population qu'à défaut d'engager des dépenses vraiment extraordinaires, il n'est pas possible de couvrir l'entièreté du territoire en permanence par un nombre suffisant de patrouilles de police aptes à répondre de toute urgence au premier coup de fil sinon à plusieurs coups de fil simultanés requérant leur intervention.

4. Fonctionnement des Z.I.P.

Il convient de mettre en place au plus tôt des possibilités pratiques réelles de communications radio entre les différents services de police déployés au sein d'une même Z.I.P. L'on pourrait même installer un réseau radio unique.

Dans le cas contraire, on risque de voir déployer des patrouilles totalement ignorantes les unes des autres et dans l'impossibilité peut-être même de s'appeler et d'entretenir directement la moindre communication radio.

Il faut aussi activer au plus tôt le système dit « P.I.P.O.G. » qui permet la distribution raisonnée et raisonnable des interventions urgentes enregistrées par le service d'appel 101, ainsi que l'enregistrement des appels adressés directement aux postes locaux.

Trop souvent encore, certains bourgmestres, mandataires communaux ou même chef de corps, tous mal informés, retiennent encore et malgré tout que la Z.I.P. servira en tout et pour tout à envoyer leurs propres policiers en intervention sur le territoire d'autres communes associées.

Ces mêmes édiles ne semblent pas savoir comprendre que la réciproque sera évidemment vraie et qu'il s'agira donc d'un échange à équilibrer autant que possible.

5. Coordination entre corps de police communale/Discipline

Il n'y a pas encore de coordination réelle entre les différents corps de police communale, sinon même entre chefs de corps pourtant appelés à travailler ensemble dans un même environnement.

Il conviendra de mettre en place un cadre réglementaire apte à les contraindre s'il le faut !

Il faut accepter par ailleurs la révision du statut disciplinaire et accorder un minimum de pouvoir au chef de corps.

6. Formation des policiers

Le système doit au plus tôt permettre de former mieux encore de vrais professionnels et rien que de vrais professionnels...

Autrement dit, la formation doit être linéaire. Chacun doit suivre d'abord la formation de base, ensuite la formation de cadre moyen et enfin la formation d'officier de la police communale.

Pareille pratique éviterait des remises à niveau successives à chaque étape de la formation telles qu'on en connaît encore actuellement.

Une meilleure répartition des matières inculquées sur une formation de longue durée permettrait de pousser plus avant le niveau de connaissances et de les perfectionner encore davantage grâce à une formation continuée.

En ce qui concerne les conditions de nomination aux différents grades d'officier de police, celles-ci peuvent être encore renforcées mais une solution dite « de promotion sociale » doit être dégagée pour permettre aux candidats non universitaires mais expérimentés et compétents de postuler des emplois de commissaires de police dans des communes d'une classe 17 et plus, encore au-delà du 1er janvier 1999 !

À partir de cette date-là, en effet, un diplôme universitaire sera exigé alors que la police communale ne fait strictement rien dans son ensemble pour permettre à certains de ses membres d'acquérir une formation du plus haut niveau.

Il faut savoir qu'actuellement déjà les candidats qui suivent la formation d'officier voient celle-ci comptabilisée pour sa moitié seulement en tant qu'activité de service...

La gendarmerie elle-même permet une promotion par le cadre. Il en est de même dans la Police nationale française. Pourquoi cette possibilité serait-elle rejetée en ce qui concerne notre police communale ?

On pourrait s'inspirer, en l'améliorant bien sûr, de cet examen de promotion au grade de commissaire de brigade tel qu'il est prévu et encore organisé; la structure existe donc.

7. Détachements ­ Clause de retour

Suite à la mise en place de services nouveaux ou d'instances supérieures, il a été fait appel à des policiers communaux désirant et pouvant, par le biais du détachement, rejoindre ces nouveaux services.

Citons le service d'enquête du Comité P, le Comité P lui-même, le S.G.A.P. particulièrement.

On doit donner la possibilité à certains collègues de quitter leur corps de police d'origine, en démissionnant si besoin, mais avec la garantie de pouvoir réintégrer la police communale un jour ou l'autre.

Il observe qu'aussi bien la gendarmerie que la police judiciaire viennent de voir publier récemment des dispositions organisant ce que l'on pourrait appeler « une clause de retour ».

Ne pourrait-on pas s'en inspirer au plus vite pour la police communale également ?

Les personnes éloignées pourraient alors être remplacées en tant que telles dans leur corps d'origine, pour le plus grand bien du service.

Il est clair que la réintégration ne pourrait être garantie dans le corps d'origine mais resterait possible dans n'importe quel autre corps de la police communale selon les besoins ou possibilités du moment.

8. S.G.A.P./P.G.R.

Ces services essentiels devraient devenir complètement autonomes et le personnel qui y travaille devrait y jouir d'un statut identique.

La division formation devrait être installée au plus tôt, il faudrait une coordination opérationnelle, d'une part, et intégrer le B.C.R. de la gendarmerie, d'autre part. L'exploitation nationale et régionale des informations doit être unique.

Le statut approprié permettrait d'éviter un rappel de « force » de personnes détachées au sein de ce service.

Il faudrait au plus tôt assurer une concordance entre la P.G.R. et le S.G.A.P. : qui fait quoi et avec quels moyens ?

9. Documentation et notes

Chaque corps de police reçoit régulièrement une masse imposante de documentation, notes et circulaires de toutes sortes.

Ne pourrait-on envisager de centraliser une fois pour toutes ces dispositions éparses de manière à ce qu'elles soient valablement analysées, centralisées, répercutées et distribuées de manière raisonnée, raisonnable et efficace ?

L'on pourrait même recourir aux services déjà offerts par la gendarmerie pour ses propres unités territoriales et autres.

10. Réforme de la police

La réforme dont on parle ne concernerait pas la police communale jusqu'à présent. C'est bien regrettable !

Peut-on envisager raisonnablement de moderniser considérablement une bonne moitié de l'ensemble des forces de l'ordre de ce pays tout en laissant subsister la police communale dans une structure bicentenaire ?

Une police nationale unique serait peut-être plus efficace mais présenterait d'autres inconvénients.

L'installation d'une police de première ligne décrite dans le plan d'action « Avenir de la police communale » tel qu'entériné par notre Commission permanente serait susceptible de rassembler valablement les différents points de vue.

11. Méthodes de travail

Les méthodes actuelles doivent être singulièrement réformées, simplifiées sans nuire à la qualité, de manière à rendre les policiers beaucoup plus rapidement disponibles pour le public.

Des formulaires types, informatisés ou non, doivent être développés.

En France et aux Pays-Bas un constat de vol de véhicule figure sur une seule face d'un feuillet recto dont une copie auto-carbone est remise sur le champ au plaignant.

12. Relations Presse/Police/Justice

Il paraît pour le moins nécessaire de revoir encore cette problématique !

Les dérapages actuels doivent être identifiés et sanctionnés.

13. Motivation/Démotivation du personnel policier

Le personnel policier dans son ensemble est soumis à un stress croissant et le sentiment de frustration domine largement.

Le tout entraîne évidemment une démotivation croissante qui exerce elle-même une influence non négligeable sur le fonctionnement des corps de police.

Dans certains corps, le taux d'absentéisme est très élevé.

On peut voir trois causes à cette évolution :

1) Augmentation du volume de travail sans compensation d'aucune sorte.

2) Critiques régulières sur l'inefficacité ou l'absence de résultat.

Le policier de terrain reste pour la population le point de contact privilégié avec le « système judiciaire » et il en subit évidemment les conséquences, particulièrement en cette période.

3) Absence quasi totale de coordination; seuls des contacts individuels très constructifs au demeurant, permettent encore de sauver la mise.

Lors des débats de la Commission « Dutroux » on a pu remarquer que c'est l'absence de dialogue, de compréhension et d'attitudes humaines qui frappent les témoins; il en serait quasiment de même en ce qui concerne le policier de terrain face à sa hiérarchie, à la magistrature ou à la politique !

§ 4. Échange de vues

Un membre fait observer que les derniers événements ont démontré que la diversité des polices permet un contrôle croisé. Un seul service de police ne permettra plus ce contrôle et il se demande comment un tel service serait contrôlé.

Le « pouvoir communal excessif » sur la police peut parfois être réduit à un problème de dialogue.

Le financement de la police par plusieurs pouvoirs (commune, province, région, niveau fédéral) pose tout de suite le problème de l'autorité (« qui paie décide ») et peut porter atteinte à l'autonomie de la police communale.

Quel serait le statut des policiers qui seraient appelés à remplacer les policiers détachés ?

M. De Troch répond que, pour les détachements à long terme, il faut trouver des solutions structurelles, tant pour ceux qui sont détachés dans la « structure supérieure » (cabinet, Justice, S.G.A.P.) que pour ceux qui passent d'un corps à un autre. À l'heure actuelle, des officiers de liaison sont déjà attachés aux cabinets des ministres de l'Intérieur et de la Justice et du secrétaire d'État aux Communications.

La question qui se pose est de savoir si ces personnes détachées doivent absolument retourner à leur corps d'origine. Peut-être serait-il intéressant de ne pas limiter la mobilité à un seul corps de police, mais de l'étendre à l'ensemble des corps de police.

Tout cela nécessite une structure globale qui coordonne et appuie les policiers.

La mobilité doit être possible au sein de la structure tridimensionnelle proposée : les policiers doivent pouvoir être détachés vers la structure intercorps ou vers une superstructure, mais le mouvement inverse doit également être possible, ce qui nécessite, entre autres, une meilleure harmonisation des statuts.

Il est toutefois prématuré de donner une réponse concrète.

M. Warny ajoute que, depuis deux ans, il est détaché au S.G.A.P., où il remplit un mandat de membre du conseil d'administration. Cela l'oblige à travailler de 12 à 14 heures par jour pour mener à bien le fonctionnement d'un corps de police d'une ville de 100 000 habitants, d'une part, et de suivre les travaux du S.G.A.P., d'autre part. L'avantage de ce système est de rester au courant et d'avoir une vue globale sur le système policier.

En ce qui concerne le financement par le niveau fédéral, M. Warny rappelle que depuis le Plan de la Pentecôte, des efforts considérables ont été réalisés permettant aux polices communales de disposer de structures modernes. La police communale se heurte à un problème structurel au niveau de la communication : il est très difficile d'uniformiser les actions sur l'ensemble du pays (par exemple un projet d'accueil aux victimes à Alost et à Namur).

Le renouveau de la police communale est impossible sans cette aide considérable du niveau fédéral.

L'argument qu'un seul service pourrait constituer un risque pour la démocratie n'est pas nouveau. D'autres pays, et souvent bien plus grands que la Belgique, n'ont qu'une seule police. Il souligne néanmoins que la commission permanente ne propose pas de créer une police unique, mais un système de police unique, qui prend en compte deux dimensions. Il est impossible de séparer la fonction de police administrative de celle de police judiciaire : si l'on veut rendre un service de qualité supérieure, il faut fournir un service complet. La police communale et la gendarmerie doivent collaborer au niveau de la police de base. C'est dans ce cadre notamment que se situe la discussion au sujet des zones interpolice.

À l'avenir, il faudra envisager une structure commune pour que la composante de base ne soit pas soumise hiérarchiquement à la composante fédérale. L'autorité qui contrôle cette structure de police locale de base devra toujours rester le bourgmestre pour tout ce qui concerne la politique de sécurité sur le territoire communal.

Dans les matières judiciaires, qui dépassent généralement le cadre local, le ministre de l'Intérieur aura toujours une autorité sur les services de police. C'est pour cette raison que la commission permanente préfère parler d'« intégration fonctionnelle » au lieu d'« intégration hiérarchique ».

Tout autre système qui donnerait la primauté à un service par rapport aux autres, se heurtera à des résistances. Il ne faut pas non plus constituer un service d'élite en utilisant les meilleurs éléments de la police de base puisqu'il faut aussi une police de base de qualité.

Dans ce contexte, le bourgmestre est, avant tout, le contrôleur du fonctionnement des services de police au niveau local.

En matière de contrôle de police, M. Warny souligne qu'il est essentiel que le contrôle extérieur soit exercé par le monde politique et par la société civile. À l'intérieur des organes de police, par contre, il faut faire appel à l'expérience de policiers (S.G.A.P., Comité P).

Dans sa note de politique, le ministre Vande Lanotte annonce qu'il veut supprimer la police rurale pour en venir à un type de police communale unique. Une commissaire désire connaître le point de vue de la commission permanente à ce sujet.

La police est chargée des mêmes missions que la gendarmerie en ce qui concerne l'escorte des transports de fonds. Or, le statut et les moyens de la police communale sont beaucoup plus précaires. Que propose la commission à ce sujet ?

Enfin, l'intervenante constate que la gendarmerie se décharge d'un nombre croissant de missions qu'elle confie à la police communale, ce qui compromet même le travail des services de police de base. Existe-t-il à ce sujet des accords à l'échelon national ?

M. De Troch répond que selon la commission permanente, le maintien d'un statut distinct pour les gardes champêtres n'est plus possible. Il faut les intégrer dans une police communale uniformisée.

Les discussions sur le problème des transports de fonds a montré une nouvelle fois combien il est difficile, pour la police communale, de conclure des accords en l'absence d'une structure de concertation à divers niveaux (cf. la problématique du détachement). Il existe, tant au niveau national, régional et provincial qu'au niveau de l'arrondissement, un besoin de structures de concertation spécifiques. En l'absence de ces structures, les accords nationaux relatifs aux transports de fonds, par exemple, engendrent des ralentissements et des divergences d'interprétation.

Il est, en outre, évident qu'une harmonisation entre les statuts des différents services de police, c'est-à-dire entre la gendarmerie et la police communale, d'une part, et entre les divers corps de police communaux, d'autre part, est absolument nécessaire.

M. De Troch admet que la gendarmerie se décharge d'un certain nombre de tâches aux dépens de la police communale. Il importe toutefois que chaque corps conclue des accords corrects avec la gendarmerie. La commission permanente propose que l'on parte, en l'espèce, du principe de la proportionnalité. Actuellement, la gendarmerie abandonne les missions d'intervention à la police communale et se concentre dans le cadre du développement de projets et d'un travail de quartier et de secteur, sur ce qui constitue, en fait, le rôle fondamental de la police communale.

Il y a lieu de conclure des accords prévoyant que la police communale ne peut assumer davantage de responsabilités que dans la mesure où elle peut continuer à assurer les services de police de base qui lui sont traditionnellement dévolus. Les accords doivent donc permettre de revaloriser l'ensemble des services de police dans une zone; ils ne peuvent donc pas être limités aux interventions, mais doivent englober le travail de quartier, l'aide aux victimes et le travail proactif. La population demande avant tout que l'on veille à limiter les risques.

Une commissaire demande si la gendarmerie n'empiète pas sur le terrain de la police communale pour améliorer ses contacts avec la population.

M. De Troch répond qu'un service de police ne peut bien fonctionner que s'il est proche de la population. La gendarmerie a constaté qu'elle doit développer ces contacts et elle fait des efforts en ce sens. Toutefois, il en résulte automatiquement des conflits avec la police communale depuis que la gendarmerie se meut sur un terrain qui est traditionnellement celui de la police.

Le modèle d'un fonctionnement de base intégré implique une intégration fonctionnelle des différentes zones de police pour ce qui est des services de police de base. Cette intégration fonctionnelle peut mener, à terme, à une véritable intégration.

Cela donne naissance à une structure anticonflictuelle.

Il faut prévoir, entre ces services de police de base et la structure secondaire, des canaux d'accès permettant la communication d'informations sans qu'aucun lien hiérarchique ne soit nécessaire.

M. Warny fait remarquer qu'il ne faut pas penser que la police communale soit capable d'offrir partout un service de qualité; elle le fait en fonction de ses moyens. Néanmoins, la police peut apporter une contribution valable, même dans des cas de grande criminalité. Si à Sars-la-Buissière, il y avait eu un travail de qualité en matière de police de proximité (rôle d'agent de quartier), qu'il soit fait par des policies ou des gendarmes, on aurait découvert beaucoup plus vite ce qui se passait.

Si la Commission permanente propose de développer un autre modèle, c'est pour intégrer la police communale dans une structure fédérale, et cela dans un but d'être mieux informée et d'adapter les structures sur le plan local aux besoins d'aujourd'hui et de demain. Cette intégration permettra l'accès aux réseaux de communication.

Il ne faut surtout pas croire que l'on résoudra les problèmes de police en créant une superstructure au niveau fédéral. Comme on l'a déjà dit, il faut deux structures : une structure performante au niveau local, qui travaille de façon intégrée et identique sur tout le territoire, et une structure fédérale.

Dès que le niveau local ne peut pas fournir une réponse adéquate, le niveau fédéral intervient pour apporter son soutien, qu'il soit organisé au niveau de l'arrondissement ou au niveau national. De cette façon, on peut coordonner les actions et éviter les conflits.

M. Warny souligne qu'il incombe au monde politique de décider quel est le modèle de police qu'il veut pour demain. Ce dessein ne peut pas être réalisé par les services de police eux-mêmes.

Selon un sénateur, c'est une bonne chose que la Commission permanente propose un modèle clair et concret. Il a cependant quelques questions à poser.

En quoi la structure bipolaire (dont on suppose qu'elle évitera les frictions à l'avenir), diffère-t-elle de la structure actuelle ?

Comment l'information passera-t-elle concrètement entre les deux niveaux ? Aujourd'hui aussi les différents services de police devraient coopérer en partenaires. Mais en pratique, apparemment, il n'en est rien. Comment le modèle proposé va-t-il remédier au problème ?

Du reste, comment déterminera-t-on quelles seront les enquêtes judiciaires menées par les services de police de première ligne et celles que l'on transmettra aux services de deuxième ligne ?

Ensuite, cette deuxième ligne n'est-elle pas déjà en soi bipolaire, puisqu'on fait la distinction entre son fonctionnement au niveau des arrondissements et au niveau fédéral ?

Il est clair que le même statut sera applicable aux deux composantes. La mobilité entre les deux niveaux en sera améliorée. Qui définira la politique aux différents niveaux ? À qui devra-t-on rendre des comptes ? Quel rôle joueront l'autorité politico-administrative et l'autorité judiciaire dans cette nouvelle structure ?

Dans la note proposée, la gendarmerie est intégrée à la police fédérale. Dans le modèle définitif, une partie de la gendarmerie passera au service de police de première ligne. Comment les autres services de police réagissent-ils à cette proposition ? A-t-elle quelque chance d'aboutir ?

M. De Troch répond que des conflits peuvent naître entre les différents services de toute organisation. La différence par rapport à la situation actuelle est que le modèle proposé a été conçu en partant du problème lui-même, et non en fonction des structures existantes. Outre les problèmes généraux de sécurité, il existe des problèmes qui requièrent une approche spécialisée.

Cette constatation conduit à définir deux composantes. Actuellement, il existe trois services de police. Deux d'entre eux traitent tous les problèmes de police, tandis que le troisième a une approche exclusivement spécialisée. Deux de ces services sont organisés au niveau fédéral, alors que le troisième ne l'est qu'au niveau communal.

Le modèle proposé élimine les problèmes de fonctionnement inhérents à la situation actuelle parce qu'il définit les missions en fonction des problèmes. Certes, il subsistera toujours une zone grise, mais la simplification de la structure ainsi que l'amélioration de la transmission de l'information et du suivi permettront de mieux cerner les problèmes et de prévenir ou de régler des conflits.

Le « partenariat » implique que chaque structure a une mission claire, où les responsabilités, ainsi que la compétence des autorités administratives et judiciaires sont bien délimitées. Au niveau local, c'est le bourgmestre qui est le responsable administratif. Toute commune n'est pas en mesure de mettre en place une structure complète de police de première ligne (accueil, travail de quartier, prise en charge des victimes, intervention, recherche, mesures de sécurité), de sorte qu'une coopération dans un cadre plus large s'impose. Cela ne signifie toutefois pas qu'il ne doit pas subsister de points d'ancrage au niveau local.

Au niveau de l'arrondissement, le ministère public est chargé du volet judiciaire du travail de police. La composante fédérale comprend deux niveaux, le niveau des arrondissements et le niveau fédéral. C'est au niveau fédéral que s'ajuste et se coordonne le travail de police, en ce compris sa composante internationale.

L'intégration des services de police devra être une réalité dans un délai de quinze ans. Le monde scientifique pense la même chose. Il espère que les autres services de police accepteront au moins de prendre la proposition en considération et d'en discuter.

Un membre est d'accord avec l'idée d'une composante de base forte, le maintien d'une police communale forte et une police spécialisée de deuxième ligne. Dans ce contexte, elle ne comprend pas bien la critique sur une police criminelle fédérale.

M. Warny répond qu'il est impossible pour un service de police de ne faire que du judiciaire : tout commence par l'ancrage local, sinon on se coupe de toute l'information du terrain (cf. problème du F.B.I.).

Une police criminelle ne s'occuperait que « des grandes affaires ». Que faut-il exactement comprendre par cela ? Les problèmes journaliers que la population ressent, ne sont généralement pas reconnus comme des affaires importantes.

Si l'on crée un organe de « superflics », cet organe ne résoudra pas ces problèmes.

Le membre pense qu'il ne faut pas nécessairement supposer que cette police criminelle fédérale serait coupée de la police de base.

M. Warny répond que dans la proposition de la commission permanente, la criminalité complexe serait suivie au deuxième niveau.

Se pose alors la question : où va-t-on mettre les services de police existants ? Nous avons besoin d'une structure fédérale en matière de police judiciaire, mais aussi en matière de police administrative. Les deux missions doivent être tenues ensemble.

L'intervenant demande si cela n'est pas le rôle du S.G.A.P.

M. Warny fait remarquer que le S.G.A.P. est un outil d'appui, non opérationnel : il distribue les données et la documentation, il fournit un appui technique et veille à la coordination dans le domaine de la coopération policière internationale.

Il souligne que l'on ne doit pas commettre l'erreur de créer, au niveau fédéral, une police criminelle, coupée de sa base et à côté de celle-ci une structure fédérale en matière de police administrative. De cette façon l'on créérait trois structures, ce qui mènerait inévitablement à de nouveaux dysfonctionnements.

Un autre membre pense que le problème de la police communale est qu'elle est limitée à une localité et soumise à l'autorité d'un bourgmestre.

Le schéma proposé reste au niveau des principes et prévoit une période transitoire de quinze ans. Quelles seront les composantes de la police du premier niveau ? Est-ce que toute la police communale se retrouve dans la police de premier niveau ?

M. Warny affirme que toute la police communale se retrouverait au premier niveau. Évidemment, le volume d'un corps de police est décisif pour les missions qu'il peut exécuter. Un grand corps permet des spécialisations au niveau local (section jeunesse, section judiciaire, etc.). Il va de soi que ces sections spécialisées ne peuvent pas étendre leurs activités sur tout le territoire du pays. Cela est le travail d'une police spécialisée de deuxième niveau. Ces deux niveaux collaborent et se passent les informations.

Même une grande police métropolitaine ne peut donc pas tout faire seule, sauf sa fonction de police de base. Les services spécialisés de la gendarmerie et de la police judiciaire se situeraient au deuxième niveau.

Dans les communes où on n'arrive pas à réaliser une composante de base suffisante, il faut l'appui de la gendarmerie. De cette façon, la gendarmerie sera intégrée au niveau local.

La proposition prévoit un délai pour sa mise en oeuvre, afin de permettre une certaine souplesse.

Le projet du ministre de l'Intérieur prévoit un délai de trois ans de réflexion. Pendant cette periode, on prépare les structures.

Au niveau de l'arrondissement, il faut décider qui dirigera l'unité fédérale. À ce niveau existe un appui en matière de police administrative et une unité de la police judiciaire, dirigée par la police judiciaire au départ.

Cette approche est valable parce qu'elle prévoit l'intégration des services existant actuellement.

Au niveau local, où il existe une multitude de chefs de corps, le ministre demande de ne pas renommer de nouveaux chefs de corps pour pouvoir travailler demain avec des zones interpolice.

Tous les services de police peuvent se retrouver dans le modèle proposé, quelle que soit l'importance des corps de police.

Un membre fait remarquer qu'aux différents niveaux, une autorité doit être exercée. Qui dirigera la police de second rang, au niveau de l'arrondissement et au niveau fédéral ?

M. Warny répond qu'au deuxième niveau, l'autorité fédérale désignera une autorité au niveau de l'arrondissement.

M. Troch souligne qu'il est urgent de prendre la décision de principe concernant le modèle final sinon les conflits ne feront que s'aggraver. Une fois fixé cet objectif final, les mesures à prendre devront l'être en conséquence.

Un premier pas serait de simplifier à court terme les composantes complémentaires. Pour ce faire, il est nécessaire d'harmoniser les statuts des différents services de police.

Immédiatement après, il faudra ouvrir le débat sur la composante de base, pour structurer ensuite progressivement la deuxième composante.

Un membre maintient que c'est précisément le contenu concret qui pose problème. S'il n'y plus de police criminelle distincte, les autorités judiciaires craignent de perdre leur autorité sur les service de police. Quelle garantie a-t-on pour le maintien de l'autorité du ministère public sur les missions judiciaires confiées à la police ?

M. Troch estime que l'autorité du ministère public ne signifie pas que celui-ci puisse déterminer qui doit faire quoi dans une enquête donnée. C'est au responsable de la police qu'il incombe de faire appel à des agents compétents.

Actuellement, il y a un risque que les autorités judiciaires ne veuillent travailler qu'avec les policiers qu'elles connaissent, avec la conséquence que les connaissances et les informations ne sont pas transmises.

Les responsables doivent déterminer quelles sont les priorités d'un dossier spécifique, quelles seront les enquêtes menées, et les méthodes utilisées, quelle sera la durée de l'enquête, quand on fera rapport et avec qui on coopérera.

Cela implique que les services de police et les autorités judiciaires et administratives apprennent à coopérer dans le cadre de cette structure.

La garantie que l'on peut donner, c'est que la gestion et la direction de l'activité s'en trouveront qualitativement améliorées.

M. Warny ajoute que le problème essentiel sera celui de l'intégration. Dans la hiérarchie d'une future police fédérale, il faut retrouver des gens de la gendarmerie et de la police judiciaire en fonction de leurs effectifs.

Si on veut avoir une bonne police fédérale (cf. préalables de la note de consensus), il faut examiner les moyens et les effectifs qui seront mis à sa disposition. La première note de consensus disposait que la police judiciaire prenait en charge « l'ensemble des phénomènes criminels » sans préciser comment elle allait faire cela de façon cohérente et consistente.

Quand on propose la création d'une police fédérale, il faut donc prévoir des moyens plus importants.

M. Adam revient sur le débat concernant le pouvoir communal. Lorsqu'on constate que la gendarmerie veut reprendre certaines tâches de la police communale, il faut remarquer qu'elle désinvestit au niveau de ses patrouilles d'intervention pour s'impliquer dans d'autres tâches, « plus sympathiques » aux yeux de la population.

Un membre pense que dans la structure policière, on a besoin d'une colonne verticale. Le fait que la gendarmerie puisse garder un rôle de police de base et fonctionner en même temps dans la structure secondaire, pourrait garantir la communication des informations aux deux niveaux.

M. Warny pense plutôt qu'aussi bien au niveau de l'arrondissement qu'au niveau fédéral, on doit retrouver des structures de la base, qui sont les garants de l'échange d'information. Il ne faut pas parler d'une police unique, mais d'un système unique. Un système unique qui a deux composantes distinctes qui ne s'obéissent pas hiérarchiquement, mais où il y a des structures de coordination entre les deux.

Un autre membre demande si le projet du ministère de l'Intérieur est inspiré par la gendarmerie.

M. Warny ne pense pas qu'il est inspiré exclusivement par la gendarmerie. C'est un projet qui est le résultat de plusieurs propositions.

Mme Lizin pense que le projet du ministre va stimuler le développement de brigades judiciaires ou de recherche au sein de la police communale.

Si l'on part de l'idée que la police judiciaire et les B.S.R. doivent composer un ensemble dépendant des parquets locaux, quel va être la réaction des polices de base ?

Dans les polices communales, l'on serait tenté de développer ses propres services d'enquête pour ne pas dépendre de cet organe externe.

M. Warny fait remarquer que tous les services de police savent que chaque service de police doit disposer d'une structure de recherche.

Un membre pense que l'on devrait offrir une perspective aux membres de la police : ils devraient pouvoir choisir de renforcer les services de recherche de la police communale, ou d'être intégrés dans la structure de police fédérale.

Le vrai problème est la limitation inefficace des parquets : sans grand parquet fédéral, la vue globale sera toujours absente.

M. Warny dit que depuis 1988, on travaille à un projet de statistique intégrée et globale. Jamais les services de police n'ont eu un retour des affaires qui sont aux parquets : le feedback est totalement absent. Cela mène nécessairement à des dysfonctionnements. Le problème essentiel est donc le manque de communication avec la Justice.

La commission permanente plaide depuis des années pour la création de plates-formes permettant d'échanger les informations.

Dans cette discussion se situe aussi le plaidoyer pour le décloisonnement et la mobilité du personnel.

Un membre conclut que la discussion prouve à quel point la problématique judiciaire est liée à la problématique policière. La Commission de la Justice examine actuellement un projet de loi concernant le collège des procureurs généraux sans avoir égard à ce lien avec la problématique policière.

En ce qui concerne l'autorité du pouvoir judiciaire sur les services de police, M. Warny pense qu'il faut surtout éviter de confier à la magistrature la gestion des services de police.

L'intervenant est d'accord que les magistrats ne doivent jamais avoir une autorité fonctionnelle sur un corps de police.

M. Warny fait remarquer que cela est précisément un des grands problèmes de la police judiciaire.

En ce qui concerne la mobilité, M. Adam ajoute qu'il y a des exemples dans les services de police étrangers. Des unités spéciales sont constituées de jeunes policiers. À partir d'un certain âge, ces gens peuvent regagner leur cadre dans un emploi plus approprié.

Le noeud du problème est qu'en Belgique, il n'y a aucune politique de sécurité structurée.

M. Warny souligne, une fois de plus, qu'il importe que les autorités des services de police soient des gens investis d'un mandat politique, c'est-à-dire des gens qui sont responsables devant de la population.

2. Audition de représentants des corps de police des cinq grandes agglomérations (Anvers, Charleroi, Bruxelles, Gand et Liège) : MM. Brouchmiche, Carlier, Dijck, Noen et Van Reusel et de M. Herman, président de l'Association des corps de police communale de la Région de Bruxelles-Capitale

§ 1er . Exposé de M. Van Reusel

M. Van Reusel signale que les cinq corps de police représentés constituent plus d'un tiers de la police communale belge. Cela signifie non pas qu'il n'y ait pas de solidarité avec les autres corps communaux, mais bien que les cinq grands corps sont structurés et organisés différemment et accomplissent d'autres missions.

Les commissaires en chef de Bruxelles, de Gand et de Liège sont membres de la Commission permanente de la police communale de Belgique.

Tous les commissaires présents partagent totalement les lignes de force générales de la Commission permanente, telles que présentées récemment par MM. De Troch et Warny. Tout cadre général nécessite toutefois des spécifications en fonction des besoins locaux.

Il souligne le rôle important du bourgmestre, mais aussi la nécessité de la représentation de la police communale au niveau où sont déterminés la stratégie et les moyens et où sont prises les décisions générales.

Le but des exposés qui seront tenus, est de faire mieux avec ce qui existe.

§ 2. Exposé de M. Carlier sur le service de police de base

Lorsqu'on parle de réorganisation de la police, il faut partir d'un objectif clairement délimité. Cet objectif est la mise en place d'une base solide ­ ainsi qu'un service de police spécialisée sur l'ensemble du territoire belge. C'était également le point de départ des autorités fédérales lors de la création des zones interpolices (Z.I.P.) : elles doivent assurer le service de police sur l'ensemble du territoire, ce qui n'est pas le cas jusqu'à présent.

Dans les cinq grandes agglomérations, cette intervention n'était pas nécessaire, parce qu'elle avait déjà eu lieu. Un certain nombre d'autres corps de police communale accomplissaient également un service de police 24 heures sur 24.

La finalité de la réorganisation des structures policières se concrétise dans deux domaines (cf. La thèse de la commission permanente) : d'une part, un service de police de base doit être assuré sur l'ensemble du territoire, d'autre part, il faut également développer un service de police spécialisée sur l'ensemble du territoire.

Le service de police de base comporte une composante de base et une composante complémentaire. Celle-ci est constituée de projets qui peuvent varier d'une Z.I.P. à l'autre et dépend des besoins spécifiques d'une région.

La composante de base suppose un service de police à part entière de première et de deuxième ligne : une permanence de 24 heures, un bon accueil, y compris des victimes, et une bonne brigade locale.

Ces deux composantes sont pour l'instant assurées par les corps de police à eux seuls des cinq grandes agglomérations ­ sur une base de complémentarité avec la gendarmerie et sous l'autorité des autorités administratives et judiciaires.

Le service de police spécialisée n'est pas réclamé par les corps de police des grandes agglomérations, parce qu'il dépasse le niveau des services de police de base : il s'oriente vers la criminalité organisée nationale et internationale.

En résumé, les cinq grands corps de police appuient les efforts visant à une nouvelle organisation de la structure policière. On plaide toutefois pour la spécificité des corps de police des grandes agglomérations : ils garantissent l'exercice intégral des services de police de base. En outre, le service de police spécialisée doit être restructuré au niveau fédéral, pour permettre une meilleure coordination des activités policières. Bien entendu, un contact permanent s'impose entre ces deux formes d'activités policières, et il sera mené à bonne fin par une circulation d'informations sans zone d'ombre dans les deux sens.

§ 3. Exposé de M. Noen (Annexe nº 1)

Les représentants des grands corps de police veulent présenter un projet. La restructuration des corps de police sera un projet de longue haleine, qui bouleversera le système existant.

Le pouvoir législatif peut jouer un rôle dans le développement de directives générales. Par après, la réforme devra être réalisée par une structure qui regroupe le pouvoir judiciaire et le pouvoir administratif, structure inexistante actuellement.

Étant donné que la police a une double mission, c'est-à-dire une mission de police administrative et une mission de police judiciaire, ces compétences sont réparties entre deux ministres.

Tous les jours (cf. la recherche proactive), on doit constater que la limite entre ces deux missions est particulièrement floue. Alors qu'il incombe au pouvoir légal et administratif de déterminer les grandes lignes de force d'un nouveau système policier, c'est une institution spécifique qui doit relayer ces décisions à la pratique. Pour ces raisons, on propose la création d'un « Secrétariat interdépartemental à la sécurité et aux polices ». En fait, ce secrétariat devrait être un lieu de rencontre entre, d'une part, le ministre de l'Intérieur et, d'autre part, le ministre de la Justice, c'est-à-dire les autorités qui ont le pouvoir sur les corps de police.

Les compétences de ce secrétariat seraient :

­ appliquer les politiques déterminées par les ministres de l'Intérieur et de la Justice;

­ assurer l'analyse et la direction stratégique des polices;

­ assurer la coordination générale des services de police;

­ contrôler et autoriser les budgets fédéraux de tous les services de police;

­ coordonner et diriger le fonctionnement des services communs : informatique, documentation, formation, etc.

L'idée à la base de la création du S.G.A.P. était bonne, mais cette idée a été pervertie par la réalité. Si l'on maintient plusieurs services de police, il faut prévoir des services communs qui sont gérés en commun avec le but de servir l'intérêt commun.

Ce secrétariat est dirigé par un conseil d'administration (C.A.), présidé par un président du conseil.

§ 4. Échange de vues

Un sénateur demande si le Secrétariat interdépartemental proposé a remplacé le S.G.A.P.

M. Noen répond que la proposition suppose l'intégration du S.G.A.P.

On retrouve d'ailleurs les divisions existantes du S.G.A.P. dans la structure proposée.

La section « logistique », qui reste à créer, devrait s'occuper d'une tâche qui était remplie par la Police générale du Royaume jusqu'à la création du S.G.A.P.

Une structure pareille est nécessaire pour réaliser une réorganisation des services de police. Actuellement, deux ministres sont compétents. Ce qui manque, est une structure intermédiaire qui coordonne l'ensemble du fonctionnement.

Un membre constate que cette proposition diffère de ce qui est proposé par la commission permanente. La structure proposée par M. Noen suppose le maintien des différents corps, alors que la restructuration, préconisée par la commission permanente, introduit une distinction entre une police de base et une police fédérale. Cette structure prévoit, à terme, une fusion des corps de polices existants.

M. Noen répond que sa proposition ne constitue qu'un point de départ pour transiter vers la structure préconisée par la commission permanente.

M. Herman ajoute que cette structure comprend, d'une part, une police de base et, d'autre part, une police spécialisée.

La police de base serait composée de la police communale et de la gendarmerie. La police de seconde ligne comprendrait les B.S.R. de la gendarmerie et les brigades de police judiciaire. Les brigades judiciaires des polices communales pourraient y être détachés également.

Dans les centres urbains, la police de base serait assurée principalement par la police urbaine. Dans les zones interpolice, cette police serait assurée par la police communale et la gendarmerie et dans les zones rurales, par la seule gendarmerie.

Un membre constate que la commission permanente cherche en définitive à fusionner les différents corps pour former un corps unique à deux composantes.

Il constate que ce n'est pas le cas dans la proposition à l'examen.

M. Carlier confirme que le but poursuivi est effectivement d'évoluer vers une situation où l'on fusionnerait les services de police existants. La proposition relative à la création d'un « Secrétariat interdépartemental à la sécurité et aux polices » vise à créer un instrument qui doit réaliser cet objectif sur le terrain. Il s'agit d'une structure de gestion qui doit servir à orienter les réformes et à éviter qu'un service de police générale comme la gendarmerie impose son modèle aux autres.

M. Carlier souligne en passant qu'il y a une différence entre la fonction de police de base et le service de première ligne. La fonction de police de base comprend aussi une part de fonctions de seconde ligne (recherche locale) qui ne peut être supprimée.

Si les unités de recherche des grandes villes venaient à disparaître, elles laisseraient un vide que la fonction de police spécialisée ne pourrait jamais combler. Qui contrôlera les cambriolages ou le trafic de la drogue au niveau local ? Ce n'est en tout cas pas la tâche du service de police spécialisée qui opère au niveau fédéral ou de l'arrondissement.

La proposition ne s'écarte donc pas de la vision de la commission permanente : elle propose un modèle qui permet d'associer chacun des trois services de police à encadrement des réformes, et ce sur un pied d'égalité.

Un sénateur reste très sceptique quant à la proposition de créer, une fois de plus, une nouvelle structure. Il pose les questions suivantes :

­ Pourrait-on préciser les problèmes de fonctionnement du S.G.A.P. ?

­ Comment est-ce qu'on perçoit la volonté récente de la gendarmerie de s'investir beaucoup plus dans cette police de base ?

­ Certains, et notamment la gendarmerie, voudraient retirer les services judiciaires de la police communale.

­ Selon certains gendarmes, la police communale ne patrouille plus dans certains quartiers des villes. Qu'en est-il de cette accusation ?

­ La gendarmerie peut écouter les communications radio de la police de Bruxelles. L'inverse ne serait pas vrai par manque de moyens. La gendarmerie serait également équipée d'un outil informatique beaucoup plus performant.

M. Noen répond que le S.G.A.P. a été créé pour regrouper les services communs aux différents corps de police. À l'origine, cinq divisions étaient prévues. Des 330 fonctionnaires travaillant au S.G.A.P., il n'y a que 20 policiers communaux.

Aux organes de direction du S.G.A.P., la police communale n'a aucun représentant. Le poste le plus important que l'on a proposé à la police communale était celui de chef bibliothécaire.

Au S.G.A.P., la police communale est donc sous-représentée à tous les niveaux.

En matière d'informatique, dans les trois corps existent trois systèmes différents qui ne sont pratiquement pas compatibles. Le S.G.A.P. devrait relier ces systèmes à un seul. Mais cela ne se concrétise pas.

On a créé une division « appui opérationnel », qui a repris l'activité de la police judiciaire. Le B.C.R., par contre, continue à exister et n'a pas été intégré. Au S.G.A.P., on constate donc une politique de deux poids et deux mesures.

Bien que les principes de base du S.G.A.P. sont bons, il faut corriger son fonctionnement actuel.

§ 5. Exposé de M. Dyck

M. Dyck fait partie de la division « Appui en matière de politique policière » du S.G.A.P., après y avoir été désigné par la Commission permanente pour la police communale. Cette division est chargée d'établir des statistiques.

À l'heure actuelle, 518 corps de police communale transmettent leurs données P.I.P. de manière structurée. Ces données sont traitées par la section dirigée par M. P. Ponsaers.

Ces derniers temps, la gendarmerie insiste de plus en plus pour traiter ces données elle-même en vue d'établir des statistiques.

Malgré les promesses qu'elle avait faites antérieurement, la gendarmerie même ne transmet ses données par câble que depuis le mois de novembre.

On a l'impression que la gendarmerie cherche uniquement à utiliser les données fournies par les autres services et à les traiter en vue de les utiliser pour sa propre politique de fonction de police de base.

Ce n'est que récemment que la gendarmerie a découvert la fonction de police de base et elle se rend compte également qu'elle doit disposer de ces données pour être en mesure de mener une politique.

Les comités de rédaction que le ministre de l'Intérieur a demandé de créer dans chaque arrondissement constituent une deuxième illustration de cette problématique. Les comités doivent être composés de représentants des trois services de police et ils ont pour mission de situer périodiquement, soit tous les trois mois, la criminalité dans un contexte afin de dégager des tendances.

Alors qu'on avait déjà installé quatorze comités de rédaction, le général De Ridder a fait savoir à la cellule d'appui en matière de politique policière, qu'ils faisaient double emploi avec les bureaux « recherche » des districts (subdivisions du B.C.R.).

La gendarmerie veut supprimer les comités de rédaction et ce, même si leurs missions diffèrent de celles des bureaux « recherche » des districts.

Tous ces conflits indiquent que la gendarmerie veut accaparer la fonction de police de base.

Il en va de même des « tables de codes » (données relatives à la criminalité organisées en rubrique) pour lesquelles on avait envisagé initialement de reprendre les tables « P.O.L.I.S. » de la gendarmerie. Dans la pratique, la gendarmerie a refusé de tenir compte des désidérata des autres services de police. Les grands corps de police ont été contraints d'élaborer leurs propres tables de codes. Celles-ci seront mises en oeuvre dans les P.I.P. Elles ne seront toutefois pas compatibles avec les exigences de la gendarmerie.

C'est pourquoi il serait souhaitable d'intégrer le B.C.R. dans le S.G.A.P. pour que celui-ci puisse gérer en contrôler les informations qui émanent des différents services de police. Ce n'est pas le cas actuellement : la police communique au B.C.R. toutes les informations dont elle dispose, mais elle ne reçoit jamais écho sous la forme d'analyses. Dans les grandes villes, cette situation donne lieu à toute une série de problèmes qui restent sans solution.

M. Van Reusel illustre cette rétention de l'information par la gendarmerie. La police des grandes villes donne plus de 90 % des informations à la gendarmerie. Elle ne reçoit rien de retour. parce que le système de la gendarmerie (« z.inf. » - zachte informatie) l'exclut.

§ 6. Suite de l'échange de vues

Un membre demande si cette information douce est répertoriée également au B.C.R.

M. Van Reusel répond que c'est précisément là que l'on centralise l'information douce.

L'intervenant constate que la gendarmerie dit précisément le contraire : l'information « douce » serait présente dans les brigades, mais pas au niveau supérieur.

Un autre membre demande ce que la police communale fait de l'information douce dont elle dispose.

M. Van Reusel répond qu'elle la transmet à la gendarmerie.

M. Herman précise que, dans les corps de police communale, l'information douce est introduite dans une banque de données propre à la police communale et elle est également transmise à la banque de données de la gendarmerie. La transmission dans l'autre sens ne se fait jamais : les 19 corps de police de la région de Bruxelles ont demandé explicitement à la gendarmerie de leur transmettre la globalisation de ces données, ne fût-ce que sous forme de statistiques, pour pouvoir orienter leurs actions.

Malgré cette demande, la gendarmerie refuse de transmettre ces statistiques.

Ceci touche au problème essentiel de la gendarmerie : la police communale est par définition une police de proximité et de première intervention. La gendarmerie ne peut pas se passer d'une information locale. Pour cette raison, la gendarmerie n'intervient plus sur le terrain que sur base de ses propres priorités. En cas d'accident de roulage avec des blessés, par exemple, elle demande simplement qu'on envoie une patrouille de police communale. Par contre, il y a une concurrence effrénée par rapport aux affaires qu'elle juge intéressantes. Cela mène à des situations où gendarmes et policiers essaient de s'accaparer d'une affaire.

Pour l'avenir, il faut clairement dire que la police de base est assurée par la police communale et par la gendarmerie, mais qu'une répartition des tâches équitable doit être recherchée, sinon des dysfonctionnements sont inévitables.

D'après ce qu'un sénateur a compris, la gendarmerie considère que tout ce qui est consigné dans un procès-verbal devient information « dure ». La gendarmerie écarte-t-elle aussi certaines informations dures de Polis ?

Un membre demande que l'on entende simultanément les deux services de police à ce sujet, car en dépit des explications fournies pour les deux services de police concernés, la situation est tout sauf clarifiée.

M. Carlier confirme que tout fait donnant lieu à un procès-verbal est enregistré dans Polis. Mais tous les service police communale ne sont pas reliés à cette base de données. Ces services-là dépendent donc de la bonne volonté de la gendarmerie, pour obtenir des informations.

Un autre membre souligne que M. De Ridder a déclaré expressément que ceux qui communiquent des informations, ont également le droit d'en obtenir.

M. Noen fait remarquer que la ville de Bruxelles réalise, pour le compte des 19 communes, des statistiques criminelles mensuelles.

Depuis le développement du sytème P.O.L.I.S., ces données sont introduites en P.O.L.I.S.

Quand la ville de Bruxelles demande à la gendarmerie de lui rendre les chiffres des 19 communes, celle-ci refuse sous prétexte que « la police de Bruxelles n'a rien à voir avec les autres communes bruxelloises ».

À propos de la relation entre la police communale et la gendarmerie, M. Delrez fait remarquer que la guerre des polices a toujours existé. Maintenant la guerre éclate à visière découverte et non pas seulement en matière judiciaire.

Depuis l'audit réalisé par Team Consult en 1985, plusieurs étapes ont été franchies : la création de l'Institut national de criminalistique et la démilitarisation de la gendarmerie. Le chapitre final de cet audit portait sur la création d'une « police unique ».

Depuis sa démilitarisation, la gendarmerie veut être partie prenante dans la police de base, le terrain traditionnel de la police communale. Cela a crée beaucoup de difficultés, notamment dans les zones interpolice.

Actuellement, il discute sur les Z.I.P. avec la gendarmerie, mais il sait qu'il y aura des conflits. Déjà pour le service 101 (appels urgents) les gendarmes font le choix de l'intervention ; ce qui ne les intéresse pas, passe à la police communale.

En ce qui concerne le maintien de l'ordre public, la police de la ville de Liège assure 95 % de cette tâche. Quand la gendarmerie doit assurer le maintien de l'ordre public, elle peut faire appel à la réserve générale (A.E.G.) ­ elle ne doit donc pas engager ses effectifs locaux.

Dans le cadre des négociations sur les zones interpolice, M. Delrez illustre l'attitude de la gendarmerie par rapport à la police communale par une note interne de la gendarmerie (« Cadre de référence pour les négociations Z.I.P. à destination des commandants de brigade »).

En ce qui concerne les principes généraux à respecter, on lit :

« ­ Montrer de la souplesse dans les négociations, l'essentiel étant de réaliser les piliers de la stratégie.

­ Il y a lieu en outre de faire en sorte de ne pas descendre le niveau de la brigade vers celui des polices qui sont réactives, peu professionnelles et peu orientées vers la qualité et la résolution des problèmes. Il faut donc connaître le niveau de la qualité en dessous duquel on ne descendra pas... »

Cet extrait illustre parfaitement l'attitude de la gendarmerie. Quelle confiance peut-on avoir dans un tel « partenaire » ?

Ce qui compte pour la police communale, c'est de ne jamais accepter d'être reléguée dans un rôle strictement local et d'être coupée des échelons d'analyse criminelle, de stratégie, d'information et de documentation. Surtout dans les grandes villes, la police communale dispose de brigades judiciaires importantes, capables de mener des enquêtes dans le cadre de la criminalité urbaine.

Dans les zones interpolice, il y aura un commandant unique, un gendarme, tandis que les commissaires de police seront toujours en ordre dispersé et donc toujours en état d'infériorité.

Le débat doit partir du respect des structures en place, dans leur spécificité et leur valeur. Ce n'est que sur cette base-là que l'on peut discuter d'une police plus unifiée et uniformisée.

À propos de la question d'un sénateur relative à la « non-volonté » de certains policiers communaux d'entrer dans certains quartiers dangereux, M. Herman constate qu'il est exact que depuis les « émeutes » de 1991 en différents endroits de l'agglomération bruxelloise, l'intervention des services de l'ordre est devenue plus difficile. Il y a des quarties où on ne peut pas patrouiller banalement, sans prendre des précautions. Lors d'une intervention, on risque de devoir faire appel à des renforts. La police communale a développé une politique d'approche prudente de certains quartiers, c'est-à-dire que l'on évite que des policiers se retrouvent en situation critique. Il y aura donc plutôt deux patrouilles qu'une.

Dans le cadre des contrats de sécurité, il a été décidé de ne pas provoquer inutilement des incidents. La police communale intervient en collaboration avec les acteurs sociaux qui ont été mis en place.

Avec la gendarmerie se pose souvent un problème de coordination. Une patrouille isolée de la gendarmerie doit alors faire appel à la police parce qu'elle est intervenue sans concertation.

Un membre demande si la Commission permanente reprendra la proposition des commissaires des grandes villes.

M. Carlier répond que cette proposition ne fait que compléter la proposition de la Commission permanente. La proposition en question est une réponse à la note de la gendarmerie qui circule au cabinet du ministre de l'Intérieur et dans laquelle il est proposé de confier pendant cinq ans la réforme des services de police à la gendarmerie. Durant cette période, le commandement des trois services de police serait assuré par les commandants de district des grandes agglomérations.

Cette note de la gendarmerie tourne en dérision la « bonne communication » tant vantée, entre les trois corps.

S'il admet qu'à terme, la Belgique doit évoluer vers, police unique ­ ce que propose d'ailleurs la Commission permanente ­ il est inadmissible que cela se fasse sous le commandement de la gendarmerie. La police unique ne pourra voir le jour qu'à la condition de créer une « cellule de management » (le « Secrétariat interdépartemental à la sécurité et aux polices ») pour diriger l'opération et sans accorder aucune priorité à l'un des trois corps.

Le membre s'enquiert de la réaction des corps de police de taille modeste.

M. Carlier souligne que M. De Troch est le porte-parole de tous les corps de police communale du pays.

En ce qui concerne le positionnement de la gendarmerie à la fois dans la fonction de police de base et de police spécialisée, M. Carlier déclare qu'il s'agit là d'une politique délibérée de la gendarmerie. Dans les grandes villes, la gendarmerie participe à peine aux interventions de crise, ce qui lui laisse un potentiel énorme pour travailler de manière ciblée.

Dans les communes rurales, les accords passés dans le cadre des Z.I.P. obligent la police communale à participer aux permanences de 24 heures, alors qu'elles étaient autrefois assurées par la seule gendarmerie. C'est là encore un élément qui permet à la gendarmerie de fournir un service de police complet.

La gendarmerie n'assure donc la fonction de police de base que dans les domaines qui l'intéressent. La police communale n'a pas ce choix parce qu'elle est tenue de répondre à tout appel transmis via le service 101.

Qu'adviendrait-il du service de police de première ligne si la police communale pratiquait la même sélectivité ?

Comme la police communale n'a pas ce choix, il ne faut pas s'étonner de ce que son action soit moins efficiente que l'action ciblée et mûrement réfléchie de la gendarmerie.

L'attitude de la gendarmerie est le résultat d'un processus d'autonomisation qui a été engagé depuis plusieurs années. Ce faisant, elle se soustrait à l'autorité du pouvoir judiciaire et administratif et mène une politique propre.

Les corps de police communale sont obligés d'assumer le champ d'activité que la gendarmerie néglige, et ce avec les moyens que l'autorité locale met à leur disposition. Il leur est de ce fait impossible de concevoir une politique ciblée et de travailler efficacement.

À Gand, M. Carlier est cependant parvenu à un accord avec les gendarmes au sujet des interventions de crise.

Au sujet de la proposition des commissaires, un membre demande ce qu'elle prévoit en matière de police spécialisée. Envisagea-t-on une administration unifiée dirigeant une police fédérale unique ou plutôt une police fédérale criminelle placée sous l'autorité du pouvoir judiciaire et qui coexisterait avec un grand service de police administrative ?

M. Delrez fait deux observations au sujet d'une police criminelle fédérale :

1. Les brigades judiciaires de la police communale devraient également être représentées dans ce service de police.

2. La police communale ne devrait pas être subordonnée à ce service de police fédérale.

M. Van Reusel souligne que dans la police judiciaire, un officier de police judiciaire accomplit le même travail pendant toute sa carrière. Sur le plan de l'efficience, ce n'est peut-être pas idéal.

Les membres des brigades judiciaires de la police communale peuvent, eux, exercer d'autres fonctions après un certain temps. Il en va d'ailleurs de même dans la gendarmerie.

L'idée d'une police criminelle fédérale unique n'est pas mauvaise en soi, mais elle comporte des aspects secondaires qui doivent être pris en considération. Pourquoi ne pas envisager, par exemple, une formation commune.

M. Carlier est d'avis qu'en ce qui concerne la fonction de police de base, il y a lieu de s'inspirer des modèles néerlandais et scandinave. La fonction de police de base y est décentralisée. La fonction de police criminelle est mieux assurée dans un modèle policier déconcentré. Il devrait y avoir une certaine mobilité entre les deux niveaux. Mais l'autonomie locale de la fonction de police de base doit être respectée, dans des limites fixées au niveau fédéral.

Un membre s'enquiert du grade des représentants des différents services de police aux négociations relatives à l'élaboration de la charte de sécurité.

M. Carlier répond qu'en principe, le commandant de brigade prend part à ces négociations de manière autonome. Dans la réalité, il est « flanqué » du commandant de district.

Dans les grandes villes, les commandants de district et de brigade prennent part aux réunions, de sorte qu'on peut se demander à quel niveau la politique est menée. Il a l'impression que le commandant de district est associé aux discussions lorsque le commandant de brigade ne parvient pas à conclure un accord satisfaisant pour la gendarmerie.

M. Brousmiche déclare que la police de Charleroi n'est jamais parvenue à une coordination quelconque avec la gendarmerie. Les propositions concrètes formulées dans le cadre de la concertation pentagonale sont toujours rejetées. Le commandant de district semble adopter une attitude dictée par l'état-major. Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner que la criminalité atteigne un niveau très élevé.

Cela fait des années que la chaîne juridique est brisée, et l'étonnement des responsables politiques le surprend, car cette situation existe depuis des années.

Sur le plan opérationnel, on a proposé de répartir les interventions en fonction du personnel disponible dans les deux services de police et non en fonction de la nature de l'intervention. On n'a jamais pu parvenir à un accord à ce sujet.

Il a également été proposé de confier alternativement la coordination de l'intervention à la police judiciaire, à la gendarmerie et à la police communale. On n'est pas davantage parvenu à un accord sur ce point.

Les tentatives de coordonner les actions des forces de prévention ont également échoué.

L'on piétine également dans le cadre de la concertation pentagonale, parce que la gendarmerie doit toujours consulter son état-major.

Le projet de charte de sécurité, qui définit les lignes de forces en les répartissant au niveau des attributions entre la police communale et la gendarmerie, vient d'être signé.

On constate que les phénomènes criminels traités par la police communale résultent en une chute de cette criminalité de l'ordre de 10 % à 28 %. En matière de hold-ups par contre, les vols à l'aide de violence ont doublé depuis le moment où la gendarmerie a repris cette matière. Les causes de cet échec : absence d'échange ou retour d'information, absence d'analyse et de technique opérationnelle intégrée.

Cette situation est un peu pareille partout. Ce qui manque, est une coordination réelle entre les services de police et, en général, une politique criminelle.

C'est pourquoi M. Brousmiche souligne l'importance des services de recherche au sein de la gendarmerie. Il faut également un service anti-drogue, parce que la gendarmerie ne s'occupe absolument pas des petits toxicomanes et des revendeurs qui dérangent beaucoup la population.

La gendarmerie ne s'occupe pas non plus des problèmes des jeunes ou de l'accompagnement des toxicomanes, ce qui est absolument nécessaire si l'on veut répondre aux demandes de la population.

Les renseignements des agents de quartier, la présence d'un service juridique et d'un assistant social permettent à la police communale de connaître les problèmes, de recueillir des informations et d'intervenir.

Dans ce domane, il y a à Charleroi aussi une collboration exemplaire avec les parquets.

Il est vrai qu'en matière de hold-ups, l'on a créé pas mal de services, mais rien ne se fait en raison d'un manque de coordination.

Toutes proportions gardées, la police communale n'est donc pas aussi inefficace que le prétend la gendarmerie.

En 1981, M. Nothomb, à l'époque ministre de l'Intérieur, créa une commission présidée par M. Langendries, son chef de cabinet, pour revoir les structures policières et pour examiner des réformes au niveau de la formation. Cette commission a examiné la situation en plusieurs pays.

Aujourd'hui, nous retrouvons les mêmes préoccupations.

La commission avait conclu qu'au niveau de la formation, le système allemand était très bien : après une même formation de base, les policiers étaient dirigés vers un service spécifique en fonction des choix et des capacités. Les Pays-Bas ont copié ce système moyennant quelques adaptations.

M. Delrez rappelle que l'examen des systèmes de formation dans nos pays voisins avait comme finalité la création de l'Institut supérieur de police. Le ministre Tobback a supprimé cette organisation, qui avait pourtant une certaine utilité.

En ce qui concerne les interlocuteurs de la police communale, M. Delrez répond qu'il s'agit, pour la ville de Liège, du commandant de district de la gendarmerie, ainsi que du commandant des opérations et du commandant de brigade de Liège. L'on a mis au point avec eux, qui sont tous des officiers, un agenda et une méthodologie. L'on a également fixé le nombre des participants.

Hors de la ville de Liège, les commandants de brigade participent aux discussions dans le cadre de la concertation pentagonale et quand il est question des zones interpolices. Dans ce cas, ce sont, des sous-officiers d'élite qui sont « assistés » par un colonel qui dispense des conseils techniques.

Il y a quelques jours, l'on a encore eu la preuve que la hiérarchie de la gendarmerie contrôle sévèrement les accords qui sont conclus. En effet, le colonel Chanterie, qui est commandant de district, a remis en question l'accord qui avait été conclu entre les commandants de brigade et les commissaires des quatre grandes communes de la Basse-Meuse. Il est clair que la gendarmerie n'acceptera dans ces accords que ce qui l'arrange en matière de répartition des tâches. La police communale n'a pas l'intention de s'opposer aux intérêts d'un autre service de police, mais seulement de travailler avec lui dans un esprit de complémentarité.

Personnellement, il a de bonnes relations avec la gendarmerie. Néanmoins, il semble impossible de parvenir à une collaboration opérationnelle sur le terrain. Chaque service a ses propres priorités et il n'est pas question de coordination de stratégie commune ou d'analyse criminelle.

L'objectif des commissaires de police est de parvenir à une participation dans tous les domaines. D'où la proposition de créer un secrétariat interdépartemental pour la sécurité et les services de police, en remplacement du S.G.A.P. auquel la police communale n'est pas assez associée.

Un sénateur demande si la gendarmerie tente de s'implanter au niveau local pour ne pas se voir reprocher qu'elle n'a pas de contact direct avec les problèmes de la population.

M. Dyck répond qu'actuellement la gendarmerie investit a grande échelle dans la fonction de police de base. Elle délègue pour ce faire des gendarmes dans les méga-districts.

Dans ces domaines, la législation joue également à son avantage. L'article 23, 2º, de la loi sur la fonction de police prévoit que les services de police conduisent les détenus. Par conséquent, actuellement, de nombreux policiers doivent conduire, dans les grandes villes, des détenus devant les services compétents des tribunaux. La gendarmerie est en train de se défaire de sa mission traditionnelle, ce qui lui permet de s'engager davantage sur le terrain. À terme, une telle situation n'est pas tenable pour la police communale et le problème doit être résolu d'urgence.

Lors de la conclusion de certains protocoles, l'on avait passé des accords concernant la responsabilité. La gendarmerie affirme maintenant que les circulaires du ministre de l'Intérieur qui répartissent les tâches étaient facultatives.

Le protocole relatif à la prostitution (à Anvers) oblige la gendarmerie à participer à certaines actions. Cependant, celle-ci souhaite le faire sur une base volontaire. Il en va de même pour ce qui est de la criminalité organisée.

L'on en arrive de plus en plus à devoir presque forcer la gendarmerie à signer des accords et à les respecter, une fois ceux-ci conclus.

Il faut donc prévoir, dans les chartes de sécurité, que l'on contrôlera si les accords qui ont été passés sont effectivement respectés. Il ne sert manifestement à rien de conclure des accords facultatifs.

À côté de cela, le bourgmestre n'est pas du tout en mesure d'interdire certaines activités (le jeu, la prostitution, les grands dancings). Il faudrait donc adapter la loi communale d'après le modèle néerlandais pour permettre aux bourgmestres de promulguer des règlements de police généraux, d'appliquer des lois d'accès à la profession et d'imposer des limites.

C'est là un problème qui doit être résolu en marge du problème de la collaboration entre les services de police.

M. Van Reusel souligne le rôle important que doit jouer un bourgmestre. Le bourgmestre doit être à même de mener une politique contre les drogues et la prostitution, et pour cela il doit pouvoir faire appel à la gendarmerie aussi. Et il faut que la gendarmerie exécute les ordres qu'il a donné.

Le rôle du bourgmestre est important parce qu'il s'agit d'une personne qui est élue et que c'est lui qui décide de la politique de sécurité. La loi sur la gendarmerie permet aux gendarmes de n'obéir qu'à leur propre hiérarchie. Il faut qu'une solution soit apportée à cette situation aberrante.

3. Audition des bourgmestre, commissaire de police et commandant de brigade de gendarmerie compétent des communes d'Enghien, Pont-à-Celles, Oostkamp et Dilbeek

1. Commune de Dilbeek

a) Exposé de M. Platteau, bourgmestre

Le bourgmestre donne un aperçu chronologique de l'évolution de la Z.I.P. dont Dilbeek fait partie.

Le 24 juillet 1995, la commune et la gendarmerie ont signé une déclaration d'intention visant à instaurer une permanence de 24 heures.

En octobre 1995, on a conclu un protocole prévoyant une période d'essai du 19 au 23 octobre, qui permettrait d'éliminer les imperfections du système. Après la période d'essai, on élaborerait un nouveau cadre pour la permanence.

Le 19 décembre 1995, on a réglé définitivement la permanence de 24 heures, qui est devenue opérationnelle le 1er février 1996.

Pour la gendarmerie, le cadre est resté le même ­ 28 heures ­, avec cette différence que, désormais, les gendarmes ne patrouilleraient plus dans l'ensemble du district, mais uniquement à Dilbeek.

Le 1er février 1996, le système de la permanence de 24 heures a finalement été mis en route définitivement.

Il se réjouit de la collaboration, que l'on ne constate pas uniquement sur le terrain, mais également sur le lieu de travail, en raison des nombreuses rencontres.

Le résultat de cette collaboration est que l'on a renforcé le sentiment de sécurité, bien que la criminalité ait tendance à se déplacer vers la périphérie.

C'est dû au fait notamment que le corps de police se compose à présent de 46 policiers et comptera un commissaire adjoint de plus à la fin de 1997. Auparavant, les effectifs étaient limités à 30 agents de police.

La concertation pentagonale locale fonctionne bien, en ce compris les contacts avec le procureur et la police judiciaire.

Le commissaire de Dilbeek fait également partie de la Commission permanente de la police communale (il est représentant pour les communes de classe 10), ce qui est également un point positif.

Le commandant de brigade de la gendarmerie a toute la confiance du colonel du district d'Asse.

Le conseil communal a adopté la charte de sécurité il y a deux semaines.

Certes, Dilbeek a-t-elle été quelque peu privilégiée au niveau de son rôle de commune-pilote, mais il est quand même fier des résultats obtenus.

Ceux-ci se font sentir progressivement : alors qu'en 1996, la criminalité était encore en légère croissance, elle a diminué au cours des premiers mois de 1997.

b) Exposé de M. De Bruyn, commissaire de police

Le commissaire signale que le 26 avril 1990 déjà, une coordination des missions de police administrative était intervenue.

Ce n'étaient pas que des mots : une véritable coopération s'est développée, notamment sous la forme de réunions semestrielles avec le district d'Asse.

Au moment où a été lancée la concertation pentagonale locale, on a pensé à créer une Z.I.P. qui comprendrait Dilbeek, Asse et Wemmel. Finalement, il s'est avéré plus aisé de travailler avec la gendarmerie qu'avec les polices communales voisines et on a donc opté pour une Z.I.P. d'une seule commune.

En ce qui concerne le fonctionnement de la Z.I.P. dont Dilbeek fait partie, il ne peut pas encore livrer ses impressions car elle en est encore à ses débuts.

On a en tout cas retenu un leitmotif : les tâches ne seront pas imposées d'en haut. On a choisi de travailler plutôt avec des projets pour que les hommes acceptent progressivement la répartition des tâches.

c) Exposé de M. Schoonjans, commandant de la brigade de gendarmerie de Dilbeek

M. Schoonjans part du principe qu'il est plus avantageux de travailler dans la Z.I.P. que dans le seul cadre de la gendarmerie.

Autrefois, en effet, la brigade de Dilbeek devait collaborer avec ses collègues dans l'ensemble du district et même dans le méga-district d'Asse.

Il n'était donc pas rare qu'il faille dresser des procès-verbaux partout dans l'arrondissement, de Hal à Asse.

Il pouvait donc arriver que pour un cambriolage à Asse, on fasse appel à une équipe de la brigade de Dilbeek, tandis que dans le même temps une équipe de Hal devait intervenir pour un accident de circulation à Dilbeek.

Actuellement, cela ne se produit généralement plus, les équipes sont donc plus rapidement sur place et, en outre, elles connaissent mieux le terrain.

Il donne l'exemple d'un handicapé mental qui téléphone régulièrement. Maintenant la brigade de Dilbeek connaît la personne et peut traiter ces appels « en douceur », alors qu'auparavant, il n'était pas rare qu'une équipe éloignée se précipite et prenne des risques injustifiés pour intervenir sur un incident qui s'avérait purement fictif.

L'avantage de la Z.I.P. est que désormais, tout ne doit plus passer par le commandant de district, ce qui nuisait aux bonnes relations avec le bourgmestre. À présent, les contacts sont beaucoup moins formels.

Les rapports humains (y compris l'écoute mutuelle) engendrent une nouvelle forme de coopération.

d) Discussion

Un membre constate que tout le monde est content à Dilbeek. Mais il a relevé quelques imperfections mentionnées par le bourgmestre. Il voudrait savoir desquelles il s'agit.

Au niveau de la répartition des tâches, il demande laquelle est, selon lui, la meilleure.

Y a-t-il des patrouilles mixtes ?

Qui tient le dispatching ?

M. Platteau souligne que les imperfections qu'il a constatées sont mineures.

Néanmoins, un gros handicap est que la création de la Z.I.P. a obligé la commune à fournir un effort financier énorme, d'abord en raison de l'extension des corps, mais aussi pour développer l'infrastructure nécessaire (dont un nouveau commissariat qui a coûté entre 50 et 60 millions de francs).

Les citoyens doivent supporter cette charge financière et il le font volontiers, en raison de la qualité du service qu'ils obtiennent en contrepartie, mais il est évident qu'une compensation financière pour l'infrastructure serait la bienvenue.

Jusqu'à présent, Dilbeek n'a reçu, en tant que commune pilote, qu'une intervention pour les frais de personnel. Il s'agissait d'une partie des 80 millions à peine qui étaient prévus pour l'ensemble des projets pilotes.

Le commissaire de police De Bruyn souligne qu'auparavant, les deux corps n'étaient de garde que de 7 à 23 heures. Pendant la nuit, c'était le district de gendarmerie qui reprenait la permanence.

Actuellement, les deux corps l'assurent à tour de rôle, un appareil transférant les appels. Le district de gendarmerie transmet les missions à celui qui est de garde.

Il n'y a donc pas de répartition fonctionnelle, mais une répartition temporelle. La répartition fonctionnelle se fait par le biais de projets : les vols de véhicules, par exemple, sont confiés à la police, alors que la gendarmerie se charge des cambriolages.

S'il n'y a pas encore de patrouilles mixtes, c'est principalement à cause des pressions négatives qui sont exercées par l'état-major de la gendarmerie.

C'est un fait que les membres des deux corps réagissent de manière différente, et ce parce qu'ils ont des formations différentes.

Par conséquent, il serait sans doute préférable, avant de prévoir des opérations communes, de dispenser une formation commune.

Néanmoins, les deux corps s'aident mutuellement.

C'est le district de gendarmerie d'Asse qui se charge de la répartition (dispatching).

Avant que la police puisse s'en charger, elle devra suivre une longue formation.

M. Schoonjans avoue qu'il y a une certaine méfiance au sein de l'état-major à l'égard des patrouilles communes. Néanmoins, cela n'enlève rien au bon esprit de collaboration sur le terrain.

C'est ainsi que les deux corps ont les mêmes fréquences radio, ce qui fait que les deux corps arrivent spontanément ensemble pour intervenir, par exemple en cas de vol.

Il sait néanmoins qu'à Anvers, existent des patrouilles communes et que la police est présente dans les combis de la gendarmerie.

Le même membre constate que les effectifs de la gendarmerie restent fixés à 22, tandis que ceux de la police ont augmenté de 10 unités.

M. Platteau prétend que l'on ne ressent pas cela comme un inconvénient. Le principal est que les effectifs globaux soient suffisants.

M. Schoonjans confirme qu'il dispose de 22 hommes. L'on ne saurait oublier à cet égard que le district se charge du soutien administratif et logistique.

En outre, au sein de la gendarmerie, les jeunes gendarmes sont très mobiles. C'est pourquoi il dispose de temps à autre d'effectifs plus nombreux.

Un membre demande si la mobilité des gendarmes est ressentie par M. Schoonjans comme positive ou comme négative. Les policiers ­ eux ­ n'ont pas le choix et restent sur place.

M. Schoonjans affirme que les mutations ne réjouissent personne.

À la gendarmerie, les membres du personnel préfèrent une brigade plutôt que les casernes de Bruxelles. Cela ne les dérangerait certainement pas de s'installer sur place.

Lui-même encourage les gendarmes de la région à opter pour la brigade de Dilbeek.

Le même membre constate que la gendarmerie réagit toujours comme un corps militaire et que les mentalités n'ont guère changé.

M. Schoonjans affirme que ce sont surtout les structures qui engendrent cette mentalité. Néanmoins, l'avantage est que l'on peut rassembler un grand nombre de gendarmes en cas de manifestation.

M. De Bruyn dit que la collaboration fait que la police souhaite obtenir un nouveau statut pécuniaire qui prévoirait une rémunération équitable des prestations de nuit et de week-end.

Le bourgmestre dit vouloir éviter toute surenchère en ce qui concerne l'indemnisation de ceux qui travaillent le samedi.

2. Ville d'Enghien

a) Exposé de M. Crohain, bourgmestre

M. Crohain expose que la ville d'Enghien a depuis longtemps une brigade de gendarmerie sur son territoire, qui ne déborde que sur Silly.

Il en résulte une longue tradition de collaboration, et de relations humaines.

Depuis la fusion des communes, la ville a entrepris un effort en matière de police communale, en augmentant l'effectif de sept agents à dix en 1988.

Suite à la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, un cadre de 12 agents a été créé, et l'effectif porté à 11 unités.

En plus, le corps a été déchargé de ses tâches administratives.

Dans la politique de sécurité jouent, à son avis, trois éléments clés, c'est-à-dire qu'il faut un travail sur le terrain, de proximité et de prévention.

Lorsqu'enfin, l'on a organisé les tables rondes pour l'élaboration des Z.I.P., l'on a abouti le 9 juin 1992 à un découpage géographique, sans l'égide du gouverneur. Pour Enghien, cela résultait en une grande zone de 6 communes, c'est-à-dire Enghien, Chièvres, Jurbise, Lens et Brugelette.

De fait, l'on a commencé, dès avant la mise en place de la Z.I.P., à fonctionner en tant que zone intra-polices, en appui de la gendarmerie.

Vu les problèmes linguistiques (Enghien est une ville à facilités), l'on a prévu des bilingues dans chaque équipe, tant en créant 2 sous-zones, dont Enghien-Silly, avec la brigade d'Enghien, et les autres, avec la brigade de Chièvres et de Lens.

Des activités mineures en ont résulté comme une patrouille supplémentaire le samedi soir, ce qui a eu une répercussion immédiate pour la population, moins gênée par la petite criminalité à cette période « chaude ».

Lorsqu'on a évalué en 1995, le souhait d'intensification des patrouilles de la part des acteurs de terrain l'a emporté, malgré les réticences initiales des corps de police et des syndicats.

Suite à la concertation pentagonale, le protocole-Z.I.P. a été signé le 19 janvier 1996.

En ce qui concerne la Charte de Sécurité, elle a été précédée d'un accord local de coordination, à défaut de la collaboration du parquet.

Elle a finalement été signée et est entrée en vigueur lundi passé (3 mars 1997).

Avec des moyens limités, l'on a abouti par toute cette action à réduire la criminalité dans une zone qui est mi-rurale et mi-urbaine.

La Charte mentionne les objectifs, et les lignes de force en ont été portées à la connaissance de la population par voie de toutes-boîtes.

Quant à la répartition des tâches, l'on a procédé à un schéma qui contient 2 axes :

­ par le temps : la police communale reprend 25 % des patrouilles;

­ par les phénomènes : il y a une répartition police/gendarmerie (voir p. 9 de la Charte).

Somme toute, le problème de sécurité est un problème de société. C'est une question de prévention et de vie en commun, qui déborde le seul cadre de la police.

Ainsi a-t-on créé à Enghien, par convention du 2 septembre 1993, un Conseil de prévention, de sécurité et de lutte contre l'exclusion sociale. Ce conseil réunit des politiciens, le commandant de brigade, le commissaire, le procureur du Roi et les directions des écoles.

M. Crohain conclut par une doléance, c'est-à-dire que les moyens sont trop limités. Le pouvoir fédéral déborde d'initiatives lancées à un rythme accéléré, mais les communes ne sont pas assez soutenues financièrement pour leur participation dans ces initiatives.

b) Exposé de M. Van der Beken, commissaire de police

M. Van der Beken considère que la présence à la commission des acteurs du terrain constitue pour eux un encouragement. Il trouve qu'il doit corriger quelque peu les dires de son bourgmestre. Il dénote un effort du ministre qui a financé l'engagement de deux agents supplémentaires à raison de 90 % de leur rémunération.

La police a également reçu des subsides considérables pour l'achat de matériel.

Quant au nombre de policiers nécessaires, il trouve que le minimum est de remplir les cadres.

Quant à l'attitude prise par les policiers vis-à-vis des Z.I.P., il constate deux choses :

1. Il voit des appréhensions au sein de la police même. Cela est dû au fait que la police « de papa » est finie.

2. La collaboration avec les gendarmes provoque une crainte de perte de l'investissement dans le travail de quartier. C'est dans cette optique qu'il a négocié une prise de participation réduite de la police dans les patrouilles, c'est-à-dire 25 %, ce qui laisse à la police 75 % du temps pour le travail de proximité.

Tojours est-il que les policiers frémissent à l'idée que la police communale puisse disparaître un jour.

c) Exposé de M. Mathy, commandant de la brigade de gendarmerie d'Enghien

M. Mathy expose qu'il est arrivé à Enghien en 1994 et qu'il a dès lors connu tout le développement de la collaboration police/gendarmerie.

Cela a provoqué pour la gendarmerie la nécessité de diversifier les services locaux.

Le district comporte 3 Z.I.P., dont une de type A et 2 de type B.

Il y a des permanences « de pointe » les vendredi et samedi.

La collaboration est en bonne voie. Tout ceci est une question de mentalités, et surtout du respect réciproque des accords pris. Il y a à cet égard des mesures prises contractuellement par l'instauration de contrôles et une évaluation régulière des résultats de la collaboration.

3. Commune de Pont-à-Celles

a) Exposé de M. Dupont, bourgmestre

M. Dupont déclare que dans la Z.I.P., à laquelle participe sa commune, les communes de type rural sont majoritaires.

Elle subit toutefois les retombées de l'extension de la petite criminalité de la banlieue de Charleroi.

L'on avait déjà réfléchi depuis longtemps à une présence de toutes les polices sur place, mais il y avait opposition de l'état-major de la gendarmerie.

Dans le protocole de la Z.I.P., il y a une répartition en temps selon une proportion de 45 % pour la gendarmerie et 55 % pour la police communale.

La Charte de sécurité de Pont-à-Celles est déjà signée, mais non encore en vigueur. L'ambiance entre les corps de police n'est pas toujours au beau fixe.

Les policiers communaux ont l'impression que les gendarmes sont les favoris du pouvoir.

Chez les deux polices se remarque un déficit au niveau de la circulation de l'information.

La police communale a de sérieuses préoccupations au niveau de la survie même de son coprs de police.

Vis-à-vis de la gendarmerie, la police communale subit l'effet de sa taille réduite et de sa dispersion par commune.

Aussi longtemps qu'ils restent petits et non fédérés, les corps de police communale ne seront pas pris au sérieux comme interlocuteurs.

Dès lors, M. Dupont insiste sur un meilleur appui de la P.G.R. ou de structures régionales à élaborer.

Il souhaite aussi que les centres de formation fassent de sorte que les moyens de la police augmentent, par exemple quant à la formation continue.

La gendarmerie n'est pas ressentie comme étant de trop et travaille bien du reste, mais face à ce corps, la police locale doit être renforcée.

Actuellement, celle-ci est indigente.

Dans ce contexte, le nouveau projet de loi ne peut pas être considéré comme la panacée.

En effet, selon le projet en question, le bourmestre ne saurait toujours pas gérer les infos, à défaut d'avoir la gestion des infos.

En outre, il n'a pas d'accès aux informations judiciaires.

b) Exposé de Mme Maxence, commissaire de police

Mme Maxence expose que sa commune est coincée entre deux grandes villes criminogènes.

Dans la Z.I.P., il y a 3 corps de police et 3 brigades de gendarmerie, qui représentent 80 personnes, dont 55 % de policiers et 45 % de gendarmes.

Le problème qui se pose à la base est effectivement que les policiers sont suspicieux quant au sort qui leur sera réservé tant individuellement qu'au niveau de la survie du corps.

Au niveau de la mentalité, il est vrai que certains vieux policiers ont de la peine à assumer la charge des gardes de nuit.

La gendarmerie, quant à elle, a recyclé son corps en le démilitarisant.

Pareille opération d'envergure est plus difficile à réaliser dans les petits corps. Dans ce contexte, l'on doit constater l'absence totale des écoles de police, qui se bornent à assurer la formation initiale.

Elle croit donc qu'il faut avancer lentement dans l'élaboration des chartes de sécurité, afin de laisser aux hommes de terrain la possibilité d'adapter leurs mentalités.

Si ce recyclage nécessaire ne s'opère pas, elle craint la réaction contraire, c'est-à-dire du sabotage.

Elle incrimine une fois de plus les écoles de police. Celle de Jurbise a par exemple omis d'organiser ne fût-ce que des cours pour les cadres de police, par exemple en matière de management et d'autres branches nécessaires à la bonne gestion d'un corps moderne.

M. Dupont déplore que tout cela a abouti à une situation où il n'y a guère de définition de ce qu'est un bon policier, alors qu'il y a un profil bien établi du bon gendarme. Dans les écoles de police, on en fait des sortes de Rambo , alors qu'il est clair que c'est là un type de fonction qu'il n'exercera jamais.

Il déplore que la préparation au vrai métier de policier soit totalement absente tandis que celle-ci est pourtant nécessaire afin de dépasser le stade d'amateurisme auquel se situent les écoles de police.

Mme Maxence indique que les policiers ont peur parce qu'ils se sentent délaissés.

Ils ont le sentiment qu'on va vers la police unique, ce qui crée des réticences sur le terrain.

c) Discussion

Un membre demande comment la commissaire Maxence voit s'opérer la restructuration du paysage policier à travers des Z.I.P.

Que pense-t-elle du projet Vande Lanotte, qui greffera une police locale sur la dorsale de la gendarmerie ?

M. Dupont pose la question de l'autorité sur les Z.I.P. En effet, si le bourgmestre n'a pas d'autorité sur les Z.I.P., comment peut-il avoir une autorité sur les policiers absents la nuit ?

Au sein des Z.I.P., le bourgmestre garde ses prérogatives dans sa seule commune. Sa nouvelle compétence est à voir par rapport à la charte.

Face à une police désunie, la gendarmerie est une police qui fonctionne bien.

À son avis, il faut instituer un organe ou une structure pour équilibrer celle de la gendarmerie. Il pense à la police générale du Royaume, qu'elle soit organe unique ou décentralisé.

Le même membre demande ensuite si la police de la Z.I.P. de Pont-à-Celles dispose d'un système d'information commun.

Mme Maxence affirme que le matériel est présent, mais pas encore mis en oeuvre.

M. Van der Beken tient à signaler qu'à Enghien, le matériel est présent et que le poste central en est raccordé à l'ordinateur de la gendarmerie et relié à la police générale du Royaume via des disquettes.

M. Crohain tient à dire qu'on ne peut admettre qu'un corps de police soit avantagé en théorie ou en pratique.

L'idée même d'une police de deuxième zone doit disparaître.

Pour ce faire, il faut une formation équivalente; il corrobore en cela la thèse de son collègue de Pont-à-Celles.

Il ne peut y avoir une structure basée sur la gendarmerie. Il y a une structure d'égalité à élaborer.

Il n'a pas abandonné les parcelles de son autorité de bourgmestre, mais il exprime des craintes par rapport au projet de loi nouveau modifiant la loi communale au niveau du rôle du bourgmestre.

Le même membre demande ensuite aux délégués de la gendarmerie comment ils conçoivent la mission de leur corps vis-à-vis du citoyen. Est-ce que leur premier rôle est la protection ou est-ce la répression ?

La police estime-t-elle de son côté que son statut social lui satisfait ?

Enfin, il souhaite avoir si, après la démilitarisation, les mutations courantes continuent, empêchant ainsi la stabilité des gendarmes affectés à une brigade.

Mme Maxence estime que la mission de chaque corps de police est d'assurer la prévention aussi bien que la répression.

La protection, qui est le sentiment subjectif des citoyens, entre dans le concept de la prévention.

M. Van der Beken rappelle une vieille maxime qui dit que la police judiciaire intervient là où la police administrative est défaillante.

Le même membre constate que les notions employées telles que « l'organisation », « la prévention », etc. sont surtout des termes techniques.

Lui-même vise surtout le sentiment subjectif de sécurité des gens.

Est-ce que l'approche de ce dernier aspect (psychologique) est prévue dans la formation des policiers ?

Mme Maxence prétend qu'à la police communale, une telle attitude existe depuis longtemps.

Ainsi, les gens se rendent d'office au commissariat, même si leur problème de sécurité dépasse le domaine purement répressif. Il faut également souligner le rôle social des agents de quartier.

M. De Thuin, commandant de la brigade de gendarmerie de Lutte, prétend que la gendarmerie a changé de mentalité depuis la loi de 1992, à tel point que le préventif est devenu un concept de base.

La nouvelle approche des phénomènes d'ordre public à la gendarmerie se résume en cinq mots : conseiller, dissuader, réguler, constater et réprimer.

Tous les plans d'action rencontrent ces cinq principes.

Mme Maxence répond à la question sur le statut social des policiers que, globalement, les policiers sont satisfaits de leur statut d'agents communaux.

De même se satisfont-ils du statut pécuniaire, sauf les commissaires adjoints, dont le barème comporte trop peu d'écarts avec celui des inspecteurs de police principaux.

Comme ils ne sont pas rémunérés pour les heures supplémentaires, ils gagnent parfois moins que leurs subalternes qui, eux, ont droit à des primes de nuit et de week-end.

Par ailleurs, un agent qui se spécialisait, pouvait jadis obtenir des primes en fonction de ces activités, comme le maître-chien, ou le moniteur de tir. Actuellement, ceci ne figure plus dans le nouveau statut.

Le même membre souhaite que soit précisé si les réajustements budgétaires au sein de la police ont été orientés prioritairement vers l'amélioration des appointements.

Un membre demande où en est l'intégration des femmes dans la police et quel est l'avis des intervenants concernant la taille minimum des agents.

Un autre membre a appris que la police craignait de disparaître. Ne serait-ce pas justement une garantie de meilleur statut ? Il y aurait en effet ainsi une police de base où chacun aurait la même formation et la même rémunération.

Un autre membre constate que la formation d'un agent de police diffère selon les régions. En outre, les différences de statut entre la police et la gendarmerie ont fait naître en réalité deux sortes de corps, un vieux et un jeune. Elle estime que les deux services de police (la gendarmerie et la police) doivent coopérer et que pour cela les statuts ne peuvent pas être différents en matière d'âge de la retraite et d'indemnités pour les patrouilles de week-end et de nuit. En plus, dans la police communale, on a encore le phénomène de la police rurale, dont le statut est différent.

M. Dupont indique qu'à son avis, ce ne sont pas tellement les statuts pécuniaires divergents qui font obstacle à une bonne collaboration. C'est plutôt le contexte global qui stresse les gens des services policiers.

En ce qui concerne la police rurale, elle n'avait pas tant d'exclusives vis-à-vis d'une transformation en corps de police citadine si ce n'est que, parce que c'est une vieille police, ses membres craignent les activités pendant les soirées et les nuits.

À Pont-à-Celles, l'on a tenu compte de cet écueil en limitant l'obligation de patrouiller aux jeunes agents. Dix personnes plus âgées échappent ainsi à la tournante.

Mme Maxence expose que le plus grand nombre de policiers féminins se trouve à la police communale et parmi celles-ci le plus grand nombre se trouve dans les cadres moyens.

L'intégration des femmes dépend des chefs de corps. Il est un fait que certaines normes sont trop sévères. La question de la taille est effectivement un problème. Ce n'est en effet pas la taille, mais la personnalité qui compte.

M. Van der Beken déclare qu'il a deux femmes policiers dans son corps. Si au début, il y a eu quelques craintes et sarcasmes à leur égard de la part de leurs collègues masculins, il n'a pas fallu longtemps avant qu'elles se fassent accepter. Il faut toutefois signaler qu'elles avaient toutes les deux une expérience dans des grands corps.

Selon lui non plus, la taille n'a aucune importance.

Un membre expose que selon lui, la norme de la taille ne fait que confirmer ce qu'il prétendait déjà, c'est-à-dire que la police porte encore trop la marque de sa tradition répressive. Selon cette tradition, le policier doit impressionner, alors qu'en fait ce sont les capacités qui devraient jouer.

Un autre membre prétend que les policiers en milieu rural ont encore beaucoup d'appréhension contre la collaboration avec la gendarmerie.

Lors des collaborations inter-polices en Hesbaye, il n'y avait guère de problèmes.

Avec la gendarmerie en général, il y a également de bons rapports à la base et sur le terrain.

Les problèmes se posent au niveau supérieur.

La gendarmerie a un ministre qui la défend, et ceci est normal, puisqu'il est le chef.

Il incombe aux municipalistes de défendre la police communale, et, dans ce contexte, les municipalistes doivent être un relais fiable.

Ce n'est pas la formation de base des policiers qui est défaillante, mais bien la formation continuée.

Cela ne fait qu'arranger l'état-major de la gendarmerie.

Eu égard à ces circonstances, il désire poser trois questions aux orateurs :

1) Êtes-vous satisfaits de l'échange d'informations ?

2) Comment évaluez-vous la mise en place d'équipes mixtes police/gendarmerie ?

3) Peut-on envisager des équipes mixtes au niveau du dispatching ?

M. Van der Beken indique qu'à Enghien, en ce qui concerne l'échange d'informations, la police s'est engagée pour ses domaines d'activités à les tenir à jour. La gendarmerie en fera de même pour ses domaines.

Les équipes mixtes constituent un problème. Un policier commandé par un gendarme et vice-versa serait mal perçu et est même impossible vu l'absence de liens hiérarchiques.

En ce qui concerne le dispatching, Enghien dépend du méga-district de Mons. Suite à un appel, le dispatching envoie un message à l'officier qui est de garde selon la charte de sécurité, même si c'est un membre de la police communale.

Mme Maxence dit que l'informatisation a apporté une plus-value.

Il est temps que la police dispose d'un ordinateur relié à un seul système pour tout le pays.

M. Mathy fait observer que cela poserait problème au niveau de la loi sur la protection de la vie privée. Le système peut être commun, pourvu qu'il soit muni de filtres.

Mme Maxence trouve que par un pareil raisonnement, on met tout de même beaucoup de freins au travail policier. La loi sur la protection de la vie privée impose de dénoncer à la Commission de protection sur la vie privée la communication du casier judiciaire. Mais n'est-ce pas un non-sens pour un travail aussi intimement lié à la fonction de police ?

M. Dupont persiste à prétendre qu'il faut fédérer au niveau communal afin de devenir un interlocuteur unique.

4. Commune d'Oostkamp

a) Exposé de M. Van Parijs, bourgmestre

M. Van Parijs explique que sa commune, qui compte 21 000 habitants, est associée au sein d'une Z.I.P. avec celles de Beernem (21 000 habitants) et de Zedelgem (14 000 habitants).

La charte de sécurité a été signée à Oostkamp le 27 février 1997. Beernem a signé le 3 mars 1997 et Zedelgem signera fin mars.

Il ne voit pour l'instant qu'un seul problème technique : le manque de communication entre la gendarmerie et la police.

Pour le reste, il y a une collaboration constructive entre les deux corps. Le rapprochement avec la gendarmerie s'est fait d'abord sur le plan communal et, ensuite, les trois communes se sont concertées.

On a examiné la proposition de la gendarmerie et cet examen a débouché sur l'adoption d'un texte lors de la concertation pentagonale du 4 février 1997.

Ce texte définit les spécialités de chaque corps et organise en outre une permanence de 24 heures.

Il donne ensuite quelques exemples de « spécialités » :

­ La gendarmerie prend à son compte les infractions en matière d'environnement et de grands vols.

­ La police prend en charge les infractions en matière d'urbanisme.

En ce qui concerne la permanence de 24 heures, de 70 à 75 policiers sont prévus au sein de la Z.I.P. Une proportion 50/50 % se réalisera graduellement avec la gendarmerie :

­ 40 % de police en 1997;

­ 45 % de police en 1998;

­ 50 % de police en 1999.

La Z.I.P. couvre 21 000 ha et compte 56 000 habitants.

Les principaux phénomènes délictueux y sont les vols et les accidents de la circulation.

Le nombre des vols a diminué de 1995 à 1996. À quoi est-ce dû ? Peut-être à une surveillance renforcée et à la coopération qui existait précédemment dans le cadre d'une permanence avec Zedelgem.

b) Exposé de M. Sercu, commissaire de police

M. Sercu fait lui aussi allusion à cette première coopération policière avec Zedelgem, en 1993. Il a trouvé que c'était là une expérience utile en tant que préparation aux Z.I.P.

La nouveauté réside dans la participation accrue à des permanences, où la rencontre de différentes parties mène à un consensus difficile.

La police a en tout cas adopté un comportement constructif.

Il aurait été préférable de partir d'une autre constellation pour la police et de créer par exemple au préalable une superstructure pour les trois corps de police communale concernés.

c) Exposé de M. Van Hamme, commandant de la brigade de gendarmerie d'Oostkamp

M. Van Hamme tient à souligner que sa brigade n'a pas attendu la charte de sécurité pour coopérer avec la police.

Il existait déjà précédemment un protocole délimitant le territoire auquel les deux services de police se consacreraient prioritairement, à savoir les voies de communication pour la gendarmerie et le reste du centre pour la police.

Il n'y avait toutefois pas à l'époque d'approche en fonction des phénomènes.

L'avantage des Z.I.P. est de permettre une coordination mieux structurée.

Le fait que la police communale a bien voulu coopérer à la permanence de 24 heures doit être qualifié de positif.

Jadis, la brigade devait faire appel à d'autres collègues et, de plus, tenir compte de priorités fédérales.

d) Discussion

Une membre constate qu'à Oostkamp, la règle des 50/50 % est possible. Mais cela ne s'est-il pas fait au détriment de la prévention ?

M. Van Parijs confirme que c'est là un défi. La police devra en tout cas accomplir davantage de travail policier et abandonner des tâches administratives.

On peut compter sur un effectif de 30 gendarmes et 35 policiers.

La question des prestations de week-end et des prestations nocturnes reste posée.

Pour l'instant, on a conçu un système de 38 heures s'étendant sur 7 jours. Chacun fait son travail sans compensation. Les heures supplémentaires sont payées.

Un autre membre est d'avis qu'il y a un exercice à faire dans les Z.I.P. au niveau de l'autonomie communale.

Il demande une fois de plus ce que pensent les orateurs d'une police de base axée sur une dorsale de la gendarmerie.

Faut-il privilégier la répression ou la protection ?

Le statut social du policier leur semble-t-il être satisfaisant ?

La stabilité des gendarmes est-elle en bonne voie ? Sent-on déjà les signes de la démilitarisation ?

L'augmentation du budget de la police a-t-il surtout servi à majorer les appointements ?

M. Van Parijs fait observer qu'en ce qui concerne le rôle du bourgmestre, celui-ci se trouve engagé dans une situation nouvelle pour ce qui est de son autorité. Il n'existe de réglementation que pour la police communale.

Pour la gendarmerie, il n'y a qu'une procédure de réquisition dont les modalités sont complexes. On devra donc compter avant tout sur la bonne volonté.

La police doit surtout intervenir préventivement et remplir une fonction sociale.

Aller à la population est la philosophie de base de la Z.I.P.

C'est d'ailleurs fondamental pour notre système démocratique.

Le système des Z.I.P. requiert en général un grand investissement, tant en personnes qu'en argent.

M. Sercu estime que la répression et la prévention s'équivalent en tant qu'objectifs.

On commence en principe par la prévention; cela correspond à une façon de concevoir les choses. On commence par une présence sur le terrain. Cela requiert également un certain état d'esprit individuel.

La répression est nécessaire. Elle requiert un appareil policier plus fort que l'agent de base. La prévention ne peut toutefois pas être la préoccupation principale et elle ne doit pas être aussi présente.

À Beernem, il y a trop peu de policiers de sorte qu'ils sont accaparés entièrement par les prestations de permanence. Ce n'est pas une situation saine.

Pour le reste, chaque corps conserve sa spécificité, ce qui n'est pas mauvais en soi.

La police communale revêt un caractère préventif nettement plus prononcé.

Le statut social ne pose pas de problèmes notoires; les prestations du soir et du dimanche non plus.

Seuls les samedis posent problème. Chaque commissaire doit négocier séparément, ce qui donne des résultats allant de 0 à 100 % d'indemnité supplémentaire.

Un règlement fédéral s'impose.

Un membre demande s'il ne serait pas préférable d'introduire un statut financier uniforme pour éliminer progressivement toute jalousie.

M. Van Parijs souligne qu'on a déjà éliminé les distinctions entre les différents corps de police communale. Seul le travail du samedi continue à poser problème. La difficulté réside dans le fait qu'un régime aurait également des répercussions sur les autres membres du personnel communal.

M. Van Hamme déclare qu'il y a eu une évolution importante au sein de la gendarmerie. Auparavant, on négligeait les aspects proactifs.

Depuis trois ans, chaque phénomène est abordé de manière structurée, de la réglementation à la répression.

Il serait en effet préférable d'avoir un statut social identique pour tous les services de police.

Dix ans de palabres, n'ont pas permis de progresser beaucoup dans ce domaine.

Pour ce qui est des mutations, il n'y en a plus eu aucune dans sa brigade depuis huit ans. Auparavant, les gendarmes étaient désignés d'office. Aujourd'hui, les désignations s'effectuent uniquement sur demande. En outre, quand c'est nécessaire, on fait intervenir un critère objectif, à savoir le résultat obtenu aux examens.

La démilitarisation a été initiée il y a cinq ans. Son objectif principal est de réaliser la transition vers un service civil.

On a pu constater la différence lors des négociations sur les Z.I.P. La hiérarchie n'a joué, en ce qui le concerne, aucun rôle. On lui demandait uniquement de faire rapport à l'état-major.

Il n'y a pas de problèmes au niveau des moyens financiers : on peut tout obtenir si c'est justifié. Ainsi, le vieux bâtiment de la brigade sera bientôt remplacé par un nouveau. On peut dire qu'on ne manque pas de moyens financiers.

En matière d'heures supplémentaires, il y a eu de sérieuses restrictions. On est tenu à une justification financière stricte, qui l'a contraint de renoncer progressivement au système.

Une autre membre demande comment se déroulent les actions de prévention et s'il y a des actions en vue d'augmenter la proportion de femmes dans la police.

M. Van Parijs déclare que le recrutement fait l'objet d'une politique de discrimination positive. Ces dernières années, 3 agents sur les 16 recrutés étaient des femmes.

M. Sercu déclare que la prévention est axée sur des thèmes spécifiques. Il y a eu ainsi une campagne sur le thème des cambriolages dans les habitations qui comprenaient les éléments suivants :

­ auditions de la population;

­ collaboration avec la gendarmerie;

­ subvention des mesures de prévention prises par les particuliers.

On a également entamé des actions orientées sur le vandalisme et les vols de vélos.

Dans son unité, il n'y a pas de discrimination envers les femmes et il n'y a aucun problème à cet égard.

L'intervenante précédente demande à M. Sercu de donner un exemple concret de l'ouverture d'un dossier. Qui fait quoi d'après les accords conclus ?

Pour M. Van Damme, il n'y a pas de problème au niveau de la Z.I.P. Certains phénomènes sont confiés en priorité à un corps déterminé.

Le citoyen a le choix pour déposer plainte. Le corps de police choisi reçoit la plainte et la transmet au service compétent. Le citoyen en est avisé dès le départ.

On s'est efforcé de définir tous les phénomènes.

Seule la procédure est encore assez floue : on y trouve des notions telles que « le plus rapidement possible, par fax, par courrier, etc. »

III. LE COMITÉ SUPÉRIEUR DE CONTRÔLE

1. Audition du ministre de la Fonction publique, M. A. Flahaut

A. Exposé du ministre

Le ministre tient à formuler quelques observations préalables au sujet du remue-ménage qui prévaut actuellement autour du Comité supérieur de contrôle.

Il note d'abord que l'essentiel des critiques vient du côté flamand, tandis qu'elles émeuvent moins l'opinion publique francophone.

Ensuite, il insiste sur le fait que son exposé sera incomplet, étant donné qu'il attend un rapport du Comité P sur le fonctionnement interne du C.S.C.

Il esquisse ensuite un historique du C.S.C. qui aboutit finalement au moment où, suite à l'audit des services publics fédéraux, il est transféré des services du Premier ministre à ceux du ministère de la Fonction publique et des Affaires générales, qui est une toute nouvelle administration.

Selon le rapport d'audit, la logique de ce transfert réside dans le fait que le Comité a été créé surtout pour effectuer des enquêtes administratives dans des matières spécialisées comme les marchés publics et les subsides.

Les tendances ont toutefois été renversées puisqu'à l'heure actuelle, 95 % des enquêtes portent sur des affaires judiciaires.

Ceci tient notamment au fait que bon nombre d'enquêteurs sont devenus officiers de police judiciaire.


Dès le transfert au ministère de la Fonction publique, il a constaté trois sortes de suspicions qui circulent parmi le personnel :

1. Il aurait la volonté de « tuer » le C.S.C. Il dément catégoriquement que l'outil soit démantelé. À la limite il peut être transféré à une autre entité, mais cela se fera dans sa globalité.

2. Il n'est pas question, comme le disent d'aucuns, d'enlever la qualité d'officier de police judiciaire aux agents du C.S.C.

3. Les problèmes de bâtiment et de barèmes existent mais seront résolus.


Le mauvais climat au sein du C.S.C. est la résultante d'une évolution constante qui a trait au « démarquage » de terrain des acteurs principaux.

En fait, le ministre n'a pas de pouvoir à cet égard, mais uniquement un pouvoir de tutelle. Il n'intervient pas dans le fonctionnement au niveau judiciaire.

Dans ce dernier domaine, il n'a aucun pouvoir, ni aucun accès aux dossiers. C'est le juge d'instruction qui suit le travail des enquêteurs.

Le dernier problème qui a été à la base de sérieuses discussions est l'organisation des cours de formation.

Le statut des enquêteurs implique la participation à des cours organisés par le ministère de la Justice, qui sont une condition pour accéder à la qualité d'officier de police judiciaire.

Alors que d'abord, les agents ont refusé, au motif qu'ils ne voulaient pas entraver leurs travaux, ils ont ensuite accédé à la demande insistante du ministre, mais cela a eu comme conséquence qu'ils ne suivaient plus leurs dossiers.

§ 2. Échange de vues

Un membre demande si le ministre estime comme un bienfait le maintien des enquêtes administratives dans les compétences du C.S.C.

Le ministre estime que le maintien de ce volet d'activités se justifie amplement, mais constate qu'il est « étouffé » de fait par manque de temps.

Un sénateur a pris connaissance de la liste des enquêtes insignifiantes récentes qui, selon le président du C.S.C., empêchent celui-ci de remplir ses missions essentielles. Pourtant cette liste n'est pas impressionnante. Il a déjà demandé précédemment, dans une question écrite, qu'on lui fournisse une liste exhaustive mais il n'a pas encore obtenu de réponse.

N'est-il pas possible, en tout cas, au lieu de se plaindre constamment du trop grand nombre d'enquêtes judiciaires, de demander aux autorités judiciaires d'être plus sélectives pour ce qui est de l'attribution des missions ?

Le ministre déplore cet état de choses. En fait, le Comité est victime de sa compétence d'abord et ensuite du fait qu'il est considéré parfois comme une réserve pour la police judiciaire. C'est surtout ce dernier élément qui amène le C.S.C. à devoir s'occuper du « rebut » des enquêtes. Il est déplorable qu'il ne puisse refuser les enquêtes, et il serait intéressant d'envisager en faveur du C.S.C. une possibilité de refuser certaines missions qu'il serait plus indiqué de confier à d'autres corps de police. Il prie par ailleurs le sénateur de l'excuser de l'absence de réponse à sa question écrite.

Un autre sénateur estime que l'inquiétude des enquêteurs à propos de l'avenir du C.S.C. est absolument fondée.

Ils ont constaté que le soutien financier de leurs activités va surtout à des dossiers administratifs, ce qui est quand même surprenant.

En ce qui concerne la structure actuelle, l'on ne saurait nier que le président du C.S.C. joue un rôle singulier, car, si sa fonction réelle n'est pas de mener des enquêtes judiciaires, il n'est pas moins chargé de missions judiciaires. La justice désapprouvera t-elle cet état de choses ou l'objectif est-il de maintenir artificiellement ce rôle vague ?

Par ailleurs, l'on met de plus en plus souvent le comité sur la touche depuis qu'il est apparu que des informations avaient été communiquées à des suspects dans le cadre d'une enquête. La persistance de situations aussi ambigues ne fera qu'entretenir l'inquiétude dans les esprits. Pourquoi ne dépose-t-on pas des lois projet de loi en vue de résoudre les problèmes ?

Il souhaiterait également disposer d'un aperçu des résultats financiers des enquêtes.

Un troisième intervenant demande quand le Gouvernement prendra finalement position, indépendamment du ministre dont le C.S.C. dépend.

En effet, il est difficile de faire la différence entre les enquêtes administratives et les enquêtes judiciaires. Dès lors, il faut apporter une réponse fondamentale à la question de savoir quelle doit être la place du C.S.C. dans le paysage policier et quels doivent être ses rapports avec le ministère public. Cela vaut d'ailleurs aussi pour ce qui est du comité P, dont le contrôle extérieur est manifestement vidé de son contenu.

En l'espèce, la question est de savoir si le Gouvernement souhaite créer un service de lutte contre la corruption, ou s'il veut continuer à confier un double rôle au C.S.C.

Le ministre a l'impression que le projet de loi auquel le sénateur fait allusion est le précédent projet, qui est déjà dépassé par les événements.

Il constate avec regret que plus les projets se précisent, plus il y a des remous. Ceci est toutefois compréhensible, puisque les agents concernés veulent se positionner et cherchent à protéger leurs acquis.

Le ministre répond que si le C.S.C. reste sous sa tutelle, comme c'est prévu dans son projet, le Collège aura le rôle de répartir les affaires.

Si le C.S.C. est surchargé, il y aura renvoi au parquet.

Si par contre il devient dépendant de la Justice, il constituera sans doute une brigade séparée de la police judiciaire.

Mais dans ce cas, il faut un autre outil pour assumer le bon fonctionnement du volet administratif.

Un sénateur demande pourquoi le C.S.C. n'est pas doté des moyens suffisants pour fonctionner correctement (cf. l'émission « Les pieds dans le plat »).

Le ministre répond que des économies ont été imposées à tous les départements.

Le problème du libre-parcours des enquêteurs pour le réseau de la S.N.C.B. a trouvé une solution. Grâce à une convention passée entre le C.S.C. et la S.N.C.B. : on a su sauvegarder le libre parcours sans coûts supplémentaires en donnant à la S.N.C.B. des avantages en nature (cours de formation aux agents de la police ferroviaire...).

Un sénateur soulève un autre problème du C.S.C. : celui des nominations politiques.

Il s'insurge contre le fait que certains responsables du C.S.C. aient donné des renseignements aux membres de leur parti, et regrette ces pratiques.

Puisque c'est une petite administration, l'on pourrait commencer la dépolisation par là.

Quant aux nominations critiquées des responsables du C.S.C. le ministre répond n'avoir participé a aucune d'elles et n'avoir remarqué aucune tentative d'influence dans les « affaires » révélées dans la presse. Tous les fonctionnaires du C.S.C. travaillent correctement.

Le ministre ajoute que les fonctionnaires sont immuables, tant qu'ils n'ont pas commis de fautes.

Ce n'est pas le cas des membres du Collège, qui sont désignés de façon politique.

Un sénateur fait remarquer que la question est précisément de savoir si l'on ne devrait pas mettre fin à ces nominations politiques.

Ensuite, il s'étonne que le Gouvernement refuse de préciser ce qu'il compte faire à l'avenir, bien qu'il existe déjà un projet.

Le ministre répond qu'il s'est interrogé sur le rôle du Collège, et que le projet est en préparation. Ce projet est actuellement soumis à l'avis de la direction.

Le Collège ne se réunit que très rarement. Il ne pourrait fonctionner décemment que s'il s'agissait de magistrats. Quant à l'administration, elle dispose d'un statut qui la protège, et l'on ne peut pas le modifier comme on voudrait.

Un sénateur a entendu le ministre affirmer que le comité n'est pas politisé quant à son fonctionnement.

Son étonnement concernant les réactions flamandes est normal, étant donné que toutes les personnes mise en cause appartiennent au P.S.

Comment se fait-il que le ministre ne connaisse pas l'administrateur général adjoint ? Ne serait-ce pas, parce qu'il l'a mis en quarantaine en envoyant une note dénonçant son manque de discrétion ?

Le ministre répond qu'il a reçu tous les responsables de son département, et que lors de sa rencontre avec la hiérarchie du C.S.C., M. Vermeulen était absent.

Un sénateur signale que c'est cette même hiérarchie, qui se trouve sous la responsabilité du ministre, qui a empêché M. Vermeulen de participer à cette rencontre.

Le ministre explique qu'il a évité d'inviter M. Vermeulen par après, pour ne pas paraître partial vis-à-vis de ses supérieurs.

Un membre revient sur la qualité d'O.P.J. conférée aux enquêteurs et demande que l'on prenne tout de même des mesures au niveau de cette compétence, dès lors qu'on constate un dysfonctionnement à ce niveau-là.

Quant aux indiscrétions de M. Vermeulen, et d'autres, le ministre indique que pour mettre en marche une procédure disciplinaire, il faut une audition par un fonctionnaire bilingue du même grade.

Le ministre veut bien lancer une telle procédure, mais s'il s'avère que M. Vermeulen a des preuves, et qu'il dépose plainte, l'enquête dusciplinaire est tout de même suspendue.

Dans ces circonstances, il en ferait une victime en lançant la procédure de façon irréfléchie.

En plus s'il est O.P.J., le fonctionnaire dispose d'un double statut disciplinaire et le ministre ne saurait intervenir si la faute relève de la mission judiciaire.

2. Audition de M. De Smedt, président du
Comité Supérieur de Contrôle

§ 1. Exposé de M. De Smedt

M. De Smedt est conscient de ce que les déclarations faites récemment sont fort préjudiciables à l'image du C.S.C.

Il tient tout d'abord à préciser que le communiqué publié au nom du C.S.C. n'a pas été rédigé par lui, mais par Mme De Man, qui le remplaçait pendant son absence.

M. De Smedt explique brièvement comment est né le conflit avec M. Canneel.

À son arrivée au C.S.C., M. Canneel était déjà directeur général et M. De Smedt lui promit, à l'époque, qu'il recueillerait toujours son avis avant de prendre une décision.

De son côté, M. Canneel adopta l'attitude inverse, diffusant par exemple d'emblée des circulaires sans en informer son président (ce qui est contraire à l'article 1er du règlement organique).

Si le président, tout comme d'ailleurs le procureur général, n'est pas officier de police judiciaire, il n'en a pas moins une mission légale à remplir.

Vu que cette manière de procéder réduisait son rôle à celui de simple boîte à lettres, M. De Smedt précisa, dans une circulaire de 1992, que si la loi de 1962 avait conféré la qualité d'officier de police judiciaire à certains enquêteurs du C.S.C., ceux-ci n'en restaient pas moins des fonctionnaires et devaient respecter la règle suivant laquelle les missions étaient attribuées par l'intermédiaire du président.

Le Premier ministre lui conseilla de soumettre sa circulaire pour avis au Collège des procureurs généraux, qui partagea son point de vue.

Cette circulaire est l'un des points dont M. Canneel prit ombrage.


Un incident lié à une enquête sur M. Delcroix constitua l'étape suivante du conflit.

Après qu'une perquisition eut été effectuée au domicile de M. Delcroix, ce dernier sollicita de M. De Smedt un entretien que celui-ci lui accorda. Il fut exclusivement question du fonctionnement général du comité, M. De Smedt ayant signifié expressément au ministre qu'il n'évoquerait pas des affaires en cours.

La presse, peut-être à l'initiative de M. Canneel, fit état de cet entretien, ce dont l'intéressé profita en tout cas abusivement pour jeter le discrédit sur M. De Smedt et demander à ses subordonnés de ne plus lui transmettre de documents.

M. De Smedt réagit en déposant plainte pour diffamation et en adressant une lettre au Roi. Il estimait que l'on avait porté atteinte à son honneur de magistrat indépendant.

En outre, il n'a plus souhaité avoir affaire à MM. Canneel et Vermeulen. Son autorité avait été sapée à un point tel que les P.V. étaient désormais transmis au parquet sans avoir été visés par lui.

Aujourd'hui encore, en dépit de la directive du Premier ministre, M. Canneel continue à transmettre les P.V. au parquet sans passer par lui.

M. De Smedt a fait savoir à MM. Canneel et Vermeulen qu'il se réservait le droit d'informer par écrit le procureur de cette irrégularité et de contester la validité de l'enquête.

M. Canneel a par ailleurs fait effectuer des enquêtes administratives, sans avoir aucune autorité pour ce faire. Pour éluder la question de la compétence, il fut rédigé alors vite un P.V.


En plus de cela, il y a également la controverse sur la personne de M. Vermeulen.

M. De Smedt souligne que M. Canneel s'est employé à faire nommer M. Vermeulen au C.S.C.

M. Canneel se mit ensuite en devoir de devenir greffier du collège du comité. À cette fonction, il fit alors nommer M. Vermeulen adjoint bilingue. Par la suite, M. Vermeulen suivit son protecteur dans ce rôle à l'administration.

Ils se liguèrent contre M. De Smedt, alors que ce dernier s'efforçait de préserver la transparence et la consultation réciproque en cas de plainte.

Pour éluder cette transparence, ils conçurent un nouveau type d'O.I. (« Ordre d'informer », B.O. « Bevel tot Onderzoek »).

Dès qu'une affaire comportait un élément pénal, ils la baptisaient O.I.

À partir de ce moment, ils ne l'informèrent plus de rien.

En agissant ainsi, ils couraient délibérément le risque de voir annuler certains actes d'instruction pour cause d'incompétence, ce qu'il aurait pu leur signaler s'ils l'avaient consulté.

Il y eut ainsi le cas des parastataux de la loi de 1954, pour lesquels le Comité n'était pas compétent d'office.

S'il est vrai que, dans de nombreux cas, le C.S.C. peut invoquer depuis toujours sa mission permanente d'enquête, dans d'autres, une autorisation spécifique du ministre de tutelle est requise.

Autrefois, l'on disposait de sections spécialisées, à La Poste et à la S.N.C.B.

La S.N.C.B. a toutefois retiré cette compétence lorsqu'elle est devenue entreprise publique autonome.

La loi du 26 février 1962 attribuant aux enquêteurs la qualité d'officier de police judiciaire fait référence à cette loi de 1954.

Quand le Comité n'était pas compétent pour les missions administratives, lui-même comme M. Canneel jugeaient normal qu'il ne le soit pas non plus pour les missions judiciaires.

À un moment donné, le parquet envoya une apostille relative à la S.N.C.B.

M. Canneel l'a renvoyé au parquet sans y donner suite. M. De Smedt contesta cette intervention incontrôlée de M. Canneel dans un courrier séparé, dans lequel il rappelait ses prérogatives de président et sollicitait l'avis du Collège des procureurs généraux. Dans une affaire similaire, en effet, ce collège avait considéré comme nulle et non avenue une enquête du C.S.C. relative à un C.P.A.S. qui, disposant d'une personnalité juridique propre comme institution publique autonome, ne pouvait être une filiale ou un service d'une commune.

La Cour de cassation avait cependant jugé que les services communaux comprenaient également le C.P.A.S.

Suite à cet incident, le procureur général écrivit au Premier ministre pour l'inviter à obliger M. Canneel à respecter l'autorité du président du C.S.C.

M. Canneel refusa d'obtempérer.

Le président du C.S.C. se trouve dès lors dans une position délicate : d'une part, il dirige le comité, mais, d'autre part, il n'a pas de moyens coercition pour imposer son autorité. Il ne peut prendre des sanctions concernant les missions judiciaires. C'est là une situation malsaine.

§ 2. Échange de vues

Un sénateur demande sur quoi repose l'autorité du président ?

M. De Smedt se réfère à l'article premier du règlement organique.

L'intervenant demande pourquoi, dans ce cas, le président n'a pas tiré la sonnette d'alarme ?

M. De Smedt répond qu'il a toujours informé les personnes compétentes, mais qu'il se refuse à régler ses problèmes par le biais de la presse.

Il a bien écrit à son ministre de tutelle et au procureur général pour se plaindre de la situation, mais à ce jour, ni l'un ni l'autre n'ont réagi, sauf dans un seul cas.

Dans une lettre datée du 20 mai 1991 par laquelle il lui communiquait le point de vue du Collège des procureurs généraux, le Premier ministre invitait M. Canneel à retirer sa note de service nº 583 controversée.

À la suite de quoi une amélioration intervient dans les enquêtes administratives.

On continue toutefois à transmettre les P.V. sans les porter à sa connaissance.

Un autre sénateur demande pourquoi il aurait écrit au Procureur général que les dossiers de la « smeerpijp » n'étaient pas soumis à son visa, et dès lors entâchés de nullité ?

M. Desmedt répond que cela ne s'est pas produit.

À la question de savoir s'il n'a rien convenu dans ce sens avec M. Delcroix, il répond qu'il reçoit toujours tous ceux qui en font la demande. En cas de difficultés, il renvoie toujours les personnes qui viennent le trouver au ministre compétent.

Il est vrai qu'il a eu un entretien avec M. Delcroix à la demande de ce dernier, après avoir d'abord été reçu par son chef de cabinet, M. Roelant.

Il n'a cependant jamais parlé avec lui du « smeerpijp ». À l'époque, ils ne s'étaient entretenus que du fonctionnement du Comité en général.

Un troisième intervenant demande s'il n'aurait pas organisé les fuites relatives à ce dossier.

M. De Smedt dit qu'il n'a organisé absolument aucune fuite, mais qu'il sait pertinemment bien que M. Vermeulen l'a pris en filature lorsqu'il s'est rendu chez le ministre, ce qui est tout à fait inconvenant. Il aurait, en outre, pensé pouvoir exercer le chantage sur lui ultérieurement.

L'intervenant suivant dit ne pas croire à l'impartialité de M. De Smedt, qui s'est permis d'organiser un entretien avec M. Delcroix à un moment aussi crucial de l'enquête menée à sa charge.

Un sénateur demande à M. De Smedt, à propos des observations qu'il a faites concernant des P.V. non visés, s'il sait si, parmi ces P.V. il y en avait concernant le « smeerpijp ». En d'autres termes, sait-il quelque chose du dossier Delcroix et plus précisément, des cahiers de notes qui ont été saisis ?

M. De Smedt dit n'en rien savoir. Et, au cas où le ministre Delcroix l'aurait interpellé sur l'affaire, il l'aurait renvoyé aux autorités compétentes.

L'intervenant demande ensuite si M. De Smedt ne laisse pas M. Canneel agir à sa guise à propos des dossiers en question, qui sont des dossiers sensibles politiquement, ou si son attitude est simplement inspirée par une question de personnes, c'est-à-dire par une lutte pour le pouvoir.

M. De Smedt prétend que tout vient d'une simple querelle de personnes sur une question de compétences, mais il ajoute qu'un juge d'instruction aurait dit que les pièces ne devaient pas être visées par le président.

L'intervenant demande si M. De Smedt a quelque idée des proportions relatives entre les affaires sérieuses et les affaires futiles.

M. De Smedt signale qu'il faut avant tout faire une distinction entre les enquêtes administratives et les enquêtes judiciaires.

Les enquêtes administratives résultent de l'article 35 de l'arrêté royal organique. Théoriquement ce bloc de compétences est important.

Toutefois, comme M. Canneel concentre tout sur les enquêtes judiciaires, il ne lui reste plus de temps pour les enquêtes administratives.

M. De Smedt déclare qu'il n'est pas d'accord.

Le contrôle des marchés publics est presque inexistant. Plus aucun spécialiste n'a été recruté pour en assurer le suivi.

Le Premier ministre a été averti de tout cela.

Du reste, un cadre d'environ 100 enquêteurs peut difficilement exercer un bloc de compétences aussi large, et ce, d'autant moins qu'on ne dispose jamais effectivement de 100 enquêteurs.

Il faut savoir, notamment, que 3 d'entre eux sont détachés au cabinet du ministre Flahaut, 2 à la S.N.C.B. et 2 à la cellule chargée d'enquêter sur le blanchiment d'argent et puis, il y a toujours quelques personnes qui sont en congé de maladie, en congé sans solde, etc.

Il faut bien comprendre que le champ d'action du C.S.C. couvre l'ensemble du pays et qu'il doit se débrouiller avec une équipe qui est à peine plus grandes que les effectifs de la police judiciaire de Courtrai, par exemple.

Lorsqu'un contrôle donne lieu à une enquête judiciaire, il faut atteler un enquêteur à temps plein à celle-ci.

Il faut tenir compte, outre du manque d'effectifs, du manque d'homogénéité de la compétence en question.

Si le C.S.C. est compétent pour les communes et les provinces, il ne l'est pas pour les intercommunales.

En ce qui concerne les communes la compétence en ce qui les concerne est à son tour limitée, puisque celle-ci est simplement judiciaire et non pas administrative.

Un membre demande si la police judiciaire ne saurait pas assumer une part des tâches.

M. De Smedt est hostile à une telle idée. En effet, une matière spécialisée à l'extrême comme celle-ci nécessite un organe spécifique unique. La police judiciaire n'est pas à même de s'en occuper, faute de formation. Si l'on la chargeait de s'en occuper, l'on gaspillerait de l'énergie.

Une coopération est certes nécessaire, mais il ne faut pas qu'elle engendre des abus.

À l'heure actuelle, le C.S.C. fait trop souvent office de planche de salut lorsque la police judiciaire ou la gendarmerie ne suffit pas à elle seule pour mener une enquête.

Un sénateur estime que l'exposé de M. De Smedt témoigne d'une vision inadaptée à l'actualité des services de police. Il prouve en tout cas que la façon dont le C.S.C. travaille actuellement n'est pas celle qu'il faut pour pouvoir obtenir les résultats souhaités.

Cela le conforte dans sa conviction qu'un service de contrôle administratif ne peut pas exercer de tâches judiciaires, sans quoi d'autres services dressait un écran lorsqu'ils entrent en concurrence. Il estime qu'il y a lieu de créer, en Belgique, un seul grand service anticorruption. À défaut, tout ira à l'eau.

M. De Smedt déclare qu'il n'a pas le choix. Il doit respecter l'arrêté organique. Le reste est de lege ferenda .

Sur ce dernier point, il tient quand même à dire qu'il a l'impression qu'il faut, non pas tellement réorganiser un organisme donné pour en assurer le bon fonctionnement, mais disposer de personnes de bonne volonté.

En ce qui concerne le C.S.C., on pourrait améliorer son efficacité en agissant sur le secteur des marchés publics et en examinant si les contrôleurs font leur travail.

Il souligne, quant aux perspectives d'avenir, que le ministre Flahaut a demandé au Comité P une radioscopie du C.S.C. Le rapport que le Comité P a demandé à ce propos au C.S.C. a été établi par Mme Deman et se trouve actuellement au Comité P.

Un sénateur estime que la présomption de partialité du président du C.S.C. dans l'affaire Delcroix est confirmée par ce qu'il vient d'apprendre.

Mais qu'en est-il d'autres influences politiques, comme celles qui venaient du côté socialiste ? M. De Smedt peut-il imaginer que M. Canneel puisse interrompre ou faire le silence sur pareille affaire, comme on a prétendu qu'il l'a fait dans l'affaire Unisop ?

M. De Smedt déclare qu'il ne connaît pas cette affaire et qu'il ne peut pas, dès lors, se prononcer à ce sujet. En principe, M. Canneel ne peut pas interrompre une enquête, à moins que le procureur général ne lui donne l'ordre de le faire.

L'intervenant demande par ailleurs s'il y a eu d'éventuelles interventions dans l'enquête sur la fraude sociale et fiscale au sein de le F.G.T.B. anversoise.

M, Desmedt dit qu'il n'en sait rien.

L'intervenant demande ensuite si c'est lui qui a contrôlé le stage de M. Vermeulen. La nomination définitive de ce dernier n'est-elle pas le résultat d'une lettre de Willy Claes ?

M. Desmedt déclare ignorer l'existence d'une telle lettre et y avoir consenti à la demande expresse du Premier ministre.

Un autre sénateur demande si M. Desmedt a eu connaissance d'une fuite qui se serait produite dans ses services juste avant la perquisition chez le ministre Delcroix.

M. Desmedt répond qu'il ne savait rien de toute cette affaire.

L'intervenant demande si les enquêteurs du C.S.C. n'ont examiné aucune plainte à ce sujet.

M. Desmedt prétend qu'à sa connaissance, aucun dossier de ce genre n'a été examiné.

Il souligne qu'il n'a jamais accédé à la moindre demande d'intervention et qu'il a suivi en cela le sage conseil de son prédécesseur, M. Charles.

L'intervenant demande sous quelle autorité le président du C.S.C. est placé.

M. Desmedt répond qu'il agit en toute indépendance et qu'il ne peut être destitué que par le Roi, sur la proposition du Conseil des ministres. Il dit être souverain, mais pas intouchable.

L'intervenant constate que certains membres du collège travaillent dans des organismes privés que le C.S.C. doit contrôler.

M. Desmedt n'y voit aucun inconvénient, car le collège peut dès lors faire appel aux connaissances techniques de ces personnes.

Il rappelle que le collège connaît trois procédures, à savoir une procédure de remise d'avis en vue du règlement d'un litige, une procédure de conciliation et une procédure d'émission d'avis à la demande d'un ministre.

Dans chacun de ces cas, la délibération est secrète, si bien qu'en fait, le délégué du secteur privé ne peut pas être mis sous pression.

À la demande de l'intervenant, il confirme qu'il n'a jamais interdit à ses enquêteurs de coopérer avec un juge d'instruction.

3. Audition de M. Canneel, administrateur général du Comité Supérieur de Contrôle

§ 1. Exposé de M. Canneel

La Présidente évoque le problème du dysfonctionnement du C.S.C. qui est à la une des journeaux ces jours-ci et demande à M. Canneel d'exposer ce qui pose problème à l'intérieur de cette institution.

M. Canneel explique que selon lui, le noeud du problème est la discordance entre ce que le Comité est en droit et ce qu'il est en fait.

En droit, il s'agit d'un organe administratif dont les enquêteurs ont par ailleurs la qualité d'officier de police judiciaire.

En fait, la réalité se présente inversement. La majorité (± 90 %) de ses actions est constituée par des contrôles judiciaires. Il s'agit donc d'abord d'un service de police judiciaire, doté de structures d'un appareil administratif.

Ses missions sont mal définies dans l'arrêté royal organique, dont l'article 1er parle de l'autorité qui dirige l'institution, tandis qu'un autre article détermine qui a la direction, c'est-à-dire le fonctionnaire dirigeant.

Le Procureur général de le Court a toujours soutenu que, pour les missions judiciaires, le parquet s'adresse directement aux enquêteurs, tandis que le Procureur général Van Camp prescrit l'envoi d'une lettre aux enquêteurs assorti de l'envoi d'une copie au Président.

Actuellement, la question de savoir comment les enquêtes sont envoyées est refroidie, et n'est plus l'essence du dysfonctionnement.

Le problème résulte donc clairement de la structure de direction bicéphale.

L'arrêt nº 4.486 du Conseil d'État du 1er février 1993 a battu en brèche l'image de l'homogénéité du Comité en indiquant que les enquêteurs ayant la qualité d'officier de police judiciaire sont soumis à un autre statut disciplinaire lorsqu'ils travaillent à des tâches judiciaires, et que seul le Procureur général peut alors les sanctionner.

Même le stagiaire n'est plus soumis à l'autorité administrative dès lors qu'il opère dans le secteur judiciaire.

M. Canneel indique ensuite que le rattachement aux services du Premier ministre était défavorable.

Le Premier ministre n'avait en effet pas assez de temps pour s'en occuper valablement. Les esprits se sont quelque peu calmés depuis que le C.S.C. est soumis à l'autorité du ministre de la Fonction publique.

Depuis lors aussi, les crédits de fonctionnement sont en hausse en termes réels. Ainsi a-t-on vu augmenter le budget de 138 millions de francs en 1989 à 208 millions en 1997.

Les rémunérations en forment bien évidemment la majeure partie.

L'importance relative des frais de personnel s'est même accrue, puisque non seulement l'on a accordé en 1994 au C.S.C. le privilège de disposer de 102 enquêteurs avec remplacement automatique lors des départs, mais déjà en 1992 l'engagement d'enquêteurs de niveau universitaire a été autorisé, ce qui a augmenté le coût salarial.

Le C.S.C. a subi par ailleurs, comme toutes les administrations, le choc financier de la révision générale des barèmes.

Au niveau du bâtiment, le C.S.C. était installé dans un bâtiment désuet et inapproprié jusqu'en 1990.

Depuis lors, il a obtenu un nouveau bâtiment, malheureusement en location, ce qui rend chère son installation, qui a coûté 37 millions par an au début, pour être ramenée à 36 millions actuellement, suite à des négociations.

L'on prévoit un transfert ultérieur vers un bâtiment que l'État acquerrera en propriété.

Le coût des équipements est resté équivalent en 1996 et 1997, soit 2,6 millions, ce qui est peu, surtout qu'on est en pleine période de remplacement des P.C. dépassés. L'on n'a pu obtenir pour l'instant que 5 ordinateurs portables, alors qu'on en veut davantage.

L'achat de 2 véhicules par an est un bienfait, puisque cela permettra d'abandonner le système des libres-parcours, qui valent actuellement ± 100 000 francs par pièce.

Les dépenses pour la formation des agents sont en hausse.

Les frais de fonctionnement pour biens non durables et services s'élèveront ainsi à 27,3 millions en 1997, contre 31 millions en 1996, où 1/3 de cette somme était constitué par des frais de libres-parcours et 1/3 par des indemnités forfaitaires d'enquête.

M. Canneel revient sur le climat déplorable de suspicion et d'affabulation qui entoure le fonctionnement du Comité supérieur de contrôle. Ce climat a été confirmé par le communiqué de presse récent de la direction, qui parle de dysfonctionnement au niveau des compétences, des structures et des moyens d'action. Il rappelle à cet égard la dichotomie entre la situation en droit et de fait qui prévaut au C.S.C.

De fait, la mission supplétive du Comité, que sont les enquêtes judiciaires, supplante la mission primaire (enquêtes administratives), puisqu'elle occupe actuellement environ 90 % du temps de travail des enquêteurs. Souvent même, les enquêteurs sont sollicités par le parquet et les juges d'instruction en appui d'une enquête judiciaire qui est menée ailleurs.

Il constate qu'aussi bien la proposition de loi Boutmans-Daras que l'avant-projet de loi gouvernemental essayent de recentrer le C.S.C. au vu des nécessités du moment.

Il trouve toutefois que ceci est une gageure, puisqu'on laisse subsister les mêmes bases, qui ont démontré leur ineptie. Pour lui, il n'y a d'autre avenir que le judiciaire, sous la forme d'une brigade anticorruption.

C'est là une vocation collective que se reconnaissent la majorité des enquêteurs. Cette vocation a pu être renforcée par une modification des statuts dans le sens d'un rapprochement des statuts de la police judiciaire. Dès 1989, il a obtenu du Gouvernement le recrutement de personnel des niveaux 2+ et 1, ce qui a posé des problèmes, puisqu'on devait exiger d'autres diplômes que ceux qui sont communément demandés pour ces niveaux. En plus, l'on a inséré à sa demande parmi les épreuves organisées par le S.P.R., un test de personnalité.

Pour ce test, le profil des engagés devait correspondre à la situation de fait, c'est-à-dire qu'il y a au C.S.C. des officiers de police judiciaire constatant des délits administratifs. Il ne faut, à son avis, pas changer beaucoup à la situation actuelle, puisque ces mesures portent largement leurs fruits.

Il y a une absence totale de politique criminelle à l'égard du C.S.C., qui a mené à la situation actuelle qui fait que les enquêteurs doivent s'occuper d'un tas de broutilles au judiciaire, tandis que les enquêtes administratives, comme celle concernant l'A.G.C.D., sont des enquêtes majeures.

Les enquêteurs ne demandent pas mieux que de pouvoir maintenir ce volet administratif, étant donné que cette exigence est pour eux la meilleure garantie du maintien de leur statut actuel, qui implique un certain confort (libre parcours à la S.N.C.B., pas de gardes 24 h sur 24 h comme à la police judiciaire).

Mais ils craignent un recentrage de l'institution en tant que telle vers un service de contrôle purement administratif.

Pour ce qui concerne le « transfert » éventuel vers la police judiciaire, ils sont surtout attirés par les échelles barémiques plus intéressantes.

Lui-même comprend ce réflexe et prétend qu'il ne faut pas oublier le facteur humain qui prévaut souvent dans la réforme de la mission publique.

L'absence d'une vraie politique d'enquête et de contrôle fait sans doute suite à l'absence d'organes adéquats pour mettre cela en oeuvre.

Il déclare avoir pris dès 1981 l'initiative de combler le vide, même s'il ne s'estimait pas doté d'un tel pouvoir.

Schématiquement, les éléments de dysfonctionnement sont les suivants :

1. Une structure de direction inadaptée :

a) structure mal définie : il y a divers organes investis du pouvoir.

Il en est tellement convaincu qu'il veut même s'effacer. Le 27 septembre 1993, il a demandé d'être déchargé de son poste. Il a répété sa demande la semaine dernière au ministre Flahaut;

b) il y a le problème de l'organe parallèle qui est le collège, doté de sa propre structure administrative (c'est-à-dire le président et le greffier).

Pendant toute une période, pendant le directorat général de Mme Boschloos, un membre du collège a été déchargé de ses fonctions (il s'agissait de M. Cl. Magerus). L'on a vu alors les enquêteurs du Comité enquêter sur des délits imputables à un membre du collège, ce qui est tout de même malsain.

2. L'absence de statut disciplinaire

Il déplore l'absence d'un statut approprié aux missions judiciaires qu'assument les enquêteurs. La seule sanction consiste actuellement en un avertissement par le procureur général. En cas de récidive, il peut être cité à comparaître devant la Chambre du Conseil de la Cour d'appel.

3. La politisation est le dernier fléau

En guise de proposition, il préconise une adaptation du droit aux faits.

Depuis de nombreuses années, il voulait non seulement une modification du statut, mais aussi de la loi de 1962, qui confiait certaines missions de police judiciaire au C.S.C.

Les ministres successifs se sont opposés à l'idée d'une « police des services publics ».

Comment alors parer au problème ?

Il propose d'insérer dans le statut des incompatibilités entre la fonction d'enquêteur et un quelconque mandat politique, voire même la postulation d'un tel mandat.

Il irait même jusqu'à leur interdire l'affiliation à un parti politique.

Mais quoiqu'il en soit des problèmes de politisation, il attache plus d'importance aux structures qu'aux personnes.

En imposant un devoir de réserve, il ne faut pas en venir à avaliser l'« antipolitisme » de certains enquêteurs, qu'ils cultivent en fonction de ce qu'ils vivent quotidiennement. Il faut réaliser que ceux-ci sont les égoutiers de la vie politique, et que cela les amène à être confrontés aux aspects les plus sombres de la politique.

Au niveau des structures, il faut désigner des chefs qui assument leurs responsabilités et qui en répondent.

Il en prend comme exemple le chef de la section d'enquêtes néerlandaise, qui a désigné personnellement ceux qu'il fallait rappeler de la formation, ce qui a été mal perçu par ses subalternes, mais au moins il en a eu le courage.

Ce qu'il trouve favorable dans la proposition de loi Boutmans au vu de ce qui précède, est qu'elle intègre la notion de collégialité.

Ce qu'il trouve négatif est que les vrais patrons seront les deux chefs de section puisqu'on laisse subsister un collège de magistrats qui ne seront là qu'à mi-temps.

Il faudrait dès lors, selon lui, que leur mandat soit renouvelable tous les cinq ans, soit qu'il s'agisse de magistrats à temps plein.

Le président serait désigné pour un an, avec un système de rotation parmi les trois membres du collège.

Au niveau des compétences mixtes (administratives et judiciaires), M. Canneel estime que les deux tâches vont de pair, et qu'il s'agit d'un challenge pour la direction que de trouver un juste milieu.

Si l'on crée une brigade nationale, comme d'aucuns en ont émis le souhait, il resterait un vide au niveau du volet administratif, qu'il faudrait alors combler par la création d'un autre corps, du genre d'une inspection générale de l'administration.

Cela s'avère nécessaire, par exemple pour effectuer des enquêtes disciplinaires à l'encontre des hauts fonctionnaires de petits ministères, pour ne pas devoir confier ces enquêtes à un subalterne.

Mais même en cas de création d'une telle inspection générale, on va bien vite voir resurgir le même problème qui s'est déjà posé aux enquêteurs du C.S.C. avant la loi de 1962, c'est-à-dire que s'ils tombent sur des faits délictueux, ils seront bien obligés de les dénoncer au procureur en vertu de l'article 29 du Code d'instruction criminelle, et l'on se demandera alors une nouvelle fois ce qui empêche de les doter de la qualité d'officier de police judiciaire.

Le maintien d'un seul service qui cumule les deux fonctions peut s'avérer également fructueux au niveau de la tactique d'enquête, puisque cela permet aux enquêteurs de s'introduire dans un ministère sous le couvert d'une enquête administrative, alors qu'ils cherchent à réunir des preuves pour un dossier judiciaire. Cette tactique permet parfois d'éviter la disparition de pièces à conviction.

Une autre idée qu'il relève dans la proposition de M. Boutmans est qu'il veut délimiter dans la loi les prérogatives des enquêteurs en matière d'enquêtes administratives.

Il faut savoir que la jurisprudence de la Cour de cassation n'impose la rédaction d'un procès-verbal que lorsque les faits impliquant un délit sont établis.

Le maintien de ces prérogatives permettrait de continuer les démarches administratives.

Même si l'on suit la piste de la brigade anticorruption, celle-ci sera composée forcément des mêmes enquêteurs. Il en découlera une culture d'enquêtes spécialisées, intégrée bien sûr dans la police judiciaire, mais qui ne négligerait pas l'aspect du contrôle des matières traitées actuellement, comme les marchés publics et les subsides.

Quant à la question de l'adéquation des structures de direction, il répète que la fonction du président est une fonction de l'ordre administratif, n'impliquant aucunement une mission judiciaire. La mise du Comité sous la tutelle d'un magistrat national lui semble être une meilleure garantie pour son bon fonctionnement.

§ 2. Échange de vues

Un sénateur demande à M. Canneel s'il a jamais eu l'impression que M. De Smedt faisait obstacle à certaines enquêtes.

M. Canneel tient à réserver ses commentaires à ce propos à la commission d'enquête du Sénat, par laquelle il a été convoqué pour témoigner sous serment.

Un autre sénateur se demande s'il ne serait pas souhaitable, de fusionner les compétences administratives et judiciaires au niveau structurel et fonctionnel, étant donné l'opposition permanente qu'il y a entre elles. Ensuite, il dit ne pas comprendre pourquoi la structure de direction actuelle ne conviendrait pas à un service de police.

Une sénatrice conclut de l'exposé qu'on pourrait déjà améliorer son fonctionnement en augmentant les effectifs, et en organisant un contrôle administratif préventif.

M. Canneel explique que cette suggestion part d'une mauvaise perception du volet administratif des missions du Comité. Il ne s'agit ici aucunement d'un travail de police administrative dans le sens qu'on lui attribue généralement, c'est-à-dire une police préventive.

Bien au contraire, puisque les enquêtes administratives du C.S.C. sont de type répressif.

Le vrai travail préventif est d'ailleurs exclu vu la surcharge.

Dans le domaine des marchés publics, la loi est par ailleurs beaucoup trop restrictive pour permettre de la prévention, puisqu'elle n'organise le contrôle qu'au niveau de l'exécution des travaux et non à celui de leur préparation.

La sénatrice pose ensuite la question, à combien M. Canneel estime le nombre de « politiciens » parmi les 102 enquêteurs. Il répond qu'il connaît un élu au conseil communal et un membre d'un C.P.A.S.

Pour ce qui est du conseil communal, M. Canneel explique que la loi communale contient une disposition qui organise des incompatibilités. C'est une pareille incompatibilité qui a été invoquée pour interdire au premier l'accès au conseil. En ce qui concerne le C.P.A.S., il n'existe pas une telle disposition.

Un sénateur demande qu'on lui communique les statistiques relatives à la division des services en fonction de la langue des dossiers.

Un membre demande qui confie les dossiers au C.S.C., à qui il rend compte et qui décide de classer ou de poursuivre.

M. Canneel répond que l'autorité qui confie les missions, varie selon leur nature.

S'il s'agit d'enquêtes administratives, c'est le président qui décide, en vertu de l'arrêté royal organique du 29 juillet 1970. Il y a un avis du Conseil d'État confirmant cette thèse.

De même, il a le pouvoir de les arrêter avant terme, ou de les suspendre, ou de faire rapport aux autorités commanditaires.

Quant aux enquêtes judiciaires, il y a l'option prise par le Collège des procureurs généraux, entérinée par la note du 20 mai 1992 du Premier ministre, M. Dehaene.

En fonction de cette note, et dans 90 p.c. des cas, le dossier est transmis avec une apostille du procureur.

L'original du procès-verbal est visé par le président, sauf en cas d'urgence, où le visa est apposé sur la copie.

Le président joue donc un rôle d'interface.

Il y a aussi des plaintes de simples citoyens ou des demandes d'enquêtes d'autorités.

La pratique de l'ancien président, M. Charles, à cet égard, consistait à transmettre la plainte ou la demande aux enquêteurs avec prière de dresser procès-verbal.

Le président actuel décide lui-même des suites, et il y a rarement de procès-verbal renvoyé. Il préfère régler ses affaires par téléphone ou par simple lettre.

Actuellement, il tient un briefing hebdomadaire, auquel sont conviés les deux chefs de section, et parfois M. Canneel lui-même.

Cette réunion est suivie par des décisions synthétiques.

Une troisième voie d'envoi d'un dossier est le passage direct du dossier à M. Canneel lui-même par un magistrat.

Un sénateur demande à M. Canneel qui peut l'obliger concrètement à lancer une enquête.

M. Canneel répond que pour les enquêtes administratives, il s'agit du président, tandis que pour les enquêtes judiciaires, il s'agit du procureur du Roi.

Il estime toutefois qu'on peut refuser certaines enquêtes en cas de surcharge. La priorité est alors donnée au judiciaire.

Jadis, les irrégularités dans la répartition des tâches n'étaient pas sanctionnées.

Actuellement, il active beaucoup plus les enquêtes, en ce compris celles dirigées contre le P.S., sans pour autant viser le P.S.

Son premier refus d'enquêter remonte au temps où M. Charles était président.

Un sénateur demande s'il est exact qu'il a créé une section centrale qui est placée sous sa surveillance, qui est chargée de traiter les dossiers politiquement sensibles, et dont il a écarté les néerlandophones.

M. Canneel répond qu'il existe effectivement une section centrale, qui a été érigée suite au refus de certains magistrats d'accepter les directives et l'injonction ministérielle de passer par le président pour la distribution des affaires.

La section centrale a surtout été créé pour les dossiers de M. Bulthé. En juin 1984, il y avait encore une plénitude de dossiers néerlandais. Ceux-ci ayant diminué en nombre de façon considérable, il a été mis fin à l'existence de la sous-section néerlandaise. Il est vrai que M. Vermeulen, qui dirigeait cette sous-section, a vécu cela comme dégraissage de ses fonctions.

La section ne subsiste plus que pour quelques dossiers français de M. Bulthé, mais est, à son tour, vouée à disparaître.

Beaucoup de dossiers sont désormais envoyés directement par le juge à l'officier de police judiciaire concerné, et à titre personnel.

4. Audition de M. Vermeulen, administrateur général adjoint du Comité Supérieur de Contrôle, adjoint bilingue de l'administrateur-général

§ 1er . Exposé de M. Vermeulen

La Présidente précise que l'objectif de cette audition est de bien cibler les dysfonctionnements du Comité et non pas de s'immiscer dans les affaires en cours.

M. Vermeulen souligne que son souci permanent est de garantir le fonctionnement de l'instrument qu'est le Comité supérieur de contrôle.

Il entend dénoncer les hautes sphères de la criminalité en col blanc.

De ce point de vue, la politisation est le fléau majeur. Il souligne qu'elle est perceptible au sein même de l'institution, où l'on a créé une section spéciale pour les dossiers politiquement explosifs.

Le but de cette section, créée par M. Canneel, est manifestement de bloquer les enquêtes relatives à des personnages haut placés étiquetés P.S. et P.S.C. Cette cellule est dirigée par M. Thibaut, qui a déclaré personnellement aux enquêteurs qui investiguaient malgré tout dans cette direction qu'ils feraient mieux d'enquêter sur l'extrême droite et sur les fonds qu'elle reçoit du Ku Klux Klan .

Il a par exemple été frappé de voir comment l'inspecteur Thibaut s'impliquait dans la permanence sociale de MM. Eerdekens et Mahoux, où il est chargé de mettre la main sur des emplois pour des amis politiques, en abusant du nom de l'institution pour laquelle il travaille.

Bizarrement, la réaction des autorités responsables n'est pas d'éradiquer ces pratiques, mais de jeter le discrédit sur lui, pour pouvoir le sanctionner.

En tant qu'adjoint linguistique, il est censé veiller spécialement à l'égalité de traitement entre les néerlandophones et les francophones au sein de l'institution. Ainsi est-il mis, de par sa fonction, en possession des documents qu'il est soupçonné avoir obtenus de manière illicite.

Ces insinuations ont par ailleurs donné lieu à un rapport de M. Canneel du 1er septembre 1995, adressé au ministre Flahaut et proposant de l'éloigner du service.

Il est donc fort étonné d'entendre que le même ministre a affirmé ne pas le connaître, devant la Chambre des Représentants.

Le rapport en question a été rédigé au bénéfice de M. P. Vandeneede, appelé de facto à jouer le rôle d'adjoint linguistique, en invoquant « l'application loyale de la loi linguistique ».

Lui-même n'a pas été entendu à ce sujet pendant plus d'un an, alors qu'il s'agit pourtant d'une entorse aux lois linguistiques.

M. Vermeulen poursuit en affirmant que depuis 1994, on lui adresse ainsi des reproches injustifiés, pour le priver de facto de son influence.

Pour lui, le fonctionnement structurel du C.S.C. se caractérise par un mouvement fluctuant.

Le C.S.C. a connu une apogée à l'époque du scandale I.T.T., sous l'influence de son Président d'alors, Pedro Delahaye.

Suivit alors, jusqu'en 1988, une période où les enquêteurs ont adressé au parquet différentes plaintes relatives à des blocages dans leurs missions, des falsifications et des disparitions de procès-verbaux.

En 1988, le Gouvernement manifeste sa volonté de relancer le comité en nommant M. Canneel au poste du directeur général.

En 1993, un nouveau revirement intervient suite à l'avis des procureurs-généraux, qui a en fait été rédigé par M. Demanet et confère à nouveau tout le pouvoir au Président.

En 1993, M. Canneel se plaint auprès du Premier ministre d'un manque de moyens de fonctionnement, à la suite de l'affaire du « smeerpijp » de 1991.

À partir d'alors, M. Canneel commence à faire de nécessité vertu et élabore un plan d'action visant à contrer l'avis des procureurs-généraux en réorientant le service vers les tâches administratives, selon le voeu du P.S. et du S.P.

En fin de compte, cette réorientation a été la conséquence de l'absence d'une véritable gestion, qui a fait que l'on a délaissé les priorités et que le service s'est trouvé submergé par un flot d'enquêtes mineures, ce qui a permis de camoufler les dossiers gênants. Dans certains cas, des procureurs ont même ordonné des missions qui, évidemment, ne pouvaient être refusées, mais dont il était clair dès le départ, qu'elles ne relevaient pas de la compétence du C.S.C. (il s'agissait principalement d'entreprises publiques autonomes).

M. Tobback a déclaré, selon lui hypocritement, à la télévision qu'il ne connaissait que vaguement M. Canneel. Il a pourtant vu personnellement de la correspondance échangée entre ces deux messieurs et qui visait à transformer le C.S.C. en un corps d'inspecteurs administratifs.

Il faut par ailleurs se garder de réduire le C.S.C. à un organe de contrôle calqué sur l'inspection des finances ou l'inspection sociale, et qui serait chargé de contrôler les marchés publics et les subventions. Cette option est préconisée par M. Flahaut et soutenue par les enquêteurs qui ont commencé leur carrière avant 1988 et ne se sont jamais senti une âme de policier.

La lutte contre la corruption proprement dite ne peut plus incomber à un tel service. Elle doit être indépendante du pouvoir exécutif.

Les faits ont donné raison à la thèse de M. Vermeulen suite à la prise de position de M. Canneel, le Gouvernement a décidé, en 1993, de transférer le C.S.C. sous l'autorité du nouveau département des Affaires générales et de la Fonction publique, dans le but de lui rogner les ailes en ne lui confiant plus que des enquêtes administratives, après une réorganisation interne.

Depuis lors, on a freiné les enquêtes judiciaires, notamment en envoyant des enquêteurs en formation, ce qui a eu une influence néfaste.

Le ministre avait pourtant promis que le trasfert à un autre département n'aurait pas de répercussions négatives pour le comité.

Cet envoi en formation constitue en tout cas une mauvaise publicité pour le service, car ceux qui faisaient appel à lui auparavant considèrent à présent qu'il n'est plus en mesure de faire face à ses missions et ne lui confient dès lors plus rien.

§ 2. Discussion

M. Vermeulen répond à un sénateur qui lui demande comment il est entré en possession de tous ces documents, qu'en tant qu'adjoint linguistique, il fait partie de la direction et a, de ce fait, accès à tous les documents.

Un sénateur attire l'attention des membres sur le fait que les propos au sujet des affinités de M. Vandeneede avec certains ministres P.S., et qui ont été émis par M. Vermeulen, ne sont pas de la compétence de la commission.

Un sénateur demande si les faits qu'il rapporte sont analogues à ceux au sujet desquels M. Depret a fait des déclarations.

M. Vermeulen prétend que non. Les plaintes de M. Depret se rapportent à la période 1977-1990. Les siennes se rapportent à des faits postérieurs.

Les méthodes appliquées par la direction sont cependant similaires dans les deux cas. Alors qu'à l'époque, on intervenait directement dans les dossiers, aujourd'hui, l'on procède d'une manière plus subtile, notamment en retirant des dossiers afin de pouvoir influencer indirectement leur traitement.

Le même sénateur demande à M. Vermeulen s'il peut aussi citer des raisons structurelles qui permettent d'expliquer les dysfonctionnements au sein du C.S.C. Il songe par exemple au rôle du président.

M. Vermeulen le confirme. Non seulement le président a entravé le déroulement d'enquêtes, mais il a également fait en sorte que certaines d'entre elles ne démarrent pas du tout.

Le président traite les plaintes de nature criminelle qui sont déposées à l'encontre des magistrats, soit par téléphone, soit par courrier, sans dresser de procès-verbal initial.

M. Vermeulen même a dû subir des sanctions, parce qu'il avait dressé un tel procès-verbal, alors qu'il est légalement tenu de le faire.

Un autre sénateur fait référence aux déclarations du ministre suivant lesquelles la formation constitue une exigence syndicale qui s'impose également aux autres services de police. Pourquoi cette formation poserait-elle problème au C.S.C. alors qu'elle n'en cause aucun dans les autres services de police ?

M. Vermeulen déclare qu'il y a une contradiction entre la politique suivie par le ministre et les déclarations d'intention de la direction. Si l'on veut réellement réserver du temps pour des enquêtes administratives, pourquoi faire étudier aux enquêteurs des techniques judiciaires comme la balistique et la médecine légale, alors qu'ils n'en auront jamais besoin ?

Il est vrai que le statut précise que la formation est l'une des conditions de promotion, mais il faudrait alors adapter le contenu des cours.

En 1994, le Premier ministre a même envisagé de supprimer l'exigence de formation. Dans ces conditions, M. Vermeulen se demande pourquoi l'on insiste tant sur cette exigence ?

Un sénateur rappelle que le ministre a déclaré que l'on avait effectivement prévu une seule session, mais que l'on organisait une session supplémentaire pour les personnes qui ont été rappelées afin de traiter des dossiers urgents. Où est donc le problème ?

M. Vermeulen prétend que ces dossiers urgents étaient déjà à l'examen avant que l'on ne rappelle les enquêteurs. Ces gens ont apparemment été rappelés pour des raisons d'opportunité politique. En effet, M. Moreels devait être en mesure de démontrer que le C.S.C. enquêtait sur l'A.G.C.D.

Maintenant que ces personnes ont été rappelées, on constate qu'elles ne s'occupent absolument pas de l'A.G.C.D., mais d'autres enquêtes, ce qui démontre que leur rappel n'était qu'un prétexte.

Le rappel de ces enquêteurs aura de toute manière un effet négatif sur leur carrière, car ils ne pourront être promus à un rang supérieur qu'après avoir suivi la deuxième session de formation.

Une autre sénatrice souligne que M. Vermeulen mélange continuellement ses frustrations et ses options pour l'avenir. Elle aimerait en savoir davantage sur ce qu'il pense de ce dernier aspect.

M. Vermeulen n'a aucun doute en ce qui concerne l'avenir du C.S.C. : si l'on veut qu'il survive, il faudra en faire un véritable service de police.

Un autre intervenant se réfère aux déclarations de M. Canneel, dans lesquelles celui-ci fait part de son opinion sur les modifications qui s'imposent pour que le C.S.C. puisse remplir correctement sa mission.

D'après ce fonctionnaire, les nouvelles structures de 1988 ne sont pas adaptées à la mission légale du comité.

M. Vermeulen croit que l'ancienne structure fonctionnait parfaitement. Le service était alors dirigé par un seul fonctionnaire, qui était en même temps officier de police judiciaire. Il a d'ailleurs défendu ce point de vue en 1991, lors d'une réunion de travail avec les cinq procureurs généraux. On peut lire dans les documents de travail que l'on se proposait de fixer des priorités et d'élaborer une politique d'enquête appropriée qui serait focalisée sur certains délits.

Le président a cependant contrecarré ce travail de réflexion en s'entretenant individuellement avec les cinq procureurs généraux pour leur déconseiller d'adopter ce projet.

Il est alors devenu apparent que la déchéance avait commencé. Ainsi, depuis cette époque, le C.S.C. a ouvert 400 enquêtes administratives futiles, auxquelles sont venues s'ajouter une série d'enquêtes judiciaires tout aussi futiles.

Un autre sénateur constate qu'il n'y a donc pas que des enquêtes judiciaires futiles.

M. Vermeulen constate qu'il y a eu une cassure manifeste en 1994, lorsque M. Canneel a décidé de changer sa stratégie et de faire de son service un organe de contrôle administratif.

Comme on l'a vu, celui-ci avait commencé à changer son fusil d'épaule en 1993. M. Canneel a d'ailleurs demandé à M. Vermeulen d'analyser la note qu'il avait adressée à MM. Busquin et Tobback, note dans laquelle il dénonçait la prépondérance du P.S.C. et du C.V.P. au sein du comité. Les réformes envisagées par M. Canneel viseraient à corriger ce déséquilibre en transférant le comité à un autre département.

Une sénatrice demande s'il a ressenti des influences politiques lors de son travail.

M. Vermeulen déclare qu'il est rare que l'on intervienne directement dans une enquête. On le fait plutôt d'une manière déguisée.

À ce sujet il renvoie à ce qu'il a dit sur la déchéance du C.S.C. En septembre 1993, M. Canneel a adressé une note à M. Valckeneer (conseiller au cabinet du Premier ministre). Dans cette note, qui traitait de la manière dont les fonctions sont exercées, M. Canneel attaquait son président, qu'il qualifiait d'incompétent et auquel il reprochait d'être avant tout au service des détenteurs du pouvoir, à qui il était disposé à accorder des faveurs.

Avant cette note, à savoir en décembre 1991 déjà, M. Vermeulen lui-même avait dû faire face à l'opposition. Il y a la lettre que M. Canneel lui avait écrite en décembre 1991 pour interdire de le remplacer, alors qu'il était tout de même son adjoint linguistique. C'était là la condition que M. Alen, qui était alors secrétaire du Conseil des ministres, avait posée à la nomination de M. Vermeulen. Cette condition montre qu'à l'époque déjà, le C.V.P. se méfiait de lui. En 1995, le remplacement de M. Canneel pendant son absence a été réglé de manière formelle en défaveur de M. Vermeulen, ce qui est totalement contraire aux lois linguistiques.

Pour être honnête, il doit admettre que M. Canneel a fait de son mieux pour sauver ce qui était encore possible de l'être. En juin 1991, il a ainsi élaboré deux documents relatifs aux options politiques, dans lesquels il avançait deux possibilités, à savoir celle d'un service d'enquête administrative, d'une part, et celle d'un service d'enquête judiciaire, d'autre part. Le président n'a toutefois jamais soumis ce choix au Premier ministre.

Au lieu de cela, l'on a plaidé avec force en faveur de la thèse de la prépondérance du président dans les deux domaines susvisés, conformément à l'avis du procureur général Dumanet.

Le fait que M. Canneel a déposé, le 24 février 1994, conjointement avec M. Vermeulen, une plainte au Comité P concernant les dysfonctionnements, doit être porté au crédit de M. Canneel. M. Troch, le président du Comité P, a répondu le 3 mars 1994 que, si la fonction de contrôle de son comité était théoriquement prévue par la loi, celui-ci ne disposait pas encore d'une compétence formelle pour mener des missions d'enquête.

La présidente déclare qu'entre-temps, le Comité P s'est déclaré compétent.

M. Vermeulen déclare qu'au niveau de sa situation personnelle, il n'a pu se défendre qu'une seule fois, suite à une allégation adressée par M. Canneel au juge d'instruction Bulthé. Cette allégation étant parvenue au cabinet du procureur général de Bruxelles, celui-ci l'a disculpé par écrit après l'avoir entendu. C'est sur base de ce document que toutes les plaintes contre lui ont été séponées.

Ce document a finalement été transmis à M. Flahaut par le Premier ministre, et c'est sur base de ce document que le ministre a conçu l'idée de demander une enquête au Comité P, qui n'a plus refusé cette fois-ci.

Dans ce cadre, on demande à M. Vermeulen de témoigner, mais sans accès au dossier.

Ce qui est à son avis le plus déplaisant, est le fait que le Comité P ait jugé utile de demander au C.S.C. lui-même d'établir une note sur son propre dysfonctionnement, alors que parmi les membres du Collège se trouvent des contrôlés (c'est-à-dire des membres de la Confédération Nationale du Bâtiment).

Un autre sénateur lui demande de confirmer que certaines plaintes à charge de magistrats n'ont fait l'objet d'aucun procés-verbal.

M. Vermeulen le confirme, et il ajoute qu'il en apportera la preuve, s'il y a lieu, devant la commission d'enquête.

Un autre sénateur demande s'il y a encore d'autres brebis galeuses au sein du C.S.C.

M. Vermeulen cite le cas du commissaire en chef néerlandophone, qui était, jusqu'il y a peu, délégué de la C.C.S.P.

Ce dernier a également joué dans le jeu des influences. Il a entendu ensuite formuler plusieurs critiques par les enquêteurs, puis ceux-ci se sont tus pour ne pas se retrouver dans une position inconfortable.

Une sénatrice a entendu dire qu'il arrive que l'on ne rédige pas de procès-verbal, que des procès-verbaux soient falsifiés ou que des procès-verbaux disparaissent.

M. Vermeulen souligne que ces faits se sont produits à l'époque de M. Deprez et qu'il a toujours dû se défendre lui-même contre des rumeurs selon lesquelles il dissimulait des procès-verbaux.

La même sénatrice demande pourquoi les enquêteurs ne se sont pas insurgés davantage lorsqu'ils ont constaté ces dysfonctionnements.

M. Vermeulen souligne qu'à l'inverse de ce qui s'est passé lors des interventions directes opérées à l'époque de M. Depret, l'on procède beaucoup plus subtilement à l'heure actuelle. Les enquêtes sont influencées par le biais de la répartition des dossiers, des moyens de fonctionnement, etc. Les enquêteurs moyens n'ont donc plus la moindre vue d'ensemble.

Il y a, certes, des faits isolés qui ont compliqué les choses pour les enquêteurs, comme la manipulation du calendrier et du contenu de l'enquête par le président. Il y a même eu une falsification de procès-verbal par une autre personne.

Une autre sénatrice rappelle que M. Depret a déclaré qu'il avait saisi la police judiciaire. M. Vermeulen a-t-il aussi eu cette intention ?

M. Vermeulen déclare que tout ce qui est délit, a été signalé au parquet par procès-verbal.

La présidente demande, en guise de conclusion, à M. Vermeulen de remettre à la commission une note dans laquelle il développe son projet de réforme.

5. Audition de monsieur Paul Vandeneede et de monsieur Ivan Chenot, Commissaires en chef au Comité Supérieur de Contrôle

§ 1er . Exposé de M. Chenot

M. Chenot expose que le C.S.C. est organisé en deux divisions : une division néerlandophone, dont M. Vandeneede est le responsable et une division francophone, dirigée par lui-même.

Selon lui, la première cause du dysfonctionnement du C.S.C. est l'inadéquation totale entre les nombreuses tâches et les moyens, tant en effectifs que sur le plan matériel. Ce manque de moyens empêche le C.S.C. d'absorber tout ce qui lui est demandé.

Cette situation n'est pas nouvelle, mais était déjà dénoncée par l'ancien président, M. Charles. En mars 1989, M. Charles a alerté les procureurs-généraux en demandant de mieux cibler le travail demandé : étant donné que le C.S.C. est un service national de répression de la grande criminalité dans les services publics, il doit pouvoir se concentrer sur ces dossiers.

En 1989, le C.S.C. disposait d'un cadre de 111 officiers de police judiciaire, soit 101 enquêteurs et 10 personnes chargées de l'encadrement.

Suite aux mesures de restriction, les personnes qui quittaient le Comité n'étaient plus remplacées.

En juin dernier, il était de nouveau question d'une réduction linéaire de 5 p.c. du budget de fonctionnement. Le secrétaire général du département a demandé d'indiquer les postes que le C.S.C. voulait voir réduits. Il s'explique difficilement cet acharnement des argentiers à restreindre constamment les moyens d'action du C.S.C., alors que la rentabilité du Comité peut difficilement être contestée : dans les enquêtes des deux dernières années, le C.S.C. a récupéré pour l'État 153 692 000 francs.

Il fait également observer que plusieurs enquêteurs sont détachés du corps, mais continuent à être rémunérés par le budget du C.S.C.

Réduire encore plus le budget mènerait à asphyxier définitivement le C.S.C. L'on peut se demander si cela n'est pas le véritable objectif de certains décideurs politiques.

La deuxième cause de dysfonctionnement est le conflit qui oppose les deux principaux dirigeants du C.S.C., à savoir M. De Smet, président, et M. Canneel, administrateur général. Ce conflit a débuté en 1991. Il se réfère à une circulaire de l'administrateur du 29 mai 1989 : « Les actes d'information et d'instruction sont à accomplir sur réquisition ou sur délégation du ministère public ou d'un juge d'instruction. Les apostilles prescrivant ces devoirs d'enquête doivent être adressées au président du C.S.C. » Cette règle a toujours prévalu au C.S.C. depuis sa création en 1910.

Il constate qu'en 1991, l'administrateur général a changé d'avis : dorénavant le président ne pouvait plus s'occuper des affaires judiciaires étant donné que la présidence était « une fonction de l'ordre administratif attribuée à un magistrat de l'ordre judiciaire; le président qui n'est pas officier de police judiciaire ne peut pas intervenir dans l'exercice des fonctions d'officier de police judiciaire des enquêteurs de l'administration du C.S.C. ».

Cette attitude est assez surprenante puisqu'elle est en contradiction avec l'instruction de 1989.

M. Chenot se réfère aussi à l'ouvrage de M. Canneel dans les « Cahiers constitutionnels », où il répète ce qu'il a écrit dans la circulaire de 1989.

Peut-être M. Canneel a-t-il été influencé défavorablement par son adjoint linguistique, M. Vermeulen, qui a lancé la campagne d'intoxication actuelle.

Le président a réagi à la prise de position de M. Canneel par une circulaire datée de janvier 1992, basée sur l'article premier et 35 de l'arrêté organique. Il a été suivi en cela par le collège des procureurs généraux et le Premier ministre, M. Dehaene.

Le résultat est que les fonctionnaires reçoivent des ordres contradictoires, ce qui les met dans une situation impossible.

Le recentrage récent sur les enquêtes administratives est une décision malheureuse : les administrations sont suffisamment outillées pour mener ces enquêtes eux-mêmes. Les enquêtes administratives de taille sont en général des antichambres d'affaires judiciaires. Ce n'est qu'à ce niveau que le C.S.C. peut et doit jouer un rôle. Confiner le C.S.C. uniquement dans son rôle de contrôle administratif risque de le rendre inopérant. Il faut donc absolument maintenir les deux volets : enquêtes administratives et judiciaires. À cette fin, les effectifs doivent être augmentés.

§ 2. Exposé de M. Vandeneede

M. Vandeneede estime qu'il faut résoudre trois problèmes au sein du C.S.C. avant de pouvoir envisager un travail législatif.

Le problème majeur est celui de la nécessité de rétablir d'urgence l'unité d'autorité. Le conflit entre le président et l'administrateur général a une influence néfaste sur les enquêtes.

Ce conflit s'étend à tous les échelons, ce qui démotive les enquêteurs chargés des enquêtes au jour le jour.

Il faut avant tout préciser qui dirige le comité supérieur.

Il y a, en second lieu, le problème des compétences du C.S.C. (cf. infra ).

Le troisième problème vient de ce que les moyens dont dispose le service sont absolument insuffisants.

M. Vandeneede fait référence au schéma qu'il a envoyé à tous les membres (voir l'annexe 1) et qui comporte un aperçu de toutes les enquêtes de la section néerlandophone du C.S.C. pour l'année 1994.

Il ressort de cet aperçu que la majeure partie des enquêtes ont été menées à la suite de plaintes individuelles (48 anonymes, 119 connues).

Les 16 dossiers relatifs à des marchés publics concernent des enquêtes administratives préventives pures et simples.

Les 257 dossiers sont envoyés, accompagnés d'un avis du commissaire en chef, au président du comité supérieur, qui décide si une enquête doit être ouverte ou non. L'administrateur général est avisé de la décision.

En 1994, l'on décidé d'examiner 148 dossiers et de ne pas en examiner 109. L'on a renvoyé 30 dossiers aux plaignants, parce que le C.S.C. n'avait pas compétence en ce qui les concerne. Pour l'instant, ces dossiers sont transmis au service qui est habilité à examiner ces plaintes. C'est une des conséquences des obligations résultant de la législation relative à la publicité de l'administration.

Le président estime qu'il a le droit de transmettre par lettre, au procureur général ou au procureur du Roi, une plainte qui lui est envoyée personnellement. En 1994, il en a été ainsi de 30 dossiers. Depuis quelques années, ce chiffre diminue et les dossiers sont envoyés au parquet par le biais d'un procès-verbal initial (P.V.I.). Le président a transmis 35 dossiers par lettre au ministre compétent. Il s'agissait, le plus souvent, d'irrégularités de moindre importance, qui peuvent être réglées par l'inspection interne d'une administration.

14 dossiers ont été classés sans suite. Il est vrai que le président ne dispose pas du droit de classer sans suite, mais certaines plaintes s'avèrent véritablement non fondées.

Pour 67 des 148 dossiers examinés, un ordre d'enquête a été délivré. Par cet ordre, le commissaire en chef reçoit de la part du président l'ordre d'ouvrir une enquête administrative. Un procès-verbal initial a été dressé pour 14 de ce 67 dossiers, parce qu'une infraction avait été constatée. Les dossiers en question ont alors été transmis au parquet. Les 53 autres dossiers ont été réglés administrativement.

Des 148 dossiers, 53 ont été transmis immédiatement au parquet, accompagnés d'un procès-verbal initial. Ces dossiers ont clairement indiqué qu'une infraction avait été commise.

Le schéma indique quelle est la suite qui a été réservée à ces dossiers par le parquet.

24 des 53 dossiers ont été renvoyés par les parquets pour complément d'enquête judiciaire. 28 des 148 dossiers examinés ont été transmis par les parquets.

Les 148 dossiers ont donné lieu à 95 enquêtes judiciaires et à 53 enquêtes administratives.

Dans le courant de 1994, 603 missions juidiciaires ont été attribuées, qui ont fait l'objet de 2 172 procès-verbaux.

À l'heure actuelle, la section néerlandaise est chargée de 75 enquêtes judiciaires, de 29 enquêtes administratives et de 19 enquêtes préventives en matière de contrôle des marchés publics. Ces 123 enquêtes sont entre les mains de 31 enquêteurs, dont 6 travaillent à temps plein pour l'A.G.C.D.

Le bilan financier de toutes les enquêtes qui ont été clôturées en 1994 s'élève à 129 millions. Pour bon nombre d'enquêtes, ce résultat ne peut pas être donné; les intérêts de retard et les amendes fiscales ne sont pas non plus compris dans ces calculs.

On ne voit toutefois pas très bien si ce montant peut aussi être récupéré effectivement.

Le résultat des dossiers judiciaires clôturés n'est jamais communiqué par les autorités judiciaires.

À la deuxième page de l'aperçu, on trouve une énumération des infractions qui ont été examinées par le C.S.C. L'adoption de la proposition de loi de M. Lallemand (21 septembre 1995), qui rend punissable la tentative de corruption passive, simplifierait considérablement la tâche du C.S.C. Parmi la fraude en matière de subventions, la fraude opérée dans le cadre de la C.E. occupe une place importante. C'est pourquoi la coordination de la lutte contre la fraude dans le secteur agricole et les fonds structurels européens a été déléguée au C.S.C. Celui-ci est d'ailleurs désigné comme étant l'instance chargée de l'examen de cette fraude.

Une extension de personnel est absolument nécessaire pour les besoins des enquêtes. A l'heure actuelle, deux tiers de tous les dossiers doivent être renvoyés aux parquets ou aux départements ministériels concernés.

Pour ce qui est de l'équipement, ce sont surtout les moyens de communication appropriés et le matériel informatique qui font défaut.

Ce manque de moyens de communication est responsable de lacunes dans la coordination des actions judiciaires.

Le manque de moyens informatiques, surtout en comparaison avec d'autres services, ralentit inutilement les enquêtes. L'on devrait avant tout avoir accès aux banques de données du département de la Fonction publique. La plupart des plaintes concernent des fonctionnaires et l'accès aux dites banques de données permettrait au C.S.C. de procéder rapidement aux vérifications nécessaires.

Les possibilités de consultation du registre national devraient être élargies pour une raison identique. Le C.S.C. ne peut consulter que les neuf données légales. Cette consultation permettrait de prévenir des erreurs matérielles.

Il faudrait également pouvoir consulter la banque de données H.E.L.P., qui contient des données relatives aux sociétés et à leurs gestionnaires. Actuellement, le C.S.C. est forcé de prendre contact avec la police judiciaire lorsqu'il a besoin de ces informations.

Le C.S.C. effectue de nombreuses enquêtes financières; un raccordement à cette banque de données constitue pour lui une nécessité absolue.

En ce qui concerne les compétences, M. Vandeneede insiste pour qu'elles soient les plus larges possible. Mais les compétences et le champ d'action sont deux choses différentes. C'est ainsi qu'administrativement, le C.S.C. n'est pas compétent pour la B.R.T.N., alors qu'il l'est pour la R.T.B.F., parce que cette compétence est fondée sur la loi du 18 mars 1954, où il est question à l'article 1er , de l'ensemble groupé des organismes publics. Depuis la régionalisation, les organismes créés par les communautés et les régions doivent également être classés dans les catégories prévues à l'article 1er de ladite loi. En cas d'oubli du législateur, le C.S.C. n'a pas de compétence. Avant qu'une enquête puisse être ouverte, le C.S.C. perd donc beaucoup de temps à examiner s'il est compétent.

Pour ce qui est de l'avenir du C.S.C., il faut se demander si l'on tient à ce qu'il examine toutes les plaintes ou si l'on veut le voir se spécialiser. L'intervenant plaide en faveur d'une spécialisation : le comité ne peut pas s'occuper de toutes les plaintes, parce qu'en ce faisant, il perd beaucoup de temps à examiner des dossiers relativement mineurs et néglige d'autres dossiers importants.

Il convient en outre de développer une vision à long terme. Actuellement, le C.S.C. examine toutes les affaires dont il est saisi, sans limite. Le C.S.C. devrait faire des priorités et procéder à des enquêtes en fonction de celles-ci. Cela clarifierait considérablement les choses pour les enquêteurs sur le terrain.

Il demande cependant que l'on définisse les compétences du C.S.C. de la manière la plus large possible. Ces compétences devraient être définies par la direction du C.S.C., par le Parlement et par le Service pour la politique criminelle.

Pour conclure, M. Vandeneede remet à la présidente un projet de loi relatif à l'organisation du Comité supérieur de contrôle. Il demande que le C.S.C. soit dirigé par un magistrat permanent unique et non pas par un collège de trois magistrats, comme le prévoit le texte dudit projet de loi. Cette solution permettrait de restaurer l'unité de l'autorité.

§ 3. Échange de vues

Un membre pose les questions suivantes :

1. Le C.S.C. a-t-il été soumis à plus de mesures d'économie plus importantes que les autres services publics, et ce tant par rapport à l'ensemble de ces services que par rapport aux autres services de police.

2. La confusion que l'on note dans la situation actuelle n'est-elle pas due pour une part à l'imprécision de la législation ?

3. Dans quels domaines le C.S.C. devrait-il se spécialiser ?

4. Avant de remplacer le collège par un fonctionnaire dirigeant unique, il faudrait peut-être se demander si la définition des missions du C.S.C. ne constitue pas une matière à ce point délicate qu'il est préférable de la confier à un collège ?

Un deuxième intervenant a entendu dire que beaucoup d'affaires relatives à la magistrature sont traitées au téléphone par le président lui-même. Est-ce exact ?

N'y a-t-il pas incompatibilité entre la fonction de magistrat et celle de président du comité ?

Un troisième membre constate que bon nombre d'enquêtes ont été terminées sans qu'y soit donnée une suite judiciaire. Quelles en sont les raisons ?

Un autre membre se demande si le comité sera vraiment en mesure à l'avenir de déterminer ce dont il va s'occuper. La majeure partie des dossiers provient de particuliers, l'on ne peut donc pas faire abstraction du facteur hasard. Comment peut-on concilier cela avec une vision à long terme ?

L'intervenante se demande ensuite, si, vu les données de l'année 1994, le plaidoyer en faveur d'une autorité unique n'entraînera pas une concentration excessive de pouvoir entre les mains d'une seule personne. En 1994, l'on a renoncé, sur décision du président, à examiner 109 dossiers.

Concernant les problèmes relatifs à la politisation excessive au sein du C.S.C., un sénateur demande si celle-ci est structurelle ou si, au contraire, elle ne concerne que certaines personnes. La politique joue-t-elle un rôle important dans la nomination et la promotion du personnel du C.S.C. ?

Un dernier intervenant constate que le conflit entre MM. De Smet et Canneel dure depuis quatre à cinq ans. M. Vermeulen est-il le seul à avoir dénoncé la situation ?

À propos d'une des priorités du C.S.C., c.à.d. le choix des enquêtes à ouvrir, M. Chenot fait remarquer que, depuis 1988 déjà, il a signalé ce problème à M. Canneel.

On ne peut pas dire non plus que M. De Smet déciderait actuellement tout seul. Les deux commissaires en chef se concertent avec le président chaque semaine sur les plaintes et les dossiers qu'ils reçoivent. Ce sont donc plutôt des décisions collégiales.

Il rappelle que cela n'était pas le cas dans le passé. M. Charles et M. Delahaye réglaient beaucoup de dossiers directement avec le ministre. Les services n'étaient même pas au courant de l'existence de ces plaintes ou dossiers.

M. De Smet a organisé un collège avec M. Canneel et son adjoint M. Vermeulen, et les deux chefs de la section centrale. Suite à des conflits, les deux commissaires en chef ont été intégrés dans ce collège.

Pour l'avenir, il préfère que l'on continue à travailler avec ce système collégial. La matière est tellement importante que les décisions doivent être collégiales - même s'il n'y a qu'un président. Cela évitera toute suspicion de manipulation.

M. Chenot fait remarquer qu'un certain magistrat bruxellois dispose, depuis 1991, en permanence d'une équipe d'enquêteurs du C.S.C. On peut se demander pourquoi lui et pas d'autres. Ce magistrat ne connaît pas la hiérarchie du C.S.C. et s'adresse directement aux enquêteurs. Si tous les magistrats opéraient de la même façon, plus rien ne pourrait s'organiser.

À propos de la politisation, M. Chenot fait remarquer qu'elle s'est introduite en 1988, avec l'arrivée des nouveaux dirigeants, M. Canneel et son adjoint, M. Vermeulen. Jusqu'alors, le C.S.C. échappait complètement à l'influence de la « commission Dekens ». Ce n'est qu'à partir de ce moment-là que le degré de syndicalisation a augmenté considérablement, ce qui est une manifestation d'autodéfense. La politisation s'est aussi répandue en matière de promotions, y compris pour le niveau 2 - celui des inspecteurs.

Étant donné que le C.S.C. traite principalement des affaires politico-financières, il est partisan d'une interdiction de toute sorte d'activité politique pour les membres de personnel du C.S.C. Chaque enquête a une connotation politique quelconque.

À la première question, M. Vandeneede répond à son tour qu'il ne sait absolument pas si les autres services de police ont été touchés de la même manière par des mesures d'économie. Il constate néanmoins que ces autres services sont beaucoup mieux équipés. La comparaison avec le reste des services publics est pertinente, mais il y a un problème parce que le C.S.C. était déjà mal équipé avant les mesures d'économie.

Il y a en outre des avantages d'échelle pour les grands départements ou services, qui peuvent mieux répartir les mesures d'économie ou peuvent procéder à des réorganisations. Actuellement, la moitié des néons sont dévissés dans les bureaux par mesure d'économie.

Il estime en effet que l'arrêté royal organique peut expliquer en partie le conflit entre MM. De Smedt en Canneel. Il conviendrait sans doute d'examiner la chose.

Par « spécialisation » il veut dire que les activités du C.S.C. ne peuvent s'étendre à tous les domaines. Les dossiers purement fiscaux peuvent être traités éventuellement par le service public spécialisé en la matière ou par la police judiciaire. Il propose de créer un service spécialisé en matière de corruption. C'est un domaine suffisamment étendu pour que l'on y forme des spécialistes.

Il persiste à penser qu'il ne devrait y avoir qu'un seul fonctionnaire dirigeant. Les problèmes actuels ne seront pas résolus par un collège de trois magistrats. Que se passera-t-il s'ils ne peuvent se mettre d'accord ?

Il renvoie à cet égard aux difficultés rencontres par le Comité P, qui est un organe collégial déchiré par les querelles intestines.

En ce qui concerne les enquêtes relatives aux magistrats, il assure que la section néerlandophone traite correctement ces dossiers. Tous les actes d'instruction sont consignés par écrit. On rédige un avis et un rapport sur chaque instruction. Il se dit dès lors consterné par les informations parues récemment dans la presse.

Évidemment, la qualité de l'enquêteur joue un grand rôle. Il ne faut toutefois pas déduire de ce facteur humain que l'ensemble du système fonctionne mal.

Il ne peut pas empêcher non plus que certains enquêteurs aient des contacts avec des hommes politiques et parlent d'enquêtes en cours. Bien sûr qu'il y a alors violation du secret de l'instruction, mais ce qui compte, c'est le résultat final et le traitement correct des dossiers. Il attend cependant toujours qu'on lui prouve que certaines enquêtes ont été intentionnellement entravées ou sabotées.

Selon un membre, on soupçonne que le dossier soit bloqué au moment où l'enquête commence à porter ses fruits.

M. Vandeneede renvoie à la fiche d'enquête qui doit être remplie pour chaque enquête menée par la section néerlandophone (annexe 2). Si l'une des trois personnes n'est pas d'accord de clore un dossier, il ne l'est pas. La clôture suppose que trois personnes sont d'accord de mettre fin à une enquête. Si une plainte est déposée, elle est enregistrée sur l'ordinateur du greffe. Une plainte ne peut donc pas « disparaître ». Le système exclut cette possibilité.

Un autre membre précise que sa question portait sur des dossiers qui sont réglés téléphoniquement par le président.

Un intervenant relaie cette question et demande ce qu'il advient des dossiers transmis aux parquets.

M. Vandeneede répond que quand une plainte est transmise téléphoniquement sur un magistrat, il ne peut être exclu que le président la traite téléphoniquement. La même chose peut arriver si le service de nuit omet de faire enregister une plainte. On ne peut exclure ces éventualités mais il les juge peu probables.

Il arrive évidemment que les parquets classent des plaintes sans suite. Ils en ont le pouvoir mais le C.S.C. ne l'a pas.

M. Chenot fait également remarquer que le C.S.C. n'est pas compétent pour traiter les plaintes sur des magistrats, étant donné que ces derniers jouissent du privilège de juridiction.

En ce qui concerne la politisation, M. Vandeneede fait observer que le ministre compétent favorise généralement le candidat présenté à l'unanimité par le Conseil de direction. Il en a toujours été ainsi dans les services du Premier ministre. Il va de soi que l'on ne peut empêcher personne d'avoir des convictions politiques. Il importe de savoir si ces convictions portent préjudice à des enquêtes. C'est pourquoi certains enquêteurs sont contrôlés ou ne sont pas chargés de certaines enquêtes.

En ce qui concerne M. Vermeulen, M. Vandeneede rappelle qu'il a rejoint le C.S.C. au début de 1990, après un conflit entre M. Canneel et l'adjoint linguistique de l'époque, M. Erauw. Le sommet du C.S.C. est promu par la voie politique, les autres fonctionnaires ont tous passé des examens, tant pour leur entrée en service que pour les promotions. Les promotions au niveau 1 sont accordées sur avis unanime du Conseil de direction, comme cela a été le cas pour lui-même.

Initialement, M. Vermeulen, en sa qualité d'adjoint linguistique, était chargé de missions générales. Après un an, il a souhaité qu'une cellule d'enquêteurs travaille pour lui. Un an plus tard encore, les membres de cette cellule ont demandé à être réintégrés dans la section. Plus personne, à l'exception de M. Elbers, n'était encore disposé à travailler pour lui sur une base volontaire.

M. Vermeulen était donc isolé au sein du C.S.C., et c'est à ce moment que les difficultés ont commencé. Le fait est que des problèmes surgissent chaque fois que quelqu'un doit collaborer avec M. Vermeulen.

Un commissaire désire savoir pour quelle raison précise M. Vermeulen a été engagé comme adjoint linguistique.

M. Vandeneede sait que M. Canneel avait collaboré avec M. Vermeulen dans la section des litiges des services de chancellerie du Premier ministre.

Une commissaire a appris, au cours de l'audition, que certains procès-verbaux avaient été modifiés ou avaient tout bonnement disparu.

M. Vandeneede demande de quels dossiers il s'agirait. Il se porte garant du fait que cela ne s'est certainement plus produit dans la section néerlandophone depuis le 18 novembre 1991, date à laquelle il a été désigné comme commissaire en chef.

Il n'a encore jamais interdit de dresser un procès-verbal; mais il indique les erreurs à ses subordonnés et leur demande de limiter les procès-verbaux aux faits.

L'intervenant demande si l'on donne suite aux plaintes anonymes. Elle croit savoir, par ailleurs, que certaines plaintes sont des règlements de comptes politiques.

M. Vandeneede renvoie au schéma qu'il a communiqué : une partie des dossiers se fondent sur des plaintes anonymes. Toutefois, une enquête préliminaire est parfois faite en vue de contrôler un certain nombre de données élémentaires.

M. Vandeneede affirme que chaque enquête doit être effectuée de la manière la plus poussée possible. Parfois, des enquêteurs désirent interrompre une enquête parce qu'elle ne donne pas suffisamment vite de résultats. Il lui arrive alors d'insister pour que des actes d'instruction soient continués. Il dément toutefois que le C.S.C. soit susceptible d'effectuer des enquêtes dans le seul but de toucher quelqu'un politiquement.

Un sénateur revient sur la procédure en matière de plaintes. D'où proviennent les plaintes ? Procède-t-on d'abord à une enquête officieuse, pour ensuite obtenir un ordre d'enquête ? Est-ce le Président qui reçoit les plaintes ou sont-ce les sections ?

M. Vandeneede répond que les plaintes parviennent soit au Président, soit à l'administrateur général (A.G.).

Le Président paraphe la plainte et l'envoie au greffe, qui la lui transmet à son tour. La plainte est alors accompagnée d'une note, avec une demande d'avis.

En ce qui concerne les plaintes qui parviennent à l'A.G., il ignore s'il les transmet directement au Président ou s'il les envoie d'abord au greffe. En tout cas, toutes les plaintes en néerlandais aboutissent pour avis chez le commissaire en chef. Dans 98 % des cas, cet avis est suivi par le Président.

Théoriquement, il y a un risque que des irrégularités se produisent. Il se préoccupe d'élaborer un système excluant autant que faire se peut ces irrégularités.

Un membre demande des renseignements sur la fiche d'enquête : que signifie la mention « pas d'enquête » ?

M. Vandeneede répond que le Président se réservait le droit de transmettre personnellement au ministre des lettres qui lui étaient adressées personnellement lorsqu'il s'agissait de petites infractions (par exemple un emploi abusif des voitures de service) et qu'il pensait que l'administration pouvait les examiner elle-même. Il transmettait également des dossiers au procureur général ou au procureur du Roi. Il s'agit principalement ici de plaintes pour lesquelles le C.S.C. n'est pas compétent (par exemple des dossiers concernant des magistrats, des dossiers administratifs de communes ou de provinces).

À la demande du même membre, il confirme qu'à l'heure actuelle, le plaignant est averti lorsque sa plainte est transmise à un autre service (publicité de l'administration).

Un autre membre demande si l'enquête est considérée comme terminée lorsqu'elle est envoyée au parquet.

M. Vandeneede répond que l'enquête n'est pas encore terminée à ce moment-là, parce que le parquet peut charger le C.S.C. de l'enquête judiciaire. L'enquête n'est considérée comme terminée que lorsqu'elle est tout à fait clôturée.

Le problème est que les parquets ne tiennent pas le C.S.C. au courant de la suite qu'ils donnent à un dossier. Si, trois mois après la transmission au parquet, le C.S.C. n'entend plus parler de rien, l'enquête est considérée comme clôturée pour cette raison. Le parquet peut décider de charger un autre service de police de poursuivre l'enquête, mais aussi de classer l'affaire sans suite.

L'intervenant demande si l'on rédige également une fiche d'enquête lorsqu'on décide de ne pas examiner une plainte.

M. Vandeneede répond qu'il n'existe aucun formulaire spécifique, mais que cette décision du Président accompagnée de son avis doit être jointe à la plainte.

Une autre membre demande combien de dossiers importants sont classés aux parquets sans suite judiciaire.

M. Chenot répond que les parquets ne communiquent pas les suites qu'ils donnent aux dossiers qui leur sont transmis.

Un commissaire demande quel est le nombre de dossiers qui sont clôturés après trois mois parce que l'on n'apprend plus rien des parquets.

M. Vandeneede répond que cela se produit régulièrement. Il signale que le parquet est habilité à décider ce qu'il adviendra d'un dossier d'enquête. Étant donné qu'il n'y a pas d'interaction, le C.S.C. n'a pas le moindre idée de ce qu'il advient des dossiers transmis.

C'est ainsi qu'une enquête importante à laquelle on a travaillé pendant quatre ans est depuis un an déjà à l'étude au parquet de Bruxelles. Il s'agit d'une affaire de plus d'un milliard, et le parquet n'a toujours pas donné l'autorisation d'aviser le ministre concerné de cette affaire.

Bien entendu, le C.S.C. se demande pourquoi, dans une affaire aussi importante, pour laquelle l'enquête judiciaire est tout à fait terminée, il faut attendre aussi longtemps l'autorisation du parquet.

Une membre en conclut qu'il y a un manque de coordination et de suivi, qui a pour effet que le C.S.C. n'a aucune idée de la suite qui est donnée à ses enquêtes.

M. Vandeneede répond qu'il ne peut pas se prononcer à ce sujet. Il n'a pas le pouvoir de contrôler le parquet. Il souhaite néanmoins que l'on démontre une fois pour toutes précisément de quelle manière le C.S.C. court-circuiterait des enquêtes. S'il transmet une affaire au parquet et qu'ultérieurement, il n'en entend plus parler, il doit supposer que le parquet fait le nécessaire pour déclencher l'action pénale. On peut également se demander si le C.S.C. doit obtenir ce feed-back du parquet. Doit-il s'immiscer dans la politique des poursuites ?

Un autre membre estime qu'il est malgré tout souhaitable que le parquet fasse savoir quelle suite a été donnée à une enquête déterminée.

M. Vandeneede reconnaît que ce serait utile.

Un troisième intervenant demande si le commissaire en chef décide qui mène l'enquête.

M. Vandeneede répond qu'il décide quelle section est chargée de l'enquête. C'est le chef de section qui désigne les enquêteurs. Il souligne que ni l'A.G., ni le président ne sont jamais intervenus en la matière, pas plus que dans la façon dont une enquête doit être menée.

Une commissaire demande si M. Vermeulen s'appropriait des enquêtes.

M. Vandeneede le reconnaît. Cela a donné lieu à de nombreuses frictions. Une personne occupant cette fonction doit diriger et superviser les enquêtes, mais ne peut pas faire le travail sur le terrain.

M. Chenot fait remarquer que l'administrateur général a également sa propre section d'enquête, sur laquelle lui-même n'exerce aucune autorité (« cellule spéciale d'enquête »); le président non plus d'ailleurs. Il n'a également aucun contrôle sur les enquêteurs mis à la disposition du juge d'instruction (voir supra ).

Un commissaire demande quelle est la proportion entre les plaintes en néerlandais et les plaintes en français. Leur nombre est-il proportionnel au nombre des enquêteurs ?

Il y a pour l'instant 124 enquêteurs néerlandophones contre 176 francophones.

Une autre membre demande s'il est exact que l'on charge parfois les enquêteurs de petits dossiers pour empêcher qu'ils s'occupent de dossiers importants.

M. Vandeneede fait observer que M. Vermeulen se réfère toujours à la même enquête (certains abus concernant le restaurant d'une école). Ce qu'il oublie de dire, c'est qu'il s'agissait d'une dernière vérification d'une enquête plus large. En outre, cet événement unique ne peut être généralisé.

Un membre demande si les autorités étaient au courant des problèmes qui se posaient au sein du C.S.C.

M. Vandeneede répond que ces problèmes ont toujours été mentionnés. Des notes ont été transmises au Premier ministre, ainsi qu'au procureur général. Toutes les autorités concernées étaient au courant.

M. Chenot affirme qu'un dossier copieux existe au parquet général de Bruxelles. Ce dossier comporte notamment les procès-verbaux rédigés à charge de plusieurs collègues par M. Vermeulen. Il s'étonne de l'inertie complète de la part des autorités compétentes.

Une intervenante désire savoir si un ministre peut demander un dossier.

M. Vandeneede répond que c'est le président qui statue à ce sujet.

Un membre demande si les infractions examinées sont cataloguées.

M. Vandeneede répond que le « numéro de code » donné à chaque plainte qui parvient au parquet renvoie à la nature de l'infraction. Toutes les infractions ont donc un code. Le comité pourrait faire la vérification pour ses propres dossiers. Il n'existe toutefois actuellement aucune donnée statistique.

Le membre estime que cela doit être un élément utile à l'avenir pour la détermination de la politique du C.S.C.


IV. AUDITION DU COMITÉ PERMANENT DE CONTRÔLE DES SERVICES DE POLICE

1. Exposé de M. Pyl

M. Pyl fait un exposé en deux parties. Dans la première, il donne un aperçu historique de l'évolution des différents services de police. Dans la seconde, il examine la situation actuelle de ceux-ci.

I. Introduction

La Belgique a connu de nombreuses périodes d'occupation par de grandes puissances étrangères qui ont toutes marqué leur empreinte tant sur l'organisation que sur l'institution de l'appareil de l'État et du système policier. Le système policier a surtout été influencé par l'administration française, entendez Napoléonienne. Celle-ci a apporté bon nombre d'innovations et de structures nouvelles qui ont fait disparaître les structures les plus anciennes, souvent issues du Moyen-Âge, ou qui continuaient à exister parallellement à leur côté. Ainsi, le développement de la gendarmerie et sa relation parfois équivoque avec la police communale déjà en place date de cette période.

Cette gendarmerie a continué à être conçue comme un pouvoir policier organisé au niveau national mais capable de mener une politique autonome. Son contrôle était limité. Par contre, la police communale est restée organisée au niveau local et, par désinvestissement, sauf dans les grandes villes, elle est progressivement devenue la petite soeur faible de la gendarmerie. Enfin, en 1919, et à la demande de la magistrature, la police judiciaire près les parquets est créée comme troisième service de police belge. Cette police-judiciaire n'a jamais pu jouer pleinement son rôle de corps de police d'élite et se trouve aujourd'hui en sérieuse concurrence avec les unités de recherche de la gendarmerie.

Cette relation problématique entre les services de police qui s'est accrue des années durant, fait en sorte que de nombreux problèmes apparaissent sur le terrain. En outre, chaque mesure politique qui tente d'y remédier sera toujours considérée en fonction des rapports de pouvoir mutuels entre les trois services de police.

II. L'évolution

Depuis les années 70, le système policier belge est de plus en plus souvent remis en question et les débats sur la répression et le maintien de l'ordre apparaissent progressivement. Toutefois, il n'est pas toujours évident de cerner le problème et de savoir comment le résoudre. Il n'existe pas d'études scientifiques à ce sujet.

Du côté de la gendarmerie, on prône le maintien de la situation existante. Du côté de la police communale, on est convaincu qu'il est réellement indispensable de procéder à la collaboration intercommunale, mais l'on se méfie d'une séparation territoriale et/ou fonctionnelle.

Les événements des années 80 qui ont donné naissance à diverses commissions et plus particulièrement l'intérêt croissant du monde scientifique et finalement du monde politique mettront à nu les véritables problèmes et contribueront à rédiger les premières réformes à la fin des années 80 et au début des années 90.

L'affaire François a mis un terme au désintérêt du Parlement à l'égard des problèmes de la police et fait naître le besoin de comprendre le travail et le fonctionnement de nos services de police.

Le 1er juin 1980, la commission d'enquête parlementaire ­ la Commission Wijninckx ­ est créée afin de vérifier l'efficacité du fonctionnement des milices privées et des services de police. À peine un an plus tard, le 19 juin 1981, la commission termine sa radioscopie. L'affaire François semble être la pierre d'achoppement de la plupart des problèmes que doit affronter notre système policier. L'examen fait en effet apparaître cinq questions prioritaires :

­ Le déroulement de l'enquête de recherche est illégal. Ni les compétences de la police, ni les droits du citoyen ne sont expliqués.

­ Le ministre de la Justice n'a pour ainsi dire pas la parole dans la gestion des services de police. D'une part, le règlement de l'autorité exercée sur la police communale est insuffisant; d'autre part, la loi sur la gendarmerie rend le ministre de la Défense nationale responsable de la gestion de celle-ci. En fin de compte, c'est donc lui qui décide comment la gendarmerie intervient dans le cadre de la recherche et de la poursuite des délits.

­ L'absence d'un contrôle externe.

­ Le déséquilibre historique entre la police communale, la gendarmerie, et la police judiciaire.

­ L'absence d'une séparation fonctionnelle et territoriale tant pour les affaires administratives que pour les affaires judiciaires.

Au cours des années qui suivirent, les réactions ont été rares, voire inexistantes. Les recommandations de la commission consistaient à l'époque, à mettre sur pied une commission d'enquête parlementaire, à démilitariser la gendarmerie et à équilibrer les niveaux entre les différents services de police. Ces recommandations n'ont conduit à aucune restructuration ni aucun changement.

Tout est resté tel quel.

Les dysfonctionnements les plus graves du système policier problématique n'ont été discernés qu'après les événements dramatiques des années 80 : les attentats des C.C.C., les tueries sanglantes des tueurs du Brabant wallon et le drame du Heysel.

Mais le plus impressionnant a sans doute été le désordre dans lequel l'ensemble de l'appareil de sécurité a essayé de faire face à ces événements. Les trois services de police ont travaillé dans la lutte contre la grande criminalité indépendamment les uns des autres et parfois ­ pour comble de malheur ­ les uns contre les autres. L'enquête informelle n'était soumise à aucune réglementation.

On a réalisé que les missions administratives et judiciaires de la police, à l'exception de quelques décrets révolutionnaires adoptés à l'époque de la Révolution française, n'ont jamais été décrites clairement et uniformément. Il n'existait pas davantage d'accords sur la coordination, l'harmonisation et la répartition des tâches. La police scientifique était d'une qualité critiquable. Le contrôle externe était pour ainsi dire inexistant.

Suite à ces événements, la responsabilité politique des dirigeants fut pour la première fois mise en cause et la protection de la sécurité du citoyen occupa de plus en plus l'avant-scène.

En mars 1985, les autorités réagissent en prenant quelques mesures politiques dans le cadre d'un programme « sécurité des citoyens ». Les ministres de la Justice et de l'Intérieur annoncèrent entre autres les initiatives suivantes :

­ l'accroissement des effectifs et des moyens;

­ la rédaction d'une nouvelle loi sur la police;

­ la création de structures de collaboration et de concertation;

­ la centralisation de l'enquête judiciaire sur la criminalité lourde au sein d'un seul corps de police;

­ la mise sur pied d'unités spécialisées dans la lutte contre le terrorisme.

Par ailleurs, selon les textes, la formation des fonctionnaires de police serait améliorée et des initiatives seraient adoptées en vue d'améliorer la prévention. La recherche scientifique serait favorisée et tout serait mise en oeuvre pour créer l'École de criminologie et l'Institut national de criminalistique. Enfin, le gouvernement entreprendrait également des démarches afin d'uniformiser la communication entre les différents services de police.

La réaction de l'autorité est incohérente, superficielle et répressive. Elle se limite à plus d'hommes, plus de moyens, plus de compétences, plus d'unités et plus de répression. Par contre, les problèmes structurels ne sont pas abordés; les réformes structurelles ne sont pas réalisées. Le gouvernement essaie de justifier son approche sévère en affirmant que la criminalité avec violence et le sentiment d'insécurité de la population ont considérablement augmenté. En effet, l'attention des médias se concentrait surtout sur des informations relatives à la criminalité avec violence tout en laissant penser que le nombre d'agressions ­ et de meurtres ­ augmentait terriblement. Cette orientation de l'information conduit à son tour à une attitude plus répressive de la part de la population et à la création d'un consensus social sur une approche plus dure de la criminalité, ce qui donne finalement lieu à ce que l'on appelle le « cercle vicieux de la répression ».

La mise à disposition d'un plus grand nombre de ressources humaines et matérielles engendre plus de criminalité enregistrée, ce qui entraîne à terme une surcharge du système pénal. La perte de qualité, d'efficacité et la baisse du taux d'élucidation qui l'accompagne ne provoque cependant pas une réorganisation mais au contraire une nouvelle augmentation des ressources humaines et matérielles.

Cette politique ambitieuse mais exclusivement répressive fait définitivement basculer l'équilibre déjà fragile entre la police communale et la gendarmerie au profit de la gendarmerie organisée militairement.

III. Le tournant

Dans le cadre du procès d'Assises de la bande de Nivelles, on soutient de plus en plus l'hypothèse selon laquelle l'extrême-droite se profile derrière la Bande. Suite à cela, une proposition est reprise qui vise à créer une commission d'enquête parlementaire. Une proposition qui date déjà de 1985 mais qui, à l'époque, fit l'objet d'une résistance farouche de la part du ministre de la Justice en fonction. Entre-temps, un changement de gouvernement avait été opéré et la proposition visant à mettre sur pied une commission d'enquête parlementaire fut approuvée sans beaucoup de peine.

La « commission d'enquête chargée de l'enquête sur la manière dont la lutte contre le banditisme et le terrorisme est organisée », dépose son rapport d'enquête le 30 avril 1990. Depuis, on sait suffisamment que les résultats de cette commission d'enquête ont été accablants pour le système policier.

En résumé, ces résultats revenaient à dire que :

­ les conflits et la méfiance règnent tant entre les enquêteurs entre eux, qu'entre les enquêteurs et les magistrats;

­ la concurrence entre les différents services entraîne l'utilisation de méthodes qui sont à la limite du tolérable ou qui la dépassent;

­ les raisons de l'échec de la politique en matière de police et de sécurité sont essentiellement :

* un manque de moyens nécessaires, plus particulièrement dans le domaine de la communication;

* une coordination boiteuse et une direction déficiente de l'enquête;

* la disparition de pistes et de pièces à conviction ainsi que l'organisation de fuites au profit des criminels;

* l'influence et l'intimidation des fonctionnaires de police et de leur famille;

* une attention insuffisante pour les informations données par la population;

* un manque de véritable analyse de la politique scientifique et de la criminalité;

* l'absence de continuité dans la politique des poursuites et un manque total de régulation légale de l'information.

Dans les grandes lignes, les propositions que la commission offre pour résoudre ces problèmes sont :

­ le maintien des trois services de police dont l'organisation et le contrôle se fait au niveau des arrondissements judiciaires. L'exécution des tâches administratives se fait sous la direction d'un commissaire d'arrondissement assisté d'un préfet de police. L'exécution des tâches judiciaires serait organisée sous la direction du procureur du Roi, également assisté d'un préfet de police;

­ au niveau de l'arrondissement, de la province et au niveau national, des comités sont mis sur pied pour le contrôle, l'avis, le traitement des plaintes, leur règlement et la formulation de la politique à suivre;

­ la gendarmerie est remodelée en un corps civil;

­ un institut autonome et indépendant doit être érigé. Il fonctionne comme un service national d'appui pour la police scientifique, centralise toutes les données et offre un accès uniforme à tous les services de police;

­ il convient de créer un organe de contrôle externe qui supervise tous les services de police et de renseignements;

­ lors de leur engagement, les recrues doivent être interrogées sur leur opinion démocratique et doivent être motivées au cours de leur formation;

­ il convient de revoir la fonction de l'agent de quartier;

­ les principes fondamentaux relatifs à l'utilisation des techniques policières, telles que l'utilisation des informateurs, des infiltrants, la provocation et l'écoute des communications téléphoniques, doivent être fixées dans une loi générale sur la fonction de police;

­ il convient de viser une meilleure collaboration et à une meilleure coordination entre les services de police;

­ le ministre de la Justice doit être responsable de la politique de recherche et de poursuite des infractions et doit lui donner une direction;

­ un magistrat national doit être nommé et, selon le cas, il faut désigner un magistrat-chargé de la coordination.

Bien avant que la Commission d'enquête ne publie son rapport, le ministre de l'Intérieur promulgue, en avril 1990, des directives générales pour essayer de mieux harmoniser la politique policière. Au moyen de la circulaire OOP 13, on tente d'arriver à une répartition des tâches fonctionnelles entre la gendarmerie et la police communale dans le cadre de leurs missions administratives. Tout en tenant compte des circonstances locales, l'objectif est de profiler les deux services de police en les rendant complémentaires. Il est demandé aux bourgmestres de fixer leurs priorités d'intervention dans des protocoles.

IV. Les Plans de la Pentecôte

Le souci porté à la coordination, à la répartition des tâches et à la conduite d'une politique cohérente en matière de sécurité constituent les points de départ du programme politique relatif au « maintien de l'ordre, sécurité du citoyen et répression des délits » qui est communiqué le 5 juin 1990 par le gouvernement. Il est mieux connu sous le nom du « Plan de la Pentecôte ». Ce Plan a surtout pour objectif de mettre un terme aussi vite et aussi bien que possible à la crise de légitimité qui existe entre la police et la population, tout en offrant une solution à un certain nombre de lacunes que la Commission d'enquête parlementaire a mises en évidence. Les mesures se situent à divers niveaux tels la coordination de la politique policière, la mise sur pied de services communs, le contrôle des services de police et de renseignements, la réorganisation de la Sûreté de l'État, etc.

Pour les trois services de police générale, le Plan de la Pentecôte prévoit ce qui suit :

­ La gendarmerie est transférée au ministre de l'Intérieur et est cogérée par le ministre de la Justice. En d'autres termes, la gendarmerie est démilitarisée. Avec la loi du 18 juillet 1991, une profonde réorganisation du corps est réalisée, tant au niveau interne en ce qui concerne le management qu'au niveau externe en ce qui concerne le service policier de base. Outre la démilitarisation effective, le gouvernement prévoit encore de modifier le statut disciplinaire, syndical et pécuniaire. L'inspection est placée directement sous l'autorité du ministre afin d'en augmenter l'efficacité et l'indépendance.

Il est encore trop tôt pour tirer aujourd'hui des conclusions définitives mais la culture policière actuelle semble bel et bien être un frein à une refonte de la mentalité. Le but de la Commission des tueurs du Brabant wallon consistait entre autres à ce que les importantes tâches judiciaires de la police soient confiées à un organe non militaire. Entre-temps, la gendarmerie devient en effet un service de police civil mais au niveau judiciaire, peu de choses ont apparemment changé.

­ La police communale doit être revalorisée. Il convient de la moderniser, de mieux l'équiper et de mieux la former. Il faut faire de ce service le service policier de première ligne du pays. Cette formidable mission qui est très onéreuse ne connaîtra qu'un succès partiel. En effet, la police communale est absente en de nombreux endroits et ne pourrait être installée qu'au prix d'énormes investissements. L'un des points cruciaux de la revalorisation, à savoir la collaboration intercommunale, n'atteint pas son but. D'abord à cause de la réticence qu'expriment les communes et ensuite parce que la plupart des communes ne gèrent pas les centrales 101.

Il résulte de cette revalorisation partielle un renforcement des forts et un affaiblissement des faibles.

­ En fait, la police judiciaire près les parquets dérange les plans de réforme de la police communale et de la gendarmerie. On essaye donc d'intégrer la police judiciaire près les parquets dans la gendarmerie. Toutefois, la Justice a pu empêcher que cela se fasse et elle a même obtenu une restructuration qui devait donner plus d'unité aux brigades indépendantes de la police judiciaire près les parquets et qui permettait la création d'unités financières spéciales au niveau national.

Il est un fait que la police judiciaire près les parquets n'a pas pu compter sur les énormes investissements qui ont été réalisés pour la police communale et la gendarmerie, à l'exception de quelques investissements dans le cadre de la police scientifique et de l'informatique.

La conséquence du Plan de la Pentecôte est la réalisation d'une police ­ un programme législatif ­ qui dépasse tout ce qui a été fait dans ce domaine dans les pays voisins après la seconde guerre mondiale.

Les lois organiques ­ la loi sur la gendarmerie, la loi communale et la loi sur la police judiciaire ­ sont revues. La loi sur la fonction de police et la loi sur le contrôle des services de police sont réalisées ainsi qu'un nombre considérable d'arrêtés non parlementaires.

Malgré ceci, d'autres objectifs tout aussi importants n'ont pas été atteints. Les services de police ne sont pas réorganisés au niveau zonal. La réorganisation et la modernisation de la Justice en général et du ministère public en particulier ne sont pas abordées. La proposition visant à la réalisation d'un service de police unique pour l'exécution des missions judiciaires a encore moins trouvé de réponse.

Après les élections de 1991, apparaît un Plan de la Pentecôte bis , lequel place l'accent non sur les services de police, mais plutôt sur les communes et sur un certain nombre de mesures d'appui en matière de politique à suivre.

Avec la création de la concertation pentagonale, on essaie tant au niveau local qu'au niveau provincial de faire concorder la politique de la justice avec la politique administrative en réunissant les deux autorités de police et les trois services de police. La concertation pentagonale doit en deuxième lieu essayer de définir la capacité policière dont on a besoin.

La concertation pentagonale se met difficilement en place car les anciennes structures continuent à exercer leur influence et également parce qu'elle est présentée comme un remède miracle, ce qui n'est pas le cas.

Le problème de la coordination et de l'harmonisation entre les services de police est abordé avec la création du service général d'appui policier. Le S.G.A.P. est une structure de coordination et de gestion qui n'a pas de compétences opérationnelles. Sa mise sur pied souffre d'un mal typiquement belge : la structure est d'abord créée, les objectifs et la finalité sont ensuite recherchés. Le S.G.A.P. devrait se constituer de cinq services, à savoir un service d'appui opérationnel, un service de collaboration internationale, un service de télématique, un service de politique en matière d'appui policier et un service de formation. Le fait que jusqu'à ce jour il n'y en ait que quatre résulte de la « bonne entente » entre les services de police qui constituent le service.

Divers observateurs émettent souvent la critique selon laquelle l'apport inégal des trois services de police au sein du S.G.A.P. engendre une dominance de la gendarmerie.

L'intérêt de ce service ne peut pas être sous-estimé et grandira avec le temps. Pourtant il conviendra d'éviter de faire du S.G.A.P. un service de police. Le S.G.A.P. est conçu comme un service d'appui et doit le rester.

En conséquence, il est à conseiller que sa gestion ne soit plus assurée par les services de police, d'autant plus que ceux-ci doivent travailler dans des circonstances tout à fait inégales.

Une autre réalisation importante du Plan de la Pentecôte bis , bien qu'elle ne soit pas d'ordre purement policier, concerne les contrats de sécurité. Ces contrats ne signifient pas seulement un renforcement de la politique de sécurité au niveau local et une socialisation de la pensée en matière de sécurité, mais ils garantissent également l'adoption d'une nouvelle philosophie, le « community policing ».

Community policing signifie qu'en se basant sur les attentes de la population et de concert avec celle-ci, les problèmes de sécurité sont abordés à un niveau qualitatif élevé et en collaboration avec les autres services.

Community policing signifie également service offert, aide aux victimes et projets de prévention.

En ce qui concerne les contrats de sécurité plusieurs réflexions s'imposent :

­ Il est difficile d'évaluer l'effet de tout cet argent étant donné que, contrairement à la philosophie du community policing, aucun sondage de la population n'a jamais été réalisé et parce qu'une enquête de résultat était encore moins prévu.

­ Les investissements augmentent chaque année et s'élèvent pour certaines communes à plus de 150 millions par an. Cependant personne ne sait combien de temps cela va durer et le risque est grand que, une fois le robinet fermé, le système si péniblement mis en place ne s'effondre.

­ Jusqu'à présent, les contrats de sécurité n'ont pour ainsi dire eu aucun effet sur le noyau de l'organisation policière. Il en résulte que l'idée d'une politique de sécurité intégrale ne parvient pas à voir le jour.

­ Dans la mesure où la gendarmerie s'incorpore de plus en plus au niveau local et qu'elle s'occupe davantage du service policier de base, il faudra à l'avenir certainement tenir compte de ses exigences financières. Le risque est grand que la réponse à cette demande au niveau fédéral ne se fasse au détriment du niveau communal.

À côté de cela, le Plan de la Pentecôte bis comprend d'autres sujets, tels l'harmonisation des statuts et des compétences des différents services de police et l'harmonisation de la formation. Rien n'a pour ainsi dire été fait dans le cadre de ces deux problèmes.

Sur la base d'une enquête scientifique réalisée par la K.U.L., la norme minimale de sécurité a été fixée pour les communes. Cette norme qui n'a jamais été imposée en terme d'obligation mais qui a été utilisée comme indication de l'ampleur des corps de police, n'est aujourd'hui toujours pas atteinte dans certains corps. En outre, son application a produit certains effets secondaires en ce sens que les corps de police qui ont plus d'agents en service que la norme minimale, réduisent le nombre d'effectifs de leur corps.

En tout cas, le système de la norme minimale doit être reconsidéré en fonction du groupement des corps de police dans les zones interpolice. En effet, il est un fait qu'une norme calculée sur la base d'indicateurs qui ont une signification simplement locale ne suffit pas pour les circonstances supralocales.

Le Plan de la Pentecôte a également essayé d'aborder le problème des tâches administratives des services de police et principalement celles de la police communale. Dans ce cadre, l'autorité fédérale a dû surtout compter avec la réticence exprimée par les administrations communales, principalement dans les communes plus rurales, où la police fait partie de l'administration et où l'application des directives en la matière pose des problèmes pratiques.

Un projet particulièrement ambitieux est l'informatisation des services de police. Il convient de constater que non seulement les trois services de police générale développeront ou feront développer un système informatique propre, mais que la justice essaie également d'avoir son propre système. Dans ce cadre, le S.G.A.P. aura pour mission fondamentale d'unifier quelque peu ce projet.

Toutefois, ce que ne prévoit pas le Plan de la Pentecôte, c'est l'harmonisation des mesures d'organisation des services de police avec la magistrature, tout au moins comme solution au problème des tâches judiciaires. Cet objectif était pourtant capital pour la Commission Bourgeois. Il en résulte que le fossé entre la magistrature et la police s'est encore creusé au niveau de la formation, de l'équipement de la compétence et du professionnalisme.

Le Plan de la Pentecôte bis va au-delà des réalisations du Plan de la Pentecôte I.

1º La démilitarisation de la gendarmerie

Outre les modifications organisationnelles, on tente d'arriver à une nouvelle stratégie avec la démilitarisation.

L'approche très bureaucratique doit faire place à une approche plus axée sur l'entreprise. Ceci devrait signifier qu'en répondant aux attentes, aux préoccupations et à l'insécurité de la population, on travaille d'abord dans le but d'obtenir un résultat.

Ensuite, une approche efficace en pesant les efforts à déployer au niveau du personnel et des moyens.

Enfin, tendre à la qualité en suivant un processus permanent d'amélioration et d'adaptation.

Pour réaliser ceci, la gendarmerie prévoit trois domaines d'activités opérationnelles :

­ le service policier de base;

­ le service policier spécialisé;

­ le soutien opérationnel spécialisé.

En outre, ces trois domaines opérationnels doivent bénéficier d'une fonction d'appui globale.

Tous ces changements organisationnels ne sont toutefois pas possibles sans un changement de mentalité. C'est pourquoi, on essaye de mettre l'accent sur le changement de culture, principalement au niveau de la direction et de la communication.

Dans ce changement de culture, la gendarmerie devra veiller à associer simultanément la génération actuelle et la nouvelle génération. En effet, ce serait commettre une faute grave que de sous-estimer l'opiniâtreté de la culture du corps.

2º La police communale continue à être revalorisée

Beaucoup d'argent est affecté à l'équipement et aux frais de fonctionnement via ledit fond de sécurité, les droits de tirage et autres canaux.

Au niveau du recrutement, de la sélection et de la formation, un certain nombre d'initiatives intéressantes sont prises.

Pour la police rurale, la possibilité de passer au statut de police urbaine est créée. Un cadre administratif et logistique est mis sur pied pour la police urbaine. Certains corps de police urbaine peuvent créer une unité d'agents auxiliaires.

La formation du cadre moyen est d'abord officiellement mise en place, tandis que la formation des officiers est remodelée et est plus axée sur les aspects modernes du management et du commandement.

De nombreuses administrations communales ont des difficultés avec ces nouveautés parce qu'elles entraînent, selon leur dire, plus de frais et moins d'influence (propre). Les initiatives de formation recontrent surtout l'adversité des syndicats. Pour des raisons qui ne sont pas toujours logiques et rationnelles, la réforme de la formation a difficilement été acceptée.

En bref, la police communale se lamente mais n'est apparemment pas toujours prête à déployer elle-même certains efforts pour mener à bien sa revalorisation.

3º La police judiciaire près les parquets

La P.J.P. passe de 23 corps et un commissariat général à un seul grand corps qui dispose d'une sorte de staff « à la gendarmerie ». L'avant-projet de loi prévoit non seulement cette réorganisation mais prévoit aussi une revalorisation financière et même un droit de priorité sur les autres services de police.

La réaction des autres services de police est violente, surtout à l'égard de l'aspect financier et de l'aspect des compétences. C'est la raison pour laquelle le projet de loi n'a pas encore été réalisé.

4º La loi sur la fonction de police

La loi sur la fonction de police crée le cadre légal au sein duquel la fonction de police est exercée. La structure et l'organisation des services de police continue toutefois à être réglée séparément. La loi règle la direction, l'autorité et le contrôle des services de police. La loi règle la coordination et la collaboration entre les services de police. Enfin, la loi règle la responsabilité civile des fonctionnaires de police.

La loi sur la fonction de police est un véritable pas en avant, tant pour les services de police que pour les citoyens. Et pourtant, elle est loin d'être parfaite :

­ Il existe un déséquilibre entre le développement des missions et des compétences des services de police et les principes d'autorité, de direction et de contrôle, principalement par rapport aux autorités judiciaires.

­ La loi sur la fonction de police a fortement insisté sur la différence classique entre la police administrative et la police judiciaire. En pratique, cette différence théorique semble difficile, voire impossible à maintenir. La loi ne répond pas à la question de savoir à quel moment la police administrative devient police judiciaire et inversement. Elle n'offre pas de solution à certaines activités spécifiques mais difficiles à situer, telles que le recueil d'informations et l'aide aux victimes.

­ Par ailleurs, la loi présente certaines lacunes quant aux techniques policières, aux méthodes policières et à l'assistance. Cette dernière qui est une mission essentielle pour certains services de police, est bien prévue mais n'est pas développée.

­ Par opposition aux missions administratives, les missions judiciaires sont traitées de façon sommaire. On ne fait toujours pas la distinction entre les différentes phases de l'enquête et on ne développe pas suffisamment la relation entre les services de police et les autorités judiciaires.

Bien qu'étant en vigueur depuis quatre ans, on ne peut que constater que la loi sur la fonction de police est mal connue d'une majeure partie des fonctionnaires de police et que l'exercice de la fonction de police telle qu'elle est définie par la loi est rendue impossible par l'absence d'une politique criminelle.

V. Situation actuelle

5.1. Au niveau de la politique à suivre

Le fonctionnement actuel des services de police est régi par la déclaration gouvernementale de juin 1995. Elle met l'accent sur quatre points importants :

­ les zones interpolice;

­ le renforcement de la politique locale en matière de prévention et de sécurité;

­ la concertation pentagonale;

­ la spécialisation accrue des services de police.

Chacune de ces mesures a du mérite en soi et en tous cas, elles contribueront à une sécurité renforcée de la population. Mais elles ne présentent certainement pas une vision cohérente du problème de la sécurité en général et certainement pas dans l'exercice de la politique intégrale.

1º La formation des Z.I.P.

Les zones interpolice, bien que critiquées, constituent dans le cadre des circonstances données, l'unique solution pouvant augmenter l'efficacité des services de police.

Sur la base d'un concept élaboré et sous réserve de la réalisation des chartes de sécurité, elles contribueront certainement à renforcer la sécurité et l'efficacité du service policier. Toutefois il y a quelques problèmes fondamentaux :

­ Le concept des Z.I.P. ne repose pas sur un cadre légal : il ne constitue pas une obligation. La seule décision réglementaire est l'approbation par le conseil communal. Mais il peut l'approuver ou non en toute liberté.

­ Les zones interpolice doivent faire face à des problèmes tant qualitatifs que quantitatifs.

­ D'énormes différences peuvent apparaître au niveau des statuts entre les partenaires d'une même zone, ce qui tôt ou tard engendre des conflits.

­ Il n'est pas du tout évident de savoir qui assume la direction et l'autorité des services de police au sein d'une zone interpolice. Les chartes de sécurité contiennent certes les grandes lignes de la politique à suivre mais ne garantissent pas d'uniformité dans son exécution.

2º Le renforcement de la politique locale en matière de prévention et de sécurité

D'un point de vue démocratique et eu égard à la philosophie du « community policing », ce concept mérite certainement d'être soutenu. Mais l'autorité qui régit la plus grande partie des services de police reste fédérale. La politique de prévention est essentiellement définie au niveau fédéral. Les contrats de sécurité, les contrats de prévention et les autres accords de sécurité sont imposés au niveau fédéral. Bon nombre d'initiatives dans ces domaines émanent du Secrétariat permanent à la politique de prévention qui mène parfois une politique très curieuse et dont les décisions ne peuvent pas toujours être qualifiées de logiques ni de rationnelles. Une grande partie des éléments sociaux d'une politique de sécurité (jeunesse, pauvreté, intégration, souci du bien-être, aide aux victimes, etc.) est désespérément répartie entre tous les niveaux de l'État fédéral. Il convient donc de se demander une fois pour toutes dans quelle mesure la politique locale en ressortira vraiment renforcée.

3º La concertation pentagonale

La concertation pentagonale est sans aucun doute un moyen d'aboutir à une politique de sécurité intégrée. Néanmoins, il faut être attentif à certaines évolutions :

­ La concertation pentagonale passe d'une proportion logique 2-3 (basée sur la loi de la fonction de police (2 autorités de police et 3 services de police) à un dialogue à 5. La concertation prévue au départ sur les problèmes de sécurité devient une interprétation pratique de qui fait quoi.

­ De nombreuses formes de concertation souffrent du formalisme; trop d'accords sont inscrits dans des protocoles rédigés formellement. Il serait plus efficace d'établir certes par écrit les accords existants mais dans une forme adaptable et avec possibilité d'effectuer le suivi de leur exécution.

­ L'exigence d'équivalence qui émane surtout des services de police, aussi importante soit-elle, va à l'encontre des séparations traditionnelles du système; l'autorité face au service, l'administratif face au judiciaire, l'autorité face à la direction et le niveau réglementaire face au niveau exécutif.

­ Le niveau de la concertation pentagonale est double : un niveau local qui prend rapidement l'ampleur d'un niveau d'arrondissement ou de province. Au niveau local, le procureur du Roi se retrouve rapidement face à une vingtaine de bourgmestres et à une quarantaine de chefs de corps; une telle forme de concertation devient rapidement inefficace d'autant plus que le procureur du Roi ne peut, à l'heure actuelle, toujours pas compter sur une politique criminelle. Puisque la concertation pentagonale est tout de même axée sur des problèmes locaux, il faut maintenir le niveau d'échelle le plus bas possible.

4º La spécialisation accrue des services de police

On constate curieusement que tout le monde se spécialise. La PJP était déjà bien spécialisée mais se voit aujourd'hui menacée dans ses spécialisations. La gendarmerie veut se spécialiser dans le plus de domaines possibles et reçoit certainement les moyens pour le faire. La police communale recommence à créer des unités dont elle n'a pas besoin mais néglige sa fonction de base, qui est en fait sa plus belle arme.

Mais le mieux n'est-il pas l'ennemi du bien ?

Un grand nombre de tâches que la P.J.P., les B.S.R. et les Brigades Judiciaires de la police communale s'octroient, sont tout à fait parallèles. Ainsi, les trois services conservent chèrement des unités opérationnelles identiques pour la lutte contre la drogue et les délits de moeurs.

La police communale dispose encore d'unités de cavalerie et met rapidement (au niveau des subventions) des brigades canines sur pied. À l'instar de l'E.S.I. de la gendarmerie, les plus grands corps mettent des équipes d'intervention spéciale en place.

Au niveau du crime organisé, le gouvernement impose une directive portant sur la collaboration et la coordination en matière de missions de police judiciaire entre les services de police.

Tout cela, dans l'attente d'une (de) réglementation(s) légale(s) de l'enquête, de futures structures policières, etc. La spécialisation (point 4 de la directive) est démolie par un front syndical de la police et de la magistrature qui la qualifie d'« un non sens complet » et peut difficilement être considérée comme une solution au problème.

5.2. Au niveau de l'exécution

On l'a déjà dit à plusieurs reprises : il y a suffisamment de police. Il n'y a pas de besoin quantitatif. Par contre la qualité, la coordination et l'efficacité sont indispensables.

Une politique policière cohérente exige un effort simultané des autorités administratives et des autorités judiciaires. « La guerre des flics » est en partie due à un manque de coordination, de transparence et à une politique défaillante.

On parle aujourd'hui de deux fronts. Un premier front entre la gendarmerie et la police communale avec pour enjeu le service policier de base dans les villes et les communes; et un deuxième front entre la gendarmerie et la police judiciaire avec pour enjeu le crime organisé.

Depuis 1988, la politique gouvernementale en matière de service policier de base a entamé un sérieux changement de cap. Au départ, si l'intention était de faire jouer la complémentarité des services avec une sorte de police de première ligne et une police de seconde ligne, on choisit aujourd'hui d'avoir un système d'égalité au sein duquel les deux services de police garantissent le service policier de base sur le même terrain.

Ni la première ni la deuxième solution ne sont, en fait, idéales.

En effet, le principe de la complémentarité n'est presque plus applicable parce que la police communale n'est pas à même d'assumer partout son rôle de service de police de première ligne. Et c'est précisément à ces endroits que la gendarmerie n'est pas intéressée de le faire.

Par contre, le Community policing est inapplicable sur la base d'un concept de deuxième ligne. Ce qui explique pourquoi la gendarmerie s'y oppose, à juste titre.

Le principe d'égalité soulève des questions tout aussi importantes. Car quelle est l'utilité sociale d'une deuxième police communale ?

Une police communale très développée est loin d'exister partout mais là où elle existe, il y a concurrence. La gendarmerie se sait indispensable pour fournir le service policier de base mais réalise également qu'elle ne peut le faire toute seule.

La réaction des deux services de police sur le concept d'autorité était également très divergente. La police communale, en tant que candidat logique pour assurer le service policier de base, a de temps à autre réagi avec si peu d'enthousiasme et d'enchantement aux initiatives de l'autorité qu'elle a pour ainsi dire partiellement lancé le changement de cap.

La gendarmerie, issue d'une structure militaire et apparemment inapte à assumer cette tâche, a saisi l'opportunité de manière agressive mais avec beaucoup d'habilité pour renforcer ces points faibles et exploiter ses points forts.

La nature du problème du contrôle du crime organisé est toute autre. Ici, il ne s'agit pas tellement d'un choix ou d'une modification dans ce choix, mais plutôt de l'omission de cette partie des services de police qui fut créé à cette fin.

La politique de récupération du gouvernement de ces 8 dernières années était en outre axée de manière trop ciblée sur la police administrative et a creusé un fossé entre les différents services de police, lequel est à la base de la situation conflictuelle actuelle entre la police judiciaire et la gendarmerie.

Il semble par ailleurs qu'un peu de clarté dans les projets d'avenir ne soit pas encore pour demain. Dès lors, la rivalité entre les services concernés atteint des proportions mal connues.

Sans entrer dans le détail, on peut dépeindre la situation des trois services de police comme suit.

1º La police communale

La police communale exécute démocratiquement une assignation générale des tâches à caractère local. Il s'agit de sa plus grande force.

Cependant, elle devra améliorer ou remédier à un certain nombre de points faibles et de dysfonctionnements si elle veut jouer ou continuer à jouer un rôle qui donne le ton.

­ Près de la moitié des corps (584 au total) travaille de façon inefficace, bureaucratique et purement administrative.

­ Le statut de la police communale, qui n'est pas spécifique et qui n'appartient pas aux administrations locales de manière générale, ne permet pas une évolution favorable ni la flexibilité et la mobilité du personnel.

­ Dans de nombreux cas, la relation des corps de police avec les autorités de police pose problème et est parfois dramatique.

­ Dans de nombreuses communes, la relation entre les chefs de corps et les bourgmestres est très mauvaise. Le flot de nominations politiques des chefs de police a ici un effet inverse.

­ La police communale présente de manière générale une structure de cadre déséquilibrée, ce qui en fait une police confuse.

­ L'application du statut disciplinaire pourtant récent pose de graves problèmes. Il en résulte que certaines communes et certains corps sont devenus inactifs avec toutes les conséquences que cela entraîne.

­ Sur le plan social, la police communale doit faire face à sa représentation dans les négociations avec l'autorité. La majorité des fonctionnaires de police semble privilégier les organisations syndicales professionnelles qui ne sont cependant pas des interlocuteurs représentatifs et donc obligatoires pour l'autorité, ce qui entraîne une vague de conflits sociaux.

2º La gendarmerie

La gendarmerie passe d'un appareil militaire à une police fédérale qui a un fonctionnement axé sur la communauté.

Depuis la loi sur la démilitarisation, la mission de la gendarmerie a bien évolué et se distingue en théorie encore peu de celle de la police communale.

Mais la gendarmerie doit aussi être attentive à certains phénomènes qui se manifestent incontestablement :

­ La structure fédérale reste un handicap pour appliquer les principes du community policing au niveau local.

Les leviers de la police communautaire tels l'ouverture et l'approche individualisée sont souvent freinés au niveau des échelons supérieurs.

­ Le contrôle démocratique du corps de gendarmerie n'est pas évident et la relation avec le contrôle externe est difficile.

­ L'approche axée sur l'entreprise que le corps propage et applique depuis quelques années présente souvent un plus grand nombre de caractéristiques du secteur marchand plutôt que du non-marchand. En d'autres termes : il n'est pas toujours question de vouloir résoudre certains problèmes mais bien d'être le meilleur.

­ Le corps s'est approprié la connaissance et le savoir-faire du management moderne. Cette connaissance semble provisoirement se limiter au niveau des officiers dirigeants et elle a jusqu'à présent très peu d'effet sur le terrain.

­ La gendarmerie connaît un statut social très avantageux qui a été acquis lorsqu'elle était encore militaire. À terme, ce statut constituera néanmoins un frein pour l'harmonisation avec les autres statuts.

Sur le plan syndical, il n'y a pas de liberté, du moins pas dans le sens de la Charte sociale européenne. La solution actuelle qui consiste à disposer de ses « propres » syndicats professionnels ne garantit pas une relation employeur-employé normale.

­ La politique à suivre et la gestion du corps de gendarmerie sont presque entièrement aux mains du corps même. Ceci présente des avantages et des inconvénients mais n'est certainement pas, d'un point de vue politique, une garantie pour la démocratie.

3º La police judiciaire

La police judiciaire est la police spécialisée par excellence et dispose d'une infrastructure scientifique. Néanmoins, sa structure décentralisée et son lien étroit avec la magistrature constitue plus un inconvénient qu'un avantage.

La police judiciaire est délaissée depuis des décennies par le ministère qui l'a créée. L'évolution de la gendarmerie et plus précisément les brigades spéciales de recherche l'ont placée dans une position concurrentielle mais intenable. Contrairement à la gendarmerie, la P.J.P. manque en effet de toute forme de politique à suivre.

Le déménagement prévu du Comité supérieur de contrôle et du Service central pour la lutte contre la délinquance économique et financière organisée signifie pour la P.J.P., à tous égards, un renforcement, mais la « meilleure » relation qui est récemment apparue entre la police communale et la gendarmerie menace de repousser la P.J.P. dans un coin.

En effet, la P.J.P. était, est et tente de rester un service de police purement réactif. Ce faisant, elle perdra le contact avec les autres services qui veulent travailler de manière pro-active. La P.J.P. compte, dans le cadre de sa police de base, sur la police communale, mais la Commission permanente de la police communale a déjà rejeté cette proposition.

Mais même sur son propre terrain, la P.J.P. a quelques graves problèmes.

­ Il est impossible à la P.J.P. de s'attaquer aux éléments de criminalité organisée qu'elle a exigés (p. ex. 3/4 des délits économico-financiers se font à Bruxelles).

­ Les (plus) petites brigades ne sont pas en mesure de lutter contre la criminalité en col blanc.

­ L'instrumentation des labos opérationnels est trop petite pour couvrir entièrement le terrain de la police scientifique.

­ La direction et le contrôle des activités de la P.J.P. est une construction théorique dont il ne reste pour ainsi dire rien dans la pratique.

Tant la direction juridique assurée par le procureur du Roi que l'autorité du ministre de la Justice sont lettres mortes dans la pratique. La responsabilité incombe donc aux officiers eux-mêmes, et l'on en connaît la conséquence.

La P.J.P. sous sa forme actuelle et comparativement aux autres services de police ne sera jamais à même de faire preuve d'une concurrence saine, à moins que l'on n'augmente d'au moins 50 % ses effectifs. Le trouble permanent qui plane sur son avenir ne fera que renforcer les problèmes qu'elle connaît.

VI. Conclusion

Les trois services de police générale se chevauchent partiellement et se heurtent en permanence.

Sur papier seulement, la gestion de ces services semble limpide. Dans la pratique, le peloton des gestionnaires est plus qu'impressionnant et il est fort peu question d'une unité administrative quelconque.

L'arsenal légal qui doit régler les relations entre les services, les tâches, les compétences et les responsabilités s'étend sur toute une série de lois qui ne garantissent pas de réglementation stricte. Les lacunes sont nombreuses, les imprécisions et le manque de clarté le sont encore plus.

Si l'on y ajoute le manque de délimitation territoriale et la rivalité « humaine » entre les corps, cela doit engendrer des dérapages et des dysfonctionnements comme ceux qui se sont manifestés dans le passé et qui se manifestent encore aujourd'hui.

2. Échange de vues

Un premier orateur partage le sentiment de M. Pyl quant au fossé qui existe entre gendarmerie et police (structure, hiérarchie, informatique).

À propos des systèmes informatiques des différents corps de police, M. Decloedt fait remarquer que les systèmes existants ont été créés de façon autonome et qu'il n'existe que très peu de ponts entre ces systèmes. Idéalement, on devrait recréer un ensemble qui soit uniforme et utilisable dans tous les services. On a investi des centaines de millions dans des systèmes fondamentalement différents. Chaque service de police invoque son autonomie sur ce plan.

L'intervenant pense qu'il faut faire l'effort d'arriver à un système unique. À son avis, ce ne doit pas être les fonctionnaires qui ont le pouvoir de contrôle, mais les responsables politiques, qui doivent mettre de l'ordre dans tout cela, quelles que soient les difficultés.

M. Pyl souligne que l'une des principales tâches du S.G.A.P. consiste à mettre de l'ordre dans le domaine de l'informatique.

Un membre admet qu'il s'inquiète de ce qu'il vient d'entendre. En ce qui concerne les contrats de sécurité, les investissements atteignent plus de 100 millions par an et par commune. On peut se poser la question de ce qui se passera lorsqu'on fermera le robinet ­ on peut en effet se demander si l'on restera en mesure de maintenir indéfiniment ce montant.

M. Pyl fait observer que des enquêtes de contrôle dans les différents corps de police ont révélé que dans certains corps, on a parfois attiré jusqu'à cinquante ou cent civils avec des fonds provenant des contrats de sécurité. À l'expiration de ceux-ci, ces personnes seront licenciées. Cela signifie qu'avec elles disparaîtront également les structures et les services mis en place.

Le préopinant a entendu aussi que la norme de sécurité minimale aurait dû être examinée par zone et non pas par commune. Cette réflexion est très intéressante, mais entre-temps le train des Z.I.P. est en marche.

M. Pyl fait remarquer que cela peut encore être modifié. La norme minimale a été fixée par commune par l'Université de Louvain et sur la base de critères déterminés. Lorsque différentes communes doivent collaborer avec la gendarmerie au sein de la Z.I.P., on constate que les communes dont les effectifs sont supérieurs à la norme minimale réduisent leurs cadres. C'est là une évolution très négative.

Avec les zones interpolice se posent plusieurs problèmes. Un membre fait remarquer qu'il manque un cadre légal et que les statuts des services de police sont différents alors que les missions sont identiques. Cela mène nécessairement à des frictions.

M. Pyl affirme que le statut différent mènera nécessairement à des tensions entre les services de police.

L'intervenant a compris que M. Pyl préfère, dans le cadre de la concertation pentagonale, des accords écrits aux protocoles.

M. Pyl répond qu'un protocole est en général un texte plutôt formaliste qui ne peut plus être renégocié. Un accord écrit reste négociable et adaptable. À cause du caractère formaliste des protocoles, il craint que ceux-ci risquent de devenir plutôt une nouvelle source de problèmes.

Un troisième intervenant formule les réflexions suivantes :

1. Il reconnaît que la politique actuelle en matière de contrats de sécurité, qui ne se base pas sur un examen des besoins et ne contrôle pas les résultats, peut tout au plus être considérée comme une politique de l'emploi. Ce que l'on veut réaliser n'est pas transmis clairement aux services de police.

2. En ce qui concerne la police de proximité, il n'est pas d'accord avec M. Pyl lorsque celui-ci dit qu'elle ne peut être dirigée d'en haut; il estime que c'est bel et bien possible ­ notamment grâce à un appui financier. Mais les résultats doivent pouvoir être contrôlés. La condition en est que le contenu concret soit défini à l'échelon local et adapté aux besoins locaux.

L'intervenant croit pouvoir conclure de l'exposé de M. Pyl que ce dernier est partisan d'une police criminelle unique. Il ressort de l'analyse de la police judiciaire qu'elle n'est pas assez ancrée dans la collectivité, ce qui l'empêche de mener à bien sa mission. Selon certains, cet inconvénient se répéterait si l'on créait une police criminelle unique.

M. Pyl affirme qu'il ne plaide en tout cas pas, à l'heure actuelle, pour une police criminelle unique. Selon lui, il existe déjà aujourd'hui une police criminelle : la police judiciaire près les parquets. Elle a été créée à cette fin et a toujours fonctionné en tant que telle ­ fût-ce d'une manière pas toujours optimale. La police judiciaire n'a toutefois jamais reçu les moyens lui permettant de se développer, et ce contrairement à la gendarmerie, qui dispose elle aussi, à l'heure actuelle, d'une police criminelle (la B.S.R.), laquelle reçoit bien tous les moyens.

Il existe donc pour l'instant deux services de police criminelle qui fonctionnent parallèlement. En soi, cela ne devrait pas poser de problème, si ce n'est qu'elles se trouvent sur pied de guerre. Il faut mettre un terme à cette situation.

Le Comité P n'a pas de référence pour l'un ou l'autre service. Sans vouloir préjuger d'un point de vue du Comité P dans son ensemble, l'intervenant ose affirmer que la police communale n'est pas à même d'accomplir cette mission. Elle n'est d'ailleurs pas tenue de le faire.

M. Troch, président du comité, fait observer que depuis que la commission chargée d'enquêter sur les tueurs du Brabant wallon a été mise en place, on constate un manque de coordination entre les différents services de police. Ce problème reste entier et a des effets néfastes lorsqu'on s'attaque à la grande criminalité et à la criminalité organisée. Au niveau des parquets, on est contraint de créer des cellules pour des affaires importantes, afin d'éviter que des services de police ne rivalisent entre eux. Il faut donc manoeuvrer pour pouvoir opérer efficacement. Tout cela pourrait être évité si l'on avait une police unique.

S'agissant du dernier rapport annuel du Comité P, M. Troch fait observer que la note dite « de consensus », qui prévoit une répartition des tâches, donnera à nouveau lieu à une guerre des polices. La grande criminalité s'occupe de diverses activités. Une répartition artificielle des tâches entre les services de police serait un coup d'épée dans l'eau.

L'intervenant demande quelles doivent être les relations d'un service de police criminelle déterminé avec les autres services de police.

M. Pyl croit qu'il est encore trop tôt pour se prononcer à ce sujet. La police crimennelle serait en tout cas une police de deuxième ligne. La question de savoir si elle appartiendra à un corps distinct ou si elle sera intégrée dans un corps existant est secondaire. Ce qu'importe, c'est de définir clairement les tâches et de mettre fin aux rivalités existantes.

V. AUDITION DE MM. H. MEERS, R. SCHARFF ET J. WIERTZ, COMMISSAIRES D'ARRONDISSEMENT

1. Exposé de M. Meers, président du Collège des commissaires d'arrondissement et commissaire de l'arrondissement de Hasselt

M. Meers explique d'abord le contenu de la fonction de commissaire d'arrondissement.

Celle-ci consiste à opérer, en tant qu'adjoint des gouverneurs, la coordination et la mise en oeuvre de la politique fédérale en matière de sécurité tant policière que non policière.

Les articles 128 et 129 de la loi provinciale octroient aux commissaires d'arrondissement des compétences similaires à celles du gouverneur en matière de sécurité. Ils jouent en fait un rôle complémentaire et supplétif par rapport aux bourgmestres, à qui incombe cette tâche en premier ordre.

Depuis la fusion des communes, les commissaires d'arrondissement sont devenus en fait les collaborateurs immédiats du gouverneur.

En droit, ce rôle a été consacré en 1987 par une modification de la loi provinciale.

Dans la pratique, tout ce qui concerne la sécurité est souvent confié à deux commissaires, l'un s'occupant principalement des matières de police (Z.I.P., etc.) et l'autre, de la sécurité non policière (plan d'urgence, services d'incendie, etc.).

M. Meers assume la présidence du Centre de Crise en alternance avec le gouverneur, dans la province de Limbourg. C'est ainsi qu'il a été associé à l'équipe mobilisée lors de l'explosion d'un dépôt de munitions chez P.R.B. et lors des débordements de la Meuse, aux environs de la Noël 1993 et en janvier-février 1995.

La collaboration y était excellente. Il existait certes une certaine rivalité sous-jacente entre les services, mais elle était à peine perceptible dans ces situations particulières.

2. Exposé de M. Scharff, commissaire de l'arrondissement de Nivelles

M. Scharff expose qu'il est le seul commissaire dans sa province, tout comme il n'y a qu'une seule personne à d'autres postes, comme le chef de la gendarmerie et le procureur du Roi.

En ce qui concerne plus particulièrement les matières de police, il s'y est intéressé dès le début des négociations.

Alors que la création des Z.I.P. était une nécessité évidente, surtout au Brabant wallon qui ne disposait que de très petits corps de police, il a tout de même fallu que les gouverneurs insistent beaucoup pour faire passer la notion de Z.I.P., surtout lors de l'extension des négociations au niveau judiciaire.

L'on a connu d'abord les accords interpolice. Face à une gendarmerie forte, c'était une nécessité pour contrer le danger d'une disparition complète. Cette coopération a donc commencé plus par nécessité que par conviction.

Ces structures de coopération demeurent toujours valables, en attendant la mise en oeuvre sur le terrain des Z.I.P., qui ont dès à présent fait l'objet d'une convention sur tout le territoire de la province.

Cette coopération des corps de police locale constitue ainsi le socle de la subsistance des corps de police, et la gendarmerie a été obligée d'en tenir compte.

C'est dans ce cadre que, lors des négociations sur les premières délimitations des Z.I.P., l'on a essayé de tenir compte des accords interpolice existants afin de préserver le plus possible les collaborations existantes.

Le ministre a toutefois privilégié les Z.I.P. unicommunales, du moins au Brabant wallon.

De toute façon, ces conventions interpolice étaient le ciment qui unissait les polices communales dans la phase de l'observation mutuelle des corps de police qui précédait la créations des Z.I.P., rendues nécessaires par la nouvelle politique gouvernementale. Suite à la plus grande cohésion des polices communales, la gendarmerie n'est plus supplétive, mais une force sur pied d'égalité avec la police communale, qui est acceptée comme telle.

Ceci contraste avec ce qui était prescrit dans l'O.O.P. 13, qui a donné lieu à beaucoup de malentendus.

Maintenant, les choses se passent autrement : on a vu en effet une gendarmerie complètement révolutionnée, qui s'est défaite de ses moeurs militaires et s'est désistée de sa supériorité fonctionnelle. Il y a eu en plus un net mouvement de décentralisation territoriale.

Les commandants de district sont devenus plus autonomes et plus proches de leurs troupes.

Les conclusions à tirer d'un an et demi de Z.I.P. sont les suivantes :

1. Les obstacles psychologiques vis-à-vis d'une collaboration sont levés.

Deux cultures policières se sont mises en parallèle. De ce fait, le rôle primordial pour la construction de l'édifice des Z.I.P. incombe aux chefs de corps.

Il faudra un changement des mentalités, mais cela nécessite du temps.

2. Il y aura enfin une réponse aux attentes des citoyens (organisation des interventions d'urgence + possibilités d'accueil sans renvoi à d'autres postes éloignés).

Une garde de 24 heures sur 24 heures est d'ores et déjà réalisée dans la majorité des cas. Les interventions concertées se font selon des plages horaires de 7 à 13 heures, de 13 à 21 heures et de 21 à 7 heures. Les corps de police règlent les interventions entre elles.

L'idée de patrouilles mixtes a été abandonnée, mais aux lieu et place de cela, il y a des répartitions honnêtes en Brabant wallon, tenant compte de la plus grande disponibilité de la gendarmerie.

Il subsiste néanmoins des problèmes :

a) Les policiers communaux ne sont pas pensionnés après l'âge de 56 ans, comme les gendarmes. Cela pose problème pour certaines interventions.

b) La gestion des brigades se fait à un échelon supérieur au niveau logistique, personnel, etc. À la police communale, tout se fait à l'échelon le plus bas, où il est plus difficile de gérer les problèmes non purement policiers.

c) Au niveau du P.I.P., le problème se pose de la même façon.


Compte tenu de ces éléments, les gardes au sein des Z.I.P. de 7 à 19 heures sont assumées en priorité par la police communale, tandis que pendant la nuit, la gestion est confiée en priorité à la gendarmerie. Au Brabant wallon, la police communale a été autorisée par la gendarmerie de se servir de ses fréquences, lorsqu'elle travaille dans le cadre des Z.I.P.

3. La charte de sécurité

Elle contient la politique de sécurité locale (community policing ). C'est une sorte de politique qui prévoit un fort ancrage local. Le calendrier que le ministre s'est fixé pour l'installation de ces Z.I.P. ne sera toutefois pas tenu, sauf pour les zones pilotes.

Les lignes de force seules ne sont pas suffisantes : il faut préciser comment elles se traduisent concrètement dans les Z.I.P. et prévoir leur fonctionnement sur le terrain.

On lui a assuré qu'une note précise était en préparation à ce sujet au S.G.A.P.

Il y aura là-dedans entre autres un pilotage selon les matières, ce qui n'est pas une délégation. C'est une sorte de régie confiée à un certain corps, par exemple le phénomène des drogues, qui sera traité par la gendarmerie, parce qu'elle dispose de plus de matériel et de techniciens. La difficulté consistera surtout en la définition des pilotes et leur mission.

Il y a un autre désavantage, c'est-à-dire que les Z.I.P. entraîneront plus de charge de travail. En sus des contraintes des Z.I.P., les tâches ordinaires continueront à s'exercer, comme le suivi des apostilles judiciaires.

Il faudra donc se résigner à soustraire à la police communale les tâches autres que purement policières.

Peut-être faudra-t-il compléter les chartes globales par des chartes locales par commune.


En ce qui concerne les bourgmestres, ils joueront à l'avenir un rôle central et auront une autorité sur la gendarmerie. À cet égard, ses contacts avec les policiers lui indiquent qu'ils attendent de la part de leurs édiles plus d'engagement. Dès lors, le message des bourgmestres doit être porteur de confiance.

À cet égard, il faut rappeler que le ministre, dans sa note générale, confirme le rôle primordial des bourgmestres, en leur donnant explicitement la possibilité de donner des ordres à la gendarmerie.

Les autorités fédérales au niveau de la province ont contribué largement aux Z.I.P., mais il faut réfléchir au rôle des bourgmestres dans le suivi de ces Z.I.P., comme intermédiaires entre le ministre et les Z.I.P., notamment dans son développement logistique.

La conclusion principale est qu'il faut apprendre à travailler avec souplesse, avec mesure, et dans la confiance mutuelle.

L'opération Z.I.P. est certes viable, mais sa consistance dépend du respect de ces trois principes.

Il subsiste néanmoins un sentiment profond d'inquiétude chez les polices locales, qui voudraient enfin connaître officiellement les grandes lignes de la réforme future. Il y règne un climat d'insécurité au sujet de l'avenir de ces polices que d'aucuns croient déjà « lâchés » par le pouvoir fédéral.

3. Exposé de M. Wiertz, commissaire de l'arrondissement de Tongeren

M. Wiertz est coordinateur de police dans le Limbourg et s'occupe, entre autres, de la concertation pentagonale, pour laquelle il est accepté comme observateur dans tout le Limbourg.

C'est en cette qualité qu'il a contribué à la réalisation des chartes de sécurité et qu'il a assisté à l'installation de la ligne 101, du P.I.P. et du P.I.P.O.G.

1. Analyse des services de police

Bien qu'il n'ait guère eu de contacts jusqu'ici avec la gendarmerie, il croit néanmoins pouvoir faire l'analyse suivante.

Les Z.I.P. ont mal démarré en raison des frustrations ressenties par la police communale face à la suppression progressive des zones intrapolice par le ministre. En outre, la gendarmerie a pris des initiatives malheureuses en intervenant et en procédant à des enquêtes sur le plan local en ignorant les autorités communales.

À présent que les Z.I.P. sont installées, ces frictions s'amenuisent graduellement. La gendarmerie réagit encore assez rigidement, parce qu'elle ne jure que par la lettre des circulaires.

Sa collaboration avec la police communale est bonne. La commission de concertation provinciale fonctionne bien au Limbourg depuis 1987. Les bourgmestres y siègent également.

C'est là un point positif, surtout en comparaison de la commission nationale, composée exclusivement de policiers.

Les problèmes entre la police et les bourgmestres doivent parfois être ramenés à des problèmes de personnes.

Il ressort clairement de la lecture du chapitre 3 du rapport du Comité P sur les services de police, qu'il n'y a pas encore assez de confiance réciproque. Le chef de corps est la figure centrale, qui doit maintenir le dialogue. Cela nécessite une bonne formation des officiers de police.

Des solutions doivent également être trouvées en cas de conflit avec le bourgmestre, par exemple en prévoyant la mobilité des chefs de corps.

2. La coopération interpolice

Au Limbourg, la coopération interpolice a été fructueuse en 1990-1994; la police communale a assuré le service de première ligne.

Pas moins de quatre accords de coopération ont été conclus avec 16 communes, prévoyant une permanence de 24 heures sur 24.

D'autres associations ont été créées avec une permanence d'intervention partielle.

Les limites qu'ont montrées ces expériences résultent en grande partie d'une vision diffuse de la gendarmerie, l'O.O.P.13 ne suffisant pas à combler les lacunes.

Les autorités fédérales ont ressenti la nécessité de normes de sécurité minimales et en ont stimulé la réalisation par des subventions dans le plan global 1996.

Il va sans dire que tous ces mouvements ont porté préjudice aux missions traditionnelles.

Il faut se souvenir qu'auparavant, on avait même encore envisagé de fusionner les corps de police communale. Cette tendance a toutefois reçu un coup d'arrêt par la création des Z.I.P.

L'élan des zones intrapolice a été brisé assez brutalement par le ministre Vande Lanotte.

Il n'y a donc rien d'étonnant à ce qu'une certaine forme de sabotage soit apparue à l'égard des Z.I.P.

Telle est donc la raison du retard accusé par le Limbourg, où 7 communes attendent encore une répartition en Z.I.P. Parmi celles-ci, il y a deux communes de la frontière linguistique. Pour le reste, 7 communes du centre-ouest veulent poursuivre leur collaboration interpolice.

Les deux projets pilotes, à savoir Tongres, d'une part, et Saint-Trond/Gingelom/Nieuwerkerken, d'autre part, ont débuté au niveau de la concertation pentagonale locale.

Au Limbourg, ce lien de coopération n'a pas été considéré comme efficace. C'est ainsi que la gendarmerie n'a jamais inscrit un seul point à l'ordre du jour de cette concertation locale.

L'obligation de définir une politique de prévention dans des chartes de sécurité a été ressentie comme un inconvénient, mais sous la pression du ministre, et surtout eu égard à la date limite du 1er mai, on a finalement enregistré un progrès.

On reste toutefois dans l'incertitude quant à son efficacité.

Pour ce qui est de la concertation pentagonale, ses impressions concernant certains des participants à celle-ci sont les suivantes :

a) En ce qui concerne la gendarmerie :

­ Elle est trop critique à propos de la réussite.

­ Son chef de corps à l'échelon de la brigade est un subalterne, contrairement à ce qui se passe aux Pays-Bas.

­ Elle adopte une attitude de refus à l'égard du parquet concernant une répartition équitable des apostilles.

b) En ce qui concerne les bourgmestres :

­ Les bourgmestres font preuve de loyauté et coopèrent sérieusement.

­ Ils peuvent se faire respecter s'ils possèdent suffisamment de personnalité.

Mais ils ont besoin d'être aidés. Selon l'intervenant, on pourrait penser à un vade-mecum qui serait remis aux bourgmestres en début de mandat et, pourquoi pas, à une formation limitée.

Des notions telles que « police administrative », par exemple, ne sont pas directement accessibles aux non-initiés.

Cela renforcerait d'ailleurs leur autorité à l'égard de la gendarmerie, qui est mieux formée.

3. La création des Z.I.P.

En réalité, les communes ne font que réagir à l'incitant financier des subsides. Il n'y a absolument aucun enthousiasme.

En outre, les groupes de travail installés sont restreints, en raison du manque de temps des procureurs et des chefs de corps.

Lors des négociations, il y a un inconvénient supplémentaire : le texte est toujours remis en question par l'échelon supérieur de la gendarmerie.

La gendarmerie surveille scrupuleusement certains aspects des accords, par exemple l'utilisation de ses budgets.

Selon l'intervenant, l'heure de la vérité a sonné en ce qui concerne l'autonomie du commandant de brigade de la gendarmerie.

Un autre aspect encore est l'effectif des Z.I.P. Selon l'intervenant, à ce point de vue, celles-ci sont trop petites. Les 47 personns prescrites sont insuffisantes parce qu'on devra constamment faire appel au district de la gendarmerie au moindre incident.

Chaque brigade a certes un contingent organique, mais c'est pure théorie. En ce domaine, on doit connaître la capacité réelle de mobilisation au niveau inférieur. Le manque de transparence de la politique de la gendarmerie ne le permet pas.

Si l'on attend du bourgmestre qu'il s'engage, on doit pouvoir en attendre autant des chefs de brigade.

Sur le plan financier, la circulaire Z.I.P. 3 prévoit une clef de répartition des charges financières qui doit se faire au marc le franc. Les critères avancés ne s'y prêtent toutefois pas. Ceux-ci ne tiennent pas compte, en effet, de la fonction de police de quartier, qui requiert beaucoup plus de personnel que les autres tâches.

La gendarmerie accepte pourtant, du moins au Limbourg, que cette tâche soit attribuée prioritairement à la police communale.

En conclusion, il estime que le grand mérite du système est d'avoir enfin mis en place une coordination et que de bons accords ont été conclus. Pour la gendarmerie, il y a aussi un avantage, vu qu'elle peut maintenant enfin partager avec la police la charge de la permanence d'intervention. Au volet négatif, il y a toujours une transparence insuffisante en ce qui concerne les chartes de sécurité. On ne devrait pas pouvoir faire tant de mystère à ce sujet.

Sur le plan financier, l'I.P.O.G. absorbe pratiquement tout le budget des projets-pilotes (80 millions). Cette situation n'est pas normale.

4. La police rurale

Il y a de réelles chances que la police rurale soit supprimée, quoi que son fonctionnement ne diffère pas de celui des autres services de police.

Au Limbourg, ce sentiment est apparemment général puisque la plupart des communes passent à la police du type urbain.

5. Quelques propositions pour l'avenir

Monsieur Wiertz préconise d'optimaliser le concept de « police de contrat », c'est-à-dire la répartition des charges entre les différentes communes, avec des sanctions à la clef.

Si la commune n'engage pas le nombre de policiers prévu, il est normal qu'elle encoure une sanction.

Pour l'organisation des permanences, il faut savoir à quoi s'en tenir sur la police unique, la question cruciale étant de savoir qui paie.

Les 18 000 policiers sont payés principalement par les communes.

Si l'on part du principe que le paysage policier comporte deux volets à savoir, un volet central et un volet local, et qu'il faut pratiquer la complémentarité, alors le fonctionnement de la police locale ne peut être financé uniquement par la commune, puisque cette police accomplit aussi des tâches supralocales.

Ou alors il faut que la police locale soit composée très clairement de brigades locales de la gendarmerie et de la police communale, étant entendu que la gendarmerie ne peut plus soustraire ces unités locales à ce niveau.

L'absence de concept de finalité est néfaste en la matière.

4. Échange de vues

Un membre constate que l'on se focalise actuellement surtout sur la composante locale et la police judiciaire. Ne serait-il pas nécessaire de préciser aussi l'aspect supralocal ? Doit-on travailler là aussi avec des permances ? Faut-il une seule composante globale ou diverses composantes territoriales ?

Ensuite, il demande aux orateurs si, d'après eux, les Z.I.P. sont trop petites. En ce qui concerne la concertation pentagonale, l'intervenant a entendu dire qu'il y avait trop peu de collaboration de la part de la justice. S'agit-il de mauvaise volonté ou de manque de temps ?

Enfin, il demande l'avis des commissaires d'arrondissement sur les tensions entre communes qui ont contribué inégalement au développement de leur corps de police.

Un deuxième intervenant constate avec le dernier orateur que la finalité fait défaut.

Il n'y a en effet pas de volonté d'évoluer et de réfléchir autrement. Ce sont les structures qui déterminent les pensées. Il se réfère pour cela à l'exemple de l'utilisation des fréquences de la gendarmerie par la police communale, possibles uniquement quant elle l'accorde. Pourquoi pas toute la journée ?

À son avis, il n'y a qu'une solution, c'est de dégrossir la gendarmerie et la confiner à ses missions limitées.

Imposer aux communes l'engagement de personnel est à ses yeux dangereux.

Un troisième intervenant souligne que seules les communes-pilotes reçoivent des subsides. Comment, dès lors, motiver les autres communes ?

Un quatrième intervenant demande s'il y a, à la connaissance des orateurs, des Z.I.P. constituées par des communes relevant de deux arrondissements judiciaires.

Quel est l'état de la question de l'application des normes minimales ?

Il demande également si le dernier orateur pourrait préciser son concept de mobilité des chefs de corps.

M. Meers répond qu'au Limbourg, on a veillé à ce que les limites des arrondissements judiciaires et administratifs soient les mêmes.

M. Wiertz fait observer qu'il existe déjà une permanence au niveau supralocal. La réserve générale compte en effet quelque mille gendarmes et il est toujours possible de faire appel au personnel des brigades. À l'échelon national, il existe des procédures consacrées pour le faire.

Il faut également que l'on puisse disposer, au niveau judiciaire, de suffisamment d'effectifs lors de grandes enquêtes.

En ce qui concerne les Z.I.P., elles constituent aussi la composante locale en matière de recherche, même si elles se limitent aux petites enquêtes.

Il estime, en ce qui concerne les effectifs des Z.I.P., que 47 personnes, c'est insuffisant. La police communale considère que l'idéal serait qu'il y ait entre 100 et 120 personnes. En ce qui concerne la concertation pentagonale, force lui est de constater que la composante judiciaire est déficitaire. C'est pourquoi il est impossible de discuter avec le parquet de la répartition des missions de police judiciaire.

Il concède qu'il est difficile, pour les petits parquets, de suivre toutes les affaires. Au Limbourg, ce sont en tout cas toujours les deux mêmes magistrats qui assument le suivi. En ce qui concerne les services de police, il partage l'avis selon lequel les structures déterminent la mentalité. La démarche que l'on accomplit aujourd'hui est importante et elle requiert un travail législatif sérieux. Il suffit de constater que la nouvelle commission pour une structure policière plus efficace ne peut pas examiner la structure de la police communale.

Pour ce qui est du non-respect des normes minimales, il estime qu'il est difficile de sanctionner les communes, mais qu'il doit être possible quand même de leur appliquer des mesures de contrainte.

En ce qui concerne le système de subvention, il faut se souvenir que, jadis, l'on pouvait subventionner un policier par tranche de 10 entamée par le biais de la prise en charge de son traitement.

Aujourd'hui, on modifie les conditions et l'on en impose une nouvelle : la charte de sécurité doit être adoptée au plus tard le 1er mai.

En ce qui concerne la réalisation des Z.I.P., les projets-pilotes ne sont pas encore tout à fait au point, mais diverses chartes de sécurité ont déjà été conclues.

Un membre croit savoir que les subventions sont maintenues lorsque les communes prouvent que la faute en question ne leur incombe pas. Le gouverneur et la commission d'accompagnement se prononceront en dernier sort en la matière.

M. Wiertz sait qu'il y a des communes qui sont affiliées à une seule Z.I.P., alors qu'elles ressortissent à deux arrondissements judiciaires. C'est une situation que l'on tolère, mais qu'il estime non souhaitable.

La norme de sécurité minimale a été acceptée au Limbourg. En élaborant le bilan, il faut aussi tenir compte des engagements potentiels qui sont systématiquement précédés d'une période de recrutement et de formation de deux ans.

En ce qui concerne la notion de mobilité des chefs de corps de la police communale, la proposition qu'il a formulée visait à débloquer des situations malsaines pour les corps communaux.

Il est évident que le chef de corps doit posséder un grand talent de diplomate. Mais, même s'il possède un tel talent, des conflits personnels peuvent surgir entre le bourgmestre et lui. L'organisation d'une mobilité des commissaires entre diverses communes pourrait apporter une solution.

Il n'a relevé aucune tension au Limbourg entre des communes qui auraient fourni de gros efforts et d'autres de moins gros pour atteindre la norme de sécurité minimale. C'est probablement parce que toutes ont consenti un effort important.

M. Scharff répond à la première question du premier intervenant que le niveau supralocal existe et continuera d'exister de toute façon. Une gendarmerie nationale est donc nécessaire.

Mais la gendarmerie doit changer les mentalités, et elle ne doit plus se considérer comme le bras fort du gouvernement.

Pour la composante locale, il y a lieu d'attendre la fin du processus des Z.I.P. : une composante locale, gendarmerie comprise, sous l'autorité du bourgmestre demeure un scénario possible.

En ce qui concerne la norme minimale, force est de constater qu'au Brabant wallon, toutes les communes étaient en-dessous de toutes les normes, ce qui était une situation scandaleuse.

À l'heure actuelle, un effort énorme de rattrapage est entrepris.

En ce qui concerne la force numérique optimale d'un corps local de police, il est d'avis qu'il n'est pas de 100 à 120, mais plutôt de 50 à 60.

En ce qui concerne le problème du dispatching, les zones de fréquences de la gendarmerie ne sont mises à la disposition des polices locales que pendant la nuit, non pas par esprit partisan, mais uniquement parce que pendant le nuit, le trafic radio est moins intense.

Un membre demande si le dispatching doit être unique.

M. Scharff indique que provisoirement la gendarmerie est la seule à équiper ces postes la nuit.

M. Wiertz précise que seuls les grands corps de police peuvent prévoir une telle permanence. Le problème à la gendarmerie , c'est que les conflits ne peuvent être tranchés qu'au niveau du district.

Un membre demande si, selon les directive applicables au niveau fédéral, la gendarmerie est seule à être chargée du dispatching.

M. Wiertz confirme que la gendarmerie a plaidé pour une nouvelle forme de garde, mais il ajoute que la police n'a jamais répondu à la demande concrète de soutien à fournir à la gendarmerie en cas de difficultés majeures.

Il est symptomatique, à cet égard, que lorsqu'une ligne téléphonique d'une brigade est déviée, elle l'est chaque fois vers le district et non pas vers le point de contact de la Z.I.P.

Comme conclusion un membre indique que cette commission est une commission de municipalistes, et qu'il est persuadé que ceux-ci veulent réussir.

Il subsiste néanmoins un sentiment d'incertitude justifié parce que les bourgmestres ne remplissent pas assez leur rôle qui consiste à veiller à défendre leur police.

VI. AUDITION DE M. F. DE MOT, DIRECTEUR GENERAL DE LA POLICE GÉNÉRALE DU ROYAUME ET DE MME DE CNOP, DIRECTRICE GÉNÉRALE ADJOINTE

1. Exposés de M. De Mot et de Mme De Cnop

M. De Mot renvoie au rapport annuel de la P.G.R. de 1995 pour un aperçu des résultats mesurables du service.

En soi, la P.G.R. n'est pas un service de police, mais une administration de police.

Seuls six fonctionnaires disposent d'une compétence limitée de police judiciaire leur permettant de rechercher et de constater les infractions à la loi organisant la profession de détective privé.

Au sein du ministère de l'Intérieur, la P.G.R. est responsable :

­ du maintien de l'ordre public et de la sécurité;

­ de l'encadrement et du soutien logistique à la police locale;

­ du contrôle du secteur du gardiennage privé.

La P.G.R. n'est devenue autonome qu'en 1975. Le but initial était de créer un contrepoids à la gendarmerie, qui ne cessait de se développer. Un contrôle de cette dernière était nécessaire, ce qui n'était pas toujours évident, vu la méfiance qu'elle suscitait.

Il y a au sein de la PGR une organisation par section; ces sections représentent chacune un grand groupe d'activités.

La section A comprend la direction générale

La majeure partie du budget annuel qui s'élève à environ 1 milliard de crédits d'engagement, est affectée au subventionnement des corps de police locale. En 1995, la P.G.R. n'a disposé, pour son propre fonctionnement que de 167 millions de francs, principalement affectés aux frais de personnel. Seuls 20 millions ont servi à des biens d'équipement.

Outre les sections, il existe aussi une cellule de coopération internationale dans le cadre des accords de Schengen. En 1995, la Belgique a assuré la présidence du groupe de Schengen, notre pays y étant d'abord représenté par les Affaires étrangères et ensuite, en cours d'année, par l'Intérieur. Cette fonction a été assurée par la P.G.R. C'est ce service qui a oeuvré à l'adhésion des pays nordiques au groupe de Schengen et a, en outre, obtenu l'association de l'Islande et de la Norvège.

Cette cellule compte un policier communal, responsable du projet ASTRID, et un agent de liaison avec la police communale, nécessaire parce que la plupart des fonctionnaires sont des juristes sans expérience policière.

Section B

En ce qui concerne les tâches, on peut dire que la section B gère tout ce qui figure au titre IV de la loi communale.

Le volet discipline de la police, surtout, est un problème majeur en raison de la surprotection des droits de la défense : il a fallu faire appel à un avis spécialisé pour contrebalancer les conseillers spécialisés des policiers incriminés.

En ce qui concerne la nomination des commissaires et des commissaires adjoints, cette section est associée à un groupe de travail, où son rôle est avant tout de promouvoir l'obligation de motiver.

En ce qui concerne la formation, l'insuffisance du contrôle des écoles de police est une constante. Aussi la section élabore-t-elle actuellement, avec l'aide de certaines universités, une check-list , pour pouvoir contrôler ces écoles. Ce travail se fait en collaboration avec les directeurs desdites écoles.

Section C

Mme De Cnop expose que cette section, qu'elle dirige, s'occupe surtout de la coordination du domaine de l'ordre public.

Ainsi s'occupe-t-elle de la préparation des règlements de police, des arrêtés royaux et des lois en la matière. Elle cite comme exemple la réglementation de l'organisation des rallyes et de la sécurité des matches de football.

Il y a aussi des projets d'actions au sein du ministère de l'Intérieur. La coordination n'intervient que si les autorités locales ne remplissent pas leur rôle ou n'y parviennent pas.

Face à des phénomènes d'insécurité, la section fait l'analyse du risque, du niveau de sécurité nécessaire et de la mise en place des mesures nécessaires.

Par la force des choses, cette section est devenue le forum d'organisation entre les organisateurs de manifestations, les services de police et les services de secours.

Le résultat dépend de la bonne volonté des participants au forum, puisque la P.G.R. ne dispose d'aucune autorité.

La section s'occupe aussi du centre de crise gouvernemental. Celui-ci intervient en cas de survenance d'accidents de tout type. Il fonctionne comme point de contact en cas d'alerte et met son infrastructure et ses moyens de communication à disposition.

Le dernier secteur d'activités est celui du contrôle des sociétés de gardiennage et des détectives privés.

Elle assume la gestion difficile de 50 entreprises de gardiennage, de 800 entreprises de sécurité et de 80 détectives privés. En dehors des contrôles, elle dresse des proces-verbaux et prend des mesures administratives si nécessaire.

Elle donne aussi de l'aide et de l'assistance à ces entreprises, afin qu'elles apprennent à connaître leurs droits et devoirs et qu'il y ait une action préventive.

M. De Mot ajoute que cette section est soumise à une haute pression. Les activités liées aux détectives privés requireraient en fait 40 personnes; en pratique, seuls 15 agents sont disponibles. Il s'agit de contractuels, rémunérés par un fonds alimenté par le secteur privé lui-même.

On a opté pour l'engagement contractuel parce qu'il permet une grande flexibilité surtout lors du recrutement (pas de modification du cadre; pas de procédure de recrutement). L'inconvénient est toutefois la grande rotation du personnel parce que ces agents, à défaut de nomination définitive, ne peuvent faire carrière au sein du ministère.

Par ailleurs, le Service d'études et de documentation ordonne une vingtaine d'études sur des thèmes de police et de sécurité.

Le Service de documentation et d'information a été créé pour répondre à la nécessité de procurer aux services de police une information théorique spécialisée. Trop souvent, en effet, il s'est avéré que la police ne connaissait pas suffisamment les aspects ne touchant pas aux interventions opérationnelles.

L'afflux de questions, même sur des problèmes simples, atteste de la nécessité qu'il y avait de créer un tel service. Pour y faire face, on a mis sur pied une action préventive consistant à éditer des brochures proposant des solutions types. Les policiers sont également invités à des sessions de formation.

Le service se charge en outre des relations publiques. Ainsi avait-il, par exemple, un stand au salon Infopol.

La section P.I.P. a été créée pour uniformiser les systèmes informatiques de la police.

Au début des années 90, on a constaté en effet une grande diversité à cet égard. Une étude de Team-Consult a clairement révélé cette prolifération. Cette même firme a donc été chargée d'un projet de coordination, qui ne toucherait pas à ce qui existait. Le projet P.I.P. était né.

À ce jour, les réalisations sont les suivantes :

1. Réorganisation des structures;

2. Messagerie électronique;

3. Gestion intégrée des dossiers;

4. Planification des missions et des activités;

5. Collecte des données morphologiques.

Ici également, la complexité de la procédure de recrutement des informaticiens fait obstacle à un bon fonctionnement.

2. Échange de vues

Une première intervenante demande à M. De Mot de livrer ses réflexions au sujet des divers services de police et de leurs éventuels dysfonctionnements.

Une chose est claire pour M. De Mot : quelque chose ne va pas dans le fonctionnement des services de police. La question est de savoir quelle en est la cause. Selon lui, elle réside dans les chevauchements structurels qui donnent lieu à de véritables guerres des polices.

Des policiers compétents s'en servent habilement pour se livrer des batailles de prestige.

M. De Mot a signalé ces lacunes à plusieurs reprises depuis le drame du Heysel.

La police judiciaire a en tout cas un handicap majeur : elle ne peut faire de la police administrative.

La police communale connaît surtout des problèmes en raison de ses limites territoriales. Elle ne peut opérer en dehors des frontières communales.

Il se rappelle un exemple qui illustre clairement à quelles absurdités cela peut conduire. Lors de l'enlèvement du baron Bracht, la police de la ville d'Anvers était sur la bonne piste et souhaitait, pour récolter les fruits de son travail, conserver les rênes de l'affaire. Pour cela, il était nécessaire de suivre un auteur jusqu'en Campine. La gendarmerie ne l'entendit pas de cette oreille et mena sa propre enquête qui la conduisit au même ravisseur, de sorte que deux équipes se trouvèrent à pied d'oeuvre sur les lieux. La gendarmerie estima alors devoir arrêter et désarmer les policiers anversois pour contrôler leur identité.

Il faut donc clairement trouver une formule pour éviter de tels écueils à la police communale à cet égard, afin de la stimuler.

En ce qui concerne la gendarmerie, l'opinion de l'orateur est plus nuancée que celle de son ministre.

Il est indiscutable que, des trois services, c'est la gendarmerie qui fonctionne le mieux, ce qui ne signifie pas qu'elle fonctionne de manière optimale.

Le fossé existant entre les officiers et leurs subalternes est un inconvénient majeur.

On sait par exemple que les officiers sont peu disponibles pour le parquet et que, par conséquent, les hommes sur le terrain se sentent peu soutenus par leurs supérieurs. Il faut remédier d'urgence à cette situation.

Si la sélection du personnel de l'état-major se fait convenablement, on ne peut pas en dire autant de la base.

Les informations dont dispose le sommet ne parviennent pas à la base.

Il règne dans la gendarmerie une bureaucratie lourde. Ainsi ne répond-on que très difficilement aux questions parlementaires.

En général, le passé de la gendarmerie lui joue encore des tours. Elle ne jouit pas particulièrement d'une grande sympathie dans la population. La raison en est la mentalité militaire, qu'il faut continuer à résorber.

Le fait que les officiers sont aujourd'hui recrutés parmi les universitaires et doivent aller sur le terrain après un an de formation, est une saine évolution. Ces jeunes gens voient leur propre institution d'un oeil plus critique.

Cela aidera la gendarmerie à mieux assurer le service de première ligne. C'est bien nécessaire, car dans le domaine de la fonction de police de base, de nombreuses erreurs ont déjà été commises.

Que l'on songe à la reconversion mal comprise des facteurs et des chauffeurs de bus en indicateurs. À cet égard, il est significatif que l'intervenant n'ait jamais obtenu de réponse à sa demande de pouvoir disposer du protocole conclu entre la gendarmerie et De Lijn.

Un membre demande à M. De Mot quelle est schématiquement la différence entre la P.G.R. et le S.G.A.P.

M. De Mot explique que le S.G.A.P. est, par essence, un service de police. Il occupe quelques 400 personnes et devient un service très autonome, qui a tendance à outrepasser ses compétences. C'est, par exemple, ce service qui a concocté, à l'intention de la gendarmerie, les accords bilatéraux avec la Turquie.

La conciliation espérée des trois services de police s'est avérée impossible au sein du S.G.A.P. La gendarmerie met le grappin sur les services et fait prévaloir ses priorités, comme la coopération internationale, dont la police judiciaire avait auparavant le monopole.

La soif de valorisation de certaines personnes au sein du S.G.A.P. entraîne la création de petites chasses gardées.

Le transfert de l'Institut de criminalistique au S.G.A.P., prévu par le plan de Pentecôte, ne s'est toujours pas fait, pour l'une ou l'autre raison obscure.

En revanche, le S.G.A.P. produit des statistiques contestables et dépourvues de feedback . Ce qui va totalement à l'encontre de son objectif initial.

En tant que membre de la commission Neyrinck, M. De Mot observe ces phénomènes de près.

Un membre demande si l'on peut dire de manière lapidaire que la différence réside dans le fait que la P.G.R. ne dispose pas d'une gendarmerie, tandis que cette même gendarmerie a « investi » le S.G.A.P.

M. De Mot constate que la gendarmerie travaille effectivement de manière très indépendante et que le fait que, contrairement à la P.G.R., elle dispose d'un budget propre et de la possibilité de recruter son personnel n'y est pas le moins étranger.

La gendarmerie nie à tort sa prédominance au sein du S.G.A.P.

La P.R.G., par contre, n'est pas un service de police mais un service d'appui à la police. Dans ses avis au ministre, elle doit tenir compte aussi de l'incidence politique de la politique qu'elle contribue à élaborer.

Un autre membre se demande si M. De Mot ne pense pas que pour casser cette indépendance de la gendarmerie, il faudrait étendre la fonction de service d'appui de la P.G.R. à l'inspection envers la gendarmerie et la police judiciaire.

M. De Mot confirme que ce système fonctionne en France avec une Direction générale de la police. En Belgique, cela occasionnerait un revirement majeur, qui nécessiterait une réorganisation complète du service.

Il considère toutefois que la solution pourrait venir d'un nouveau service de contrôle civil, mais peu lui importe que cela se fasse à partir de son propre service ou qu'un nouveau service soit créé.

Il est un fait que la gendarmerie s'isole trop. C'est dû à son passé chargé, quand il lui fallait se défendre des critiques à l'encontre d'actions impopulaires telles que la répression de grèves, etc.

La tâche d'inspection générale de la police peut en tout cas être assumée par la P.G.R.

Un autre intervenant met en doute la thèse selon laquelle la gendarmerie se fait moins aimée dans le sud que dans le nord du pays. L'image que donnent les policiers, et surtout les gendarmes, au citoyen de leur action est perçue négativement dans tout le pays, étant donné que le rôle répressif est devenu leur premier réflexe.

Il y a un énorme clivage entre la volonté du législateur et l'interprétation de la loi qu'en donne le policier sur le terrain. Cet état des choses donne lieu à des réflexions. Les services de police sont ressentis plutôt comme des services qui mettent les citoyens en danger par leur attitude agressive, que comme protecteurs.

Il se demande par ailleurs pourquoi la P.G.R. porte l'étiquette « police », alors qu'elle n'exerce aucune activité policière notoire.

M. De Mot partage l'avis selon lequel la gendarmerie doit changer de mentalité d'une manière générale. Il a néanmoins pu se rendre compte que le phénomène de police est perçu de manière beaucoup plus individualiste et critique dans le sud du pays. Il a pu constater, et ce, jusqu'au sein des cabinets ministériels, que les francophones sont généralement plus méfiants vis-à-vis de la gendarmerie que les néerlandophones.

Pourquoi la P.G.R. n'est-elle pas un service de police ? Simplement parce qu'elle ne remplit aucune mission judiciaire. Le cumul des deux compétences en question (missions de contrôle et missions judiciaires) nuirait à la démocratie.

Il concède que, dans cette optique, l'on a fait un choix malheureux en retenant la dénomination Police générale du Royaume. Il eût été préférable de parler de Direction de la police administrative.

Un membre revient sur l'affirmation de M. De Mot selon laquelle peu d'agents de police ont connaissance de l'aspect non opérationnel de leur mission. Il demande si cela n'est pas dû, notamment, à l'antinomie bourgmestre/procureur.

De Mot pense que non. À son avis, c'est dû surtout au manque de formation et au fait qu'il n'y a pas grand chose qui motive les agents à se tenir au courant de l'évolution dans cette matière complexe.

C'est précisément pour remédier à cette lacune que l'on a lancé le magazine Politeia. Sa seule existence a déjà permis de réduire la demande de simples informations et de libérer du temps pour résoudre des problèmes complexes. M. De Mot déplore cependant les difficultés auxquelles se heurte la formation locale.

Un autre magazine de la P.G.R., intitulé « Vigiles », a un caractère plus juridico-policier.

Le membre demande ensuite à M. De Mot ce qu'il pense de l'idée de créer une police unique.

De Mot répond que la police unique doit être l'objectif à long terme (± 20 ans). Les expériences menées à cet égard aux Pays-Bas montrent qu'un tel processus d'évolution vers une telle police est un processus pénible. Aux Pays-Bas, les corps de police régionaux fonctionnent mal. Pourtant, l'on s'y est engagé résolument dans la voie de la mise en place d'une structure nationale.

L'on est de toute évidence en train, en Belgique, de développer une politique qui soit articulée autour de deux pôles, à savoir la gendarmerie et la police communale. La police judiciaire n'entre manifestement pas dans ce concept.

Un membre pense que c'est précisément dans cette perspective qu'il faut renforcer le service de contrôle. Elle demande si M. De Mot a une vision sur la restructuration du S.G.A.P. à court terme.

M. De Mot déclare qu'il faut d'abord débureaucratiser à court terme. Les grands corps doivent se soutenir dans le domaine de la police scientifique, de la coopération logistique et de l'adaptation structurelle des services de police mêmes.

La demande d'inscrire le B.C.R. dans le cadre du S.G.A.P. est, par exemple, irréaliste dans le contexte actuel, parce que, si on le faisait, soit le B.C.R. monopoliserait tout, soit la gendarmerie créerait un nouveau B.C.R. dans ses rangs.

Un membre dit avoir de plus en plus l'impression que l'on n'a pas de prise sur la gendarmerie, parce qu'elle se fait toujours passer pour différente de ce qu'elle est vraiment.

M. De Mot estime plutôt que la gendarmerie est trop fortement livrée à elle-même. Il partage l'avis du commandant de la gendarmerie selon lequel le parquet devrait orienter l'action de la gendarmerie de manière à promouvoir une plus grande responsabilisation.

Les services de police peuvent « prendre en otage » des magistrats et les manipuler. Il est évident que le ministère public n'est pas suffisamment bien armé pour l'empêcher.

Il faut aussi, par ailleurs, que les services de police administrative puissent accomplir leur travail ­ ce que la gendarmerie a du mal à comprendre ­, mais le service spécifique que l'on a créé pour garantir qu'ils puissent le faire, à savoir le Comité P, est malheureusement coupé de la réalité.

Enfin, le ministère public devrait pouvoir présenter au juge, un dossier bien étoffé mais qui respecte les droits de l'homme.

À cet égard, il consacre trop d'attention à l'aspect policier et ne joue pas suffisamment son rôle de magistrat, si bien que les services de police ont le champ libre.

Une autre intervenante a appris qu'au S.G.A.P., la gendarmerie dispose d'un poids prépondérant, ce qui fait que ce service est perçu par les autres services de police comme inefficace pour leur action.

M. De Mot confirme que ce sentiment habite les autres services de police. La police communale est trop faiblement représentée au sein du S.G.A.P. Les corps de police locaux gardent en leur sein leurs meilleurs éléments et ne prennent pas au sérieux ceux qui les représentent au sein du S.G.A.P.

Un membre constate au cours de tout ce débat sur les services de police que l'intérêt du citoyen compte très peu.

Il se demande dans quel monde ces policiers vivent. Plutôt que de s'attaquer aux énormes problèmes dans le monde qui les entoure, les services de police se chamaillent entre eux.

La préopinante abonde dans le même sens : elle en prend comme exemple l'histoire d'un meurtre récent dans sa commune. Suite à la collaboration exemplaire des trois services de police, le coupable a été retrouvé dans les trois jours.

Peu après, le gendarme de la brigade qui avait participé à ce travail remarquable a été poursuivi disciplinairement parce qu'il a collaboré avec la police judiciaire, ce qui était contraire aux circulaires. Comment faire pour éviter de telles aberrations ?

M. De Mot renvoie au Comité P, qui devrait être en mesure de lutter contre de telles aberrations.

Un membre demande où en est la collaboration entre S.G.A.P. et P.G.R. en matière de coopération internationale.

M. De Mot peut simplement constater qu'elle fonctionne mal. Il cite un courrier dans lequel le S.G.A.P. se profile comme un service supérieur qui estime pouvoir ignorer les requêtes de la P.G.R.

Pour ce qui est de la coopération, M. De Mot dit avoir de meilleurs contacts avec des institutions comme la Sûreté de l'État, qu'avec le S.G.A.P., qui dépend pourtant de son propre ministère.

Mme De Cnop constate que le S.G.A.P. néglige sa principale mission, qui est de recueillir de l'information, et s'aventure sur des terrains qui ne lui sont pas destinés, comme les analyses stratégiques. Son propre service, qui est investi de cette mission, n'obtient par ailleurs pas les données auxquelles elle a droit.

La même observation vaut pour les statistiques.

VII. LE SERVICE GÉNÉRAL D'APPUI POLICIER (S.G.A.P.)

1. PRÉSENTATION DU S.G.A.P.

§ 1er . Historique

Par l'arrêté royal du 11 juillet 1994, paru au Moniteur belge du 30 juillet 1994, la Belgique s'est dotée d'une structure de coordination et d'appui des différentes forces de police qui composent le paysage policier belge. La Belgique dispose, en effet, de trois services de police générale : la gendarmerie et la police judiciaire près des parquets et la police communale.

Suite aux conclusions et propositions de la Commission parlementaire sur le banditisme et le terrorisme, le gouvernement belge élaborait, le 5 juin 1990, son plan dit « Plan de la Pentecôte » par lequel il traçait les lignes d'une nouvelle politique policière et judiciaire.

Aujourd'hui, un des derniers volets importants de ce plan est entré dans sa phase de réalisation : la création et la mise en oeuvre du Service général d'appui policier (S.G.A.P.).

§ 2. Objectifs

Le but poursuivi en regroupant un certain nombre de services relevant auparavant du commissariat général de la police judiciaire, de la gendarmerie et de la police générale du royaume au sein d'une structure commune de coordination est d'optimaliser l'utilisation de certains services d'appui, de mieux les aligner sur les besoins spécifiques des services de police générale et d'éviter les doubles emplois.

Le S.G.A.P. a pour mission de contribuer, d'une part, à une meilleure collaboration et coordination des services de police générale et, d'autre part, à une coordination accrue de la politique générale des ministres en matière de police et de gestion des services de police précités.

§ 3. Mission

Partant des besoins des services de police et des autorités à tous les niveaux, sur demande ou d'initiative :

­ contribuer réellement à une meilleure collaboration et coordination rationnelles des services de police générale;

­ et, en tant que partenaires des services d'appui politique, assister les autorités fédérales compétentes dans la coordination de la politique policière générale.

La contribution du S.G.A.P. pour répondre à ces besoins sera la suivante :

­ gérer et mettre à disposition toute l'information pertinente sur le plan stratégique et opérationnel;

­ apporter l'assistance spécialisée lors de l'exécution des tâches confiées aux services de police;

­ promouvoir les formations visant à contribuer à la coopération;

­ fournir un appui à la coopération policière nationale et internationale;

­ veiller au respect de la législation en matière de vie privée et de coopération internationale.

Le S.G.A.P. a également comme mission :

­ d'examiner la possibilité d'alignement des programmes de formation des services de police générale;

­ de favoriser les contacts entre les diverses directions d'écoles en vue d'échanger programmes, directives pédagogiques, professeurs et élèves;

avec pour objectif d'améliorer de manière coordonnée le niveau de formation des fonctionnaires de police et de favoriser la coordination opérationnelle.

Cette mission a été confiée au comité de direction.

§ 4. Organisation

Le Service général d'appui policier (S.G.A.P.) fonctionne sous l'autorité du ministre de l'Intérieur pour l'accomplissement de ses missions de police administrative et sous l'autorité du ministre de la Justice en ce qui concerne les missions de police judiciaire.

1. Le conseil d'administration

À la tête du S.G.A.P., on trouve le conseil d'administration, organe collégial composé de trois chefs de corps de police : le commandant de la gendarmerie, le commissaire général aux délégations judiciaires et un commissaire en chef de la police communale.

Le conseil d'administration a pour mission d'exercer une surveillance générale sur le S.G.A.P. et de prendre ou de proposer aux ministres toute mesure qui peut contribuer à la réalisation des objectifs et à l'amélioration de l'organisation et du fonctionnement du S.G.A.P.

La présidence du conseil d'administration est assurée par un des membres du conseil pour une période de trois ans non renouvelable consécutivement.

2. Le comité de direction

La gestion journalière est assurée par le comité de direction, organe collégial composé d'un officier supérieur de chaque service de police générale (police judiciaire, gendarmerie, police communale) et dont un des membres assume la présidence pour un terme de trois ans non renouvelable consécutivement.

3. Les divisions

Outre le conseil d'administration et le comité de direction, le S.G.A.P. comprend quatre divisions :

­ la division « Appui opérationnel »;

­ la division « Coopération policière internationale »;

­ la division « Télématique »;

­ la division « Appui en matière de politique policière ».

ORGANIGRAMME

S.G.A.P.

§ 5. Présentation des divisions

1. La division « Appui opérationnel »

La division « Appui opérationnel » a pour mission d'assurer un appui coordonné, rapide et ponctuel aux services de police dans l'accomplissement de leurs tâches opérationnelles. Elles est dirigée par un membre de la police judiciaire.

Relèvent de cette division :

­ le bureau central de documentation nationale et internationale de police criminelle gère : la documentation manuelle qui est alimentée par des formulaires de renseignements rédigés par les services de police, les documents émanant des autorités judiciaires et la documentation Interpol;

­ le service du bulletin central du signalement (B.C.S.) : est une publication quotidienne d'avis concernant des personnes à rechercher et le signalement de faits. Le B.C.S. est envoyé à tous les services de police belges et des pays limitrophes;

­ le service chargé de la diffusion d'avis au public à la requête des autorités judiciaires;

­ le service d'identification judiciaire (S.I.J.) : est le seul service assurant, en Belgique, le traitement des empreintes digitales et des traces. Il gère, en outre, toute la documentation photographique relative aux personnes emprisonnées.

­ le registre central des armes (R.C.A.) : est une banque de données accessible aux divers services de police reprenant toutes les armes à feu qui ont été vendues en Belgique. C'est également un recueil de toutes les armes détenues officiellement par des particuliers en Belgique;

­ le service d'identification des victimes de catastrophes (D.V.I.);

­ les offices centraux spécialisés dans la lutte contre le crime organisé :

L'O.C. spécialisé dans la lutte contre le trafic des oeuvres d'art et des antiquités :

Cet O.C. centralise les signalements nationaux et internationaux sur toutes les infractions se rapportant au trafic des oeuvres d'art et des antiquités, aux infractions touchant au domaine culturel et aux convois d'oeuvres d'art. Par ses connaissances spécifiques en ces matières, il apporte un appui spécialisé aux unités.

L'O.C. spécialisé dans la lutte contre le trafic illicite de stupéfiants et des infractions se rapportant à l'environnement :

Au niveau international, traite la correspondance relative à toutes les infractions relatives au trafic des stupéfiants ainsi que celles ayant trait à l'environnement, au trafic de matières nucléaires, au trafic et transport illicites en matière de faune et de flore.

Rassemble, traite, analyse et exploite une documentation criminelle nationale et internationale se rapportant à ces matières et en donne un « feed back » aux services de police d'initiative ou sur demande.

Point de contact et d'information pour tout ce qui concerne la législation et réglementation en vigueur en matière d'environnement, les instances compétentes et les possibilités de formation de services de police en la matière.

L'O.C. spécialisé dans la lutte contre le crime en col blanc :

Traite des infractions de nature financière telles que : escroqueries, abus de confiance et détournements, tromperies, grivèleries, banqueroute, sociétés commerciales, incendies, criminalité informatique, casinos qui n'entrent pas dans le champ de travail d'autres O.C.

L'O.C. spécialisé dans la lutte contre le faux monnayage :

Constitue le point central entre les autorités judiciaires, les services de police et la Banque nationale pour ce qui concerne les monnaies et billets de banque belges authentiques ou falsifiés. Cet O.C. est le seul service reconnu officiellement pour l'identification de fausses monnaies ou de billets de banque étrangers.

L'O.C. spécialisé dans la lutte contre le trafic de véhicules volés :

cet O.C. s'occupe en particulier du traitement et de l'échange d'informations, tant du point de vue national qu'international, concernant les vols et détournements de véhicules, les vols dans les véhicules, le trafic de véhicules volés, des escroqueries à l'assurance relatives aux véhicules signalés volés.

L'O.C. spécialisé dans la lutte contre la criminalité violente :

traite l'information nationale et internationale concernant la lutte contre la criminalité violente (meurtre, hold-up, extorsion, vol à main armée, coups et blessures volontaires, homicides...), la criminalité organisée et les vols de bijoux et de bateaux.

L'O.C. spécialisé dans la lutte contre les moyens de paiement frauduleux :

traite et centralise les dossiers ou correspondance nationales et internationales se rapportant au trafic des chèques volés ou faux, aux escroqueries réalisées au moyen de documents bancaires faux ou volés, aux infractions commises à l'aide de moyens de paiement frauduleux (cartes bancaires, chèques...) et ce, notamment au moyen de l'identification des écritures.

L'O.C. spécialisé dans la lutte contre la traite des êtres humains, la prostitution et les moeurs :

et notamment : enlèvements de mineurs ou de majeurs sans violences ou demande de rançon, disparitions, illégaux, infractions dont un enfant est la victime, clandestins à bord de navires, travail au noir, mariage en blanc.

Office Centrale de Lutte contre la Délinquance Economique et Financière Organisée (O.C.D.E.F.O.) :

cet O.C. a notamment pour mission de procéder à des enquêtes judiciaires consécutives aux dénonciations faites au C.T.I.F. par la Commission Bancaire (délits d'initiés, sollicitation illégale de l'épargne publique), infractions en matière de T.V.A. (carrousels), en matières sociales (entre autres négriers), fraudes à l'encontre de l'U.E. (subventions...) et fraudes fiscales graves. O.C.D.E.F.O. intervient également à la demande de la C.T.I.F., Cellule de traitement des informations financières (entre autres dans la lutte contre le blanchiment de l'argent) placée sous le contrôle des ministres de la Justice et des Finances.

Groupe Interforces Antiterroriste (G.I.A.) :

le G.I.A., devenu O.C. par son rattachement au S.G.A.P., a été créé en 1984 dans le but d'améliorer la coordination du renseignement en matière de terrorisme. Il traite les documents et demandes ayant trait au terrorisme, attentats et explosions. Il est également chargé de l'évaluation des risques de menace à l'occasion de visites officielles.

Le service national des documents d'identité faux et falsifiés (S.N.D.I.F.F.) :

Cet O.C. peut fournir, aux enquêteurs des services de police, un appui dans trois domaines.

Apport technique :

délivrer un avis sous forme d'examen d'authenticité d'un document d'identité (passeport, carte d'identité, permis de conduire, certificat d'immatriculation, documents de séjour, visa). Il apporte son concours aux autorités officielles chargées de la délivrance des documents d'identité quant aux sécurités à inclure dans ces documents.

Information et documentation :

­ informer les autorités policières et autres dans le domaine des faux documents;

­ envoyer sur demande ou d'initiative de la documentation ou des renseignements dans le cadre de dossiers impliquant une autre forme de criminalité.

Analyse réactive ou proactive selon le cas.

2. La division « coopération policière
internationale »

La division « coopération policière internationale » est le point de contact commun à tous les services de police générale pour tous les correspondants étrangers. Elle est actuellement dirigée par un officier supérieur de la gendarmerie qui remplit également les fonctions de chef du B.C.N. Interpol.

Elle a, en outre, la mission :

1. d'organiser la représentation à l'étranger de l'ensemble des services de police générale;

2. d'informer les services de police des accords conclus et des renseignements qui les intéressent;

3. de participer à la préparation des accords relatifs à la coopération policière internationale. La division CPI représente dans ce but les services de police aux réunions internationales, comme celles qui se tiennent dans le cadre de Schengen ou de l'Union européenne.

4. de veiller à ce que les points de contact et de coordination existants ou encore à créer en exécution d'accords internationaux de coopération policière, assurent leurs fonctions au bénéfice de tous les services de police générale.

5. de coordonner les activités :

­ du service chargé des relations avec les autorités de police et les services de police étrangers dans le cadre de l'organisation internationale de police criminelle (Interpol);

­ du bureau central national d'Interpol (B.C.N.);

­ de l'organe central chargé de la coopération policière internationale visée à l'article 39, § 3, de la Convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes ainsi que l'autorité visée à l'article 40 et, pour autant qu'il s'agisse d'affaires opérationnelles, l'instance centrale visée à l'article 46 de cette Convention. Ce service est appelé « Soutien Coopération Européenne » (S.C.E.);

­ de la partie nationale du système d'informations Schengen visée à l'article 92.2 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 (N.S.I.S.) et de l'instance visée à l'article 108 de la même Convention qui a la compétence centrale de contrôle pour cette partie nationale (« SIRENE »);

­ de l'autorité centrale nationale Europol et du service chargé de la gestion fonctionnelle et des relations avec les officiers de liaison belges à l'étranger et qui fait office de point de contact international pour les officiers de liaison étrangers en Belgique.

Le chef de la division « coopération policière internationale » dirige également le bureau central national (B.C.N.) d'Interpol aussi que l'unité nationale Europol. La division est actuellement dirigée par un officier supérieur de la gendarmerie.

3. La division Télématique

La division « Télématique » a pour mission de fournir, d'initiative ou sur demande, des avis à propos :

1. de la coordination entre les applications informatiques opérationnelles et de télécommuncation de caractère général déjà existantes ou en développement, en vue d'aligner plus adéquatement ces applications les unes sur les autres et de prévenir les doubles emplois;

2. du développement de nouvelles applications opérationnelles informatiques et de télécommunication de caractère général, et de l'acquisition du hardware et du software adéquat avec comme objectif final la mise sur pied d'une architecture télématique commune destinée à tous les services de police générale qui tienne compte des besoins spécifiques de chaque service de police générale.

Dans le cadre de cette dernière mission, il lui incombe de veiller au respect de la loi sur la protection de la vie privée.

Cette division est actuellement dirigée par un officier supérieur de gendarmerie.

4. La division « Appui en matière
de politique policière »

La division « Appui en matière de politique policière » doit se développer selon trois axes, à savoir : un service de statistique policière, un service d'échange de données, un service dit « groupe d'appui à la concertation pentagonale ».

Le service de statistique policière est chargé de la collecte, du traitement et de l'analyse de données pertinentes pour la politique policière concernant :

­ les aspects morphologiques des services de police;

­ la nature, l'ampleur et les effets d'événements importants en matière de manifestations et d'ordre public ainsi que les mesures administratives prises et enregistrées par les services de police;

­ la nature, l'ampleur et les effets de la criminalité et de la lutte contre la criminalité enregistrés par les services de police en vue d'établir la statistique criminelle.

Ce service a pour mission de recueillir les données disponibles et celles collectées à l'aide de nouveaux instruments développés, de les traiter et de les analyser en vue de mettre les résultats à la disposition des ministres et des autorités et services compétents.

Le service d'échange des données est chargé de promouvoir l'échange des données disponibles sous quelque forme que ce soit, au sein des services de police, et utiles dans le cadre de la politique de prévention ou de recherche.

Le service de concertation pentagonale a pour mission de stimuler, soutenir et de contribuer à l'évaluation de la concertation pentagonale, c'est-à-dire la concertation entre les trois services de police générale, les autorités judiciaires et les autorités communales.

La division « Appui en matière de politique policière est dirigée par un haut fonctionnaire du ministère de l'Intérieur.

2. Échange de vues

Un membre voudrait savoir qui fait appel au S.G.A.P. et quel est le degré de satisfaction de ses utilisateurs.

Un autre membre demande quelle est la différence spécifique avec la police générale du Royaume et avec le Secrétariat permanent pour la politique de sécurité et de prévention de la criminalité.

Il souhaiterait également savoir quelles conséquences la création du S.G.A.P. a eues sur la gendarmerie (De Ridder), sur la police judiciaire (De Vroom) et sur la police communale (Warny).

Il constate, par exemple, que la traite des êtres humains est un des terrains d'action du S.G.A.P., mais aussi du B.C.R.

Enfin, il voudrait savoir où en est l'informatisation de la gendarmerie et de la police judiciaire.

Un troisième intervenant souhaiterait avoir davantage d'informations sur les problèmes internes du S.G.A.P. pour ce qui est tant de l'infrastructure que du personnel.

Deuxièmement, il déclare que toute enquête judiciaire commence par la rédaction d'un procès-verbal. Qu'advient-il toutefois des « informations douces » qui bien qu'utiles, ne figurent pas dans le procès-verbal ?

Il souhaiterait en outre savoir si le S.G.A.P. a accès à tous les fichiers des services de police.

Enfin, il demande ce qu'il en est de la coopération avec les services de police spéciale.

Un sénateur demande pourquoi les chefs de division du S.G.A.P. ne se trouvent pas au niveau de direction.

À cette dernière question, M. Monnoyer répond que le comité de direction est un organe collectif dont le fonctionnement serait rendu plus difficile si son nombre serait porté à cinq ou à sept personnes.

Le niveau des chefs de division est un échelon intermédiaire indispensable pour le bon fonctionnement du S.G.A.P. Il est convaincu que l'organisation à quatre niveaux est bien à sa place.

Il ajoute que l'on pense à fusionner deux divisions, c'est-à-dire celle de l'appui opérationnel et celle de la coopération policière internationale.

L'appui opérationnel met son expertise à la disposition des autres divisions, tandis que la coopération policière internationale est surtout axée sur la transmission de données.

Le général De Ridder fait observer qu'en ce qui concerne les relations entre le S.G.A.P. et le B.C.R., et jusqu'à nouvel ordre, il y a toujours en Belgique des services de police générale. Tant qu'ils subsisteront, chaque corps devra disposer d'un service chargé de coordonner, de contrôler et d'appuyer les enquêtes. À la gendarmerie, c'est au B.C.R. qu'il incombe de le faire, à la police judiciaire, c'est la 23e brigade judiciaire qui s'en charge, à cette différence près que cette dernière mène aussi des enquêtes.

Le S.G.A.P. est l'organe de liaison entre les trois services de police. Bien que ce service n'existe que depuis peu, le travail impressionnant qu'il a réalisé à court terme mérite d'être souligné.

M. De Ridder s'oppose à un transfert du B.C.R. au S.G.A.P. puisqu'il en a besoin pour l'exécution des missions judiciaires de la gendarmerie. Si on lui enlevait le B.C.R., il exigerait que l'on fasse de même pour la 23e brigade.

Il estime toutefois que la décision de créer le S.G.A.P. fut une très bonne décision. Pour la première fois, les chefs de corps peuvent adresser des propositions communes sur leurs besoins aux ministres compétents. Il constate cependant que la création du S.G.A.P. a suscité une vive opposition de la part de la police judiciaire.

M. De Vroom, commissaire général de la police judiciaire, fait remarquer que la création du S.G.A.P. a fortement handicapé la police judiciaire. Lors de son entrée en fonction en tant que chef de corps, le 1er mai 1995, force lui fut de constater que la majeure partie du personnel du commissariat général avait été transféré au S.G.A.P. sans que des mesures transitoires aient été prises.

D'autre part, il ne pense pas que la 23e brigade peut être assimilée au B.C.R. ­ la 23e brigade étant un service opérationnel.

Depuis ce transfert au S.G.A.P., la police judiciaire n'a plus de réseau informatique propre et dépend donc d'autres services dans ce domaine. Par ailleurs, il n'est plus possible de recruter des agents pour le commissariat général au sein des brigades judiciaires à cause du manque de personnel, ces brigades ayant elles aussi parfois dû détacher jusqu'à 50 % de leur personnel au S.G.A.P.

M. De Ridder estime que la 23e brigade judiciaire et le B.C.R. ont été créés dans le même but : coordonner les enquêtes judiciaires. Il rappelle que la création du S.G.A.P. fut le résultat d'un accord conclu entre les cabinets des deux ministres compétents, les services de police concernés et le collège des procureurs généraux.

M. Warny fait remarquer que le S.G.A.P. répond en grandes lignes aux attentes de la police communale.

Le général De Ridder répond à un membre, qui lui a demandé si le S.G.A.P. est un organe de liaison entre les divers services de police, que le S.G.A.P. est un service d'appui. Les autres services de police doivent à terme se défaire des missions que remplit le S.G.A.P.

En ce qui concerne le traitement des informations « douces » et « dures », M. De Vroom répond que la police judiciaire fait une distinction entre les informations « judiciaires » et les informations « latentes ». Les informations judiciaires sont toujours transmises au parquet. Lorsque la police judiciaire reçoit des informations « douces » (latentes), elle doit en informer immédiatement le magistrat de confiance.

En ce qui concerne le S.G.A.P., M. Van Rie répond que les informations « douces » concernent toujours des opérations déterminées pour lesquelles le S.G.A.P. n'est pas compétent.

M. De Vroom souligne qu'à l'heure actuelle, un système d'indexation est en cours d'élaboration en matière d'informations « douces ».

Le général De Ridder répond qu'une circulaire « secréte » règle cette matière au sein de la gendarmerie. Elle règle les relations entre un runner et son « informateur » ainsi que la mission de « gestionnaire des informateurs ».

La règle générale en matière d'observations veut que l'ensemble des services de police consignent les données négatives dans un rapport à l'attention du gestionnaire de l'information. Pour les données positives, on dresse un procès-verbal.

En ce qui concerne les problèmes de fonctionnement interne du S.G.A.P., M. Van Rie signale deux pierres d'achoppement :

­ Le manque de personnel pour réaliser l'indispensable informatisation; le fonctionnement du S.G.A.P. et l'appui qu'il peut fournir aux divers services de police s'en trouvent entravés.

­ La double tutelle ne facilite pas le fonctionnement : il faut constamment s'adresser à deux ministres.

Un membre constate que les divers corps de police se réjouissent de la création du S.G.A.P.

M. Warny fait néanmoins remarquer que pour la police communale se posent des problèmes de détachement (surtout pour les petites communes). À cet égard il espère que les zones interpolice créeront des possibilités supplémentaires.

Le général De Ridder fait remarquer que le problème fondamental est qu'une bonne partie de la documentation dont on dispose est surannée. Il faut oser s'interroger sur l'utilité de conserver cette documentation au niveau national, vu les possibilités considérables qu'offre l'information moderne.

M. Warny ajoute que, pour la police communale, le système P.I.P. permet de communiquer avec les autres corps de police communale. Il constate que les possibilités qu'offre ce système restent sous-employées. Il faut que tous les corps de police discutent ensemble pour apporter des améliorations dans ce domaine.

M. Monnoyer fait remarquer que le S.G.A.P. tient compte des remarques des utilisateurs (c'est-à-dire tous les corps de police). Ces utilisateurs sont fort exigeants. Le S.G.A.P. essaie d'intégrer ces demandes de façon cohérente et structurée.

M. Van Rie renvoie à cet égard à l'importance qu'accordait M. Zanders à la formation (par exemple en matière de réglementation internationale).

En ce qui concerne le rôle spécifique de la police générale du Royaume, M. Ponsaers répond que les missions de ce service ont été orientées, suite à la création du S.G.A.P., vers le contrôle des détectives privés et de sociétés de gardiennage. On peut effectivement se poser des questions sur la survie de ce service : si, en Belgique, on crée beaucoup de services, on oublie parfois d'en supprimer d'autres.

En ce qui concerne la Direction des affaires criminelles et le Secrétariat permanent pour la politique de sécurité et de prévention, M. Ponsaers répond qu'il s'agit de services d'appui de la décision politique qui ont une spécificité différente.

Le S.G.A.P. se distingue de ces services :

1. parce qu'il collecte et systématise des données, ce qui constitue une plus-value essentielle à l'égard du public cible;

2. parce que le S.G.A.P. s'occupe spécifiquement de l'activité policière.

Quant à la collaboration avec les services de police spéciale, M. Van Rie répond que le S.G.A.P. traite avec eux, à l'instar des autres services de police.

B. AUDITIONS RELATIVES AUX RÉCENTES PROPOSITIONS DE RÉFORME DES SERVICES DE POLICE

I. LA COMMISSION PERMANENTE DE LA POLICE COMMUNALE DE BELGIQUE

1. Exposé introductif de M. C. De Troch, président de la Commission permanente de la police communale (Annexe 1)

1. Le rapport de la Commission Dutroux : une nouvelle impulsion pour la réforme du paysage policier.

M. De Troch déclare que la police communale demande depuis plusieurs années que l'on modifie le paysage policier en profondeur. Les conclusions de la Commission Dutroux rejoignent les préoccupations de la police communale.

Il y a quelques années, les conclusions de la commission d'enquête parlementaire qui s'était penchée sur l'enquête relative aux tueurs du Brabant avaient déjà donné lieu à certaines mesures. La professionnalisation de la police communale et la démilitarisation de la gendarmerie constituent deux étapes importantes dans la réalisation d'une réforme en profondeur.

Ces mesures ont toutefois été suivies d'interventions moins réfléchies. La gendarmerie s'est ainsi vu confier des tâches de fonction de police de base, ce qui s'est fait au détriment du caractère complémentaire de ce service de police par rapport à la police communale. Comme chaque service souhaite en définitive apporter la preuve de son efficacité, ces changements ont rallumé la concurrence entre les différents services. Or, dans le secteur de la sécurité et de la justice, la concurrence n'est guère salutaire.

Les conclusions de la Commission Dutroux sont basées dans une large mesure sur cette constatation.

Le fait que la commission plaide également pour que la fonction de police de base forme le noyau du nouveau modèle policier inspire confiance. La fonction de police de base est en premier lieu l'affaire des composants locaux de la structure de police. L'autonomie communale a un rôle important à jouer dans la concrétisation de cette fonction de police de base. On doit par ailleurs aussi disposer d'une police fédérale spécialisée.

Il est toutefois essentiel de parvenir à une collaboration optimale entre ces deux composantes. Pour ce faire, l'échange des informations et le soutien réciproque sont indispensables. Chacune des deux composantes développera en effet sa propre expertise.

La Commission permanente pour la police communale de Belgique a adapté ses propositions initiales afin de tenir compte des recommandations de la Commission Dutroux. Ces propositions ont été développées dans une série de schémas (voir en annexe).

2. La fonction de police de base

Tout modèle policier doit partir des problèmes de sécurité qui se font jour et chercher à les résoudre. La population, qui a naturellement intérêt à ce que ces problèmes trouvent une solution, peut orienter la politique de sécurité par l'intermédiaire des organes représentatifs, à savoir le Parlement au niveau fédéral et le conseil communal au niveau local.

La politique de sécurité doit mettre l'accent sur une fonction de police de base ciblée et à laquelle on puisse accéder facilement. C'est en effet au niveau local que la plupart des besoins de sécurité se font jour. Plus de 80 % de la criminalité revêt un caractère local.

La fonction de police de base a trois composantes : le contact, la réaction et la spécialisation.

Pour être efficace, la fonction de police de base requiert avant tout un bon contact avec la population. Chaque commune doit compter au moins un point de contact permanent chargé de l'accueil. En outre, il faut assurer un travail de quartier efficace. Les agents de quartier remplissent une fonction de signal et d'antenne très importante. À l'heure actuelle, 360 communes environ sont en mesure de remplir cette fonction de contact de manière satisfaisante.

La police de base doit aussi réagir aux besoins de manière appropriée. Pour ce faire, il faut disposer d'unités d'intervention et de recherche. L'étude du professeur Van Outrive démontre également que la police locale a besoin impérativement de disposer de services de recherche. On doit en outre veiller à installer un centre de répartition (dispatching) ou de transmission au niveau local. Cent soixante communes environ sont actuellement en mesure de remplir une partie de ces tâches.

Enfin, la police de base doit tenir compte des spécificités locales. Cela signifie qu'il faut prévoir une possibilité de spécialisation locale, spécialisation qui peut porter sur la prévention, la jeunesse, la recherche proactive, l'analyse de la criminalité, l'environnement, l'aide aux victimes, etc.

Indépendamment de son lieu de résidence, tout citoyen a droit à une fonction de police de base qui accomplisse correctement les trois tâches susvisées : contact, réaction et spécialisation. Comme certaines communes sont incapables d'assumer elles-mêmes ces tâches, on est contraint de constituer des zones. La Commission permanente a estimé que la Belgique devrait ainsi être subdivisée en 200 zones. Une zone peut regrouper cinq ou six communes au plus et elle doit pouvoir déployer un effectif de 80 à 120 agents.

Outre les cinq grandes agglomérations (Bruxelles, Anvers, Liège, Charleroi et Gand), on compte actuellement en Belgique 12 zones qui occupent plus de 200 agents. À côté de celles-ci, il existe encore 20 zones qui occupent de 100 à 200 agents, 104 zones de 50 à 100 agents et 50 zones qui doivent se contenter d'un effectif inférieur à 50 agents. Dans le cas de ce dernier groupe en particulier, la maigreur de l'effectif ne permet pas de garantir une fonction de police de base efficace, à moins de recevoir une aide importante des niveaux supérieurs.

Chaque commune doit au moins pouvoir assurer la fonction de contact.

Dès lors que la fonction de police de base est organisée au niveau supra-communal, il y a lieu de créer un collège des bourgmestres. Ces collèges pourront régler eux-mêmes leur fonctionnement interne.

Il faut également, au niveau rural, une institution qui centralise l'information sur la police de base, qui discute des normes et des valeurs à mettre en oeuvre et qui adresse des avis aux autorités compétentes. La mission en question revient à la Commission permanente de la police de base, qui remplacera l'actuelle Commission permanente de la police communale en Belgique.

3. La mission de police spécialisée

La mission de police spécialisée comprend :

­ les enquêtes poussées pour lesquelles la police de base n'a pas suffisamment de temps, de moyens, d'effectifs et d'expertise;

­ les enquêtes relatives aux faits dont la police spécialisée a pris connaissance par une autre voie que par celle de la police de base.

Il faut confier la mission de police spécialisée à un service de police de deuxième ligne, qui serait organisé au niveau des arrondissements judiciaires. La police spécialisée pourrait offrir ainsi un soutien optimal à la police de base qui mène l'enquête. Cet appui spécialisé peut concerner des missions de police judiciaire (par exemple, des missions organisées sous la forme d'opérations secrètes, d'écoutes téléphoniques, de pseudo-ventes, de recherches financières,...) et des missions de police administrative (par exemple, des missions organisées sous la forme d'opérations impliquant l'usage de canons à eau, de chevaux de frise, et le recours à la police routière, portuaire et aéroportuaire,...).

4. Équilibres

Le modèle de police qui est proposé par la Commission permanente peut sembler complexe du fait qu'il a été conçu de telle manière que plusieurs équilibres soient respectés : l'équilibre entre les autorités locales et les autorités fédérales, entre la police locale et la police fédérale, entre la police administrative et la police judiciaire et entre la police de base et la police spécialisée.

Le modèle proposé par la Commission permanente est articulé autour d'un service général d'appui policier qui fonctionne comme un organe de coordination. L'on investira toutefois le S.G.A.P. de missions beaucoup plus larges que les missions actuelles. Le S.G.A.P. devra appuyer non seulement la politique policière, mais aussi la politique en matière de télématique, de statistiques, de relations internationales, de formation, de banques de données et de méthodes techniques.

Les équilibres ménagés dans le cadre du nouveau modèle policier trouvent leur expression au travers de l'exercice de l'autorité. Le ministre de l'Intérieur exerce son pouvoir par l'intermédiaire non seulement des gouverneurs de province et des bourgmestres, mais aussi de la Commission permanente de la police de base et le Service général d'appui policier. Le ministre de la Justice exerce, pour sa part, son autorité par le biais du Collège des procureurs généraux, des procureurs généraux et des procureurs du Roi, mais également par le biais des chefs de corps d'arrondissement de la police spécialisée et les chefs de corps de zone de la police de base. Le bourgmestre exerce lui aussi son autorité sur le chef de corps de zone de la police de base.

La structure de direction, qui est différente de la structure d'autorité, éclaire un autre aspect de l'exercice d'équilibre que l'on a pratiqué. C'est celui qui définit la politique et qui désigne celui qui doit la mettre en oeuvre, qui exerce l'autorité. Celui qui est responsable de la mise en oeuvre de la politique assure la direction.

La direction est exercée par les chefs de corps. Ils sont responsables de leurs actions devant les autorités élues démocratiquement. Ils dirigent leur corps, mais ils ont également une fonction de direction vis-à-vis du S.G.A.P.

Pour que l'on puisse respecter les équilibres, il faut également une concertation.

Il faut organiser une concertation quadrangulaire locale au sein de la zone de police entre le bourgmestre, le chef de corps de la zone de police de base, le procureur du Roi et le responsable de la police spécialisée.

Au niveau de l'arrondissement, l'on pourrait organiser une concertation similaire, une concertation quadrangulaire arrondissementale. Néanmoins, c'est surtout la concertation relative à la recherche qui doit avoir lieu au niveau de l'arrondissement. Il serait indiqué d'organiser la concertation permanente sur la politique menée au niveau provincial, dans le cadre d'une « concertation quadrangulaire provinciale ». À cette concertation participeraient le gouverneur, en sa qualité de représentant du ministre de l'Intérieur, un représentant du collège des procureurs-généraux et des représentants de la police de base et de la police spécialisée.

Enfin, il faut développer, au niveau fédéral, une concertation pentagonale fédérale entre les représentants des ministres de l'Intérieur et de la Justice, du Collège des procureurs-généraux et des deux services de police.

Toutefois, la question se pose de savoir s'il ne faut pas dissocier de la police spécialisée certains services opérationnels pour en faire une entité distincte.

5. Composition de la police de base et de la police spécialisée

La Commission permanente de la police communale de Belgique plaide pour une structure policière à deux composantes et intégrée de manière fonctionnelle.

La police de base se composerait de la police communale actuelle, des brigades de gendarmerie et des membres de la police judiciaire qui souhaiteraient se consacrer à la recherche locale.

La police spécialisée se composerait de la police judiciaire, de la B.S.R., des services spécialisés de la gendarmerie et des membres de la police communale qui souhaiteraient se consacrer aux missions de la police spécialisée.

Il est évident qu'il faudra également tenir compte, en ce qui concerne la composition des deux services de police, des profils des fonctions et des capacités.

L'on pourra promouvoir la collaboration entre les deux composantes principales de la nouvelle police en faisant appel de manière permanente ou ponctuelle à des officiers de liaison. En outre, la police pourra déléguer des officiers de liaison au sein du parquet, éventuellement sur une base permanente, ce qui permettrait au procureur du Roi et au juge d'instruction de mieux diriger les enquêtes.

6. Mise en oeuvre et coûts

La mise en oeuvre du nouveau modèle policier devra être confiée aux responsables policiers qui agiront sous la surveillance des autorités compétentes.

La Commission permanente espère que l'on prendra rapidement une décision sur la réforme policière. Il faut néanmoins prévoir une période transitoire suffisamment longue, et veiller à ne pas négliger le volet social.

La nouvelle structure requiert également un cadre nouveau, uniforme. Sans cadre uniforme, l'on risque de voir se développer un climat de conflits et de frustrations permanents. Il faut des statuts uniformes aux niveaux administratif, pécuniaire et disciplinaire.

En ce qui concerne l'aspect financier de la réforme proposée, l'on peut se contenter pour l'essentiel, d'une restructuration budgétaire. Des fonds passeront du ministère de l'Intérieur au ministère de la Justice, des autorités fédérales aux autorités locales et d'une commune à l'autre.

En outre, la réforme contribuera à créer un avantage dimensionnel au niveau de la logistique, des frais généraux et du potentiel total.

Le financement du surcoût que pourrait entraîner l'uniformisation des statuts et qui sera en tout cas atténué par l'avange dimensionnel, sera étalé dans le temps grâce à la période transitoire.

2. Échange de vues

Un membre demande quel rôle revient à la gendarmerie.

Monsieur De Troch répond que la gendarmerie serait intégrée dans la police de base et dans la police spécialisée. Les brigades communales feront partie de la police de base. Les B.S.R., les spécialistes de l'état-major et les services spéciaux seront intégrés dans la police spécialisée, en dehors de ceux qui souhaitent plutôt fonctionner dans la police de base.

Monsieur Warny, membre du conseil d'administration de la Commission permanente, ajoute que si l'on veut répondre aux desiderata de la Commission-Dutroux, il faut absolument mettre en oeuvre un système policier qui soit performant. Ce qui nuit à la performance, c'est surtout la concurrence. Il faut vivre cela au quotidien sur le terrain pour se rendre compte de tous les problèmes qui peuvent être posés à cause de la concurrence.

Ceux qui soutiennent que la pluralité des services de police soit nécessaire pour garantir la démocratie, devraient comprendre que les moyens qu'un service policier obtient, dépendent de la qualité du service.

On pourrait citer l'exemple des pays scandinaves qui disposent d'une structure de police intégrée tout en conservant une démocratie saine.

Une police efficace suppose des normes qui s'appliquent à tout le personnel policier.

Si l'on ne veut pas perpétuer la guerre des polices, il faut absolument qu'il n'y ait demain ni vainqueurs, ni vaincus. La Commission permanente de la Police Communale en Belgique veut un système policier uniformisé.

Un sénateur demande à quel niveau la Commission permanente entend placer les services de recherche. Ne faudrait-il pas les inscrire dans le cadre de la police spécialisée ?

M. De Troch répète que chaque zone doit disposer d'un service de recherche. C'est pourquoi la Commission permanente propose que chaque zone dispose d'une centaine de membres du personnel au moins. En effet, avec des effectifs inférieurs à ce minimum, une zone ne pourrait pas remplir sa mission de recherche.

Il ne faut néanmoins pas considérer que le personnel du service de recherche zonal que l'on va développer exerce tout seul les missions de recherche. Le reste du personnel devra également se charger de telles missions.

À l'heure actuelle, la police communale constate environ 60 % des faits criminels. L'on ne peut pas soustraire à la police de base l'enquête relative à ces faits. Si on le faisait, on la démotiverait et, surtout, l'on compromettrait la qualité des enquêtes.

Les zones qui comprennent plus de 120 membres du personnel, à l'inclusion des grandes villes, pourront remplir également des missions spécialisées au niveau local.

Maintenir l'ordre, veiller au respect de la loi et endiguer la criminalité sont des missions qui doivent être accomplies en fonction des particularités locales.

La recherche proactive est l'une de ces missions spécialisées. Dans les grandes villes, le service de recherche sera très développé, précisément parce qu'une spécialisation locale y est absolument nécessaire.

C'est seulement quand l'enquête en question dépasse les possibilités du service de recherche zonale, qu'il faut y associer les services du niveau de l'arrondissement ou du niveau fédéral.

M. Warny fait remarquer que la lutte contre la criminalité organisée commence au niveau local. L'efficacité de l'apport local est démontrée quotidiennement.

Le système policier doit s'appuyer sur une police de base performante et bien formée où on a supprimé toute concurrence. Il ne faut pas réserver la recherche locale à la police spécialisée. L'organisation qualitative au service de police de base requiert la présence de la composante « recherche locale ». Dès l'instant où l'enquête nécessite un appui spécialisé, on doit faire appel à la police spécialisée.

Un membre souligne que les zones interpolices disposent actuellement d'au moins 47 membres de personnel. Ce minimum est suffisant pour les zones qui coïncident avec une commune. Mais, dès qu'une zone englobe deux communes ou davantage et qu'il faut donc organiser deux points de contact ou plus, ce nombre n'est plus suffisant.

Si, comme le propose la Commission permanente, une zone de police devait compter au minimum 80 à 120 membres de personnel, il faudrait réduire à peu près de moitié le nombre des zones de police. Ne mettrait-on pas ainsi une trop grande distance entre la population et les autorités admnistratives locales, d'une part, et la police de base, d'autre part ? Cet inconvénient n'a-t-il pas plus de poids que l'avantage de maintenir une unité de recherche au niveau zonal ?

Et encore, faudrait-il évaluer cet avantage à sa juste valeur. Si le maintien d'une unité de recherche dans les grandes villes peut encore se défendre, par contre, la création d'unités de recherche dans toutes les zones semble devoir mener à une dispersion excessive. Ne suffit-il pas qu'il y ait un officier d'antenne dans chaque zone ?

M. De Troch explique qu'en proposant de regrouper les zones, on ne vise pas à créer des unités de recherche zonales. La fonction de recherche est une composante de la police de base qui doit être assurée au niveau zonal. Il n'est cependant pas nécessaire pour cela de disposer d'une unité de recherche séparée.

La Commission permanente est consciente que l'on ne pourra pas atteindre un effectif minimum de 80 à 120 personnes dans toutes les zones. Dans la province du Luxembourg par exemple, mais dans d'autres provinces également, les zones peuvent fonctionner malgré tout avec moins de personnel.

On a cependant fixé un seuil compris entre 80 et 120 membres de personnel en tenant compte de la fonction de contact local et de la nécessité d'être disponible en permanence pour une intervention et de pouvoir développer certaines spécialités. Parmi ces dernières, il y a non seulement la recherche, mais aussi l'aide aux victimes. Il s'agit là assurément de deux spécialités que la police de base locale doit pouvoir proposer. Organiser la recherche et l'aide aux victimes au niveau de l'arrondissement au lieu du niveau local, c'est perdre en efficacité.

C'est pourquoi la Commission permanente opte pour de grandes zones. L'idéal demeure que chaque commune constitue une zone propre. Mais l'on devra souvent, inévitablement, regrouper deux à trois communes et même, exceptionnellement, cinq à six. Même ainsi, on sera malgré tout encore loin des situations que l'on retrouve aux Pays-Bas, où l'on compte parfois 60 communes par zone.

Pour les zones qui n'auront pas d'unité de recherche propre, les officiers de liaison ou officiers d'antenne pourront effectivement jouer un rôle très utile, comme l'intervenant l'a suggéré.

Un membre partage très largement la proposition élaborée par la Commission permanente. Le modèle propagé par la Commission permanente tient compte des spécificités de l'endroit.

De l'avis du général Deridder, il ne faut cependant pas toucher aux structures.

L'intervenant rappelle qu'il a toujours été un défenseur des zones interpolices. M. Warny défendait lui aussi il y a quatre ans l'idée de la répartition du territoire en zones interpolices. Toutefois, il considère maintenant les Z.I.P. comme une formule dépassée.

M. Warny déclare qu'à l'époque l'objectif de la création des zones interpolice était d'offrir à tous les citoyens un service de police à part entière et identique.

C'était toutefois un rendez-vous manqué parce que, justement au nom de l'autonomie communale, on a refusé parfois de se mettre ensemble. Il y a eu des zones interpolice qui ont fonctionné, mais il faut reconnaître que cela n'a pas été un succès.

Ensuite le ministre Vande Lanotte a demandé la création des zones interpolice. À ce moment-là la gendarmerie démilitarisée se modernisait, tout comme la police communale. Les deux services de police sont entrés en concurrence, la gendarmerie ayant compris qu'il est essentiel d'entrer en contact avec la population.

Au niveau des Z.I.P. la concurrence entre la gendarmerie et la police communale s'est montrée très néfaste.

L'intervenant demande dans quel délai la nouvelle structure policière peut être mise en place.

M. De Troch insiste pour que l'on prenne une décision rapidement.

Dès la phase de transition, il ne peut plus y avoir qu'un seul chef par zone. Il faut par ailleurs conclure dans cette phase des accords clairs de répartition des tâches.

La préparation prendrait environ un an. Quant à la mise en oeuvre, qui, en plus de l'aspect fonctionnel, doit comporter également le volet social, elle demandera sans doute de 3 à 5 ans.

M. Warny est impressionné par l'absence du sens de responsabilités qui s'est avérée pendant les auditions devant la Commission Dutroux.

Dans cette perspective-là la Commission permanente propose de réduire le nombre de responsables. Il faut cependant aussi que l'on donne des moyens pour assumer la responsabilité.

De cette manière, on évite que le responsable ne puisse rejeter la responsabilité sur un autre service. Le chef de police doit donc avoir le profil voulu. Il doit manager son service et faire que les demandes de l'autorité locale soient exécutées.

Au niveau fédéral également, il faut quelqu'un qui porte la responsabilité.

M. De Troch attire l'attention des membres de la Commission sur la flexibilité du modèle proposé. Rien n'empêche après quelques années, de regrouper les communes dans des zones plus petites ou de confier certaines tâches à un autre niveau.

Le parlement a un rôle important à jouer en la matière. Il devra évaluer périodiquement le nouveau modèle policier et y apporter éventuellement des correctifs.

Un autre membre constate que la Commission permanente propose une structure policière double. Où met-elle la police du maintien de l'ordre et la police administrative ?

Quel sera le rôle du bourgmestre et des autorités fédérales ?

M. Warny déclare que le ministre de l'Intérieur reste l'autorité pour tout ce qui est de la police administrative au niveau fédéral. Au niveau local le bourgmestre est l'autorité administrative pour tout ce qui est d'intérêt local.

Le ministre de la Justice est l'autorité en matière judiciaire.

Le maintien de l'ordre devrait donc rester une responsabilité du bourgmestre. Lorsqu'une zone contient plusieurs communes, le chef de police de la zone doit se concerter avec les bourgmestres concernés. Si les moyens s'avèrent insuffisants, il faut pouvoir faire appel aux autres zones pour pouvoir constituer une force qui soit capable d'intervenir très rapidement. Si le problème est trop compliqué et si l'on a besoin de moyens supplémentaires en hommes ou en matériel, il y a l'appui de la police spécialisée. Le chef de police de la zone reste le responsable de la manoeuvre tant que c'est au niveau d'une commune ou d'une Z.I.P.

L'intervenant fait remarquer que la tutelle sur les communes est exercée par les régions. Les régions peuvent-elles continuer à accepter que ce soit le fédéral qui dicte l'organisation policière sur leur territoire ?

Il se demande en outre quel rôle revient au gouverneur.

M. Warny répond que c'est une question à haute portée politique. Jusqu'à présent il n'y a pas de revendications régionales en matière de sécurité.

Faut-il une régionalisation de la politique policière ? Ce serait une erreur. Au moment où on crée des organismes comme Interpol et Europol et où on tente d'unifier les systèmes informatisés, il ne paraît pas opportun de redoubler les structures au niveau régional.

Les gouverneurs ont certainement un rôle à jouer. Ils sont le relais entre le pouvoir fédéral et le pouvoir local.

M. De Troch ajoute que la Commission permanente de la police communale de Belgique n'est pas compétente pour se prononcer dans le débat éventuel sur la répartition de la compétence en matière de police. Le modèle policier proposé présente cependant une flexibilité suffisante pour intégrer les modifications institutionnelles éventuelles.

Un membre constate que la Commission permanente ne touche pas à la double compétence de l'agent de police, qui conserve, et sa compétence administrative, et sa compétence judiciaire.

La police de base est-elle également soumise à l'autorité du bourgmestre lorsqu'elle exerce sa mission judiciaire ?

Une autre question concerne le contrôle externe de la police. Dans le schéma de la Commission permanente, ce contrôle externe est exercé par le bourgmestre, le collège échevinal et le conseil communal. Que pense la Commission permanente de l'idée d'associer d'autres citoyens, notamment des experts, au contrôle externe ? La formule s'applique par exemple dans le modèle britannique.

M. De Troch déclare que la politique de police s'élabore dans le cadre de la concertation quadrangulaire locale.

Le bourgmestre est responsable de l'aspect administratif. En ce qui concerne l'aspect judiciaire, il peut définir la politique en se fondant sur l'information générale dont il dispose.

Les autorités communales ont effectivement un rôle important à jouer en matière de contrôle externe. Mais une « police de la communauté » implique que l'on reserre les liens avec le citoyen, ce qui peut se faire notamment en faisant appel à des experts siégeant ou non dans un conseil de prévention.

Ce rapprochement entre le service de police et le citoyen doit toutefois être supervisé par les autorités communales.

II. PROPOSITION DES CORPS DE POLICE COMMUNALE DES GRANDES VILLES (ANNEXE 2)

1. Exposé de M. Van Reusel, commissaire en chef de la ville de Bruxelles

La présidente invite M. Van Reusel à communiquer ses réflexions sur le rapport Dutroux, par rapport à son audition précédente.

M. Van Reusel indique que ses collègues bruxellois et lui-même sont grosso modo d'accord avec ces recommandations.

Un certain populisme les effraye toutefois, parce que celui-ci mène à des situations dans lesquelles les institutions concernées ne savent plus s'orienter. Il se réjouit dès lors de l'initiative du Sénat qui tend à reprendre ce mouvement populaire pour l'analyser de manière raisonnée et de remettre une certaine logique dans le débat.

Il y a en effet du bon et du mauvais dans le fonctionnement des polices.

La Commission Dutroux a, selon lui, commis la faute de vouloir citer des personnes et des fonctions précises, en dehors de l'analyse fonctionnelle globale.

Il incombe aux autorités disciplinaires de sévir contre les fautes personnelles.

Cela a mené à l'amalgame entre le structurel et le personnel.

Une deuxième observation est qu'il incombe à l'État et à lui seul d'assurer la sécurité de ses citoyens. Il n'y a pas de droit naturel pour les victimes d'avoir accès au dossier. Dès lors qu'on est en procédure pénale, il faut suivre la loi.

La police bruxelloise dispose d'un service d'assistance aux victimes qui démontre par son expérience combien il est difficile d'apporter de l'aide aux victimes. La première tâche d'un policier en cas de disparition est normalement de faire une visite domiciliaire à l'endroit de la disparition. Or, cette visite de vérification technique est toujours interprétée par les parents-victimes comme une culpabilisation. Il se fait que de telles visites s'imposent parce que l'histoire criminelle démontre que les cas où le mari veut faire disparaître son épouse ne sont pas rares. Bien que ce soit moins le cas pour des enfants, ce n'est jamais exclu.

Il y a aussi des flux de disparitions suite à des fugues ou des « brossages » de cours pendant les examens.

La mise à l'instruction d'office de chaque affaire lui paraît totalement aberrant, eu égard au caractère éminemment bénin de certaines plaintes. Si l'on poursuivait sur cette voie-là, la justice serait bien vite immobilisée.

Il lance la suggestion d'étendre quelque peu le pouvoir du policier par rapport au juge pour suppléer à cet état de choses. Il y a à cet égard une expérience intéressante en cours à Gand, où un système de sépot policier est mis en place.

Le fait d'adjoindre un juge d'instruction à l'équipe qui a effectué une visite domiciliaire dans le garage d'Ixelles n'aurait sans doute rien changé. Un mandat de perquisition n'aurait rien ajouté à leurs pouvoirs et ils avaient parfaitement le droit de descendre dans la cave et d'ouvrir le coffre métallique sans juge.

Le juge ne fait que coordonner les éléments d'enquête qui lui proviennent des policiers. Il dépend donc de la qualité des enquêteurs.

Quant à l'accès au dossier pour les parties civiles, il reste sceptique.

En ce qui concerne les principes de base retenus dans le rapport de la Commission Dutroux, il observe ce qui suit.

Le premier principe , qui est la fonction de police intégrée , correspond à une bonne stratégie de police. Celle-ci repose sur :

­ l'unicité du terrain;

­ l'unicité du commandement.

Déjà du temps de la Commission du Heysel, les deux principes avaient été retenus.

Ces principes sont d'ores et déjà appliqués à Bruxelles, par exemple, lors de manifestations où les gendarmes protègent la zone neutre, et les policiers suivent le cortège.

Si ces principes sont déjà bien appliqués en matière de maintien de l'ordre, ils ne le sont malheureusement pas en matière judiciaire.

L'intégration des polices ne signifie pas à son avis une fusion, qui signifierait une police unique (réelle ou virtuelle).

L'unicité du commandement d'une police intégrée doit être assurée à la base. C'est la pierre angulaire de la concertation pentagonale, sous l'autorité du bourgmestre. C'est le seul représentant élu dans cette structure locale.

Au niveau fédéral, l'unité de commandement doit étre assurée par une structure interdépartementale, qui peut prendre diverses formes : soit un secrétariat permanent, soit un secrétaire général, etc.

Cette structure serait contrôlée par les deux ministres compétents et par le Parlement.

Le deuxième principe de base relevé par la Commission Dutroux est la subordination des polices aux autorités administratives et judiciaires .

Il n'y a là aucune réticence de sa part. Comme autorités administratives, il relève le bourgmestre, le gouverneur et le ministre de l'Intérieur.

Pour le pouvoir judiciaire, ce sont le procureur du Roi, le juge d'instruction et le Collège des procureurs généraux et le ministre de la Justice.

Au niveau local, la concertation pentagonale fonctionne et suffit.

Au niveau judiciaire, il y a en plus la plate-forme judiciaire que vient de créer le ministre de la Justice.

Ceci est une bonne chose, mais difficile à mettre en action sur le terrain au niveau local. Il est très difficile pour un bourgmestre de faire la différence entre police judiciaire et administrative. Il doit donc être impliqué dans les enquêtes.

Il en prend comme exemple la prostitution qui trouble l'ordre public (responsabilité du bourgmestre) mais qui, en même temps, comporte des éléments judiciaires (proxénétisme, traite de femmes).

Le parquet de Bruxelles avait insisté sur la création de nouvelles zones de tolérance, ce qui devait lui permettre de mieux contrôler les agissements délictueux.

Or, pareille initiative allait à l'encontre des vues du bourgmestre sur ce problème, et l'on a, en toute logique, suivi l'avis du seul élu qu'est le bourgmestre.

Le troisième principe était le contrôle . Il y a déjà des contrôles internes et un contrôle général par les Comités P et R. Même si ces organes connaissent actuellement leurs maladies infantiles, il croit que ce sont de bons instruments.

Le quatrième principe était le comportement légitime .

Il n'a pas d'observations à faire à ce sujet. Il va de soi qu'un policier respecte la loi.

Le cinquième principe était la responsabilité .

Il faut d'abord apprendre aux gens à prendre leurs responsabilités et, dès lors, ne pas intervenir dans leurs tâches, par exemple lorsqu'un auxiliaire dresse un procès-verbal.

Le sixième principe était la décentralisation .

Ceci signifie une responsabilisation avec une participation effective au niveau le plus bas mais aussi au niveau le plus haut.

Dans une structure pyramidale, le bas doit être représenté en haut. Les décisions et options en matière de sécurité doivent être initiées par le bas, sur base des phénomènes constatés, et non fondées sur des réflexions abstraites de cabinets ministériels.

Pour la population, la criminalité urbaine est beaucoup plus importante; c'est là que le ferment d'extrémisme se situe. Il plaide dès lors pour le renforcement de la police de base.


L'objectif général de la Commission Dutroux est d'avoir un service de police intégrée structuré en deux niveaux.

Le terme « niveau » est peut-être mal choisi, parce que dès qu'il y a des niveaux sur le terrain, il y a risque réel de conflits entre ces niveaux.

Au niveau fédéral, la Commission Dutroux prône une intégration des trois polices du Royaume dans une seule structure policière.

Le ministre de la Justice serait responsable de la police spécialisée, de la recherche, de l'exercice de la fonction de police judiciaire.

Le ministre de l'Intérieur serait responsable de l'ensemble de la politique de sécurité (maintien de l'ordre, mesures pour la sécurité des citoyens, la sécurité routière, politique de prévention, etc.).

« La politique policière devrait se définir pas référence au concept de service policier de base. »

Cette dernière phrase, tirée du rapport traduit bien le fond du problème : tout doit démarrer de la base.

Parce qu'elle est tellement importante, la police de base doit se retrouver au niveau où l'on débat de la stratégie à suivre.

L'intégration voulue implique également que le fossé entre les deux ministres concernés se comble. Les dernières années, le ministre de l'Intérieur a vu s'accroître sensiblement ses compétences au détriment de son collègue de la Justice.

Cela s'est fait par le truchement de circulaires, de créations de nouveaux départements (voir S.P.P.S.). Le ministre de la Justice a rétorqué en émettant une note de consensus pour bien délimiter les tâches auxquelles seront astreints les différents corps de police pour ce qui concerne leurs domaines respectifs. Cette note demeure toutefois une initiative personnelle qui n'est pas du tout partagée par la C.P.P.C. Pour M. Van Reusel, il s'agit d'un emplâtre sur une jambe de bois.

Il faut approfondir la discussion. La police communale se plaint de ne pas se retrouver dans cette note de consensus. Toute la construction est concentrée sur un modis vivendi qu'ont pris les deux patrons des deux corps fédéraux que sont la P.J. et la gendarmerie.

Cette façon de procéder par le truchement de notes, de circulaires et d'arrêtés royaux multiples venant d'en haut n'est pas saine.

La police de base dispose pourtant d'un outil très valable, qui est le S.G.A.P. Malheureusement, il ne fonctionne pas bien. Pourquoi, par exemple, ne pas centraliser les informations sur place, alors qu'actuellement c'est le S.G.A.P. qui demande des informations pour l'appel aux témoins ? Pourquoi renvoie-t-on aussitôt le témoin vers une brigade de gendarmerie ?

La composition déséquilibrée du S.G.A.P. le rend inefficace. Le B.C.R. est en fait un mini-S.G.A.P., appartenant à la gendarmerie. Pourquoi ne fusionne-t-on pas ces banques de données ?


Suite à toutes ces réflexions, il y avait lieu de modifier sur certains points les plans déjà exposés précédemment au sujet du Secrétariat Interdépartemental pour la Sécurité et les Services de Police.

Il précise d'emblée qu'il ne considère pas ce Secrétariat comme le patron des polices. Les vrais patrons sont les deux ministres, comme les bourgmestres le sont au niveau local.

Les compétences du Secrétariat Interdépartemental

1. Appliquer les politiques déterminées par deux ministres.

2. Assurer l'analyse et la direction stratégique des corps de police.

3. Assurer la coordination générale des services de police.

4. Contrôler et autoriser les budgets fédéraux de tous les services fédéraux de police.

5. Coordonner et diriger le fonctionnement des services communs.

6. Organiser l'informatique, la documentation, la formation.

Ce secrétariat serait dirigé par un conseil d'administration, avec des mandats de durée déterminée. Il serait composé d'officiers supérieurs représentant les trois corps de police. Il y aurait sous les ordres du conseil d'administration un secrétariat général qui gérerait tous les services. Il faudrait également installer un comité de direction, également représenté de manière proportionnelle.

Ce secrétariat serait composé de 8 divisions, dont :

­ la coopération policière internationale;

­ l'appui opérationnel;

­ la télématique;

­ la prévention (S.P.P.P.);

­ la formation commune de base;

­ la logistique (économies d'échelle).

La mise sur pied de la réorganisation

Il faut repartir de la notion de policier de base. Il s'agit des polices communales et une partie des effectifs de gendarmerie, selon le principe des Z.I.P.

La police de base est évidemment administrative et judiciaire en même temps.

Mais il faut que le gendarme de la base dépende davantage du bourgmestre et non de son état-major.

Dans les petites communes, les bourgmestres vont actuellement jusqu'à « louer » des gendarmes. Pourquoi ne pas organiser à l'instar de cette pratique, un détachement d'un certain nombre de gendarmes vers la police de base. Il s'agirait donc d'ajouter aux 16 000 à 17 000 policiers communaux 5 000 à 6 000 gendarmes.

La deuxième structure est le gros de la gendarmerie, c'est-à-dire plus ou moins 8 000 hommes qui assureront le maintien de l'ordre, la police des frontières, des aéroports et des ports.

Il y a ensuite la police criminelle fédérale bien structurée, avec 3 000 hommes, décentralisée vers les cours d'appel.

La police de base s'occupera des enquêtes des arrondissements judiciaires.

2. Échange de vues

Un membre demande ce qui a été fait au niveau du comportement des policiers, tant en ce qui concerne le policier de base que ses chefs.

Il se réfère à l'expérience anglaise où tout est mis sur l'aspect du comportement qui doit être positif.

Il relate une mésaventure qui lui est arrivée au commissariat de la ville de Bruxelles, et pour laquelle il a adressé une lettre de protestation au bourgmestre d'antan.

Après 6 à 7 ans, il a l'impression que rien n'a changé au niveau du comportement policier. Il n'a au demeurant jamais obtenu une réponse circonstanciée qui lui aurait par exemple révélé le nom du policier qui était à la base de l'incident.

Si les policiers ne changent pas leur mentalité, c'est-à-dire qu'ils se mettent au service des citoyens plutôt que de les harceler, il n'y aura rien de changé du tout.

M. Van Reusel espère aussi que cela change. Il indique que l'accueil au commissariat a complètement changé, tant par l'aspect des bâtiments que par la spécialisation du personnel (obtenue par une formation continue).

Un deuxième intervenant demande si M. Van Reusel plaide pour une formation de base identique pour tous ceux qui souhaitent entrer dans un corps de police.

M. Van Reusel est en effet partisan d'une telle formation de base, mais il plaide surtout pour une formation permanente.

Un troisième intervenant fait référence à la proposition de réforme des structures dans le cadre des services de police existants. Il apparaît, à l'examen de cette proposition, qu'elle vise à ce que l'on conserve trois entités distinctes, alors que le but était d'intégrer les services.

M. Van Reusel part du principe qu'intégration n'est pas synonyme de fusion. Chacun a une mission spécifique au sein des trois entités proposées. La coordination se fait au niveau fédéral, au sein des services communs.

Comme au Royaume-Uni et en Allemagne, l'intégration débute par une formation de base commune. Dans le cas de la police judiciaire, il y aurait une spécialisation dans les branches complexes.

L'intégration doit également étre assurée par le biais du système de la mobilité. C'est ainsi qu'un inspecteur de la P.J. pourra demander sa mutation vers une unité de police de base, lorsqu'il en aura assez de faire de l'action.

Le membre estime que, dans ces conditions, on ne peut pas encore parler d'intégration poussée.

Un autre membre estime que ce que l'on propose est réalisable parce que l'on tient compte de la situation existante. Pour ce qui est des structures locales fédérales, il lui semble qu'elles devraient avoir une composition semblable à celle d'une « task force », c'est-à dire regrouper des personnes détachées de divers corps, mais qui conservent leur lien avec ceux-ci.

Une seule grande « task force » est-elle réaliste pour un pays comme la Belgique ? Ne constituerait-elle pas une sorte de police unique ? Habituellement, on crée une « task force » lorsqu'un service de police donné manque d'effectifs ou de moyens. Ne risque-t-on pas de créer un danger pour la démocratie ?

M. Van Reusel estime que non, car tout dépend du bourgmestre ou du ministre.

En cas de manifestation, le bourgmestre demandera l'appui de la « task force » lorsqu'il le jugera nécessaire.

Le membre estime que la création d'une « task force » est la seule solution dans l'hypothèse d'un statu quo . Elle ne mènera à l'intégration que grâce à la bonne volonté et aux efforts d'adaptation des policiers.

Il revient ensuite sur les déclarations que M. Van Reusel a faites au sujet du rapport Dutroux :

1) M. Van Reusel a estimé que, selon certaines conclusions, l'on a affaire plutôt à un déficit structurel qu'à des fautes individuelles. Est-ce à dire que jamais personne n'abuse du manque de structures efficaces ?

2) Le juge d'instruction a surtout une mission coordinatrice, mais où les informations sont-elles alors centralisées ?

3) Il faut définir les options à la base. Il estime que c'est une bonne chose et il fait référence aux priorités nationales (les « keys ») que le Home Office britannique a fixées avec un suivi au niveau local. L'on pourrait très certainement faire la même chose pour Bruxelles.

4) Il est effectivement nécessaire de coordonner l'action des deux ministres. M. Van Reusel a-t-il connaissance de tentatives de la P.J. de « pénétrer » la sphère du maintien de l'ordre ?

M. Van Reusel répond affirmativement. Le procureur ne doit pas intervenir dans cette matière, mais il essaie de le faire. C'est ainsi que le procureur et la P.J. sont présents de manière systématique lors d'événements importants comme les matchs de football, mais ils n'interviennent pas pour autant.

5) Après avoir adressé des louanges au S.G.A.P., il a très justement parlé de la nécessité de réformer les structures en faveur de la police communale. Le détachement pose cependant un problème.

6) L'on peut imaginer une structure basée sur les Z.I.P. Toutefois, si l'on devait en faire une police fusionnée placée sous l'autorité du bourgmestre, la question se poserait de savoir qui paiera les gendarmes.

M. Van Reusel déclare que le principe directeur est d'organiser une permanence de 24 heures. L'autorité qui la finance assure également le commandement.

À titre transitoire, l'État pourrait cependant prendre à sa charge une partie des traitements des gendarmes, d'autant plus que cette intervention aurait un caractère dégressif, puisque lesdits gendarmes deviendraient des policiers dans le cadre des Z.I.P.

Un membre dit craindre que, dans ce cas, aucun bourgmestre ne procédera plus à aucun recrutement.

M. Van Reusel admet que cette crainte soit fondée, mais il ajoute que ce risque est inhérent à toute mesure transitoire.

Dans l'esprit du membre, l'on ne peut opérer ces transferts qu'en fonction de critères objectifs, étant donné qu'il faut éviter toute discrimination entre les communes pour ce qui est de la qualité des gendarmes qui leur seront attribués.

M. Van Reusel souligne que les cadres des Z.I.P. existent déja. L'on pourra bien sûr réaliser une petite économie temporaire en s'abstenant d'investir dans les recrutements pendant une période limitée, mais, pour le reste, on peut mettre au point un mécanisme correcteur.

L'intervenant se demande s'il ne faudrait pas pousser la décentralisation de la police criminelle au-delà du niveau des cours d'appel.

M. Van Reusel déclare que la police criminelle sera très spécialisée et qu'elle pourra être requise dans tous les ressorts. Le procureur peut faire appel, dans un premier temps, au service judiciaire de la police locale et ne s'adresser qu'ensuite à la police judiciaire.

Le membre se demande si ce raisonnement est valable. Sachant que certaines Z.I.P. ne comptent que 47 agents, il ne voit pas très bien comment celles-ci pourraient encore détacher des membres de leur personnel aux fins de l'accomplissement de missions judiciaires.

Un autre membre déclare que c'est précisément la raison pour laquelle il préfère que l'on crée un échelon intermédiaire au niveau de l'arrondissement.

M. Van Reusel déclare que rien n'empêche d'étendre une Z.I.P. à l'ensemble d'un arrondissement.

Le premier intervenant déclare que si l'on veut avoir une cellule judiciaire par Z.I.P., celle-ci devra adopter la dimension d'un arrondissement, et que l'on risquera alors de creuser une trop grande distance par rapport à la population.

Un membre se demande où l'on va avec une structure comportant quatre forces. Dans cette structure, la police criminelle serait une police spécialisée au niveau fédéral tel le F.B.I.

Mais, dans la structure prônée par M. Van Reusel, où va-t-on intégrer le maintien de l'ordre ? Est-ce que cela se fera au niveau local, avec un commandant de brigade dirigé par le bourgmestre, ou cela dépendra-t-il d'un autre niveau ? Le bourgmestre sera-t-il confiné dans son rôle de contrôleur de la police administrative et éventuellement de l'organisation de la police de proximité ? Restera-t-il encore le chef de la police, et, dans la négative, la gendarmerie ne s'imposera-t-elle pas avec tout le poids de son organisation et de son expérience ?

M. Van Reusel répète que la pierre angulaire du système local doit être le bourgmestre, et dans une moindre mesure, le procureur du Roi, pour le seul volet judiciaire.

Mais l'instance qui dirige la politique criminelle dans le sens large du mot reste le bourgmestre. C'est lui qui doit pouvoir donner l'ordre de charger les manifestants.

L'actuelle loi de la gendarmerie ne le permet pas. La gendarmerie n'obéit qu'à sa propre hiérarchie.

Cette décision doit bien sûr être précédée par une discussion au sujet de l'opportunité entre le responsable de la gendarmerie sur place et le bourgmestre, mais c'est ce dernier qui doit trancher.

Quant au danger de voir la police judiciaire fédérale devenir une sorte d'agence indépendante du niveau local, à l'instar du F.B.I., il ne pense pas qu'il faut aller jusqu'à créer des « superflics ». Ils ne doivent venir qu'en appui technique.

La gendarmerie demeure comme corps spécialisé en matière de maintien de l'ordre, contrôle des frontières, des aéroports et des ports.

Un membre ne voit aucune objection à ce que le bourgmestre ait un rôle dirigeant dans le maintien de l'ordre. Mais qu'en est-il du contrôle ? En l'élargissant, on risque de voir le bourgmestre régulièrement désavoué par son conseil communal. S'il joue un rôle sur le terrain, il sera aussi davantage dans la ligne de mire si quelque chose tourne mal.

M. Van Reusel souligne que si le bourgmestre est politiquement responsable, il est toujours assisté, au niveau technique, par son commissaire en chef ou par le commandant de gendarmerie.

L'intervenant craint que pour pouvoir remplir correctement ce rôle dirigeant, le bourgmestre ne doive suivre d'abord une formation de policier. Il souhaite que l'on crée à côté du bourgmestre un organe de contrôle local spécifique qui soit un organe de contrôle externe, sur le modèle du Comité P.

III. LA GENDARMERIE

1er . Exposé du lieutenant général De Ridder, chef de corps de la gendarmerie

Le général De Ridder reconnaît que les propositions structurelles de la Commission « Dutroux » l'ont agréablement surpris parce que la gendarmerie peut globalement souscrire à la vision à long terme qui s'en dégage.

Il constate que les conditions à réunir pour disposer d'un service de police de qualité dans un État de droit démocratique sont ceux que la gendarmerie s'efforce d'instaurer (et qu'elle a déjà instaurée partiellement depuis 1992) :

­ un service de police intégré;

­ une dépendance hiérarchique à l'égard des autorités administratives et judiciaires;

­ une possibilité de contrôle.

La gendarmerie plaide pour la responsabilisation des chefs de corps, l'excellence du service et la transparence, le tout à partir d'objectifs généraux.

L'objectif général est de la plus haute importance : créer un service de police intégrée à deux niveaux, l'un fédéral et l'autre local.

Cependant, la question que la Commission « Dutroux » n'a pas abordée de manière directe est celle de savoir comment fonctionne une police intégrée.

Il est clair qu'il doit y avoir deux niveaux de politique : l'un fédéral et l'autre local.

Mais il faudra aussi se prononcer sur un niveau intermédiaire, car il est impensable de gérer 200 Z.I.P. à partir du niveau fédéral. Un niveau intermédiaire s'impose; toutefois, il ne s'agit pas d'un niveau de décision mais d'un niveau d'exécution de la politique fédérale et de soutien aux Z.I.P.

La gendarmerie peut se rallier à cette conclusion comme vision à long terme. Elle connaît d'ailleurs actuellement une réforme similaire.

Depuis 1994, les niveaux ont été ramenés de cinq à trois : le fédéral, le local (brigades) et un niveau intermédiaire, le district, qui tend à devenir un centre de services et d'appui pour le niveau local.

En ce qui concerne les mesures immédiates proposées par la Commission « Dutroux », le général De Ridder formule des objections à l'encontre de deux d'entre elles :

1. réorganiser encore la police communale, si l'on va vers une période intégrée; les solutions intermédiaires sont toujours mauvaises parce qu'elles entravent l'adoption d'une solution définitive;

2. l'idée de développer le S.G.A.P. en tant que soutien opérationnel est à proscrire tant que les trois services de police subsistent. La centralisation de la documentation et des informations lui paraît, en revanche, faisable. La décision de fusionner les fichiers informatiques a d'ailleurs été prise par le conseil d'administration du S.G.A.P.

2. Échange de vues

Un membre voudrait savoir quelle forme ce niveau intermédiaire doit adopter. Actuellement, ce niveau lui semble exister déjà, c'est le niveau du district, occupé déjà pleinement par la gendarmerie. Qui occupera ce niveau intermédiaire dans une nouvelle structure ?

Le général De Ridder répond qu'il a simplement constaté que ce niveau est absent dans l'analyse du rapport Dutroux. Il faut remédier à ce problème, soit on décide qu'il n'y aura pas de niveau intermédiaire, soit on décide où il se situe : au niveau de l'arrondissement judiciaire, de la province. Cela fait déjà partie de la discussion sur la future forme à donner à la police. Pour lui, ce niveau doit se situer au niveau de l'arrondissement judiciaire.

Un membre constate que le général approuve l'idée d'une police intégrée. Cela signifie-t-il que dans le cadre des Z.I.P. les brigades de gendarmerie relèveront, elles aussi, de la compétence du conseil communal ?

En ce qui concerne le niveau supralocal ­ l'arrondissement et le fédéral ­, le général estime qu'il serait préférable de ne pas prendre de mesures qui risquent de compromettre le résultat escompté. Pourrait-on voir apparaître alors une structure de police qui ne serait plus la gendarmerie ou la police judiciaire, mais un service de police tout nouveau dans lequel, pour la gendarmerie, les grades militaires classiques disparaîtraient ou bien la gendarmerie absoberait-elle tout simplement les autres services de police ?

Pour le général De Ridder, une police intégrée est une nouvelle police. La grande question est de savoir comment réaliser cette transformation, qui prendra sans doute un certain nombre d'années.

En réalité, avant d'aborder les structures, il faut résoudre une série d'autres problèmes.

Comment la hiérarchie interne et la hiérarchie externe des différentes autorités se combineront-elles au sein de la police intégrée ­ un problème auquel seule la gendarmerie est confrontée actuellement ?

Le général De Ridder distingue une ligne hiérarchique des différentes autorités s'appuyant sur la police intégrée aux différents niveaux et, à côté de cela, une ligne hiérarchique interne courant de haut en bas. La difficulté à résoudre est celle d'articuler ces différentes lignes hiérarchiques. Dans la synergie entre le local et le supralocal, il faut notamment résoudre le problème de l'autonomie communale.

La relation entre la composante locale d'une police intégrée et l'autorité locale doit être précisée et faire l'objet d'accords dans le cadre des Z.I.P. Les autorités fédérales doivent veiller au respect de ces accords.

Le général estime que, pour ce qui est de la relation avec la magistrature, il importe de définir une série de notions. Qu'entend-on précisément par la « direction » de l'information et de l'instruction judiciaire ?

Il faut définir une série de notions dans le cadre tant de la relation avec les autorités administratives que dans la relation avec les autorités judiciaires. D'abord le partenariat : la police et les autorités administratives ou judiciaires sont des partenaires. L'autorité oriente et contrôle, ce qui signifie qu'elle a une politique, qu'elle définit des objectifs et la stratégie à suivre pour les atteindre. Ensuite, la responsabilisation : elle concerne tous les services publics et implique que ceux-ci aient une politique de management. Quant à l'orientation et au contrôle des affaires judiciaires, ils incombent au magistrat responsable, mais il faut trouver une solution au fait que le potentiel d'un service de police est, par définition, limité. Quand on fait appel à un service de police, on devrait indiquer combien de temps une enquête déterminée durera et combien de personnes seront nécessaires. La magistrature doit donc mettre en balance l'engagement en hommes et en moyens et le résultat possible. Actuellement, on ne le fait pas, de sorte que chacun travaille dans toutes les directions en même temps, que dans certains dossiers, l'enquête traîne pendant des années et que l'on ne confie que sporadiquement des missions d'enquête. Les autorités judiciaires devraient donc introduire une certaine forme de management.

Il faudrait qu'il en soit de même au niveau administratif.

On devrait adopter une réglementation pour un niveau intermédiaire.

Un sénateur partage cette analyse. Il se demande toutefois si réunir les missions judiciaires et administratives au sein d'un seul service, qui aurait sa hiérarchie propre, ne va pas précisément poser des problèmes. Trois niveaux de compétence différents font faire appel aux mêmes personnes.

Ne serait-il pas préférable de dissocier les missions judiciaires et les missions administratives ? Il est à craindre en effet que ce soit la structure hiérarchique interne qui détermine finalement quelles sont les missions prioritaires.

Le général De Ridder estime qu'il faut partir du principe que la mission de recherche ne peut pas être dissociée de celle de la police de base. En fait, tous les services de police sont d'accord là-dessus. Il faut donc intégrer la composante administrative et judiciaire à tous les niveaux, ce qui ne signifie pas que tout le monde doit tout faire, mais bien qu'il faut développer des systèmes permettant la circulation de l'information. Cela n'est pas dit seulement dans le rapport Dutroux; le gouvernement néerlandais a déclaré lui aussi ­ par la voix de ses ministres de la Justice et de l'Intérieur ­ que la police doit être davantage présente dans la rue; c'est là que l'information se recueille. Une enquête sur une affaire de drogue démarre en général dans la rue. M. De Vroom a reconnu, lui aussi, que l'un de ses grands problèmes était de ne pas avoir de police de base. Il ne suffit pas de dire que l'information existante doit être transmise. À la gendarmerie également, c'est un problème qui n'a été résolu que progressivement. Le policier possède un certain individualisme. Aux États-Unis aussi, le problème structurel du F.B.I. est qu'il n'a pas de contact avec la base de la société. Pour éviter que les chefs de la police décident de la répartition des moyens entre la police administrative et la police judiciaire, il faut que les autorités concernées définissent annuellement leur politique au niveau fédéral et local (voir article de Trends concernant la gestion d'un common pool ) et qu'elles passent des accords contraignants.

Une intervenante voudrait savoir quelle structure il faut envisager, du niveau fédéral jusqu'au niveau local, pour cette police intégrée.

Le général De Ridder pense qu'il ne faut dessiner une structure qu'à la fin quand tous les problèmes seront résolus : la structure suit la solution des problèmes de base et doit fournir une réponse à ce qu'on attend d'un service de police.

À l'intérieur d'une police intégrée il faut fixer dans la loi ce que le chef de la police locale, à l'intérieur d'une Z.I.P., doit faire. La hiérarchie fédérale ne peut intervenir que pour juger s'il accomplit correctement cette mission sur base de critères de qualité préétablis, sans toutefois pouvoir lui dicter comment il doit exécuter cette mission.

Sur le plan judiciaire, le général De Ridder ne prône pas un projet bien déterminé. Il estime toutefois qu'il faut, à la fois, un niveau de recherche au niveau de la Z.I.P., au-dessus de ce niveau ainsi qu'au niveau fédéral. Un service de recherche, à quelque niveau que ce soit, doit oeuvrer dans le prolongement du service de police de base. Au niveau fédéral la recherche devrait s'occuper principalement de la pro-activité. Cela n'exclut nullement qu'un tel service s'enrichisse d'un service d'investigation, à condition que ce soit lié à un dossier ponctuel que les membres d'un tel service soient détachés d'un service local (par exemple le « National Crime Squad » au Royaume-Uni).

L'intervenante demande comment on peut organiser ou maintenir une certaine autonomie communale à l'intérieur d'une Z.I.P.

Le général De Ridder répond que, dans la structure définitive, le bourgmestre décidera de la politique de sécurité dans sa commune. Pour réaliser ce principe, le bourgmestre doit être le gérant quotidien de ses services de police. Au Canada, les autorités locales fixent leurs priorités et le service de police unique doit réaliser cette politique. L'avantage d'un tel système est que le bourgmestre ne doit plus intervenir dans la gestion matérielle de la police (achat de matériel, nomination du personnel, etc.). Dans l'entretemps, il faut permettre aux communes d'évoluer vers un tel système.

Une autre intervenante fait remarquer qu'on ne trouvera pas beaucoup de bourgmestres qui ne veulent pas participer aux nominations ou aux promotions. La conception du rôle du bourgmestre ne sera pas canadienne avant un certain temps. Le rôle disciplinaire du bourgmestre, à l'intérieur des Z.I.P.'s est facilité lorsqu'il a quelque chose à dire sur la carrière des agents de police.

Un sénateur estime qu'en laissant au conseil communal le soin de déterminer les priorités, on risque de voir la police se borner à une forme déterminée de lutte contre la criminalité. Si, par exemple, le conseil communal d'Anvers décidait que la priorité est de supprimer la drogue sur la voie publique, la lutte contre le vol de conteneurs dans le port, le trafic par bateau de voitures volées, ou l'introduction en fraude de drogues via le port serait réduite à néant. Qui veillerait alors à ce qu'il y ait suffisamment de patrouilles dans le port alors que le conseil communal ne s'en soucie pas ?

Le général De Ridder estime qu'une autorité communale comme celle d'Anvers, par exemple, doit aussi s'intéresser à ce qui se passe dans le port. Pour la « policisation » de zones spécifiques, on peut peut-être créer des services spéciaux dépendant d'un niveau supérieur.

Un membre fait remarquer qu'on peut aussi fixer des objectifs-clés au niveau fédéral. Un niveau intermédiaire pourrait éventuellement assurer le suivi de ces objectifs. Le rapport « Dutroux » précise aussi que les conseils communaux définissent la politique en matière de police administrative par le biais du bourgmestre. Cela ne se fait en tout cas pas actuellement dans la pratique, ­ le conseil communal se bornant à approuver le budget. Le contrôle démocratique local de la police peut aussi se faire en dehors du conseil communal (cf. Police Authority au Royaume-Uni). L'engagement de citoyens intéressés peut éventuellement faire en sorte que le problème de la criminalité portuaire soit effectivement retenu comme prioritaire.

Le général De Ridder estime que dans de tels cas, l'autorité locale et l'autorité fédérale peuvent aussi conclure un accord pour faire de la lutte contre la criminalité portuaire une priorité fédérale. Il appartient alors à l'autorité fédérale de prévoir les moyens d'action nécessaires.

À son avis, il faut élaborer des plans pluriannuels fédéraux qui déterminent des délais et prévoient les moyens nécessaires. Un plan fédéral doit être la synthèse des plans locaux auxquels on ajoute des priorités fédérales. Cela suppose aussi que c'est au niveau des Z.I.P. que sont déterminés les objectifs, les stratégies et les moyens. Ces données doivent être synthétisées au niveau fédéral. Il faut organiser la négociation aux différents niveaux, ce qui suppose une contribution du service de police intégrée.

Un membre constate que le général est favorable au principe de subsidiarité dans le bon sens. En fait, la compétence du bourgmestre pour déterminer la politique s'en trouve considérablement accrue.

Le général De Ridder répond qu'il essaie de l'appliquer également au sein de la gendarmerie. L'élargissement de la compétence de l'autorité locale doit porter sur la politique. Le bourmestre et le magistrat ne doivent pas jouer à l'agent de police.

Un sénateur demande quelle sera l'instance disciplinaire de cette police unique.

Le général De Ridder estime que le statut disciplinaire en vigueur à la gendarmerie est très bon. Depuis le transfert de la gendarmerie au département de l'Intérieur, toutes les peines sévères sont soumises à un conseil d'enquête qui émet un avis tant sur la réalité ou non de la faute que sur la peine. Le ministre de l'Intérieur prononce la sanction. C'est lui aussi qui entame cette procédure, soit d'initiative, soit à la demande du ministre de la Justice, des autorités judiciaires ou du bourgmestre. Le ministre de l'Intérieur s'adresse, pour ce faire, au chef de corps. Il s'agit là d'un bon système parce qu'à son avis, le bourgmestre ou le magistrat ne doivent pas avoir de compétences disciplinaires : pour punir quelqu'un, il faut tenir compte du fonctionnement global et des conséquences qu'une sanction aurait sur l'ensemble de la carrière de l'intéressé.

Bien que le chef de corps puisse lui-même entamer la procédure, il ne sanctionne donc plus personnellement, sauf lorsque le ministre estime que les faits ne justifient aucune sanction grave.

Un membre demande comment il faut organiser l'arbitrage, dans la structure préconisée par le général De Ridder, entre les moyens nécessaires à mettre en oeuvre pour une enquête et les moyens disponibles.

Le général De Ridder admet qu'il faut résoudre ce problème qui est un problème réel actuellement, faute de règles dans ce domaine. Dans l'engagement des moyens, plusieurs acteurs sont actifs sur le terrain. Il faut déterminer, par exercice, le nombre de moyens à affecter aux différentes missions. Ce plan doit être adaptable en cours de route. Lorsqu'un nouvel élément surgit, il faut se concerter pour adapter le plan. Actuellement, le général doit assumer cette responsabilité tout seul pour son corps mais il est le premier à reconnaître que cela n'est pas normal. Il faut donc développer des systèmes qui permettent de résoudre ce problème : la Justice et l'Intérieur doivent donc s'occuper ensemble de la gestion du common pool .

IV. LA POLICE JUDICIAIRE

1er . Exposé de M. De Vroom

La première réaction qu'a suscitée chez lui l'analyse des conclusions du rapport Dutroux a été de s'étonner de son imprécision.

Il y a différentes versions de lecture selon les régimes et les partis politiques, voire selon les services de police eux-mêmes.

La police judiciaire n'a pas attendu ce rapport pour formuler des propositions de réforme.

Elle dispose de trois représentants dans la Commission Huybrechts, qui y ont déjà exprimé ces propositions.

La Commission Huybrechts n'a toutefois pas encore développé de stratégie, notamment en raison des conclusions surprenantes de la Commission Dutroux.

La police judiciaire à deux options :

­ La première est celle d'une modification de sa loi organique qui s'impose (pour autant qu'on ne l'abolisse pas). Jusqu'à présent, cet avant-projet n'est pas passé au Conseil des ministres.

­ La seconde est celle de la note de consensus datant de septembre 1996 également. Elle n'a pas recueilli l'adhésion du personnel et de certaines parties de la magistrature.

Le ministre a donc reconsidéré le problème, ce qui a donné lieu à une nouvelle note de consensus.

Entre-temps, trois notes ministérielles avaient vu le jour :

­ une sur la proactivité,

­ une sur l'analyse stratégique,

­ une sur le projet de répartition des tâches.

Les trois notes ont fait l'objet d'une synthèse avec les conclusions des 5 groupes de projet qui travaillent au sein de la police judiciare depuis 1996.

Le plan d'action qui en résulte est disponible et sera soumis au commissaire en chef le 15 mai.

En ce qui concerne l'ensemble des polices, la police judiciaire a également mis au point un projet. Il résulte de travaux ayant abouti en septembre 1996 :

­ que ce que la Commission Dutroux a dénoncé était déjà connu à cette époque;

­ tout le monde a fait des fautes;

­ la coordination n'a jamais été aussi mauvaise que maintenant.

La plus importante constatation est à son avis que l'information circule mal aussi bien à l'intérieur des différents services de police qu'entre ces services.

Il s'attarde ensuite sur la soi-disante « guerre des polices ». La cause en est selon lui l'absence de vision globale sur la police.

Le ministre de l'Intérieur et celui de la Justice ont chacun une vision différente sur les corps qu'ils ont sous leur tutelle.

Cette dichotomie, qui s'est accrue depuis une décennie, est une des causes majeures du dysfonctionnement des polices.

Même l'amélioration de l'information à l'intérieur d'un corps n'empêchera pas ces dysfonctionnements, si l'on ne s'attaque pas à ce problème global, qui consiste à régler la circulation d'informations entre corps de police.

Le troisième problème important est celui de la magistrature. Il en prend comme exemple le Brabant wallon, où la magistrature s'est enfermée dans une espèce de coquille, en tenant sa propre documentation, et en s'isolant, de telle sorte qu'il n'y ait plus de communication avec l'extérieur.

La solution du problème inter-polices passe inévitablement par l'enlèvement de pareils obstacles de la part de la gendarmerie.

Un autre problème est le développement inconsidéré des cellules spécialisées. Ces cellules sont en quelque sorte l'équivalent des « task-forces » américaines. L'avantage en est qu'ils peuvent bien déterminer leurs objectifs, la durée de leur travail et leur budgets. Il se fait que dans aucune des cellules belges existantes, tel est le cas.

De plus, l'échange d'informations avec des services de police dont émanent les membres de ces cellules, n'a pas été mis au point. Cela fait que la police judiciaire ne dispose pas par exemple des informations de la cellule anti-hormones de Gand et vice versa.

Un autre aspect est le niveau d'informations, catalogué de nos jours par les catégories d'informations dures et douces.

Si, par exemple, un policier reçoit une information sur l'assassin de M. Cools, il peut adopter deux attitudes : ou bien il fait une communication d'information douce à son gestionnaire d'informations, ou bien il fait un procès-verbal.

L'orateur est d'avis que le travail sur des informations douces doit passer par un contrôle de la magistrature, sinon la tentation est trop grande que les services ayant recours à la « couverture » de l'information douce pour se soustraire à un quelconque contrôle sur « leurs » enquêtes.

Encore un autre aspect de la « guerre des polices » est le fait de la méfiance, non pas entre la police judiciaire et les autres policiers en uniforme, mais envers ceux qui font le même travail de police criminelle, les B.S.R. et les brigades judiciaires de la police communale. Quand on met ces gens ensemble dans une cellule sous un même commandement, comme à Neufchâteau, cela fonctionne bien. Les problèmes ne relèvent donc pas des différences entre hommes mais sont à attribuer au système.

Cela prouve qu'au niveau du système, on constate qu'il y a là deux services : la police judiciaire et les B.S.R. qui font exactement la même chose. Un magistrat fait le choix entre ces deux, non pas selon des critères préétablis, mais simplement selon ses affinités avec tel ou tel enquêteur, ou suivant la capacité de tel ou tel service.

Si, par exemple, il y a lieu de perquisitionner à 20 endroits différents, le magistrat d'un arrondissement judiciaire s'adressera plus volontiers à la gendarmerie.

L'on remarque également cette absence de cohérence au niveau ministériel, par exemple s'il s'agit d'établir des circulaires en matière de police. La rédaction incombe aux cabinets des ministres de la Justice et de l'Intérieur.

Mais il se fait que ces gens sont surchargés, et doivent dès lors déléguer. Or, c'est la gendarmerie qui est la mieux équipée en services d'état-major. Ceci amène les autres polices à devenir tributaires des initiatives de la gendarmerie dans ce domaine. Il est en effet très difficile pour ces autres corps de dissuader les cabinets d'accepter ces textes les yeux fermés.

De là, la suggestion de création d'un secrétariat interdépartementiel qui ferait ce travail de logistique pour les deux ministres.

Il insiste d'ailleurs sur la nécessité que pareilles initiatives soient prises par les deux ministres conjointement, pour autant que l'on considère que la tutelle de deux ministres découle d'une nécessité démocratique.

Il ne croit pas qu'une police unique soit nécessairement antidémocratique, mais bien que les dérives d'un tel service monolithique soient plus conséquentes. Il y a donc lieu de maintenir éventuellement diverses polices, sans que cela n'entraîne la duplicité des ministres compétents.

Le fait d'avoir deux ministres compétents entraîne nécessairement des tiraillements, tenant à une certaine forme de concurrence politique. Cette situation n'engendre pas toujours la réaction la plus adéquate en cas de dérive du système policier.

Le secrétariat interdépartemental proposé par la police judiciaire serait dès lors composé de délégués (et non des chefs) des différents services de police, de représentants des magistrats du parquet et des juges d'instruction.

Chaque ministre pourrait alors donner une impulsion à ce secrétariat pour qu'il entreprenne une étude sur n'importe quel aspect du paysage policier.

Cela libérerait les cabinets politiques, et en limiterait l'impact politique sur les études ainsi réalisées. En plus, cela aurait l'avantage de faire travailler les différents corps de police sur un pied d'égalité.

Quant aux structures horozontales, c'est-à-dire celles qui intéressent tous les corps de police, il y a un problème au niveau de la documentation.

Il existait un centre au niveau de la P.J. composé de plus ou moins 1 200 000 dossiers. Ce mode de documentation est dépassé, et il y a moyen d'en gérer les données d'une façon dynamique par le biais du S.G.A.P. Le service ainsi projeté au sein du S.G.A.P. appelé dans son projet S.D.I. (Service de Documentation et d'Information) conserverait à l'avenir l'information dure des dossiers judiciaires qui sont constitués à partir de sa création sur base de formulaires uniformes. Il devrait en plus disposer d'index pour l'information douce (voir le rapport de la Commission Dutroux qui a insisté sur la nécessité pour tous les corps de police de savoir qu'une enquête démarre sur l'un ou l'autre agissement, sans qu'il y ait pour cela nécessairement stockage de tous les éléments).

Chaque service de police doit ainsi, pour des actions d'observation, d'infiltration ou d'engagement d'informateurs, savoir que ses collègues travaillent sur tel ou tel objectif.

Ce système devrait comporter un système de flagging , qui indique la personne à contacter pour l'obtention de renseignement, voire pour apporter de l'information.

Ce même service devrait également entretenir les contacts internationaux pour les affaires judiciaires. Les contacts opérationnels doivent se prendre nécessairement par des policiers. On ne peut travailler en plus avec des collègues étrangers que si on les connaît. Les contacts humains sont de toute façon primordiaux.

Sur base de tous ces éléments, on en arrive à structurer le paysage policier futur selon deux blocs.

Le premier bloc serait la police criminelle fédérale, soit une fusion de la P.J., des B.S.R., des laboratoires scientifiques, du Comité Supérieur de Contrôle et de l'O.C.D.E.F.O. (qui a été détaché il y a 3 ans de la P.J.).

Ce choix s'impose par l'identité des activités. C'est l'évidence même.

En plus, une police criminelle doit s'inscrire dans un cadre légal, ce qui n'est pas le cas des B.S.R. La B.S.R. est un service à composition variable selon la décision arbitraire du commandant de gendarmerie.

Ce dernier état de choses découle inévitablement des problèmes de gestion. Il en cite comme exemple l'affaire de la K.B.-Lux, où le général de la gendarmerie démantèle la 2e S.R.C. parce qu'il a besoin de ces hommes pour l'enquête de Neufchâteau. Le juge d'instruction Leys est bien obligé alors de demander à la P.J. d'augmenter ses capacités, au détriment d'autres enquêtes.

La fusion de la P.J. et des B.S.R. ne serait pas lourde de conséquences : il n'y a pas d'obstacles financiers, leur culture est la même (ce ne sont plus de véritables gendarmes de style militaire) et est particulière à ces agents étant donné qu'ils développent une créativité dans leur travail et que même les B.S.R. forment, au sein de la gendarmerie, un corps à part, dû notamment au fait que les officiers de gendarmerie n'ont aucune expérience judicaire et qu'ils se désintéressent dès lors de ces brigades.

Placer une police criminelle sous l'autorité d'officiers de gendarmerie serait, pour cette même raison, une ineptie. Il faut donc une direction dépendante de la magistrature et du ministre de la Justice.

Ce lien avec la magistrature est important parce que celle-ci constitue une garantie de contrôle.

Lorsque le policier rend compte à des magistrats, il rend compte au pouvoir judiciaire et ce, sur la manière dont les justiciables sont poursuivis.

Il mentionne son expérience comme témoin privilégié à la Cour d'assises, pour insister sur l'importance de répondre régulièrement de la qualité de son travail d'enquêteur.

Par contrôle de la magistrature, il ne comprend aucunement une direction quelconque de l'enquête par la magistrature.

Il s'agit là de deux choses totalement différentes : la direction s'est avérée être plutôt un frein.

Il estime que les magistrats sont de par nature trop réservés. Ainsi n'a-t-il jamais eu l'occasion de lire un quelconque rapport du Collège des procureurs généraux à son sujet ou au sujet de son service, ce qu'il regrette profondément.

Sa conclusion est donc qu'il faut quitter la coupole de la magistrature, pour devenir un service autonome responsable, sans pour autant être dispensé de rendre compte à la magistrature.

Le magistrat n'est pas formé en matière de technologies et de techniques nouvelles de recherche, et son rôle n'est d'ailleurs pas de diriger des enquêteurs.

L'autre bloc important de la nouvelle structure policière sera la police de première ligne. Au niveau de la police criminelle, il s'impose surtout de tisser des liens organiques avec celle-ci. Les gens du terrain sont des éléments précieux dans le paysage policier. Il faut à son avis conserver cet atout en laissant les policiers communaux près de leur quartier et de leur bourgmestre. Une police nationale du genre de celle qui existe en France, serait trop éloignée du citoyen et des pouvoirs locaux. Dans cette optique, les Z.I.P. sont à remettre en valeur.

La police judiciaire a eu beaucoup de peine à s'intégrer dans les Z.I.P., à côté de la gendarmerie. La police judiciaire est mal vue parce qu'elle exprime parfois des points de vue divergents. De là également la nécessité de créer un secrétariat interdépartemental, qui pourrait fonctionner comme interface. Le bon fonctionnement des Z.I.P. dépend en fait de l'égalité des partenaires. Il faut absolument éviter la mainmise de la gendarmerie sur les Z.I.P. où elle finira par imposer ses vues grâce à la logistique de son état-major.

Toutefois, cette police de base est-elle une nécessité ? Les plans de la police judiciaire prévoyaient déjà un ancrage dans la police communale, avant même qu'il ne soit question de rapport Dutroux.

La gendarmerie est déjà une police complète, et pense fonctionner telle quelle. Si les nouvelles structures ne se mettent pas en place comme prévu (c'est-à-dire dans le sens d'une police intégrée), la police judiciaire se ralliera à la police communale.

Une membre demande comment il faut alors organiser cet ancrage concrètement. Faut-il envisager une mobilité qui comporte une formation unique qui fait que tout le monde passe par la base ? Faut-il des agents de liaison, etc. ?

Selon M. De Vroom, tout doit partir de la formation. Il y a en Belgique une série d'écoles de police communale, dans lesquelles pratiquement tous les commissaires de la police judiciaire sont professeurs. Il y a donc déjà un lien très fort au niveau de la formation.

Les policiers destinés à la police judiciaire ou aux brigades judiciaires de la police communale, voire à la police fédérale criminelle intégrée devraient selon lui passer par cette formation.

Tout le monde serait ainsi formé ensemble dans des écoles décentralisées par province.

Dans ces centres, on peut observer les candidats, quitte à les sélectionner à la base, comme au Royaume-Uni, où on les met en internat pendant quatre semaines pour déceler leur comportement en groupe, leur éventuel caractère violent, etc.

Cette observation permet de les orienter vers des services où ils seront le plus appropriés (futurs infiltrants, observateurs, spécialistes financiers, etc.)

Un atout serait de toute façon qu'ils se connaissent entre eux.

Après cette formation de base, on les orienterait vers trois centres nationaux.

Les uns continueront alors leur formation dans les centres provinciaux, tandis que les autres iraient vers :

­ l'école de criminologie, qui formerait des rechercheurs fédéraux et communaux. On créerait ainsi des équipes de descente intégrée avec la police communale;

­ l'école de gendarmerie qui a un know-how en matière de maintien de l'ordre public, de circulation routière, la police des frontières, etc.

Quand on dit police intégrée, cela ne signifie pas commandement intégré.

Il s'agit, de par la formation commune, de permettre des passerelles. Il y a en effet des phénomènes de fatigue qui se manifestent. Il se réfère à l'ancien article 2bis des dispositions statutaires de la police judiciaire qui permettrait à de bons éléments de la police communale de transiter vers la police judiciaire sans examen.

Cette disposition a malheureusement été abrogée et est d'autant plus regrettable que l'on voit souvent un mouvement dans le sens inverse, où des majors de gendarmerie deviennent commissaires de police. La police judiciaire ne dispose pas de cette dernière passerelle.

En ce qui concerne les budgets, ils doivent être distincts pour la police de base et la police criminelle. Cela permettra une certaine autonomie des grands ensembles, qui doivent toutefois rendre compte de leur gestion aux deux ministres de tutelle conjointement.

Il revient sur les équipes de descentes mixtes qui constituent en quelque sorte la préfiguration de la future police criminelle. Il s'agit d'équipes où l'on retrouve du personnel des laboratoires judiciaires ensemble avec les autres polices.

Ces équipes doivent prévenir les aberrations du genre de celles qu'on a vécues dans l'affaire des tueurs du Brabant wallon.

Lors des quatorze descentes relevées par la Commission des tueurs du Brabant wallon, l'on a vu la panique la plus totale. Il relève l'exemple de la tuerie au Delhaize de Beersel, où il a observé les agissements tout à fait malencontreux de certains enquêteurs, comme des experts en balistique qui mettaient des douilles en poche sans indiquer où ils les avaient trouvés, des gens qui marchaient dans les traces existantes, etc. Le fait qu'il n'y ait eu que deux indices relevés pour tous les attentats est une impossibilité totale en termes d'enquêtes policières.

Il faut éviter que cela se répète et que le premier qui arrive sur les lieux s'arroge le droit de détruire les traces par ignorance. D'où l'idée d'équipes mixtes, qui intègrent les policiers spécialisés locaux.

Les dossiers seront constitués selon le même schéma dans tout le pays. Une copie du dossier sera remis aux enquêteurs locaux spécialisés.

Il faut évidemment ne pas utiliser ces équipes hyper-spécialisées pour tous les travaux. Il faut valoriser au mieux leur potentiel en ne leur confiant que des affaires à la hauteur de leurs compétences.

Un projet important en gestation concerne l'analyse opérationnelle et stratégique.

Il faut évidemment éviter la dérive qui consisterait à accorder trop d'importance à la théorie. Il faut que les policiers soient en premier lieu dans la rue, en contact avec les criminels.

Depuis septembre 1996, il y a l'analyse opérationnelle à trois niveaux :

­ dans les arrondissements;

­ au niveau de la cour d'appel;

­ au niveau national.

Les juges d'instruction ne doivent pas considérer ces analyses comme des synthèses de leurs dossiers.

Les analystes étudient plutôt des phénomènes ciblés.

Tous les policiers doivent savoir ce que ces analyses signifient et apportent.

Une analyse stratégique demande aussi un échange d'informations. La rétention ou l'absence d'informations fausse l'analyse.

Il faut enfin des statistiques cohérentes, qui font défaut en Belgique.

Ce service pourrait se retrouver par exemple près des services de M. Houwinck au département de la Justice.

2. Échange de vues

Un membre remarque que les visions de l'orateur se rapprochent de celles que la commission a appréciées chez les policiers britanniques lors de sa visite au Royaume-Uni.

Personnellement, il ne va pas jusqu'à croire que la désorganisation constatée par M. De Vroom lors des tueries du Brabant wallon, était le fait d'une incapacité totale des policiers, mais pense que c'était plutôt voulu. Il partage cependant les grandes lignes de l'exposé.

Il croit que la Belgique dispose potentiellement du meilleur système policier du monde, puisqu'il a la gamme complète de connaissances et de moyens humains. Ce qu'il faut changer à son avis, c'est le comportement. Il faut que les policiers apprennent à travailler ensemble, et avoir un autre comportement envers les citoyens qui ont besoin d'aide et doivent être accueillis (voir la problématique des victimes dans les tueries du Brabant wallon, et dans d'autres affaires).

Le jour où l'on attachera moins d'importance à l'apparat, comme les grades à la gendarmerie et les toges à la magistrature, on se rapprochera peut-être plus du citoyen.

Pour combattre les vrais criminels, il faut évidemment s'organiser en conséquence. Il applaudit à l'idée de rassembler la police judiciaire et les B.S.R. dans une même police criminelle.

M. De Vroom est convaincu de la justesse de la ligne à suivre proposée par l'intervenant, et même la gendarmerie a dû l'apprendre à ses dépens. Il évite de parler de la guerre des polices. Mais il a constaté que la gendarmerie applique des règles du management, qui sont fondamentalement axées sur la concurrence.

La police mérite un management qui lui est propre.

Le citoyen n'est pas, comme le prétend la gendarmerie, le « client ». Au contraire, il est le patron.

La police judiciaire n'est pas libre de tout soupçon non plus, et est prête à améliorer le comportement de ses hommes. Il se réfère à cet égard au document initié par le précédent ministre de la Justice, M. Wathelet, qui portait comme titre « Un contrat sur la nouvelle citoyenneté ». Malheureusement, ce document n'a pas été traduit dans les faits.

Au niveau de la police, il aurait fallu « Un contrat sur les nouveaux policiers » et de même aurait-il fallu un « contrat sur les nouveaux magistrats ».

Ce n'était pas les citoyens qui devaient changer. À défaut d'un ancrage chez les citoyens et à défaut d'être à leur écoute, les polices, même performantes techniquement, s'enfermeront dans leurs locaux et ceci vaut encore plus pour la police judiciaire, qui a l'habitude de se cloisonner dans les palais de justice.

L'intégration à la base par une formation commune améliorerait singulièrement cette situation, par le contact avec le citoyen. Il croit que la police judiciaire fait fausse route en axant tout sur la meilleure qualification de ses agents (entrée au niveau de graduat + 9 ans de formation) sans se préoccuper du travail de rue.

Les commissaires actuels ont tous été inspecteurs dans la rue. Les officiers de gendarmerie, par contre, n'ont jamais connu cette expérience. Certains magistrats souffrent du même manque de contact avec la réalité.

Les jeunes recrues à la police judiciaire ne devraient pas perdre cet atout. Cela améliorerait d'ailleurs l'image de marque de cette police vis-à-vis de la population.

Une intervenante demande quels sont les arguments qu'on peut opposer à l'affirmation que la police unique serait le meilleur remède aux problèmes actuels, surtout en matière d'échange d'informations, tandis que toutes sortes d'intégrations, qui laisseraient subsister les corps actuels, ne mèneraient pas au résultat voulu.

M. De Vroom pense que pour juger l'idée de la police unique, il faut se référer aux expériences qui ont déjà eu lieu.

Si l'on prend le modèle hollandais, où l'on a créé une police unique, mais répartie en 26 régions (sur le modèle britannique des counties), il est un fait certain que des rivalités entre chefs de police subsistent. Il n'est pas permis à un policier d'une certaine région, de pénétrer dans une région qui n'est pas la sienne. Les régions sont tellement individualisées que chacun des chefs de région est jaloux de ses prérogatives.

Même dans une police unique, il doit y avoir nécessairement une police criminelle. Il ne croit jamais qu'il y aura moins de rivalité dans une police unique entre l'agent de la police criminelle et l'agent en uniforme. La police unique ne changera pas le problème des mentalités.

Au niveau de l'information, il ne voit pas les bourgmestres admettre demain l'intégration de leurs polices communales, qui ont le mérite d'être près de la population, dans une police unique fédérale, sous le commandement d'un seul chef fédéral. Les 18 000 policiers communaux pourront alors être transférés selon les désirs du chef de corps. Il en résultera nécessairement une aliénation par rapport à la population.

La circulation de l'information qui est proposée actuellement par le ministre passerait par des plates-formes d'information qui sont une importante innovation, en tant qu'elles sont gérées par un magistrat. Avec une police unique, la magistrature perdra tout contrôle sur l'information. Déjà, elle n'en a pas sur toute l'information qui circule à la gendarmerie. Un bloc monolithique de 35 000 hommes sera encore moins contrôlable.

Les informations deviendront des informations de police, et donc secrètes.

Une police criminelle en contact avec la police communale et par ce biais avec la magistrature, sera de toute évidence mieux contrôlée au niveau de son information par la magistrature.

Pour cerner le danger, il suffit de voir ce qui s'est passé lors de la perquisition au B.C.R. à la demande d'un conseiller à la cour de cassation : les agents de la P.J. ont dû attendre 4 heures avant de pouvoir y entrer.

S'il n'y a qu'une seule police de telles opérations seront encore plus hasardeuses.

L'idée d'une police efficace devra alors céder le pas à l'envie de pouvoir.

Cette idée à elle seule lui fait peur en tant que citoyen.

Les plans d'une police intégrée existant à l'heure actuelle vont tous dans le sens d'un commandement unique sous la domination de la gendarmerie. L'état-major de la police unique ne sera pas contrôlé par tous les partis politiques mais par un, voire tout au plus deux partis.

La circulation de l'information ne sera pas améliorée par la création de la police unique. La seule chose qui va changer est la structure de direction, qui comportera un seul commandant.

La gendarmerie prétend que les autres corps n'ont pas la capacité de direction. Bien que tiré d'une tradition séculaire militaire, le modèle de son organisation ne convient toutefois pas à la structure de la police unique.

À défaut de services de logistique performants comme ceux dont dispose la gendarmerie, les autres corps de police vont être tout simplement absorbés. La nouvelle structure vue de cette façon, va ainsi être un frein à la confiance et à la compréhension mutuelle, plutôt que d'être un déblocage.

Pour s'en convaincre, il suffit de se référer à la situation actuelle des B.S.R. au sein de la gendarmerie : le même problème d'incompréhension y existe et les B.S.R. ne sont pas non plus considérés comme des gendarmes à part entière.

Le contrôle de la magistrature sur un tel appareil sera extrêmement ténu.

Un membre demande où en et la réforme de la police judiciaire annoncée depuis longtemps, et qui devait faire face à certains problèmes de compétence en matière de différentes formes de criminalité.

Si la police judiciaire obtient ce qu'elle veut, par exemple, une formation commune et une intégration avec les B.S.R. et la police communale, il y aura des gens dans ces autres corps avec la même compétence que ceux de la police criminelle.

Pour l'instant, on a toujours l'impression que la police judiciaire est appelée à la rescousse quand il s'agit d'affaires très compliquées. Est-ce que le critère de compétence ne va pas être terni, et ne va-t-on pas alors devoir s'axer sur d'autres critères, comme la territorialité, suite auxquels la police criminelle interviendrait par exemple dès que les faits dépassent le territoire d'une seule commune ?

M. De Vroom insiste sur le fait que le terme « police de base » ne couvre pas entièrement la réalité. Le terme « police de base » ne signifie pas qu'elle soit moins compétente que les autres; elle est en effet généraliste et doit, déjà maintenant, faire tout. Si dès lors, il y a un homicide dans une commune sur lequel la police communale sait bien enquêter toute seule, elle doit pouvoir le faire.

Là où les choses changent, c'est quand il faut mener une longue enquête avec des moyens plus spécialisés.

Dans ce cas, c'est la police criminelle qui se charge de l'enquête, mais le policier de base doit rester informé, tout comme il doit conserver toutes ses compétences, c.à.d. demeurer un officier de police judiciaire.

Vu sous cet angle, l'appel à la police judiciaire devient un appel à l'aide des spécialistes, et se passe sous la forme d'une collaboration. Il faut dès lors modifier la loi sur la police judiciaire qui lui donne une absolue priorité au niveau des enquêtes.

Il ne faut toutefois pas en arriver à des situations comme dans les grandes villes, où des policiers communaux fassent des interventions très compliquées munis de gilets pare-balles et d'armement lourd, ou fassent des filatures 24 heures sur 24. Il y a d'autres équipes spécialisées pour ce genre de travail.

Il faut aussi intégrer dès à présent les polices communales dans les task-forces, là où elles existent.

Au niveau de la terminologie, il pense que le terme « police de proximité » serait plus approprié que « police de base ».

L'intervenante demande s'il juge opportun d'octroyer à des policiers communaux des compétences extra-territoriales dans certains cas, pour qu'ils puissent suivre une enquête.

M. De Vroom pense que c'est possible, dans un cadre bien défini d'avance.

L'intervenante demande comment éviter des distorsions dans les opérations de maintien de l'ordre qui seraient exercés par une police fédérale « administrative ». Comment voit-il le système d'information dans un tel contexte, puisque ces opérations rapportent inévitablement de précieuses informations. Comment éviter des coupures de communication ?

M. De Vroom répond qu'il y a d'abord la communication au niveau des structures horizontales, avec le secrétariat interdépartemental et le S.D.I. qui rassemblerait toute l'information venant des différentes polices, et qui ferait l'indexation nationale de toutes ces informations.

Il existe déjà pour le moment un système assez semblable à celui qu'il prône, au niveau de la gestion des informateurs.

En ce qui concerne la Sûreté de l'État, les informations passent plus difficilement, d'autant plus que ce n'est pas un service de police.

En comparant avec l'Angleterre, où le M.I. 5 collectionne toutes les informations, l'on pourrait attribuer chez nous au magistrat national le rôle de coordinateur.

Ce rôle pourrait incomber également à un « magistrat de confiance » au niveau de chaque parquet.

Il est de toute façon exclu que la Sûreté communique des informations en dehors d'un cadre sécurisant. Il y a un projet de système de flagging au niveau du magistrat national, pour toutes les informations douces.

Au niveau des informations dures, c'est le S.G.A.P. qui doit jouer ce rôle, mais il peut également faire l'interconnexion avec le magistrat national, avec un système de flagging là où ce magistrat estime que les services de police doivent être au courant.

Le ministre a d'ailleurs l'intention de mettre à la tête des informations du S.G.A.P. un magistrat national.

L'intervenante demande quelle est l'opinion de M. De Vroom au sujet de la ventilation des affaires à l'intérieur des services. Souvent, les magistrats désignent un enquêteur mais souvent aussi, à l'intérieur des services de police, le chef fait la répartition des tâches.

La gestion des moyens doit selon elle être décidée ou à tout le moins cogérée par un magistrat, ensemble avec la future direction de la police intégrée.

Ne faudrait-il pas détacher au sein des corps de police l'un ou l'autre représentant de l'ordre judiciaire à cet effet ?

Ou faut-il au contraire qu'il y ait un représentant des juges d'instruction qui fasse les arbitrages ?

M. De Vroom trouve cette question fort à propos vu le contexte actuel.

Il y a d'abord le constat qu'on n'a jamais parlé aussi souvent de coordination entre polices que maintenant, mais en même temps, il n'y a aucune coordination entre magistrats.

La deuxième constatation est que bien que lui-même soit placé en tant que commissaire général sous l'autorité du Collège des procureurs généraux, force est de constater qu'en deux ans de temps, il n'a été reçu que deux fois 15 minutes. Leur agenda est tellement chargé qu'ils ne savent pas s'occuper du management à proprement parler. C'est ainsi qu'il a été amené à suggérer au ministre de désigner un avocat général de liaison, désigné auprès de ce haut Collège, afin d'instaurer une forme de communication organique avec la police judiciaire Cette proposition fera sans doute l'objet d'un arrêté royal prochain.

Pareille collaboration permettra de faire le suivi permanent des répercussions des opérations commandées par la magistrature, au niveau des budgets de l'organisation. Il faut absolument quitter le domaine de la fantaisie en impliquant un magistrat dans la répartition des tâches. Sinon on risque de voir les services se vider de ses meilleurs éléments qui seront envoyés à Neufchâteau, à Jumet, etc., au gré de la médiatisation de l'un ou de l'autre dossier, et au détriment du simple citoyen dont on ne saura plus acter sa plainte.

Il faudra également instaurer des limites dans le temps en ce qui concerne le détachement de personnel auprès des juges d'instruction.

Au niveau du matériel, il y a aussi des économies à faire, grâce à l'instauration de pools de matériel, mis à la disposition des différentes cellules.

Pour les enquêtes ordinaires, il faut aussi pouvoir fixer des priorités en dehors des desiderata personnels des juges. L'inconvénient est que la police judiciaire ne peut opérer des sélections, puisque tous les magistrats qui lui confient des enquêtes se trouvent pour elle au même rang. À Bruxelles, par exemple, il y a 80 substituts et 16 juges d'instruction à servir. La désignation d'un interlocuteur privilégié est donc d'une impérieuse nécessité.

Le grand problème est et reste que la magistrature ne parvient pas à fixer ses priorités, parce qu'il y a une trop grande parcellisation du travail. Ceci tient en premier lieu à la multitude d'arrondissements judiciaires dont les limites ne répondent plus aux réalités de ce jour. Un arrondissement comme Ypres ne dispose que de trois agents de la police judiciaire. Ceci est un non-sens, puisque ce nombre réduit ne permet aucune gestion : en cas de maladie d'un seul des trois, l'équipe n'existe presque plus, tandis que si une enquête compliquée doit être menée, ce nombre de trois est insuffisant.

En réduisant le nombre des arrondissements de 27 à 10, la police judiciaire aurait beaucoup plus d'impact.

Un membre demande des précisions concernant les justifications que les membres de la police judiciaire doivent fournir aux tribunaux à propos des techniques d'interrogatoire.

M. De Vroom répond que les tribunaux posent effectivement des questions à ce sujet et surtout la Cour d'assises. C'est le président ou les avocats qui les posent. Il s'agit de questions sur la durée des interrogations, les modalités de la détention (possibilité de manger et de boire lors de longs interrogatoires), etc...

Un autre membre se demande comment la répartition des tâches devrait selon lui être organisée concrètement, après que la répartition des compétences aura été fixée par arrêté royal, suite au débat parlementaire, si tant est qu'on en tient compte.

Dans les plans de la Police judiciaire concernant le secrétariat interdépartemental, celui-ci aura sans doute encore la S.G.A.P. sous ses ordres. Mais qu'est-ce que ce plan prévoit encore en dehors des matières de politique générale ?

M. De Vroom considère que ce secrétariat doit travailler sur deux sortes de problèmes : les uns amenés par les ministres, et les autres par les polices elles-mêmes.

Quant à ce dernier volet, l'on pourrait lui confier l'analyse opérationnelle et stratégique, par exemple, en lui imposant une analyse des besoins en termes de management pour une opération bien déterminée.

L'information sera de toute façon contrôlée et gérée par un magistrat. Il faudra donc un lien entre ce magistrat, le ministre de la Justice et le Collège des procureurs généraux. Il faut mettre fin à la situation actuelle qui consiste à laisser le S.G.A.P. se « débrouiller » seul sans aucune intervention judiciaire.

L'intervenante demande ensuite à quel niveau il faut placer les contacts internationaux, (C.P.I., Interpol) par rapport au service criminel fédéral.

M. de Vroom voit difficilement la gestion de tous ces problèmes par un service purement administratif comme le S.G.A.P. Tout ceci doit être incorporé dans le service fédéral criminel.

Tout ce qui est télématique, information et formation resterait dans le S.G.A.P. Mais il faut éviter d'y placer des « groupes opérationnels lourds », comme l'escadron spécial d'intervention, le G.S.D., etc.

Ces derniers pourraient rester dans la police « en uniforme » (police administrative fédérale), et seraient entraînés de manière militaire.

L'intervenante demande comment M. De Vroom voit l'ensemble de la structure future à moyen terme, suite aux réformes qui devront inévitablement avoir lieu suite aux événements récents et comment il faut gérer la période transitoire (fusion par arrondissement ou autres).

M. De Vroom pense que le premier pas devrait consister à mettre sur pied le secrétariat interdépartemental. C'est en effet ce secrétariat qui sera amené plus tard à étudier les relations entre services.

Ensuite, il faut commencer les fusions à la base, par arrondissement.

Cela permettra de créer des états-majors et la formation à partir de la base.

Au niveau des arrondissements également, il faut commencer avec la fusion dans les recherches, et en parallèle, créer le Centre d'informations générales.

L'intervenante demande s'il faut mettre les équipes de la Police judiciaire et les B.S.R. ensemble. Ainsi, devrait-on constituer des équipes de direction équilibrées à ce niveau-là.

M. De Vroom pense qu'il faut prendre les compétences où elles sont. Pour la police criminelle, il pense que les commissaires de la police judiciaire sont mieux placés pour diriger une enquête que les officiers de la gendarmerie.

Pour la police en uniforme, il est clair que les officiers de gendarmerie sont mieux à même de la diriger.

Si on fait fusionner la police judiciaire et les B.S.R. sous l'autorité des procureurs du Roi, il est clair qu'on doit confier la gestion à des commissaires de la police judiciaire

En matière de fusion avec l'O.C.D.E.F.O. et le C.S.C., il pense qu'il ne faut pas attendre la réorganisation finale. Le magistrat national a d'ailleurs émis une considération pertinente à ce sujet : il y a des choses qui viennent trop tôt ou trop tard. En ce qui concerne le C.S.C., la police judiciaire n'a pas eu le temps de tout réparer convenablement. Il ne faut pas présenter ce transfert comme un transfert vers la police judiciaire Les projets d'arrêté royal sont contradictoires à beaucoup d'égard. Il faut des dispositions organiques convenables, qui permettent d'organiser les services.

V. LE FRONT COMMUN SYNDICAL DE LA MAGISTRATURE ET DES SERVICES DE POLICE

1er . Introduction par la Présidente de la Commission

La Présidente déclare que l'objectif de cette entrevue informelle est de prendre connaissance du projet établi par le Front commun syndical des services de police et de la magistrature (voir annexe 3).

Suite à l'élément neuf que constituent les conclusion de la Commission Dutroux sur la réforme du paysage policier et avant de rendre les conclusions que la Commission de l'Intérieur et des Affaires administratives voudrait présenter un peu avant celles de la Commission pour une structure policière plus efficace (la commission « Huybrechts »), on trouve intéressant d'entendre toutes les parties concernées.

2. Présentation du Front commun syndical des services de police et de la magistrature

M. Ista présente les membres de la délégation du Front commun syndical des services de police et de la magistrature (Front commun) :

­ M. Hennau et M. Clemmens, qui représentent le Syndicat Général des Services de la Gendarmerie;

­ M. Delcampe, qui représente la Fédération wallonne des syndicats de police;

­ M. Neyrinck, qui représente la Fédération syndicale de la police de la Région bruxelloise et extension;

­ M. Vanderlinden, qui représente l'Union nationale des magistrats de première instance;

­ M. Henrion, qui représente l'Association syndicale des magistrats;

­ M. Doraene et M. Ista, qui représentent le Front commun syndical de la police judiciaire.

En outre, il y a quelques associations qui ne se sont pas représenter. Il s'agit de quelques fédérations syndicales de la gendarmerie. Les représentants présents de la police communale représentent également le Syndicat national de la police belge et le Syndicat libre de la fonction publique, secteur national police.

Il n'y a pas non plus de représentant propre à l'Association des juges d'instruction. Elle est représentée par les représentants de la magistrature.

Les deux représentants de la police judiciaire représentent également les syndiqués de la C.G.S.B., secteur police judiciaire, et la Centrale Libre de la Fonction publique, secteur police judiciaire.

Le front commun représente 80 % des 35 000 policiers.

Le Front commun s'est formé suite aux événements qui se sont déroulés la dernière année. Il a été très difficile au départ de se rencontrer parce que la plupart des syndicats ne se parlaient pas entre eux.

Le seul objectif du front commun est de voir quel est le meilleur système policier pour le citoyen, et l'on a réussi à se mettre d'accord sur un projet.

Avant d'exposer ce projet, le front commun voudrait faire part de certains points litigieux.

Suite aux conclusions de la commission d'enquête parlementaire sur le banditisme, le plan de Pentecôte qui visait à résoudre une série de problèmes au niveau des services de police, a vu le jour.

Toutefois, la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police n'a fait que renforcer la guerre entre les services de police. Cette loi a été inspirée largement par l'état-major de la gendarmerie. Dans son article 15, cette loi dit en fait que tout le monde peut tout faire. Elle met tous les services de police sur un pied d'égalité.

L'on en déduit que la police judiciaire, qui était une police spécialisée et qui devait être appuyée par les deux autres services de police, serait une police à compétence générale comme les autres services.

On peut mettre en évidence à titre d'exemple de l'emprise de la gendarmerie, l'arrêté royal du 11 juillet 1994 sur le service général d'appui policier. Un audit avait démontré que le commissariat général à la police judiciaire fonctionnait mal. Maintenant l'on doit constater que le service général d'appui policier fonctionne encore plus mal que le commissariat général. Le service général est devenu une succursale de l'état-major de la gendarmerie.

Il en va de même pour la directive du ministre de la Justice, appelée « Note de consensus-bis ». Cette directive vise à instaurer une répartition verticale des tâches. Lors d'une rencontre avec le Front commun, des parlementaires des différents partis ont tous dit que cette note est une ineptie. N'empêche que le gouvernement a approuvé cette note lors du conclave de Saint-Nicolas.

Ces trois exemples montrent que les bonnes intentions ne suffisent pas à elles-seules.

En outre, la commission « Huybrechts » ­ dont la composition est inquiétante ­ n'a pas voulu recevoir le Front commun. Pourquoi cette commission-là ne veut-elle pas recevoir les hommes de terrain ?

Il faut noter aussi que les organisations policières n'ont pas attendu l'affaire Dutroux pour tirer la sonnette d'alarme. Il y a déjà plus de trois ans que le Front commun de la police judiciaire et les magistrats présentent un projet de police criminelle fédérale.

Certains responsables politiques ont toujours dit que la gendarmerie n'accepterait jamais ce projet. Il faut cependant rappeler que la gendarmerie est un service public dépendant du Parlement.

3. Présentation du projet de réforme du Front commun

Monsieur Henrion expose que le Front commun propose une réforme en profondeur de la police belge. Deux principes sont essentiels :

­ en aucun cas, il ne s'agit d'aboutir à la création d'un service de police unique: ceci constituerait un risque important de dérapage totalitaire;

­ le magistrat doit être replacé au centre du contrôle des enquêtes, comme il est proposé aussi dans le projet Franchimont.

Le Front commun est en faveur d'un paysage policier intégré. Ce paysage s'articulerait autour d'un secrétariat interdépartemental pour la police (S.I.P.). Ce secrétariat serait compétent pour la conception de la stratégie policière globale par le biais de directives contraignantes dans le cadre de la mise en application des décisions émanant des autorités compétentes.

Le S.I.P. devrait également souder les deux structures de la future police, c'est-à-dire :

­ la police de base composée des membres actuels des polices communales ainsi que des brigades territoriales de la gendarmerie. On garderait donc une pluralité au niveau des services de police de base parce que l'on constate que la collaboration entre ces deux services de première ligne est satisfaisante dans les Z.I.P.;

­ la police criminelle fédérale, qui travaille pour tous les services de police et qui est contrôlée par des magistrats. Cette police criminelle résultera de l'intégration des membres des B.S.R. et de la police judiciaire. On se rend compte que la lutte contre la criminalité grave et organisée est actuellement gênée par les doubles emplois, les gaspillages, le manque d'échange d'information et la guerre entre plusieurs services.

Le front commun propose également de faire sortir de l'État-major de la gendarmerie le B.C.R. pour recréer un organe de contrôle de l'information qui travaillerait pour tous les services de police et qui serait dirigé par des magistrats.

Le front commun propose en outre la création d'une académie de police fédérale. Elle permettrait de donner aux policiers une formation commune qui créera une même culture policière. Cette académie pourrait donner aussi une formation complémentaire aux magistrats. De plus, il est important que les magistrats puissent effectuer un stage dans un service de police.

On créerait également un Bureau central fédéral qui remplacerait en fait le S.G.A.P., le B.C.R. et la police générale du Royaume (P.G.R.). Il devrait s'occuper des opérations spéciales, de la coopération policière internationale, des statistiques policières et de la télématique.

On créerait enfin aussi un groupe d'opérations spéciales (G.O.S.) qui travaillerait pour tous les services et sous le contrôle de magistrats.

M. Doraene ajoute que cette architecture intégrée est soumise au contrôle direct de la magistrature. Ce contrôle serait complété par un contrôle interne. De plus, il est impératif que subsiste un contrôle externe assuré par le Comité P. Ceci n'empêche qu'une réforme du Comité P s'impose.

Le front commun souligne sa volonté de transparence et d'évaluation permanente des services de police. Un audit permanent des services de police aurait pu éviter les dérives que l'on a constaté dans l'affaire Dutroux.

En somme, le front commun propose une structure policière intégrée dans laquelle des entités distinctes collaborent pour garantir au maximum la sécurité des citoyens.

4. Échange de vues

Un membre voudrait bien comprendre comment le front commun entend harmoniser les statuts de la police judiciaire et ceux des B.S.R. Un système qui intégrerait la police judiciaire et les B.S.R. pourrait poser un problème pour des gens qui ont des activités intéressantes dans les B.S.R. mais qui vont se retrouver dans un cadre où ils sont fonctionnellement en dessous de gens venant de la police judiciaire.

M. Hennau fait remarquer que la majorité des gens des B.S.R. sont demandeurs de la réforme proposée par le front commun.

Il est certain qu'à moyen terme il faudra une harmonisation des statuts. Le front commun est cependant suffisamment conscient de la circonstance que dans la conjoncture économique actuelle rien ne pourra se faire du jour au lendemain. On ne demande dès lors pas de remettre instantanément les traitements des gens des B.S.R. au niveau des gens de la police judiciaire. Il faudrait prévoir une harmonisation dans un délai de 5 à 10 ans.

De toute façon tous les gens des B.S.R. qui passeront dans la police criminelle fédérale ne perdront rien financièrement lorsque leur niveau est aligné sur le niveau pratiquement inférieur de la police judiciaire Les membres de la police judiciaire ont un système d'indemnité forfaitaire payable mensuellement alors que pour la gendarmerie elle est fixée en fonction des jours de travail.

Quant à l'âge de la pension, le législateur peut élaborer un système prévoyant que tous les gendarmes passant à la police criminelle peuvent garder cet avantage-là. Au fur et à mesure des années, tous les membres de la police criminelle se retrouveront avec le même statut.

L'intervenante déclare que le passage à la police criminelle peut engendrer des problèmes aussi en ce qui concerne la fonction à exercer. Est-ce que l'on ne risque pas d'avoir un cadre dans lequel seuls des membres de la police judiciaire assurent la direction ?

M. Hennau pense que non. L'effectif ayant été augmenté il faudra augmenter aussi le cadre de la nouvelle police criminelle fédérale. Rien n'empêche de prévoir que pendant une période transitoire de 5 ans la priorité sera donnée à des membres des B.S.R., éventuellement par le biais d'un passage d'examens.

M. Doraene déclare que sur le plan opérationnel les compétences des gendarmes qui ont la qualité d'officier de police judiciaire sont équivalentes à celles d'un inspecteur de la police judiciaire

Pour être officier à la police judiciaire, il faut être titulaire d'un diplôme donnant accès au niveau 1. On pourrait cependant prévoir qu'à la suite de cette fusion un certain nombre d'emplois d'officier en extension de cadre soit inscrit dans la loi. Pendant un certain nombre d'années ces emplois peuvent être réservés aux sous-officiers de gendarmerie après qu'ils aient réussi un examen. On ne peut pas non plus nommer simplement un sous-officier de gendarmerie comme officier de la police judiciaire, puisque tous les inspecteurs de la police judiciaire ont dû passer des examens. Il faut aussi veiller à ne pas porter atteinte aux principes du droit administratif.

M. Henrion synthétise en exposant que la police judiciaire et la B.S.R. travaillent actuellement souvent l'une contre l'autre. Il faudrait plutôt qu'elles travaillent ensemble, sous le contrôle et la direction d'un magistrat.

Il s'en suit qu'une formation complémentaire des magistrats s'impose. Actuellement les magistrats ne sont pas toujours en mesure d'exercer ce contrôle par manque de formation.

M. Ista affirme qu'il est beaucoup plus sécurisant de travailler sous le contrôle d'un magistrat que sous celui de l'état-major de la gendarmerie.

Un membre se demande si le contrôle exercé par un magistrat ne sera pas de nature à empêcher le dynamisme des services de police.

M. Ista souligne que l'on est sûr de travailler dans la légalité quand on travaille sous les directives d'un magistrat. Si l'on travaille sous les ordres de l'état-major de la gendarmerie, on n'est pas sûr de travailler dans le respect de la loi.

Par ailleurs, la relation de travail entre magistrats et services de police n'est pas spécialement hiérarchique. Même si un magistrat a formellement la direction de l'enquête, l'expérience et la connaissance du terrain que possèdent les services de police lui font souvent défaut. Il n'est pas rare de voir les services de police orienter davantage l'enquête que le magistrat.

M. Hennau plaide lui aussi pour un rôle accru de la magistrature. Un officier de gendarmerie qui mène une enquête pense souvent davantage au prestige de la gendarmerie. En cas d'échec, la responsabilité est souvent rejetée sur les subalternes. Par contre, un magistrat respecte la parole donnée.

L'intervenante ne craint pas tellement une relation difficile entre magistrats et services de police. À son avis, l'intégration des services de police ­ à laquelle elle est en principe favorable ­ risque surtout de poser des difficultés entre les B.S.R. et la police judiciaire.

M. Doraene souligne que les B.S.R. et la police judiciaire coopèrent déjà au sein de cellules d'enquête mixtes créées pour enquêter sur un certain nombre de délits graves ­ par exemple, les enquêtes sur les tueurs du Brabant wallon, l'affaire Cools, l'affaire Mendez et l'affaire des enfants assassinés et des enfants disparus.

La membre reconnaît que la coopération entre les B.S.R. et la police judiciaire au sein de la cellule d'enquête de Neufchâteau est bonne.

M. Doraene estime que si dans certains cas, la coopération devait laisser à désirer, ce serait dû surtout à l'interprétation de l'article 48 de la loi du 2 décembre 1957 sur la gendarmerie et de l'article 8 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police.

Les difficultés résultent du contrôle hiérarchique exercé au sein des services respectifs. C'est pourquoi il est très important que les membres des services de police puissent faire leur travail en toute liberté sous le contrôle exclusif d'un magistrat.

Un deuxième membre se déclare lui aussi, en principe, favorable à une intégration des services de police. La coopération au sein des cellules d'enquête mixtes existantes laisse toutefois à désirer. Les gendarmes et les membres de la police judiciaire qui y travaillent semblent souvent ne pas poursuivre le même but.

Si l'on souhaite redessiner le paysage policier, il faut toutefois décider s'il y a lieu ou non d'englober l'ensemble de la gendarmerie dans la police intégrée. La gendarmerie ne se limite pas, en effet, aux seules B.S.R. Qu'adviendra-t-il des gendarmes qui ne sont pas membres des B.S.R. ?

M. Hennau répond que ces gendarmes conserveront l'éventail des missions qui sont aujourd'hui les leurs en matière de police de la circulation, de traitement de la petite criminalité et de maintien de l'ordre.

De même, la structure actuelle de la gendarmerie subsistera pour une bonne part, même si trois modifications fondamentales s'imposent. La première consistera à soulager le sommet de la hiérarchie en confiant beaucoup de compétences au secrétariat interdépartemental. En deuxième lieu, les B.S.R. seront englobées dans la nouvelle police criminelle fédérale, même si la question de savoir si les membres des B.S.R. chargés de collecter des renseignements sur les conflits sociaux et les manifestations doivent également l'être, reste ouverte. Enfin, les B.S.R. formeront une nouvelle unité avec le S.G.A.P.

Un troisième membre demande quel sera le rapport entre la police criminelle qui doit être créée et les structures actuelles de la gendarmerie et de la police communale. Les gendarmes qui accèdent à cette police criminelle conserveront-ils un lien avec leurs supérieurs hiérarchiques ? Comment les informations circuleront-elles entre les services de police de base et la police criminelle ?

M. Hennau précise que les personnes qui entreront à la police criminelle fédérale perdront tout lien avec leur corps d'origine. Ils relèveront de l'autorité exclusive des supérieurs de la police criminelle fédérale.

L'on recrutera dans une large mesure les membres de la police criminelle fédérale dans la police locale. Les personnes qui auront fait preuve des capacités nécessaires pourront donc passer des services de police de base à la police criminelle. Par conséquent, le lien entre les services de police de base et la police criminelle fédérale sera identique à celui qui existe actuellement entre les brigades de gendarmerie normales et les B.S.R.

La formation commune au sein de l'Académie de police fédérale permettra elle aussi de mettre en contact des personnes qui appartiendront par la suite à des services de police différents.

En ce qui concerne le flux des informations, un Bureau central fédéral regroupera les B.C.R. et le S.G.A.P. Chaque unité devra transmettre au Bureau central fédéral les informations qu'elle aura recueillies. Ce bureau veillera à ce que les informations arrivent aux policiers concernés. En outre, chaque service de police pourra faire appel au Bureau central fédéral pour obtenir des informations.

M. Doraene déclare que les services de police de base resteront compétents pour la police administrative et la police générale. La police criminelle fédérale n'agira que quand des recherches et une enquête spécialisée seront nécessaires. Il appartient au magistrat de prendre la décision de faire appel à la police criminelle fédérale.

Les différentes missions des services de police de base et de la police criminelle fédérale seront décrites plus en détail dans des directives contraignantes du Secrétariat interdépartemental à la sécurité et aux polices. Il s'agit d'un collège composé de représentants des différents services de police et de la magistrature. Le secrétariat établira, notamment pour le Parlement, un rapport annuel concernant l'application des directives contraignantes. Si l'on ne respectait pas une directive contraignante, le secrétariat pourrait prendre des mesures à l'encontre du chef de corps concerné.

La structure proposée garantit que chacun aura une tâche bien délimitée et que l'on mettra fin une fois pour toutes aux chevauchements qui caractérisent actuellement la lutte contre la criminalité.

Si l'on veut mettre fin aux chevauchements, il faut bel et bien une coordination bien pensée du flux d'informations. Néanmoins, actuellement, chaque service de police dispose de son propre système d'information.

Le S.G.A.P. ne remplit pas son rôle de banque de données. Les informations dont le S.G.A.P. dispose se limitent aux documents qui mentionnent qu'un délit a été constaté et aux renseignements qui sont transmis par Interpol.

Le front commun syndical propose de centraliser toutes les informations dans une seule banque de données. Tous les services de police, mais aussi la magistrature, doivent y avoir accès.

Le membre demande si l'ensemble des données ­ à l'inclusion de celles qui ont été recueillies de manière proactive ­ seront stockées dans la banque de données. À qui confiera-t-on la gestion de ces données ?

M. Doraene signale que l'on ne dispose d'aucun statut légal relatif à la transmission des informations.

Il faut que le Bureau central fédéral dispose de toutes les informations. Cependant, le législateur devra faire la distinction entre les informations « dures » et les informations « douces ». En effet, certaines ne peuvent pas être accessibles à tous et doivent être protégées. Ainsi les renseignements relatifs aux informateurs ne pourront-ils être accessibles qu'à certains.

En outre, le législateur doit réprimer la rétention d'informations.

De plus, beaucoup de données seront automatiquement stockées dans les banques de données du Bureau central fédéral dès qu'un fonctionnaire de police les aura insérées dans le système informatique. Du reste, un tel traitement automatique facilite l'élaboration de statistiques fiables, qui permettent aux autorités d'avoir une vue adéquate de la criminalité et de corriger leur politique en temps utile.

M. Delcampe demande que l'on s'intéresse également à la mission de police de base. L'on ne peut mener à bien cette mission que si l'on dispose de suffisamment de policiers.

Un membre estime que ce n'est pas une très bonne idée de vouloir fondre la B.S.R. toute entière dans la nouvelle police criminelle fédérale. En effet, tous les membres des B.S.R. ne sont pas de bons enquêteurs.

Par conséquent, selon l'intervenant, il doit être possible, et même intéressant, pour un membre d'une B.S.R. de faire partie d'un service de police de base.

Un autre membre souhaiterait obtenir quelques explications concernant la proposition de supprimer le S.G.A.P. et de le remplacer par un service qui aurait manifestement une mission assez similaire. Ne serait-il pas préférable de réformer ce service ?

En outre, l'on ne comprend pas bien comment le front commun syndical conçoit les services de police de base. Estime-t-il que la gendarmerie et la police communale doivent continuer à exister en tant qu'entités séparées ou veut-il créer un seul corps intégré, qui exercerait également des missions judiciaires ? Comment se fera la collaboration entre les services de police de base et la police criminelle fédérale ?

Quel sera le rôle du bourgmestre en tant que chef de police ?

Pour M. Schonkeren, le bourgmestre doit être le pivot de la politique locale de sécurité, que le service de police de base soit assuré par un ou plusieurs services de police.

La proposition du front commun syndical est donc en fait moins préjudiciable à l'autonomie communale que la proposition visant à créer une police unique. On peut cependant se demander si les communes accepteront de ne pas intervenir dans la nomination et la promotion des agents de police ainsi que dans le fonctionnement du service de police locale.

Un membre s'étonne du rejet résolu de l'harmonisation des statuts. Il y a effectivement des objections pratiques, parmi lesquelles le coût élevé n'est pas la moindre. Tout scénario choisi devra de toute manière comporter une longue période de transition.

Il n'empêche que les frictions et les tensions contre lesquelles le front commun syndical met en garde se produisent déjà aujourd'hui et continueront vraisemblablement à se produire dans le modèle préconisé par le front. Les membres de la police communale et de la gendarmerie travaillent déjà ensemble, par exemple dans le cadre des zones interpolices. Mais il perçoivent une rémunération différente pour accomplir des missions analogues.

Ce problème doit étre résolu, même si l'on ne devait pas opter pour une police unique. On peut d'ailleurs difficilement plaider pour une formation commune et ignorer la question de l'harmonisation des statuts. Sans quoi on risque de voir les agents qui ont suivi la formation commune s'orienter vers le service de police qui offre le statut le plus attrayant.

M. Schonkeren déclare que le front commun syndical ne s'oppose pas à l'harmonisation des statuts, mais bien à une harmonisation trop brutale.

Ceux qui veulent faire table rase de la structure existante, supprimer purement et simplement les trois services de police et les remplacer par un service unique, doivent opter également pour un statut uniforme. Compte tenu des conséquences budgétaires pour l'État, on peut être certain que ce statut sera moins favorable pour un grand nombre de policiers.

C'est la raison pour laquelle le front se dit partisan du maintien ­ temporaire ­ de plusieurs services pour la police de première ligne. Pour le service de seconde ligne, par contre, où se situent actuellement les problèmes les plus importants, la création d'une police criminelle unique s'impose. De cette manière, les conséquences de l'harmonisation restent gérables.

L'harmonisation pourra ensuite se poursuivre par étapes.

Un membre constate que bon nombre d'acteurs plaident pour une structure policière à deux niveaux. Quelques-uns objectent que l'on ne puisse scinder la police administrative de la police criminelle, comme il y a des échanges d'informations constants et indispensables. En effet, si l'on fait une police spécialisée, ne sera-t-elle pas coupée de l'information de la base ?

M. Doraene répond que cette critique est systématiquement opposée. Cet argument est combattu dès le moment où le statut de l'information est organisé. La loi devrait préciser que le policier est tenu dans tous les cas à communiquer l'information soit au magistrat soit à une banque de données, qu'il s'agit d'une information préliminaire, réactive ou relevant d'un échange d'information internationale. Cette banque de données devrait être accessible à tous. En plus, la loi devrait prescrire des sanctions en cas de non-communication.

Il s'ajoute à cela que tous les services de police disposent de systèmes de communication indépendants. Le S.G.A.P. qui est notamment chargé de faire la standardisation des systèmes n'est toujours pas arrivé à des résultats. Il faut cependant avoir un système commun, accessible à tous, avec des postes de travail dans les différents points de police et dans les palais de justice.

Quant aux rapports entre les différents composants, des liens favorisant la coopération entre les services de police seront créés dès le moment où l'on s'imprègne de la nouvelle culture policière commune.

En outre, dès le moment où l'on définit les tâches de chacun d'une façon ciblée, on mettra fin aux chevauchements.

Il importe enfin que le magistrat ait la capacité de savoir à quel moment il doit requérir la police de base ou la police spécialisée.

L'intervenante demande s'il faut, outre les réformes au niveau de l'information, créer aussi des structures nouvelles pour organiser la coopération entre la police administrative et la police criminelle.

M. Doraene estime que des structures supplémentaires sont effectivement concevables. En fait la police criminelle aura deux vocations. Lorsqu'un magistrat reçoit une information relevant de la compétence de la police criminelle, il saisit directement la police criminelle qui sera chargée de l'enquête.

D'autre part, lorsque la police de base effectue une enquête prenant une dimension transcommunale, le magistrat peut également requérir la police criminelle pour venir en appui de la police de base. La coopération entre les deux composants peut s'organiser par des task forces ou d'autres formules. Il ne faut pas oublier non plus que la police criminelle sera décentralisée dans les arrondissements.

M. Hennau rappelle que la police administrative est actuellement exercée par la police communale et la gendarmerie, la police judiciaire ne l'assurant pas.

Un intervenant demande comment le Front commun conçoit la suppression des grades dans la gendarmerie et la relativisation de l'esprit de corps.

M. Schonkeren déclare que la comparaison des grades entre les différents services de police est un problème particulièrement épineux. Il faudra pourtant le résoudre, sinon il sera difficile de fusionner les B.S.R. et la police judiciaire en une police criminelle unique.

L'esprit de corps reste très prononcé, en tout cas à la gendarmerie, où il est favorisé par la structure nationale de ce service de police. Un esprit de corps peut cependant être bénéfique pour un service de police. À la gendarmerie, toutefois, il conserve encore trop de petits côtés miliaires, même si le commandement s'efforce à fonder l'esprit de corps sur des valeurs nouvelles. De plus, la subdivision en grades nuit à l'esprit de corps.

VI. AUDITION DES PROFESSEURS VAN OUTRIVE ET DE VALKENEER

À la demande de la commission, les professeurs Van Outrive et De Valkeneer ont procédé à une analyse du fonctionnement des services de police belges (annexe 4). Ils ont commenté cette analyse devant la commission.

1. Exposés

Le professeur Van Outrive donne un aperçu de l'analyse que le professeur De Valkeneer et lui-même ont faite du système policier belge :

1. La première partie retrace l'historique des raisons qui ont abouti à la création de trois services de police différents. Il est frappant de constater à ce sujet que la gendarmerie est devenue un service de police parallèle complet, qui opère même sur le plan local. Il est temps de mettre fin à ce double emploi. Si l'on se réfère aux raisons qui ont justifié sa création, la police judiciaire n'a plus de raison d'être. Quant à la police communale, elle doit en tout cas fonctionner autrement qu'elle ne le fait aujourd'hui. Il n'y a guère eu de tentatives sérieuses pour réaliser l'unité entre les services de police. Les efforts de coordination n'ont fait que semer la confusion. Il faut toutefois reconnaître que la qualité des trois services de police s'est beaucoup améliorée ces dernières années.

2. Dans la deuxième partie, se fondant sur des études scientifiques, les professeurs De Valkeneer et Van Outrive plaident pour une police au niveau local. Le principal argument avancé pour maintenir une police au niveau local n'est pas l'autonomie communale, mais la nature du travail policier lui-même. La tâche première de la police est de répondre au besoin de sécurité de la population. Or, c'est au niveau local que l'on peut le mieux satisfaire les besoins individuels en matière de sécurité. Le niveau supralocal, lui, doit prendre en charge les besoins de sécurité collectifs (crime organisé, grande criminalité, etc.). Au niveau local, on a besoin avant tout d'une police polyvalente qui soit en mesure de résoudre des problèmes très variés. Il faut donc faire nettement la distinction entre le niveau local et le niveau fédéral, ce qui implique une très grande responsabilité pour les bourgmestres. Ceux-ci devront disposer d'une large autonomie, en tout cas pour ce qui concerne l'administration et l'autorité. C'est pour ces raisons qu'il est partisan d'une police unique. Pour les mêmes raisons, le professeur Van Outrive plaide également pour que soient effectués aussi au niveau local les devoirs judiciaires relatifs à la criminalité récurrente. Chaque zone interpolice devrait comporter une cellule chargée du travail judiciaire. Au niveau local, le travail judiciaire ne doit sûrement pas être dissocié des missions administratives.

3. En ce qui concerne les lignes de force d'un nouveau système policier en Belgique, les interlocuteurs ont des opinions différentes. Le professeur De Valkeneer propose un système qui repose sur trois piliers :

­ une police fédérale;

­ une police urbaine;

­ une police criminelle.

La police fédérale et les polices urbaines seraient chargées de répondre aux besoins individuels de sécurité et aux besoins collectifs de sécurité ayant un caractère exclusivement local.

La police criminelle serait chargée de la répression de la grande criminalité organisée et/ou internationale. Pour des impératifs d'efficacité, notre pays ne peut pas se payer le luxe de disposer de plusieurs services chargés de ces matières. La nature souvent polymorphe de la grande criminalité est une autre raison pour ne pas répartir cette mission entre plusieurs services.

Les grands corps de police communale devraient être maintenus, étant donné qu'ils ont montré leur capacité de répondre à une grande palette de besoins de sécurité ­ aussi bien en termes de police administrative qu'en termes de police judiciaire. Une partie de la gendarmerie des brigades urbaines serait intégrée dans cette police urbaine. En dehors des zones urbaines, il faut avoir une structure qui serait gérée à un niveau fédéral ­ même si elle est largement déconcentrée. La police fédérale devrait donc assurer les besoins de sécurité en dehors de la zone urbaine. Cette police fédérale devrait absorber le personnel des petits corps de police en milieu rural.

Un certain nombre de membres de la police judiciaire seront intégrés dans les polices urbaines et dans la police fédérale. La police criminelle ne doit pas être composée de l'intégralité des membres des B.S.R. et de l'intégralité des membres de la police judiciaire parce que ce service n'a pas besoin d'un si grand nombre de personnel en termes de besoins réels en sécurité collective. Il est aussi important de conserver une capacité de réponse suffisante en termes de besoins judiciaires à un niveau local.

Selon le professeur De Valkeneer, il faut créer un statut unique de fonctionnaires de police : les différences actuelles ne se justifient plus. Cela implique l'uniformisation du recrutement, de la formation, du statut administratif et disciplinaire. L'unification du statut pourrait également réduire les tensions entre les différents services de police. Il faut aussi permettre une véritable mobilité entre les différents services de police.

En ce qui concerne les autorités, le professeur De Valkeneer propose la création d'un ministre, chargé de la sécurité, qui reprendra à la fois les compétences du ministre de l'Intérieur et du ministre de la Justice. Cela évitera les frictions éternelles entre les compétences en matière de police administrative et police judiciaire. Ce ministre aurait un rôle d'intégration et serait chargé de l'ensemble de la législation policière et l'ensemble des statuts en matière de police. Ces statuts devraient être élaborés en concertation avec les autres autorités, les bourgmestres et le collège des procureurs généraux.

Les autorités judiciaires devraient avoir la direction de la future police criminelle unique. Cela nécessite évidemment une réorganisation au niveau du pouvoir judiciaire.

Il faut également repenser le contrôle. Les autorités administratives et judiciaires doivent disposer des moyens nécessaires pour organiser le contrôle. Il faut réformer en profondeur le Comité P qui n'a pas rencontré tous les espoirs qu'on avait mis dans cette institution.

4. Le professeur Van Outrive n'est pas d'accord avec le professeur De Valkeneer sur un certain nombre de points (IIIbis de leur analyse). Il estime tout d'abord que le concept de police locale ne peut pas valoir seulement pour les grandes villes et communes, et qu'il faut également l'appliquer ailleurs par le biais de zones interpolices. La Commission permanente de la police communale a délimité 200 Z.I.P. sur l'ensemble du territoire belge. Il estime que la police fédérale ne doit pas aller jusqu'à travailler au niveau local en dehors des grandes villes. Il est partisan d'une structure simple. En dehors des grandes villes, les communes formeraient des conglomérats avec, pour chacun, un chef de zone et un bourgmestre de zone ­ l'on pourrait même prévoir qu'ils rempliraient leur mission selon un tour de rôle. Il faut quand même que le chef de la police locale puisse s'adresser à une personne qui serait responsable de la politique locale. À ce niveau local, il doit y avoir et une police administrative et une police judiciaire. D'où l'idée de désigner un secrétaire d'État qui pourrait jouer un rôle d'intermédiaire entre la Justice et l'Intérieur. Au niveau fédéral, il faudrait qu'un civil soit mis à la tête d'un comité de direction de la structure policière. Il devrait être assisté d'un responsable du maintien de l'ordre fédéral et d'un responsable de la police criminelle fédérale. L'on devrait néanmoins maintenir la distinction entre la police des grandes villes et la police des zones situées en dehors de celles-ci, dont le responsable devrait également siéger au sein du comité de direction fédéral.

Le professeur Van Outrive trouve, en outre, bizarre que l'on ait construit l'ensemble de la structure policière belge sur une base constituée uniquement d'arrêtés royaux, d'arrêtés ministériels et de circulaires ministérielles. Les B.S.R. ont été créées par un arrêté du Régent de 1945. Il constate que le Parlement n'a pas exercé son pouvoir législatif pour ce qui est du fonctionnement de la police.

Enfin, le professeur Van Outrive souligne que le bourgmestre et les magistrats joueront un rôle important. Il faudrait désigner, au sein de chaque Z.I.P., un magistrat responsable qui servirait de point de contact pour ce qui est des missions judiciaires de la police locale. Il appartiendrait au magistrat et au bourgmestre, et non pas au chef de police, de fixer le nombre de policiers pouvant être affectés à des missions judiciaires et administratives. Cette question sera au centre de la discussion qu'il faudra mener à propos de la réforme de la police.

2. Échange de vues

Une première intervenante demande s'il n'est pas antinomique de dire qu'on a besoin d'une police locale et de prévoir une police urbaine mais de référer à la police fédérale pour le milieu rural.

Le professeur De Valkeneer est d'accord avec cette critique mais objecte que la concertation pentagonale ou les Z.I.P.s ne fonctionnent pas quand les bourgmestres ou un des autres partenaires refusent de collaborer. En matière de police on ne peut plus accepter qu'une structure policière fonctionne au bon vouloir des partenaires. Les Z.I.P.s ne rencontrent pas les besoins. Quand on instaure un conseil de bourgmestres on va vers des conflits permanents qui aboutissent à des blocages, avec tous les risques que cela comporte pour la sécurité. Si on n'a pas une autorité clairement définie, la police ne peut pas être gérée correctement.

L'intervenante demande s'il ne faut pas envisager une structure différente, un corps unique sur le plan local avec une direction claire.

Le professeur De Valkeneer répond que la difficulté sera de déterminer l'autorité : qui va désigner le bourgmestre responsable de la politique de sécurité à l'intérieur d'une Z.I.P.; devant qui sera-t-il responsable ? Peut-être faut-il imaginer une nouvelle structure, un « conseil communal de la sécurité », qui aurait un « bourgmestre » chargé de tâches de sécurité pour toute une zone. Actuellement quatre ou cinq bourgmestres sont politiquement responsables pour la sécurité. Si on songe à une nouvelle structure plus efficace, il faut une réforme institutionnelle sur le plan local.

L'intervenante préfère la création d'un « conseil supra-communal », un organe démocratique, à la suppression du niveau d'autorité locale.

Un membre déclare qu'il est inquiet de l'idée de créer un chef de police unique en zone rurale. Il préfère un collège de bourgmestres qui désigne un responsable pour les matières de police. Il faut éviter aussi de créer une police urbaine et rien du tout en région rurale. En ce qui concerne la police fédérale, il demande où se situent les Régions et les provinces. Comment la gendarmerie sera-t-elle intégrée dans ce schéma ? Il est d'accord que le contrôle parlementaire sur la structuration de la police doit être agrandi.

Le professeur De Valkeneer précise que le professeur Van Outrive et lui-même sont opposés à l'idée d'une police unique. La multiplicité d'un système policier est le meilleur garant d'un contrôle efficace. Pour cette raison il plaide aussi pour un contrôle plus efficace par le judiciaire et par les autorités administratives et notamment par les bourgmestres.

En ce qui concerne le rôle des Régions et des provinces, il pense que les provinces ont un rôle résiduel en matière de sécurité. Il est évident qu'il faut une répartition homogène sur l'ensemble du territoire. Le but de sa proposition n'est pas de ne plus avoir de la police en milieu rural.

La gendarmerie serait intégrée dans la police fédérale pour tout ce qui concerne les besoins en matière de sécurité collective. Une partie des anciens districts de la gendarmerie serait absorbée par la police zonale.

Le professeur Van Outrive souligne que dans les zones rurales, la gendarmerie joue déjà actuellement le rôle de police locale, conjointement avec de tout petits corps de police communale. La réforme provoquera la disparition de l'ensemble des services de polices existants. Les 35 000 policiers seront réaffectés aux endroits où ils seront le plus utiles. Même si l'on conserve les Z.I.P., il faudra faire appel à la gendarmerie en dehors des villes. Dans les grandes villes, la police communale est en mesure d'assurer l'ensemble de la mission de police. On pourra rattacher la gendarmerie des grandes villes, habituée à traiter la criminalité grave, à la police judiciaire fédérale. En ce qui concerne cette police judiciaire fédérale, il estime, contrairement à son collègue, que les effectifs sont insuffisants. Les gouverneurs peuvent également continuer à intervenir car ils ont un rôle d'intervention ou de décision à jouer auprès du Bourgmestre qui doit être désigné comme responsable de la zone interpolice. Au niveau local, il doit être possible de faire collaborer au sein de ces Z.I.P. des délégations des conseils communaux, pour qu'il y ait, en dehors des villes également, des structures qui représentent la population auprès du collège des bourgmestres. Néanmoins, il estime qu'il ne faut pas suivre l'exemple néerlandais. La division en régions ne fonctionne pas parce que l'on ne s'intéresse pas assez aux problèmes locaux et suprarégionaux. En outre, la police est beaucoup trop autonome. Les régions sont également trop grandes et leur composition est trop hétérogène. Il s'ensuit aussi une structure bureaucratique beaucoup trop lourde. Aux Pays-Bas, on est occupé à réformer en profondeur la police régionale. Pour toutes ces raisons, il reste aussi partisan d'une police locale, y compris en dehors des grandes villes, sans quoi, les besoins locaux seraient négligés.

Un sénateur constate que la police locale conserve des missions de recherche importantes. Cela ne va-t-il pas déboucher à nouveau sur une concurrence entre la police locale et la police criminelle fédérale ? En outre, on peut se demander si même une police urbaine devrait encore s'en occuper, dès l'instant où le contrôle judiciaire et la police criminelle se situeraient au niveau de l'arrondissement. Quelle sera la compétence du magistrat de parquet détaché dans la Z.I.P. ? Définira-t-il la politique judiciaire ou cette compétence sera-t-elle maintenue au niveau de l'arrondissement ? Le bourgmestre ne doit-il pas être associé davantage à la politique judiciaire dans la Z.I.P. ?

En ce qui concerne la réorganisation du Comité P, un sénateur estime que c'est une excellente idée que de vouloir confier le contrôle extérieur de la police au Parlement, mais il se demande si le Comité P est nécessaire en tant que maillon intermédiaire. Le service d'enquête pourrait éventuellement faire rapport directement à une commission parlementaire permanente.

Le professeur Van Outrive fait observer que dès que l'on divise la police en différentes sections, il y a des problèmes de communication. On peut remédier à cela en prévoyant par exemple que le magistrat affecté à une Z.I.P. assistera le procureur du Roi. Il travaille au sein de la Z.I.P., mais appartient au parquet de l'arrondissement. Il peut donc partager la responsabilité de la politique menée au niveau de l'arrondissement. Cette fonction est vitale, car il sera en mesure de transmettre à un niveau supérieur les informations relatives à la criminalité qui dépasse le niveau local. Il va néanmoins de soi que la réforme du parquet est aussi importante que celle de la police. Ces deux réformes sont indissociables. Le directeur de la police au niveau fédéral doit en tout cas être assisté par une personne qui est responsable du travail judiciaire, tant au niveau local qu'au niveau fédéral. La nécessité d'avoir des services de recherche au niveau local a d'ailleurs fait l'objet d'études scientifiques. Celles-ci démontrent qu'il faut de tels services pour effectuer le travail judiciaire local, mais aussi pour résoudre certains problèmes pour lesquels la police de proximité ne convient pas particulièrement. Ajoutons cependant que ces gens sont parfois très mal sélectionnés et qu'ils disposent parfois de trop d'autonomie au sein des corps de police.

À ce niveau local, il faut une bonne liaison entre la police administrative et la police judiciaire, car les problèmes s'enchevêtreront souvent. C'est pourquoi le bourgmestre doit avoir un contact plus structurel avec le magistrat responsable. Un magistrat doit intervenir dans la décision fixant le nombre de personnes qui feront du travail judiciaire au sein d'une Z.I.P.

Le professeur De Valkeneer estime qu'il faut revaloriser les tâches d'enquête au niveau local. Il faut définir les priorités à ce niveau ­ souvent il n'y a même pas d'enquête pour certaines infractions ­ pour répondre aux besoins individuels en matière de sécurité. À propos de la relation entre le bourgmestre et le pouvoir judiciaire, le professeur De Valkeneer rappelle que la concertation pentagonale vise à harmoniser les politiques répressives et préventives. Cet instrument ne fonctionne pas bien. Cela vaut également pour le Comité P : bien que le concept est bon, dans la pratique, cela ne donne pas les résultats attendus. À son avis, le Comité P devrait disposer d'un véritable service d'audit, c'est-à-dire disposer de personnes qui peuvent mener une enquête organisationnelle. À son avis, le Comité n'a pas besoin de cinq membres permanents mais devrait réaffecter ses moyens pour mettre sur pieds un véritable service d'audit.

Un membre souscrit à cette proposition. En Angleterre, on dispose d'un service d'audit (Her Majesty's Inspectorate of Constabulary) qui examine tous les trois ans tous les services de police. Cet audit porte sur le management, le fonctionnement, le respect des règles légaux. Elle a défendu un tel système au sein de la commission de suivi où on lui a objecté qu'un tel contrôle n'a rien à voir avec les missions du Comité P mais que ce contrôle doit être assuré par le contrôle interne. À son avis rien n'empêche que cela soit fait par le Comité P.

Le professeur De Valkeneer pense que l'article premier de la loi organisant le contrôle de services de police permet un tel type de contrôle. Prétendre le contraire serait du juridisme. Le danger du contrôle de légalité est qu'il se limite à la constatation de fautes individuelles et ne voit pas les fautes structurelles.

Un autre membre estime que l'on doit éviter, surtout en matière de police, de créer des institutions qui risqueraient de bloquer le processus décisionnel. En ce qui concerne les Z.I.P., nous nous trouvons actuellement dans une « phase d'apprentissage ». Il ne partage absolument pas l'analyse de la police urbaine. Pour ne prendre que l'exemple de la police de la ville d'Anvers, il estime qu'elle est la moins bonne des polices de la région, et ce, en raison de sa dimension qui est source de bien des difficultés. Il s'interroge dès lors, à juste titre, sur l'opportunité de fusionner les corps de police de 19 communes bruxelloises, comme on l'a proposé. Il faut veiller à ce que l'harmonisation des statuts ne soit pas une opération trop onéreuse pour l'État. Qui supportera les charges de l'intégration des divers corps de police ?

Le professeur De Valkeneer fait remarquer que la qualité de la police communale a considérablement évolué depuis le début des années quatre-vingt. En ce qui concerne la taille d'un corps de police, il pense qu'un grand corps doit rester largement déconcentré parce qu'il doit rester tout près de la population. Par contre, il estime qu'il faut gérer la police à un niveau plus global sinon on arrive à une politique dispersée. En ce qui concerne le financement de la police urbaine, ce sera l'autorité communale qui continuera à payer, à l'exception de contrats de sécurité où une subsidiation de l'autorité fédérale restera prévue. C'est l'autorité fédérale qui doit organiser le nouveau statut, en concertation avec les bourgmestres. Le ministre chargé de la sécurité jouera un rôle moteur en termes de législation et de statut.

Le professeur Van Outrive estime que l'harmonisation des statuts est une tâche à ne pas sous-estimer. Les autorités fédérales financent déjà jusqu'à concurrence de 75 % les contrats de prévention conclus avec la police. Elles ont donc l'habitude de subventionner des polices locales. Il faudra, dès lors, prévoir tôt ou tard un système de financement. En France, la plupart des communes ont réinstauré une police communale à leurs frais, après avoir constaté que la police nationale négligeait beaucoup trop les problèmes locaux. Les missions de police y sont confiées à un adjoint du maire. Par analogie, on pourrait confier en Belgique les missions de police à un échevin spécialement désigné à cet effet.

Un membre demande comment doit être organisée l'interaction entre la police fédérale et la police criminelle fédérale.

Selon le professeur De Valkeneer, il y a deux grands responsables pour la circulation de l'information. Au niveau administratif, le ministre chargé de la Sécurité doit être le coordinateur de la circulation de cette information. Cette information doit se passer entre les différentes zones, les polices urbaines et la police fédérale. Au niveau de l'information judiciaire, le collège des procureurs généraux doit être le coordinateur. L'interaction entre ces deux systèmes d'information peut avoir lieu au sein de la concertation pentagonale.

L'intervenante constate qu'un tel système ne suppose aucune centralisation de l'information dans un système unique.

Le professeur De Valkeneer pense qu'il faut faire attention à ne pas faire une super-centralisation de l'information dans la mesure où celle-ci doit rester exploitable. L'information en matière de recherche pro-active doit être gérée au niveau fédéral et au niveau du collège des procureurs généraux et pas au niveau des services de police. Tout cela est subordonné bien évidemment à une revalorisation du judiciaire ­ ce qui est extrêmement urgent.

La présidente demande si on ne peut pas s'imaginer que la police criminelle fédérale soit gérée par un état-major de la police, sous un contrôle très strict de magistrats. À son avis, un magistrat ne doit pas diriger un service de police.

Selon le professeur De Valkeneer, ce problème a été sous-estimé par la commission Franchimont. Il faut trouver de nouvelles figures juridiques pour déterminer les rapports entre le judiciaire et les policiers : les magistrats ne doivent pas se transformer en policiers. Le magistrat décide d'une opération et en contrôle la légalité mais ce n'est pas à lui de dire comment il faut faire une opération. La police criminelle fédérale ne devra pas être gérée par des magistrats; en termes de distribution de moyens, il incombe toutefois au judiciaire de décider.

L'intervenante estime que la décision d'arbitrage doit être prise par le judiciaire. À quel niveau doit se situer cette prise de décision ?

Selon le professeur De Valkeneer, il est clair que lorsque le judiciaire décide d'ouvrir une enquête, il doit donner des moyens au juge d'instruction. C'est donc au parquet de décider des moyens à mettre à la disposition.

Un autre membre fait remarquer que le premier souci des responsables politiques est d'assurer la sécurité de la population et, pour cette raison, de contrôler la police. La meilleure façon de faire cela est de passer par le biais d'un organe de concertation. Pour assurer cette sécurité de la population en zone rurale, les premières zones interpolices ont été constituées. Sa commune fait partie d'une zone interpolice constituée par neuf communes. Un commissaire de police est chargé de la coordination. Le système fonctionne bien. La transformation de cette zone en Z.I.P. se heurte à un blocage de la gendarmerie parce que les neuf communes sont à cheval sur deux arrondissements judiciaires. Est-ce qu'une Z.I.P. doit obligatoirement être constituée par des communes qui dépendent uniquement d'un même arrondissement judiciaire ?

Le professeur Van Outrive pense qu'il n'est pas très commode d'avoir des communes qui ne font pas partie d'un même arrondissement judiciaire à l'intérieur d'une Z.I.P. Il y a deux solutions : soit on adapte la Z.I.P., soit on change les frontières de l'arrondissement judiciaire. Une telle situation peut même, à l'avenir, mener à des problèmes judiciaires étant donné que deux magistrats peuvent être saisis d'une même affaire.

Si l'on veut rapprocher le judiciaire de la politique de sécurité locale, il est indiqué de n'avoir qu'un seul substitut responsable pour une même zone interpolice.

Comme dernière remarque, le professeur Van Outrive estime que le Parlement n'organise pas assez le contrôle du système policier. Il a toujours été frappé par le manque d'information sur l'organisation de la gendarmerie. Si le Parlement n'est pas attentif, la même chose arrivera lors de la réforme du système policier. Le Parlement doit indiquer lui-même comment, quand et sur quoi il veut exercer son contrôle.

Un membre demande si cette absence de contrôle démocratique vaut aussi pour le niveau local.

Le professeur Van Outrive croit que cela vaut aussi pour le niveau local. Il n'est pourtant pas difficile d'organiser ce contrôle. Avec très peu d'efforts, le Parlement pourrait obtenir beaucoup plus d'informations sur le fonctionnement du système policier.

C. RAPPORT DU VOYAGE D'ÉTUDE DE LA COMMISSION DE L'INTÉRIEUR ET DES AFFAIRES ADMINISTRATIVES AU ROYAUME-UNI ET AUX ÉTATS-UNIS

(LUNDI 14 AVRIL ­ MERCREDI 23 AVRIL 1997)

1. COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

Mme Milquet, présidente

M. Pinoie, premier vice-président

M. Mouton, deuxième vice-président

Mme Cornet d'Elzius

M. D'Hooghe

Mme Lizin

M. Vergote

M. Happart, rapporteur

2. LA POLICE AU ROYAUME-UNI

2.1. Organisation

Le Royaume-Uni possède une police unique qui relève de la compétence du « Home Office » (ministère de l'Intérieur). En Angleterre et au Pays de Galles, cette police est composée de 43 corps indépendants qui, dans la plupart des cas, correspondent à la division administrative en « comtés ».

Les corps sont totalement indépendants. Ils sont dirigés par un « chief constable ». Chaque corps exerce une compétence territoriale.

Cette organisation à la fois claire et simple a dû être adaptée à l'évolution de la criminalité. En 1970, on a donc créé les « Regional Crime Squads », des unités spéciales compétentes pour l'ensemble d'une région. Il y a actuellement cinq régions de ce type en Angleterre et au Pays de Galles.

Il faut signaler qu'il ne s'agit pas d'un nouveau service de police. Les « Regional Crime Squads » (R.C.S.) sont composés de policiers qui sont détachés temporairement par les différents comtés. Le service de police locale reste donc l'unité de base. Chaque R.C.S. détermine avec précision quelles sont les formes de criminalité qui doivent être suivies au niveau supra-local. Il s'agit généralement de la criminalité organisée et du trafic de la drogue.

Pour répondre au besoin d'un service d'appui policier au niveau national, le Royaume-Uni a également créé le « National Crime Intelligence Service » (N.C.I.S.), un service de police national composé une fois de plus de personnel détaché temporairement par les services de police locaux.

Le service national centralise les informations criminelles et les met à la disposition de tous les services de police. Le N.C.I.S. joue un rôle particulièrement utile en informant les services de police qui viennent le consulter, des enquêtes entamées par d'autres services de police et en leur signalant les informations détenues par d'autres services (système dit du « flagging »).

On notera avec intérêt que le N.C.I.S. collabore aussi bien avec les services de police qu'avec le service de recherche de l'administration des douanes et accises (« Customs and Excise Service »), lequel est également compétent pour la lutte contre les importations illégales de drogue.

Comme le Royaume-Uni dispose d'une police unique et que les services de police locale ont une compétente territoriale, le risque de voir se produire une « guerre des polices » est très faible, sauf dans le domaine de la lutte contre la drogue, pour laquelle la police et les douanes sont compétentes de manière concurrente. Un « Operational protocol » a été conclu, pour prévenir les conflits de compétence entre le « Regional Crime Squads » et « Customs » (domaine opérationnel), d'une part, et entre N.C.I.S. et « Customs » (renseignements), d'autre part.

En sus du service de renseignements national, on a éprouvé la nécessité de disposer d'un service opérationnel à l'échelle nationale. Par conséquent, il a été décidé cette année de créer un « National Crime Squad », inspiré du modèle des « Regional Crime Squads ».

2.2. Contrôle des services de police

Le contrôle du fonctionnement des services de police se fait à deux niveaux.

Au niveau national, le ministre de l'Intérieur (« Home Secretary ») définit les objectifs principaux (« key objectives ») que les « Chief Constables » devront essayer d'atteindre dans l'ensemble du territoire.

Le ministre dispose d'un instrument de contrôle lui permettant de vérifier dans quelle mesure ces objectifs sont réalisés et d'évaluer le fonctionnement général de la police; il s'agit de « Her Majesty's Inspectorate of Constabulary ». Ce service est en fait un bureau d'audit chargé de réaliser, tous les trois ans, une radioscopie globale de tous les services de police. Par ailleurs, il rédige chaque année des rapports thématiques. En vue de ce contrôle, chaque service de police doit publier un rapport annuel dans lequel figurent des données statistiques standardisées.

Tous les rapports et toutes les recommandations émanant de « H.M. Inspectorate of Constabulary » sont rendus publics. Ce système d'inspection vise essentiellement à améliorer et à adapter en permanence les services offerts à la population. Son grand avantage est de permettre une quantification des données, à l'aide de laquelle on peut mesurer et comparer les efforts que fournissent les différents corps.

Au niveau local, le contrôle de la police est effectué par la « Police Authority ». Cet organce se compose de neuf membres élus issus du « county-council », de trois juges de paix (« justice of the peace ») et de cinq particuliers « indépendants ».

Cet organe a pour mission de contrôler, au niveau local, le fonctionnement des services de police et l'affectation des moyens. La « Police Authority » définit également, au niveau local, les principaux objectifs assignés au « chief constable ».

C'est également cet organe qui désigne le « chief constable ». Une fois nommé, celui-ci peut, toutefois, définir, en toute indépendance, le fonctionnement du service de police et organiser celui-ci. Il importe de noter que, dans le système britannique, les autorités politiques définissent à l'avance les objectifs à atteindre, tant au niveau national qu'au niveau local, et que les moyens mis à la disposition sont fonction de ces priorités. Grâce à l'« Inspectorate », le niveau national et le niveau local disposent d'un instrument qui permet de contrôler dans quelle mesure les objectifs définis sont atteints.

2.3. Procédure pénale

La plus grande différence par rapport au système belge réside dans le fait que les services de police britanniques procèdent de manière tout à fait indépendante à l'enquête criminelle. Jusqu'il y a dix ans, c'était même généralement la police qui engageait les poursuites devant les tribunaux, tâche qui appartient, chez nous, au ministère public.

En 1985, l'on a instauré le « Crown Prosecution Service (C.P.S.) » qui reçoit, depuis lors, les dossiers des services de police.

C'est ce service qui détermine si les dossiers comportent suffisamment d'éléments permettant d'engager des poursuites ou s'il faut prendre des mesures l'instruction complémentaires. Ce service peut aussi, éventuellement, décider de ne pas poursuivre.

En résumé, cela fait douze ans que le Royaume-Uni dispose d'une institution qui correspond à notre ministère public.

L'insuffisance du contrôle sur l'enquête des services de police impliquait d'énormes risques, tant en ce qui concerne la régularité des preuves avancées que le respect des droits de la défense, qui ont fait aboutir une série de dossiers à des échecs retentissants.

3. LES SERVICES DE POLICE AUX ÉTATS-UNIS

3.1. Organisation

Aux États-Unis, il existe une législation pénale fédérale à côté de la législation pénale des États.

Les services fédéraux (de police) ont été créés pour faire respecter les dispositions de la loi pénale fédérale. Il en existe dans différents ministères. Les plus importants, à savoir le Federal Bureau of Investigation (F.B.I.) et la Drug Enforcement Administration (D.E.A.) dépendent du ministère de la Justice.

Le F.B.I. et la D.E.A. sont des agences fédérales dont les missions sont expressément définies dans différentes lois pénales.

Chaque fois que le Parlement adopte une loi pénale ou une loi comportant des dispositions pénales, elle désigne l'agence fédérale qui est compétente pour contrôler le respect de la loi et exercer les poursuites.

Si la loi ne désigne pas d'agence spécifique, le F.B.I. est compétent.

En ce qui concerne l'organisation des services de police locale, elle diffère d'État à État et, aussi bien en ce qui concerne la police d'État qu'en ce qui concerne la police communale, de commune à commune au sein d'un même État. Il faut évidemment tenir compte en l'occurrence de différences d'échelle (le New York Police Department emploie davantage de personnes que tous les services de police belges confondus, mais aussi que toutes les agences fédérales américaines confondues).

En généralisant très fort, on pourrait déceler un certain parallélisme entre le niveau fédéral et celui des divers États :

­ les agences fédérales enquêtent sur les délits pour lesquels elles sont compétentes sur la base de la législation fédérale; les différents services de police des États poursuivent les délits sur la base de leur propre législation pénale;

­ la gravité des délits pour lesquels les agences fédérales sont compétentes a généralement pour conséquence que leurs enquêtes sont soumises au federal attorney, tandis que les enquêtes menées par les services de police local sont généralement déférées au district attorney.

Une telle présentation des choses ne tient naturellement pas compte de la réalité :

­ les crimes ne respectent pas la logique de démarcation de la compétence entre la fédération et les États. Le crime organisé déploie toute une série d'activités (chantage, trafic de drogue, blanchiment d'argent, recel, etc.) qui relèvent tantôt de la loi pénale des États et tantôt de la loi pénale fédérale.

­ sur les quelque 600 000 agents de police aux États-Unis, seuls 37 000 appartiennent à une agence fédérale : les agences fédérales ne traitent donc qu'un très faible pourcentage des crimes commis.

Il s'ensuit que dans le passé, des agences de police locale, nationale et fédérale se sont parfois occupées sans la moindre coordination des mêmes infractions.

Depuis une quinzaine d'années, on tente de remettre un peu d'ordre dans ce système chaotique (17 000 services de police différents).

Premièrement, on a créé des « Task Forces » autour de certains types de crimes. Une « Task Force » rassemble les éléments d'agences fédérales et de la police locale en vue de s'attaquer à une forme de criminalité déterminée dans un domaine précis. Les accords concrets sur la direction de la « Task Force », le financement, la mobilisation de personnel et les moyens sont arrêtés dans un « Memory of Understanding » (M.O.U.), signé par tous les services de police concernés.

En deuxième lieu, on s'est efforcé d'uniformiser les différentes banques de données et de rassembler des informations qui existent déjà ça et là. En outre, certains systèmes fonctionnent avec un « pointer-index » (par exemple D.E.X. de D.E.A.), pour indiquer que quelqu'un s'occupe déjà d'une enquête déterminée.

Troisièmement, on constate également une tendance croissante à fédéraliser la législation pénale, ce qui signifie que les services fédéraux (et donc surtout le F.B.I.) reçoivent des attributions dans de plus en plus de domaines, ce qui engendre automatiquement une meilleure possibilité de coordination de la lutte contre certaines infractions. Cette évolution est cependant suivie d'un oeil méfiant et parfois contrecarrée par les différents États et par les autorités de police locale.

3.2. Le contrôle des services de police

Le contrôle des agences de police fédérale fait l'objet d'une organisation tant interne qu'externe.

L'organe de contrôle interne du F.B.I. est intitulé « Office of Professional Responsability ». Il examine toute accusation grave d'enquête menée erronément ou d'implication d'un agent du F.B.I. dans une infraction.

L'organe de contrôle externe s'intitule également « Office of Professional Responsibility », mais relève directement de l'Attorney General (ministère de la Justice).

Le contrôle de la police locale est exercé de l'extérieur par le « Police Review Board », un comité de citoyens qui surveille le fonctionnement des services de police locale. Il s'agit ici d'un comité de « notables » qui ne semble pas disposer d'un instrument adéquat pour exercer un contrôle effectif. Ce qui importe surtout, au niveau local, ce sont les sections « internal affairs », les services d'inspection interne propres de chaque police, qui jouent un grand rôle, surtout dans les grandes villes.

3.3. Procédure pénale

Tout comme en Grande-Bretagne, les services de police sont totalement maîtres de l'enquête. S'ils estiment que les preuves sont suffisantes pour obtenir une condamnation, ils soumettent le dossier à « l'attorney's office » (le bureau du procureur) (soit le district attorney, soit le fédéral attorney, selon la nature du délit). C'est l'attorney's office qui vérifie si les preuves sont suffisantes, si les droits de la défense ont été respectés et s'il convient de déférer l'affaire à un tribunal.

Contrairement au système britannique, le système américain connaît depuis longtemps un contrôle de l'instruction, qui est exercé de manière indépendante par un magistrat.

4. CONCLUSIONS GÉNÉRALES

La délégation, suite aux différentes rencontres et exposés qu'elle a eus tant en Angleterre qu'aux États-Unis, peut déjà dégager brièvement les conclusions générales suivantes :

4.1. En ce qui concerne l'établissement d'une stratégie policière administrative et criminelle au niveau fédéral et local

Tant en Angleterre où, à la fois, le « Home secretary » établit des « key objectives » par année pour le pays et où chaque force de police locale doit établir un plan d'action impliquant des priorités locales, qu'aux États-Unis, où chaque agence fédérale ou de police locale établit ses priorités, la notion de stratégie et de plan policier est très développée.

Il serait dès lors indispensable en Belgique d'avoir enfin une stratégie policière pensée et débattue démocratiquement, tant au niveau local qu'au niveau fédéral, tant en ce qui concerne la mission de police judiciaire que la mission de police administrative ainsi que des évaluations constantes de l'exécution et du respect de ces stratégies.

Il faudrait dès lors :

1. avoir, chaque année, un plan d'action fédéral, discuté au Parlement, tant en ce qui concerne la stratégie de lutte contre la criminalité simple et organisée (sur base d'un rapport du Collège des procureurs) qu'en ce qui concerne la stratégie policière générale fédérale et locale (choix pour le Community police, etc.) et les budgets (choix, et répartition de moyens entre les structures et les types de mission y afférents). Un plan fédéral d'action serait applicable à l'ensemble des forces de police, y compris aux forces locales;

2. avoir, chaque année, un plan d'action local (Z.I.P. ­ Communes) définissant les priorités locales selon les spécificités, discuté avec l'ensemble des partenaires concernés (magistrats, polices, etc.);

3. organiser les contrôles démocratiques d'exécution et les contrôles internes et externes y afférents sur l'exécution efficace des plans repris ci-dessus.

La réussite des stratégies dépend de la qualité et de la pression des contrôles. Elle dépend aussi du choix clair des priorités impliquant une analyse claire des options à suivre et des choix budgétaires et coûts à y consacrer.

4.2. En ce qui concerne le contrôle interne et externe des services de police

Le contrôle externe des services de police est beaucoup plus étendu en Angleterre qu'aux États-Unis où, par contre, le contrôle interne des corps de police est relativement poussé.

a) En ce qui concerne le contrôle externe

Il paraît nécessaire de renforcer le contrôle du Comité P selon l'excellent modèle anglais de « Her Majesty's Inspectorate of Constabulary », c'est-à-dire :

1. choisir des membres de très haute qualité professionnelle, indépendants, dont au moins deux personnes extérieures provenant du secteur privé;

2. organiser, tous les trois ans, un contrôle approfondi de 15 jours de chaque service de police, tant sur l'efficacité, le respect des objectifs, la légalité, le management, la gestion financière, etc. et tous les ans un contrôle sur le respect du plan d'action;

3. organiser des enquêtes thématiques;

4. établir, chaque année, des recommandations publiques aux corps de police, au ministre et au Parlement en matière policière;

5. contrôler la qualité des formations;

6. revoir le rôle du service d'enquête du Comité P et de le spécialiser plus en tant que service d'audit.

b) En ce qui concerne le contrôle interne

À l'intérieur de chaque service de police, il paraît nécessaire de renforcer et, le cas échéant, de créer un service d'inspection interne sévère selon le modèle du « Office of Professional Responsibility » existant au F.B.I. et à la D.E.A., ayant des critères d'inspection uniformes stricts en termes d'efficacité, d'éthique, de légalité, etc.

Le système du « Comstat » new-yorkais (rencontre de contrôle entre le chef de la police de New York et ses différents chefs de district trois fois par semaine) est également intéressant et pourrait être organisé au niveau des Z.I.P. (Zones interpolice).

4.3. En ce qui concerne le contrôle démocratique des polices

Le principe « d'accountability » (responsabilité) est fondamental pour les services de police anglais et américains.

a) Au niveau local

Il apparaît que l'exemple anglais des « local authorities » (conseil des citoyens et de personnes extérieures) et l'exemple américain de contrôle des services locaux (« Police review board ») sont beaucoup plus démocratiques que chez nous où le contrôle politique sur les structures policières est souvent insuffisant, tant au niveau local (Conseil communal) qu'au niveau fédéral, et renforce le contrôle du citoyen sur les services de police locaux.

Aussi, serait-il souhaitable de créer, en Belgique, à un certain niveau d'existence d'une police locale (commune, Z.I.P., arrondissement, ...), un conseil composé, à la fois d'élus, de citoyens et de personnes extérieures (privé, ...) qui serait chargé de contrôler régulièrement l'efficacité, la légalité, l'éthique de la police locale, sa gestion financière, de donner son avis sur les stratégies locales et de contrôler l'exécution des objectifs prioritaires locaux décidés.

Il est indispensable de renforcer fortement le contrôle civil et politique et la transparence des services de police.

Le renforcement de ce contrôle est essentiel pour avoir une police démocratique, autocritique, transparente, axée sur les besoins et les attentes des gens.

b) Au niveau fédéral

Il paraît nécessaire de créer officiellement une commission parlementaire permanente chargée de contrôler politiquement les services de police et le Comité P.

4.4. « Community policing »

L'intégration des polices anglo-saxonnes auprès des citoyens et leur perception plus positive de la fonction policière est due aux efforts développés en matière de « community police » ou de « police by consent » par les polices anglaises et américaines. Il est indispensable de continuer à dévélopper ce changement de mentalités et de pratiques initiées notamment dans la gendarmerie et la police communale et à rapprocher le policier du citoyen (présence sur le terrain, convivialité, renforcement des agents de quartier, travail de prévention, relations avec les associations, etc).

Le but d'une « Community police » est d'être intégrée dans la population, de travailler notamment sur les causes des phénomènes plutôt qu'exclusivement sur la répression et répondre prioritairement aux besoins de la population.

Les expériences développées aux États-Unis sous le libellé « broken window » et « zero tolerance » visent à éviter toute dégradation d'un quartier et à exercer une présence et des actions intensives dès le début d'un élément de dégradation, sont intéressantes à suivre.

4.5. Centralisation de l'information

Le point clé de la collaboration policière et de l'efficacité est la centralisation et de la qualité de l'information.

L'exemple du N.C.I.S. en Angleterre (National Crime Intelligence Service) et des systèmes N.C.I.C. et H.I.T.E.C.H. 2000 sont éloquents et doivent être suivis.

Il faut donc :

1. centraliser au S.G.A.P. l'ensemble des informations policières criminelles dures en créant un système central auquel tout service a accès (Hard Information, empreintes digitales et signalement, en connexion directe avec les services de base, etc.);

2. organiser pour les informations douces, comme en Angleterre (Flagging system) ou à la D.E.A. (D.E.C.S.) au S.G.A.P., un système qui établit les noms des policiers détenant des informations douces dans des cas déterminés;

3. établir un service de communication opérationnel unique entre patrouilles.

4.6. En ce qui concerne la police criminelle

Le système policier en Angleterre ou aux États-Unis connaît également une tendance, à la fois, à renforcer et centraliser la fonction de police criminelle nationale et, à la fois, à respecter l'autonomie locale et sa spécificité. Par ailleurs, le phénomène de la criminalité organisée oblige ces deux États à restructurer leurs polices et leurs méthodes.

L'exemple de l'Angleterre, qui vient de décider, malgré la diversité de ses polices locales qui ont chacune une seule unité de recherche, de mettre sur pied une police criminelle nationale « National Crime Squad » pour la criminalité organisée et complexe, et du F.B.I. et de la D.E.A. américains qui forment les deux agences fédérales spécialisées, démontrent la nécessité de réorganiser la fonction de police judiciaire en Belgique.

Par souci d'efficacité et quelles que soient les structures futures choisies pour la police (police unique, polices locales et fédérales, statu quo ...), il conviendrait :

1. de réunir, dans des unités conjointes et au niveau local, l'ensemble des policiers exerçant des fonctions de police judiciaire et de créer une seule unité « judiciaire » dans une seule police locale démocratiquement contrôlée, largement intégrée avec la police administrative qui la nourrit d'informations;

2. de créer, par arrondissement, un seul service de police criminelle travaillant en étroite collaboration avec la police locale;

3. de créer, au niveau fédéral, un seul service spécial appelé « police criminelle fédérale » spécialisée dans la crimininalité organisée et complexe et travaillant en appui de et en collaboration avec la police de base, pour éviter certaines critiques formulées contre le F.B.I. par les polices de base.

Cette police devrait créer des unités très spécialisées (drogues - missing children - child abduction and serial killer unit comme à Quantico, etc.) comme la D.E.A. ou le F.B.I.

La professionnalisation et l'extrême spécialisation par phénomène criminel est à suivre.

4.7. En ce qui concerne la collaboration entre les polices

Tant en Angleterre où il existe des tensions entre les douanes et la police et aux États-Unis où existent des tensions entre les services fédéraux ou entre les services fédéraux et locaux, nous nous rendons compte que les problèmes sont les mêmes, tant en ce qui concerne la collaboration que l'échange des informations.

Quel que soit le futur modèle policier belge, la clé du succès des collaborations et de l'échange des informations entre services dépend de l'établissement de « Task Forces » à l'Américaine, entre polices de base et polices spécialisées ou entre les polices spécialisées.

Ces « Tasks Forces » devront également être basées sur des « memorandum of understandings » organisant concrètement la collaboration, les méthodes et le leadership.

Il serait également souhaitable d'avoir, à la base comme dans l'équipe de direction, des « agents de liaison » de l'autre corps de police, comme entre le D.E.A. et le F.B.I.

Par ailleurs, pour n'importe quelle enquête, il faut, comme aux États-Unis, désigner un policier responsable par enquête.

Enfin, il faut assurer l'extrême mobilité entre les corps et favoriser les détachements temporaires dans d'autres corps (ex. N.C.I.S.).

4.8. En ce qui concerne la relation entre la magistrature et la police

Le système anglais et américain est profondément différent. Les services de police dirigent les enquêtes tandis que l'équivalent du « Parquet » (Crown Prosecution Service en Angleterre) se limite à exercer un contrôle de légalité et à analyser la suffisance et la recevabilité des preuves. Cette vision comparée nous oblige à nous poser la question de la spécificité claire des rôles de l'enquêteur d'une part et du magistrat de l'autre.

Le rôle d'un policier se différencie de celui d'un substitut ou d'un juge d'instruction et il conviendra de reclarifier, dans les mois à venir, les missions respectives de chacun pour arriver à une relation optimale et efficace.

Les magistrats devraient-ils, dans le futur, exercer la guidance et le contrôle, établir les priorités, analyser les preuves, décider de l'empleur des moyens et exercer un contrôle de légalité sur les enquêtes ?

Les policiers devraient-ils établir les stratégies d'enquêtes et gérer la partie opérationnelle sous le contrôle du judiciaire ?

Avec un contrôle judiciaire important et une stratégie de poursuites clarifiée, peut-on imaginer de déléguer des compétences supplémentaires aux services de police ? Autant de débats qu'il va falloir trancher.

4.9. En ce qui concerne la formation

a) Il apparaît que, en ce qui concerne l'harmonisation des formations, il serait souhaitable, à l'instar du système anglais, d'opter pour un système de formation unique de base par niveau en Belgique pour l'ensemble des policiers qui se destinent à entrer, par la suite, le cas échéant, dans des corps de police différents, sans préjudice des formations spécialisées. Cette formation de base devrait comprendre, quel que soit le niveau d'études, des stages et période de terrain et de patrouille comme en Angleterre.

Une formation unique permet en effet d'imposer un système d'exigence et de qualité identiques, de créer des possibilités de mobilité, ce qui est indispensable pour harmoniser le système policier et tendre vers une plus grande intégration.

Cette formation devrait être coordonnée par le S.G.A.P. Aussi, le système américain de formation, très diversifiée et de niveau de qualité très différente, n'est pas à suivre.

b) En ce qui concerne la qualité, le professionnalisme et l'efficacité de la formation des polices spécialisées, l'exemple du F.B.I. (Quantico) et de la D.E.A. sont à suivre pour avoir une fonction policière d'excellence en Belgique.

c) La formation anglaise est également très professionnelle. La sélection y est donc poussée et la formation comprend des cours spécialisés de gestion d'organisation pour les chefs de corps, ce dont nous pourrons nous inspirer. Les deux pays anglo-saxons développent une recherche scientifique intensive et de qualité en ce qui concerne la fonction de police, ce que nous ne développons pas suffisamment, surtout dans notre monde universitaire. Il serait dès lors souhaitable de renforcer les liens entre le monde académique et policier.

4.10. En ce qui concerne les techniques policières

Les pratiques spéciales « undercovered » sont encadrées plus légalement que chez nous et basées sur un professionnalisme impressionant.

La proactivité se développe très fortement et est la technique majoritaire dans les cellules fédérales ou nationales de police criminelle spécialisée (80 % du travail à la section criminelle de Scotland Yard est proactif).

4.11. En ce qui concerne l'efficacité du système européen

L'exemple américain et le défi croissant et international de la criminalité organisée démontrent l'urgence de renforcer le troisième pilier européen et d'arriver à créer une véritable coordination policière européenne, notamment pour lutter contre la criminalité organisée, ainsi qu'une coordination très intégrée avec les services spécialisés des États-Unis.