Education Démocratique - Education à la démocratie : fausses difficultés et vrais enjeux.
Hervé Broquet, directeur du CREP.
Cet exposé, comportera deux temps : celui de l'éducation démocratique - comment éduquer démocratiquement ? - et celui de l'éducation à la démocratie relatif aux valeurs et savoirs communs à mettre en œuvre dans une démocratie : régime politique qui met sous tension le désaccord et… le consensus quant au(x) mode(s) de résolution des conflits.
I: Education démocratique.
Remarque préliminaire : aujourd'hui, un des enjeux essentiels de l'éducation démocratique n'est pas tant d'affiner la capacité argumentative des élèves que de les convaincre d'abord que tel ou tel élément de leur représentation peut légitimement faire l'objet d'une mise en question.
Quelle est la situation de cette éducation à la démocratie en Communauté française ? Remarquons d'abord que le débat est plus orienté sur les structures sensées exprimer cette éducation que sur les finalités de celle-ci.
Ces structures quant à elles se caractérisent par leur multiplicité : Conseil de classe, de participation, conseils communaux des enfants, Parlement jeunesse… Tous ont leur utilité mais disons pour baliser un débat futur qu'ils posent au moins cinq interrogations :
à la cohérence, à la crédibilité et à la visibilité de leurs actions.
Mais plus fondamentalement encore apparaît la question de l'instrumentalisation de ces structures dans le débat sur l'éducation à la démocratie.
On a trop longtemps cru en effet qu'il suffisait d'éduquer démocratiquement pour éduquer à la démocratie. C'est un leurre ! On ne naît pas démocrate, on le devient.
Cette situation implique un effort de formation, d’éducation. Si l’on veut relever pleinement ce défi, l’on ne peut faire l’impasse sur un préalable : celui de la déconstruction des représentations sociales qui ont majoritairement cours à propos de la fonction politique. Cela pourrait être un autre des objectifs majeurs de cette éducation démocratique. En effet, ces imaginaires sociaux induisent une absence de paroles argumentées et conduisent trop souvent les politiques à dégrader le discours en communication et à limiter celle-ci à des images.
Simplifiant des situations complexes, les représentations structurent notre paysage mental, confèrent une rationalité à nos conduites et sont signes d'appartenances à un groupe.
Pour un politologue, il importe donc de savoir quelles sont, à un moment donné, les représentations dominantes.
Or, force est de constater que ce n'est guère brillant. Je prendrai à travers une pluralité de supports et de contextes, qui sont tout sauf politiques, quelques exemples qui touchent les plus jeunes. Age où se forment les représentations qu'il est après parfois si difficile de déconstruire. Il ne s'agit pas de s'ériger en censeur, mais d'éveiller à l'esprit critique.
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BD :
« ici un politicien, il a passé son existence à faire des promesses qu’il n’a jamais tenues et ça continue… »
« Comment ça ? »
« il avait promis de se faire incinérer … »
« Sitôt que j’aurai terminé mes engagements, je quitterai l’armée et me lancerai dans la politique ! »
« Tiens…mais ce n’est pas une mauvaise idée, ça ! … »
« Qu’est-ce que vous connaissez en politique, hé, pantoufle ? !… »
« Rien !…Pourquoi ?…il faut y connaître quelque chose ?… »
Films, dessins animés :
Chansons :
« Jean-François, tu seras Président. »
« Non papa j’aime pas les charlatans »
« Tu m’as dit que dans ma vie il fallait rester honnête »
« Tromper les gens de son pays, moi j’trouve pas ça honnête »
« Tu n’voudrais pas mon papa que je vole ton ar(gent)… »
« Politiciens et si on faisait le point »
« Avez-vous déjà fait quelque chose de bien ? »
« Vous seriez gentil de garder vos distances »
« Au moins notre globe aurait sa chance »
Est-ce là Le Monde comme il va ? pour reprendre le titre d'un des récits de Voltaire. « Est-ce défendre le peuple, et le pouvoir du peuple, que de ridiculiser perpétuellement ses représentants ? »
Certes il ne faut pas tomber dans un angélisme béat. La politique, c’est aussi, comme ailleurs, un rapport de force ou des jeux de pouvoir. Mais réduire la politique uniquement à cela, c’est se condamner au désenchantement.
Une démocratie vigoureuse a besoin de citoyens qui connaissent et estiment les mécanismes complexes qu'elle met en œuvre, partagent ses valeurs et arrêtent de dévaloriser ceux là même qui la servent. Citoyens et politiques ont chacun leur part de responsabilité dans la rencontre de cette exigence.
II. Education à la démocratie
L'éducation à la démocratie fait l'unanimité sur le plan des principes. Toutefois, l'on doit regretter le peu de réalisations concrètes et généralisées à laquelle elle a donné lieu.
Certes, il existe nombre d'initiatives individuelles ou collectives d'une richesse inouïe, mais ne serait-il pas temps justement de les valoriser, de les rendre plus visible, de définir des pratiques communes, d'instaurer des synergies entre départements, de préciser les savoirs à enseigner, …?
Pourquoi ces carences ?
I. Fausses difficultés (8).
Mais quatre inconvénients majeurs rendent caduque cette approche.
d ) Comme le souligne enfin le rapport final de la conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique : " L'idée selon laquelle on peut enseigner l'éducation à la citoyenneté à partir de n'importe quel contenu socialement significatif et scolairement traitable, ne paraît justifiée que dans la mesure où l'on explique à quoi au juste peut (et doit) se rapporter cet espoir de transfert". Ici aussi le bât blesse.
Soyons sérieux, tous les savoirs se croisent et se fécondent de nos jours. Mais oui, il y a moyen d'identifier les éléments de base de notre organisation démocratique, d'éduquer aux médias, de mettre en débat les valeurs qui fondent notre espace public ou de développer l'intérêt et la capacité de s'investir dans la cité.
Par contre, ce qui fait cruellement défaut à l'éducation à la démocratie c'est un statut universitaire, une reconnaissance (homo academicus).
Ce sera effectivement le cas si on envisage un cours d'instruction civique style XIXème siècle. Mais cela n'est pas le cas si on développe une pédagogie participative, faite d'écoute, de dialogues, de rencontres.
Il faut avoir travaillé avec des milliers de jeunes, des centaines d'enseignants dans des dizaines d'écoles pour mesurer l'attente qui est la leur.
Obstinons-nous encore dans le scepticisme. Cette formation une fois mise en place ne serait pas efficace. D'ailleurs, argument massue, c'est ce que démontreraient les études internationales. Il y aurait beaucoup à dire sur la comparabilité des savoirs en ce domaine. Si on veut malgré tout y parvenir, il faut tomber à un tel niveau de banalités (ex : le respect de la loi) qu'effectivement cela n'a plus rien de très significatif.
L'argument 1000 fois ressassé selon lequel l'exemple français prouverait également, eu égard au score du FN, le peu d'impact de ce cours est moins pertinent qu'il y paraît. On pourrait, certes s'interroger sur ce que serait le score de ce parti en l'absence de cet enseignement mais cela ne résout rien ! De manière plus pertinente, me semble-t-il, on relèvera que la France a longtemps inscrit ce cours dans une démarche d'instruction civique. L'illustration de cet état de fait peut s'établir au travers de l'exemple suivant tiré du manuel "Education civique 3ème " publié chez Belin en 1989 qui donne la définition suivante du… FN : parti visant à promouvoir et (…) à organiser la participation de ses membres à la vie politique sous toutes ses formes". Un louable souci d'objectivité doit-il nécessairement passer par la reproduction des statuts du FN ?
II. Vrais enjeux.(6)
Dans cet état relativiste où tout se vaut, il nous faut avec conviction réaffirmer quelles sont les valeurs qui fondent notre vie en commun et au nom desquelles nous accueillons la différence (Dimension philosophique encrée dans le réel).
Le défi fondamental à relever dans les prochaines années, si l'on souhaite éviter, le "choc des civilisations", les réponses de l'extrême droite, les attaques racistes ou les amalgames en tous genres pourrait être formulé comme suit : comment passer d'une société multiculturelle à une société transculturelle; société qui donnerait, dans le respect des identités individuelles, des référents communs ? Il convient en effet de se rappeler qu' une société n'est pas pluraliste parce qu'elle est morcelée et que la valeur accordée à la pluralité des opinions - par rapport à l'unanimité - n'émerge qu'à partir du XVIIIème siècle.
La démocratie est fille des Lumières. Elle présuppose un Homme perfectible. Il nous appartient de répondre à cette exigence.
Questions .
Pistes d'exploitations pédagogiques.