Mardi 11 octobre 2005

Discours de la Présidente du Sénat, Mme Anne-Marie Lizin,
à l'occasion de l'ouverture de la session 2005-2006

Chers collègues,

Permettez-moi de féliciter tout d’abord M. Van den Brande, qui, en tant que sénateur comptant la plus grande ancienneté parlementaire, a mené à bien l’ouverture des travaux de cette nouvelle session 2005-2006, assisté de nos deux plus jeunes collègues, Mme Anseeuw et M. Noreilde.

À vous tous, j’adresse mes remerciements pour la confiance que vous m’avez renouvelée, ainsi qu’aux autres membres du Bureau.

Quelles sont les tâches de notre Sénat en cette rentrée politique ? Elles sont nombreuses, variées et en pleine évolution.

Je les détaillerais de la façon suivante :

Les tâches liées à l’action gouvernementale et à son contrôle. Nous entendrons le Premier Ministre tout à l’heure. Les choix en matière de sécurité sociale figurent parmi les plus importants de notre décennie et je suis certaine que nos débats seront à la mesure de l’enjeu.

Les tâches liées au rôle institutionnel du Sénat face au monde en mouvement et à l’Europe en phase de mise en oeuvre de son élargissement. Le dynamisme du Sénat pour moderniser notre texte fondamental est bien réel : droits de l’enfant, et... le développement durable.

Chers collègues, la semaine dernière a eu lieu dans cet hémicycle, à l’initiative du Sénateur Delperée, une journée d’étude consacrée à la Constitution européenne et à la Constitution belge. Cette journée a été l’occasion de rappeler à plusieurs reprises qu’en réalité, la Constitution belge n’est plus, depuis longtemps déjà, la seule "norme juridique supérieure" du pays et que les législateurs belges ne sont pas les seules sources du droit interne.

La Convention européenne des droits de l’homme et l’Union européenne sont sans doute les exemples les plus évidents de cette réalité, mais on pourrait encore citer de nombreuses autres instances internationales qui ont une influence directe ou indirecte non seulement sur notre droit, mais aussi sur la vie quotidienne de tous les belges. Pensons par exemple au Conseil de l’Europe ou encore à l’Union économique de Benelux, à l’Organisation internationale du travail, etc.

Les conséquences de cette internationalisation sont nombreuses, mais deux d’entre elles me tiennent particulièrement à coeur, ainsi qu’à bon nombre d’entre vous : je pense au problème du contrôle démocratique des décisions qui sont prises à d’autres niveaux mais qui s’imposent à nous, et au problème de la subsidiarité.

Les parlements nationaux n’ont souvent pas voix au chapitre, ou alors si peu, au sujet des règles élaborées de cette manière, alors que pourtant leur rôle n’est pas toujours pleinement assumé, au niveau concerné, par un organe parlementaire ou par un organe au sein duquel les points de vue des parlements nationaux puissent être pris en considération de manière structurée.

Le transfert de compétences vers d’autres niveaux ne doit pas non plus aller au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs définis. Ce qui, au vu de la nature et de l’étendue de la matière à régler et des objectifs poursuivis, peut être réalisé de manière concluante au plan national, doit être réglé à ce niveau.

Ce principe était déjà en vigueur depuis longtemps au sein de l’Union européenne, mais par le passé, les parlements nationaux ne veillaient que trop peu à ce qu’il soit respecté. Du reste, ne doit-il pas s’appliquer aussi aux autres sources de droit non belges qui sont intégrées dans notre ordre juridique ?

Chers collègues, je pense qu’étant donné la mission constitutionnelle qui est la sienne, le Sénat peut jouer dans ces deux domaines un rôle important, tant sur le plan du contenu que sur celui de la coordination. La composition spécifique de notre Assemblée la rend particulièrement apte à cette mission, du moins aussi longtemps que certains forums internationaux ne tiendront pas compte de la structure étatique interne des pays membres ni de l’existence de parlements régionaux et, pour ce qui nous concerne, de parlements communautaires.

Au cours de cette nouvelle session parlementaire, j’entends, avec l’aide et le soutien du Bureau et de vous tous, continuer à m’investir dans ces deux domaines.

3° En lien avec cette évolution institutionnelle, notre Sénat doit s’inscrire dans la mise en oeuvre du mécanisme de subsidiarité, en respectant l’équilibre interne propre à notre pays.

L’un des instruments contenus dans la Constitution européenne pour combler spécifiquement le fossé entre le citoyen et les institutions européennes est le mécanisme de contrôle de la subsidiarité par les parlements nationaux.

Les citoyens ont souvent l'impression que l'Europe en fait trop dans certains domaines et pas assez dans d'autres. Ici, les parlements nationaux ont la possibilité de contribuer, au travers de l'instrument de la subsidiarité, à faire coïncider les actions européennes avec les aspirations des citoyens. Et l’on a pu se convaincre qu’il ne s’agit pas là de vains mots quand le Sénat et la plupart des autres parlements nationaux de l'Union européenne ont participé pleinement au premier test du mécanisme de contrôle de la subsidiarité dans le cadre de la COSAC.

Les résultats du test furent positifs : 14 assemblées ont indiqué que les textes de la Commission européenne examinés par leurs soins ne respectaient pas le critère de subsidiarité. Trois autres assemblées ont émis des doutes quant au respect de ce principe, sans toutefois se prononcer de manière négative. En ce qui concerne le Sénat, on peut tirer des conclusions suivantes :

Il est plus que probable qu’à l'avenir d'autres tests soient encore organisés. Le Sénat s'y investira pleinement en vue de mettre au point une procédure spécifique et d'assumer ainsi son rôle de chambre fédérale des régions.

Le rôle international du Sénat s’est conforté au fil des mois. Une belle échéance nous attend : celle de la présidence de l’O.S.C.E. en 2006, où nous pouvons accompagner le travail gouvernemental, en nous intéressant aux "conflits gelés", aux Droits de l’Homme, aux aspects économiques également. La visite de Monsieur Poutine a montré l’énorme importance de l’alternative gaz par rapport au pétrole. L’O.S.C.E. est un lien d’échange sur le terrorisme, et peut aussi être le lien d’un grand débat sur notre approvisionnement énergétique.

On parle trop peu de l’O.S.C.E. qui pourtant compte 55 pays, issus pour la plupart de la désintégration de l’U.R.S.S.

Au sein de l’Assemblée parlementaire de l’O.S.C.E., la délégation belge, et plus particulièrement les sénateurs, s’est montrée excessivement active depuis deux ans. Notre petit pays y a acquis une grande visibilité notamment en raison du fait que deux rapporteurs sur trois étaient belges lors de la session qui s’est tenue à Washington du 1er au 5 juillet derniers. Dans le cadre du thème général "Trente après l’Acte d’Helsinki 1: les défis à venir", votre Présidente y a présenté un rapport et un projet de résolution sur ce qu’il est coutume d’appeler le 3ème volet "dimension humaine" au sein de l’OSCE. Elle y a aussi présenté un rapport en sa qualité de Représentant spécial sur Guantanamo qu’elle a aussi eu l’occasion de remettre en mains propres au Vice-président des Etats-Unis.

Chers Collègues, vous avez aussi été plusieurs à participer aux missions d’observation des élections organisées par l’AP OSCE. Du 3 au 7 juillet 2006, le parlement fédéral sera l’hôte et l’organisateur de la session annuelle de l’AP OSCE. Votre Présidente qui conduit aussi la délégation belge (mixte Chambre/Sénat) aura à cœur, en bonne collaboration avec le Président de la Chambre, de faire de cet événement, pour lequel le Parlement européen a accepté de mettre ses locaux à notre disposition, une réussite.

Le 175ème anniversaire de la Belgique a déjà été, depuis le début de l’année 2005, l’occasion pour le Sénat de mettre en évidence son implication dans les courants sociaux les plus importants de notre pays. Le 8 mai fut décrété « jour de la mémoire » par notre Assemblée, car les journées de la Citoyenneté des 8, 9 et 10 mai 2005 rencontrèrent un véritable succès. Dans l’hémicycle et plusieurs salles du Sénat, de nombreux sénateurs, membres de la société civile et citoyens participèrent aux débats sur la Constitution européenne, sur l’inclusion sociale, le fédéralisme, le rôle des médias et sur l’éducation à la citoyenneté. Le 8 mai, jour anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe et de toutes les atrocités qui l’ont accompagnée, nous avait semblé la date indiquée pour commencer une telle réflexion.

L’enthousiasme des participants fut tel que notre Assemblée a décidé d’organiser une nouvelle journée sur le thème de la citoyenneté par l’éducation. Elle aura lieu le 8 mai 2006. La question de l’éducation à la citoyenneté y sera abordée dans une large perspective.

Ce 175ème anniversaire a également vu des centaines de photographes participer à notre concours, jeunes ou non, professionnels ou non. Nous avons réussi à faire du Sénat un lieu ouvert au monde de l’art et des artistes. Mais c’est la jeunesse, c’est vrai, que nous voulons concerner.

Avec le Prix Odissea, le Sénat a souhaité récompenser en 2005 un étudiant de dernière année d’une institution universitaire ou d’une haute école belge ayant présenté une étude ou une thèse sur un thème spatial au sens large. Ce prix doit permettre à son lauréat d’effectuer un séjour à l’étranger dans un organisme ou une société spatiale. Il a été baptisé Odissea en hommage à la mission réalisée en novembre 2002 par l’astronaute belge de l’ESA Frank De Winne à bord de la Station internationale ISS.

Le Sénat a voulu ainsi développer l’intérêt des jeunes pour les sciences en général, et l’espace en particulier, et souligner l’importance du domaine spatial pour la Belgique.

Le Parlement fédéral n’aura cependant 175 ans d’existence constitutionnelle qu’en 2006 : le 7 février précisément. Ainsi les 6, 7 et 8 février 2006, aux dates anniversaires exacts, le Sénat organisera dans son hémicycle une représentation théâtrale figurant l’adoption de la Constitution par le Congrès national. Fidèle à son objectif d’éducation à la citoyenneté, notre Assemblée permettra à des classes de sixième année primaire de tout le pays d’assister à cette représentation.

Un timbre-poste ayant pour thème « 175 ans de démocratie » et représentant le Palais de la Nation sera émis en collaboration avec le Sénat et la Chambre des représentants. La prévente publique de ce timbre aura lieu dans le péristyle du Parlement fédéral le 18 février 2006.

 

Cher(e)s Collègues,

Je continuerai également à m’investir – ici encore avec l’aide du Sénat tout entier – afin de soutenir pleinement la créativité des sénateurs. J’ai déjà évoqué la journée d’étude sur la Constitution, mais je pourrais citer aussi bien le séminaire sur les thèmes de Pékin + 10 et la place de la femme dans le cadre du vieillissement de la population, qui a également eu lieu la semaine dernière dans l’hémicycle, à l’initiative du Comité d’avis pour l’égalité des chances entre hommes et femmes et du groupe de travail «Vieillissement de la population ».

Quant à l’importance de la femme dans la société civile, mais également dans le monde politique, il convient de souligner la chancellerie allemande récemment confiée à une femme. Mme Angela Merkel devient ainsi la première femme à diriger l’Allemagne. La prochaine étape est peut-être une femme à la tête des Etats-Unis ?

Outre que de telles initiatives permettent au Sénat de resserrer les liens du monde politique avec la société civile – voire avec le simple citoyen –, avec les milieux académiques et les groupes cibles concernés, elles sont aussi une importante source d’inspiration pour les initiatives législatives indispensables.

Enfin, ces initiatives prouvent, au même titre que les travaux du Bureau au sujet du code de conduite des sénateurs ou que les travaux de la commission de la Justice concernant le nouveau Code de procédure pénale, que le Sénat continue à assumer son rôle dans les débats de société majeurs et qu’en dépit de moyens limités, il est en mesure d’accomplir un travail de grande qualité, y compris dans des matières très complexes, comme celle du Code précité.

En conclusion de cette importante liste de programmes, mes cher(e)s Collègues, je souhaite tout simplement vous redire que votre Présidente est là pour valoriser vos talents, que votre créativité est exceptionnelle, et que notre société bouge si vite que le Sénat et sa capacité à mener les grands débats de société est un lieu moderne, qui vit et qui reste ouvert à l’ensemble de la vie sociale. Grâce à vous que vous soyez de grands juristes (il y en a beaucoup), des spécialistes de l’informatique de pointe, des féministes, des médecins, des sénateurs concernés par les problèmes sociaux, des pédagogues, des artistes, des historiens ou des sportifs, cette Assemblée est à votre image, un lieu de débats passionnés et dignes, qui façonnent notre pays en ce début du 21ème siècle.

Pensez simplement que Google, ce moteur de recherche américain, envisage de numériser quelques 15 millions de livres, publiés avant 1900 et dès lors de réussir à déterminer pour les générations futures ce qui est, ce qui a été essentiel à notre culture devenue uniforme ! Quel enjeu pour les langues, quel enjeu pour l’Europe.

N’y a t’il pas là, matière à un de nos grand débats au sens de l’article 74 de notre Règlement ?

 

Je sais que rien de ce qui fait vibrer le monde ne vous est étranger. J’en serai le modeste témoin, avec au coeur la très grande fierté d’être à votre service.

Je déclare le Sénat constitué.

Il en sera donné connaissance au Roi, à la Chambre des représentants, de même qu’aux Conseils régionaux et de communauté.

Ik verklaar de Senaat voor samengesteld.

Hiervan zal kennis worden gegeven aan de Koning, de Kamer van volksvertegenwoordigers en ook aan de Gewest- en Gemeenschapsraden.

Hiermit erkläre ich den Senat für konstituiert.

Der König, die Kammer der Abgeordneten sowie die Regional- und Gemeinschaftsräte werden hiervon in Kenntnis gesetzt.


Pour plus d'info : Service de la communication du Sénat