Criminalité organisée

Criminalité organisée : la Belgique n'est pas épargnée

Le rapport final de la commission d'enquête sur la criminalité organisée vientd'être publié

L

es deux rapporteurs, les sénateurs Hugo Coveliers (VLD) et Claude Desmedt (PRL-FDF), nous expliquent de quoi il retourne.

L'argent du crime est blanchi

Le rapport final répond-il aux objectifs initiaux de la commission d'enquête ?

Hugo Coveliers (VLD) , rapporteur : Nous avons inclus les deux rapportsintermédiaires dans le rapport final. Dans ces deux rapports, nous avions défini lacriminalité organisée. Mais pour pouvoir en cerner l'importance, il fallait procéder àune analyse par branche. Nous avons sélectionné trois secteurs dont il est apparu qu'ilsétaient spécifiques à la Belgique : le secteur du pétrole, le secteur de la viande etdes hormones et le secteur du diamant.

La Belgique n'y échappe pas

Quelles constatations avez-vous faites ?

Hugo Coveliers : La criminalité organisée est un phénomène internationalauquel notre pays n'échappe certainement pas, et ce, notamment en raison de l'ouverturede notre économie, de la présence de centres de décision européens importants et dufait que, jusqu'à présent, nos services de police ne se sont guère intéressés à lacriminalité organisée.

Il est manifeste que la criminalité organisée est présente dans le secteur de laviande et des hormones. Les bandes organisées utilisent également descontre-stratégies, telles que la corruption et l'intimidation. Les services de douane,d'inspection vétérinaire ou de gendarmerie ne collaborent pas suffisamment.

Dans le secteur du pétrole, les carrousels aux accises sont également une forme decriminalité organisée.

Le secteur du diamant enfin, est particulièrement vulnérable. Il n'est pas, pardéfinition, entre les mains de la criminalité organisée. La vérité est que certainsgroupes criminels abusent de la réputation du commerce du diamant pour blanchirfacilement de l'argent issu d'activités criminelles.

Engager des experts-comptables extérieurs ?

Que propose la commission d'enquête ?

La police doit s'intéresser de plus près au phénomène de la criminalité organiséeet ne plus travailler au cas par cas. Cela signifie également que la police et le parquetdoivent coopérer, travailler en équipe, et se faire assister par des experts. Pourquoine pas suivre l'exemple néerlandais et engager ce que l'on appelle des experts-comptablesjudiciaires, bien payés, qui étudieraient pour la police des bilans, comptes etmouvements de capitaux ?

Si la police est en mesure de se faire une idée de la criminalité organisée dansnotre pays, elle pourra collaborer plus facilement avec les autres services de policeeuropéens, pour établir des liens entre les événements. C'est la seule manière deremonter jusqu'aux organisateurs des réseaux criminels.

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Roger Lallemand (PS) et Hugo Vandenberghe (CVP),
présidents de la commission d'enquête

Stupéfaction

Des publications récentes sur le milieu criminel dans certaines grandes villes ontstupéfié l'opinion publique.

Hugo Coveliers : Quand on constate que dans des villes comme Anvers et Liège,la criminalité organisée joue un rôle de premier plan, on est stupéfait, parce quecertains n'ont jamais voulu admettre que la criminalité organisée existe aussi dansnotre pays.

La criminalité organisée se développe le plus dans les pays où elle rencontre lemoins de résistance. C'était le cas en Belgique parce que l'on a longtemps refusé devoir le problème. Aujourd'hui, les choses ont changé. Cela permettra, espère-t-on, demieux maîtriser le phénomène. Par contre, il est vrai que les contre-stratégiesrisquent de devenir plus brutales et plus violentes.

Dilemme

La lutte contre la criminalité organisée et l'utilisation de techniques spécialesde police, telles que des agents sous couverture, des caméras cachées ou des appareilsd'écoute ne risquent-elles pas de porter préjudice à certains droits et libertésindividuels ?

Hugo Coveliers : Il faut toujours mettre les choses en balance : si l'on accordeaux citoyens une liberté absolue, c'est à la fois à celui qui respecte les normes et àcelui qui les enfreint. Les pouvoirs publics doivent examiner quelles sont les libertésdont ils peuvent priver le citoyen afin d'en préserver d'autres. Si les pouvoirs publicsveulent mettre la main sur ceux qui enfreignent les normes, ils devront restreindre unesérie de libertés. C'est un dilemme classique en démocratie.

Les techniques spéciales d'enquête ne vont-elles pas parfois très loin?

Hugo Coveliers : Si, car ces techniques permettent de tromper le citoyen : lespoliciers ne se présentent pas ouvertement comme tels. C'est pourquoi il faut uncontrôle strict et une politique de sanctions.

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Hugo Coveliers (VLD) et Claude Desmedt (PRL-FDF),
rapporteurs

Un phénomène inquiétant

Peut-on parler d'une réelle découverte du phénomène de la criminalité organisé?

Claude Desmedt (PRL-FDF) , rapporteur : La découverte de l'existenced'une criminalité organisée en Belgique est récente. L'analyse du phénomène varieselon les parquets et les services de police. Il n'est actuellement pas possibled'affirmer que ceux-ci ont clairement apprécié le phénomène.

Le phénomène de la criminalité organisée en Belgique n'ayant jamais fait l'objetd'une étude approfondie, le travail de la commission parlementaire d'enquêtereprésentait un défi considérable.

Or, une commission parlementaire d'enquête était un excellent moyen pour appréhenderla question en ce qu'elle dispose, sur une base légale indiscutable, de larges pouvoirsd'investigation.

Gangrène

Notre économie est-elle envahie par la criminalité organisée ?

Claude Desmedt : Un grand nombre de secteurs économiques sont gangrenés par cetype de criminalité sous des formes diverses, soit dans leurs structures mêmes, soit defaçon indirecte par le blanchiment d'argent.

L'épuration des secteurs infiltrés par la criminalité organisée ne pourra se faireque par l'éradication totale du phénomène. Il est difficile de prévoir lesconséquences économiques et sociales qui en découleraient, mais ces considérations nepeuvent constituer un obstacle à la lutte contre cette criminalité.

Attention aux droits de la défense

La lutte contre la criminalité organisée peut-elle être conciliée avec lerespect des droits du citoyen ?

Claude Desmedt : Les moyens législatifs classiques sont insuffisants. C'estpourquoi la définition de la criminalité organisée est une priorité. Il faut aussiexaminer ce qui peut être autorisé en matière de techniques spéciales d'enquête. Atout le moins, l'usage de ces techniques doit se faire sous contrôle judiciaire. En cequi concerne la recherche proactive, elle ne peut plus se faire qu'avec l'accordpréalable du parquet.

Des mesures à prendre ...

Quelles mesures faut-il prendre ?

Claude Desmedt : Il faut renforcer les moyens humains et leur assurer unemeilleure formation. Par ailleurs, l'information doit mieux circuler, tant entre lesdiverses administrations qu'entre les divers services de police. A cet égard, la réformedes polices et la création d'un parquet fédéral chargé de coordonner les enquêtesdevraient améliorer les choses.

La lutte contre le blanchiment serait certes favorisée par la levée du secretbancaire lorsque celui-ci permet de couvrir des délits.

La coopération internationale doit aussi être renforcée. Ce sera également une destâches du parquet fédéral.

... sinon l'Etat sera déstabilisé

Quelle est votre conclusion personnelle après deux ans de travail en commissiond'enquête?

Claude Desmedt : Le travail de la commission d'enquête était plus difficileque celui d'autres commissions plus médiatisées, car nous nous attaquions à unphénomène général, aux contours plutôt vagues.

La criminalité organisée a pris une ampleur insoupçonnable et est mal perçue parl'opinion publique. Il est évident que des crimes de sang ou des faits de pédophilie ontplus d'impact sur cette opinion que l'organisation d'un carrousel TVA ou le blanchimentd'argent. La criminalité organisée ne devient spectaculaire que si elle débouche surdes faits sanglants, comme ce fut le cas pour les trafics d'hormones.

Mais, même sans cet impact émotionnel, elle constitue un phénomène inquiétant quipeut fausser l'économie et, à terme, déstabiliser l'État. Il faut donc y sensibiliserl'opinion publique.

En juillet 1996, le Sénat a confié à la Commission parlementaire chargée d'enquêter sur la criminalité organisée en Belgique la mission suivante :

  • réaliser une enquête sur l'étendue, la nature et la gravité de la criminalité organisée en Belgique;
  • déterminer comment il serait possible de combattre cette criminalité organisée efficacement, par la voie juridique;
  • tirer des conclusions et formuler des recommandations et des propositions en vue d'atteindre cet objectif.

Dans le courant de l'année 1998, la commission d'enquête a publié deux rapports intermédiaires. Dans le premier, elle s'est attachée à définir la criminalité organisée. Dans le deuxième, elle a mis en lumière des techniques spéciales d'enquête que la police utilise dans la lutte contre la criminalité organisée.

 

Le Sénat veut un débat sur la loi relative à la prescription

L

e 10 décembre 1998, le Sénat a adopté la loi "Securitas". Aux termes de cette loi, la prescription d'une action publique peut être supendue dès que l'affaire est traitée par un tribunal qui doit statuer sur le fond.

Il était urgent d'allonger les délais de prescription parce que le dossier des attaques avec violence contre les transporteurs de fonds Securitas allait être frappé de prescription dès le 28 décembre. C'était le seul moyen d'empêcher que les braqueurs de fourgons Securitas échappent aux poursuites.

Les sénateurs ont fait preuve de compréhension à propos de la nécessité d'adopter ce projet de loi. Ils ont toutefois exprimé le souhait que l'on organise ultérieurement un vaste débat sur l'allongement des délais de prescription.

 

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