5-1532/2

5-1532/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 2011-2012

20 MARS 2012


RÉVISION DE LA CONSTITUTION


Révision de l'article 195 de la Constitution


AMENDEMENTS


Nº 1 DE M. LAEREMANS

Article unique

Remplacer cet article par ce qui suit:

« Article unique. Dans l'article 195 de la Constitution, les modifications suivantes sont apportées:

1º l'alinéa 1er est remplacé par ce qui suit: « La Chambre des représentants peut réviser toute disposition de la Constitution »;

2º les alinéas 2 à 4 sont abrogés;

3º l'alinéa 5, qui devient l'alinéa 2, est remplacé par ce qui suit: « La Chambre des représentants ne pourra délibérer si deux tiers au moins de ses membres ne sont présents; nulle modification de la Constitution ne sera adoptée si elle ne réunit au moins trois cinquièmes des suffrages. ».

Justification

L'article 195 de la Constitution a été ouvert à révision par le préconstituant en vue de revoir la procédure de révision de la Constitution telle qu'elle est contenue dans cet article. C'est précisément ce que les auteurs de la proposition NE font PAS: ils ne révisent en effet pas la procédure en soi mais ajoutent une disposition transitoire à l'article 195 dans le but de bétonner dans la Constitution un certain nombre d'éléments qui n'ont toutefois pas été ouverts à révision par le préconstituant.

Par le présent amendement nous voulons concrétiser les intentions initiales du préconstituant, en l'occurrence modifier la procédure de révision de la Constitution.

Actuellement, une révision de la Constitution, telle que la prévoit son article 195, nécessite une procédure extrêmement longue et compliquée, au point que celle-ci constitue un frein radical à l'adaptation de notre cadre constitutionnel à la réalité politique et sociale sans cesse changeante de notre pays.

Pour l'heure, une révision de la Constitution n'est en effet possible que si les étapes suivantes ont été parcourues au préalable.

L'initiative revient au préconstituant. En d'autres termes, la Chambre, le Sénat et le Roi doivent chacun déclarer quels sont les articles ou les parties d'articles de la Constitution qu'ils souhaitent voir soumis à révision. Seuls sont effectivement pris en considération les articles que les trois branches du pouvoir législatif fédéral déclarent toutes les trois soumis à révision et désignent explicitement en tant que tels. À la Chambre et au Sénat, le vote en la matière a lieu à la majorité simple.

Ensuite, dans un deuxième temps, les déclarations concordantes du préconstituant sont publiées au Moniteur belge, ce qui entraîne la dissolution automatique des chambres législatives. Des élections doivent avoir lieu dans un délai de quarante jours et les Chambres nouvellement élues doivent être convoquées dans les deux mois suivant les élections. Une modification de la Constitution ne peut donc, par définition, avoir lieu qu'après des élections et le renouvellement des Chambres; ce sont là des conditions très contraignantes.

La Constitution ne peut finalement être modifiée que dans un troisième temps par le constituant, ce dernier comprenant la Chambre des représentants et le Sénat nouvellement élus, et le Roi. À la Chambre et au Sénat, une révision de la Constitution requiert deux tiers des suffrages, deux tiers des membres de ces assemblées étant présents. Les possibilités dont ils disposent pour modifier la Constitution sont toutefois soumises à de nombreuses limitations, parmi lesquelles figurent les suivantes:

— La révision est uniquement possible pour les articles ou parties d'articles que le préconstituant a ouverts à révision; les articles que le préconstituant n'a pas déclarés ouverts à révision ne peuvent être révisés au cours de la législature.

— La révision est soumise à une contrainte de temps en ce sens qu'elle ne peut avoir lieu que durant la législature en cours.

En raison de la lourdeur de la procédure, il faut souvent attendre de nombreuses années avant que des articles de la Constitution puissent être modifiés, même lorsqu'il existe un large consensus démocratique quant à la nécessité de réviser certains articles.

Aujourd'hui, une majorité des partis reconnaît dès lors qu'il est urgent de modifier cette procédure laborieuse de révision de la Constitution. C'est pour cela, et pour cela seulement, que l'article 195 a été déclaré soumis à révision par le préconstituant au cours de la législature précédente pour permettre au pouvoir législatif fédéral actuel de le modifier dans le sens d'une simplification.

Outre les objections relatives à la lourdeur de cette procédure, il est également permis de lui reprocher de ne pas être totalement démocratique en ce sens qu'une révision de la Constitution ne peut actuellement être opérée que si le pouvoir législatif fédéral, à savoir le Roi, la Chambre des représentants et le Sénat, déclarent conjointement qu'il y a lieu à révision de la Constitution. Dans une société démocratique et parlementaire, il revient en principe uniquement au Parlement, en qualité de représentant des citoyens qui l'ont élu dans le cadre d'élections libres, de se prononcer sur des modifications à apporter au texte fondamental régissant l'organisation de l'État ainsi que les droits et les devoirs des citoyens.

Pour finir, la majorité des deux tiers actuellement nécessaire pour adopter une révision de la Constitution est ramenée à une majorité de 60 % de voix.

Le présent amendement tend donc, d'une part, à simplifier radicalement la procédure laborieuse de révision en vue de pouvoir y recourir à tout moment et, d'autre part, à la rendre plus démocratique en prévoyant que le Roi, qui n'est pas un organe élu, n'y intervient pas. Le Sénat en est également écarté, d'une part pour des raisons de simplification, et, d'autre part, parce qu'il serait préférable de supprimer cette assemblée.

Nº 2 DE M. LAEREMANS

Article unique

Dans le 1º, supprimer les mots « sans préjudice des dispositions spécifiques actuelles de la loi du 9 août 1988 portant modification de la loi communale, de la loi électorale communale, de la loi organique des centres publics d'action sociale, de la loi provinciale, du Code électoral, de la loi organique des élections provinciales et de la loi organisant l'élection simultanée pour les chambres législatives et les conseils provinciaux ni de celles relatives à la fonction des gouverneurs. »

Justification

Les Régions ne pourront exercer pleinement l'autonomie vis-à-vis des provinces, qu'on leur fait miroiter, que s'il n'existe pas d'exceptions à cette règle. La proposition actuelle contient toutefois encore des exceptions, notamment en ce qui concerne la loi dite de pacification et la fonction des gouverneurs.

En vertu de la loi de pacification, un Collège de gouverneurs de province a effectivement été créé. À l'égard des communes de Fourons et de Comines-Warneton, ce Collège détient, en tant qu'autorité administrative ou en tant que juridiction, une compétence contraignante d'avis et de décision concernant une série de matières afférentes aux communes ou aux CPAS. Il s'agit, pour ces communes, de matières telles que la nomination d'un bourgmestre en dehors du conseil, la suspension et la révocation d'échevins, les arrêtés d'annulation de décisions des autorités communales, conseils ou collèges de police, l'envoi d'un commissaire sur place et, en tant que juridiction, le règlement de litiges relatifs à l'élection de conseillers et d'échevins. En ce qui concerne les CPAS, il s'agit principalement de la révocation ou de la suspension des conseillers et de l'envoi d'un commissaire sur place et de nouveau, en tant que juridiction, des recours relatifs à l'élection du conseil ou du bureau permanent et des litiges relatifs aux mandats. Ce collège est tenu de se réunir mensuellement sur ces dossiers bien qu'en pratique, il n'ait pratiquement rien à faire. En effet, ces deux dernières années, il n'a traité aucun dossier. Il nous est donc permis de douter de son utilité.

Néanmoins, si le principe de cette réglementation est inacceptable, c'est surtout parce qu'il porte atteinte à la plénitude de compétences des Régions envers leurs pouvoirs subordonnées, tant au niveau des communes qu'au niveau des provinces.

Les autorités flamandes ont dès lors indiqué qu'elles souhaitaient mettre un terme à ces exceptions. À cet égard, il peut être renvoyé à une série de fiches rédigées le 30 août 2010 par l'administration flamande, à la demande du gouvernement flamand, en préparation de la sixième réforme de l'État. On peut par conséquent considérer qu'elles expriment le point de vue du gouvernement flamand. Plus concrètement, nous renvoyons aux fiches nos 17, 18 et 20:

« FICHE 17. BZ

Thème: élections locales et provinciales

Le problème:

La LSRI règle à l'article 6, § 1er, VIII, 4º, le transfert aux Régions de « (...) l'élection des organes provinciaux, communaux et intracommunaux, ainsi que des organes des agglomérations et fédérations de communes, en ce compris le contrôle des dépenses électorales y afférentes. »

Toutefois, ce transfert de compétences est incomplet et donne lieu à des anomalies.

Restrictions et exclusions:

[...]

2) Exception

La Région flamande ne peut pas modifier les règles inscrites par la loi de pacification du 9 août 1988 dans la loi communale, la loi électorale communale, la loi organique des centres publics d'aide sociale, la loi provinciale, le Code électoral, la loi organique des élections provinciales et la loi organisant l'élection simultanée pour les Chambres législatives et les conseils provinciaux (article 6, § 1er, VIII, 4º, a, LSRI).

Relèvent de cette exception:

1º) l'élection directe des échevins dans les six communes de la périphérie flamande et dans la commune de Fourons (article 15, § 2, de la nouvelle loi communale, inséré par la loi de pacification);

2º) l'élection directe des conseils de CPAS et du bureau permanent dans les six communes de la périphérie flamande et dans la commune de Fourons (article 17bis en article 27bis, § 1er, alinéa 2, loi organique CPAS, 8 juillet 1976, modifiée par la loi de pacification).

Anomalies constatées

[...]

b) Concernant les mandataires à élire

Par ailleurs, dans la commune de Fourons et les six communes de la périphérie flamande, tant les échevins que les conseillers de CPAS et les membres du bureau permanent du CPAS sont élus directement, ce qui n'est pas le cas dans les 301 autres communes et CPAS de Flandre.

Dans la pratique, l'élection directe des échevins garantit la présence de Flamands au collège des bourgmestre et échevins uniquement dans quelques communes périphériques. Dans ces communes qui ont un échevin flamand élu directement, le point concerné est examiné au conseil communal, à défaut de consensus au collège échevinal. Pour cette raison, il est nécessaire que la future réglementation continue de prévoir, à cet égard, les garanties nécessaires en ce qui concerne la participation des deux groupes linguistiques à la gestion des communes et des CPAS.

À cette fin, il est possible de prévoir dans la loi spéciale, à l'occasion du transfert de compétences, que l'autorité flamande garantit, dans les communes de la périphérie flamande et la commune de Fourons, la participation des deux communautés linguistiques à la gestion de la commune, en particulier en ce qui concerne leur présence dans le collège des bourgmestre et échevins et dans le bureau permanent du CPAS ainsi que la possibilité, en l'absence de consensus au sein de ces collèges, de soumettre une matière au conseil.

c) Anomalies techniques

Les élections directes des échevins, des conseils de l'action sociale et du bureau permanent sont organisées en application de règles fédérales, que les Régions ne peuvent pas modifier. À la suite de modifications à la loi électorale par le pouvoir décrétal flamand, cela engendre des anomalies plutôt techniques, qui compliquent l'organisation d'élections transparentes. Les plus évidentes sont les suivantes:

1. Composition paritaire des listes

La composition paritaire obligatoire des listes (proportion homme-femme) s'applique à l'élection des conseils communaux dans les 308 communes de Flandre, alors que cette parité obligatoire ne s'applique pas aux listes pour les élections directes des conseils de CPAS à Fourons et dans les six communes de la périphérie flamande.

2. Effet dévolutif du vote en tête de liste

Le vote en tête de liste compte pour déterminer le nombre de sièges obtenus par une liste et il détermine aussi l'ordre d'attribution des élus effectifs et des suppléants. Pour désigner les élus aux élections communales, la tête de liste compte pour un tiers dans les 308 communes flamandes, tandis que pour la désignation des conseillers de CPAS élus et des membres du bureau permanent dans les six communes de la périphérie flamande et à Fourons, l'effet de la tête de liste est pris en considération pour 50 %, en vue de déterminer l'ordre des élus et des suppléants.

3. Acte de présentation et acte de consentement

Le décret électoral du 10 février 2006 a supprimé l'acte de consentement. Par cet acte, le candidat devait déclarer qu'il consentait à sa présentation, il s'engageait à respecter la législation sur les dépenses électorales et il pouvait désigner un témoin, qui contrôlait au bureau de vote principal si tout se déroulait dans les règles. Ces dispositions sont reprises dans l'acte de présentation.

L'acte de consentement subsiste toutefois pour les élections des conseils de CPAS dans les six communes de la périphérie flamande et à Fourons. Pour les autres élections dans ces communes, à savoir les élections communales et provinciales, l'acte de consentement a été supprimé. L'acte de consentement est maintenu pour les candidats qui sont ressortissants de l'Union européenne pour les élections du conseil communal et du conseil de district.

4. Contentieux électoral

Il existe en Flandre une réglementation différente pour le contentieux électoral lors des élections locales. Le « Raad voor Verkiezingsbetwistingen » (Conseil pour les contestations électorales) se prononce sur les réclamations relatives aux élections communales dans toutes les communes flamandes et relatives aux élections des conseils de CPAS dans les communes de la périphérie flamande, à l'exception de Fourons. Par ailleurs, la députation se prononce sur les réclamations relatives aux élections directes des échevins du conseil de CPAS et du bureau permanent dans les six communes de la périphérie flamande. En outre, le Collège des gouverneurs de province est compétent pour se prononcer sur des contestations relatives aux élections communales, à l'élection directe des échevins, au conseil CPAS et au bureau permanent dans la commune de Fourons. Il est indispensable d'élaborer une seule réglementation qui s'applique à l'ensemble de la Flandre en matière de contentieux électoral sur les élections locales.

Proposition:

Un exercice homogène des compétences sur les administrations locales et provinciales implique que la Flandre doit être compétente pour l'ensemble du territoire flamand, y compris la réglementation relative aux élections dans les communes à régime linguistique spécial.

Transfert aux Régions de la compétence:

[...]

2º) en matière de réglementation relative aux élections communales, des conseils de CPAS, provinciales, pour ce qui concerne les communes à statut linguistique spécial. [...] »

« FICHE18. BZ

Thème: le régime des facilités

Le problème:

La cinquième réforme de l'État a entraîné un important transfert de compétences aux Régions en matière d'administrations locales.

Depuis le 1er janvier 2002, les Régions sont compétentes, en vertu de l'article 6, § 1er, VIII, 1º, LSRI pour les administrations locales et provinciales, sauf quelques exceptions matérielles et territoriales énumérées de façon limitative.

Concrètement, la Région flamande ne peut pas modifier:

— les règles insérées par la loi de pacification du 9 août 1988 dans la loi communale, la loi électorale communale, la loi organique des centres publics d'aide sociale, la loi provinciale, le Code électoral, la loi organique des élections provinciales et la loi organisant l'élection simultanée pour les Chambres législatives et les conseils provinciaux (article 6, § 1er, VIII, 1º, premier tiret, LSRI);

— les garanties pour les francophones dans les communes à facilités flamandes.

Anomalies constatées

1. Le régime des facilités n'a pas encouragé l'intégration

La pratique démontre que ce régime linguistique spécial n'a pas encouragé, au cours des 40 dernières années, l'intégration des habitants francophones dans les communes à facilités de la région linguistique néerlandophone. De même, l'utilisation exclusive du néerlandais comme langue administrative dans l'organisation communale interne reste problématique.

Enfin, des problèmes subsistent quant à l'application correcte du régime des facilités pour les habitants, même après les arrêts du Conseil d'État du 23 décembre 2004 sur les circulaires dites Peeters et Martens, notamment en ce qui concerne l'envoi de lettres de convocations aux élections.

2. Décret communal et décret électoral

Lors de la rédaction du décret communal et du décret électoral, il a fallu tenir compte de certaines restrictions, fixées dans la loi dite de pacification du 9 août 1988 et dans les lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative. Cela a engendré un certain nombre d'anomalies qui compliquent une organisation ordonnée de la gestion interne (cf. fiche élections locales et provinciales et fiche sur la réglementation de l'organisation des communes).

3. Le nom des communes

Le pouvoir décrétal flamand est compétent pour déterminer les noms des communes et des entités communales. Selon le Conseil d'État, une modification éventuelle du nom d'une commune doit tenir compte des garanties dont bénéficient les francophones dans les communes à facilités. Le Conseil d'État estime que l'existence d'un nom officiel dans l'autre langue nationale doit être considérée comme une de ces garanties. Le pouvoir décrétal flamand n'est donc pas compétent pour supprimer le nom français des communes dans une des communes à facilités.

L'autorité flamande ne peut donc pas exécuter une résolution adoptée à la quasi-unanimité par le Parlement flamand le 17 mai 2006 sur l'orthographe des noms des communes flamandes.

Proposition:

Un exercice homogène des compétences sur les administrations locales implique que la Flandre doit être compétente pour toutes les administrations locales sur l'ensemble du territoire flamand, à l'inclusion de la réglementation sur l'emploi des langues en matière administrative dans les communes à régime linguistique spécial.

[...]. »

« FICHE 20. BZ

Thème: Réglementation sur l'organisation des communes — Compétences élargies en ce qui concerne les six communes de la périphérie flamande et la commune de Fourons

Le problème:

La loi spéciale du 13 juillet 2001 portant transfert de diverses compétences aux Régions et Communautés accorde aux Régions la compétence sur « la composition, l'organisation, la compétence et le fonctionnement des institutions provinciales et communales » (l'article 4 modifie l'article 6, § 1er, VIII, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles).

Toutefois, ce transfert de compétences est incomplet. La Région flamande ne peut pas modifier les réglementations insérées par la loi de pacification du 9 août 1988 dans la loi communale, la loi électorale communale, la loi organique des centres publics d'aide sociale, la loi provinciale, le Code électoral, la loi organisant l'élection simultanée pour les Chambres législatives et les conseils provinciaux (article 6, § 1er, VIII, 4º, a, LSRI).

Dans l'intervalle, la Région flamande a promulgué le décret régional du 15 juillet 2005.

Anomalies constatées

La limitation de la compétence de la Région flamande donne lieu à des anomalies.

1. La présence des deux sexes au collège du bourgmestre et échevins

L'article 11bis de la Constitution oblige le pouvoir décrétal à régler la présence de personnes de sexe différent entre autres au sein des collèges des bourgmestre et échevins, des conseils de l'action sociale, des bureaux permanents des centres publics d'action sociale et des collèges de district.

Toutefois, cette obligation ne s'applique pas à l'élection directe des échevins, des membres du conseil du CPAS ou du bureau permanent dans les communes de la périphérie flamande et à Fourons.

2. L'appartenance du président du CPAS au collège des bourgmestre et échevins

La Région flamande n'est pas compétente pour organiser ou modifier l'élection des échevins dans les communes de la périphérie flamande et Fourons. L'article 15, § 2, de la nouvelle loi communale dispose que les échevins des communes périphériques et de Fourons sont élus directement par les électeurs communaux « de la manière suivante ». La Région flamande ne peut pas modifier « de la manière suivante « (fixée dans la nouvelle loi communale) en ajoutant un président de CPAS au collège des échevins élus directement, président actuellement nommé par le gouvernement flamand. Si c'était possible, il y aurait un échevin non élu directement au collège, contrairement aux dispositions de l'article 15, § 2.

3. La réduction possible du nombre d'échevins

L'article 11 du décret communal fixe uniquement un nombre maximum et minimum d'échevins. Les communes peuvent décider de nommer moins d'échevins que le maximum prévu dans le décret.

Toutefois, dans la commune de Fourons et les communes de la périphérie flamande, les échevins sont élus directement par les électeurs communaux et non par le conseil communal, conformément à l'article 15, § 2, de la nouvelle loi communale. La Région flamande n'est pas compétente pour modifier cette règle insérée par la loi de pacification. L'article 15, § 2, de la nouvelle loi communale n'a donc pas été abrogé. La possibilité de réduire le nombre d'échevins ne s'applique donc pas à la commune de Fourons et aux communes de la périphérie flamande. Cela viderait en effet le principe de l'élection directe des échevins dans ces communes de sa substance, où le nombre de mandats à pourvoir est connu au moment de l'élection.

4. Présence garantie de Flamands au collège échevinal et au bureau permanent du CPAS

Dans la pratique, l'élection directe des échevins garantit la présence de Flamands au collège des bourgmestre et échevins uniquement dans quelques communes périphériques. Dans ces communes qui ont un échevin flamand élu directement, le point concerné est examiné au conseil communal, à défaut de consensus au collège échevinal. C'est pourquoi il est nécessaire que la réglementation à élaborer en la matière continue à fournir les garanties nécessaires en ce qui concerne l'association des deux groupes linguistiques à l'administration des communes et des CPAS.

Il est possible de le faire en prévoyant dans la loi spéciale, à l'occasion du transfert de compétence, que l'autorité flamande garantit, dans les communes de la périphérie flamande et dans la commune de Fourons, l'association des deux communautés linguistiques à l'administration de la commune, en particulier en ce qui concerne leur présence au sein du collège des bourgmestre et échevins et du bureau permanent du CPAS, ainsi que la compétence de soumettre une matière au conseil à défaut de consensus au sein de ces collèges.

5. La limitation possible de la durée du mandat de l'échevin

La possibilité, prévue à l'article 45 du décret communal, de limiter dans le temps la durée du mandat d'un échevin par une mention dans l'acte de présentation, ne s'applique pas aux communes de la périphérie flamande et à Fourons. En effet, dans ces communes, les échevins sont élus directement.

6. Modification des limites communales

Les articles 297 et 298 du décret communal sur la procédure concernant la fusion et la scission de communes ne s'appliquent pas aux communes de la périphérie flamande et à Fourons. La modification des limites des communes de la périphérie flamande et de Fourons reste une compétence fédérale. Les articles 272 et 273 de la nouvelle loi communale restent d'application pour les communes périphériques et Fourons.

7. Le régime de la tutelle administrative pour Fourons

À la suite de la loi spéciale du 13 juillet 2001, l'autorité flamande est compétente depuis le 1er janvier 2002 pour l'organisation de la tutelle sur les communes de la périphérie flamande et Fourons.

Les arrêtés de la commune de Fourons relèvent de la règle de la tutelle, prévue dans le décret communal, à l'exception des arrêtés qui restent soumis aux règles fédérales en matière de tutelle qui sont prévues:

a. dans une série d'articles de la nouvelle loi communale énumérés explicitement à l'article 7 de la loi spéciale du 13 juillet 2001;

b. dans une série d'articles de la nouvelle loi communale que la loi de pacification a introduits dans cette nouvelle loi.

Cette réglementation est particulièrement complexe et est en contradiction flagrante avec la réforme et la simplification très importante de la tutelle administrative dans les 307 autres communes de Flandre.

Proposition:

Un exercice homogène des compétences sur les administrations locales et provinciales implique que la Flandre doit être compétente pour l'ensemble du territoire flamand, à l'inclusion de la réglementation relative aux communes à régime linguistique spécial.

[...] »

Il ressort clairement de ces fiches que le gouvernement flamand rejette toute forme de limitation de son autonomie en ce qui concerne ses compétences à l'égard des provinces et des communes, et qu'il entend disposer d'une compétence exclusive à cet égard. Sous cet angle, il va de soi que les limitations prévues, sur ce point, par la proposition des partis du gouvernement et de leurs alliés doivent être supprimées. Tel est l'objet du présent amendement.

[...] »

Nº 3 DE M. LAEREMANS

Article unique

Remplacer le 4º par ce qui suit:

« 4º les articles 4, 36, 42, 44, alinéas 2 et 4, 46, alinéa 5, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 55, 58, 59, 60, 69, 71, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 85, alinéa 3, 86, 87, 90, alinéa 1er, 91, alinéa 1er, 93, 95, 100, 151, § 2, 167, § 1er, alinéa 2, 174, alinéa 1er, 198 et titre IX, article 1er, alinéa 5, en vue de la suppression du Sénat; ».

Justification

Ces dernières années, il est apparu que, compte tenu de la manière dont le Sénat remplit aujourd'hui ses fonctions dans le modèle administratif belge, cette assemblée n'a pas de valeur ajoutée, et donc que son utilité sur le plan administratif, est insignifiante, voire nulle.

Pendant longtemps, le Sénat de Belgique a exercé les mêmes compétences que la Chambre des représentants, dans le cadre d'un régime bicaméral à part entière. Pour justifier ce bicaméralisme, ses défenseurs ont argué du fait que le législateur devait, lui aussi, être soumis à un certain contrôle et qu'il convenait dès lors que la seconde Chambre puisse, le cas échéant, se prononcer à son tour sur les lois votées par la première Chambre. Les opposants au bicaméralisme invoquent quant à eux son coût élevé, les retards sur le plan législatif et le fait qu'il n'a pas été démontré qu'un régime bicaméral fonctionne mieux qu'un régime monocaméral.

La réforme de l'État et la révision de la Constitution de 1993 ont limité le rôle constitutionnel du Sénat à celui d'une véritable deuxième Chambre, subordonnée en grande partie à la Chambre des représentants. Les débats importants ont lieu à la Chambre des représentants et le gouvernement n'est plus responsable devant le Sénat, si bien que ce dernier ne peut plus provoquer sa chute. Le gouvernement le montre d'ailleurs très clairement par l'attitude qu'il adopte vis-à-vis du Sénat. Le Sénat n'est plus compétent en matière de budget, ce qui représente une autre moins-value importante pour l'assemblée parlementaire. En outre, les articles 77 et 78 de la Constitution prévoient qu'en cas de différence entre l'issue d'un débat à la Chambre et au Sénat, c'est la Chambre des représentants qui a le dernier mot.

Néanmoins, pour que le Sénat conserve encore un certain sens, on lui a entre autres assigné un rôle de pacification communautaire. De par sa composition, le Sénat serait l'assemblée la plus à même de résoudre les problèmes entre les différentes Communautés. En effet, le Sénat est en partie composé de représentants qui n'ont pas été élus en tant que sénateurs, mais dans leur parlement régional. Dans la pratique, il s'est néanmoins avéré que le Sénat n'a pour ainsi dire jamais pu jouer ce rôle de pacification communautaire. Lorsqu'il est amené à émettre un avis sur des conflits dits d'intérêt opposant néerlandophones et francophones, le Sénat se borne soit à invoquer l'un ou l'autre texte vide de sens, soit à constater simplement qu'il est dans l'incapacité d'émettre un avis, faute de consensus entre sénateurs néerlandophones et francophones. Le Sénat a donc manifestement échoué dans sa mission de pacificateur.

Une autre mission assignée au Sénat lors de la dernière réforme de l'État est celle de Chambre de réflexion. Ici aussi, le bilan s'est révélé extrêmement maigre. Certes, le Sénat a organisé des débats qui ont connu un certain retentissement, notamment celui sur le droit de vote des non-Belges qui refusent la nationalité belge, celui sur l'euthanasie, etc. Mais tous ces débats ont à chaque fois été menés à nouveau à la Chambre des représentants. On peut sérieusement douter de la pertinence sociale de la répétition de ces débats dans les deux Chambres dans la mesure où ils s'y déroulent en respectant les mêmes lignes de conduite puisque ce sont les partis, et non les députés et les sénateurs, qui déterminent la forme et le contenu des débats.

Dans la Belgique actuelle, un régime bicaméral équivaut dès lors à un parfait gaspillage de deniers publics puisqu'il n'apporte aucune valeur ajoutée, tant au niveau qualitatif qu'au niveau quantitatif, au travail législatif et à la mission de contrôle du législateur. De même, le renforcement du Sénat en un Sénat des entités fédérées, ainsi qu'il en est de l'intention des partis de la coalition gouvernementale et de leurs alliés, n'a guère de sens au vu de l'échec total de cette institution dans le rôle limité qu'elle a eu à jouer jusqu'ici en ce domaine.

Le mieux serait donc d'abolir le Sénat, ce qui est la portée du présent amendement.

Nº 4 DE M. LAEREMANS

Article unique

Remplacer le 5º par ce qui suit:

« 5º les articles 115, 116, 117 et 118 en vue d'habiliter les communautés et la Région wallonne et la Région flamande à régler de façon autonome la composition, le fonctionnement et l'élection de leurs parlements; »

Justification

Nous sommes d'accord que les entités fédérées doivent avoir une plus grande emprise sur l'élection de leurs propres parlements. Cette compétence ne peut toutefois pas être limitée aux aspects relatifs à la fixation de la durée de la législature et à la date des élections, mais elle doit accorder aux entités fédérées la plus large autonomie possible en ce domaine.

L'objectif des partis de la coalition gouvernementale et de leurs alliés en proposant ces dispositions est également de faire coïncider les élections fédérales avec les élections du Parlement européen et, surtout, même si cela est moins évoqué, alors que c'est clairement l'intention sous-jacente, de les faire ainsi coïncider avec les élections des parlements des entités fédérées. L'idée sous-jacente est claire: subordonner à nouveau davantage les parlements et gouvernements des entités fédérées, en particulier le gouvernement et le parlement flamands, au niveau politique fédéral et les priver de toute dynamique autonome. Cet objectif s'inscrit pleinement dans une stratégie de récupération belge, et nous pensons que tel ne peut être l'objectif poursuivi.

Le fait que les entités fédérées soient également autorisées à fixer elle-même, par décret spécial ou ordonnance spéciale, la durée de la législature ainsi que la date de l'élection de leur assemblée n'est pas contraire à cette stratégie de récupération belge. Comme cette fixation requiert une majorité spéciale, il suffit en effet pour une minorité de forces réactionnaires (Groen, sp.a. et Vld) d'empêcher la mise en œuvre de ce principe par les entités fédérées, en particulier l'entité fédérée flamande. En l'occurrence, il s'agit donc plutôt d'une compétence théorique qui est confiée aux entités fédérées et qui, dans la pratique, sera très difficile à mettre en œuvre.

Dans le cadre d'une autonomie la plus large possible des entités fédérées, il n'appartient en effet pas au législateur spécial de fixer la date d'entrée en vigueur de ces dispositions, mais uniquement aux entités fédérées mêmes qui sont concernées. C'est la raison pour laquelle nous supprimons également la dernière disposition de la proposition déposée par les partis du gouvernement et leurs membres.

Nº 5 DE M. LAEREMANS

Article unique

Supprimer le 6º.

Justification

L'accord communautaire sur la sixième réforme de l'État prévoit une scission imparfaite, et à certains égards particulièrement préjudiciable pour les Flamands, de la circonscription électorale de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Voici les conséquences néfastes de cette scission pour la Flandre.

a. Les six communes de la périphérie

La scission proposée prévoit certes que Bruxelles devient une circonscription électorale distincte et que Hal-Vilvorde est joint à l'arrondissement de Louvain pour former la circonscription électorale du Brabant flamand, mais les six communes flamandes de la périphérie bruxelloise constituent une exception importante à cet égard. En vertu de cet accord, ces six communes flamandes feront désormais partie tant de la circonscription électorale de Bruxelles que de la circonscription électorale du Brabant flamand. Dans ces communes, tant les listes bruxelloises que les listes du Brabant flamand figureront sur les bulletins de vote.

Il ne s'agit donc pas, en l'occurrence, d'un droit d'inscription: les habitants de ces six communes ne devront pas se déplacer à Bruxelles s'ils veulent voter pour les listes bruxelloises, comme l'exigeait, à l'époque, le Pacte d'Egmont, et comme c'est toujours le cas à Fourons et à Comines. Tous les obstacles sont de ce fait levés.

L'une des conséquences inévitables est que le nombre de suffrages exprimés dans ces communes en faveur des listes bruxelloises va exploser. Les partis francophones vont donc se concentrer pleinement sur « les Six », qui feront plus intensément que jamais l'objet d'une propagande subversive et impérialiste, ce qui donnera donc un véritable coup de fouet à la francisation électorale. Mais les candidats flamands de Bruxelles pourront évidemment aussi venir y faire campagne. Et les listes du Brabant flamand y limiteront leur propagande électorale au strict minimum.

Il importe aussi de noter que les candidats à la Chambre ne doivent pas résider dans la circonscription électorale où ils se présentent. À l'avenir, il sera donc toujours possible de se porter candidat sur la liste d'une autre Région. Cela signifie que les bourgmestres ou les échevins francophones des « Six » pourront sans problème se présenter sur les listes bruxelloises. Le succès de ces listes dans les six communes de la périphérie est donc assuré d'avance.

Dès à présent, il existe en effet déjà, dans cinq des six communes à facilités, une large majorité francophile. Tout porte donc à croire que la grande majorité de ces habitants voteront pour des listes bruxelloises. Il s'agit donc bel et bien d'un élargissement électoral de Bruxelles, comme l'a déclaré triomphalement le libéral francophone Armand De Decker. Nous obtenons une circonscription électorale du « Grand Bruxelles », comptant 25 communes. Les « Six » sont électoralement annexées.

Ces communes sont en outre arrachées à leur canton électoral original. Wemmel est enlevée au canton électoral de Meise, Wezembeek-Oppem et Kraainem au canton de Zaventem, Linkebeek, Drogenbos et Rhode-Saint-Genèse au canton de Hal. À la place est créé un nouveau canton électoral, à première vue complètement artificiel, celui de « Rhode-Saint-Genèse », composé de communes géographiquement très éloignées l'une de l'autre et n'ayant généralement aucun lien territorial entre elles. Toutefois, si l'on considère la formation de ce nouveau canton sous l'angle de l'annexionnisme bruxellois vis-à-vis de ces six communes, on se rend immédiatement compte du but dans lequel ce nouveau canton est créé. En d'autres termes, la création de ce canton ne peut être considérée que comme une étape intermédiaire vers un rattachement de ces communes à Bruxelles. Il est d'ailleurs tout aussi significatif et symbolique que c'est précisément la commune de Rhode-Saint-Genèse qui a été choisie comme chef-lieu de ce canton: c'est en effet via cette commune que la francophonie de ce pays entend mettre en place le corridor entre Bruxelles et la Wallonie qu'elle appelle de ses voeux, afin de faire ainsi de la Fédération Wallonie-Bruxelles une réalité géographique.

Dorénavant, à la suite de cette réforme, ce canton sera de toute façon provisoirement balloté entre Bruxelles et le Brabant flamand, et créera déjà, au niveau électoral, le corridor entre Bruxelles et la Wallonie. Non seulement la mainmise de Bruxelles sur ces communes sera sérieusement renforcée, mais en plus, on pourra vérifier très précisément, à l'avenir, à quel rythme le nombre de voix flamandes diminue dans ces communes, avec toutes les conséquences néfastes et démotivantes qui s'ensuivent.

Par le biais de leur regroupement en un seul canton, on confère en outre aux six communes de la périphérie un statut administratif distinct. Un aspect important, à cet égard, est que toutes les dispositions concernant les communes de la périphérie, y compris celles concernant ce nouveau canton, seront ancrées dans la Constitution. De plus, ces dispositions ne pourront plus être modifiées que par une loi spéciale. Cela signifie qu'elles ne pourront plus jamais être abrogées ou modifiées par une majorité flamande, mais uniquement par une majorité dans les deux groupes linguistiques, alors que, jusqu'à présent, cette matière pouvait être réglée à la majorité simple, au besoin exclusivement flamande. De la sorte, les francophones verrouillent non seulement ces nouvelles facilités dans ces six communes flamandes, mais y voient également — à juste titre, d'ailleurs — une rupture définitive avec le caractère « temporaire » de ces facilités.

b. Bruxelles

Si cet accord porte fortement préjudice aux six communes de la périphérie, ce sont néanmoins les Flamands de Bruxelles qui en sont les principales victimes. Non seulement ils doivent tolérer que près de 30 000 voix des communes à facilités viennent renforcer les partis francophones de Bruxelles, mais en plus, on leur enlève explicitement le droit d'apparenter leurs listes. Ils peuvent pourtant le faire pour les actuelles élections régionales, du Sénat et européennes. Pour ces élections, il faut en effet d'abord choisir un groupe linguistique. Ensuite, les voix sont comptées séparément par groupe linguistique. Ce n'est que pour la Chambre que cela sera dorénavant impossible, malgré la nécessité évidente d'une telle pratique à Bruxelles, étant donné la position très minoritaire des Flamands dans la capitale. Le texte de l'accord communautaire est on ne peut plus clair à ce sujet: à Bruxelles s'applique un seuil électoral global de 5 % (et donc pas un seuil de 5 % au sein de chaque groupe linguistique) et la technique de l'apparentement et du groupement de listes est explicitement exclue.

De ce fait, les Flamands de Bruxelles ne pourront plus, à l'avenir, déléguer, en pratique, le moindre représentant à la principale assemblée politique du pays, à savoir la Chambre des représentants. Aucun parti flamand ne pourra en effet atteindre à lui seul le seuil électoral de 5 %, et a fortiori le seuil de 6,5 %, qui est nécessaire en pratique pour remporter un siège. À cause de ce système perfide, l'ensemble des 15 sièges bruxellois reviendront à des partis francophones.

Les partis flamands n'ont pourtant pas voulu cette situation, comme en témoignent les propositions de scission qu'ils ont déposées par le passé à la Chambre et au Sénat. Dans ces propositions, on avait effectivement élaboré une solution par le biais de l'apparentement entre les partis flamands de Bruxelles et ceux du Brabant flamand et entre les partis francophones et ceux du Brabant wallon. Ce système permettait de ne perdre aucune voix.

Les négociateurs ont renoncé à suivre cette piste en raison de l'avis négatif rendu par le Conseil d'État concernant ce système. Mais dans le même temps, toute alternative qui aurait effectivement pu résister au contrôle du Conseil d'État a été empêchée. C'est pourtant précisément le renforcement des voix francophones à Bruxelles grâce à celles des communes à facilités qui a été un argument massue pour prévoir un mécanisme de protection pour les néerlandophones.

Ainsi que nous l'avons déjà signalé, il était pourtant possible d'éviter cela très facilement en instaurant un système de pools, à l'instar de ce qui se fait déjà lors des autres élections. Si l'on appliquait ce système pour la Chambre, les partis flamands remporteraient deux sièges à la Chambre avec le nombre de voix qu'ils obtiennent actuellement. Concrètement: aux élections régionales, européennes et nationales de 2009 et 2010, les listes flamandes à Bruxelles ont obtenu entre 47 000 et 59 000 voix sur un total d'environ 460 000 voix, c'est-à-dire entre 10,5 et 12,6 %. Si l'on répartit d'abord les sièges à la Chambre par groupe linguistique et ensuite par parti, les partis flamands obtiendraient alors deux élus.

Aux termes de cet accord, les francophones ont réussi à s'approprier tous les sièges de la Chambre pour la circonscription électorale de Bruxelles. C'est pourtant totalement injuste dès lors que les francophones sont devenus une minorité à Bruxelles et qu'ils n'ont absolument pas droit à la totalité de ces 15 sièges. Ce nombre élevé de sièges (pour à peine 460 000 électeurs) s'explique uniquement par le nombre très élevé d'étrangers à Bruxelles (officiellement quelque 30 % de la population). Les sièges de la Chambre sont en effet attribués sur la base du nombre d'habitants et non sur la base du nombre d'électeurs. Le signal qui est aujourd'hui donné est que tous ces étrangers seront désormais représentés uniquement par des francophones dans la plus haute assemblée politique du pays.

Le dispositif retenu pour Bruxelles a également de lourdes conséquences sur la répartition linguistique au sein même de la Chambre: les Flamands passeront de 88 à 86 sièges à la Chambre. Aujourd'hui déjà, les francophones sont surreprésentés à la Chambre. En 2010, en effet, il n'a fallu que 40 397 voix pour décrocher un siège à la Chambre dans la partie francophone du pays (62 sièges pour 2 504 587 voix), alors qu'il a fallu réunir 45 713 voix pour obtenir un siège à la Chambre en Flandre (88 sièges pour 4 022 780 voix). Si le nombre de sièges flamands à la Chambre est ramené à 86, la différence sera bien entendu encore plus grande: il faudrait pas moins de 46 777 voix pour décrocher un siège à la Chambre en Flandre alors qu'il n'en faudrait que 39 134 dans la partie francophone du pays, soit une différence de 20 % au détriment des sièges flamands à la Chambre !

La conséquence la plus probable (et indiscutablement aussi l'effet escompté) de cette situation révoltante est sans doute que des hommes politiques flamands vont, individuellement ou en groupe, s'adresser à des partis francophones pour obtenir une place sur leurs listes. Dans le cadre d'une telle stratégie, les hommes politiques flamands seront complètement à la merci du bon vouloir des francophones. S'ils ont de la chance et s'ils s'aplatissent devant les francophones, ils « pourront » être candidats sur une liste francophone, sans la moindre garantie d'être élus, bien évidemment. On est en droit de supposer que les hommes politiques flamands dotés d'un minimum de réflexe flamand ne feront certainement pas cette démarche. Dans le meilleur des cas, au demeurant fort improbable, cela débouchera sur l'élection d'un ou, au maximum, de quelques élus « flamands » sur des listes francophones, qui devront se plier aux quatre volontés des partis francophones.

L'impact de la réglementation proposée aujourd'hui est dès lors considérable: elle rend totalement inutile toute voix pour un parti flamand à Bruxelles. Par conséquent, les Bruxellois voteront de moins en moins pour les partis flamands. En d'autres termes, les Flamands sont anéantis sur le plan politique, et notre capitale, qui était bilingue, devient ainsi une ville francophone sur le plan électoral. On assassine politiquement les Flamands bruxellois.

Dès lors que les partis qui ont conclu cet accord partent aussi explicitement du principe que cette proposition de scission impliquera que plus aucun Flamand ne pourra être élu à Bruxelles et plus aucun francophone en Brabant flamand, le régime des sénateurs cooptés est maintenu, mais dans un Sénat réformé, qui ne comptera plus d'élus directs. L'intention est d'aider quelques Flamands bruxellois et quelques francophones de Hal-Vilvorde à obtenir un mandat parlementaire fédéral. Or, il est clair que c'est parfaitement inutile pour les Flamands bruxellois. En effet, le nouveau Sénat ne s'occupera que de dossiers constitutionnels et communautaires, ainsi que de la concertation entre les Communautés. Les traités internationaux relèveront également des compétences du Sénat. Bien que les partis associés à la négociation se soient explicitement engagés à faire entrer au Sénat, par cooptation, plusieurs candidats non élus provenant de Bruxelles et du Brabant flamand afin que les deux « groupes minoritaires » puissent faire entendre leur voix, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une piste qui ne constitue pas, pour les Flamands bruxellois, une alternative en vue de leur représentation au niveau politique fédéral. En effet, le nouveau Sénat ne conservera que peu de compétences et, abstraction faite de quelques exceptions, il ne sera plus associé au processus décisionnel politique fédéral.

Il convient d'ajouter, pour être complet, que la réglementation appliquée pour la scission de l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde en ce qui concerne les élections de la Chambre des représentants s'appliquera aussi, conformément à l'accord communautaire, pour les élections du Parlement européen. Sur ce point aussi, la Flandre sera dès lors amputée, sur le plan électoral, des six communes de la périphérie.

c. Les effets néfastes, en termes stratégiques, de la proposition de scission

Un aspect de cette réforme est particulièrement choquant: les francophones des six communes à facilités seront finalement bien mieux lotis, sur le plan électoral, que les Flamands de la capitale, puisqu'il n'y aura pas de perte de voix de leur côté, contrairement à ce qui passera pour les Flamands de Bruxelles. Les francophones des six communes à facilités sont donc surprotégés. De plus, ils contribuent eux-mêmes également à la marginalisation des Flamands de Bruxelles, étant donné que leurs votes renforcent encore les francophones bruxellois. En revanche, rien n'est fait pour les Flamands de la capitale.

Il faut du reste être naïf pour croire que cette réforme mettra fin aux listes francophones en Brabant flamand après la scission de BHV. Nous ne serons sans doute pas confrontés à une liste francophone unique. Une telle liste n'aurait pour le moment aucun sens, puisque la plupart des électeurs francophones radicaux habitent dans les communes à facilités et voteront donc pour des listes bruxelloises. Pour maximiser leur nombre de voix en dehors des communes à facilités, les partis francophones ont tout intérêt à se présenter sur des listes séparées. Le système des sénateurs cooptés encourage perfidement une telle attitude: les voix francophones récoltées à Hal-Vilvorde seront ainsi comptabilisées pour déterminer la répartition des quatre sièges francophones cooptés du Sénat entre les partis francophones. Les partis francophones ont du reste aussi tout intérêt, d'un point de vue financier, à se présenter séparément, puisque le financement du parti dépend en majeure partie des votes émis lors des élections fédérales.

Il existe une différence considérable entre une participation séparée et une participation conjointe par le biais d'une liste unique. Prenons l'exemple des élections européennes et flamandes de juin 2009. Lors de l'élection du Parlement flamand, la liste unique UF (emmenée par le FDF Van Eycken, mais soutenue par tous les grands partis francophones) a recueilli au total 44 491 de voix à Hal-Vilvorde. Le même jour, 74 616 votes ont été émis pour le Parlement européen, soit 30 000 de plus. Les scores francophones sont donc bien plus élevés en cas de participation séparée. C'est non seulement intéressant pour la caisse des partis francophones, mais en plus, ils peuvent ainsi proclamer avec beaucoup plus de force qu'une grosse « minorité » de francophones habite dans le Brabant flamand.

Vu que le système des sénateurs cooptés est spécialement maintenu pour permettre aux « minorités » de Bruxelles et du Brabant flamand d'être représentées, il va de soi que les partis francophones coopteront effectivement, au sein du nouveau Sénat, des habitants du Brabant flamand venant de communes sans facilités linguistiques. Il est même possible qu'il y ait une surenchère et que trois, voire même tous les cooptés francophones (quatre donc au maximum) viendront du Brabant flamand. Ils joueront alors le rôle d'agitateurs professionnels qui seront bien payés pour exiger de nouveaux droits pour les Bruxellois exilés et pour jeter l'opprobre sur la Flandre au niveau international. Cela renforcera considérablement la francisation en dehors des communes à facilités au lieu de la tempérer. La situation risque de devenir bien pire qu'elle ne l'est déjà actuellement.

Pour que les choses soient claires: actuellement, deux francophones de Hal-Vilvorde siègent à la Chambre, mais ils viennent tous deux d'une commune à facilités: Damien Thiéry, bourgmestre FDF de Linkebeek, et Myriam Delacroix-Rolin, bourgmestre cdH de Rhode-Saint-Genèse. À l'avenir, ils se feront indubitablement élire à la Chambre dans la circonscription électorale de Bruxelles. À l'avenir, par le biais du système de la cooptation, des francophones venant d'autres communes que les communes à facilités seront donc aussi bombardés membres du parlement fédéral.

Le nouveau système ira donc à l'encontre de l'intégration électorale des allophones au lieu de la favoriser et incitera beaucoup plus d'allophones à continuer à voter pour des listes non néerlandophones. Les avantages de la scission sont ainsi en grande partie supprimés. Nous resterons confrontés à des affiches du MR, du FDF, du PS, d'Ecolo et du cdH. Pire encore: l'arrondissement de Louvain (Tervuren, Kortenberg, ...) y sera dorénavant également confronté.

La principale bourde dans cette réglementation est cependant que les négociateurs flamands n'auraient jamais dû accepter de lier la situation des Flamands bruxellois à celle des francophones de Hal-Vilvorde, parce qu'il s'agit là de deux situations totalement différentes. On ne peut absolument pas comparer les Flamands habitant dans la ville bilingue de Bruxelles aux francophones habitant dans le Brabant flamand unilingue. La situation des Flamands bruxellois a, jusqu'à présent, toujours été liée à celle des francophones dans l'ensemble de la Belgique. La protection et les privilèges relatifs dont bénéficient les Flamands de la capitale (parité dans le gouvernement et pour les hauts postes de fonctionnaires au niveau communal et régional) sont liés à la protection et aux avantages dont bénéficient les francophones au niveau fédéral. Il s'agit, en la matière, de l'un des équilibres de base du pays.

Ce qui est proposé en l'occurrence constitue un revirement extrêmement important dans les équilibres des forces politiques en Belgique: les Flamands de Bruxelles seront minorisés et leurs droits seront à l'avenir de plus en plus alignés sur ceux des francophones en Brabant flamand en dehors des communes à facilités. Et Bruxelles même deviendra une ville à domination francophone, la minorité flamande y étant tout au plus tolérée. On usera et abusera de plus en plus souvent de leur situation pour obtenir des droits supplémentaires pour les francophones en Brabant flamand.

Qui plus est, les francophones ont ainsi joué un coup stratégique très important sur l'échiquier de l'avenir politique de ce pays et de ce qui lui succédera. Si le pays devait jamais être scindé, il serait désormais beaucoup plus aisé pour les francophones d'exiger les six communes de la périphérie en tant que partie de Bruxelles. En outre, les Wallons renforcent ainsi nettement l'espoir qu'ils ont de garder Bruxelles en cas de scission du pays grâce au corridor formé par la commune de Rhode-Saint-Genèse. Dans ces conditions, Bruxelles ne sera plus réellement enclavée en Flandre.

Nous citons, à cet effet, un extrait d'une interview du professeur Hugues Dumont, professeur de droit constitutionnel aux Facultés Saint-Louis à Bruxelles, parue dans Le Soir du 16 septembre 2011 au sujet de cet accord: « Les six communes à facilités deviennent, sur le plan électoral, un canton hors norme et constitutionnalisé, ce qui me semble de la plus haute importance. Ce canton électoral sera rattaché à la fois à la conscription électorale de Bruxelles et à celle du Brabant flamand.

Le Soir: C'est une forme de corridor démocratique au fond ...

Dumont: Oui, sûrement, d'autant que dans ces six communes il y a Rhode-Saint-Genèse qui forme une continuité territoriale entre Bruxelles et la Wallonie. Et l'on ne peut pas négliger l'hypothèse, que je ne souhaite pas, d'une négociation future sur la partition de l'État belge. Ce caractère exceptionnel de ce canton électoral serait un des arguments que l'on pourra invoquer contre la transformation brutale de la frontière linguistique en une frontière internationale. C'est un point essentiel. »

Dans une série de treize questions et réponses, le MR fait la même analyse. À la question « Est ce que les frontières linguistiques peuvent devenir des frontières d'état ? », il répond avec assurance: « Non. La garantie constitutionnelle accordée aux communes à facilités permettra à celles-ci d'être prémunies contre toute exigence flamande d'annexion à un futur État flamand. » L'hypothèse que la Flandre « annexe » encore un jour « les six communes » est donc définitivement exclue aux yeux des francophones.

Dans La Libre Belgique du 15 septembre 2011, le commentateur Francis Van de Woestyne est encore plus précis. Concernant le droit de voter pour des listes bruxelloises dans les communes à facilités, il écrit: « Sur le plan géostratégique, c'est important. Si demain les partis flamands devaient provoquer la scission du pays, ces six communes seraient presque de facto rattachées à Bruxelles. »

Le même jour, Béatrice Delvaux, du journal Le Soir, évoque encore un peu plus clairement la stratégie francophone, qui vise à gagner du temps: « Gagner du temps sans perdre trop d'éléments fondamentaux (lien Wallonie-Bruxelles, statut de Bruxelles) pour pouvoir préparer ces deux Régions à une prévisible future scission du pays. »

Tout ceci illustre à suffisance que les politiques, les professeurs et les journalistes francophones sont bel et bien en train de préparer la dissolution du pays et qu'avec la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde telle qu'elle est prévue, ils ont pu redistribuer les cartes politiques nettement à leur avantage. Si cet accord est réalisé, il empêche dans une large mesure que la frontière linguistique actuelle devienne aussi à terme une frontière d'État.

La conclusion est donc que les modifications proposées de cet article de la Constitution n'ont pas pour but « de garantir les intérêts légitimes des néerlandophones; [...] dans l'ancienne province du Brabant », mais au contraire de les détruire complètement à Bruxelles, de continuer à les saper dans les six communes de la périphérie, et d'entraver fondamentalement l'aspiration flamande à l'autonomie. Étant donné que la disposition proposée par les partis du gouvernement et leurs alliés vise de surcroît à ancrer ces concessions flamandes fondamentales dans la Constitution et dans des lois spéciales pour les soustraire ainsi définitivement à une éventuelle décision de la majorité démocratique flamande de ce pays, il va de soi que nous souhaitons supprimer complètement cette disposition.

Nº 6 DE M. LAEREMANS

Article unique

Supprimer le 7º.

Justification

Ces dispositions visent à habiliter la Région de Bruxelles-Capitale à exercer des compétences culturelles, le cas échéant, à coopérer avec d'autres Communautés ou à conclure des traités internationaux dans ces matières. Nous supposons que cela s'inscrit essentiellement dans le cadre de la disposition de l'accord de gouvernement qui prévoit le transfert des matières biculturelles (restantes) du niveau fédéral à celui de la Région de Bruxelles-Capitale.

Un tel transfert de compétences représente toutefois une rupture complète avec la structure fédérale telle qu'elle a été bâtie jusqu'ici au fil des réformes de l'État successives. Jusqu'ici en effet, on est parti d'une construction fédérale par le biais d'une répartition équilibrée des compétences entre les Communautés et les Régions, les premières correspondant davantage à la vision flamande de fédéralisation du pays et les secondes représentant davantage la vision francophone. En attribuant à présent des compétences communautaires à une Région, dans le cas précis à la Région de Bruxelles-Capitale, l'accent dans la structure fédérale de ce pays est déplacé vers les Régions et les équilibres communautaires dans ce pays sont définitivement déplacés au détriment des Flamands. Ce faisant, on donne à tout le moins une forte impulsion en vue de faire effectivement de la Région de Bruxelles-Capitale une entité fédérée à part entière au même titre que la Wallonie et la Flandre, on évince de cette manière la Flandre de Bruxelles et, dans le cadre de la structure étatique belge, on la confine dans une position minoritaire face à deux Régions dominées complètement ou majoritairement par les francophones. La mise en place d'une Belgique fédérale composée de trois entités fédérées à part entière est ainsi bien engagée. Cette évolution facilite également à certains égards l'intégration de Bruxelles dans la Fédération Wallonie-Bruxelles.

La Flandre a cependant une vision totalement différente de la composition et de la structure de la fédération belge.

Dès le 3 mars 1999, le Parlement flamand a indiqué dans une de ses cinq résolutions maintenant bien connues, que le principe de départ doit être le caractère dual de la structure étatique fédérale, avec un statut spécifique pour Bruxelles qui doit être administrée sur un pied d'égalité par les Flamands et les francophones. (Parlement flamand, doc. 1341 (1998-1999).

Les gouvernements flamands successifs se sont rangés sans réserve derrière cette vision, en dernier lieu encore dans l'accord de gouvernement flamand du 15 juillet 2009: « Notre vision de Bruxelles est déterminée par notre vision de l'évolution étatique de la Belgique. Cette vision se fonde sur une structure duale fondamentale de deux entités fédérées avec, à côté, un statut spécifique pour Bruxelles et une Communauté germanophone. Cela signifie que les deux entités fédérées peuvent, dans leur capitale commune, participer à part entière à la politique dont l'intérêt dépasse le niveau urbain » (traduction).

Les propositions actuelles dans cette partie de révision de la Constitution y sont diamétralement opposées et sont particulièrement préjudiciables à l'avenir de la Flandre. C'est pourquoi le présent amendement tend à supprimer ces dispositions.

Nº 7 DE M. LAEREMANS

Article unique

Supprimer le 8º.

Justification

Les partis de la coalition gouvernementale et leurs alliés n'ont pas encore précisé clairement le but de ces dispositions, mais nous pensons qu'elles s'inscrivent dans le cadre de la mise en œuvre programmée de la possibilité offerte aux entités fédérées de promulguer des décrets communs. Ils n'ont pas non plus exprimé ouvertement quelle était leur intention sous-jacente, mais nous regardons cela avec la plus grande méfiance. Il est en tout cas notoire que les francophones de ce pays s'efforcent de renforcer au maximum les liens institutionnels entre la Région de Bruxelles-Capitale, d'une part, et la Communauté française et la Région wallonne, d'autre part, afin de subtiliser (un peu plus) Bruxelles à la Flandre et de donner forme à leur Fédération Wallonie-Bruxelles. La création de la possibilité pour les entités fédérées de promulguer des décrets communs est, à la lumière de ces évolutions, extrêmement dangereuse pour la Flandre. C'est pourquoi nous souhaitons supprimer ces dispositions.

Nº 8 DE M. LAEREMANS

Article unique

Supprimer le 9º.

Justification

L'objectif de cette disposition est d'empêcher constitutionnellement que les entités fédérées puissent invoquer des conflits d'intérêts à l'encontre de mesures fédérales concernant la base imposable, le taux d'imposition, les exonérations ou tout autre élément intervenant dans le calcul de l'impôt des personnes physiques.

Cette disposition limite très fortement les possibilités des entités fédérées de s'opposer à des décisions du pouvoir fédéral sur les points précités. Pourtant, ces possibilités revêtent une importance particulièrement grande pour les entités fédérées, étant donné la manière dont leur financement est réglé par l'actuelle loi spéciale de financement et eu égard à la future modification de celle-ci, comme l'envisagent les partis du gouvernement et leur alliés, par l'accord communautaire qu'ils ont conclu dans le cadre de la sixième réforme de l'État. Une limitation des possibilités d'action politique des entités fédérées n'est pas souhaitable et doit dès lors être supprimée.

Nº 9 DE M. LAEREMANS

Article unique

Supprimer le 10º.

Justification

Ces dispositions visent à bétonner dans la Constitution et dans des lois spéciales l'accord des partis du gouvernement et de leurs alliés sur le dédoublement de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles.

Ces dispositions de l'accord communautaire ont toutefois des conséquences catastrophiques en ce qui concerne l'administration de la justice pour les néerlandophones de Bruxelles et est à la base de la francisation judiciaire de Hal-Vilvorde. Ces conséquences s'expliquent de la manière suivante:

1. Situation actuelle

Pour bien comprendre, il faut évidemment considérer la situation actuelle de l'arrondissement judiciaire. Le tribunal et le parquet de Bruxelles-Hal-Vilvorde sont certes bilingues, mais l'importante loi de 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire tient largement compte du caractère unilingue de l'arrondissement de Hal-Vilvorde.

L'arrondissement est scindé en un territoire intra muros (les 19 communes de Bruxelles), qui est considéré comme bilingue, et un territoire extra muros (les 35 communes de Hal-Vilvorde), qui est traité comme un territoire unilingue. Il existe toutefois une exception limitée pour les communes à facilités. Les justices de paix peuvent y rendre des jugements en français, susceptibles de recours auprès d'un juge francophone. Pour le reste, dans l'arrondissement de Hal-Vilvorde, les citations sont toujours introduites en néerlandais et ensuite, la procédure est en principe menée en néerlandais.

Aujourd'hui déjà, il peut y être dérogé, comme dans l'ensemble du pays, mais dans ce cas, les deux parties doivent en faire la demande au juge en début de procédure. S'il y consent, il envoie le dossier à une autre chambre du tribunal bruxellois. Le dossier est alors transmis ailleurs en Flandre ou en Wallonie, à un tribunal de l'autre rôle linguistique, de l'autre côté de la frontière linguistique. Cette mesure est rarement utilisée car les avocats la déconseillent; généralement, ils perdent en effet ainsi leur client.

Depuis la scission du barreau bruxellois en 1985, l'unilinguisme de l'arrondissement de Hal-Vilvorde est également respecté par les avocats. L'article 430 du Code judiciaire prévoit très clairement que seuls les avocats de l'Ordre néerlandais (à savoir l'ordre des avocats néerlandophones) peuvent avoir leur cabinet dans l'arrondissement administratif de Hal-Vilvorde. Les avocats francophones doivent avoir leur cabinet dans les limites de Bruxelles-19.

Pour de multiples raisons, la situation actuelle dans le grand arrondissement de Bruxelles (le nom officiel ne renvoie pas à Hal-Vilvorde) n'est toutefois pas satisfaisante. Les tribunaux sont vastes, complexes et doivent tenir compte des différentes sources du droit (Parlement fédéral, Parlement flamand, Parlement de Bruxelles-Capitale, Commission communautaire flamande et Commission communautaire commune, Parlement de la Communauté française, ...), également sur les plans pénal et fiscal. À Bruxelles, le problème classique de l'arriéré judiciaire est de ce fait particulièrement important, mais il l'est également en raison d'une mauvaise gestion. Les tribunaux bruxellois sont également compétents pour des dossiers totalement étrangers aux arrondissements de Bruxelles ou de Hal-Vilvorde. Ainsi, le tribunal de police de Bruxelles est saisi d'un très grand nombre d'accidents de roulage qui se sont produits en Flandre occidentale ou au Luxembourg, mais qui, simplement compte tenu du siège de la compagnie d'assurance, doivent tout de même être jugés à Bruxelles.

Il y a en outre d'importantes exigences en matière de bilinguisme, ce qui est logique dans un tribunal bilingue. Ainsi, au sein des tribunaux (première instance, tribunal du travail, tribunal de commerce) et du parquet, deux tiers de l'ensemble des magistrats doivent justifier de la connaissance de la deuxième langue. Dans la pratique, c'est surtout la Flandre qui fournit des magistrats bilingues. Malgré un assouplissement important des examens linguistiques, il est de plus en plus difficile de trouver des magistrats bilingues. Il y a une dizaine d'années, le ministre de la Justice Marc Verwilghen a contourné cette difficulté en élargissant le nombre de « magistrats de complément », auxquels ne s'applique aucune exigence linguistique. Il a ainsi très généreusement accédé aux exigences des francophones. Il aurait fallu, au minimum, compenser cette mesure en exigeant une connaissance de base passive de la seconde langue pour tous les nouveaux magistrats, afin qu'ils soient capables de lire les jugements de leur propre tribunal.

S'agissant du parquet, il est admis depuis longtemps déjà que BHV constitue un territoire beaucoup trop étendu et diversifié (à la fois urbain et rural) pour pouvoir être géré de manière efficace. Diriger un parquet de plus de 100 magistrats sur un territoire aussi complexe constitue une tâche quasiment impossible.

2. Trois propositions de loi

Trois propositions de loi ont été déposées afin de changer la situation actuelle: la proposition Maingain-Bacquelaine (FDF-MR), la proposition Vandenberghe (CD&V) et la proposition Laeremans (VB).

2.1. Laeremans. La proposition la plus récente, du sénateur Laeremans, a été présentée le 2 décembre 2010 et organise une scission (verticale) complète, tant du parquet que des tribunaux. Elle prévoit la mise en place, d'une part, d'un propre parquet et de tribunaux néerlandophones distincts pour la zone Hal-Vilvorde (avec le maintien des facilités dans les six communes, et, par conséquent, d'un certain nombre de magistrats bilingues), et, d'autre part, d'un parquet bilingue et de tribunaux distincts unilingues (néerlandophones et francophones) à Bruxelles. Un quart des magistrats à Bruxelles seraient bilingues.

Dans cette proposition, la cour d'appel est également scindée, avec une cour d'appel bilingue compétente pour les 19 communes et une nouvelle cour d'appel néerlandophone à Louvain, compétente pour le Brabant flamand et le Limbourg. Le nombre d'habitants de cette nouvelle juridiction équivaudrait environ à celui de la cour d'appel d'Anvers « réduite » (près de 1,9 million d'habitants, pour 1,7 million dans la province d'Anvers).

Cette proposition de loi était surtout une réaction aux propositions du groupe de travail Atomium, qui voulait transformer le paysage judiciaire en une structure très étrange: les tribunaux de première instance et les parquets y étaient organisés par province, tandis que la réorganisation des tribunaux de commerce et du travail était basée sur les limites du ressort de la cour d'appel. La mise en œuvre de cette proposition aurait non seulement engendré une structure beaucoup trop complexe et désordonnée, mais elle aurait également eu pour effet de rattacher les tribunaux de commerce et du travail unilingues néerlandophones de Louvain aux tribunaux bilingues bruxellois: un recul considérable !

Cette proposition montre qu'il est parfaitement possible d'élaborer une alternative réaliste: un tribunal pour Hal-Vilvorde comparable à celui de Louvain, et, à Bruxelles, des tribunaux néerlandophones viables et capables d'entrer en saine concurrence avec les tribunaux francophones. En ce qui concerne le nombre de magistrats, ce projet ne lésait pas les tribunaux francophones par rapport à la situation actuelle. De plus, Bruxelles conservait 90 % de ses magistrats, alors que la superficie de sa juridiction rétrécissait tout de même de 36 %. Il s'agissait d'une solution réaliste et équitable si l'on tient compte notamment de la charge de travail plus importante et de la criminalité plus élevée à Bruxelles. Au total, la création de ces nouveaux tribunaux et de la cour d'appel supplémentaire nécessitait une quinzaine de magistrats supplémentaires.

2.2. Vandenberghe. La proposition de loi Vandenberghe (citée notamment en modèle dans la « note De Wever ») est basée sur la scission du barreau bruxellois: les tribunaux bilingues sont divisés en un tribunal néerlandophone, compétent pour Bruxelles et Hal-Vilvorde, et un tribunal francophone, compétent pour Bruxelles (et auquel pourront également être confiées des affaires pénales de Hal-Vilvorde traitées en français, comme c'est le cas actuellement). C'est pour cette raison que l'on parle de scission asymétrique ou horizontale.

Le parquet est quant à lui scindé en un parquet néerlandophone pour Hal-Vilvorde et un parquet bilingue pour Bruxelles. Un aspect très singulier et inacceptable de cette proposition est que la procédure judiciaire pour les Bruxellois néerlandophones serait prise en charge par le parquet de Hal-Vilvorde. Dans ce cas de figure, le parquet de Bruxelles ne serait pas pleinement au service des néerlandophones de Bruxelles, qui deviendraient ainsi en quelque sorte des citoyens de seconde zone.

L'un des principaux arguments avancés par Vandenberghe contre une scission verticale est qu'elle aurait pour effet d'affaiblir considérablement la présence flamande à Bruxelles. Cet argument n'est pas convaincant. En décembre 2010, l'Ordre néerlandais (c'est-à-dire les avocats flamands inscrits au barreau de Bruxelles) comptait 2 481 avocats, dont pas moins 1 912 avaient leur cabinet à Bruxelles, contre seulement 569 à Hal-Vilvorde. Avec ses 1 912 avocats, le barreau néerlandophone de Bruxelles devance encore et toujours le barreau anversois (1 836 avocats). C'est pourquoi les Flamands n'ont pas à redouter d'être inévitablement marginalisés à Bruxelles en cas de scission verticale. Beaucoup dépendra de la manière dont la scission sera opérée et de la taille du nouveau tribunal néerlandophone à Bruxelles.

Le maintien de l'actuel arrondissement judiciaire empêche l'organisation, en Brabant flamand, d'un tribunal organisé provincialement (conformément à ce qui a été convenu dans l'intervalle dans l'accord sur la Sécurité et la Justice du 28 octobre — voir infra). Qui plus est, on empêche que la Flandre puisse, à terme, être autonome en matière de Justice sur l'ensemble de son territoire. Hal-Vilvorde reste en effet un appendice de Bruxelles.

2.3. Maingain. La proposition de loi déposée par le FDF Maingain et son président de groupe libéral Bacquelaine conserve le parquet unitaire (avec, certes, un dédoublement fonctionnel) et divise les tribunaux (on parle de « dédoublement linguistique ») en tribunaux unilingues dont les compétences sont totalement égales tant pour Bruxelles que pour Hal-Vilvorde. Les exigences de bilinguisme imposées aux magistrats sont totalement supprimées à cet égard. Ce « dédoublement » impliquerait un élargissement gigantesque des facilités en justice et mettrait totalement en péril l'unilinguisme de Hal-Vilvorde.

Il est frappant de constater que la proposition ne demande pas de faciliter la procédure de changement de langue; elle est juste alignée de manière analogue sur les autres tribunaux. La proposition de loi du président du FDF est du reste extrêmement sommaire. Les cadres linguistiques ne sont pas évoqués et aucune augmentation du nombre de magistrats francophones n'est exigée.

3. L'accord des partis de la coalition gouvernementale et de leurs alliés en ce qui concerne la réforme de l'arrondissement judiciaire de Bruxelles

3.1. Scission du parquet et de l'auditorat du travail

Le seul point positif de cet accord est la création d'un parquet distinct pour Hal-Vilvorde, qui permettra de développer une politique de sécurité sur mesure pour la région. Mais ce nouveau parquet est immédiatement fortement infecté par la présence de magistrats du parquet francophones, qui ont la tâche explicite de canaliser les dossiers d'allophones vers le tribunal francophone. Ceci est, pour diverses raisons, totalement inacceptable. Le régime linguistique du parquet bruxellois, qui sera dorénavant toujours placé sous la direction d'un procureur francophone, est aussi tout à fait inacceptable.

Un régime similaire est prévu pour l'auditorat: un auditorat néerlandophone distinct pour Hal-Vilvorde, avec un chien de garde francophone. Et un auditeur bruxellois qui sera toujours francophone.

3.1.1. Parquet et auditorat de Hal-Vilvorde: immédiatement infectés

Le parquet de Hal-Vilvorde sera composé de « 20 % du cadre actuel du parquet de Bruxelles (=BHV) incluant les magistrats de complément. Ce parquet est composé de magistrats néerlandophones dont 1/3 est bilingue. » Et c'est ensuite qu'il est précisé que: « Des magistrats francophones bilingues fonctionnels, correspondant à 1/5 du nombre de magistrats néerlandophones de HV, seront détachés du parquet de Bruxelles en vue du traitement par priorité des affaires francophones. Ils prendront ces affaires en charge dès le choix de la langue française par le suspect. Ils sont sous l'autorité du procureur du Roi de Hal-Vilvorde en ce qui concerne l'application des directives de politique criminelle mais sont sous l'autorité hiérarchique du procureur du Roi de Bruxelles. »

Concrètement: le cadre actuel du parquet de BHV comprend 92 statutaires et 29 magistrats de complément, soit 121 personnes. Un cinquième de ce nombre correspond à 24. Le parquet de Hal-Vivorde comportera donc 24 magistrats du parquet néerlandophones, dont 8 sont « fonctionnellement » bilingues. Une obligation de bilinguisme « approfondi » (donc plus exigeante) s'applique au nouveau procureur. Il s'y ajoute 5 francophones bilingues détachés, qui recevront directement leurs ordres du procureur bruxellois francophone. Dans la pratique, nous obtenons donc une section francophone au sein du parquet néerlandophone de Hal-Vivorde, qui est dirigée directement depuis Bruxelles. Cela soulève d'importantes objections.

1. La politique de poursuites sera donc différente à Hal-Vilvorde selon que l'on est francophone ou néerlandophone. Les dossiers francophones devront en effet être traités en priorité. Sur quoi peut se fonder une telle priorité ? Les auteurs francophones sont-ils d'une quelconque manière plus importants que les auteurs néerlandophones ? Pourquoi met-on en place, en l'occurrence, une politique de deux poids deux mesures ?

2. Pourquoi est-il aussi indispensable que les délinquants francophones qui commettent une infraction à Hal-Vilvorde, mais qui sont très souvent domiciliés à Hal-Vilvorde, soient poursuivis par des magistrats de parquet francophones, qui relèvent de surcroît de la hiérarchie du procureur francophone de Bruxelles ? Que reproche-t-on dès lors aux magistrats de parquet néerlandophones qui ont réussi un examen de bilinguisme et qui effectuent d'ailleurs actuellement déjà ce travail à Hal-Vilvorde avec une équipe ? Pourquoi tant de méfiance (et de mépris) à l'égard de magistrats néerlandophones ? Et pourquoi ces magistrats francophones doivent-ils seulement justifier d'un « bilinguisme fonctionnel » et non d'un « bilinguisme approfondi » alors qu'ils travaillent pourtant dans une région unilingue néerlandophone ?

3. Pourquoi ces magistrats de parquet francophones ne peuvent-ils dès lors être placés sous l'autorité du procureur de Hal-Vilvorde ? En instaurant deux hiérarchies, on crée surtout beaucoup d'anarchie, ce qui est en contradiction avec la nécessité d'une politique de sécurité uniforme à Hal-Vilvorde. Nulle part ailleurs dans ce pays un procureur ne peut saboter ainsi un autre procureur. Nulle part ailleurs un procureur ne peut exercer une compétence disciplinaire sur des magistrats qui relèvent d'un autre procureur.

4. Cette réglementation va totalement à l'encontre du principe de territorialité et méconnaît complètement le caractère néerlandophone de Hal-Vilvorde. Même dans les communes à facilités, on ne nomme plus actuellement de personnel francophone, mais uniquement des personnes ayant un diplôme établi en néerlandais qui, dans un certain nombre de cas, doivent faire la preuve de leur connaissance du français. Compte tenu de la problématique des facilités, il n'est pas illogique, en effet, qu'une partie des magistrats flamands connaissent le français, mais cela ne justifie absolument pas la désignation de magistrats francophones.

5. Cette réglementation impliquera que, dans les dossiers impliquant un auteur allophone, toute l'enquête sera confiée à un juge d'instruction francophone, et que l'enquête sera menée, en grande partie, en français, même si de nombreuses autres parties sont néerlandophones. Exemple: Un trio de voleurs roumains originaire de Hal cambriole des familles néerlandophones à Dworp et les témoins sont néerlandophones. Dans ce cas, l'enquête sera malgré tout menée, en grande partie, en français, et la police (néerlandophone) sera invitée à effectuer autant de devoirs d'enquête que possible en français. Cette réglementation contribuera incontestablement à la francisation de Hal-Vilvorde.

6. Les juges d'instruction et les juges répressifs francophones de Bruxelles sont, depuis toujours, beaucoup plus laxistes que leurs collègues néerlandophones. Dès lors, les suspects et les étrangers francophones choisiront systématiquement la procédure en langue française, même s'ils parlent couramment le néerlandais et habitent à Hal-Vilvorde et même si les victimes sont néerlandophones. Les conséquences seront rapidement perceptibles. Si un suspect est arrêté et opte pour la procédure en langue française, le risque sera beaucoup plus grand qu'il soit relâché sur-le-champ et qu'il puisse reprendre ses activités criminelles. Il est donc loin d'être sûr que les choses s'amélioreront beaucoup sur le terrain à Hal-Vilvorde.

7. L'Ordre des barreaux flamands proteste aussi avec véhémence contre ce détachement de cinq magistrats francophones du parquet, et ajoute un argument très pertinent: « Le parquet bilingue de Bruxelles manque déjà de magistrats. Les francophones bilingues sont indispensables au parquet de Bruxelles. L'arriéré de ce parquet ne sera pas réglé demain en dépit de la scission. » (traduction)

Dans une interview parue dans le Juristenkrant du 26 octobre dernier, M. Jos Colpin, premier substitut et ancien porte-parole du parquet de Bruxelles, a réagi particulièrement sèchement: « Comment ont-ils pu imaginer une chose pareille ? Ces personnes dépendent du procureur de Bruxelles. Comment le chef de corps de Hal-Vilvorde pourra-t-il dès lors mener une bonne politique du personnel ? Tout cela donne l'impression que l'intention est de créer un poste d'adjoint du procureur du Roi de Bruxelles. J'espère que cela ne se passera pas comme ça. De plus, nous n'avons pas besoin de ces francophones à Hal-Vilvorde. Les néerlandophones y maîtrisent suffisamment le français pour traiter eux-mêmes les affaires en français, comme c'est le cas aujourd'hui et comme cela a toujours été le cas ces dernières décennies. Je présume qu'il y a des intentions politiques là-derrière, c'est-à-dire l'intention de garder une influence de plus en plus grande à Hal-Vilvorde dans la perspective de l'élargissement de Bruxelles. » (traduction)

Les règles applicables au parquet s'appliquent aussi mutatis mutandis à l'auditorat du travail. Quatre des sept néerlandophones de l'auditorat de Bruxelles iront s'installer à Hal-Vilvorde, où ils seront accompagnés d'un francophone détaché, qui, sur le plan hiérarchique, continuera à dépendre de l'auditeur de Bruxelles (toujours) francophone.

3.1.2. Parquet et auditorat de Bruxelles: démantèlement progressif du bilinguisme

« Dans l'attente de la fixation des cadres, notamment sur la base de la charge de travail, le parquet de Bruxelles se composera désormais d'un cinquième de néerlandophones, de quatre cinquièmes de francophones. Sur l'ensemble des magistrats un tiers seront bilingues. »

Lue conjointement avec le chapitre précédent (parquet de Hal-Vilvorde), cette réglementation implique que le parquet de Bruxelles garde un cadre de 97 magistrats, dont 19 néerlandophones et 78 francophones. Nous aurions préféré une proportion de 25/75 (cf. la proposition de loi Laeremans) au lieu de 20/80, mais eu égard au volume de travail francophone très élevé en matière pénale à Bruxelles, nous pouvons l'accepter. Malgré tout, ces 20 % de néerlandophones sont un minimum absolu. Si l'on passe en dessous de ce seuil, les magistrats du parquet néerlandophones risquent d'être totalement marginalisés. C'est ce qui va vraiment se passer à terme, vu que le cadre définitif dépendra de la charge de travail. Or, pour nous, 20 % est un seuil absolu.

Par contre, nous ne sommes absolument pas d'accord avec la fin progressive de l'obligation de bilinguisme au parquet, qui passe de 2/3 à seulement 1/3. Comme Bruxelles est une ville bilingue et que le parquet bruxellois doit collaborer tant avec le tribunal néerlandophone que francophone et avec des policiers néerlandophones et francophones, une obligation de bilinguisme généralisée reste nécessaire pour les magistrats du parquet. Étant donné que la règle d'1/3 s'applique globalement et non par groupe linguistique, les francophones ne sont presque plus incités à passer un examen de bilinguisme. On pourrait au moins imposer à tous les magistrats du parquet une connaissance passive de l'autre langue nationale, afin qu'ils soient capables de comprendre les documents et les jugements dans l'autre langue.

Ce qui est encore pire, si c'est possible, c'est que le parquet bruxellois sera toujours dirigé à l'avenir par un procureur francophone, assisté par un adjoint néerlandophone. Cette réglementation est discriminatoire et presque raciste, car elle implique qu'un néerlandophone, quelle que soit sa compétence, ne pourra jamais exercer la fonction du procureur du Roi dans sa propre capitale. Et que le plus grand et le plus important parquet du pays, ayant juridiction sur les institutions internationales, ne pourra plus jamais être dirigé par une personne parlant la langue de la majorité du pays.

On justifie cette situation par l'argument selon lequel le procureur de Hal-Vilvorde est toujours un néerlandophone, mais c'est un faux argument. Les deux situations ne sont pas comparables et ne peuvent donc pas être mises en corrélation. Bruxelles est en effet la capitale bilingue du pays, où néerlandophones et francophones devraient être traités sur un pied d'égalité. Aujourd'hui, le rôle linguistique du procureur général de Bruxelles et celui du procureur sont liés: ils ne peuvent jamais appartenir au même rôle linguistique. Qui plus est, un néerlandophone doit toujours avoir un successeur francophone et vice versa. À l'avenir, il sera donc possible que tant le procureur que le procureur général de Bruxelles soient francophones, de sorte que les Flamands auront beaucoup moins d'emprise sur la politique sécuritaire dans la capitale. Cette réglementation illustre donc une fois de plus que Bruxelles, ville bilingue, est en train de devenir une ville à dominance francophone, dans laquelle les néerlandophones sont relégués au rang de citoyens de seconde zone.

Les règles pour le parquet de Bruxelles s'appliquent également mutatis mutandis à l'auditorat du travail. Un cinquième des membres sera néerlandophone et quatre cinquièmes seront francophones. Cela signifie que trois magistrats de parquet néerlandophones resteront à Bruxelles, tandis que les francophones conserveront leurs 12 magistrats. Ici également, le bilinguisme est réduit à 1/3 et il y aura un auditeur francophone à titre définitif. Nous formulons les mêmes critiques à l'égard de cette réglementation qu'à l'égard de celle qui s'applique au parquet.

3.1.3. Nombre de magistrats de parquet

La taille du nouveau parquet de Hal-Vilvorde semble raisonnable en soi, également par rapport à Bruxelles. Un parquet de 24 membres (inutilement augmenté de 5 magistrats francophones détachés) semble effectivement suffisant. Bruxelles conserve ainsi un cadre de 97 personnes, un chiffre plus de quatre fois supérieur aux 24 magistrats de Hal-Vilvorde. Eu égard aux statistiques très élevées en matière de criminalité, aux associations de malfaiteurs, au grand banditisme et aux nombreux illégaux dans la capitale, cette répartition paraît correcte.

Par rapport à Louvain, on ne peut pas dire non plus que Hal-Vilvorde est désavantagé. Louvain compte actuellement 18 magistrats de parquet pour 490 000 habitants. Avec 24 magistrats néerlandophones, il n'y aura pas de pénurie de magistrats à Hal-Vilvorde (600 000 habitants).

Le parquet de Bruxelles-19 sortira renforcé de cette opération. À l'heure actuelle, le parquet a un cadre de 92 statutaires (61F-31N) et de 29 magistrats de complément (20F-9N), soit au total 121 personnes. En pratique, 20 places statutaires (2 néerlandophones et 18 francophones) sont toutefois vacantes depuis un certain temps déjà. Les effectifs sont donc actuellement de 101 unités.

Les francophones éprouvent beaucoup de difficultés à trouver des magistrats de parquet bilingues pour satisfaire à l'obligation des 2/3. Il y a actuellement 27 francophones bilingues pour un cadre francophone de 61, soit un déficit de 14. Le système des magistrats de complément a d'ailleurs été créé pour contourner cette obligation de bilinguisme. Grâce à la nouvelle réglementation (qui n'impose plus le bilinguisme qu'à 1/3 de tous les magistrats du parquet), il pourra rapidement être pourvu à toutes les vacances du côté francophone, puisqu'aucune des nouvelles recrues ne devra plus être bilingue.

Lorsque le cadre sera complet, Bruxelles disposera de 97 magistrats du parquet, soit à peine 4 de moins qu'aujourd'hui. Mais la scission d'Hal-Vilvorde aura bien entendu pour effet de réduire considérablement leur champ d'action. Il est à espérer que cela permettra d'augmenter l'efficacité du parquet bruxellois et de diminuer le nombre de classements sans suite.

Nous ne sommes pas opposés en soi à un renforcement relatif du parquet de Bruxelles, puisque c'est ce que prévoit également notre propre proposition de loi. Nous aurions toutefois souhaité un pourcentage plus élevé de néerlandophones (25 %), ainsi que le maintien du bilinguisme à deux tiers et la généralisation d'une connaissance passive de la deuxième langue nationale.

Nous constatons que cet accord ne fera pas baisser le nombre global de magistrats du parquet néerlandophones, du fait de la création d'un parquet spécifique, majoritairement néerlandophone, pour Hal-Vilvorde. Si notre interprétation des chiffres est exacte, nous disposerons de 24 magistrats du parquet à Hal-Vilvorde et de 19 à Bruxelles, soit un total de 43, c'est-à-dire 3 de plus que dans le cadre actuel (et 5 de plus que le nombre actuel de magistrats en fonction). Mais attention: il s'agit de cadres provisoires. Il est dès lors fort à craindre que le nombre de magistrats néerlandophones du parquet de Bruxelles diminue dans trois ans si la quantité de dossiers répressifs néerlandophones à Bruxelles s'avère proportionnellement insuffisante. Une telle situation serait inacceptable. Vingt pour cent de néerlandophones est un minimum absolu si l'on veut garantir le bon fonctionnement du parquet bruxellois.

Les grands vainqueurs dans cette histoire sont les francophones. Leur cadre est porté de 81 à 83 (78 à Bruxelles et 5 à Hal-Vilvorde) mais, en réalité, leur nombre augmentera de 63 à 83. Une progression réelle donc de 20 magistrats du parquet, soit plus de 30 %. Aucune des nouvelles recrues ne devra être bilingue. Le nombre de francophones bilingues ne devra pas non plus être augmenté dans le futur, étant donné que l'on peut considérer que les Flamands (bien qu'ils ne représentent que 20 %) fourniront la majeure partie des magistrats bilingues.

À l'auditorat, nous constatons un statu quo du côté flamand (3 à Bruxelles et 4 à Hal-Vilvorde) et une extension limitée du cadre francophone (12 à Bruxelles et 1 à Hal-Vilvorde, soit +1). Du fait de l'affaiblissement de l'obligation de bilinguisme et de l'accélération du comblement des cadres, le nombre de francophones augmentera de 9 à 13.

3.2. « Dédoublement » des tribunaux selon le modèle Maingain

Il est tout simplement désastreux que l'on utilise le modèle Maingain pour les tribunaux et non le modèle Vandenberghe, a fortiori le modèle de scission du Vlaams Belang: il n'y aura donc pas de scission entre Bruxelles et Hal-Vilvorde, mais un dédoublement en tribunaux unilingues, compétents sur un pied d'égalité pour l'ensemble de BHV. Le texte de l'accord est très clair: « Le tribunal de première instance, le tribunal de commerce, le tribunal du travail et le tribunal d'arrondissement seront dédoublés en un tribunal F et un tribunal N compétents sur tout l'arrondissement judiciaire de Bruxelles composé des 54 communes actuelles de BHV. »

Pour que les choses soient claires: le tribunal d'arrondissement n'est pas un véritable tribunal, mais une chambre de renvoi qui doit désigner le tribunal compétent (première instance, de commerce ou du travail). En pratique, nous passons donc de trois tribunaux bilingues composés de chambres unilingues à six tribunaux unilingues, qui seront tous compétents tant pour les 19 communes bruxelloises que pour les 35 communes de Hal-Vilvorde.

Pour la Flandre, c'est un scénario catastrophe, car il s'agit en l'occurrence d'une véritable rupture de digue en faveur des francophones. Actuellement, Hal-Vilvorde est en effet considéré comme une région néerlandophone unilingue, où les procédures se déroulent en néerlandais. L'assignation des habitants de Hal-Vilvorde (c'est-à-dire la citation officielle à comparaître par le biais d'un huissier de justice) se déroule toujours en néerlandais. Et lorsque deux habitants de Hal-Vilvorde décident d'aller ensemble au tribunal (comparution volontaire), ils doivent s'adresser, en règle générale, à une chambre néerlandophone du tribunal bruxellois. Les exceptions sont limitées:

— les jugements du juge de paix concernant des habitants des communes à facilités peuvent être établis en français. Dans ce cas, ce sont des chambres francophones du tribunal de première instance qui jugent en appel.

— en matière pénale, il est possible de demander un renvoi devant une chambre francophone ou un tribunal de police bruxellois, mais le juge (néerlandophone) dispose d'une marge d'appréciation et peut jauger les véritables connaissances linguistiques de la personne citée. Dans les tribunaux de police de Hal et de Vilvorde, cela a lieu de manière assez conséquente, ce qui irrite de nombreux francophones, qui préfèrent comparaître devant un juge de police francophone indulgent;

— en matière civile, une modification de la langue peut être demandée, mais les deux parties doivent être d'accord, il faut défendre cette demande devant le juge et ce dernier doit, en règle générale, l'évaluer sur le plan du contenu. Les avocats déconseillent en général une telle modification de la langue;

— actuellement, un défendeur (une personne assignée) d'une commune à facilités peut demander unilatéralement un renvoi devant un juge francophone, mais en la matière également, le juge dispose d'une large marge d'appréciation, et il peut se baser sur les connaissances linguistiques concrètes de la personne assignée.

La situation change complètement: les tribunaux francophones seront compétents, au même titre que les tribunaux néerlandophones, pour l'ensemble des 35 communes de Hal-Vilvorde. La différence qui demeure, c'est que les actions intentées à Hal-Vilvorde doivent continuer à l'être en néerlandais et que les procédures par voie de citation doivent par conséquent être toujours entamées devant le tribunal néerlandophone, mais:

— deux habitants de Hal-Vilvorde peuvent désormais s'adresser directement au tribunal francophone (comparution volontaire), même sans qu'ils soient francophones, mais par exemple parce que la procédure se déroule plus rapidement devant ce tribunal francophone. C'est une nouveauté. Il n'y a plus aucune appréciation ou contrôle par un juge néerlandophone;

— la demande conjointe de changement de langue est grandement facilitée lors de la procédure par voie de citation. Il suffit d'en faire la demande au greffe. Le juge doit statuer dans les quinze jours et il ne peut que vérifier s'il y a effectivement un accord. Cela devient donc une formalité. Ce régime est même étendu à l'ensemble du pays. Aujourd'hui, pareil changement de langue est très exceptionnel; à l'avenir, il va se multiplier à travers toute la Flandre;

— lorsque le défendeur est un habitant d'une commune à facilités, il peut réclamer beaucoup plus facilement le changement de langue et par conséquent faire renvoyer l'affaire devant un tribunal francophone. Même si le requérant est néerlandophone et qu'il ne souhaite absolument pas un changement de langue. La marge d'appréciation du juge est très limitée: il ne peut plus qu'examiner les pièces du dossier ainsi que la langue éventuelle de la relation de travail. Les connaissances linguistiques de la personne citée ne peuvent plus être évaluées. Exemple: si vous vendez une automobile à un habitant de Wemmel et qu'il y a eu plus de courriels en français qu'en néerlandais, en tant que vendeur vous pouvez désormais être amené à aller vous expliquer devant un juge francophone plutôt que devant un juge néerlandophone, même si votre acheteur parle parfaitement le néerlandais;

— plus fort encore, on envisage d'étendre ces facilités supplémentaires à l'ensemble du pays: « La commission de modernisation de l'ordre judiciaire, composée de magistrats, examinera l'opportunité d'appliquer ce régime à l'ensemble des arrondissements judiciaires du pays. » Apparemment, on comprend aujourd'hui par modernisation un retour à la période d'avant 1935. Cela signifierait en effet l'instauration de nouveaux privilèges en faveur des francophones dans l'ensemble de la Flandre;

— lors du moindre conflit linguistique, on peut aller en appel auprès des « tribunaux d'arrondissement francophone et néerlandophone réunis ». La voix du président est prépondérante. La présidence de ce collège est exercée alternativement selon une rotation régulière. Conséquence concrète: la personne qui est citée à comparaître devant le tribunal de police de Vilvorde et qui parle le néerlandais, mais qui préfère comparaître en français devant le tribunal de police de Bruxelles, obtiendra désormais bien plus facilement le renvoi de l'affaire.

Conclusion: alors que le tribunal francophone n'est aujourd'hui qu'exceptionnellement compétent pour les habitants de Hal-Vilvorde, les tribunaux francophone et néerlandophone seront à l'avenir mis sur un pied de quasi égalité. Cela signifie que, d'un point de vue juridique, Hal-Vilvorde, qui était une zone néerlandophone unilingue, devient une zone bilingue. La francisation juridique de l'ensemble de Hal-Vilvorde est ainsi lancée.

Si, dans ces circonstances, on accorde encore des moyens supplémentaires aux tribunaux francophones par rapport aux tribunaux néerlandophones (davantage de juges et de greffiers, voir ci-après), on leur accorde un important avantage concurrentiel, qui leur permettra d'évincer les tribunaux néerlandophones même à Hal-Vilvorde.

Jusqu'ici, la loi n'autorisait pas que des membres de l'Ordre français des avocats s'établissent à Hal-Vilvorde, mais le risque est grand que cette interdiction disparaisse rapidement. Rien ne figure dans l'accord à ce propos, mais dès lors que les deux tribunaux seront à l'avenir compétents quasiment au même titre pour Hal-Vilvorde, on déroule pour ainsi dire le tapis rouge à un afflux massif d'avocats francophones à Hal-Vilvorde et à une multiplication des plaintes devant la Cour constitutionnelle pour « discrimination ».

3.3. Cadres linguistiques insensés dans les tribunaux; très lourdes discriminations à l'encontre des Flamands

Jusqu'ici, la loi assurait dans l'arrondissement judiciaire de Bruxelles une présence minimale d'un tiers de magistrats néerlandophones et d'un tiers de magistrats francophones dans les trois tribunaux bruxellois, au parquet et à l'auditorat du travail. Le reste du cadre est complété sur la base du volume de travail. Cette législation est satisfaisante et correcte.

Cette législation est bien respectée auprès du tribunal du travail et du tribunal de commerce. Cela donne un cadre de 9 juges du travail néerlandophones et de 17 francophones. Pour le tribunal de commerce, le volume de travail du côté néerlandophone représente 45 % et le cadre est aujourd'hui composé de 44 % de néerlandophones (11 sur 24) et de 56 % de francophones. Le cadre de l'auditorat du travail est composé de 7 néerlandophones et de 12 francophones, tandis que le parquet compte actuellement 31 de magistrats permanents néerlandophones et 9 de complément, pour 62 francophones permanents (dont 18 non pourvus) et 20 de complément.

Au tribunal de première instance, la règle concernant la présence minimale d'un tiers de néerlandophones est déjà contournée depuis longtemps de façon perfide à l'aide du système des magistrats de complément. Les cadres définitifs prévoient en effet un rapport de 35 postes néerlandophones pour 70 francophones (dont 5 sont vacants), mais il y a 31 magistrats de complément francophones contre 5 néerlandophones. Sur un total de 136 postes occupés, on dénombre aujourd'hui 96 francophones, soit plus de 71 %, et à peine 40 néerlandophones, soit 28,4 %. En d'autres termes, il manque déjà 5 % de néerlandophones dans le plus grand tribunal de Bruxelles.

Beaucoup n'est toutefois pas encore assez. À la table des négociations, les francophones sont parvenus à imposer une répartition linguistique tout à fait folle qui prévoit encore à peine 20 % de néerlandophones pour 80 % de francophones dans ce même tribunal de première instance ainsi qu'au tribunal du travail, et 40 % de néerlandophones contre 60 % de francophones au tribunal de commerce. Cela représente une très forte diminution du nombre de magistrats et d'employés de greffe néerlandophones, qu'aucune raison objective sérieuse ne justifie.

Ces pourcentages sont très loin de correspondre au volume de travail ou à la situation démographique à Bruxelles-Hal-Vilvorde, certainement en ce qui concerne les tribunaux cités en premier lieu. Le rapport de 20/80 peut, au mieux, être accepté pour les dix-neuf communes de Bruxelles, mais certainement pas pour tout Bruxelles-Hal-Vilvorde.

3.3.1 Tribunal de première instance

On dénombre aujourd'hui dans ce tribunal 40 magistrats néerlandophones et 96 magistrats francophones pour un cadre effectif de 136 magistrats, soit 28,4 % contre 71,6 %. En réalité, il y a 101 magistrats francophones dans un cadre global de 141 unités, car cinq emplois francophones du cadre définitif ne sont pas occupés. La charge de travail n'a pas été mesurée de manière formelle, mais on peut se faire une certaine idée du volume de travail à partir des nouvelles affaires civiles entrées et des jugements rendus en matière répressive en 2010.

Affaires civiles 2010 —  Burgerlijke zaken 2010 Affaires pénales 2010 —  Strafr. vonnissen 2010 Total —  Totaal
N 9 885 32,74 % 2 209 26,33 % 12 094 31,35 %
F 20 308 67,26 % 6 180 73,67 % 26 488 68,65 %
T 30 193 100 % 8 389 100 % 38 582 100,0 %

La majorité des dossiers introduits devant le tribunal de première instance sont des dossiers civils (un peu plus de 30 000 en 2010), dont les dossiers néerlandophones nouvellement inscrits représentaient 32,7 %. Le nombre de jugements en matière répressive s'élevait quant à lui pour la même période à 8 389, dont 26,3 % de dossiers néerlandophones. Si l'on additionne ces chiffres, on obtient encore 31,35 % de dossiers néerlandophones. La réduction actuellement prévue du pourcentage des magistrats néerlandophones à 28 % — ces magistrats étant aidés dans leur tâche par des magistrats de complément — est donc injuste et injustifiable. Et il est totalement extravagant d'accentuer encore le déséquilibre en prévoyant un rapport 20/80.

Cette proportion est toutefois farouchement défendue par Luc Hennart, le président francophone de ce tribunal. Hennart ne peut certainement pas être considéré en l'espèce comme un intervenant neutre soucieux de se conformer à la réalité des faits. Il défend avec zèle un agenda politique francophone et soutient vivement la réduction drastique des exigences de bilinguisme imposées aux magistrats (passage de 2/3 à 1/3, tant pour le parquet que pour les tribunaux). La franchise avec laquelle il s'est exprimé dans ce dossier a indigné les magistrats et les avocats présents lors d'un débat organisé le 7 novembre 2011 par la Vlaams Pleitgenootschap. Dans un entretien accordé le 7 octobre 2011 à De Standaard, Hennart a déclaré au sujet de la charge de travail qu'en ce qui concerne les jugements, la proportion actuelle est plutôt de 75/25, mais que si l'on tient également compte de l'arriéré du côté francophone, on dépasse largement les 80 %, certainement pour les dossiers répressifs et de la jeunesse.

Cette affirmation n'est pas du tout conforme à la réalité. Nous avons consulté à cet égard le dernier rapport annuel, qui comporte des chiffres tout différents. Le rapport 75/25 est le fruit d'un arrondissement à la baisse du nombre des jugements rendus en matière pénale: 25,7 % N en 2007, 28,8 % en 2008 et 27,4 % en 2009. Mais en matière civile (beaucoup plus de dossiers et généralement beaucoup plus de travail par dossier), les jugements néerlandophones représentaient pour ces années respectivement 36,1 %, 35,4 % et 37,3 %. Même dans les dossiers de la jeunesse, le nombre de jugements néerlandais se situe aux environs de 25 % (respectivement 25,2 %, 25,5 % et 24,03 %). Et nous ne trouvons pas de différences significatives dans les tableaux relatifs à l'arriéré.

De plus, l'arriéré ne peut jamais être utilisé comme critère pour justifier de nouveaux équilibres linguistiques. Il peut tout au plus justifier une augmentation temporaire des effectifs. Mais il est inadmissible de récompenser les francophones de manière structurelle, et certainement de sanctionner les Flamands, en raison du fonctionnement plus lent et moins efficace des chambres francophones.

Nous sommes outrés par cette manipulation des chiffres. Il est totalement inacceptable que le président d'un tribunal manipule les chiffres à des fins politiques et cause ainsi un tort considérable à une partie importante des citoyens.

Concrètement, l'instauration du rapport 80/20 est lourde de conséquences pour l'effectif de ce tribunal. Côté francophone, l'effectif est QUATRE FOIS plus important que du côté flamand.

Nombre de magistrats du siège permanents

2010 Après l'accord sur BHV —  Na BHV-akkoord Différence —  Verschil
N 35 + 5 28 -12 (en réalité 19 trop peu). — -12 (in werkelijkheid 19 te weinig)
F 70 + 31 113 + 12 (19 de trop). — + 12 (19 te veel)
T 141 141

Aujourd'hui, les néerlandophones devraient disposer, suivant la règle 1/3, de 47 magistrats sur les 141. En réalité, ils ne sont que 40, soit 7 trop peu. Après l'instauration de la règle 20/80, 12 néerlandophones devraient de nouveau passer à la trappe. Ils ne seront plus alors que 28 sur un total de 141, soit 19 trop peu selon la règle 1/3.

Du côté francophone, quelque 96 places sont aujourd'hui pourvues alors que le maximum était de 94. Cinq postes sont vacants. Après l'instauration de la règle 20/80, ils disposeront de 113 magistrats sur 141, soit 19 de plus que le nombre qui leur revient aujourd'hui.

Au greffe, l'hécatombe est encore bien pire. Le volume de travail a aujourd'hui une incidence moins importante. Étant donné que les néerlandophones sont plus nombreux à satisfaire aux exigences (déjà réduites) en matière de bilinguisme, ils sont proportionnellement fortement représentés, surtout dans les fonctions statutaires. Cela reste depuis très longtemps en travers de la gorge des francophones. Pour les greffes des nouveaux tribunaux unilingues, la même règle 20/80 est d'application.

Greffe —  Griffie Statutaires — Statutair Contractuels — Contractueel Total — Totaal
Aujourd'hui —  Nu Après —  Na Aujourd'hui —  Nu Après —  Na Aujourd'hui —  Nu Après —  Na
N 112 38(-74) 58 40(-18) 170 78(-92)
F 76 150(+74) 140 158(+18) 216 308(-92)
T 188 198 386

Au niveau du tribunal de première instance, quelque 92 employés du greffe néerlandophones disparaissent sur les 170, soit plus de la moitié.

3.3.2. Tribunal du travail

Actuellement, ce tribunal compte 9 magistrats néerlandophones et 16 francophones sur un cadre de 26. Un poste est vacant du côté francophone. Les néerlandophones représentent donc pas moins de 34,6 % des magistrats. Le volume de travail s'élevait à 26,79 % en 2010 et à 30,48 % en 2011 (jusqu'au 30 septembre). Ici non plus, il n'y a aucune raison objective pour laquelle on devrait retomber à 20 %.

Nombre de dossiers 2010 —  Aantal zaken 2010 Nombre de dossiers 2011 —  Aantal zaken 2011
N 5 827 26,79 % 30,48 %
F 15 923 73,21 % 69,52 %
T 21 750 100 % 100 %

Ici aussi, les conséquences seraient très lourdes sur le plan des effectifs. Le nombre de magistrats néerlandophones serait presque réduit de moitié (de 9 à 5), alors que, pour les francophones, le cadre passerait de 17 à 21.

Nombre de magistrats permanents au tribunal du travail

2010 Après l'accord sur BHV —  Na BHV-akkoord Différence —  Verschil
N 9 5 - 4
F 17 21 + 4
T 26 26

Au greffe, le massacre du côté néerlandophone est particulièrement impressionnant. Pas moins de 2/3 des greffiers néerlandophones seront remplacés par des francophones. Le nombre de néerlandophones est ramené de 50 à 16 seulement, soit une diminution de 34 personnes.

Greffe —  Griffie Statutaires — Statutair Contractuels — Contractueel Total — Totaal
Aujourd'hui —  Nu Après —  Na Aujourd'hui —  Nu Après —  Na Aujourd'hui —  Nu Après —  Na
N 33 9 (-24) 17 7 (-10) 50 16 (-34)
F 13 37 (+24) 17 27 (+10) 30 64 (+34)
T 46 34 80

La situation du tribunal du travail a déjà quelque peu retenu l'attention des médias, grâce à l'audacieuse défense de Mme Gaby Van den Bossche, présidente du tribunal du travail de Bruxelles. Dans une tribune libre du quotidien De Standaard du 11 octobre 2011, cette présidente a vivement critiqué le fait que pendant les négociations, elle n'a, à aucun moment, été consultée au sujet de cette matière cependant extrêmement importante. Elle a prévenu que le régime 20/80 causerait un « dommage irréparable »: « Si le nouveau tribunal néerlandophone, d'une capacité de 20 % des magistrats, doit traiter au moins 30 % du volume de travail, il en résultera que chaque année, un tiers des affaires introduites ne pourra pas être traité. Qu'autrement dit, il y aura un arriéré. Tous les deux ans, un arriéré d'un an sera ainsi créé, alors qu'actuellement, il existe déjà un arriéré de deux ans dans les litiges portant sur des contrats de travail. » (traduction)

Mme van den Bossche ajoute que le volume de travail que représentent les dossiers qui demandent le plus d'heures de travail, les contrats de travail et le règlement collectif de dettes, du côté néerlandophone, supérieur à 40 %. Enfin, elle s'est vivement opposée à l'accord, dès lors qu'il prévoit que la charge de travail ne sera mesurée que trois ans après le lancement du nouveau système. « Cette mesure de la charge de travail est déjà promise depuis des années, sans résultat, et ce n'est pas de la faute des magistrats bruxellois néerlandophones, qui en sont demandeurs. » (traduction)

3.3.3. Tribunal de commerce

Dans le tribunal de commerce, la part des affaires néerlandophones est depuis des années déjà beaucoup plus importante que dans les autres tribunaux. En 2010, elle représentait, selon le président de ce tribunal, 45 % sur un total de 15 687 affaires. À l'heure actuelle, ce tribunal dispose d'un cadre de 11 magistrats néerlandophones sur 24, contre 13 francophones, soit 45,8 %.

Contrairement au tribunal de première instance et au tribunal du travail, il a été convenu de fixer le cadre du personnel provisoirement à 40/60 au lieu de 20/80. Mais cette réduction, elle aussi, n'est pas fondée. Il n'y a aucune raison de ramener le cadre néerlandophone à 10 magistrats, alors que le volume de travail justifie clairement un cadre de 11 magistrats.

Nbre d'affaires en 2010 —  Aantal zaken 2010 Nbre de magistrats en 2011 —  Aantal magistraten 2011 Après BHV-bis —  Na BHV-bis Différence —  Verschil
N 8 628 45 % N 11 10 -1
F 7 059 55 % F 13 14 + 1
T 15 687 100 % T 24 24

Même avec une proportion 60/40, force est de constater que le personnel néerlandophone du greffe est considérablement réduit: le nombre de membres du personnel néerlandophones est réduit de 17 unités. Avec une proportion 45/55, la réduction pourrait restée limitée à 12 unités du côté néerlandophone.

Greffe —  Griffie Statutaires — Statutair Contractuels — Contractueel Total — Totaal
Aujourd'hui —  Nu Après —  Na Aujourd'hui —  Nu Après —  Na Aujourd'hui —  Nu Après —  Na
N 37 21 (-16) 19 18 (-1) 56 39 (-17)
F 16 32 (+16) 26 27 (+1) 42 59 (+17)
T 53 45 98

3.3.4. Tribunal de police

Le tribunal de police bruxellois est, lui aussi, scindé suivant la proportion 20/80. Mais bien que la compétence territoriale de ce tribunal soit limitée à Bruxelles-19 (Hal et Vilvorde ont leurs propres tribunaux de police), cette proportion ne correspond pas à la charge de travail réelle. En matière pénale, la proportion est de 10 % de dossiers néerlandophones contre 90 % de dossiers francophones, mais dans les dossiers civils de roulage, la proportion est actuellement, d'après le doyen du tribunal de police, de 35 % de dossiers néerlandophones contre 65 % de dossiers francophones. Bien qu'étant beaucoup moins nombreux, ces dossiers génèrent la plus grande charge de travail. Il s'agit en effet souvent de vastes dossiers d'assurance, dans lesquels il y a lieu de calculer des dommages-intérêts. D'après le doyen, la proportion globale, en termes de charge de travail, est estimée à 30 % pour les dossiers néerlandophones et à 70 % pour les dossiers francophones. Dans ce cas-ci aussi, il est donc inapproprié de travailler avec une proportion arbitraire de 80/20.

En cas de scission du tribunal de police, ce sont les francophones qui, proportionnellement, progresseront le plus. Vu que les audiences se déroulent dans les deux langues, cette fonction a en effet, dans le passé, attiré surtout des magistrats néerlandophones. Il n'existe en outre pas de cadre linguistique, comme dans les autres tribunaux. En cas de scission en tribunaux de police unilingues, la majorité des postes seront attribués à des francophones.

Nbre de magistrats 2010 —  Aantal magistraten 2010 Après BHV-bis —  Na BHV-bis Différence —  Verschil
N 11 3 -8
F 3 11 + 8
T 14 14
Greffe —  Griffie Statutaires — Statutair Contractuels — Contractueel Total — Totaal
Aujourd'hui —  Nu Après —  Na Aujourd'hui —  Nu Après —  Na Aujourd'hui —  Nu Après —  Na
N 16 6 (-10) 10 4 (-6) 26 10 (-16)
F 13 23 (+10) 11 17 (+6) 24 40 (+16)
T 29 21 50

Pour le moment, 14 juges de police, dont 11 néerlandophones, sont actifs à Bruxelles. La scission du tribunal et l'application de la proportion 20/80 auront pour conséquence que le nombre de juges néerlandophones chutera, passant de 11 à 3, tandis que le nombre de francophones passera de 3 à 11. Le nombre de néerlandophones parmi les employés des greffes tombera de 26 à 10. Les francophones ont voulu en finir avec la surreprésentation des néerlandophones et sont donc extrêmement enthousiastes à propos de cette partie de l'accord sur le BHV judiciaire. Sur le site web des libéraux francophones, Vincent de Wolf, député et chef de groupe MR au parlement bruxellois, crie victoire: « Il garantira aux francophones d'être traités par des magistrats francophones, et ce alors qu'une grande majorité des magistrats actuels étaient néerlandophones. La nouvelle répartition des magistrats permettra aux justiciables francophones d'être jugés sous un délai raisonnable. »

Il s'agit là d'une déclaration tout à fait extravagante, dès lors qu'elle laisse penser qu'à l'heure actuelle, les francophones sont traités de manière inéquitable et qu'ils doivent attendre plus longtemps avant d'être jugés. Tous ces juges ont pourtant réussi un examen de « bilinguisme approfondi ». Ils ont donc la possibilité et la capacité de siéger dans les deux langues. Comme pour les juges de paix bruxellois, leurs audiences sont entièrement bilingues et les dossiers francophones et néerlandophones se succèdent constamment. De plus, l'arriéré du tribunal de police a été résorbé au cours des dernières années. Il est absolument injustifié de parler d'un arriéré qui serait plus important du côté francophone que du côté néerlandophone.

Les juges de police eux-mêmes remettent très sérieusement en cause cette scission. Ils comparent le fonctionnement du tribunal de police avec celui des justices de paix, où, dans la pratique, presque tous les dossiers sont plurilingues. Ils demandent que l'on réserve au tribunal de police un traitement analogue à celui des justices de paix bruxelloises, c'est-à-dire le maintien de la situation bilingue actuelle.

3.3.5. Recul néerlandophone global

Au total, le nombre de magistrats néerlandophones diminuera de 25 unités (12+4+1+8) par rapport à la situation actuelle. Si l'on tient compte en outre du déficit actuel de 7 magistrats néerlandophones au tribunal de première instance par rapport à la norme minimale légale, on peut même dire que le recul global du côté flamand sera de 32 magistrats.

Dans les greffes, le recul néerlandophone global se chiffre à pas moins de 159 personnes (92+34+17+16). Le nombre total d'employés néerlandophones dans les greffes passerait ainsi de 302 à 143, ce qui revient à réduire l'effectif de moitié. Si, pour la scission, on tenait compte d'une proportion correcte de 33/66 au lieu de 20/80 au tribunal de première instance et au tribunal du travail, et d'une proportion de 45/55 au lieu de 40/60 au tribunal de commerce, 67 néerlandophones de moins perdraient leur emploi parmi les employés des greffes.

Le pendant de ces chiffres, c'est bien sûr une avancée équivalente des francophones, qui gagnent 25 (et même, en réalité 32) magistrats et 159 employés auprès des greffes.

3.3.6. Évaluation

L'application de la proportion 20/80 fera en sorte que le tribunal de première instance et le tribunal du travail francophones auront un effectif QUATRE FOIS supérieur à celui de leurs homologues néerlandophones, alors que le volume de travail n'y est que deux fois plus important. Il s'agit de l'aspect le plus révoltant et injuste, mais aussi le plus absurde, de l'accord sur le BHV judiciaire. Si le FDF avait fait une proposition similaire il y a quelques mois, les Flamands auraient crié en chœur qu'il s'agissait d'une provocation ridicule.

Le dupe de ce drame, c'est avant tout le citoyen flamand de Bruxelles et de Hal-Vilvorde, pour qui le délai d'attente d'une décision judiciaire sera beaucoup plus long qu'il ne l'est actuellement. Mais ce privilège exorbitant et illégitime accordé aux francophones entraînera également une francisation croissante. Les tribunaux francophones seront en effet nettement plus compétitifs et pourront dès lors fonctionner beaucoup plus rapidement que leurs homologues néerlandophones, si bien qu'un nombre croissant de personnes, y compris parmi les Flamands, seront tentées de s'adresser à un tribunal francophone.

Le 20 octobre, De Tijd indiquait que les négociateurs flamands avaient été briefés par le chef de cabinet de M. De Clerck, ancien ministre de la Justice, mais que ces chiffres ne correspondaient pas à la réalité. On a honte pour eux en lisant cela car cela témoigne de l'incompétence manifeste du ministre si celui-ci ne n'était pas capable de communiquer les chiffres exacts de ses propres services aux négociateurs. Un négociateur témoigne anonymement: « Si nous avions su que les chiffres étaient inexacts, nous aurions pris nos propres renseignements. C'est très ennuyeux. Nous nous sentons piégés. ». Confronté à ces propos, l'ancien ministre a déclaré ce qui suit: « Si le Parlement reçoit communication de chiffres objectivement contestables, ces chiffres pourront encore être débattus. De plus, la charge de travail sera mesurée et cette mesure fournira des chiffres exacts dans trois ans. ».

En réalité, ce délai de trois ans est un délai de plus de QUATRE ANS car ce délai de trois ans ne prendra cours qu'après l'entrée en vigueur de la loi (le 1er janvier 2013 au plus tôt). Dans l'intervalle, le mal aura été fait et un arriéré inadmissible aura vu le jour dans les tribunaux flamands. L'Ordre des barreaux flamands a dès lors plus que raison d'exiger la mesure IMMÉDIATE de la charge de travail et le maintien des cadres actuels dans l'attente de cette mesure.

3.4. Blocage de la Justice au niveau fédéral; blocage d'une justice moderne en Brabant flamand

On commet une grave erreur en facilitant les procédures de demande de changement de langue. Mieux vaudrait, au contraire, abroger cette possibilité. Elle est en effet contraire à la philosophie territoriale qui est à la base de la loi sur l'emploi des langues en matière judiciaire. La justice risque dès lors d'être tout à fait subordonnée à la notion de « personnalisation » sans que l'on ne doive plus tenir compte du lieu de résidence, ni des usages de cette région. L'Ordre des barreaux flamands souligne à juste titre les nombreux problèmes qui accompagneront un tel assouplissement linguistique. Exemple: dans quelle langue un tel jugement doit-il être exécuté ? Et qu'adviendra- t-il des litiges qui doivent aujourd'hui obligatoirement être portés devant le tribunal territorialement compétent ?

Bien plus grave encore, en raison de l'assouplissement considérable de la procédure de demande de changement de langue dans tout le pays, la Justice est plus que jamais bloquée au niveau fédéral. Il deviendra en effet beaucoup plus difficile d'évoluer vers une Justice flamande, avec ses propres règles juridiques et sa propre procédure pénale. En effet, partout en Flandre, les francophones feront valoir qu'ils ont « droit » à un tribunal francophone et, par conséquent, à l'application du droit fédéral et des procédures fédérales. Toute évolution vers une Justice flamande spécifique est ainsi compromise

Il y a des années, l'ancien président du CD&V Marc van Peel a affirmé que la scission de la Justice était plus urgente que celle de BHV. Aujourd'hui, l'arrondissement judiciaire de BHV est ancré dans la Constitution et la scission de la Justice est plus éloignée que jamais. En effet, dès l'instant où l'on procède à l'ancrage constitutionnel des prétendus droits judiciaires des francophones en Flandre, il sera de facto impossible d'encore imposer un jour une véritable scission de la Justice dans le contexte belge.

Le 28 octobre, les négociateurs gouvernementaux ont approuvé un accord en matière de Justice et de sécurité, dans lequel il a été décidé de regrouper les tribunaux et les parquets sur une base provinciale. Le nombre d'arrondissements serait ainsi ramené de 27 à 13. Une très bonne chose, si ce n'est que le Brabant flamand n'est pas reconnu à cet égard comme une province à part entière. Hal-Vilvorde reste un appendice de Bruxelles et Louvain reste un petit arrondissement par conséquent inefficace. De ce fait, le Brabant flamand rate le train de la modernisation.

Si la réglementation relative à BHV est réellement verrouillée par une majorité des deux tiers, cela signifie que le Brabant flamand ne pourra jamais évoluer au même titre que les autres provinces flamandes. Une discrimination de taille.

Ce qui est sur la table actuellement est une véritable catastrophe pour les Flamands. Tant à Bruxelles qu'à Hal-Vilvorde, la situation deviendra beaucoup plus grave qu'elle ne l'est déjà actuellement. En pratique, Bruxelles deviendra une ville à dominance francophone, où les néerlandophones joueront un rôle totalement subsidiaire. Et Hal-Vilvorde évoluera vers une situation de bilinguisme, même au niveau du parquet. Les tribunaux francophones obtiennent en outre le personnel et les moyens pour concurrencer à « mort » les tribunaux flamands.

L'accord sur la réforme de l'arrondissement judiciaire, dont les dispositions du 12º de cette proposition de révision de la Constitution constituent la première mesure, doit dès lors être résolument rejeté, ce qui est le but du présent amendement.

Nº 10 DE M. LAEREMANS

Article unique

Dans le 12º, supprimer les mots « statuant à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, ».

Justification

Cette disposition vise à associer les Communautés et les Régions, de manière certes extrêmement modeste, à certains aspects de la politique en matière de justice. Selon les partis du gouvernement et leurs alliés, il convient de régler cette participation par le biais d'une loi spéciale. Nous estimons cependant que celle-ci doit pouvoir être réglée par une loi ordinaire; sinon, la majorité démocratique flamande sera bridée par la minorité dans ce pays.

Nº 11 DE M. LAEREMANS

Article unique

Supprimer le 13º.

Justification

Ces dispositions s'inscrivent dans la volonté des partis du gouvernement et de leurs alliés de confier le traitement des litiges administratifs relatifs aux six communes de la périphérie et aux personnes physiques ou morales qui y sont domiciliées ou établies, non plus à une chambre néerlandophone du Conseil d'État, mais à l'assemblée générale du Conseil d'État. Cette assemblée est bilingue et jouera également le rôle d'instance de recours contre les décisions rendues par les différents organes disciplinaires et juridictions administratifs. La présidence, qui confère une voix prépondérante en cas d'égalité des voix, sera assurée alternativement par un néerlandophone et par un francophone. Il y aura chaque fois deux auditeurs relevant d'un rôle linguistique différent.

Le statut des six communes de la périphérie, qui relèvent de la Région de langue néerlandaise et de l'ordre judiciaire néerlandophone, est ainsi également modifié sur ce point, pour devenir bilingue. Non seulement cette réglementation a pour effet de soustraire (encore davantage) ces communes flamandes, y compris sur le plan judiciaire, à la sphère d'influence flamande, ce qui constitue un énième pas vers leur rattachement à Bruxelles, mais elle a également des implications considérables au niveau du traitement du contentieux communautaire au sein de ces communes flamandes.

Ainsi, le but poursuivi par ces mesures est notamment de neutraliser définitivement les circulaires flamandes bien connues (en vertu desquelles les documents doivent toujours être envoyés d'abord en néerlandais). En effet, cette chambre bilingue suit l'interprétation française de la législation sur les facilités. Si l'objectif précité est atteint, ce qui du reste arrivera vraisemblablement tôt ou tard, cela ouvrira une brèche profonde dans la politique du gouvernement flamand visant à intégrer les habitants francophones de ces six communes à facilités dans la Communauté flamande. En effet, le régime des facilités ne sera plus limité mais il retrouvera son caractère automatique et permanent. Par ailleurs, il ne sera à nouveau plus question d'une quelconque adaptation des habitants francophones des six communes à facilités.

L'intention de trancher le litige entre les bourgmestres faisant fonction inciviques de quelques-unes de ces communes, qui refusent d'appliquer correctement la législation linguistique, d'une part, et le gouvernement flamand, qui refuse de les nommer pour la même raison, d'autre part, en faveur de ces individus inciviques n'est pas moins importante.

En marge, on fera également remarquer que tout cela a également pour conséquence que cette importante assemblée générale du Conseil d'État devra, à l'avenir, s'occuper des dossiers de droit administratif les plus banals, qui n'ont rien à voir avec la politique ou la législation sur l'emploi des langues (cf. les circulaires flamandes). Cela représente un gaspillage énorme de moyens humains et d'énergie, qui ne fera qu'accroître à nouveau l'arriéré au Conseil. Et tout ceci parce que les francophones ne supportent pas l'idée qu'ils pourraient être jugés par des magistrats néerlandophones. L'Orde van Vlaamse Balies fait observer à juste titre qu'une procédure aussi lourde n'est tout simplement pas praticable en cas d'urgence ou d'extrême urgence.

Pour les Flamands, il est bien sûr inacceptable que l'on porte atteinte à l'intégrité territoriale de la Flandre dans ces domaines également. C'est pourquoi nous proposons de supprimer ces dispositions.

Nº 12 DE M. LAEREMANS

Article unique

Supprimer le 14º.

Justification

Ces dispositions ont, dans le cadre de la scission de l'arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde, les mêmes objectifs que les dispositions prévues au 6º de cette révision de la Constitution, même si, dans ce cas, elles ne concernent pas les élections de la Chambre, mais celles du Parlement européen.

Pour de plus amples explications, nous renvoyons dès lors à la justification de notre amendement nº 5.

Nº 13 DE M. LAEREMANS

Article unique

Dans le 15º, remplacer les mots « pourront confier des missions à la Cour des comptes, le cas échéant, moyennant rémunération » par les mots « pourront créer leur propre Cour des comptes ».

Justification

Quatrièmement, la Flandre souhaite être associée plus étroitement à la présentation des membres des plus hauts organes de contrôle, comme le Conseil d'État, la Cour constitutionnelle et la Cour des comptes.

Dans le cadre de la gestion et du contrôle des finances des entités fédérées, le fait que les entités fédérées puissent confier des missions à la Cour des comptes constitue un petit pas dans la bonne direction.

L'accord du gouvernement flamand du 15 juillet 2009, plus précisément l'annexe de cet accord, a exprimé le souhait de pouvoir décider de manière plus autonome au sujet des règles concernant la gestion et le contrôle de ses propres finances. À cet égard, il a suggéré qu'il faudrait pouvoir créer auprès du Parlement flamand une Cour des comptes flamande compétente pour le contrôle de l'exécution du budget flamand.

Le présent amendement souhaite créer la condition pour que cela soit possible sur le plan constitutionnel.

Nº 14 DE M. LAEREMANS

Article unique

Dans la dernière phrase, remplacer les mots « ne constitue pas » par le mot « constitue ».

Justification

En affirmant que la disposition transitoire introduite à l'article 195 par la proposition de révision de la Constitution à l'examen ne constitue pas une déclaration au sens de l'article 195, alinéa 2, de la Constitution, les auteurs de cette proposition entendent éviter l'organisation de nouvelles élections.

Ce faisant, ils ignorent toutefois un élément essentiel de la procédure de révision de la Constitution, à savoir la consultation du corps électoral. Il est notoire que toute révision de la Constitution se compose par essence de trois étapes: l'ouverture à révision d'une série d'articles de la Constitution par le préconstituant, la consultation du corps électoral au travers d'élections, et la révision proprement dite, par le constituant, des articles ouverts à révision par le préconstituant.

Les articles de la Constitution qui n'ont pas été déclarés ouverts à révision par le préconstituant et que les auteurs de la proposition à l'examen entendent réviser par un tour de passe-passe basé sur l'article 195, n'ont donc pas reçu le fiat de l'électeur. De ce fait, toute révision de ces articles sera dépourvue de toute légitimité, la rendant ainsi inconstitutionnelle. La seule manière de procéder qui soit correcte sur le plan constitutionnel aurait consisté à modifier fondamentalement la procédure de révision, telle qu'elle est définie actuellement dans l'article 195 de la Constitution, de manière à permettre de réviser la Constitution durant une même législature, mais les auteurs de la proposition en question ne veulent manifestement pas en entendre parler et ce, pour des raisons politiques.

Si l'on veut respecter la procédure de révision de la Constitution, il convient dans les circonstances que nous connaissons, de soumettre d'abord à l'électeur les articles de la Constitution contenus dans la disposition transitoire avant de pouvoir les modifier. Tel est l'objet du présent amendement.

Nº 15 DE M. LAEREMANS

Article unique

Remplacer cet article par ce qui suit:

« Article unique. L'article 195 de la Constitution est complété par une disposition transitoire rédigée comme suit:

« Disposition transitoire

Toutefois, les Chambres peuvent, d'un commun accord avec le Roi, statuer sur la révision des dispositions, articles et groupements d'articles suivants, exclusivement dans le sens indiqué ci-dessous:

1º les articles 1er, 2 et 3 en vue de prévoir la dissolution de la pseudofédération belge et l'accession à la souveraineté des communautés nationales qui font encore partie de l'État Belgique. Quand elles seront devenues souveraines et qu'elles auront acquis le statut d'État, les communautés nationales devront elles-mêmes décider, sur une base volontaire et sur la base de l'égalité souveraine, si elles souhaitent s'engager dans des structures confédérales avec d'autres entités étatiques. Évidemment, les constitutions qui seront élaborées par les États souverains nés de la dissolution de l'État belge se substitueront à la Constitution belge, qui n'aura plus aucune force juridique;

2º l'article 4 en vue de permettre aux communautés nationales devenues souveraines faisant actuellement partie de l'État belge de décider elles-mêmes du statut de leur territoire;

3º les articles 5 et 6 en vue de permettre aux communautés nationales souveraines de déterminer elles-mêmes les subdivisions de leur territoire;

4º l'article 7 en vue de permettre aux communautés souveraines de décider elles-mêmes si les limites de leur territoire national et celles de ses subdivisions seront fixées par leur Constitution ou si cette matière sera réglée par la loi, au sens formel;

5º l'article 7bis en vue de permettre aux communautés souveraines de décider elles-mêmes de leurs objectifs de politique générale;

6º les articles 8 et 9, dès lors qu'il n'existe pas de nation belge et, par conséquent, pas de nationalité belge, en vue de permettre aux communautés souveraines de déterminer elles-mêmes les règles relatives à l'acquisition, à la conservation et à la perte de leur nationalité. Il appartient aux communautés souveraines de déterminer les conditions d'exercice des droits politiques et du droit de vote;

7º les articles 10, 11, 11bis, 12, 13, 14, 14bis, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 22, 22bis, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, en vue de permettre aux communautés souveraines de décider des droits fondamentaux de leurs ressortissants;

8º l'article 21, en vue de permettre aux communautés souveraines de décider des droits fondamentaux de leurs ressortissants. Il relève également de leur compétence de régler le statut du mariage civil et du mariage religieux;

9º l'article 30, pour laisser les communautés souveraines déterminer elles-mêmes, si elles le souhaitent, les règles relatives à l'emploi des langues sur leur territoire;

10º l'article 31, pour laisser les communautés souveraines déterminer elles-mêmes les conditions relatives à l'exercice de poursuites contre des fonctionnaires publics, y compris des ministres de leurs gouvernements;

11º l'article 32, pour laisser les communautés souveraines fixer elles-mêmes, si elles le souhaitent, les règles relatives à la publicité de l'administration;

12º les articles 33 et 34, en vue de permettre aux communautés souveraines de déterminer la manière dont les pouvoirs sont exercés ainsi que la manière dont l'exercice de ces pouvoirs peut être conféré à des institutions de droit international public;

13º l'article 35: le transfert de souveraineté aux communautés souveraines vide cet article de sa substance;

14º l'article 36, en vue de permettre au constituant des communautés souveraines de régler l'exercice du pouvoir législatif;

15º l'article 37, en vue de permettre au constituant des communautés souveraines de régler l'exercice du pouvoir exécutif;

16º les articles 38 et 39: le transfert de souveraineté aux communautés vide ces articles de leur substance;

17º l'article 40, en vue de permettre au constituant des communautés souveraines de régler l'exercice du pouvoir judiciaire;

18º l'article 41, en vue de permettre aux communautés souveraines de déterminer elles-mêmes les compétences, les règles de fonctionnement et le mode d'élection des organes représentatifs des corps publics décentralisés;

19º l'article 42, en vue de permettre aux communautés souveraines de régler la représentation de la nation;

20º l'article 43: le transfert de souveraineté aux communautés souveraines ôte toute signification à cet article;

21º les articles 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59 et 60, en vue de permettre au constituant des communautés souveraines de régler les compétences et les travaux des mandataires qui constituent la représentation de la nation ainsi que les droits et devoirs, les responsabilités, les compétences, les activités et la succession du chef de l'État;

22º les articles 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72 et 73, en vue de laisser les communautés souveraines déterminer elles-mêmes la composition, le mode d'élection et la périodicité du renouvellement de leur parlement, ainsi que les conditions auxquelles le droit de vote actif et passif peut être exercé. Elles déterminent également les avantages matériels dont les membres du parlement bénéficient du chef de leur mandat;

23º les articles 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83 et 84, en vue de laisser les communautés souveraines déterminer le mode d'établissement des lois, au sens formel;

24º les articles 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94 et 95, en vue de permettre au constituant des communautés souveraines de décider qui est le chef de l'État, de déterminer les droits, les devoirs, les responsabilités, les compétences et les activités de celui-ci et de régler sa succession;

25º les articles 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103 et 104, en vue de permettre au constituant des communautés souveraines de régler la composition du gouvernement et du Conseil des ministres, et de définir les conditions de nomination, les attributions, les devoirs et les activités (des membres) du gouvernement et du Conseil des ministres;

26º les articles 105, 106, 107, 108, 109, 110, 111, 112, 113 et 114, en vue de permettre au constituant des communautés souveraines de décider qui est le chef de l'État et de déterminer les droits, les devoirs, les responsabilités, les compétences et les activités de celui-ci;

27º les articles 115, 116, 117, 118, 118bis, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 125 et 126: Le transfert de souveraineté aux communautés souveraines ôte toute signification à ces articles. Les communautés souveraines décideront elles-mêmes de la division interne de leur territoire, de la manière dont seront constitués les organes représentatifs et exécutifs des collectivités publiques décentralisées, ainsi que des avantages matériels dont les membres de ces organes bénéficieront en raison de leur mandat;

28º les articles 127, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 139 et 140: Le transfert de souveraineté aux communautés ôte tout sens à ces articles, qui se rapportent aux compétences des communautés et des régions. Les communautés souveraines définiront elles-mêmes les compétences des organes des collectivités publiques décentralisées;

29º les articles 141 et 143: le transfert de souveraineté aux communautés ôte tout sens à ces articles, qui portent sur le règlement des conflits de compétence et d'intérêts entre l'État fédéral, les Communautés et les Régions;

30º l'article 142: le transfert de souveraineté aux communautés ôte son sens à cet article, dans la mesure où il porte sur le rôle de la Cour constitutionnelle dans le règlement des conflits de compétence et d'intérêts entre l'État fédéral, les Communautés et les Régions. Il appartient par ailleurs aux communautés souveraines de juger de l'opportunité de la création d'une cour constitutionnelle et, le cas échéant, de définir les compétences d'une telle cour, ainsi que l'étendue et l'intensité du contrôle constitutionnel exercé par cette instance;

31º les articles 144, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 157, 158 et 159, pour permettre aux communautés souveraines de déterminer la composition du pouvoir judiciaire, ainsi que les modalités d'institution, les compétences et les activités des juridictions qui en dépendent. Elles règlent également le mode de nomination des juges et leur statut. Elles ont la même compétence à l'égard des fonctionnaires du ministère public;

32º l'article 156, pour permettre aux communautés souveraines de diviser leur territoire en ressorts;

33º les articles 160 et 161, en vue de permettre aux communautés souveraines d'établir des juridictions administratives et d'en déterminer la composition, les compétences et les activités;

34º les articles 162, 163, 164, 165 et 166, en vue de permettre aux communautés souveraines de déterminer la division territoriale interne de leur territoire, le mode de composition des organes représentatifs et exécutifs des collectivités publiques décentralisées ainsi que les compétences et le fonctionnement de ces organes;

35º les articles 167, 168 et 169, en vue de permettre au constituant des communautés souveraines de régler la gestion des relations extérieures;

36º les articles 170, 171, 172 et 173, en vue de permettre au constituant des communautés souveraines de déterminer la manière dont les impôts sont établis et perçus au profit de l'État et/ou des collectivités publiques décentralisées;

37º l'article 174, en vue de permettre aux communautés souveraines de fixer les règles concernant l'établissement du budget et des comptes;

38º les articles 175, 176, 177 et 178, en vue de permettre aux communautés souveraines de fixer le système de financement par l'État des collectivités publiques décentralisées;

39º les articles 179 et 181, en vue de permettre aux communautés souveraines de fixer les règles relatives aux pensions;

40º l'article 180, en vue de permettre au constituant des communautés souveraines d'instituer un organe chargé du contrôle des finances des administrations publiques et de fixer les compétences de cet organe;

41º les articles 182, 183, 184 et 186, en vue de permettre aux communautés souveraines de fixer la composition des forces armées et de déterminer les droits et obligations des militaires;

42º l'article 185, en vue de permettre au constituant des communautés souveraines de déterminer à quelles conditions des troupes étrangères peuvent être admises sur le territoire de la nation pour assurer la sécurité de celle-ci, et à quelles conditions des traités internationaux en matière de sécurité peuvent être conclus avec d'autres nations;

43º les articles 187 et 188, en vue de permettre au constituant des communautés souveraines de garantir l'inviolabilité et l'application de leur propre Constitution, dès lors qu'en raison du transfert de souveraineté aux communautés souveraines, la Constitution belge n'a plus aucune force juridique;

44º l'article 189, en vue de permettre au constituant des communautés souveraines de déterminer les langues dans lesquelles leur Constitution sera établie;

45º l'article 190, en vue de permettre au constituant des communautés souveraines de déterminer le mode de publication officielle et d'entrée en vigueur des lois, au sens formel et matériel;

46º l'article 191, en vue de permettre aux communautés souveraines de déterminer les droits des étrangers, dans le respect des traités internationaux auxquels elles sont liées;

47º l'article 192, en vue de permettre aux communautés souveraines d'imposer un serment et d'en déterminer la formule;

48º l'article 193, en vue de laisser les communautés souveraines déterminer leurs symboles officiels;

49º l'article 194, en vue de permettre aux communautés souveraines de déterminer leur capitale et le siège de leur gouvernement;

50º les articles 195, 196, 197 et 198, en vue de permettre au constituant des communautés souveraines de déterminer les modalités à respecter pour modifier leur Constitution. ». »

Justification

Dès avant la Première Guerre mondiale, Jules Destrée écrivait au Roi: « Il n'y a pas de Belges, Sire. J'entends par là que la Belgique est un État politique, fruit de la diplomatie, assez artificiellement composé, mais qu'elle n'est pas une nationalité. Quelle antithèse entre la Flandre et la Wallonie ! Le sol est différent, les gens qui vivent dans ces contrées diverses sont divers comme elles et les âmes sont aussi différentes que le sont les paysages. Les activités auxquelles ils se vouèrent sont, pour les uns, agricoles et pour les autres, industrielles. Le Flamand est lent, opiniâtre, patient et discipliné; le Wallon est vif, inconstant et perpétuellement frondeur de l'autorité. Les sensibilités sont différentes: telle idée, tel récit, qui enthousiasmera les uns, laissera les autres indifférents, peut-être même leur fera horreur. (...) Le Wallon appartient à la civilisation latine et le Flamand est de culture germanique. Il y a, en Belgique, des Wallons et de Flamands; il n'y a pas de Belges. (...) En 1830, l'équilibre fut rompu au détriment des Flamands. La révolution avait été faite contre la Hollande et consolidée par l'appui de la France; ses principaux artisans étaient des Wallons. »

Au cours de la dernière décennie, il est devenu de plus en plus évident que les Flamands et les Wallons ont des visions opposées sur pratiquement tous les thèmes politiques Qu'il s'agisse du droit sanctionnel de la jeunesse, de la SNCB, de la réforme de la fonction publique, de la politique budgétaire, de la sécurité sociale ou de la politique des étrangers, force est toujours de constater l'existence d'une fracture communautaire patente. L'existence de l'État belge est cause de mauvaise gestion et d'un immobilisme qui ne profite en définitive ni aux Flamands ni aux Wallons et qui engendre des frustrations et une incompréhension mutuelle entre les deux communautés nationales. Il n'existe pas d'intérêt général belge, ni d'identité belge, ni de peuple belge et donc pas non plus de démocratie belge. La démocratie n'est en effet rien d'autre qu'un moyen permettant de donner corps au droit à l'autodétermination d'une communauté et dont la finalité réside dans la mise en œuvre d'une politique qui sert l'intérêt général de la communauté, la polis. La démocratie suppose l'existence d'une communauté et ne peut se développer que dans une société qui présente un minimum de cohérence et d'homogénéité au niveau des normes et des valeurs, à moins qu'on ne veuille réduire la démocratie à sa dimension formelle, c'est-à-dire à un jeu de calculs arithmétiques et de procédures.

L'État ne constitue pas un objectif en soi, mais doit servir l'intérêt général. L'intérêt général, qui est l'objectif de l'État, constitue en même temps la légitimité de l'État au sens le plus large du terme. Or, à la lumière de ce critère, l'État belge est dépourvu de toute légitimité. En effet, Flamands et Wallons ont des besoins collectifs différents. L'État belge constitue un obstacle plutôt qu'un instrument pour résoudre d'importants problèmes sociaux. Les solutions belges sont toujours insatisfaisantes, soit pour les Flamands, soit pour les Wallons. En pratique, lorsqu'on ne peut trouver une solution satisfaisante pour les Wallons, le plus souvent, il ne se passe tout simplement rien. L'immobilisme qui en résulte est en partie à l'origine de la désaffection d'un nombre sans cesse croissant de citoyens pour la chose politique. Seule l'indépendance de la Flandre et de la Wallonie permettrait de rompre cet immobilisme et d'induire une bonne administration et un renouveau politique au vrai sens du terme.

Le fédéralisme belge n'apporte aucune plus-value. Si, conformément au principe de subsidiarité, des matières doivent être réglées à un niveau plus élevé que celui de la communauté nationale, ce règlement devrait intervenir dans le cadre global de l'Union européenne. En effet, la Flandre et la Wallonie n'ont pas grand-chose en commun, ce qui les distingue, en tant qu'ensemble, des autres peuples européens. Cela n'exclut d'ailleurs pas que la Flandre et la Wallonie puissent collaborer dans des domaines spécifiques sur la base de conventions entre États, si les deux Communautés nationales jugent cette collaboration souhaitable. L'intégration européenne facilite davantage qu'elle ne complique le partage du patrimoine belge. Les États appelés à succéder à la Belgique, la Flandre et la Wallonie, resteront en effet dans le giron de l'Union européenne après la dissolution de l'État belge. La libre circulation des travailleurs, des biens, des services et des capitaux restera donc intégralement en vigueur. L'argument selon lequel l'indépendance de la Flandre et de la Wallonie signifierait la fin de l'union économique et monétaire belge ne tient plus non plus, dès lors que l'union économique et monétaire européenne est une réalité.

Le fait qu'un dossier relativement simple comme celui de Bruxelles-Hal-Vilvorde — l'adaptation d'une limite administrative à la division de la Belgique en régions linguistiques, en Régions et provinces unilingues à la suite d'un arrêt de la Cour constitutionnelle — soit bloqué depuis des années par le refus persistant du monde politique francophone — rappelons le recours abusif qui a été fait des conflits d'intérêts dilatoires successifs ou les revendications déraisonnables comme l'extension de Bruxelles en « compensation » de la scission de la circonscription électorale — montre que la Belgique ne tolère pas la démocratie et qu'en fait la minorité impose sa volonté à la majorité. La question de Bruxelles-Hal-Vilvorde illustre de façon frappante que le modèle fédéral belge entraîne une neutralisation de la majorité flamande au profit des privilèges de la minorité francophone. La Belgique est dirigée depuis longtemps déjà par un gouvernement fédéral qui ne dispose pas d'une majorité en Flandre. Cela signifie en principe que chaque décision prise par ce gouvernement et que chaque loi votée par la majorité parlementaire qui le soutient, n'est pas l'expression d'une majorité en Flandre. Les partis politiques francophones ont néanmoins jugé parfaitement inadmissible que les Flamands utilisent une fois leur majorité numérique pour faire coïncider le découpage des circonscriptions électorales avec la division constitutionnelle de la Belgique.

Le seul moyen, pour le Constituant belge, de faire œuvre utile est d'arrêter dans la Constitution belge, à l'instar de ce qui s'est fait lors de la « partition de velours » de la Tchécoslovaquie en 1992/1993, une date à laquelle la Belgique cessera d'exister et de prévoir que la Flandre et la Wallonie succéderont à la Belgique en tant qu'États. Afin de ne soulever aucune objection constitutionnelle, au cas où la dissolution inéluctable et nécessaire de la Belgique serait décidée par l'insertion dans la Constitution d'une disposition visant l'objectif précité, l'ensemble de la Constitution belge doit pouvoir être ouvert à révision.

Bart LAEREMANS.

Nº 16 DE M. PIETERS

Article unique

Remplacer cet article par ce qui suit:

« Article unique. Dans l'article 195 de la Constitution, apporter les modifications suivantes:

1º abroger les alinéas 2 et 3;

2º à l'alinéa 4, remplacer les mots « Ces Chambres » par les mots « Les Chambres ». »

Justification

Le 15 février 2012, les présidents de groupe du CD&V, de l'Open Vld, du sp.a, de Groen, du PS, du MR, du cdH et d'Ecolo ont déposé une proposition de révision de l'article 195 de la Constitution (doc. Chambre, nº 53-2064/001).

Cette proposition vise non pas à modifier de façon permanente l'article 195 de la Constitution, mais à y ajouter temporairement une disposition transitoire, l'objectif étant de pouvoir modifier, outre les articles figurant dans la déclaration de révision de la Constitution du 7 mai 2010 (Moniteur belge du 7 mai 2010), d'autres articles de la Constitution sous la présente législature. Les auteurs soulignent à cet égard que leur proposition devrait permettre de mettre en œuvre l'accord institutionnel pour la sixième réforme de l'État du 11 octobre 2011.

1. La modification temporaire de l'article 195 de la Constitution donne matière à discussion

La technique utilisée par les partis concernés a déjà donné matière à discussion entre constitutionnalistes, universitaires, experts et leaders d'opinion éminents. À cet égard, il a particulièrement été souligné que les 8 partis optent pour une adaptation temporaire de l'article 195, et non une révision permanente et durable de cet article.

On trouvera ci-après quelques citations:

— Carl Devos (2012): « Ceux qui réforment l'État tiennent maintenant à peu près ce langage: « Ce n'est donc que de la théorie. Nous vivons dans la pratique. » Ceux qui estiment que la Constitution n'est « que de la théorie » peuvent également contester la légitimité des députés. Elle est elle aussi théorique. La théorie n'est donc pas vide de sens. C'est pourquoi l'artifice utilisé avec l'article 195 crie vengeance, témoigne d'arrogance et d'une absence de respect des règles du jeu, par ceux qui nous demandent de les respecter, eux, ainsi que leurs règles. Si la politique ne veut pas respecter les règles du jeu fondamentales de l'État, elle n'a aucune autorité pour demander aux autres de suivre des règles. C'est donc une question de décence constitutionnelle et de crédibilité.(...) Ils souhaitent adapter l'article 195 pour cette raison, pour avoir cette flexibilité. Et cette adaptation ne servirait, figurez-vous, qu'à une seule législature: la leur. Forcer une fois la Constitution par le biais de la Constitution, pour ensuite rétablir l'ancienne règle: on dirait une comédie burlesque avec un chiffon de papier. Que croient donc ces dirigeants ? Qu'ils peuvent mettre brièvement de côté les principes de la Constitution, dans leur propre intérêt, pour pouvoir exécuter leur accord politique dans toutes ses nuances, parce que la majorité nécessaire pour ce faire existe ? Si l'on suit le raisonnement de ceux qui réforment l'État, on peut même, en dernier ressort, en poussant le raisonnement très loin, légitimer la suppression de la démocratie, du moment qu'elle disparaît à la suite d'une décision démocratique. Ou bien l'article 195 est modifié de manière permanente, pour l'avenir également, et cette idée est défendable, ou bien il ne l'est pas et Di Rupo Ier respecte les règles du jeu (et donc la liste des articles ouverts à révision). Tout le reste n'est qu'arrogance incivique sous le couvert d'un pragmatisme légitimé démocratiquement. » (Dereadactie.be, 18 février 2012)

— Le professeur M. Verdussen (2012): « On ne sait que trop bien que, si l'article 195 de la Constitution a été soumis à révision, c'est afin de permettre au pouvoir constituant d'envisager une refonte globale et durable de la procédure de révision constitutionnelle, devenue largement inadaptée à l'évolution de la société belge. » (La Libre Belgique, 11 février 2012)

— Le professeur H. Vuye (2012): « À l'époque, le Pacte d'Egmont avait buté sur l'article 195. Le 11 octobre 1978, le premier ministre Leo Tindemans (CD&V) vociférait devant la Chambre que la Constitution n'était pas « un chiffon de papier ». (...) Aujourd'hui, le gouvernement Di Rupo, épaulé pour l'occasion par Groen et Écolo, part aussi à l'aventure. L'article 195 est temporairement vidé de sa substance. (...) Cela nous amène à une question vraiment fondamentale: un État où les responsables politiques peuvent fouler au pied la Constitution en toute impunité est-il encore un État de droit ? John Crombez (sp.a) a déclaré récemment que la fraude et les montages frauduleux sont encore fortement sous-estimés. En effet, la fraude à la Constitution perpétrée par les responsables politiques n'est pas sanctionnée en Belgique. » (traduction). » (De Morgen, 14 février 2012)

— Le professeur F. Reyntjens (2012): « Dans une vie précédente, j'étais spécialiste du droit constitutionnel, mais, depuis quelques décennies, je m'intéresse davantage à l'Afrique, et je reconnais donc ce genre de choses. Leo Tindemans a dit un jour qu'il ne considérait pas la Constitution comme un « chiffon de papier », mais l'actuel gouvernement a manifestement une autre idée sur la question et préfère suivre l'exemple de ses homologues africains. D'ailleurs, ses intentions sont foncièrement incohérentes. Le gouvernement pourrait en effet proposer de revoir l'article 195, mais définitivement. Comme il a été dit, beaucoup d'arguments plaident en ce sens. Cependant, le gouvernement estime manifestement que cette disposition a une grande valeur intrinsèque — sans quoi il ne souhaiterait pas rétablir l'article de loi, après, certes, une « suspension » de courte durée qui lui convient manifestement. Le fait que le gouvernement ne fasse même qu'envisager de zapper brièvement la Constitution est absolument scandaleux. » (« Zappen met een vodje papier », De Standaard, 10 janvier 2012)

— Paul Geudens (2012): « Les huit partis qui ont signé l'accord relatif à une nouvelle réforme de l'État ont inventé le mécanisme suivant. Ils modifient l'article 195 lui-même. La condition de la désignation préalable en est temporairement extraite. Les verrous exigés par les francophones pourront donc tout de même être subrepticement introduits dans la Constitution. L'article 195 sera ensuite rétabli dans son ancienne version. Pour l'exprimer de manière un peu plus esthétique: ils forcent le verrou d'une porte qu'ils ne peuvent ouvrir en temps normal, faute de clé, ils ouvrent la porte cinq minutes puis la referment et la réparent avec l'ancien verrou et l'ancienne clé. (...) Nous avons aujourd'hui affaire à du bricolage politique de la pire espèce, de quoi rendre Jean-Luc Dehaene vert de jalousie. Et les lendemains risquent d'être difficiles pour les Flamands. Une fois que les francophones auront engrangé leur butin, les Flamands pourront faire une croix sur le reste de leur réforme de l'État. » (traduction) (Gazet van Antwerpen, 20 février 2012)

2. Une procédure permanente et durable de révision de la Constitution

Le présent amendement tend à remanier la procédure de révision proposée par les huit partis, de manière à modifier l'article 195 non pas de façon temporaire, mais bien de façon permanente.

La terminologie utilisée dans le présent amendement a en outre été reprise littéralement de propositions antérieures du CD&V et du sp.a. Nous avons notamment copié de ces propositions les passages qui permettent de définir une procédure de révision permanente, à savoir:

— sp.a: article unique, point A, de la proposition de révision de l'article 195 de la Constitution du 16 septembre 2010 (nº 5-96/1), déposée par MM. Johan Vande Lanotte, Bert Anciaux, Ludo Sannen, Guy Swennen, Marleen Temmerman, Güler Turan et Frank Vandenbroucke.

— CD&V: article unique, 1º, de la proposition de révision de l'article 195 de la Constitution du 15 juin 2011 (nº 5-1091/1), déposée par M. Peter Van Rompuy.

Désormais, la Constitution pourra dès lors être révisée au cours d'une seule et même législature. Comme nous l'avons déjà dit, ce qui est important à cet égard, c'est qu'il n'est pas dérogé ponctuellement à la procédure, mais que cette règle s'appliquera tant aujourd'hui qu'à l'avenir.

3. Avis et réflexion

Dans le même temps, il convient de prendre des mesures permettant de garantir une révision sérieuse et correcte de la Constitution. Le présent amendement doit dès lors être lu conjointement avec la proposition de loi « modifiant les lois sur le Conseil d'État, coordonnées le 12 janvier 1973, en ce qui concerne l'évaluation des projets ou propositions de révision de la Constitution » (doc. Chambre, nº 53-2091/001). En habilitant le Conseil d'État à évaluer les modifications de manière proactive, on évite que des modifications de la Constitution ne soient votées par trop rapidement et de manière inconsidérée. Cette procédure d'avis offre en effet l'avantage de pouvoir intégrer une période de réflexion et doit garantir une révision qualitative de la Constitution.

Nº 17 DE M. PIETERS

(Amendement subsidiaire à l'amendement nº 16)

Article unique

Dans l'article 195, proposé, supprimer les points 1 à 15.

Justification

Le 15 février 2012, les présidents de groupe du CD&V, de l'Open VLD, du sp.a, de Groen, du PS, du MR, du cdH et d'Ecolo ont déposé une proposition de révision de l'article 195 de la Constitution (doc. Chambre, nº 53-2064/1).

Cette proposition vise non pas à modifier de façon permanente l'article 195 de la Constitution, mais à y ajouter une disposition transitoire, l'objectif étant de pouvoir modifier, outre les articles figurant dans la déclaration de révision de la Constitution du 7 mai 2010 (Moniteur belge du 7 mai 2010), d'autres articles de la Constitution sous la présente législature. Les auteurs soulignent à cet égard que leur proposition devrait permettre de mettre en œuvre l'accord institutionnel pour la sixième réforme de l'État du 11 octobre 2011.

L'auteur du présent amendement s'oppose avec force à la technique utilisée par les auteurs de la proposition de révision de l'article 195. Cette technique, qui consiste en une modification provisoire et, partant, en une suspension de facto de la Constitution, donne en effet matière à discussion. L'auteur de l'amendement opte résolument pour un mécanisme permanent de modification et déposent un premier amendement en ce sens.

Un amendement a été déposé à la Chambre, tant en commission qu'en séance plénière, en vue de rendre permanente la modification de l'article 195, non seulement pour l'immédiat (pour la majorité actuelle), mais pour l'avenir également.

La majorité, soutenue par Ecolo-Groen, a toutefois déjà fait savoir qu'elle n'était pas favorable à cette modification permanente et a choisi, lors du vote à la Chambre, de ne pas amender la proposition.

Dans l'hypothèse où une modification permanente de l'article 195 s'avérerait impossible, l'auteur de l'amendement souhaite également, grâce à celui-ci, supprimer l'assouplissement provisoire de la procédure instituée à la convenance d'une majorité de circonstance.

Nº 18 DE M. PIETERS

(Amendement subsidiaire à l'amendement nº 16)

Article unique

Dans l'article 195 proposé, insérer, après les mots « exclusivement dans le sens indiqué ci-dessous: », un nouveau tiret rédigé comme suit: « — l'article 174, en vue d'introduire un frein à l'endettement tel que prévu dans le traité du 31 janvier 2012 sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire. À cet égard, il est prévu que l'autorité fédérale, de même que les Communautés et les Régions, conservent une totale autonomie et indépendance dans la gestion de leurs budgets respectifs et qu'en cas de sanction européenne, seule l'autorité ou les autorités qui ne se conforment pas aux obligations budgétaires seront sanctionnées. »

Justification

Le 15 février 2012, les présidents de groupe du CD&V, de l'Open Vld, du sp.a, de Groen, du PS, du MR, du cdH et d'Ecolo ont déposé une proposition de révision de l'article 195 de la Constitution (Doc. Chambre, nº 53-2064/001).

Cette proposition vise non pas à modifier de façon permanente l'article 195 de la Constitution, mais à y ajouter une disposition transitoire, l'objectif étant de pouvoir modifier, outre les articles figurant dans la déclaration de révision de la Constitution du 7 mai 2010 (Moniteur belge du 7 mai 2010), d'autres articles de la Constitution sous la présente législature. Les auteurs soulignent à cet égard que leur proposition devrait permettre de mettre en œuvre l'accord institutionnel pour la sixième réforme de l'État du 11 octobre 2011.

L'auteur du présent amendement s'oppose avec force à la technique utilisée par les auteurs de la proposition de révision de l'article 195. Cette technique, qui consiste en une modification provisoire et, partant, en une suspension de facto de la Constitution, donne en effet matière à discussion. L'auteur de l'amendement opte résolument pour un mécanisme permanent de modification et dépose donc un premier amendement en ce sens.

Un amendement a été déposé à la Chambre, tant en commission qu'en séance plénière, en vue de rendre permanente la modification de l'article 195, non seulement pour l'immédiat (pour la majorité actuelle), mais pour l'avenir également.

La majorité, soutenue par Ecolo-Groen, a toutefois déjà fait savoir qu'elle n'était pas favorable à cette modification permanente et a choisi, lors du vote à la Chambre, de ne pas amender la proposition. Or, il y a un certain nombre de modifications de la Constitution qui ne sont pas prévues dans la proposition de la majorité et d'Ecolo-Groen. Ces modifications sont pourtant dictées par des obligations internationales. Elles concernent notamment la mise en conformité avec l'arrêt Grosaru et le traité, récemment signé, sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire.

Dans le cadre de la crise financière et des solutions que la zone euro tente d'y apporter, les chefs de gouvernement européens ont convenu, lors du sommet du 30 janvier 2012, de soumettre un nouveau traité aux États membres afin d'imposer une plus grande discipline budgétaire. Les parlements disposeront d'un délai courant jusqu'au 1er janvier 2013 pour ratifier ce traité. Un an au plus tard après l'entrée en vigueur de celui-ci, un mécanisme de frein à l'endettement devra être instauré dans chaque État membre au moyen de dispositions permanentes et contraignantes. Le traité indique clairement que ces dispositions doivent de préférence être constitutionnelles.

L'article 3, 2 du traité dispose ce qui suit: « Les règles énoncées au paragraphe 1 prennent effet dans le droit national des parties contractantes au plus tard un an après l'entrée en vigueur du présent traité, au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon. »

Lors de la séance plénière du 15 mars 2012, M. Verherstraeten annonçait déjà, à propos du frein à l'endettement, que le gouvernement entrevoyait la possibilité de procéder aussi bien à un ancrage constitutionnel qu'à un ancrage par loi spéciale. Or, un mécanisme de frein à l'endettement a un impact sur la portée de la compétence prévue à l'article 174 de la Constitution. Si l'on instaurait un mécanisme de frein à l'endettement en dehors de l'article 174, cela reviendrait à modifier implicitement cet article ou à en limiter implicitement la portée. Lors de cette même séance plénière du 15 mars 2012 à la Chambre, Stefaan Van Hecke a également précisé ce qui suit au sujet des modifications implicites de la Constitution: « D'autres intervenants ont déjà évoqué la voie de la modification implicite de la Constitution. Il s'agit en réalité d'un système nettement plus critiquable qui a malheureusement souvent été utilisé par le passé. La méthode consiste à utiliser le biais d'une modification de certains articles déclarés ouverts à révision pour modifier implicitement d'autres articles de la Constitution. » (traduction)

En outre, l'auteur souligne que lors de la discussion qui a eu lieu en commission du Sénat le 12 mars 2012, M. Cheron, parmi d'autres, s'est opposé à ce que l'on modifie une deuxième fois sous la présente législature l'article 195 de la Constitution.

L'adoption du présent amendement permettrait d'empêcher une deuxième modification. L'auteur entend plus spécifiquement, par la modification proposée en l'espèce, ancrer le mécanisme du frein à l'endettement de manière que celui-ci puisse entrer en vigueur à temps et que les obligations européennes soient respectées dans les délais prévus.

Le frein à l'endettement doit en outre répondre à un certain nombre de critères afin de maintenir l'équilibre entre les entités fédérées et de préserver la solidarité et la loyauté fédérale:

— En ce qui concerne l'autorité fédérale, le déficit budgétaire ne peut excéder 0,5 % au maximum. Le produit intérieur brut qui est pris en compte fait l'objet d'une pondération en fonction de la part des recettes propres de l'autorité fédérale dans l'ensemble des recettes totales en Belgique.

— En ce qui concerne chaque Communauté et chaque Région prise individuellement, le déficit ne peut excéder 0,5 % au maximum. Le produit intérieur brut qui est pris en compte fait l'objet d'une pondération en fonction de la part des recettes propres de la Communauté ou de la Région concernée dans l'ensemble des recettes totales en Belgique.

— L'autorité fédérale, de même que les Communautés et les Régions, conservent une totale autonomie et indépendance dans la gestion de leurs budgets respectifs.

— En cas de sanction européenne, le principe qui prévaut est que seule l'autorité qui l'a occasionnée sera tenue de payer. Plutôt que de fixer une clé de répartition entre l'autorité fédérale et les entités fédérées, on fera en sorte, le cas échéant, que l'autorité ou les autorités qui ne se conforment pas aux obligations budgétaires soient les seules à être sanctionnées.

— Des dispositions sont prévues en cas de « circonstances exceptionnelles »: les situations d'urgence, comme des catastrophes naturelles ou des événements qui échappent au contrôle de l'autorité concernée, et les périodes de grave récession économique.

Nº 19 DE M. PIETERS

(Amendement subsidiaire à l'amendement nº 16)

Article unique

Dans la disposition transitoire proposée, après les mots « exclusivement dans le sens indiqué ci-dessous: », insérer les mots: « l'article 48, en vue de modifier cet article en même temps que l'article 142 afin de rendre la Cour constitutionnelle compétente pour le contrôle juridictionnel du résultat des élections, conformément à l'arrêt rendu le 2 mars 2010 par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Grosaru c. Roumanie. »

Justification

Le 15 février 2012, les présidents de groupe du CD&V, de l'Open VLD, du sp.a, de Groen, du PS, du MR, du cdH et d'Ecolo ont déposé une proposition de révision de l'article 195 de la Constitution (doc. Chambre, nº 53-2064/1).

Cette proposition vise non pas à modifier de façon permanente l'article 195 de la Constitution, mais à y ajouter une disposition transitoire, l'objectif étant de pouvoir modifier, outre les articles figurant dans la déclaration de révision de la Constitution du 7 mai 2010 (Moniteur belge du 7 mai 2010), d'autres articles de la Constitution sous la présente législature. Les auteurs soulignent à cet égard que leur proposition devrait permettre de mettre en œuvre l'accord institutionnel pour la sixième réforme de l'État du 11 octobre 2011.

L'auteur du présent amendement s'oppose avec force à la technique utilisée par les auteurs de la proposition de révision de l'article 195. Cette technique, qui consiste en une modification provisoire et, partant, en une suspension de facto de la Constitution, donne en effet matière à discussion. L'auteur de l'amendement opte résolument pour un mécanisme permanent de modification et déposent un premier amendement en ce sens.

Un amendement a été déposé à la Chambre, tant en commission qu'en séance plénière, en vue de rendre permanente la modification de l'article 195, non seulement pour l'immédiat (pour la majorité actuelle), mais pour l'avenir également.

La majorité, soutenue par Ecolo-Groen, a toutefois déjà fait savoir qu'elle n'était pas favorable à cette modification permanente et a choisi, lors du vote à la Chambre, de ne pas amender la proposition. Or, il y a un certain nombre de modifications de la Constitution qui ne sont pas prévues dans la proposition de la majorité et d'Ecolo-Groen. Ces modifications découlent pourtant d'obligations internationales. Elles concernent notamment la mise en conformité avec l'arrêt Grosaru et le traité, récemment signé, sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire.

Bien qu'il reste opposé à la suspension de la Constitution, l'auteur entend, par le présent amendement, donner aux membres de la majorité et à ceux d'Ecolo-Groen la possibilité de se mettre en conformité avec les obligations européennes découlant de l'arrêt Grosaru. (1)

La Cour européenne des droits de l'homme déclare ce qui suit dans cet arrêt: « Le recours devant le Parlement, comme juge de sa propre élection, est parfois prévu, mais risque d'entraîner des décisions politiques. Il est admissible en première instance là où il est connu de longue date, mais un recours judiciaire doit alors être possible. [...]

Les trois pays qui n'envisagent aucun recours juridictionnel en dehors de la validation des pouvoirs par la chambre législative sont des pays d'Europe occidentale (Belgique, Italie, Luxembourg). L'existence de cette tendance à la juridictionnalisation du contentieux postélectoral s'inscrit dans le droit fil des normes européennes préconisées par la Commission de Venise, qui souligne qu'un recours juridictionnel devrait exister dans tous les cas, les seuls recours devant la commission de validation du parlement ou devant une commission électorale n'offrant pas de garanties suffisantes. [...] »

Après les élections législatives fédérales de 2010, des requêtes ont été adressées à la Cour européenne en vue d'obtenir une condamnation de la Belgique. En effet, une procédure juridictionnelle n'est toujours pas possible à ce jour.

Une procédure d'appel ne pourra être engagée contre la décision relative à la validité des élections que moyennant une modification de la Constitution. L'idéal serait que la compétence relative à l'appréciation en la matière soit confiée à la Cour constitutionnelle. Pour cela, il est nécessaire de modifier tant l'article 48 que l'article 142 de la Constitution. À cet égard, l'on peut se référer, par exemple, aux déclarations du professeur Marc Verdussen (UCL) faites dans La Libre Belgique du 18 mars 2010.

Seul l'article 142 de la Constitution est ouvert à révision. L'auteur du présent amendement souhaite dès lors soumettre à révision l'article 48 de la Constitution par le biais de l'article 195 afin que l'obligation énoncée par la Cour européenne puisse être respectée. Modifier uniquement l'article 142 de la Constitution équivaudrait en effet à une modification implicite de l'article 48 de la Constitution. Le 15 mars 2012, à la Chambre, Stefaan Van Hecke a fait les déclarations suivantes à propos des modifications implicites de la Constitution: « D'autres intervenants ont déjà évoqué la voie de la modification implicite de la Constitution. Il s'agit en réalité d'un système nettement plus critiquable qui a malheureusement souvent été utilisé par le passé. La méthode consiste à utiliser le biais d'une modification de certains articles déclarés ouverts à révision pour modifier implicitement d'autres articles de la Constitution. » (traduction)

En outre, l'auteur souligne que lors de la discussion qui a eu lieu en commission du Sénat le 12 mars 2012, M. Cheron, parmi d'autres, s'est opposé à ce que l'on modifie une deuxième fois sous la présente législature l'article 195 de la Constitution. L'adoption du présent amendement permettrait d'empêcher une deuxième modification.

Danny PIETERS.

(1) Cour européenne des droits de l'homme, 2 mars 2010, Grosaru c. Roumanie (requête no 78039/1).