5-138COM

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Commissie voor de Financiën en voor de Economische Aangelegenheden

Handelingen

DINSDAG 27 MAART 2012 - NAMIDDAGVERGADERING

(Vervolg)

Vraag om uitleg van mevrouw Christie Morreale aan de minister van Middenstand, KMO's, Zelfstandigen en Landbouw en aan de staatssecretaris voor Leefmilieu, Energie en Mobiliteit, en voor Staatshervorming over «de impact van gecoat zaad op de bijenkolonies» (nr. 5-2128)

Mme Christie Morreale (PS). - Madame la ministre, partout en Europe, on observe depuis une dizaine d'années un inquiétant phénomène de surmortalité des abeilles. La Belgique n'échappe pas à ce constat. À titre d'exemple, une abeille sur trois n'a pas survécu en 2010. Or le rôle majeur de ces insectes pollinisateurs, garants de la biodiversité, n'est plus à démontrer. Outre le fait qu'ils permettent la fécondation et la reproduction de plus de 80% des espèces végétales, on estime qu'environ un tiers de l'alimentation humaine et trois quarts des cultures agricoles dépendent directement de la pollinisation des abeilles. Leur extinction serait un désastre écologique.

La problématique de la mort des abeilles dans le monde, connue sous le nom de « syndrome d'effondrement des colonies d'abeilles », est probablement multifactorielle. Il semble, même si les études scientifiques manquent à ce propos, qu'à côté des autres facteurs bien connus - les bactéries, les virus, les maladies, la perte de la diversité florale, les changements climatiques, les nouvelles pratiques agricoles -, les semences enrobées d'insecticides systémiques sont susceptibles de faire des ravages chez les abeilles. En Europe, et notamment en Allemagne, des cas d'intoxication d'abeilles à proximité de semences de maïs enrobées d'insecticides systémiques ont été recensés. Lors des semis, des microparticules restent en suspension dans l'atmosphère. Les poussières contaminent les fleurs aux alentours, qui elles-mêmes contaminent les abeilles survolant le champ ou butinant à proximité. Des études tendent à montrer que les insecticides systémiques, notamment ceux de la classe des néonicotinoïdes, constitueraient un facteur de réduction de l'immunité des abeilles.

Ne pensez-vous pas qu'un principe de saine prudence s'impose concernant l'utilisation de semences enrobées d'insecticides systémiques ?

À l'heure actuelle, les risques pour l'environnement liés à l'utilisation des semences enrobées et le pourcentage de cultures ensemencées avec des graines enrobées, dont le commerce connaît un essor croissant ces dernières années, sont-ils connus ?

Étudie-t-on en Belgique les risques que les graines enrobées présentent pour d'autres espèces animales, notamment les autres insectes pollinisateurs ? Des recherches sont-elles en cours à l'échelon fédéral afin d'étudier ce phénomène et, le cas échéant, des mesures sont-elles envisagées ? Si une étude est en cours actuellement, quels en sont les grands axes ou les résultats ?

Un projet de « Plan abeille » fédéral avait été annoncé dans la foulée de l'année internationale 2010 de la biodiversité. Ce plan est-il devenu réalité ? Si oui, quels en sont les grands axes ? À quelles conclusions est-on parvenu ? Y a-t-on intégré la question de l'impact des semences enrobées sur les populations d'abeilles ? Y a-t-il un lien avec les plans menés au niveau régional, notamment le plan Maya en Wallonie, afin de sensibiliser l'ensemble des acteurs à cette problématique ?

Mme Sabine Laruelle, ministre des Classes moyennes, des PME, des Indépendants et de l'Agriculture. - Tout d'abord, je tiens à vous informer que nous suivons de près la problématique du dépérissement des abeilles. J'ai d'ailleurs déjà été amenée à répondre à plusieurs questions, dont celle de M. Seminara, du 15 mars 2011, et celle de M. Deprez du 13 octobre 2011.

En application de la législation européenne, la commercialisation de semences enrobées est libre. Étant donné que la plupart des semences enrobées sont importées, nous ne disposons pas des données chiffrées concernant leur utilisation en Belgique.

Avant la mise sur le marché de chaque produit phytopharmaceutique, les risques pour les abeilles et les autres arthropodes utiles, de même que les oiseaux, les vers de terre, les animaux supérieurs et les organismes aquatiques, sont évalués selon les méthodes et les critères établis au niveau européen.

Selon les experts, les risques pour les autres insectes pollinisateurs sont comparables à ceux pour les abeilles. Les données disponibles couvrent donc également les autres insectes pollinisateurs.

Par contre, l'évaluation des risques pour les insectes pollinisateurs liés à l'exposition aux poussières contaminées auxquels vous faites référence n'est malheureusement pas encore prévue par la législation européenne.

Cette voie d'exposition est totalement nouvelle. Elle est provoquée par la technique des semis au moyen d'un semoir pneumatique, lors desquels un flux de poussières est dirigé vers l'atmosphère. En Belgique, ce type de semoir n'est utilisé que pour le maïs. Néanmoins, nous avons pris l'initiative d'imposer des mesures préventives pour tous les insecticides utilisés pour l'enrobage des semences de maïs. Il est désormais obligatoire de prendre des précautions lors du semis du maïs. En cas d'utilisation de semoirs pneumatiques, le flux de poussières doit être dirigé vers le sol afin d'éviter une dispersion trop grande des poussières de semences dans l'atmosphère.

De plus, nous avons imposé aux firmes phytopharmaceutiques d'établir un monitoring des effets néfastes sur les abeilles consécutifs à l'utilisation des produits d'enrobage de semences. Les résultats sont attendus pour juin 2013. Nous avons donc pris des mesures de précaution adéquates.

En ce qui concerne le « Plan abeille », je vous renvoie à mon collègue Melchior Wathelet, qui a l'Environnement dans ses attributions. Je suppose qu'il vous répondra à cet égard.

Mme Christie Morreale (PS). - Madame la ministre, dans ma région, il y a énormément d'apiculteurs. D'importantes différences apparaissent selon que les ruches sont à proximité des bois ou des champs. Les apiculteurs que je côtoie sont catégoriques : les pesticides jouent un rôle.

Mme Sabine Laruelle, ministre des Classes moyennes, des PME, des Indépendants et de l'Agriculture. - Selon les études effectuées par la Faculté agronomique de Gembloux, les résultats sont moins catégoriques que ceux que vous avancez.

Mme Christie Morreale (PS). - Les abeilles se déplacent sur environ trois kilomètres. Dans ma commune, selon l'endroit où l'on se situe, à proximité des champs ou à proximité des bois, les résultats varient mais, de toute façon, la perte se situe entre 20 et 50% pour l'ensemble des ruches. Les résultats sont catastrophiques.

L'évaluation des risques n'étant pas encore prévue par la législation européenne, je demanderai à des collègues qui siègent au Parlement européen de relayer mes préoccupations.

Mme Sabine Laruelle, ministre des Classes moyennes, des PME, des Indépendants et de l'Agriculture. - En tous cas, nous imposons aux firmes d'assurer un monitoring à l'échelon belge. Nous attendons les résultats pour juin 2013. Voilà en quoi consistent nos mesures préventives.

Mme Christie Morreale (PS). - Le fait que le monitoring soit effectué par les firmes me semble problématique. Je crois qu'il serait préférable de faire appel à un opérateur indépendant ou à un service public.

Mme Sabine Laruelle, ministre des Classes moyennes, des PME, des Indépendants et de l'Agriculture. - Je ne suis pas comme vous, je ne jette par l'opprobre sur l'ensemble du secteur privé. Idéologiquement, nous ne sommes pas pareilles. L'évaluation des produits phytopharmaceutiques est effectuée par les firmes elles-mêmes. Pour les médicaments à usage humain, c'est la même chose. Les firmes qui veulent mettre des médicaments sur le marché doivent mener des études dont la pertinence et la véracité des résultats sont contrôlées. En médecine humaine, ce ne sont pas les pouvoirs publics qui paient les études. C'est tout à fait logique.

Mme Christie Morreale (PS). - Nous sommes bien d'accord.

Mme Sabine Laruelle, ministre des Classes moyennes, des PME, des Indépendants et de l'Agriculture. - En médecine humaine, ce sont les firmes qui effectuent aussi les analyses. C'est la même chose pour les produits phytopharmaceutiques.

Mme Christie Morreale (PS). - Nous attendrons donc les résultats.