5-46/1

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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2010

2 SEPTEMBRE 2010


Proposition de loi modifiant le Code civil en ce qui concerne l'accouchement discret

(Déposée par Mme Martine Taelman)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 26 novembre 2008 (doc. Sénat, nº 4-1026/1 - 2008/2009).

En Belgique, les possibilités sont peu nombreuses pour la femme dont la grossesse est non désirée et qui ne souhaite pas procéder à l'adoption ni laisser transparaître son état dans des documents officiels.

En France, il existe une base légale pour l'accouchement anonyme, mais celle-ci présente de nombreux inconvénients, que nous exposerons ci-après. Le manque de possibilités légales en Belgique a entraîné la réapparition d'une pratique moyenâgeuse, à savoir celle des boîtes à bébé.

Les premiers foyers pour enfants trouvés ont été créés en Italie; le tout premier a été fondé à Vérone en 1426 par un certain nombre de notaires après le déclenchement d'une épidémie de peste. À Gand, il a fallu attendre jusqu'en 1820. Une boîte à bébé, dite « Rolle », a été installée dans l'institut Sint Jan d'Olie, sis Oude Schaapsmarkt. L'on a donné au premier enfant trouvé un nom de circonstance: Ambroise premier. En 1863, le grand nombre d'enfants trouvés a entraîné la fermeture du Rolle. Compte tenu des moyens de contraception pratiquement inexistants et de la présence de nombreux cabarets où l'on ne faisait pas que boire et danser, les coûts devinrent excessifs pour la ville de Gand. Il est frappant de constater qu'après la fermeture, le nombre d'enfants abandonnés ou retrouvés morts n'a pas augmenté.

En 2000, l'ASBL Moeders voor Moeders a réintroduit les boîtes à bébé à Borgerhout, et ce, malgré les objections juridiques. Jusqu'à présent, toute personne qui dépose un enfant dans une boîte à bébés commet une infraction et est recherchée par la police. De nombreux autres arguments réfutent l'utilité de la boîte à bébé. Ainsi, dans de nombreux cas, il sera impossible pour l'enfant abandonné de retrouver plus tard ses parents; on lui enlève aussi toute possibilité de développer une identité propre à part entière. De plus, il sera considéré pour le reste de sa vie comme un « enfant trouvé ». Les conséquences peuvent également être néfastes pour les parents de l'enfant abandonné. Comment vivront-ils sous le poids de cette expérience traumatisante ? Réussiront-ils encore à construire une relation avec un enfant ? Ne seront-ils pas extrêmement honteux d'avouer à leur entourage qu'ils ont abandonné leur enfant ? Certains détracteurs soulignent que les boîtes à bébé sont indispensables. En Allemagne, elles sont davantage entrées dans les mœurs qu'en Belgique, car on en dénombre environ quatre-vingts. Toutefois, là aussi, il est encore fréquent que des enfants soient découverts morts après avoir été abandonnés, malgré le nombre important de boîtes à bébé.

L'existence d'une boîte à bébé n'offre donc pas de solution suffisante.

Chez nos voisins du sud, en France, on a essayé de s'attaquer à cette problématique en légiférant sur l'accouchement anonyme. Les parents biologiques ont ainsi la certitude que leur identité restera secrète. Dans l'acte de naissance de l'enfant, la lettre X est mentionnée à l'endroit où doit normalement figurer le nom des parents. En France, on parle dès lors d'« accouchement sous X ».

Ce système français est très controversé car il insinue que le respect de la vie privée de la mère prime le droit pour l'enfant de disposer d'informations sur ses origines. On connaît également des exemples de jeunes filles obligées d'abandonner leur enfant contre leur gré, sous la pression familiale. Lorsqu'elles souhaitent plus tard rétablir le contact avec leur enfant qu'elles ont été contraintes d'abandonner, elles n'en ont plus la possibilité.

Même si ce système présente de nombreux avantages par rapport à la boîte à bébés, il ne répond toujours pas aux aspirations actuelles à une humanisation des relations humaines.

Existe-t-il alors une alternative qui maintient les avantages de l'accouchement anonyme tout en évitant ses inconvénients ? Nous sommes convaincus que le principe de l'accouchement discret s'en rapproche le plus. Dans le cadre de l'accouchement discret, les intérêts du parent sont autant que possible conciliés avec ceux de l'enfant abandonné, et ce, tant à court qu'à long terme. La grande différence avec l'accouchement anonyme réside dans l'établissement d'un registre dans lequel sont consignées une série de données, de sorte que, lorsque la question se pose, il peut y avoir à terme une prise de connaissance réciproque de l'identité du parent et de l'enfant abandonné. Cela peut être utile si, par exemple, l'enfant abandonné souhaite retrouver ses parents naturels. Le parent demeure alors toujours libre d'accéder ou non à cette demande. Ce qui est important à cet égard, c'est que l'enfant a au minimum une chance de pouvoir retrouver ses racines. Le deuxième avantage du registre se trouve au niveau de situations d'ordre médical. Supposons que le parent soit porteur d'une maladie héréditaire. L'enfant qu'il a abandonné n'a-t-il dès lors pas le droit d'en être informé ? Dans le cas d'un accouchement anonyme, l'enfant ne pourra de toute façon pas être informé, mais dans le cas d'un accouchement discret, cette possibilité subsiste.

L'accouchement discret peut également être associé à une procédure d'accompagnement du parent. Il ressort en effet des constatations de l'ASBL Erkende Vlaamse Adoptiediensten que, pour les parents qui se font accompagner pour abandonner leur enfant, une autre solution est trouvée dans 80 % des cas. Cette solution va du maintien d'un contact avec la famille d'adoption à la remise en question de la décision d'abandonner l'enfant. Dans 20 % des cas, il est procédé à l'abandon de l'enfant. Mais même dans ce cas, il reste important que le parent bénéficie de l'accompagnement nécessaire.

Nous arrivons dès lors à la conclusion qu'après évaluation des différentes possibilités offertes à un parent souhaitant abandonner l'enfant, la procédure de l'accouchement discret est la plus humaine. D'une part, parce qu'elle permet d'accompagner tant le parent que l'enfant et, d'autre part, parce qu'elle établit un équilibre entre les intérêts de l'enfant abandonné et les aspirations du parent.

Enfin, nous ne devons surtout pas oublier qu'il y a en Belgique de nombreuses organisations et associations spécialisées dans l'accueil et l'accompagnement des femmes dont la grossesse est non désirée. Un plan de communication d'envergure destiné à les faire connaître auprès du grand public s'impose dès lors.

Martine TAELMAN.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 56, § 1er, du Code civil, remplacé par la loi du 30 mars 1984, est complété par l'alinéa suivant:

« En cas d'accouchement discret, la personne qui assure la direction de l'établissement ou son délégué fournit, sous une enveloppe cachetée, une attestation d'accouchement discret à l'officier de l'état civil du lieu. Ce dernier envoie, par lettre recommandée et sous une enveloppe cachetée, une copie de l'acte de naissance, accompagnée de l'enveloppe cachetée contenant l'attestation d'accouchement discret, au service d'enregistrement des accouchements discrets. »

Art. 3

À l'article 57 du même Code, modifié par les lois du 30 mars 1984 et du 15 mai 2007, les modifications suivantes sont apportées:

a) le 2º est complété par ce qui suit:

« s'il s'agit d'un accouchement discret, il suffit de mentionner l'année, le jour et le lieu de naissance; »;

b) le 3º est complété par ce qui suit:

« ou l'adresse du service d'enregistrement des accouchements discrets s'il s'agit d'un accouchement discret. »

20 juillet 2010.

Martine TAELMAN.