4-1651/4

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2009-2010

16 MARS 2010


Proposition de résolution relative à la perspective d'un processus de privatisation de la filière café au Burundi


TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION DES RELATIONS EXTÉRIEURES ET DE LA DÉFENSE


Le Sénat,

A. Considérant la crise alimentaire mondiale et les déficits constatés en matière de souveraineté alimentaire dans la quasi-totalité des pays en développement et rappelant les Objectifs du Millénaire pour le Développement;

B. Considérant que le café est la principale source de devises pour le Burundi et de revenus pour plus de 750 000 foyers ruraux (soit près de 50 % de la population burundaise) et prenant en considération la gravité de la situation et les risques encourus par le secteur du café au Burundi, ainsi que l'impact direct du processus de privatisation de la filière café sur les conditions socioéconomiques d'une grande part de la population burundaise;

C. Considérant le processus de privatisation de la filière café burundaise issu de la réforme de 1991, ainsi que les décrets du 27 juin 2000 du gouvernement burundais « portant autorisation de la vente du patrimoine de l'État dans ce secteur » et du 14 janvier 2005 « consacrant sur le plan légal la pleine libéralisation de la filière café »;

D. Considérant le rôle indispensable et la place légitime des organisations paysannes — plus précisément du mouvement regroupant les associations de caféiculteurs burundais — dans une stratégie de production du café et dans le processus de réforme de la filière café;

E. Tenant compte du manque de concertation avec les producteurs de café sur le processus de privatisation et du risque de conflits existants entre les divers acteurs impliqués dans la filière café au Burundi;

F. Considérant que cette réforme n'a toujours pas défini le rôle des caféiculteurs dans le nouveau dispositif ni les mécanismes d'encadrement des activités caféicoles;

G. Considérant l'engagement de la Confédération nationale des Caféiculteurs du Burundi contre les modalités de la privatisation de la filière café burundaise;

H. Considérant l'intention de la Banque mondiale de conditionner son appui budgétaire au Burundi (soit 51 % du budget national) à la privatisation du café ainsi que l'ensemble des pressions exercées par les institutions financières internationales (IFI) sur le Burundi afin de parvenir au plus vite à l'achèvement de la réforme du secteur café;

I. Considérant que la réforme du secteur café est l'une des conditions mises en avant par le FMI et la Banque mondiale pour l'allègement de la dette extérieure du Burundi et rappelant que les caféiculteurs ont, depuis plus de 10 ans, remboursé la dette contractée par l'État burundais auprès de la Banque mondiale pour la construction des stations de lavage du café;

J. Considérant les conclusions du Rapport SAPRIN intitulé « The Policy Roots of Economic Crisis and Poverty » relatif aux Programmes d'ajustement structurel (PAS) imposés par la Banque mondiale aux pays en voie de développement;

K. Rappelant que le Burundi est un partenaire privilégié de la Coopération belge au Développement et que les deux pays ont signé à l'automne 2009 un nouveau Programme indicatif de coopération pour la période 2010-2013, dans lequel l'agriculture constitue l'un des trois secteurs prioritaires et la « bonne gestion » est mentionnée comme thème transversal

;

Demande au gouvernement:

1. d'appeler les instances de la Banque mondiale à adapter, s'il y a lieu, leurs exigences liées à la privatisation du secteur de la filière café au Burundi.

Cela pourrait être accompagné par:

a) la transformation des fonds prélevés sur les revenus des caféiculteurs en actions financières dans les stations de lavage du café;

b) la réalisation d'un audit visant à déterminer la valeur réelle de chaque station de lavage ainsi que des différents fonds concernés par le processus de privatisation de la filière café (fonds de stabilisation, fonds de couverture des risques de change, fonds d'égalisation);

2. d'insister auprès du gouvernement burundais pour qu'il offre les garanties nécessaires afin que la privatisation se déroule dans le respect du cadre légal existant qui prévoit l'approbation, par le Parlement burundais, de la vente des stations de lavage;

3. d'appeler le gouvernement burundais à garantir la participation de tous les acteurs socioéconomiques actifs dans le secteur café à la poursuite du processus de privatisation de cette filière. La participation des acteurs précités ne peut toutefois avoir pour effet de reporter ce processus aux calendes grecques;

4. d'appeler les institutions financières internationales, l'Union européenne (en sa qualité d'investisseur dans les stations de lavage au Burundi) et le gouvernement burundais à garantir que le processus de privatisation de la filière café se déroule dans le respect du cadre légal existant qui prévoit notamment l'approbation de la vente des stations de lavage par le parlement burundais;

5. d'appeler les institutions financières (FMI et Banque mondiale) ainsi que le gouvernement burundais à développer un plan de prévention des conflits (information, communication, règlementation, contrôle, renforcement des capacités, mécanismes d'appui) entre les différentes parties concernées par cette problématique;

6. de soutenir et appuyer les organisations paysannes face aux nouveaux défis auxquels elles sont confrontées et de les assister tant sur le plan financier, des capacités, de la reconnaissance de contraintes liées au mouvement social et des activités économiques et politiques de ces dernières;

7. de fournir les efforts nécessaires en vue de diversifier davantage l'économie burundaise.