4-1071/4

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2008-2009

30 JUIN 2009


Proposition de résolution relative à la survie des enfants dans les pays en développement


TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION DES RELATIONS EXTÉRIEURES ET DE LA DÉFENSE


Le Sénat,

A. Renvoyant aux objectifs du Millénaire pour le Développement (MDG: Millenium Development Goals) définis par les Nations unies, qui ont été signés par la Belgique et dont le quatrième objectif prévoit que, d'ici à 2015, la mortalité infantile doit avoir diminué de deux tiers par rapport aux chiffres de 1990;

B. Renvoyant au rapport des Nations unies de 2008 (Rapport sur les objectifs du Millénaire pour le développement), qui procède à une évaluation intermédiaire de l'état de réalisation des objectifs du Millénaire et d'où il ressort que des mesures complémentaires doivent être prises d'urgence pour pouvoir atteindre les objectifs en 2015;

C. Renvoyant au Sommet de Copenhague de 1999, lors duquel avait été proposée la norme 20/20 prévoyant qu'au moins 20 % des dépenses gouvernementales dans les pays du sud et 20 % du budget de la coopération au développement dans les pays industrialisés doivent être réservés à des programmes sociaux de base en faveur des enfants;

D. Renvoyant à la « Déclaration d'Abuja sur le VIH/SIDA, la tuberculose et autres maladies infectieuses connexes », adoptée par les chefs d'État africains et l'Organisation de l'Unité africaine les 26-27 avril 2001, et prévoyant que 15 % des budgets nationaux doivent être réservés au secteur de la santé;

E. Renvoyant à la Convention internationale des droits de l'enfant, qui a été ratifiée par la Belgique en 1991 et qui consacre notamment le droit de chaque enfant à la survie (article 6) et le droit de chaque enfant à jouir du meilleur état de santé possible (article 24);

F. Renvoyant à la Déclaration de Paris et à l'Agenda d'action d'Accra sur l'efficacité de l'aide, qui vise à accroître l'impact de l'aide au développement en promouvant des partenariats plus efficaces entre les pays donateurs et les pays bénéficiaires;

G. Renvoyant à la loi du 25 mai 1999 relative à la coopération internationale belge, dont l'article 8 modifié mentionne, depuis 2005, le respect des droits de l'enfant en tant que thème transsectoriel (Moniteur belge du 19 juillet 2005), ainsi qu'à la note stratégique sur les droits de l'enfant (transmise au parlement par le ministre de la Coopération au Développement en mars 2008) qui précise comment cette attention aux droits de l'enfant peut être concrétisée dans le cadre de la coopération belge au développement;

H. Renvoyant à la politique belge de développement, qui se concentre sur plusieurs pays où le taux de mortalité infantile reste élevé, à savoir le Niger, la République démocratique du Congo, le Rwanda, le Burundi et le Mali;

I. Renvoyant aux données et recommandations des rapports de l'UNICEF « La situation des enfants dans le monde 2008: la survie de l'enfant » et « La situation des enfants en Afrique 2008: la survie de l'enfant »;

J. Renvoyant aux études publiées dans le « Lancet » sur « la survie de l'enfant » et sur « la santé du nouveau-né »;

K. Renvoyant au rapport « Compte à rebours 2015: Suivi des progrès dans le domaine de la survie de la mère, du nouveau-né et de l'enfant — Rapport 2008 », d'où il ressort que la plupart des pays partenaires de la coopération belge au développement (Bénin, Mozambique, Niger, Sénégal, Tanzanie et Ouganda) ne progressent pas suffisamment dans la lutte contre la mortalité infantile, que plusieurs pays (Burundi, République démocratique du Congo, Mali, Rwanda et Afrique du Sud) n'enregistrent même aucune avancée et que seule une minorité d'entre eux (Bolivie, Maroc, Pérou) sont aujourd'hui en voie de réaliser l'OMD 4 pour 2015 (quatre pays partenaires ne figurent pas dans cette comparaison parce qu'ils ne font pas partie des pays prioritaires du rapport Compte à rebours 2015);

L. Renvoyant au « Manifesto for social protection of vulnerable children in Africa » de l'AWEPA, de l'UNICEF, de STOP AIDS NOW ! et de l'IAVI, selon lequel la survie des enfants ne sera possible que moyennant une éradication structurée de la pauvreté et dans lequel le système de protection sociale, incluant une aide au revenu en faveur des familles et des enfants vulnérables (comparable à notre système de sécurité sociale) est présenté comme un important moyen novateur;

M. Renvoyant à la « Decision on promotion of maternal, infant and child health and development » de l'Assemblée de l'Union africaine de février 2008;

N. Renvoyant au Partenariat international pour la Santé, qui a été lancé le 5 septembre 2007 dans le but d'améliorer la collaboration entre les agences internationales, les donateurs et les pays en développement dans le cadre de l'élaboration et de la mise en œuvre de programmes de santé et dans le cadre de la création et de l'amélioration de services de santé en vue de sauver un maximum de vies, et auquel plusieurs pays donateurs ont déjà adhéré (Royaume-Uni, Norvège, Allemagne, Canada, Italie, Pays-Bas, France et Portugal);

O. Tenant compte du fait que 9,2 millions d'enfants meurent encore chaque année avant l'âge de cinq ans;

P. Tenant compte du fait que quatre millions de bébés n'atteignent même pas l'âge d'un mois;

Q. Considérant que 80 % de l'ensemble de la mortalité infantile concerne l'Afrique subsaharienne et l'Asie du Sud;

R. Considérant qu'au rythme où vont les choses actuellement, 98 pays ne parviendront pas à atteindre l'OMD 4 d'ici à 2015;

S. Tenant compte du fait que la réduction de la mortalité infantile est une condition nécessaire à la réalisation des autres objectifs du Millénaire pour le développement;

T. Considérant que la réduction de la mortalité maternelle — OMD 5 — est cruciale pour accroître les chances de survie des enfants;

U. Tenant compte du fait que les professionnels de la santé correctement formés et les produits pharmaceutiques de qualité font cruellement défaut, surtout en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud;

V. Tenant compte de la crise alimentaire actuelle et de la hausse des prix des denrées alimentaires, ainsi que de leur impact en termes de malnutrition chez les enfants, et tenant compte du fait qu'actuellement, plus de la moitié de la mortalité infantile est déjà due aux conséquences directes ou indirectes de la malnutrition et à l'absence d'une alimentation saine et équilibrée;

W. Considérant qu'une cinquantaine de pays en voie de développement connaissent actuellement une situation d'insécurité alimentaire, et que d'après la FAO, l'alimentation représente entre 60 et 80 % des dépenses de consommation dans les pays en développement mais seulement 10 à 20 % dans les pays développés;

X. Considérant que la souveraineté et la sécurité alimentaires constituent un des pré-requis à la réalisation de l'ensemble des OMD et de l'OMD 4 en particulier;

Y. Tenant compte des conséquences économiques et sociales de la mortalité infantile;

Z. Considérant que les obstacles à la survie des enfants sont connus, que des remèdes et des moyens existent pour assurer la survie des enfants et réduire la mortalité infantile, que ces moyens sont peu coûteux, efficaces et disponibles et renvoyant, entre autres, à l'impact énorme qu'ont l'éducation en matière de sexualité et de reproduction, le planning familial, l'allaitement maternel exclusif, une bonne hygiène de base, l'accès à l'eau potable, etc., sur les chances de survie des enfants;

AA. Se référant à certains pays et régions qui font la preuve qu'il est possible d'endiguer considérablement la mortalité infantile. Ainsi, le Laos, le Bangladesh, la Bolivie et le Népal sont parvenus à réduire le taux de mortalité infantile de plus de 50 % depuis 1990, tandis qu'en Afrique subsaharienne, le Malawi, le Mozambique, le Niger et l'Éthiopie ont réussi à le faire baisser de plus de 40 % au cours de la même période;

BB. Tenant compte du fait que le coût de la réduction de la mortalité infantile est à notre portée, car selon les calculs de l'UNICEF, il faudrait environ 59 milliards d'euros supplémentaires par an;

CC. Tenant compte du fait qu'assurer la survie des enfants est non seulement une obligation morale mais aussi un objectif économiquement rentable, étant donné que, selon diverses études (de l'UNICEF et de la Banque mondiale), chaque euro investi dans le développement des jeunes enfants permet en définitive à la société dans son ensemble d'économiser sept fois plus;

DD. Compte tenu du fait que la survie des enfants doit être envisagée non seulement sous l'angle de la santé, mais aussi dans le cadre d'une approche holistique plus large des droits. Les soins de santé de base sont un droit, mais la santé et la survie passent également par l'accès à une eau potable pure, par l'éducation, par la protection sociale et par un environnement sain et sûr. Assurer la survie des enfants requiert entre autres le développement de tous ces services de base, dont la protection des enfants les plus vulnérables doit constituer un objectif primordial;

EE. Considérant que la vulnérabilité accrue des enfants en situation de conflits armés suite aux crimes physiques et aux pertes familiales qui leur sont imposées par la violence et la guerre ainsi que les conséquences sur leur état de santé;

FF. Considérant que vingt des 33 pays les plus touchés par les conflits armés de 2002 à 2008 n'ont pas fait de progrès, ou peu, en matière de réduction de la mortalité infantile parmi les enfants de moins de cinq ans;

GG. Considérant que la volonté politique de faire de la survie des enfants une priorité est aujourd'hui insuffisante;

HH. Considérant que la survie des enfants, même en tant qu'objectif fortement spécifique et prioritairement centré sur les enfants et les mères, génère des effets durables, implique et responsabilise les communautés à la base et s'articule sur les dispositifs de protection sociale;

II. Tenant compte du fait qu'il n'est actuellement pas possible d'avoir un aperçu univoque du budget que l'État belge consacre à la lutte contre la mortalité infantile;

Demande au gouvernement belge:

1. De faire de la survie des enfants, en particulier en Afrique, une priorité de la coopération belge au développement. Il convient, en particulier, de mettre en œuvre la note stratégique sur le respect des droits de l'enfant dans la Coopération au développement (mars 2008) ainsi que la note politique sur le droit à la santé et aux soins de santé (novembre 2008);

2. De libérer davantage de moyens financiers pour la survie des enfants, en particulier en Afrique, et de tendre à un financement durable:

— d'une part, en faisant un usage plus efficace de l'indicateur relatif aux droits de l'enfant afin d'avoir une idée plus précise du budget investi dans la survie des enfants;

— et, d'autre part, en incitant les pouvoirs publics et les parlements nationaux des pays partenaires à intervenir davantage dans les dépenses de santé, en accordant une attention particulière aux enfants, et ce conformément à la norme 20/20 de Copenhague en matière de services de base et à la « Déclaration d'Abuja » de l'Organisation de l'Unité africaine concernant les soins de santé;

3. De poursuivre, dans le cadre des projets de santé soutenus par la Belgique, les objectifs suivants:

— le développement de la capacité locale et la participation des communautés locales;

— veiller à moduler et à adapter les projets en fonction du contexte spécifique d'un pays ou d'une région;

— donner la priorité à des interventions simples, peu onéreuses et au potentiel élevé qui peuvent être mises en œuvre à grande échelle et qui permettent de garantir la survie de nombreux enfants;

— intégrer, horizontalement et verticalement, l'attention aux enfants dans les projets de la coopération belge au développement en matière de soins de santé de base et offrir aux pays partenaires l'expertise du système existant en Belgique;

— intégrer dans les projets les conclusions en matière de santé publiées dans les rapports relatifs aux droits de l'enfant établis par le Comité des droits de l'enfant des Nations unies;

— l'élaboration d'un continuum de soins, c'est-à-dire la nécessité d'offrir des services essentiels à tous les moments clés de la vie d'un enfant: à partir de la grossesse, pendant l'accouchement, immédiatement après la naissance et pendant l'enfance;

— assurer la cohérence entre les différents endroits où des soins peuvent être dispensés: la famille, la communauté, le travail de rue, les dispensaires primaires et les hôpitaux régionaux;

— investir dans la formation des professionnels de la santé, dans des médicaments de qualité et dans une meilleure infrastructure;

4. De tendre à l'harmonisation dans ce cadre:

— en améliorant la complémentarité et la cohérence entre les divers projets de santé soutenus par la Belgique dans les pays partenaires et en tendant à une meilleure intégration des programmes de santé dans les services de santé, afin de mieux répartir géographiquement les interventions et d'améliorer leur efficacité;

— en alignant les projets soutenus ou coordonnés par la coopération belge au développement sur la politique de santé élaborée par le pays en développement lui-même et ce, conformément à la Déclaration de Paris;

— en adaptant mieux la coopération belge au développement aux divers donateurs sur la scène internationale et aux partenariats internationaux en matière de santé. Il serait dès lors recommandé que la Belgique adhère au Partenariat international pour la Santé;

— en stimulant les relations parlementaires avec les pays partenaires, dans le but de surveiller l'affectation des fonds de développement et d'accroître ainsi l'efficacité de l'aide et en débloquant des fonds pour le développement de capacités parlementaires;

5. D'inscrire ses politiques et initiatives visant à l'amélioration de la survie des enfants dans le cadre d'une approche holistique plus large liée à la défense des droits spécifiques des enfants en regard à leur situation (droit à l'enseignement, droit à la protection sociale, droit à un environnement stable et sain, etc.);

6. D'aider à développer le fichier de données, de recherche et de références concernant la santé de la mère et de l'enfant. Cela peut s'inscrire dans le cadre d'une réforme générale de la collecte de données de la coopération belge au développement;

7. D'être particulièrement attentif au sort des enfants dans le cadre de conflits armés afin d'assurer leur sécurité, de les préserver de toute forme de violence et de leur assurer l'accès à des soins médicaux, à la nourriture et à l'eau; et d'exiger auprès des Nations unies que des mesures spécifiques soient prises à l'encontre de ceux qui violent les droits de l'enfant dans le cadre des conflits armés afin de mettre fin à l'impunité dont ils bénéficient;

8. D'exiger le respect des droits humains et de la souveraineté alimentaire, en garantissant un accès à la nourriture pour tous et le développement, avec une utilisation durable des ressources naturelles, de la production alimentaire issue de l'agriculture paysanne pour le marché intérieur afin de permettre aux pays les plus pauvres de devenir moins dépendants du marché mondial, et ce notamment pour lutter contre la malnutrition des femmes et des enfants;

9. De signer le « Manifesto for social protection of vulnerable children in Africa » de l'AWEPA, de l'UNICEF, de l'IAVI et de STOP AIDS NOW ! et de faire pression sur la scène internationale, y compris au sein de l'UE, pour que l'on soutienne et mette en œuvre la proposition visant à combattre la pauvreté de manière structurelle et à garantir la survie des enfants à long terme par le biais d'une protection sociale incluant une aide au revenu en faveur des familles et des enfants vulnérables.