4-1259/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2008-2009

31 MARS 2009


Proposition de résolution relative aux effets négatifs sur la politique en matière de VIH/sida menée en Afrique des récentes déclarations du Pape

(Déposée par Mme Marleen Temmerman et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Le 17 mars dernier, le Pape Benoît XVI a entamé sa première visite sur le continent africain depuis son élection comme souverain pontife. Lors de cette tournée de sept jours à travers le Cameroun et l'Angola, il comptait présenter le document de travail d'un synode sur l'Église en Afrique prévu pour le mois d'octobre.

Au cours de sa visite au Cameroun, pays très catholique, le Pape s'est exprimé dans la presse à propos du mal qui ravage l'Afrique depuis des années: l'épidémie de sida. Il a qualifié le VIH/sida de « fléau que l'on ne peut régler uniquement avec de l'argent ou en distribuant des préservatifs ». Selon Benoît XVI, les préservatifs ne sont pas une solution contre le virus mortel. Au contraire, « la distribution de préservatifs aggrave le problème », d'après le chef religieux mondial. Selon lui, la véritable solution au problème est à trouver dans « un renouveau spirituel et humain » et une « amitié pour ceux qui souffrent ».

Selon des chiffres de l'ONUSIDA, on dénombre 2,5 millions de nouvelles infections chaque année en Afrique noire. Les personnes ainsi infectées s'ajoutent aux 22 millions de personnes déjà contaminées par le VIH. En 2007, le sida a tué 1,5 million de personnes dans cette partie de l'Afrique.

Le sida est donc toujours l'une des épidémies les plus meurtrières dans le monde, et en particulier en Afrique. Cela fait des années que des organisations des Nations unies telles que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et ONUSIDA ainsi que des organisations belges telles que le Centre international de santé reproductive (ICRH), Médecins sans frontières, Sensoa et l'Institut de médecine tropicale (IMT) essaient par tous les moyens de lutter contre le virus et soulignent qu'il est extrêmement important de promouvoir l'utilisation de préservatifs dans le cadre de la prévention contre le VIH.

Les déclarations du Pape montrent donc qu'il n'a pas conscience de l'ampleur du problème. Dire que la « distribution de préservatifs aggrave la situation » est un affreux mensonge aux conséquences dangereuses. Ce n'est pas une question de divergence d'opinions, de religion ou d'éthique; c'est une négation effroyable de faits prouvés scientifiquement qui entraînera la mort de nombreuses personnes. En effet, dans certains pays africains, beaucoup d'organisations constatent déjà une résistance à l'utilisation de préservatifs au sein de groupes religieux. Dans certaines régions, des chefs religieux exploiteront les récentes déclarations du Pape pour renforcer encore leur rejet des préservatifs, contribuant ainsi à une plus grande propagation du virus. Tout le travail effectué durant des années par de nombreuses organisations caritatives est réduit à néant par une seule déclaration ridicule et complètement erronée. Déclarer en tant que chef religieux mondial, que l'utilisation de préservatifs aggrave l'épidémie de sida doit donc être assimilé à un crime contre l'humanité.

Marleen TEMMERMAN.
Christine DEFRAIGNE.
Patrik VANKRUNKELSVEN.
Olga ZRIHEN.
Josy DUBIÉ.
Freya PIRYNS.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION


Le Sénat,

A. compte tenu des propos injustifiables sur la lutte contre l'épidémie de sida que Benoît XVI, en sa qualité de chef religieux et de chef d'État, a tenus au cours de sa visite de sept jours au Cameroun et en Angola;

B. compte tenu de l'énorme impact de ces déclarations pour la vie de millions de personnes dans le monde entier;

C. compte tenu du fait qu'il y a 22 millions de personnes contaminées par le VIH en Afrique et que l'on y dénombre 2,5 millions de nouvelles contaminations chaque année;

D. compte tenu de l'importance, scientifiquement prouvée, de promouvoir l'utilisation de préservatifs;

E. compte tenu des déclarations du ministre Charles Michel au cours de la séance plénière du Sénat du 19 mars 2009, qui qualifie les déclarations du Pape de dangereuses et d'injustifiables et qui insiste sur la nécessité de donner un signal fort et clair en vue d'éviter que ne soit compromis le travail colossal effectué par tous ceux qui s'engagent dans la lutte contre ce problème effroyable;

F. compte tenu de la condamnation des propos du Pape par M. Michel Kazatchkine, directeur du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme;

G. compte tenu de la réaction du ministre espagnol de la Santé qui a affirmé que « les préservatifs étaient essentiels dans la lutte contre la propagation du sida » et qui a aussitôt envoyé un million de préservatifs en Afrique;

H. compte tenu de la réaction du ministre français des Affaires étrangères qui a officiellement protesté contre les déclarations du Pape;

I. compte tenu des 8 Objectifs du Millénaire de la Déclaration du Millénaire de 2000, dont le 6e prévoit qu'il faut « Combattre le VIH/sida, le paludisme et d'autres maladies »;

J. compte tenu de la déclaration d'engagement des Nations unies sur le VIH/sida intitulée « À crise mondiale, action globale » que l'Assemblée générale a adoptée le 27 juin 2001 au cours de sa 26e session extraordinaire;

K. compte tenu de la réunion de haut niveau de la session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations unies (UNGASS) du 2 juin 2006 sur le VIH/sida et de la déclaration politique adoptée durant cette réunion;

Demande au gouvernement fédéral:

1. de mener des démarches diplomatiques par l'intermédiaire de l'ambassadeur de Belgique au Saint-Siège à Rome, en vue de condamner les déclarations du Pape;

2. à l'instar de la France et de l'Espagne, d'annoncer universellement que la Belgique condamne officiellement les déclarations du Pape;

3. à l'avenir, de réagir rapidement et efficacement à l'encontre de personnes ou d'organisations qui ne considèrent pas l'utilisation de préservatifs comme un moyen nécessaire et efficace pour lutter contre le sida.

25 mars 2009.

Marleen TEMMERMAN.
Christine DEFRAIGNE.
Patrik VANKRUNKELSVEN.
Olga ZRIHEN.
Josy DUBIÉ.
Freya PIRYNS.