4-824/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

24 JUIN 2008


Proposition de résolution relative à la lutte contre la pauvreté infantile

(Déposée par Mme Olga Zrihen)


DÉVELOPPEMENTS


Selon un rapport du Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) intitulé « la pauvreté des enfants dans les pays riches, 2005 » (1) , 7,7 % des enfants belges vivent dans une pauvreté « relative », c'est-à-dire dans des familles dont le revenu est inférieur à 50 % du revenu médian national.

Tout aussi préoccupante est la constatation établie par le rapport indiquant que le taux de pauvreté des enfants en Belgique a augmenté de 3,9 % au cours des années 1990. Il s'agit d'une des plus importantes progressions parmi les pays « riches » étudiés dans le rapport. Seuls la République tchèque, le Luxembourg et la Pologne enregistrent une augmentation plus forte.

Sur un classement des taux de pauvreté infantile dans 26 pays de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), le rapport de l'UNICEF place la Belgique au 8e rang. La Belgique doit en partie sa place à la qualité de son système de protection sociale, dont l'influence positive sur le phénomène de la pauvreté des enfants est avérée.

Ceci étant dit, les chiffres mentionnés par le rapport démontrent que la pauvreté infantile dans les pays dits « riches » et, partant, en Belgique, est une réalité. L'éradication de cette pauvreté doit par conséquent figurer parmi les priorités gouvernementales.

C'est la raison pour laquelle l'auteur de la proposition de résolution redépose son texte qui avait été voté en commission des Affaires sociales lors de la précédente législature (doc. Sénat, nº 3-1629/4 2006/2007). Le problème reste entier et le débat doit se poursuivre, avec in fine, un vote en séance plénière du Sénat.

Une étude réalisée par la Commission européenne (2) sur six pays européens et les États-Unis révèle par ailleurs que le taux de pauvreté des enfants est plus élevé que celui de la population prise dans son ensemble, et que le risque pour les enfants de grandir dans une pauvreté persistante est supérieur à la moyenne.

La réduction de la pauvreté des enfants est une responsabilité nationale et internationale. Donner aux enfants toutes les chances de grandir dans un environnement aussi favorable que possible et lutter ainsi contre la pauvreté infantile constitue un élément favorable à l'égalité des chances, à la cohésion et à la justice sociales.

Le rapport réalisé par l'UNICEF indique que quelque soit le pays, les niveaux de pauvreté sont déterminés par la combinaison de trois facteurs: les conditions du marché du travail, les changements sociaux et familiaux ainsi que les politiques menées par les gouvernements.

Les familles disposant de revenus modestes ne doivent pas être stigmatisées. Nombre d'entre elles sont d'ailleurs tout à fait aptes à offrir à leur(s) enfant(s) toutes les conditions d'une jeunesse épanouie. Néanmoins, dans de nombreux cas encore, la pauvreté « relative » des parents s'accompagne, pour les enfants, de difficultés scolaires, de comportements délictueux, d'exclusion sociale, etc. Les études existantes identifient plusieurs groupes d'enfants susceptibles de grandir dans la pauvreté: enfants appartenant à des familles monoparentales ou à des familles nombreuses, enfants dont les parents sont très jeunes, enfants de parents immigrés ou appartenant à une minorité ethnique ou religieuse.

Progresser dans la lutte contre l'indigence implique de briser le cercle vicieux de la « transmission » de la pauvreté entre générations, en consacrant notamment plus d'efforts à l'inclusion sociale des enfants. À ce titre, les pouvoirs publics disposent d'un potentiel appréciable de réduction de la pauvreté des enfants.

Pour sa part, l'Union européenne aurait beaucoup à gagner dans sa lutte contre l'exclusion sociale si elle s'engageait plus en avant dans la lutte contre la pauvreté des enfants. Parmi les pays de l'OCDE étudiés dans le rapport de l'UNICEF, on constate que le Danemark et la Finlande sont les seuls pays où le taux de pauvreté des enfants est inférieur à trois pour cent, et la Norvège s'avère être le seul pays de l'OCDE au sein duquel ce taux est très faible et en baisse continue. Ces pourcentages encourageants démontrent par conséquent tout l'intérêt, pour les États membres de l'Union européenne, de coopérer étroitement sur cette problématique.

Olga ZRIHEN.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION


Le Sénat,

A. Considérant que la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, entrée en vigueur en Belgique le 16 décembre 1991, indique dans son article 27 que « Les États parties reconnaissent le droit de tout enfant à un niveau de vie suffisant pour permettre son développement physique, mental, spirituel, moral et social » et que « C'est aux parents ou autres personnes ayant la charge de l'enfant qu'incombe au premier chef la responsabilité d'assurer, dans les limites de leurs possibilités et de leurs moyens financiers, les conditions de vie nécessaires au développement de l'enfant », tout en précisant que les États adoptent les mesures appropriées pour « aider les parents à mettre en œuvre ce droit et offrent, en cas de besoin, une assistance matérielle et des programmes d'appui (...) »;

B. Vu l'Accord de gouvernement du 12 juillet 2003, indiquant que « Les enfants constituent notre avenir » et que « Tous doivent pour cette raison se voir offrir la chance de s'épanouir dans des conditions optimales »;

C. Considérant que le bien-être d'un enfant est une condition inséparable de son épanouissement personnel futur;

D. Considérant que protéger les enfants contre les écueils de la pauvreté au cours de leur croissance constitue une responsabilité nationale et internationale;

E. Considérant, par conséquent, que la pauvreté des enfants entrave la réalisation de leurs droits (notamment en matière de santé, d'éducation, de culture, de loisirs) ainsi que tout progrès vers l'égalité des chances;

F. Considérant que selon l'UNICEF, la pauvreté chez les enfants est en augmentation constante depuis dix ans dans la plupart des pays riches et ne peut être éradiquée que par des efforts politiques visant à augmenter et à mieux répartir les dépenses publiques dans les domaines familial et social;

G. Considérant que les conséquences socioéconomiques de la pauvreté infantile hypothèquent le futur bien-être de la société;

H. Considérant que la tendance à l'augmentation de la proportion d'enfants pauvres en Belgique doit impérativement être inversée;

I. Considérant que la pauvreté est déterminée par la combinaison des conditions du marché du travail, des tendances sociales et des politiques gouvernementales, et que par conséquent des politiques gouvernementales adaptées peuvent contribuer de façon significative à la diminution du taux de pauvreté infantile;

J. Considérant que la lutte contre la pauvreté des enfants doit figurer parmi les premières priorités du Plan d'action national d'inclusion sociale.

K. Considérant que la pauvreté des enfants est souvent liée au chômage de longue durée du ou des parents;

Demande au gouvernement fédéral, en partenariat avec tous les niveaux de pouvoir:

1. d'inscrire le thème de la lutte contre la pauvreté infantile au programme de la prochaine conférence interministérielle;

2. de définir la pauvreté infantile et de suivre son évolution par rapport à un revenu médian (actualisé chaque année) et de déterminer des indicateurs efficaces permettant de contrôler le bien-être matériel des enfants, préalables indispensables à toute politique de lutte contre la pauvreté des enfants;

3. de procéder à une analyse des budgets du point de vue de leur impact sur les enfants, afin de promouvoir encore davantage l'utilisation efficiente des moyens en faveur des enfants;

4. de mettre sur pied une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté infantile, assortie d'objectifs et d'un calendrier clairs, et à cette fin, s'inspirer des politiques des pays nordiques, qui présentent un faible taux de pauvreté infantile;

5. d'effectuer un suivi régulier des progrès réalisés dans la lutte contre la pauvreté infantile;

6. de promouvoir, sur le plan européen, une réflexion approfondie sur la problématique de la pauvreté infantile et les pistes d'actions envisageables pour l'éradiquer, afin que la lutte contre la pauvreté infantile devienne une priorité politique claire pour l'Union européenne et chacun de ses États membres;

7. à cette fin, de promouvoir la diversification d'indicateurs communément utilisables permettant de mieux analyser les tendances en matière de pauvreté infantile, et procéder à un échange des bonnes pratiques rencontrées au sein de l'Union européenne;

8. de prendre des mesures supplémentaires permettant d'augmenter la participation au travail des personnes vivant au-dessous du seuil de la pauvreté, et d'élaborer des mesures permettant au(x) parent(s) de combiner plus facilement la vie professionnelle et la vie familiale.

6 juin 2008.

Olga ZRIHEN.

(1) UNICEF, « La pauvreté des enfants dans les pays riches, 2005 », Bilan Innocenti No. 6, Centre de recherche Innocenti de l'UNICEF, Florence, 2005.

(2) Commission européenne, direction générale de l'Emploi, des Affaires sociales et de l'Égalité des chances, « A thematic study using transnational comparisons to analyse and identify what combination of policy responses are most successful in preventing and reducing high levels of child poverty », mars 2004.