4-522/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2007-2008

23 JANVIER 2008


Proposition de loi visant à fixer un délai de zérotage pour les ouvertures de crédit

(Déposée par Mmes Olga Zrihen et Joëlle Kapompolé)


DÉVELOPPEMENTS


Aujourd'hui, environ 338 000 personnes ne peuvent rembourser à temps un emprunt. On constate par ailleurs que les procédures de règlement collectif de dettes sont en nette augmentation. De 1999 à 2004, dix fois plus de personnes ont fait appel à ce dispositif de sauvetage. Et si l'on compare les chiffres entre fin 2005 et fin 2006, on constate une augmentation de 15,5 % des procédures de règlement collectif de dettes (+ 7 673 procédures ouvertes).

Une forme de crédit attire particulièrement l'attention, l'ouverture de crédit ou crédit revolving.

Même si, dans son rapport annuel 2006, l'Union Professionnelle du Crédit (UPC) considère que « la croissance du nombre d'ouvertures de crédit ainsi que l'augmentation du nombre de défaillances relatives aux ouvertures de crédit ne sont nullement préoccupantes », ce type de crédit suscite de vives réactions que ce soit dans le chef des consommateurs ou des associations de défense des consommateurs.

En effet, en 2006, le nombre total de contrats d'ouvertures de crédits s'élevait à 3 213 403. Le montant de la ligne de crédit octroyée s'élevant, en euros, à 8 994 056 euros.

Si le nombre de personnes avec un contrat défaillant est bel et bien en diminution (de 63,9 % en 2002 à 61,6 % depuis 2003), le nombre de personnes avec deux, trois, quatre ou cinq contrats défaillants lui augmente ! (deux contrats: 19,8 % en 2002 à 20,7 % en 2006; trois contrats: de 7,8 % à 8,6 %; quatre contrats: de 3,6 % à 3,9 %; cinq contrats: de 4,9 % à 5,2 %).

Sur le total des contrats de crédit conclus en 2006, les personnes ayant au moins une ouverture de crédit représentent 53 % des emprunteurs en 2006 (en 2005, ils représentent 51,9 %). Les personnes avec au moins un crédit à la consommation (prêt à tempérament, vente à tempérament, crédit-bail ou ouverture de crédit) représentent, elles 74,7 % des contrats (contre 74,00 % en 2005).

Toujours en 2006, 6,3 % des personnes avec un contrat défaillant font appel à la procédure du règlement collectif de dettes. Plus le nombre de contrats défaillants augmente, plus le recours à ce mécanisme s'accroît et atteint 47 % des personnes avec cinq contrats défaillants ou plus. Mais comment peut-on arriver à avoir cinq contrats défaillants ou plus ? Ces situations sont inacceptables. Nous sommes dans le devoir de protéger les citoyens de telles situations catastrophiques et de la précarité qui en découle.

Actualisées en juin 2007, les données statistiques de la Centrale des crédits aux particuliers démontrent que les ouvertures de crédit enregistrent depuis trois ans la progression absolue la plus importante: elles représentent 44,9 % de la totalité des crédits enregistrés à la Centrale positive et 64 % du marché du crédit à la consommation.

Ces chiffres démontrent que de plus en plus de consommateurs s'engouffrent dans la spirale du surendettement en raison d'ouvertures de crédit. Celles-ci sont particulièrement dangereuses dans la mesure où permettent aux consommateurs de puiser dans une réserve d'argent qui ne doit pas être intégralement renflouée à intervalles réguliers.

En effet, mis à part le montant minimum que le consommateur est obligé de rembourser tous les mois (montant souvent trop faible), ce dernier est libre de déterminer le montant et le moment du remboursement. S'il s'en tient à des montants peu élevés, il remboursera essentiellement des intérêts, laissant la dette de son capital quasiment intacte. Les sommes remboursées peuvent être réempruntées sans la moindre formalité. On comprend donc que le consommateur aura facilement tendance à s'endetter de manière permanente.

Les chiffres sont là pour confirmer le risque que représentent ces ouvertures de crédit. On constate qu'en nombre de contrats défaillants, seuls les défauts de paiement sur ouvertures de crédit ont augmenté par rapport à 2003 (+ 5,6 %), alors que ce nombre est constant ou diminue légèrement pour toutes les autres formes de crédit aux particuliers. Pour ce qui est des ouvertures de crédit, les défaillances de paiement ont triplé en 10 ans passant de 67 000 en 1994 à 210 000 en 2004.

L'objet de la présente proposition de loi est de fixer un « délai de zérotage » aux ouvertures de crédit. Si l'on veut limiter la spirale du surendettement, il faut absolument obliger le consommateur à renflouer périodiquement la réserve d'argent qui lui est accordée. Cette remise à zéro des compteurs est appelée « zérotage ». Le principe du « délai de zérotage » a été inscrit dans la loi du 24 mars 2003 mais n'a jamais été mis en application et cela pour deux raisons.

Les organismes prêteurs concernés par cette loi ont réussi à la contourner en s'engouffrant dans une brèche. En effet, la réglementation actuelle sur le délai de zérotage ne s'applique qu'aux contrats « qui ne prévoient aucun remboursement en capital ». L'astuce consiste donc pour les établissements de crédit à mettre dans leurs contrats un montant minimal de capital à rembourser pour éviter de se voir appliquer la règle du zérotage.

De plus, la règle du délai de zérotage est actuellement inexistant faute de disposition réglementaire d'exécution. Pour rappel, l'obligation de zérotage a été introduite par la loi du 24 mars 2003 (article 22) et est entrée en vigueur le 1er janvier 2004. À ce jour, aucun arrêté royal n'a encore été pris par le Roi pour fixer ce délai.

Lors de la précédente législature, le ministre en charge de l'économie, le libéral Marc Verwilghen a bien tenté de résoudre le problème. Il a fait préparer un arrêté royal à cette fin. Mais le délai de zérotage qu'il proposait était trop long aux yeux des associations de défense du consommateur.

De plus, ce délai devait s'appliquer uniquement aux contrats de crédit à durée indéterminée ou à durée déterminée de plus de cinq ans qui ne prévoient aucun remboursement périodique en capital. Ce qui risque de poser problème dans la mesure où les organismes prêteurs continueront à contourner la loi en proposant d'autres types de prêts.

L'objet de la présente proposition de loi est de reprendre les recommandations en matière de délai de zérotage proposées par le CRIOC en marge de la « journée sans crédit » et de les inscrire directement dans la loi. Les auteurs du présent texte veulent rendre obligatoire par la loi et non plus par une faculté laissée au Roi, l'obligation de zérotage applicable à toutes les ouvertures de crédit, quelle que soit leur durée et la nature du remboursement périodique.

Ils proposent également de faire une distinction entre les crédits inférieurs à 5 000 euros et les autres. D'une part, le délai de zérotage est fixé à un an pour tous les crédits inférieurs à 5 000 euros, d'autre part, ce délai est fixé à un maximum absolu de cinq ans pour toutes les ouvertures de crédit d'un montant supérieur à 5 000 euros.

La présente proposition de loi s'imposerait à tous les crédits de plus de cinq ans et à durée indéterminée qui ne prévoient pas de remboursement en capital. Ces conditions créent en effet une limitation significative de l'efficacité de la mesure car la grande majorité des contrats de crédit prévoient un remboursement en capital, si minime soit-il.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er

Cet article contient la disposition d'usage relative au fondement constitutionnel de compétence.

Article 2

Cet article consacre la règle du délai de zérotage.

Pour les contrats de crédit à durée indéterminée ou à durée déterminée de plus de cinq ans, inférieur à 5 000 euros, que ces derniers prévoient ou non un remboursement périodique en capital, le montant total à rembourser doit être payé dans un délai maximum de douze mois.

Pour les contrats de crédit à durée indéterminée ou à durée déterminée de plus de cinq ans, supérieur à 5 000 euros, que ces derniers prévoient ou non un remboursement périodique en capital, le montant total à rembourser doit être payé dans délai maximum de soixante mois.

Article 3

Le présent article règle la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

Olga ZRIHEN
Joëlle KAPOMPOLÉ.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 22, § 2, de la loi du 12 juin 1991 sur le crédit à la consommation, inséré par la loi du 24 mars 2003, est remplacé par la disposition suivante:

« § 2. Pour les contrats de crédit à durée indéterminée ou à durée déterminée de plus de cinq ans, que ces derniers prévoient ou non un remboursement périodique en capital, le délai maximum de remboursement ne peut excéder:

— douze mois lorsque le montant du crédit est inférieur à 5000 euros;

— soixante mois lorsque le montant du crédit est supérieur ou égal à 5000 euros. »

Art. 3

La présente loi entre en vigueur le premier jour du troisième mois qui suit celui au cours duquel elle aura été publiée au Moniteur belge.

7 décembre 2007.

Olga ZRIHEN
Joëlle KAPOMPOLÉ.