4-203/1

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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2007

29 SEPTEMBRE 2007


Proposition de loi modifiant l'article 57 du Code de droit international privé

(Déposée par Mme Nahima Lanjri)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte du DOC 51 1337/001.

Dans certains pays et certaines cultures, l'homme est autorisé à procéder unilatéralement à la répudiation de sa femme.

Le fait que la répudiation soit un pouvoir absolument discrétionnaire (faculté exclusive du mari et aucun droit pour la femme) est d'autant plus intolérable qu'elle détermine les relations de couple comme fondamentalement précaires. La combattre est ainsi promouvoir un mariage égalitaire. La femme ne doit plus être considérée comme un sujet sans droit et elle doit être traitée d'une manière égalitaire.

Le Parlement a récemment adopté la loi portant le Code de droit international privé. Précédemment énoncées dans des textes épars, obsolètes et incomplets, les règles applicables à tous les cas de droit civil et de droit commercial qui ont trait aux relations privées entre individus sont désormais réunies dans un code unique. Ces règles établissent la compétence internationale des juges belges, elles indiquent quelles dispositions du droit national sont applicables en Belgique lorsqu'un litige est jugé chez nous ou qu'une question de droit est posée en Belgique, et elles précisent les effets juridiques dont sont assortis en Belgique les jugements rendus à l'étranger ou les actes authentiques d'origine étrangère.

La section du Code qui règle la dissolution du mariage et la séparation de corps comporte également une disposition relative à la répudiation, une pratique tirée des lois de la Charia qui autorise l'homme à rompre unilatéralement le mariage. La femme n'est, dans ce cas, ni divorcée, ni mariée.

L'article 57, § 1er, du Code de droit international privé érige le rejet de la répudiation en principe. Le § 2 de cette disposition prévoit toutefois une exception à la règle, puisqu'il permet la reconnaissance de la répudiation en Belgique moyennant la réunion de conditions cumulatives très strictes: l'acte de répudiation doit avoir été homologué par une juridiction de l'État où il a été établi; lors de l'homologation, aucun des époux ne peut avoir eu la nationalité d'un État ne connaissant pas la répudiation ni possédé sa résidence habituelle dans un tel État; la femme doit avoir accepté la répudiation de manière certaine et sans contrainte; aucun motif de refus visé à l'article 25 du Code de droit international privé (exemple: contrariété à l'ordre public, violation des droits de la défense, fraude à la loi, ...) ne doit s'opposer à la reconnaissance. Si ces conditions sont réunies, le jugement étranger sortira pleinement ses effets en Belgique sans nécessiter un contrôle ou une autorisation judiciaire préalable.

Il est incontestable que dans certains cas, les dérogations à l'interdiction de principe sont nécessaires pour éviter les effets indésirables qu'aurait une interdiction absolue de toute reconnaissance. L'absence de dérogation empêcherait la femme répudiée de se remarier, car le mariage subsisterait malgré la répudiation. Par ailleurs, l'(ex-)époux de la femme répudiée pourrait encore réclamer, en vertu du droit belge, la moitié des donations, héritages ou legs dont elle serait bénéficiaire après la répudiation. La dimension éthique doit donc être mise en balance avec le souci de ne pas aggraver les conséquences de la non-reconnaissance d'une répudiation pour une partie qui se trouve déjà en position de faiblesse au sein du mariage.

Nous préconisons toutefois une adaptation du Code de droit international privé. L'actuel article 57 de ce Code traite les auteurs et les victimes de la répudiation de manière identique. La reconnaissance de la répudiation en Belgique peut être demandée par la femme qui en est victime, mais également par son époux. La femme répudiée risque dès lors d'être doublement victimisée. Si son mari l'accompagne pour faire transcrire l'acte de reconnaissance dans les registres de l'état civil, il n'est pas exclu qu'elle cède à la pression morale exercée par ce dernier et déclare accepter la répudiation. Le fonctionnaire communal ne sera pas toujours en mesure de vérifier si l'épouse a bien accepté la répudiation de manière certaine et sans contrainte. Il est également permis de se demander si cette dernière aura par la suite le courage de s'adresser au juge pour obtenir le rejet de cette répudiation reconnue.

Le Conseil d'État a lui aussi indiqué dans son avis que l'article 57 ne garantit pas l'absence de contrainte.

Lors de l'examen, au Sénat, du projet de loi portant le Code de droit international privé, le Comité d'avis pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes a également formulé un avis, adopté à l'unanimité, qui dispose notamment que la reconnaissance de la répudiation doit, sous un certain nombre de conditions restrictives strictes, être maintenue pour la femme répudiée en tant que victime.

Enfin, le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme considère également que la répudiation peut être reconnue, mais uniquement dans certains cas bien précis et toujours dans l'intérêt de la femme.

Nous plaidons pour que la répudiation ne soit reconnue en Belgique que dans le cas où la personne contre qui la répudiation est prononcée en fait la demande et uniquement si les conditions d'exception en vigueur sont remplies cumulativement. L'intérêt de la victime doit en effet prédominer. Il n'existe aujourd'hui pas un seul pays au monde où la femme peut répudier unilatéralement son mari. Pareille évolution est en outre peu probable dans le futur, mais on ne peut jamais l'exclure complètement. Nous optons dès lors pour une formulation neutre en terme de genre, qui exclut ainsi toute forme de discrimination.

Nahima LANJRI.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 57, § 2, alinéa 1er, du Code de droit international privé est remplacé par la disposition suivante:

« À l'initiative de la personne contre qui il a été établi, un tel acte peut toutefois être reconnu en Belgique après vérification des conditions cumulatives suivantes: ».

19 juillet 2007.

Nahima LANJRI.