4-36/1

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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2007

12 JUILLET 2007


Proposition de loi modifiant l'article 21, 5º, du Code des impôts sur les revenus 1992, visant à simplifier les règles régissant le livret d'épargne

(Déposée par Mme Joëlle Kapompolé et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 7 février 2007 (doc. Sénat, nº 3-2053/1 — 2006/2007).

Le 6 mai 2004, le sénateur Francis Poty et la sénatrice Christiane Vienne déposaient « la proposition de loi modifiant l'article 21, 5º, du Code des impôts sur les revenus 1992, visant à assurer une meilleure transparence du calcul des primes d'accroissement et de fidélité afférentes aux comptes épargne (Doc. 3-669/1) ».

Depuis le dépôt de cette proposition de loi, le débat sur la transparence de ce produit phare de l'industrie bancaire a été plus qu'intéressant dans la mesure où de nombreuses contributions sont venues l'alimenter.

Que ce soit à travers l'avis rendu le 16 décembre 2004 par le Conseil de la Consommation sur la proposition de loi précitée (B.-C.C.-333), les différentes interventions de membres du gouvernement fédéral, des représentants du secteur bancaire et des organisations de protection du consommateur devant la commission des Finances et des Affaires économiques du Sénat, les différents amendements déposés au texte ou encore les multiples articles de presse consacrés à cette question, il apparaît clairement que des avancées significatives doivent être réalisées en matière de simplification du livret d'épargne.

Du côté du gouvernement de l'époque, plusieurs Conseils des ministres « Finance et Économie » se sont réunis entre la fin 2005 et la mi 2006. Lors de ces réunions, le gouvernement de l'époque a décidé que le « gentlemen's agreement », conclu le 9 février 2004 entre le gouvernement et le secteur bancaire, sera actualisé pour que l'intérêt de base sur les livrets d'épargne puisse courir jusqu'au jour du retrait et que les primes d'accroissement et de fidélité puissent courir à partir du jour de dépôt, en remplacement du système des « quinzaines ».

Suite à ces réunions, le gouvernement de l'époque a pris l'arrêté royal du 1er juillet 2006 modifiant l'article 2 de l'arrêté royal/CIR 1992. Les modifications contenues dans ce texte réglementaire sont effectives à partir du 1er janvier 2007.

Selon cette nouvelle réglementation, les dépôts seront productifs d'intérêts au plus tard à compter du jour calendrier suivant le jour calendrier du versement et cesseront de produire des intérêts à partir du jour calendrier du retrait. Cette règle valant également pour la prime de fidélité et la prime d'accroissement. Lorsqu'elle est proposée, la prime de fidélité commencera à courir immédiatement après l'acquisition de la prime d'accroissement.

Les intérêts seront désormais calculés dès le premier jour du versement du montant et jusqu'au jour où l'argent est retiré. Jusqu'à présent, la période de calcul de la prime d'accroissement sur les comptes d'épargne courait à partir du quinzième jour après versement et jusqu'au septième jour avant que la somme soit retirée.

De plus, pour stimuler la concurrence entre les institutions bancaires, le gouvernement de l'époque s'est également engagé à ce que la Banque Nationale de Belgique (BNB) et la CBFA publient régulièrement les taux d'intérêt de la Banque centrale européenne, les taux de crédit et les taux d'épargne.

Enfin, à la suite d'un de ces Conseils des ministres, le ministre de l'Économie de l'époque, Marc Verwilghen, a saisi le Conseil de la Concurrence sur les intérêts des livrets d'épargne. Cette instance administrative devra, au terme de son enquête, se prononcer sur le défaut présumé de concurrence entre les quatre plus grands acteurs (Fortis, Dexia, KBC et ING) dans le segment du livret d'épargne.

Cette éventualité d'une entente illégale entre les quatre grandes banques du pays qui appliquent des taux d'intérêt parfaitement similaires, hors des périodes de promotions ponctuelles, ne permettrait pas au consommateur de choisir le meilleur taux.

Ceci est d'autant plus évident aujourd'hui puisque l'on constate que l'encours de ce produit a connu une progression des plus significatives (40 %) ces dernières années pour atteindre 163 milliards d'euros.

On ne peut donc que constater que le livret d'épargne recueille toujours en Belgique une part importante des placements de nos concitoyens.

Selon la réglementation en vigueur, le revenu produit par les dépôts d'épargne donnant droit à l'exemption de précompte mobilier pour la première tranche de 1 520 euros (1 560 euros pour l'exercice d'imposition 2006), doit être obligatoirement et exclusivement composé d'un intérêt de base, d'une prime de fidélité et/ou d'une prime d'accroissement.

Les taux de base étant particulièrement modestes, les banques tentent de convaincre les épargnants potentiels par des « taux d'accroissement » qui se veulent séduisants.

C'est là que se posait une partie du problème. En effet, l'arrêté royal du 31 décembre 1999 (modifiant l'article 2 de l'arrêté d'exécution du CIR 1992) qui précise les dispositions fiscales à respecter pour bénéficier de l'exemption du précompte mobilier sur les comptes d'épargne, fixait uniquement les dates de valeur (J+1 dépôt, J-7 maximum retrait) pour le calcul des taux d'intérêt de base.

Pour les taux d'accroissement et de fidélité, d'anciennes dispositions restaient toujours d'application selon l'article 2 de l'arrêté royal d'exécution du CIR 1992, à savoir: « La prime de fidélité et la prime d'accroissement s'appliquent prorata temporis, par période indivise fixe d'un demi-mois au mois ».

La date de valeur pour le calcul de l'intérêt de base était donc différente de la date de valeur de la prime d'accroissement et de la prime de fidélité, alors qu'il n'y avait qu'une seule date de dépôt.

Ainsi, un dépôt le 2 du mois induisait des intérêts le 3 pour ce qui concerne l'intérêt de base, alors qu'il fallait attendre au minimum le 16 pour une prise d'effet de la prime d'accroissement.

Le maintien de cette disposition engendrait une grande confusion et de nombreuses disparités dans le mode de calcul des intérêts. La transparence n'y trouvait pas son compte d'autant que la plupart des banques précisaient rarement clairement les dates de valeur de départ et de fin de la période nécessaire à l'obtention des différentes primes.

C'est d'autant plus regrettable qu'un certain nombre d'organismes financiers avaient néanmoins modelé le calcul des intérêts des primes d'accroissement sur celui des primes de base, à savoir J+1.

Bien que cela fut positif pour le client, cette pratique n'en était pas moins illégale et ne fit d'ailleurs l'objet d'aucune sanction.

Malheureusement, l'arrêté royal du 1er juillet 2006 est insuffisant dans la mesure où il ne règle pas la question du maintien de l'accroissement.

Le problème majeur de l'ancienne réglementation provient de la disposition de l'arrêté royal stipulant que « la période au cours de laquelle cet accroissement doit être maintenu pour l'obtention de la prime d'accroissement ne peut être inférieure à six mois ».

Cette disposition a, à l'expérience du temps combinée à la faveur du législateur fiscal, ouvert la porte à différents modes de calcul.

Ainsi, une banque qui offrait une prime d'accroissement de 2 % considérait que les 6 mois en question ne commençait que le 1er jour du 1er mois qui suit le dépôt (cela pourrait être le 1er jour du semestre qui suit !) tout en appliquant en outre le système des dates de valeur J-7 pour le retrait; par conséquent, un placement réalisé le 2 mars, par exemple, ne pouvait être retiré au plus tôt que le 8 octobre, soit 7 mois et 5 jours après le dépôt comptabilisé.

Les banques qui appliquaient le système de l'intérêt de base (J+1, J-7) au calcul de la prime d'accroissement exigeaient tout logiquement, outre les 6 mois prescrits, le maintien des sommes durant 8 jours supplémentaires pour l'acquisition du bénéfice de ladite prime.

Cette disparité de calcul liée aux dates de valeur n'était donc pas sans conséquence pour les clients qui cherchaient une rentabilité maximum en transférant leurs avoirs sur d'autres comptes en réponse aux publicités alléchantes.

Nombreux furent ceux qui perdirent le bénéfice de la prime annoncée sur base d'un « maintien de 6 mois » souligné dans toutes les publicités, alors qu'en réalité, l'indispensable maintien sur compte allait au-delà et bien au-delà, souvent plus de 190 jours calendrier.

Ce manque de transparence que les sénateurs socialistes n'ont cessé de dénoncer ces deux dernières années, est maintenant confirmé par les informations parues dans la presse, selon lesquelles le nouveau mode de calcul des intérêts sur les comptes d'épargne devrait faire gagner plus de 35 millions d'euros aux épargnants.

Bien que la loi autorise le gouvernement à imposer aux banques d'informer (arrêté royal du 23 mars 1995 relatif à l'indication des tarifs des services financiers homogènes), il est manifeste que cette information est souvent inefficace en matière de taux d'intérêts sur compte épargne, si ce n'est à faire miroiter les seuls taux d'intérêts faciaux.

Pour toutes ces raisons déjà, la proposition de loi du sénateur Francis Poty et de la sénatrice Christiane Vienne a fait l'objet d'un intérêt particulier à la fois du monde politique mais également du secteur bancaire ainsi que du monde associatif.

La présente proposition de loi s'inscrit dans la continuité du travail mené par la commission des Finances et des Affaires économiques, tout en essayant de rencontrer les considérations émises lors des auditions en cette commission.

Plus précisément, la proposition de loi simplifie la méthode de calcul des intérêts de base, en harmonisant le système des dates valeur comme c'est le cas dans l'arrêté royal du 1er juillet 2006; les dépôts sont productifs d'intérêts dès le lendemain du versement (J+1) et cessent de courir le jour du retrait (J) et en conservant à côté du taux de base une seule prime: la prime de fidélité. Celle-ci serait acquise au bout de 6 mois calendrier à partir du versement et ensuite calculée au prorata de la durée de placement.

Le débat qui a entouré le dépôt de la proposition de loi des sénateurs Poty et Vienne et qui s'est poursuivi par l'adoption de l'arrêté royal du 1er juillet 2006, prouve de manière indéniable qu'il existe un manque de transparence, ne permettant pas une comparaison correcte des intérêts produits, étant donné l'opacité et la disparité des règles de calcul pratiquées par les banques.

Cette transparence peut être réalisée soit par une meilleure information du public, ce qui induit une prise en compte de la dimension subjective des choix des épargnants, soit par une approche résolument objective permettant une uniformisation des modes de calcul des différents intérêts et primes.

Jusqu'à l'adoption de l'arrêté royal du 1er juillet 2006, les initiatives du gouvernement de l'époque ont longtemps privilégié une approche subjective; ces dernières se sont limitées à organiser une plus ample information du consommateur; malheureusement ces initiatives n'ont pas rencontré le succès espéré.

Les modifications apportées par l'arrêté royal du 1er juillet 2006 vont dans le bon sens mais elles ne sont pas satisfaisantes, dans la mesure où ce que le consommateur attend, ce sont des règles claires et simples dans un cadre transparent. Seule une modification par la loi peut apporter un cadre transparent assurant une sécurité juridique suffisante, a fortiori lorsqu'un avantage fiscal est accordé.

En effet, la faveur de l'avantage accordé par le législateur fiscal commande que ce dernier puisse déterminer de manière autorisée les règles qu'il estime essentielles à la satisfaction objective de l'exigence de transparence, sans préjudicier au principe de l'autonomie de la volonté.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er

Cet article contient la disposition d'usage relative au fondement constitutionnel de compétence.

Article 2

L'innovation majeure apportée par la présente proposition de loi tient dans la suppression de la prime d'accroissement, ou autrement dit dans le regroupement des deux primes existantes (accroissement et fidélité) en une prime unique, que nous appellerons « prime de fidélité ».

Cette innovation en entraîne une autre. En effet le regroupement de la prime d'accroissement et de la prime de fidélité en une seule et unique prime nécessitait une adaptation de la durée nécessaire d'obtention de la prime. Comme le secteur bancaire l'a rappelé lors des auditions, la prime d'accroissement est devenue un important élément de concurrence et d'action commerciale, les auteurs de l'amendement ont dès lors préféré maintenir cet aspect dynamique en faisant passer la période de « stage » de la prime de fidélité de 12 à 6 mois.

Dans la mesure où l'arrêté royal du 1er juillet 2006 règle le système des dates valeur pour que les dépôts produisent des intérêts dès le lendemain du versement (J+1) et cessent de produire ces mêmes intérêts le jour du retrait (J), la présente proposition de loi reprend donc ces modifications, pour les inscrire dans la loi et non plus dans un texte réglementaire.

Pour le reste, cet article reprend également des considérations de nature technique, afin d'éviter au maximum, comme c'est le cas pour l'actuelle réglementation, des interprétations divergentes.

Ces considérations de nature technique sont:

— uniformisation du mode de calcul de l'intérêt de base en établissant un rapport de dépendance entre le nombre de jours réellement courus par rapport au nombre réel de jours de l'année;

— instauration d'un mécanisme de compensation pour l'intérêt de base en cas de débit consécutif à un crédit;

— consécration du principe de la proratisation des intérêts de la prime de fidélité au-delà d'une certaine période, car nous considérons que la fidélité, une fois celle-ci acquise, ne doit pas être renouvelée à chaque fois;

— application strictement chronologique de la méthode LIFO qui détermine de quelle manière les retraits d'argent influent sur l'acquisition des primes en cours; en effet, les fonds qui arrivent en dernier lieu sur le compte doivent être les premiers à entrer en considération pour payer les retraits;

— les efforts de simplification qui sont apportés ont pour but de ne pas laisser de portes ouvertes à de nouvelles pratiques qui pourraient réduire la portée du présent texte comme, par exemple, le fait d'octroyer un taux progressif ou dégressif en fonction des montants inscrits en compte. Cela pourrait amener l'épargnant à devoir comparer une multitude de taux. Pour cette raison, les auteurs ont considéré que l'intérêt de base et la prime de fidélité s'appliquent chacun de façon indifférenciée à l'ensemble des dépôts inscrits sur le même compte.

Avec ces modifications, l'épargnant pourra effectuer une comparaison valable entre les différentes offres, étant donné que les dépositaires utiliseront tous un seul et même mode de calcul.

Article 3

Une grande partie des règles actuelles organisant le calcul des primes d'accroissement et de fidélité se trouvent contenues dans l'arrêté d'exécution du Code des impôts sur les revenus.

Il revient donc au Roi d'assurer la coordination du texte de la présente loi avec les dispositions réglementaires concernées.

Article 4

Afin de permettre au secteur bancaire de s'organiser sur le plan technique, il est prévu de rendre la loi effective le premier jour de l'année qui suit celle au cours de laquelle elle aura été publiée.

Joëlle KAPOMPOLÉ
Olga ZRIHEN.
Christophe COLLIGNON.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Dans l'article 21, 5º, du Code des impôts sur les revenus 1992, modifié par la loi du 27 décembre 2004, sont insérées après les mots « étant entendu que: » et avant le premier tiret, les dispositions suivantes:

« — les dépôts d'épargne comportent obligatoirement mais exclusivement un intérêt de base et une prime de fidélité;

— les dépôts d'épargne sont productifs de l'intérêt de base à partir du jour calendrier suivant le crédit et cessent de produire l'intérêt de base à partir du jour calendrier du retrait; pour le calcul de l'intérêt de base, il est également tenu compte du nombre de jours calendrier où l'argent a rapporté de l'intérêt par rapport au nombre de jours calendrier de l'année auquel le calcul d'intérêt se rapporte. En cas de débit consécutif à un crédit, le montant crédité et le montant débité sont compensés pour le calcul de l'intérêt de base lorsque le jour à partir duquel le montant crédité est productif d'intérêts se situe après le jour à partir duquel le montant débité cesse de produire de l'intérêt;

— le bénéfice de la prime de fidélité est acquis lorsque les sommes sont maintenues durant 6 mois calendrier sur le compte à dater du jour calendrier suivant le dépôt visé à la disposition précédente, sans qu'aucune date de valeur ne puisse être invoquée par le dépositaire pour le retrait. Au-delà de la période précitée, la prime de fidélité est calculée au prorata de la durée du placement. Elle cesse d'être allouée à partir du jour calendrier de retrait. Dans le cas d'un retrait, et pour le calcul de la prime de fidélité, les montants pour lesquels cette prime de fidélité n'est pas encore acquise seront affectés par ordre chronologique, du plus récent au plus ancien;

— l'intérêt de base et la prime de fidélité s'appliquent chacun de façon indifférenciée à l'ensemble des dépôts inscrits sur le même compte. Ils sont calculés selon un taux exprimé sur une base annuelle. Ces derniers doivent être portés au crédit du compte le 31 décembre de l'année durant laquelle ils sont constatés. Ces intérêts rapportent un intérêt de base à partir du 1er janvier qui suit la date de leur acquisition. La période d'acquisition de la prime de fidélité sur les intérêts commence ce même jour. Dans le cas d'une liquidation de compte, pour autant que les périodes y afférentes se soient écoulées, les intérêts acquis sont portés en compte à la date du septième jour calendrier précédant la liquidation de compte. ».

Art. 3

Le Roi fixe la concordance de la présente loi avec les dispositions réglementaires existantes.

Art. 4

La présente loi entre en vigueur le premier janvier de l'année qui suit celle au cours de laquelle elle aura été publiée au Moniteur belge.

12 juillet 2007.

Joëlle KAPOMPOLÉ
Olga ZRIHEN.
Christophe COLLIGNON.