4-31/1

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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2007

12 JUILLET 2007


Proposition de loi rétablissant l'article 61 de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, visant à plafonner les taux annuels effectifs globaux maxima des ouvertures de crédit avec un support carte, afin de mieux lutter contre le surendettement

(Déposée par Mmes Olga Zrihen et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 16 mars 2006 (doc. Sénat, nº 3-1623/1 — 2005/2006).

La présente proposition loi s'inscrit dans le cadre d'une réflexion globale menée par le Parti Socialiste sur les risques de surendettement liés à certaines formes de crédit et plus particulièrement les ouvertures de crédit.

Les ouvertures de crédit associées à une carte de paiement ou de légitimation sont la plupart du temps proposées par des grandes surfaces ou des organismes de vente par correspondance. Cette formule de crédit est de plus en plus utilisée pour l'acquisition de biens de première nécessité comme la nourriture, les produits d'entretien ménager ou les vêtements.

L'utilisation grandissante des ouvertures de crédit dénature finalement la notion même de crédit. À la base le crédit a pour finalité de permettre au consommateur d'acquérir un bien difficilement payable en une fois en étalant le paiement de celui-ci. L'ouverture de crédit dénature la fonction de crédit dans la mesure où elle permet l'acquisition de biens de consommation qui ne nécessite pas un échelonnement des paiements.

D'aucun mettent en avant l'avantage de la souplesse de cette formule de crédit, mais si le consommateur peut en user selon ses besoins, elle est généralement très coûteuse. Les taux varient souvent entre 16 % et 19 % pour les ouvertures de crédit accompagné de carte de crédit ou de légitimation.

Cette forme de crédit constitue par ailleurs une incitation dangereuse à la surconsommation. Elle nécessite en effet de la part de l'emprunteur une gestion active et régulière de son budget.

Ce type de crédit participe également à la financiarisation de l'économie dans la mesure où des secteurs d'activité économique comme celui de la grande distribution sont contraints de recourir à ce genre d'artifices financiers.

Les entreprises actives dans le secteur de la grande distribution sont de plus en plus soumises à des impératifs de rentabilité et de valorisation boursière. Mais les stratégies de baisse des prix via des sacrifices sur les marges bénéficiaires ne semblent plus être en mesure d'assurer des gains de parts de marché.

Au regard des difficultés que rencontrent ces entreprises à dégager, à partir de leur « métier » de base, des profits susceptibles de satisfaire le marché, on comprend que des instruments financiers comme les ouvertures de crédit deviennent particulièrement intéressants pour des entreprises soucieuses d'optimaliser leur rentabilité et leur valorisation boursière.

Le présent texte s'inscrit également dans le prolongement de notre proposition de loi modifiant la loi du 12 juin 1991 visant à mieux encadrer les ouvertures de crédit dans la lutte contre le surendettement (Doc. 4-29/1).

Ce texte a pour objet la modification des maxima limitant les taux annuels effectifs globaux des ouvertures de crédit avec support carte ayant une fonction dans l'octroi du crédit.

Dans un souci de protection du consommateur et de transparence du marché, la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation a défini une méthode unique de calcul du prix applicable à tous les crédits à la consommation: il s'agit du TAEG ou taux annuel effectif global.

Le taux annuel effectif global (TAEG) exprime d'une manière uniforme le coût du crédit et est censé mieux informer le consommateur en lui permettant de comparer plus facilement les offres de crédit des différentes institutions financières.

Pour Erik Van den Haute (Revue de la Banque « Le taux annuel effectif global et les intérêts de retard dans les ouvertures de crédit. Quelle protection pour le consommateur ? »), l'application du TAEG aux ouvertures de crédit n'est pas de nature à renforcer la protection des droits du consommateur.

Afin de mieux protéger le consommateur, la méthode de calcul retenue est une application de la méthode de l'intérêt composé. Cette méthode prend en compte les différents paramètres du prêt comme le rythme de remboursement du capital, le paiement des intérêts et le calcul des frais éventuels liés à l'octroi ou à la gestion du crédit.

Selon l'article 1er, 6º, de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, il faut comprendre le TAEG comme: « le coût total du crédit au consommateur exprimé en pourcentage annuel du montant du crédit consenti, calculé sur la base des éléments indiqués par le Roi et selon le mode qu'Il détermine ».

Le coût total du crédit est par ailleurs définis par l'article 1er, 5º, de la même loi comme: « tous les coûts du crédit, y compris les intérêts et tous les autres frais liés au contrat de crédit, calculés sur la base des éléments indiqués par le Roi et selon le mode qu'Il détermine ».

L'arrêté royal du 4 août 1992 relatif aux coûts, aux taux, à la durée et aux modalités de remboursement du crédit à la consommation précise les modalités de calcul du TAEG qui reste par ailleurs identique pour toutes les formes de crédit.

Or, dans la pratique, la notion de TAEG — lorsqu'elle est appliquée aux ouvertures de crédit — soulève des difficultés d'interprétation qui amène bon nombre de personnes à s'interroger sur l'efficacité de la protection du consommateur qu'elle est censée assurer.

Les articles 5, § 2, et 14, § 3, 5º, de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation oblige les prêteurs à assurer un mécanisme de publicité afin d'informer au mieux les emprunteurs sur les conditions et les paramètres du contrat crédit qu'ils entendent conclure.

Malheureusement, dans le cas des ouvertures de crédit, ces conditions et ces paramètres du contrat ne sont pas nécessairement connus à la conclusion du contrat. Bien que l'emprunteur soit tenu de rembourser tous les mois une mensualité minimale, celui-ci peut décider de son propre chef de rembourser à un rythme plus rapide.

De la même façon, il sera difficile de connaître à l'avance, que ce soit avant la conclusion du contrat ou lors de celle-ci, le nombre de jours entre la date de prélèvement (le consommateur peut prélever quand il le souhaite ou même ne jamais utiliser le crédit du tout), la date d'arrêté des comptes (ce qui est de nature à avoir une influence sur le calcul des intérêts) et le montant des prélèvements (on ne connaît que la limite à concurrence de laquelle l'ouverture de crédit a été consentie).

Dès lors que certaines variables sont inconnues au moment de la conclusion du contrat, le TAEG appliqué aux ouvertures de crédit apparaît comme insuffisant, donc inutile. L'exemple représentatif qui doit permettre à l'emprunteur de se faire une idée sur l'évolution de son crédit ne correspondra jamais à l'utilisation effective que fera l'emprunteur de celui-ci.

Bien qu'il soit impossible de fixer avec précision le TAEG pour les ouvertures de crédit, le législateur a toutefois cru utile de confié au Roi le soin de fixer des taux annuels effectifs globaux maxima.

Ces taux annuels effectifs globaux maxima sont contenus dans l'échelle reprise à l'annexe IV de l'arrêté royal du 4 août 1992 relatif aux coûts, aux taux, à la durée et aux modalités de remboursement du crédit à la consommation.

Cette échelle évolue. La dernière modification date du 1er janvier 2002. Elle prévoit que pour les ouvertures de crédits consenties avec support carte, une distinction doit être faite selon que le montant du crédit est inférieur ou supérieur à 1 250 euros.

Pour les ouvertures de crédit dont le montant est égal ou inférieur à 1 250 euros, le taux annuel effectif global maximum est de 19,00 %.

Pour les ouvertures de crédit dont le montant est supérieur à 1 250 euros, le taux annuel effectif global maximum est de 16,00 %.

Dans la mesure où certaines variables nécessaires à la détermination du TAEG sont inconnues au moment de la conclusion du contrat, il devient particulièrement difficile pour le consommateur de planifier une gestion rigoureuse de son emprunt.

À défaut d'une planification précise, l'emprunteur doit mener une gestion active et régulière de son budget ce qui n'est pas toujours évident, compte tenu de la complexité de cette formule particulière de crédit.

Le risque de surendettement est alors important: ce risque est encore accentué par l'existence de taux particulièrement élevés pour les ouvertures de crédit consenties avec carte par rapport aux autres formules de financement présentent sur le marché du crédit.

L'objet de la proposition est donc de modifier les taux annuels effectifs globaux maxima pour les ouvertures de crédit en établissant un taux maximum unique de 10,00 % et ce quel que soit le montant.

Le double taux ne justifie plus. En effet, l'étude de la Banque Nationale de Belgique de janvier 1996 (nº 78 — Crédits aux particuliers — Analyse des données de la Centrale des Crédits aux Particuliers) met en évidence que « la ligne de crédit moyenne octroyée pour les ouvertures de crédit dépasse légèrement 2 500 euros ».

Enfin, cette modification sera inscrite non plus dans un arrêté royal mais dans la loi.

Olga ZRIHEN
Joëlle KAPOMPOLÉ.
Christophe COLLIGNON.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 61 de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, abrogé par la loi du 17 juillet 2002, est rétabli dans la rédaction suivante:

« Art. 61. — Pour les ouvertures de crédit avec support carte ayant une fonction dans l'octroi du crédit, le taux annuel effectif global maximum est de 10,00 %. »

Art. 3

La présente loi entre en vigueur le premier jour du troisième mois qui suit celui au cours duquel elle aura été publiée au Moniteur belge.

12 juillet 2007.

Olga ZRIHEN
Joëlle KAPOMPOLÉ.
Christophe COLLIGNON.