4-33/1

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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2007

12 JUILLET 2007


Proposition de loi modifiant le Code des impôts sur les revenus 1992, le Code de taxe sur la valeur ajoutée et l'arrêté royal du 27 août 1993 d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992, visant à encourager le mécénat

(Déposée par Mme Olga Zrihen et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 30 novembre 2006 (doc. Sénat, nº 3-1850/1 — 2006/2007).

En Belgique, la politique culturelle se caractérise par le rôle essentiel exercé par l'État. Il s'agit d'un héritage de la poussée des idées démocratiques suite à la révolution française. Cette dernière modifia profondément les structures de la société à tous les niveaux: politique, social et culturel.

À cet égard, l'importance de la place prise par l'État provient à la fois d'une volonté d'assurer suffisamment de moyens au secteur culturel pour en assurer le bon financement, mais aussi de garantir la plus grande diversité culturelle ainsi qu'un accès de l'ensemble de la population à ces activités.

Cependant, l'État ne peut être le seul acteur à soutenir le secteur culturel, pour des raisons budgétaires essentiellement.

Les milieux économiques en général et les entreprises en particulier ont également un rôle à jouer. On attend aujourd'hui des entreprises qu'elles s'inscrivent dans leur époque, dans leur environnement global, que ce soit au plan social, environnemental, humanitaire ou culturel. Cette attente ne saurait se réduire à la seule création de richesse économique ou financière. Une entreprise moderne ne peut vivre en autarcie. Elle se doit de prendre une part active à la vie de la société dans laquelle elle s'inscrit.

Au niveau de la Communauté française, les États Généraux de la Culture ont dégagé des priorités pour la refondation d'une nouvelle politique culturelle. Une de ces priorités est le refinancement de la culture, notamment par des moyens alternatifs.

Dans ce cadre, le mécénat constitue indéniablement une des pistes intéressantes à approfondir, puisqu'elle tend à impliquer davantage le secteur privé dans le soutien à la création et à la diversité culturelle.

Pour ce faire, il convient non seulement d'accroître l'attractivité du système mais également de prévoir une nouvelle catégorie de bénéficiaires de ce mode de financement alternatif que constitue le mécénat: les artistes. Dans la mesure où « l'artiste » n'est nulle part défini, on privilégiera une approche articulée autour de l'activité ou du projet artistique mené. Tel est d'ailleurs l'objectif de la présente proposition de loi dans le secteur culturel: soutenir la création. Il appartiendra au Roi de définir les modalités d'agrément de ces projets.

En aucune façon, il ne s'agit de remplacer le financement public de la culture par des moyens issus du secteur privé: il s'agit plutôt de le compléter. La culture a des missions d'intérêt général et ne constitue pas une simple industrie du divertissement. Les pouvoirs publics sont garants de la diversité et du pluralisme qui en font la richesse, participent de l'émancipation des individus et sont facteurs de lien social.

La recherche constitue indéniablement un autre secteur pour lequel les besoins sont criants. Alors que l'objectif européen est d'atteindre, en 2010, un investissement public dans la recherche de 1 % du PIB, les crédits totaux du secteur public s'élèvent actuellement à 0,58 % du PIB.

Quant au secteur privé, il est prévu que son investissement atteigne à l'horizon 2010 2 % du PIB.

Par la modification du système actuel de mécénat, il s'agit d'une part, de renforcer l'attractivité du système, et donc d'encourager le secteur privé à investir davantage dans des projets à dimension sociétale, et d'autre part, de reconnaître par un traitement fiscal adéquat la volonté des entreprises d'être impliquées dans de telles initiatives.

Or, à cet égard, une grande confusion règne actuellement dans le monde des entreprises entre deux types de dépenses: le mécénat et le sponsoring.

Une enquête révèle ainsi que 55 % des personnes interrogées qualifient de « sponsoring » les dépenses engagées (1) .

Pourtant, tant au niveau des concepts, que du traitement fiscal y afférent, le sponsoring et le mécénat sont deux notions radicalement différentes.

Ainsi,

Le sponsoring, appelé parfois « parrainage », est une forme de contrat « par lequel le « sponsor » s'engage à fournir au « sponsee » une aide matérielle (sous forme de produits ou de services) ou à lui payer une certaine somme à l'occasion d'une activité du « sponsee » au cours de laquelle le « sponsor » pourra faire de la publicité sur des espaces (et pendant des périodes) déterminés (2)  ». Le sponsoring relève donc d'un acte impliquant une relation réciproque, contractualisée, ainsi qu'un bénéfice direct pour les deux partenaires.

Le mécénat peut lui être défini comme un « appui financier ou matériel fourni, en dehors de toute obligation contractuelle ou même unilatéralement, par un « donateur » ou « mécène » à une autre personne qui en bénéfice (...). Le mécène n'attend pas une publicité en sa faveur; il requiert même parfois l'anonymat (3)  ». Il n'y a donc pas de contrepartie directe à l'intervention du donateur. Ce caractère unilatéral distingue le mécénat du sponsoring. Cependant, si le mécénat est considéré, dans son acception première, comme une action généreuse et désintéressée, il n'est néanmoins pas dépourvu d'avantage pour le mécène. Une telle action se traduit généralement par un allègement fiscal ainsi que par une valorisation du mécène en termes d'image et de réputation. De plus, rien n'empêche un bénéficiaire, sur base volontaire et unilatérale, de remercier un mécène pour son action.

Cependant la distinction entre sponsoring et mécénat, si elle peut s'avérer délicate à réaliser, est néanmoins fondamentale. En effet, selon qu'il s'agisse d'une dépense de mécénat ou de sponsoring, le traitement fiscal des sommes allouées ne se fera pas de la même manière.

Au niveau fiscal, le sponsoring peut être considéré comme un frais professionnel. En effet, de telles dépenses sont inhérentes à l'activité économique de l'entreprise. Elles sont donc déductibles, pour peu qu'elles remplissent trois conditions:

— qu'elles soient supportées pendant la période imposable;

— qu'elles soient justifiées aux moyens de documents probants;

— qu'elles aient été réalisées en vue de maintenir ou d'obtenir un revenu imposable.

En ce qui concerne le mécénat, et sur le plan théorique, les dépenses de mécénat sont considérées comme des libéralités. À ce titre, elles sont déductibles des revenus nets dans le respect des conditions suivantes:

— le donateur doit être assujetti à l'impôt des personnes physiques ou l'impôt des sociétés;

— la libéralité doit être faite en argent, en aucune façon sous forme matérielle;

— elle doit atteindre minimum 30 euros;

— la libéralité doit être versée à une institution nominativement désignée par la loi ou agréée par le Roi.

Pour les particuliers, ces libéralités sont déductibles à hauteur de 10 % de l'ensemble des revenus nets. En outre, la déduction est plafonnée à 250 000 euros. Ce plafond fait l'objet d'une indexation annuelle.

À l'égard des entreprises, la déduction est limitée à 5 % des revenus nets et à 500 000 euros au total, sans indexation.

En Europe, de nombreux pays ont déjà pris un certain nombre d'initiatives en matière d'encouragement du mécénat. En France, la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, améliore le régime fiscal du mécénat et le statut des fondations. L'Espagne a instauré un système de crédit d'impôts pouvant aller jusque 40 % pour les dons à l'égard des programmes définis comme prioritaires par la loi de finances annuelles. L'Italie et l'Irlande ont elles aussi assoupli leur législation en matière de mécénat. En 2001, cette dernière a totalement supprimé les plafonds existant en matière de déductibilité des libéralités, faites par des personnes physiques ou des sociétés, à l'égard des institutions agréées actives dans le domaine de la culture et de l'art.

Chez nous, plusieurs enquêtes réalisées au sein du monde des entreprises belges révèlent la nécessité de renforcer le caractère incitatif du mécénat.

Ainsi, selon une étude Ipsos, réalisée à la demande de la Fondation Fortis Belgium, sept responsables d'entreprise sur dix considèrent qu'un encouragement fiscal plus favorable inciterait plus d'entreprises à investir dans le mécénat (4) . Par ailleurs, la même enquête révèle que 33 % des entreprises interrogées ont considéré que le plafond de 500 000 euros avait empêché des dépenses de mécénat.

Enfin, le pourcentage du chiffre d'affaires d'une entreprise consacré au mécénat varie entre 0 et 1 % du chiffre d'affaires (5) .

Dans le système actuel, les domaines d'intervention du mécénat sont nombreux. Le dispositif qui permet la déductibilité à concurrence d'un certain montant des libéralités faites par les entreprises ou les particuliers concerne en effet toute une série d'associations qui remplissent des missions d'intérêt général. Celles-ci sont énumérées par l'article 104 du CIR 1992 (Code des impôts sur les revenus).

Pour l'heure, et sans préjuger d'une extension du champ d'application des mesures envisagées, en fonction du succès rencontré, il est proposé de limiter certaines des mesures à deux secteurs, compte tenu des besoins criants qu'ils rencontrent: la culture et la recherche. À cette fin, nous proposons d'augmenter le plafond de la déductibilité des libéralités faites aux associations visées par les articles suivants:

— article 104, 3º, d), 104, 5º;

— article 104, 3º, a) et b).

Afin d'envoyer un signal fort au secteur du mécénat, le montant de la déductibilité faite à ces associations passera de 500 000 euros à 1 000 000 euros. Afin de faciliter le développement du mécénat de proximité par les PME, le pourcentage de la déductibilité passera de 5 % à 10 %.

La déductibilité s'appliquera à tous les types de libéralités, et non plus seulement aux libéralités faites en argent.

Pour permettre de distinguer l'opération de mécénat de celles du sponsoring et du don, il est également prévu que la dépense de mécénat pourra faire l'objet d'un retour ne pouvant dépasser 25 % du montant investi.

Dans la mesure où la présente proposition de loi prévoit une extension aux libéralités faites en nature, il conviendrait également de régler le régime TVA applicable à ce genre de prestation pour éviter de perdre d'un côté ce qu'on a gagné de l'autre.

Pour l'article 104, 8º, CIR 1992, qui concerne la déductibilité des dépenses exposées par les propriétaires d'immeubles bâtis en vue de leur entretien et de leur restauration pour autant qu'ils soient accessibles au public, il est proposé de supprimer le plafond de 25 000 euros. Dans la mesure où cette disposition concerne la protection du patrimoine, il y a lieu de la considérer comme faisant partie du secteur culturel au sens large.

Par ailleurs, en ce qui concerne les institutions culturelles, les conditions d'agrément constituent véritablement un frein au mécénat. Il en est ainsi de l'exigence d'être une personne morale de droit belge qui empêche le mécénat transfrontalier. Une enquête d'opinion démontre qu'alors que 68,75 % des entreprises interrogées sont économiquement actives sur le plan européen, seules 14,2 % de ces mêmes entreprises font du mécénat à rayonnement européen (6) .

La longueur de la procédure d'agrément est également problématique. Un des facteurs de ralentissement de cette procédure réside dans le fait que toutes les associations doivent être agréées dans un seul arrêté royal. Dès lors, si une association ne réunit pas les conditions d'obtention de l'agrément, l'adoption de l'arrêté royal est bloquée.

Pour pouvoir bénéficier de l'agrément, les associations doivent remplir des conditions particulièrement strictes, les auteurs proposent d'alléger ces conditions. Les associations ne devront plus exercer directement et exclusivement leurs activités dans le domaine de la diffusion de la culture.

Enfin, l'exigence d'être une institution subventionnée par l'État ou les Communautés, au-delà de l'effet pervers qu'entraîne cette condition, est inadéquate. La simple reconnaissance de ces institutions par l'État ou les Communautés devrait suffire.

Pour conclure, il y a lieu d'insister sur un autre intérêt de la présente proposition qui est d'impliquer davantage l'État fédéral dans le développement culturel et celui de la recherche scientifique, grâce aux leviers essentiels dont il dispose, à savoir la fiscalité.

Cette proposition constitue l'illustration, si besoin en est, de la nécessité de renforcer les synergies entre les différents niveaux de pouvoir.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er

Cet article contient la disposition d'usage relative au fondement constitutionnel de compétence.

Article 2

Pour de nombreuses institutions culturelles ou de recherche scientifique, posséder des immeubles s'apparente le plus souvent à une charge en raison des pesanteurs fiscales qui grèvent ce type de biens qu'il s'agisse du revenu cadastral ou du précompte mobilier.

Pour permettre à ces institutions d'exercer leurs activités avec moins de contraintes financières, il serait opportun de prévoir une immunisation du revenu cadastral quand les immeubles ont une destination culturelle et de recherche scientifique.

Il convient d'appliquer aux immeubles destinés à la culture le régime fiscal applicable en matière de revenu cadastral et de précompte immobilier, aux immeubles affectés au culte, à l'enseignement ou à des œuvres de bienfaisance. Les articles 12, § 1er, et 253 traitent respectivement de l'exonération du revenu cadastral et de l'immunisation du précompte immobilier.

Dans la mesure où l'article 253 du CIR 1992 renvoie directement à l'article 12, § 1er, du même Code, seule une modification de ce dernier est nécessaire.

Articles 3 et 5

Actuellement, et pour autant qu'ils ne constituent pas la contrepartie d'un travail presté, les prix et subsides octroyés par des administrations aux artistes sont considérés comme des revenus divers, soumis à un taux de 16,5 %. Par contre, ceux émanant des particuliers sont exonérés.

Au-delà du fait que cette différence de traitement n'est pas justifiée, dans la mesure où les prix ou les subsides, comme des bourses à la création, pourront dorénavant être déduites des revenus imposables selon les modalités à définir par le Roi, il est opportun de prévoir une exonération de ces revenus dans le chef de leurs bénéficiaires.

À cette fin, il convient dans un premier temps de modifier l'article 171, 4º, c), du CIR 1992 en supprimant la référence aux prix et subsides et de modifier ensuite l'article 38, § 1, alinéa 1er, du CIR 1992 en y ajoutant un 22º.

Article 4A

Cet article vise à insérer une catégorie nouvelle de bénéficiaires des dépenses de mécénat dans l'article 104, 3º, d), du CIR 1992. Il s'agit des artistes. En effet, à côté des institutions culturelles, il convient d'encourager également le soutien à la création d'artistes qui ne dépendent pas de ces institutions mais qui contribuent incontestablement à la diversité culturelle.

La difficulté réside dans le fait que la notion « d'artiste » n'est nulle part définie. Pour pallier cet inconvénient, il est proposé de la définir à travers la notion de projet artistique.

Dans la mesure où la présente proposition vise précisément à encourager et soutenir la création artistique, cette référence à la notion de « projet artistique » est pertinente.

Il appartiendra au Roi, à l'instar du dispositif existant en matière de tax Shelter, de définir les modalités d'agrément de ces projets

Article 4B

Seules les libéralités faites en argent sont déductibles. Il conviendrait d'étendre cette déductibilité aux libéralités faites en nature comme la mise à disposition de biens, de matériaux, de produits ou de locaux. Cette extension serait limitée aux institutions, organismes et personnes visés à l'article 104, 3º, a), b) et d) du CIR 1992, à savoir les universités ou les centres universitaires belges, les établissements assimilés aux universités en vertu des lois sur la collation des grades académiques et le programme des examens universitaires, les académies royales, le Fonds national de la recherche scientifique, ainsi que les institutions de recherche scientifique agréées, à l'exception des institutions qui sont directement liées à des partis ou à des listes politiques. Les institutions culturelles dont la zone d'influence s'étend à l'une des communautés ou au pays tout entier et qui sont agréées par le Roi sont également visées.

Article 4C

En vertu de l'article 104, 8º, du CIR 1992, le propriétaire d'immeubles bâtis, de parties d'immeubles bâtis ou de sites, non donnés en location, qui sont classés conformément à la législation sur la conservation des monuments et sites et qui sont accessibles au public, peut déduire de l'ensemble de ses revenus nets, certaines dépenses qu'il a exposées pour l'entretien et la restauration de ces biens.

Aucun minimum de dépenses n'est requis en la matière, mais on ne peut déduire que la moitié des dépenses engagées, avec un maximum de 31 960 euros (montant de base 25 000 euros), de la partie des dépenses (TVA comprise) non couvertes par des subsides, qui ont été effectivement payées pendant la période imposable.

Cet article vise à modifier l'article 104, 8º, du CIR 1992 afin de supprimer le plafond maximum de la déductibilité des dépenses faites par les propriétaires des immeubles bâtis en vue de leur rénovation ou de leur conservation.

Article 6 (alinéa 2 nouveau proposé)

Actuellement, deux plafonds limitent la possibilité de déductibilité, selon que le donateur est une personne physique ou morale.

En ce qui concerne les personnes physiques, l'article 109 CIR 1992 dispose que la déductibilité est limitée à 10 % de l'ensemble des revenus et ne peut excéder 250 000 euros.

En ce qui concerne les personnes morales, l'article 200 CIR 1992 prévoit que la déductibilité est limitée à 5 % du résultat fiscal avec un plafond absolu de 500 000 euros.

Or, on constate que certaines institutions peuvent aller bien au-delà de ce plafond. De plus, la différence entre les deux plafonds est devenue infime, compte tenu du fait que le plafond applicable aux personnes physiques a fait l'objet d'une indexation alors que le plafond applicable aux personnes morales n'a jamais bénéficié d'une indexation. Or, il est évident que les montants à investir par les entreprises ou les particuliers ne sont pas du tout du même ordre.

L'objet de la présente modification est d'augmenter pour certaines des libéralités visées à l'article 104 du CIR 1992 le plafond applicable aux personnes morales actuellement prévu à l'article 200 du CIR 1992 de 500 000 euros à 1 000 000 euros.

Ce nouveau plafond de 1 000 000 euros traduit la volonté des auteurs d'envoyer un signal fort au monde du mécénat. Sur le plan budgétaire, l'impact de ce nouveau plafond doit être relativisé dans la mesure où le nombre d'entreprises qui pourront en bénéficier reste marginal.

La limitation en terme de pourcentage passe de 5 % à 10 %. Cette modification est un signale envoyé principalement en direction des PME qui sont davantage concernées par une modification du taux que par une modification de seuil. Ces dernières constituent en effet un point important pour développer le mécénat de proximité.

Un deuxième alinéa sera donc ajouté à l'article 200 du CIR 1992 mentionnant ce nouveau montant et ce nouveau pourcentage pour les libéralités faites aux institutions et personnes visées aux articles 104, 3º, a), b), d) et 104, 5º.

Article 6 (alinéa 3 nouveau proposé)

Bien que l'intervention du mécène exclut en principe toute contrepartie, la dépense de mécénat étant une action généreuse et désintéressée, cette intervention peut parfois ne pas être dépourvue d'avantage pour le mécène: elle peut en effet se traduire par une valorisation du mécène en terme d'image et de réputation.

L'objet de la présente modification est de rencontrer cette réalité en permettant au mécène de pouvoir obtenir un retour sans pour autant que l'opération soit considérée par l'administration fiscale comme du sponsoring.

Ce principe du retour permet de distinguer finalement les trois opérations que sont le sponsoring, le mécénat et le don.

Pour reprendre la classification des contrats propre au droit romain, on peut dire que le don est un contrat unilatéral dans la mesure où il ne crée d'engagement que dans le chef d'une partie, le donateur. Le sponsoring est un contrat synallagmatique parfait dans la mesure où il crée dès le départ des engagements dans le chef des deux parties contractantes, le sponsor et le sponsee. Le mécénat est quant à lui un contrat synallagmatique imparfait dans la mesure où il est conçu au départ pour ne faire naître d'engagements que dans le chef d'une seule partie (le mécène), mais il se peut que par la suite naissent des engagements dans le chef de l'autre partie.

La modification proposée s'inspire de la législation française qui autorise un retour ne dépassant pas 25 % du montant investi pour qu'une dépense soit considérée comme du mécénat.

Concrètement, une entreprise qui soutient une exposition pour 10 000 euros pourrait avoir 2 500 euros de retours en logos, nocturnes, préachats de catalogues, etc.

Article 6 (alinéa 4 nouveau proposé)

L'article 200 du CIR 1992 limite actuellement la déduction des libéralités à 5 % du bénéfice de la période imposable et à 500 000 euros.

Cette limitation pose problème pour de nombreux projets culturels, dont la réalisation est étalée dans le temps mais qui nécessitent une mobilisation importante de capitaux dans les premières phases de leur conception ou de leur développement.

En effet, pour ce type de projets, tout droit à déduction sera définitivement perdu pour les sommes qui excèdent les plafonds de l'article 200 CIR 1992 pour un exercice donné, alors qu'un financement étalé aurait dans de nombreux cas ouvert un droit à une déduction pour le montant total.

De nombreuses entreprises hésitent dès lors à financer ce type de projets.

La présente modification vise donc à permettre un report de déduction des dépenses de mécénat visées à l'article 104, 3º, a), b) et d) du CIR 1992 sur cinq exercices imposables dès lors que l'entreprise dépasse pour un exercice les plafonds fixés par l'article 200 CIR 1992.

Article 7

Dans la mesure où la présente proposition de loi prévoit une extension aux libéralités faites en nature, il conviendrait également de régler le régime TVA applicable à ce genre de prestation.

En effet, dans la plupart des cas, la mise à disposition de biens, de matériaux, de produits, de locaux, de compétences, voire de force de travail sera plus souvent le fait d'entreprise. Or, ces entreprises sont assujetties à la TVA et devront payer une taxe selon qu'il s'agit d'une livraison de bien ou d'une prestation de service.

Bien que l'acte de mécénat soit une démarche désintéressée, il paraît nécessaire de prévoir une exonération pour les livraisons de biens ou prestations de services entrant dans le cadre du mécénat.

L'article 44, § 2, du Code de la TVA, qui traite des exemptions, sera donc complété par un 14º afin d'exempter les prestations de services et livraisons de biens réalisées dans le cadre d'une dépense de mécénat.

Article 8A

Les institutions culturelles visées à l'article 104, 3º, du CIR 1992 doivent être agréées par le Roi, reconnues par arrêté royal. Malheureusement, on constate que dans la pratique les conditions d'agrément, contenues à l'article 58, § 1, de l'arrêté royal d'exécution du CIR 1992, soulèvent un certain nombre de problème, qui empêchent finalement à la mesure de prendre sa pleine efficacité.

Une des conditions pour qu'une institution culturelle puisse bénéficier de l'agrément, est de posséder la personnalité juridique en vertu du droit belge. Or, cette condition, au-delà du fait qu'elle semble être contraire au droit européen, handicape fortement les entreprises qui souhaitent faire du mécénat transfrontalier.

Il est donc tout simplement proposé de modifier l'article 58 de l'arrêté royal d'exécution du CIR 1992 en n'imposant plus aux institutions culturelles de posséder la personnalité juridique en vertu du droit belge, public ou privé.

Article 8B

Actuellement pour obtenir l'agrément, les associations doivent exercer directement et exclusivement leurs activités dans le domaine de la diffusion. Ce champ d'application est trop restreint par rapport à la réalité de la vie associative.

De nombreuses associations actives dans le secteur du mécénat ne remplissent pas ces conditions aux yeux de l'administration fiscale qui applique la règle de manière stricte.

Le présent article a donc pour objet d'élargir le champ d'application de cette mesure non seulement à la diffusion mais également à la réalisation et à la promotion de la culture. Le nouveau dispositif n'exige plus que l'exercice de ces activités soit direct et exclusif. Ces activités peuvent désormais s'exercer à titre principal.

Article 8C

Actuellement, une des conditions requises dans le chef d'une institution culturelle pour obtenir l'agrément est de pouvoir bénéficier d'une subvention soit par l'État, soit par une des communautés.

Or, au-delà des effets pervers qu'une telle disposition peut entraîner, il faut bien constater que cette exigence n'est pas appropriée. Il convient de remplacer la nécessité d'être une institution culturelle subventionnée par celle d'être une institution culturelle reconnue par l'État ou les communautés.

À cette fin, l'article 58, § 1er, 4º, de l'arrêté d'exécution du CIR 1992 doit être modifié pour préciser que les libéralités déductibles sont celles faites en argent aux institutions culturelles reconnues, en raison de leurs activités, par les communautés ou l'État.

Article 8D

En ce qui concerne la procédure d'octroi de l'agrément aux institutions culturelles visées à l'article 104, 3º, d), du CIR 1992, on constate que la durée de celle-ci est souvent fort longue.

En pratique, la procédure d'agrément dure en moyenne deux ans. Cette procédure pose problème dans la mesure où l'arrêté royal qui agrée les ASBL doit être publié. Or, si l'examen du dossier d'une ASBL pose problème, c'est l'adoption de l'arrêté royal dans son ensemble qui est bloquée.

Il est donc proposé d'imposer au ministre des Finances de ne plus se prononcer de manière globale, mais au cas par cas, par arreté royal pris individuellement sur chaque demande d'agrément.

Article 9

Cet article règle la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

Olga ZRIHEN
Joelle KAPOMPOLÉ.
Christophe COLLIGNON.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

In fine de l'article 12, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, remplacé par la loi du 21 mai 1996, les mots « à des activités culturelles, à la recherche scientifique, » sont insérés entre les mots « ou personnes pensionnées, » et les mots « ou d'autres œuvres analogues de bienfaisance. ».

Art. 3

L'article 38, § 1er, alinéa 1er, du même Code, dernièrement modifié par la loi du 27 décembre 2006, est complété par un 23º, rédigé comme suit:

« 23º les prix et les subsides visés à l'article 90, 2º ».

Art. 4

À l'article 104 du même Code sont apportées les modifications suivantes:

A. in limine du 3º, d), le membre de phrase « artistes à condition que les fonds soient affectés à la réalisation d'un projet artistique, selon les modalités d'agrément à définir par le Roi et aux » est inséré entre le mot « aux » et les mots « institutions culturelles »;

B. il est inséré un 3ºbis, rédigé comme suit:

« 3ºbis. — les libéralités faites aux institutions visées à l'article 104, 3º, a), b), et d), peuvent également être faites en nature »;

C. au 8º les mots « , avec un maximum de 25 000 euros, » sont supprimées.

Art. 5

À l'article 171, 4º, c), du même Code, les mots « les prix, subsides, » sont supprimés.

Art. 6

L'article 200 du même Code est complété par les alinéas suivants:

« Pour les libéralités visées aux articles 104, 3º, a), b), d), et 104, 5º, le pourcentage est fixé à 10 % avec un montant maximum de 1 000 000 euros.

Sont considérés comme des dépenses de mécénat, les libéralités visées à l'alinéa précédent dans la mesure où leur contrepartie n'excède pas 25 % du montant investi.

Les libéralités visées aux articles 104, 3º, a), b), d), et 104, 5º, qui ne peuvent être déduites des bénéfices de la période imposable conformément au § 1er sont successivement déduites des revenus professionnels de chacune des cinq périodes imposables suivantes. Le Roi fixe les conditions d'application de cette disposition. ».

Art. 7

L'article 44, § 2, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée est complété par:

« 14º. les livraisons de biens et les prestations de services réalisée effectuées dans le cadre d'une dépense de mécénat visée à l'article 104, 3º, a), b) et d) du CIR 1992. »

Art. 8

À l'article 58 de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992, sont apportées les modifications suivantes:

A. au § 1er, alinéa 1er, 1º, les mots « en vertu du droit belge, public ou privé » sont supprimées;

B. au § 1er, alinéa 1er, 3º, les mots « exercer leurs activités directement et exclusivement dans le domaine de la diffusion de la culture » sont remplacés par les mots « exercer leurs activités à titre principal dans le domaine de la réalisation et/ou de la diffusion et/ou de la promotion de la culture »;

C. au § 1er, alinéa 1er, 4º, les mots « être subventionnées » sont remplacées par les mots « être reconnues »;

D. le § 7, abrogé par l'arrêté du 16 octobre 2000, est rétabli dans la rédaction suivante:

« § 7. — Le ministre des Finances se prononce par arrêté royal pris individuellement sur chaque demande d'agrément. ».

Art. 9

La présente loi entre en vigueur le premier jour du troisième mois qui suit celui au cours duquel elle aura été publiée au Moniteur belge.

12 juillet 2007.

Olga ZRIHEN
Joelle KAPOMPOLÉ.
Christophe COLLIGNON.

(1) « Fiscalité du mécénat » — Séminaire-rencontre. Bruxelles, 24 septembre 2002, Allen et Overy.

(2) De Visscher, « Le « sponsorship » ou « parrainage »: quelques problèmes particuliers relatifs aux droits intellectuels ou posés par le droit européen », D.A.O.R., 1986-87, p. 329.

(3) Ibidem.

(4) « Image du mécénat auprès des entreprises », Ipsos, janvier 2006, étude réalisée à la demande de la Fondation Fortis Belgium, p. 25.

(5) « Fiscalité du mécénat ».

(6) « Fiscalité du mécénat ».