Questions et Réponses

SÉNAT DE BELGIQUE


Bulletin 3-72

SESSION DE 2005-2006

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres (Art. 70 du règlement du Sénat)

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique

Question nº 3-5449 de M. Destexhe du 16 juin 2006 (Fr.) :
Plan Cancer. — Mise en œuvre en Belgique.

En mars 2003, le président Chirac a lancé le plan Cancer 2003-2007, doté d'un budget d'un demi-milliard d'euros répartis sur cinq ans. Ce plan a bénéficié d'un élan politique et de moyens financiers sans précédent en France. Aujourd'hui malgré des nuances, le bilan est jugé plutôt positif.

Ce plan poursuit trois ambitions : rattraper le retard en matière de prévention et de dépistage, offrir à chaque malade la qualité des soins et l'accompagnement humain auxquels il a droit, donner une impulsion décisive à la recherche.

J'aimerais obtenir une réponse aux questions suivantes :

1. Pourquoi la Belgique ne pourrait-elle mettre en place un plan semblable ?

2. Quelles sont vos propositions dans ce sens ?

Réponse : J'ai l'honneur de donner la réponse suivante à la question de l'honorable membre.

Actuellement, il n'y a pas, en tant que tel, de « Plan Cancer » officiel en Belgique, contrairement à la France, et ce en partie en raison du fait que, dans notre pays, les compétences relatives aux thèmes prioritaires précités sont réparties sur plusieurs autorités. Cela ne signifie nullement qu'il n'y a aucune action de prévention et de lutte contre le cancer dans notre pays. Au contraire, toutes les autorités concernées accordent une importance aux thèmes retenus dans le cadre du « Plan Cancer » français, comme en témoigne la liste d'initiatives en cours dans notre pays.

À titre d'exemple, voici les initiatives que j'ai soutenues et entamées au cours des dernières années.

Il est bien connu qu'un mode de vie malsain peut contribuer dans une mesure importante à l'apparition de nombreuses affections, parmi lesquelles le cancer. J'ai donc tenté de sensibiliser la population à l'importance d'une alimentation saine, d'exercices physiques réguliers et, bien entendu, du sevrage tabagique.

C'est ainsi que j'ai fait établir un Plan National Nutrition-Santé (PNNS). À cet égard, les moyens suivants ont été utilisés : une campagne de sensibilisation avec des spots TV et des guides de nutrition, des documents pour les travailleurs de la santé et le personnel enseignant. Le PNNS accorde, à juste titre, une attention particulière aux enfants et aux jeunes. À côté de la suralimentation dans la population générale on a également été attentif à la sous-alimentation en milieu hospitalier, dans les MRS et dans le cadre des soins à domicile.

J'ai également fait établir un Plan fédéral de lutte contre le tabagisme, lequel comprend plusieurs mesures, dont notamment la ratification de l'accord-cadre de l'OMS et interdiction de fumer dans les lieux publics et lieux de travail. La problématique de la protection contre le tabagisme passif et l'aide au sevrage tabagique constituent des thèmes prioritaires du Plan fédéral. À cet égard, j'ai lancé en février 2006 une campagne « Aidons les fumeurs », axée en particulier sur les adolescents. Un Fonds de lutte contre le tabagisme a été créé dans le but de subventionner des projets de prévention du tabagisme.

Par ailleurs, j'ai également contribué à la détection précoce du cancer du sein. L'État fédéral, les communautés et les régions ont signé un protocole d'accord pour la mise en place d'un dépistage systématique organisé suivant des critères de qualité européens. Ce programme a été lancé en 2001 en Flandre et en 2002 en Wallonie. En 2005, le KCE a publié un rapport sur le dépistage du cancer du sein, qui apporte aux prestaires de soins des réponses aux questions relatives à l'efficacité d'un tel programme et aux inconvénients potentiels qu'il comporte.

En ce qui concerne une vision plus générale du dépistage précoce du cancer, je peux vous informer que, lors de la dernière conférence interministérielle du 19 juin 2006, il a été décidé de réunir à nouveau le groupe de travail interministériel pour le dépistage précoce du cancer. Ce groupe de travail permettra d'élaborer une vision cohérente, en collaboration avec les communautés et les régions.

Outre la limitation des facteurs de risque liés au mode de vie et la détection précoce, l'autorité fédérale a fourni des efforts importants concernant l'optimisation des aspects organisationnels du traitement du cancer et un professionnalisme accru des cancérologues. Comme vous le savez certainement, l'arrêté royal du 21 mars 2003 a fixé les normes auxquelles le programme de soins de base en oncologie et le programme de soins d'oncologie doivent répondre pour être agréés. Les programmes de soins doivent offrir des soins de qualité aux patients atteints de cancer. L'approche pluridisciplinaire obligatoire tant pour le diagnostic et le traitement que pour le suivi permet de garantir l'amélioration des soins. Encourager l'élaboration de réseaux sous la forme d'accords d'association entre les deux types de programmes de soins permet de partager l'expertise présente et de suivre les patients dans le cadre diagnostique et thérapeutique le plus adéquat.

Du reste, une des missions du Collège d'oncologie, qui est actif depuis 2004, est d'appuyer les hôpitaux. En 2005, le Collège d'oncologie, le KCE et le SPF Santé publique ont collaboré à l'élaboration de guidelines en matière de cancer colorectal et de cancer du testicule, ainsi qu'à l'élaboration d'un cadre général pour le manuel d'oncologie multidisciplinaire. Les directives sont disponibles sur internet.

Dans le prolongement du programme de soins, l'arrêté ministériel du 29 mai 2006, publié récemment, décrit les critères particuliers pour l'agrément des médecins spécialistes, porteurs d'un titre professionnel particulier en oncologie médicale.

Actuellement, mon cabinet examine la création de programmes de soins spécialisés, et en particulier la création de cliniques du sein pour le traitement des patientes atteintes d'un cancer du sein. En outre, une convention INAMI concernant le traitement adjuvant par Herceptine a récemment été signée pour les patientes atteintes d'un cancer du sein non métastasé positif pour Her 2. La convention, dont la durée est limitée, permet aux femmes atteintes d'un cancer du sein d'être traitées dans des hôpitaux qui satisfont aux critères fixés jusqu'à ce qu'une décision quant à son remboursement soit prise.

Le 17 mai 2006, la Fondation « Registre du Cancer » a été inaugurée. La Fondation du Registre du Cancer est subventionnée par l'autorité fédérale, les communautés et les régions, ainsi que par le secteur privé. Un registre du cancer efficace est nécessaire dans le cadre d'une politique englobant non seulement les soins aux patients cancéreux mais également la prévention primaire et secondaire.

Pour ce qui concerne la recherche scientifique relative au cancer, je puis vous communiquer que la recherche est effectuée de façon décentralisée et qu'elle relève en majeure partie de la compétence des communautés. Par ailleurs, des initiatives privées, telles que la Fondation contre le Cancer et la Vlaamse Kankerliga appuient la recherche fondamentale et appliquée.

De nombreuses initiatives ont été élaborées, lesquelles visent, dans un premier temps, à partiellement prévenir le cancer, par le biais d'un mode de vie plus adéquat, ensuite, à détecter le cancer à temps, et enfin, à traiter les patients dans le cadre de structures optimales, par des spécialistes bien formés, en ayant recours aux options de traitement les plus efficaces et les plus récentes. Il est vrai qu'un pian global, en concertation avec les Communautés et les Régions, permettrait de concrétiser une vision. Mais un plan global risque fort de s'enliser, en raison de conflits de compétence, ce qui finalement empêchera toute contribution effective aux soins apportés aux patients. C'est la raison pour laquelle l'évaluation des avantages et des inconvénients d'un « Plan Cancer » formalisé nécessite une discussion détaillée, dans le cadre de laquelle je ne suis pas l'unique partenaire concerné.