Questions et Réponses

SÉNAT DE BELGIQUE


Bulletin 3-62

SESSION DE 2005-2006

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres (Art. 70 du règlement du Sénat)

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Ministre des Affaires étrangères

Question nº 3-3490 de M. Galand du 13 octobre 2005 (Fr.) :
Nouvel accord de pêche entre l'Union européenne (UE) et le Maroc. — Eaux territoriales. — Problème du Sahara occidental.

La Commission européenne a signé, le 28 juillet 2005, un nouvel accord de pêche avec le gouvernement du Maroc pour une durée de 4 ans, à dater de son entrée en vigueur prévue le 4 mars 2006.

Cet accord, qui, selon nos informations, couvre les espaces maritimes du Sahara occidental, doit encore être approuvé par le Conseil et les États membres de l'Union européenne (UE).

Permettez-moi d'attirer votre attention sur quelques éléments de droit :

— La Cour internationale de justice (CIJ), dans son avis consultatif de 1975, a rejeté les prétentions de souveraineté du Maroc sur le territoire du Sahara occidental et a dit que sa population devait se prononcer sur son avenir conformément au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes (CIJ, Rec. 1975, p. 60, § 162);

— L'administration de ce territoire par le Maroc n'est, d'ailleurs, pas reconnue par la communauté internationale;

— Le Sahara occidental est reconnu comme État souverain par un grand nombre d'États (74), le dernier en date étant l'Afrique du Sud;

— En ne se retirant pas du Sahara occidental, le Maroc viole le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes;

— L'accord de pêche entre le Maroc et l'UE contribue à la violation de ce droit. La CIJ a d'ailleurs déclaré dans l'affaire du Timor oriental (qui portait sur une question analogue à celle-ci : un accord entre l'Australie et l'Indonésie sur l'exploitation des ressources du Timor Gap) que le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes était « l'un des principes essentiels du droit international contemporain », un principe valable erga omnes liant toute la communauté internationale (CIJ, Rec. 1995, p. 102, § 29) et cité par la Commission du droit international au nombre des normes impératives du droit international (jus cogens) (Rapport CDI, 2001, doc. A/56/10, fr., p. 305);

— Un accord en conflit avec une norme de jus cogens est nul en vertu de l'article 53 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités;

— De manière générale, le Maroc, en disposant des espaces maritimes d'un territoire qui ne lui appartient pas, aliène des droits qu'il ne possède pas, ce qui est contraire au principe de droit bien connu nemo plus juris transferre potest quam ipse habet;

— De manière plus spécifique, le Maroc viole aussi le principe de la souveraineté permanente des peuples sur leurs ressources naturelles (A/Rés. 1803 (XVII), 14 décembre 1962; pactes de 1966 relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels, civils et politiques, article commun 1, § 2), un droit qui, comme corollaire de la souveraineté internationale et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, fait partie du droit international coutumier (lettre du Conseiller juridique des Nations unies, H. Corell, au Président du Conseil de sécurité à propos, justement, d'accords de prospection pétrolière envisagés par le Maroc à propos du Sahara occidental, 29 janvier 2002, ONU, S/2002/161, § 14); ce droit ne serait pas violé s'il était exercé dans le respect « des intérêts et de la volonté du peuple du Sahara occidental » (ibid., § 25). Mais, précisément, les représentants du Sahara occidental, n'acceptent pas que le Maroc dispose ainsi des ressources naturelles de leur territoire.

Compte tenu des arguments de droit énoncés, la Belgique peut-elle obtenir de la Commission que l'Accord de pêche avec le Maroc se limite aux eaux territoriales marocaines selon le tracé des frontières internationalement reconnues à ce pays ?

Réponse : Introduction générale.

La Belgique suit étroitement la question du Sahara occidental. Cette question est traitée dans le cadre des Nations unies aux fins de dégager des pistes de solution. Comme on le sait, une mission des Nations unies (MINURSO) est active dans la région depuis 14 ans. M. Peter Van Walsum, Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies, a récemment eu des entretiens avec toutes les parties concernées. Son rapport est attendu d'ici 3 mois. La Belgique attend ce rapport et espère qu'il contiendra des éléments susceptibles de mener à une solution qui sera satisfaisante pour toutes les parties.

Pour ce qui concerne les questions des honorables membres.

Concernant l'Accord de pêche entre l'UE et le Maroc, il s'agit en l'occurrence, comme les honorables membres le savent sans doute, d'une matière communautaire pour laquelle la Commission a compétence exclusive pour négocier au nom de l'Union Européenne.

L'accord a été paraphé fin juillet 2005 et sera soumis au Conseil pour approbation. Une fois ce stade franchi, une concertation au niveau interne belge se tiendra en effet avec toutes les parties intéressées, en vue de définir la position belge dans cette matière.

Comme c'était déjà le cas dans de précédents accords de pêche avec le Maroc (le premier accord date de 1988), toutes les eaux sous juridiction marocaine seront également régies par le nouvel accord.

Pour ce qui concerne les questions relatives aux activités économiques belges dans la région, je peux faire savoir aux honorables membres que, selon mes informations, il n'y a pas d'activités commerciales entre la Belgique et le Sahara occidental. Les administrations belges concernées ne conservent pas davantage d'informations séparées sur les flux commerciaux avec le Sahara occidental.

Pour ce qui concerne la question des honorables membres relative à un arrangement basé sur les « Règles d'origine », je puis leur déclarer qu'il n'y a, à l'heure actuelle, aucun projet en vue de parvenir à un arrangement de ce type avec les autorités marocaines. En effet, cette problématique est également en rapport avec le contexte plus large de la résolution de la question du Sahara occidental.

Enfin, pour ce qui concerne la question des honorables membres de savoir si la Belgique peut demander à la Commission si l'accord pourrait être limité aux eaux territoriales marocaines, le long des frontières internationalement reconnues, je puis leur déclarer ce qui suit : Comme déjà dit auparavant, la Commission mène les négociations et s'appuie dans ce contexte sur les accords de pêche déjà conclus auparavant. Ceci vaut également pour la question de l'application territoriale de l'accord. Dans les accords de pêche conclus auparavant, le domaine d'application était limité aux eaux sous juridiction marocaine.

En ce qui concerne l'accord de pêche paraphé le 28 juillet 2005, il est indiqué dans son article 2 qu'il s'applique aux zones de pêche marocaines relevant de la souveraineté ou de la juridiction du Royaume du Maroc. La délimitation du champ d'application géographique de l'accord est identique à celle de l'accord précédent, qui a expiré en 1999, et ne préjuge en rien de la question du statut du Sahara occidental.