3-1762/1

3-1762/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2005-2006

20 JUIN 2006


Rapport sur l'éventualité que l'infrastructure aéroportuaire belge ait été utilisée par des vols affrétés par la CIA pour transporter des détenus suspects d'être liés au terrorisme islamique


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION CHARGÉE DU SUIVI DU COMITÉ PERMANENT DE CONTRÔLE DES SERVICES DE RENSEIGNEMENTS ET DE SÉCURITÉ PAR

MME DEFRAIGNE ET M. HUGO VANDENBERGHE


SOMMAIRE

  • I. INTRODUCTION
  • II. RAPPORT DE L'ENQUÊTE DE CONTRÔLE « SUR LES INFORMATIONS DONT DISPOSENT LES SERVICES DE RENSEIGNEMENTS BELGES À PROPOS DE L'ÉVENTUALITÉ QUE L'INFRASTRUCTURE AÉROPORTUAIRE BELGE AIT ÉTÉ UTILISÉE PAR DES VOLS AFFRÉTÉS PAR LA CIA POUR TRANSPORTER DES DÉTENUS SUSPECTS D'ÊTRE LIÉS AU TERRORISME ISLAMIQUE », DU COMITÉ PERMANENT DE CONTRÔLE DES SERVICES DE RENSEIGNEMENTS ET DE SÉCURITÉ
  • 1. Introduction
  • 2. Procédure
  • 3. Rappel des principales étapes des faits tels qu'ils ont été rapportés par la presse.
  • 4. Les enquêtes des autorités belges
  • 5. Constatations
  • 6. Conclusions
  • III. EXAMEN DU PREMIER RAPPORT DU COMITÉ R (7 MARS 2006)
  • IV. RAPPORT COMPLÉMENTAIRE D'ENQUÊTE DU COMITÉ R « SUR LES RENSEIGNEMENTS RECUEILLIS, TRAITÉS ET DIFFUSÉS PAR LES SERVICES DE RENSEIGNEMENTS BELGES À PROPOS DE L'EVENTUALITÉ D'UNE UTILISATION DE L'INFRASTRUCTURE AÉROPORTUAIRE BELGE PAR DES VOLS AFFRETÉS PAR LA CIA POUR TRANSPORTER DES DÉTENUS SUSPECTÉS D'ÊTRE LIÉS AU TERRORISME ISLAMIQUE »
  • 1. Procédure et introduction
  • 2. Audition de M. Dassen, administrateur général de la Sureté de l'État
  • 3. L'audition du vice-amiral Hellemans, chef du SGRS, assisté par un commissaire en chef
  • 4. Aperçu des vérifications effectuées par la Sûreté de l'État depuis le 7 mars 2006, date de la réunion de la Commission du suivi du Comité R concernant la présente enquête.
  • 5. Constatations du Comité permanent R
  • V. DISCUSSION DU RAPPORT COMPLÉMENTAIRE DU COMITÉ R
  • 1. Réunion du 9 mai 2006
  • VI. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
  • 1. Le contrôle externe des services de renseignements
  • 2. L'obligation de sauvegarde des droits fondamentaux par les autorités belges

  • I. INTRODUCTION

    Selon plusieurs articles de presse parus au cours des mois de novembre et de décembre, divers aéroports européens ont été utilisés par les services secrets américains (CIA) pour le transport de prisonniers suspectés de faire partie de la mouvance terroriste islamiste internationale.

    C'est pourquoi la commission du suivi du Comité permanent de contrôle des services de renseignements et de sécurité (ci-après « la commission du suivi » et le « Comité R ») a chargé ce comité, le 5 décembre 2005, de vérifier si des aéroports belges ont été utilisés pour ces vols et si nos services de renseignements étaient au courant de ces agissements. Cette requête a été reprécisée au cours d'une réunion de la commission du suivi du Comité R du 8 décembre 2005, compte tenu des pouvoirs dont le comité est investi par la loi.

    La commission du suivi a reçu le rapport demandé le 3 mars 2006. Ce rapport de contrôle fait l'objet du chapitre II du présent rapport.

    Le 6 mars 2006, la présidente de la commission du suivi, Mme Lizin, ainsi que M. Delepière, président du Comité R, ont assisté à une réunion de la Commission temporaire sur l'utilisation présumée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers. Le rapport du Comité R ayant été classifié, il n'a cependant pas été possible de donner ce jour-là une réponse aux questions justifiées des membres de la commission temporaire.

    La commission du suivi a examiné le rapport du Comité R au cours de sa réunion du 7 mars 2006. Comme il s'est avéré lors de la discussion que les services de renseignements avaient négligé de communiquer au Comité R qu'ils avaient déjà été contactés à propos de ces faits par les ministres de la Justice et de la Défense, ainsi que par le Comité ministériel et le Collège du renseignement et de la sécurité, la commission du suivi a demandé audit Comité R de rédiger un rapport complémentaire (qui fait l'objet du chapitre IV du présent rapport).

    Le rapport initial et le rapport complémentaire ont été discutés par la commission du suivi au cours de ses réunions des 9 mai, 6 et 20 juin.

    II. RAPPORT DE L'ENQUÊTE DE CONTRÔLE « SUR LES INFORMATIONS DONT DISPOSENT LES SERVICES DE RENSEIGNEMENTS BELGES À PROPOS DE L'ÉVENTUALITÉ QUE L'INFRASTRUCTURE AÉROPORTUAIRE BELGE AIT ÉTÉ UTILISÉE PAR DES VOLS AFFRÉTÉS PAR LA CIA POUR TRANSPORTER DES DÉTENUS SUSPECTS D'ÊTRE LIÉS AU TERRORISME ISLAMIQUE », DU COMITÉ PERMANENT DE CONTRÔLE DES SERVICES DE RENSEIGNEMENTS ET DE SÉCURITÉ

    1. Introduction

    Selon de nombreux articles de presse parus au cours des mois de novembre et décembre 2005, plusieurs aéroports européens auraient pu être utilisés par l'agence américaine de renseignement CIA pour le transport de prisonniers suspectés d'être liés à des organisations terroristes islamiques.

    2. Procédure

    Suite à une lettre adressée le 5 décembre 2005 par Mme Lizin, présidente du Sénat, une demande d'enquête a été discutée le 8 décembre 2005 au sein de la Commission du Sénat chargée du suivi du Comité permanent de contrôle des services de renseignements et de sécurité. Les membres du Comité permanent R assistaient à cette réunion.

    L'objet de l'enquête y a été précisé en ces termes:

    1. vérifier auprès des services de renseignements belges s'ils disposent d'informations concernant les vols affrétés par le service étranger afin de transférer des détenus soupçonnés d'être liés au terrorisme islamique;

    2. vérifier si ces services s'intéressent à cette question, s'ils ont été interrogés par des autorités à ce sujet;

    3. établir une note juridique sur le régime juridique applicable aux avions étrangers atterrissant en Belgique et sur les problèmes juridiques posés par l'éventualité de transferts via la Belgique de détenus non jugés.

    Le Comité a ouvert le 8 décembre 2005 une enquête de contrôle « sur les renseignements recueillis, traités et diffusés par les services de renseignements belges à propos de l'éventualité d'une utilisation de l'infrastructure aéroportuaire belge par des vols affrétés par la CIA pour transporter des détenus suspects d'être liés au terrorisme islamique ».

    Le même jour, une apostille a été adressée au Service d'enquêtes du Comité R.

    La présidente du Sénat ainsi que les ministres compétents en ont été avertis le 9 décembre 2005.

    Suite à de nouvelles informations parues dans la presse au cours du mois de février 2006, le Comité permanent R a fait procéder à quelques vérifications complémentaires auprès des services de renseignements. Le Comité R a également pris contact avec la commission canadienne « d'enquête sur les actions des responsables canadiens relativement à Maher Arar ».

    Le Comité permanent R a approuvé le présent rapport « diffusion restreinte » le 2 mars 2006.

    3. Rappel des principales étapes des faits tels qu'ils ont été rapportés par la presse.

    Le Comité permanent R estime important de rappeler dans le cadre même du présent rapport les principales dates de diffusion par les médias d'informations concernant la présente problématique.

    Ce relevé chronologique permet en effet de mettre en évidence le moment où certaines démarches ont été entreprises par les services de renseignements belges et d'apprécier éventuellement la qualité de celles-ci d'une manière générale et également par rapport aux autres démarches d'enquêtes entreprises par d'autres autorités (voir points 4 et 5 ci-après).

    Le 2 novembre 2005, le journal « The Washington Post » annonce que l'agence américaine de renseignement CIA dispose de prisons secrètes dans huit pays d'Europe de l'Est et d'Asie. Près de 100 personnes, suspectées d'être des membres du réseau terroriste Al Qaïda, y sont détenues, isolées, interrogées et torturées. Ces centres de détention auraient été créés après les attentats du 11 septembre 2001.

    La presse belge répercute cette information le 3 novembre 2005.

    Le 4 novembre 2005, l'organisation Human Rights Watch accuse la Pologne et la Roumanie d'accueillir de tels centres de détention de la CIA. Les gouvernements concernés démentent.

    Le 4 novembre 2005, le président de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe charge la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme d'examiner dans quelle mesure l'existence de centres de détention secrets, si elle était avérée, serait une violation tant des principes de la Convention européenne des droits de l'homme que de la Convention européenne pour la prévention de la torture.

    La CIA annonce son intention de poursuivre le « The Washington Post » en justice pour diffusion d'informations secrètes.

    Le 10 novembre 2005, le Sénat américain demande des explications à la direction de la CIA sur ses centres de détention secrets.

    Suit une série de révélations selon lesquelles des avions de la CIA transportant des prisonniers ont été aperçus sur plusieurs aéroports européens, en Grande Bretagne, en Suède, en Islande, aux Iles Canaries, aux Pays-Bas, en Espagne, en Allemagne, en Suisse, etc. Certains services de renseignements européens collaboreraient avec la CIA à cette traque au terrorisme islamiste. La Belgique n'est pas citée.

    Le 16 novembre 2005, le Parlement européen commence à s'intéresser à la question.

    Le 17 novembre 2005, les gouvernements de plusieurs pays européens demandent des explications au gouvernement américain.

    Le 21 novembre 2005, le secrétaire général du Conseil de l'Europe adresse une demande d'information aux gouvernements des États parties à la Convention européenne des droits de l'homme. Un membre de cette assemblée est chargé de mener une enquête.

    Les parlements de certains pays commencent également à évoquer le sujet.

    En Belgique, c'est le 24 novembre 2005 qu'une première déclaration est faite par un porte-parole du SPF Affaires étrangères.

    Le 1er décembre 2005, le gouvernement belge déclare à la Chambre des représentants qu'il fait procéder à ses propres investigations.

    Le 5 décembre 2005, la secrétaire d'État américaine, Mme Condoleeza Rice fait une déclaration publique à l'attention des gouvernements européens auxquels elle s'apprête à rendre visite. Mme Rice affirme notamment:

    — « The United States has respected — and will continue to respect — the sovereignty of other countries.

    — The United States does not transport, and has not transported, detainees from one country to another for the purpose of interrogation torture.

    — The United States does not use the airspace or the airports of any country for the purpose of transporting a detainee to a country where he or she will be tortured.

    — The United States has not transported anyone, and will not transport anyone, to a country when we believe he will be tortured. Where appropriate, the United States seeks assurances that transferred persons will not be tortured. »

    Par ailleurs, Mme Rice affirme également la nécessité de procéder à des « vols de restitution extraordinaires » (« extraordinary renditions flights ») dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Elle évoque de telles opérations réalisées avant les événements du 11 septembre 2001 (1) .

    Le 5 décembre 2005, un citoyen allemand d'origine libanaise introduit une plainte en justice contre la CIA pour avoir été enlevé illégalement et transporté en Afghanistan.

    Lors de sa tournée européenne en Ukraine, en Roumanie et en Belgique, Mme Rice demande aux gouvernements européens de faire preuve de retenue sur le sujet. Elle défend la politique anti-terroriste menée par son gouvernement mais nie que la CIA ait transporté des prisonniers vers certains pays pour y être torturés. Elle ne fait aucune déclaration au sujet de l'existence de centres de détention secrets en Europe.

    Le 7 décembre 2005, le premier ministre belge et le ministre des Affaires étrangères rencontrent Mme Rice à Bruxelles. Celle-ci réitère sa déclaration du 5 décembre; elle admet toutefois que des abus pourraient avoir été commis.

    Le 8 décembre 2005, lors des débats au Sénat et à la Chambre des représentants, il est annoncé que le Comité permanent R est chargé de mener la présente enquête.

    Le 12 janvier 2006, le Parlement européen met en place une commission d'enquête temporaire sur le transfert illégal présumé de détenus et l'existence soupçonnée de lieux de détention secrets de la CIA dans l'Union européenne ou dans des pays candidats.

    4. Les enquêtes des autorités belges

    Le 22 novembre 2005, le gouvernement belge reçoit la demande d'explication du secrétaire général du Conseil de l'Europe. Cette demande contient deux volets:

    — d'une part, il est demandé d'expliquer la manière dont la législation belge assure un contrôle approprié ou prévoit une réponse adéquate à toute allégation de manquements aux droits de la Convention relevant de sa juridiction.

    — d'autre part, il est demandé si entre le 1er janvier 2002 et aujourd'hui, un agent de la fonction publique belge ou toute autre personne agissant à titre officiel a été impliquée de quelque manière que ce soit — par action ou omission — dans la privation de liberté non reconnue d'une personne, ou dans le transport d'une personne ainsi privée de sa liberté, y compris lorsqu'une telle privation de liberté peut avoir été effectuée par ou à l'instigation d'une agence d'un autre État.

    Le 24 novembre 2005, un porte-parole du ministre des Affaires étrangères déclare que rien n'indiquait qu'à ce jour, l'aéroport de Zaventem ait pu être utilisé par la CIA (2) .

    Le 1er décembre 2005, M. Karel De Gucht, ministre des Affaires étrangères, est interpellé à la Chambre des représentants (3) . Il annonce que le gouvernement a décidé de mener sa propre enquête. Celle-ci doit vérifier si des aéroports belges, civils ou militaires ont accueilli à un moment ou un autre des avions américains transportant des prisonniers présumés terroristes.

    Selon M. De Gucht:

    — l'enquête est déjà terminée pour les aéroports militaires où rien de tel n'a été constaté;

    — l'enquête doit se poursuivre pour les aéroports civils mais rien n'indique à ce jour que des vols transportant des prisonniers y aient atterri.

    Le 6 décembre 2005, le ministre fédéral de la Mobilité, M. Renaat Landuyt, déclare que, selon l'étude demandée à la direction générale de l'aéronautique, aucun vol du service étranger n'a transité par un aéroport belge au cours des cinq dernières années. Le ministre a précisé que les autorités américaines n'ont jamais formulé la moindre demande à ce sujet.

    Le 7 décembre 2005, le sujet est abordé par le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères avec la secrétaire d'État américaine, Mme Condoleeza Rice en visite officielle à Bruxelles. Au cours de cet entretien, Mme Rice répète sa déclaration du 5 décembre 2005, laquelle est rapportée au Sénat le 8 décembre 2005 lors d'un débat d'actualité sur « l'existence éventuelle de prisons secrètes et les vols de la CIA vers des aéroports européens » (4) .

    M. Karel De Gucht, ministre des Affaires étrangères, se déclare satisfait des explications données par la secrétaire d'État américaine.

    Le 22 janvier 2006, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe publie un rapport provisoire sur les « allégations de détentions secrètes dans les États membres du conseil de l'Europe » (5) . Il y est mentionné que le gouvernement belge a ouvert une enquête relative aux vols et survols par des avions affrétés par la CIA suite à des questions parlementaires. « À ce jour, aucune escale dans un aéroport militaire n'a été révélée. »

    Le 15 février 2006, le journal néerlandais « NRC Handelsblad » publie un article selon lequel « une grande partie des avions qui ont probablement effectué pour la CIA des transports aériens secrets de prisonniers terroristes ont atterri au cours de ces dernières années aux Pays-Bas ou sont passées par son espace aérien (6) .

    L'article indique qu'un avion Gulfstream III de la firme américaine Presidential Aviation immatriculé N829MG a atterri le 20 juillet 2002 à l'aéroport de Schiphol en provenance d'Anvers. Cet avion aurait notamment servi à transporter le ressortissant syrien — canadien Maher Arar.

    Selon le journal « Het Laatste Nieuws » du 18 février 2006, le cabinet du ministre Kris Peeters (7) aurait confirmé que le jet privé ayant servi à transporter Maher Arar avait bien atterri le 20 juillet 2002 à l'aéroport de Deurne (8) .

    Le Comité permanent R s'est renseigné auprès du cabinet du ministre flamand Kris Peeters. Son porte-parole confirme avoir simplement déclaré qu'un appareil Gulfstream III immatriculé N829MG avait bien fait escale à l'aéroport de Deurne le 20 juillet 2002.

    Le 22 février 2006, le gouvernement belge communique sa réponse à la demande d'explication que le Conseil de l'Europe lui a fait parvenir le 23 novembre 2005.

    Quant au premier volet de cette demande d'explication, le gouvernement fait connaître la manière dont la législation belge assure que des actes commis dans le cadre de sa juridiction par des agents appartenant à une agence relevant d'un autre État sont soumis à un contrôle approprié ou prévoit une réponse adéquate à toute allégation de manquements aux droits de la Convention relevant de sa juridiction. Selon cette note, « toute garde ou traitement de personne arrêtée, détenue ou emprisonnée, correspond en Belgique à une situation juridique particulière réglementée par des dispositions légales, de sorte que toute privation de liberté en dehors des bases légales est punissable ».

    Le Comité permanent R considère que ce document constitue une réponse adéquate à la demande du Sénat d'être informé sur les problèmes juridiques posés par l'éventualité de transferts via la Belgique de détenus non jugés.

    Quant au deuxième volet de la demande d'explication, la note précise ce qui suit: « sur la base des informations recueillies et des enquêtes menées par les autorités belges, il n'y a, à ce jour, pas d'indication qu'entre le 1er janvier 2002 et aujourd'hui, un agent de la fonction publique belge ou toute autre personne agissant à titre officiel ait été impliquée de quelque manière que ce soit — par action ou omission — dans la privation de liberté non reconnue d'une personne, ou dans le transport d'une personne ainsi privée de sa liberté, y compris lorsqu'une telle privation de liberté peut avoir été effectuée par ou à l'instigation d'une agence d'un autre État. Cependant, il convient de souligner que les autorités belges, conscientes de l'importance de ce dossier, continuent de procéder aux vérifications qu'impose cette problématique. Si des éléments nouveaux devaient apparaître, ils seraient transmis sans délai au secrétaire général du Conseil de l'Europe. »

    5. Constatations

    5.1. La Sûreté de l'État

    5.1.1. Premières constatations

    Le 9 décembre 2005, un membre du Comité permanent R et un membre du Service d'enquêtes se sont rendus au siège de la Sûreté de l'État où ils se sont entretenus avec son administrateur général, M. Koenraad Dassen.

    M. Dassen déclare qu'il a pris contact: sans préciser la date avec ses correspondants d'un service étranger aussitôt qu'il a pris connaissance des rumeurs parues dans la presse au sujet de transports aériens de prisonniers. La réponse obtenue concernant la détention et le transport de prisonniers fut « no comment ». Par ailleurs, le service étranger a fait savoir qu'il n'avait jamais envisagé de mener une opération sur le territoire national belge sans une concertation préalable avec les autorités belges et ses services de renseignements.

    La Sûreté de l'État confirme n'avoir jamais reçu la moindre demande en vue de faire transiter « des prisonniers » par la Belgique.

    L'administrateur général déclare également avoir adressé le même jour des demandes d'informations à d'autres correspondants étrangers. Ces demandes, pour lesquelles le Comité permanent R constate qu'elles sont basées uniquement sur les informations communiquées par les médias, n'ont fourni aucun élément de réponse sur le sujet.

    Une note d'information classifiée « secret » a été adressée spontanément à la ministre de la Justice le 1er décembre 2005. Il en ressort que la rencontre avec les représentants du service étranger s'est déroulée le 25 novembre 2005 (9) .

    Par courrier adressé au Comité le 12 décembre 2005, l'administrateur général de la Sûreté de l'État confirme, qu'il a bien contacté ce service étranger à ce sujet et que la Sûreté de l'État a aussi interrogé d'autres correspondants étrangers sans obtenir d'eux de plus amples informations sur le sujet. (voir ci-dessus).

    En termes de réponse aux questions du Comité permanent R, l'administrateur général de la Sûreté de l'État s'en réfère dans ce courrier à la déclaration que la secrétaire d'État Condoleeza Rice a formulée le 5 décembre 2005 juste avant son voyage diplomatique en Europe (10) .

    5.1.2. Information anonyme reçue par le Comité permanent R

    Peu de temps après avoir entamé son enquête, le Comité permanent R a reçu de manière indirecte et verbale d'une source qui reste inconnue et qui n'a pas voulu renoncer à son anonymat, une information selon laquelle des vols litigieux auraient atterri à Deurne les 17 et 20 juillet 2002.

    Faute de renseignements plus précis et de compétence légale pour enquêter auprès des autorités administratives concernées, le Comité permanent R n'a pas été en mesure de vérifier plus avant cette information. Toutefois, le Comité permanent R constate que les informations qui sont mentionnées ci-après au point 5.1.3. vont, a posteriori, dans le même sens que les informations anonymes qu'il avait reçues précédemment.

    5.1.3. Les constatations effectuées après le 15 février 2006

    Après avoir pris connaissance de l'article paru le 15 février 2006 dans NRC Handelsblad (11) , le Comité a consulté le site web de la commission Arar pour vérifier si les informations publiées concernant l'intéressé pouvaient y être confirmées (12) .

    Le rapport de cette commission fait apparaître que M. Arar, suspecté de terrorisme par les autorités américaines, a été appréhendé à l'aéroport JFK de New York le 27 septembre 2002 et que les autorités de l'immigration américaines l'ont expulsé vers la Syrie au début du mois d'octobre 2002. Il semble donc peu probable que M. Arar ait transité par Anvers le 20 juillet 2002 dans un vol affrété par la CIA à destination de Schiphol.

    Le Comité permanent R a obtenu confirmation de la commission Arar que le vol ayant emporté M. Arar vers la Syrie n'avait pas fait escale en Belgique.

    Le Comité permanent R s'est également renseigné auprès du cabinet du ministre flamand Kris Peeters. Son porte-parole confirme avoir déclaré qu'un appareil Gulfstream III immatriculé N829MG avait bien fait escale à l'aéroport de Deurne le 20 juillet 2002.

    Reste la question de savoir si cet appareil (Gulfstream III immatriculé N829MG) était bien un avion affrété par la CIA ou si celui-ci était bien celui qui allait servir à transporter M. Arar vers la Syrie en septembre 2002. Le cabinet du ministre Peeters déclare ne pas pouvoir se prononcer à ce sujet.

    Le Comité permanent R attend encore une réponse de la commission Arar sur cette dernière question.

    Des vérifications effectuées le 24 février 2005, soit plus de 2 mois après la première visite sur place à la Sûreté de l'État, ont permis aux enquêteurs du Comité permanent R de prendre connaissance du procès-verbal de la réunion tenue le 25 novembre 2005 entre l'administrateur général et le directeur des opérations de la Sûreté avec des représentants d'un service de renseignement étranger à Bruxelles. Ce procès-verbal classifié « très secret » dans un premier temps, a été ensuite déclassifié « secret » par la Sûreté de l'État. Il est à souligner que l'existence de ce document n'avait pas été portée à la connaissance des enquêteurs du Comité permanent R lors de leur visite à la Sûreté de l'État le 9 décembre 2005. Ce document n'était pas davantage accessible par la consultation des bases de données de la Sûreté de l'État. L'administrateur général de la Sûreté de l'État l'a gardé en sa possession du 25 janvier 2005 au 16 février 2006.

    Ce procès-verbal contient des informations classifiées en rapport avec l'objet de la présente enquête.

    5.2. Le Service généal du renseignement et de la sécurité (SGRS)

    Le 9 décembre 2005, un membre du Comité permanent R et un membre du Service d'enquêtes R se sont rendus au siège du SGRS où ils se sont entretenus avec un panel de responsables de différentes sections.

    Les responsables du SGRS déclarent ne pas avoir connaissance de la problématique autrement que par les articles de presse qu'ils ont lus. En tant que membres d'un service de renseignements, ils ne disposent d'aucune information sur le sujet. Leur service ne dispose d'aucune compétence en matière de contrôle aérien, il n'est équipé ni en personnel, ni en moyens techniques pour exercer une quelconque surveillance en cette matière.

    Cette déclaration a été confirmée par une délégation du SGRS auditionnée le 1er février 2006 par la Commission du Sénat chargée du suivi du Comité permanent R.

    Interrogés à nouveau le 24 février 2006 par le Service d'enquêtes R, les responsables du SGRS ont fait savoir qu'ils n'avaient pas été sollicités après le 9 décembre 2005 pour enquêter sur l'objet du présent rapport. Ils n'ont donc recueilli aucun renseignement au sujet de transits d'avions de la CIA par la Belgique.

    6. Conclusions

    Les services de renseignements ont déclaré n'avoir connaissance d'aucun transport de prisonniers effectué par le service de renseignements étranger via l'espace aérien du pays et/ou transitant par l'un de ses aéroports.

    La Sûreté de l'État et le SGRS déclarent également n'avoir jamais été sollicités pour mener une enquête sur ce sujet. Ces services disent n'avoir jamais reçu d'autres questions sur le sujet que celles du Comité permanent R.

    L'administrateur général de la Sûreté de l'État a pourtant pris l'initiative de rencontrer les représentants du service de renseignements étranger à Bruxelles le 25 novembre 2005.

    Pour le Comité permanent R qui se réfère au PV classifié de cette réunion, cet entretien semble avoir été motivé par la nécessité pour l'administrateur général de la Sûreté de l'État de pouvoir anticiper les réponses aux questions qui seraient posées à son service aussi bien au niveau national qu'au niveau européen. La réponse globale à ces questions reçue de ses interlocuteurs fut selon l'administrateur général, « No comment ».

    La question que la Sûreté de l'État a adressée à d'autres correspondants étrangers sur la base des informations parues dans la presse, n'a entraîné aucune réponse indiquant que des prisonniers auraient transité vers un centre de détention via l'espace aérien belge ou l'un de ses aéroports.

    La ministre de la Justice en a été informée. Le Comité permanent R constate toutefois que dans cette information au ministre de tutelle, il n'est pas fait référence au document classifié dont question ci-dessus, ni à certains éléments de son contenu.

    La Sûreté de l'État s'en réfère donc pour le surplus aux déclarations de la secrétaire d'État du gouvernement américain.

    Il convient de souligner que, mis à part ce qui est signalé ci-avant, les services de renseignements belges n'ont entrepris aucune autre recherche d'informations via les sources ouvertes ou auprès d'autres institutions partenaires belges sur le sujet, et par voie de conséquence aucune note d'analyse n'a été produite en l'espèce.

    À titre d'exemple, un enquêteur du Comité permanent R, à la demande du Comité permanent R, a, sur la base de recherches sur Internet, établi une liste d'immatriculations d'avions potentiellement impliqués dans les opérations litigieuses. Sur la base de cette liste et sans pour autant effectuer une enquête de fond, un contact exploratoire a été pris avec Belgocontrol pour se rendre compte des possibilités de vérifications existantes.

    Si ces possibilités existent, elles ne semblent pas avoir été exploitées en collaboration entre cet organisme et les services de renseignements belges.

    III. EXAMEN DU PREMIER RAPPORT DU COMITÉ R (7 MARS 2006)

    M. Vande Walle, membre du Comité R, déclare que le comité a ciblé sur ce que savaient les services de renseignements sur les vols CIA. La première démarche était d'explorer toutes les sources disponibles sur la question et d'essayer de trouver des indices selon lesquels la Belgique pourrait avoir été concernée par des vols transportant des prisonniers par la CIA.

    Le Comité R n'a rien trouvé à cet égard. Les investigations auprès de la Sûreté de l'État et auprès du SGRS ont apporté des réponses négatives. Ni la Sûreté, ni le SGRS n'avait vraiment enquêté sur cette affaire. L'administrateur général de la Sûreté de l'État a dit le 9 décembre 2005 qu'il avait pris contact avec ses correspondants de la CIA. La réponse de la CIA sur la question était « no comment » et que la Belgique n'était pas concerné.

    Le Comité R a poursuivi ses investigations par le biais de sources ouvertes.

    Il a également obtenu une information anonyme faisant état de vols suspects à l'aéroport de Deurne. La date n'était pas certaine mais il est apparu que ça pourrait être l'atterrissage d'un avion Gulfstream 3 de la firme américaine Presidential Aviation qui aurait atterri le 20 juillet 2002 à l'aéroport de Schiphol.

    Cette dernière information vient de la presse néerlandaise qui ajoutait même que cet avion en question aurait servi à transporter le ressortissant syrio-canadien Maher Arar.

    Cette affaire a fait grand bruit au Canada et une commission a été créée pour examiner ce cas. Le Comité R s'est renseigné auprès de cette commission pour des informations.

    Il s'est avéré que l'expulsion de M. Arar des États-Unis s'est déroulée au mois de septembre 2002, donc, bien après le 20 juillet 2002.

    La commission a d'ailleurs précisé qu'Arar n'a pas fait escale en Belgique. Reste qu'il se peut que cet avion aurait pu être celui qui l'a transporté plus tard. Le Comité n'a pas encore de réponse sur ce point.

    Sur la base de cette information, le Comité R est retourné à la Sûreté de l'État et le service d'enquête a été mis en possession du procès-verbal de la réunion entre l'administrateur général et la CIA.

    Ce procès-verbal, qui ne figurait pas dans le circuit habituel et donc ne pouvait pas être consulté, était classifié « très secret » et était couvert par la règle du tiers. Le Comité R se voit à nouveau confronté au problème que le contenu d'un document paraît pertinent par rapport à la question que la commission du suivi a posée mais qu'il est classifié très secret et protégé par la règle du tiers.

    M. Vande Walle peut de toute façon confirmer que le contenu de la note ne concerne pas directement la Belgique. Il reste toutefois un fait que la Sûreté de l'État dispose d'informations sur ces vols mais qui ne concernent pas notre pays.

    M. Delepière se réfère à cet égard aux déclarations sibyllines de la ministre des Affaires étrangères américaine, Mme Condoleeza Rice, lors de sa visite à notre pays. Quand on lit ces déclarations, elle a simplement nié qu'il y a eu des transports « en vu d'interrogatoires sous la torture ». Elle reconnaît ainsi implicitement qu'il y a eu des vols.

    Aujourd'hui, cela ne fait pas l'ombre d'un doute qu'il y a eu des vols parce qu'on a trouvé des traces. Sans dévoiler ce qui se trouve dans le document de la Sûreté de l'État, il s'agit d'une information de nature générale qui ne donne pas de détails.

    M. Delepière précise que la note ne le dit pas mais, comme la déclaration de Mme Rice, ne l'exclut pas. Les Américains ont apparemment dû se mettre d'accord sur ce type de message.

    Par contre, ce qui est intéressant dans ce dossier, c'est que nos services ont presque demandé aux américains ce qu'ils doivent répondre aux questions qu'on leur poserait.

    La présidente, Mme Lizin, pense que c'est la raison pour laquelle ce document a été classifié. Il en ressort que nos services n'ont pas fait une vraie enquête mais qu'ils ont simplement demandé au patron de la CIA ce qu'ils pouvaient dire.

    M. Delepière fait remarquer que l'honnêteté intellectuelle oblige, quand on examine la réaction de la Sûreté face à une enquête au niveau européen, d'examiner aussi comment les autres services ont réagi. La grande majorité des autres services européens, interrogés par notre Sûreté, ont dit qu'ils n'en savaient rien non plus.

    Sans vouloir en faire une caricature, il a l'impression que la presse européenne semble plus au courant que tous les services de renseignements ensemble.

    Il y a donc sans doute un malaise dans les services de renseignements par rapport à cette question et il pense qu'il faudra y remédier pour l'avenir. On peut comprendre la réaction des services peut-être un peu coincés. Ceci n'est pas une excuse mais une explication. La situation n'est donc pas propre à la Belgique. Il pense qu'on peut faire le même constat dans la plupart des pays européens.

    La commission constate que les informations dont le Comité R disposait au moment de la rédaction de son rapport étaient insuffisantes et charge dès lors ce dernier de rédiger un rapport complémentaire.

    IV. RAPPORT COMPLÉMENTAIRE D'ENQUÊTE DU COMITÉ R « SUR LES RENSEIGNEMENTS RECUEILLIS, TRAITÉS ET DIFFUSÉS PAR LES SERVICES DE RENSEIGNEMENTS BELGES À PROPOS DE L'EVENTUALITÉ D'UNE UTILISATION DE L'INFRASTRUCTURE AÉROPORTUAIRE BELGE PAR DES VOLS AFFRETÉS PAR LA CIA POUR TRANSPORTER DES DÉTENUS SUSPECTÉS D'ÊTRE LIÉS AU TERRORISME ISLAMIQUE »

    1. Procédure et introduction

    1.1. Par courrier du 3 mars 2006, le Comité permanent R a fait parvenir à la présidente du Sénat la version française et néerlandaise du rapport repris sous rubrique.

    1.2. Un premier examen de ce rapport par la Commission du suivi du Comité permanent R a été effectué le 7 mars 2006.

    À cette occasion, un complément d'enquête a été demandé au Comité permanent R, justifié par le fait que les deux services de renseignements, la Sûreté de l'État et le SGRS, n'auraient apparemment pas informé les enquêteurs du Comité permanent R que des démarches avaient été entreprises à leur égard, aussi bien par les ministres de la Justice et de la Défense nationale, que par le Comité ministériel et le Collège du renseignement et de la sécurité.

    1.3. La lettre de réaction du 8 mars 2006 du ministre de la Défense nationale concernant le rapport d'enquête du Comité permanent R transmis le 3 mars 2006 soulignait le même problème:

    Dans ce courrier, le ministre de la Défense nationale indique, en effet d'emblée:

    « (...) Je ne puis marquer mon approbation quant au contenu des conclusions dudit rapport.

    Vous mentionnez dans celles-ci: « la Sûreté de l'État et le SGRS déclarent également n'avoir jamais été sollicités pour mener une enquête sur ce sujet. Ces services disent n'avoir jamais reçu d'autres questions sur le sujet que celles du Comité permanent R ».

    Je tiens à préciser, toutefois, que le sujet a été discuté lors d'une réunion extraordinaire du Collège du renseignement et de la sécurité avec les services concernés (SGRS, Sûreté de l'État et DGTA) le 19 décembre 2005. En suite de cette réunion, et à la demande du secrétariat du Collège du renseignement et de la sécurité, une réponse écrite a été adressée à ce dernier en vue de préparer le Comité ministériel du renseignement et de la sécurité du 23 décembre 2005.

    Lors de ce Comité ministériel, il a été pris acte des réponses des trois services concernés et demandé à ceux-ci de rester attentifs à ce dossier et de s'échanger , sans délai, toute information pertinente.

    Dès lors, du moins en ce qui concerne le SGRS, qui relève de ma compétence, il n'est pas exact de soutenir que « ce service déclare n'avoir jamais reçu d'autres questions sur le sujet que celles de votre Comité ».

    Par ailleurs, j'insiste sur ce que le SGRS n'a aucune compétence en matière de contrôle aérien et n'est ni équipé en personnel, ni en moyens techniques pour exercer une surveillance en cette matière.

    Enfin, je déplore, une fois de plus, qu'un rapport sous couvert de diffusion restreinte du Comité R ait fait l'objet d'une diffusion dans la presse avant même que les ministres de tutelle des services de renseignements, dont je suis, n'aient pu formuler leurs remarques et/ou observations comme il est prévu (...) »

    (sé) A. Flahaut — ministre de la Défense nationale

    1.4. Le 16 mars 2006, le Comité permanent R adressait un courrier à la présidente du Sénat, pour l'informer ainsi que les membres de la Commission du suivi du Comité permanent R qu'un courrier avait été adressé le 13 mars 2006 au premier ministre, en vue d'obtenir le plus rapidement possible de la part des différents ministres concernés (Justice, Défense nationale, Mobilité) et par le Comité ministériel du renseignement et de la sécurité, les informations, rapports, courriers et documents précisant dans quelle mesure les services de renseignements belges avaient été sollicités par le gouvernement dans le contexte de l'affaire dite des « Vols de la CIA ».

    1.5. En réponse au courrier du Comité permanent R du 13 mars 2006, le premier ministre a communiqué au Comité permanent R une série de documents en la matière le 16 mars 2006.

    Le premier ministre souligne dans sa lettre d'accompagnement, qu'il a donné son autorisation pour cette procédure exceptionnelle qui va au-delà de ce qui est prévu dans la loi du 18 juillet 1991 relative au contrôle des services de police et de renseignements.

    Les motifs de cette autorisation sont de deux ordres:

    a) (Le premier ministre) « souhaite que, nonobstant la mission d'enquête complémentaire donnée par la Commission du suivi parlementaire, une clarté absolue soit donnée à ce dossier eu égard aux passages suivants du rapport d'enquête remis à la Commission du suivi:

    « la Sûreté de l'État et le SGRS déclarent également n'avoir jamais été sollicités pour mener une enquête sur ce sujet. Ces services disent n'avoir jamais reçu d'autres questions sur le sujet que celles du Comité permanent R » (13)

    b) dans ce dossier, il faut également faire référence à la collaboration et à la concertation entre les services de renseignements et la direction générale de la navigation aérienne du SPF Mobilité, aussi bien dans le cadre du Collège que dans celui des demandes du Comité ministériel.

    Je vous donne ainsi un aperçu de cette collaboration dans ce dossier, aussi bien dans le cadre du Collège que dans celui du Comité ministériel, sans pour autant m'immiscer dans la façon de travailler des services de renseignements concernés pour laquelle je renvoie aux ministres compétents.

    La problématique a été évoquée pour la première fois à l'occasion d'une concertation commune qui a eu lieu le 19 décembre 2005. Cela s'est déroulé pendant un contact informel entre les représentants de mon Cabinet et de ceux des ministres de la Justice, de la Défense nationale et de la Mobilité et en présence de l'administrateur général de la Sûreté de l'État, du chef du SGRS, du directeur de la direction de l'Inspection et du directeur général de la navigation aérienne du SPF Mobilité. Cette réunion avait pour but de rassembler toutes les informations afin de permettre au Comité ministériel de se faire une opinion en la matière.

    Suite à cela, le Comité ministériel du 23 décembre 2005 a pris connaissance, au cours de sa réunion, des notes déposées par les services susmentionnés et chacun a reçu comme mission d'échanger toutes les nouvelles informations pertinentes concernant cette problématique.

    Le Collège a, lors de sa réunion du 18 janvier 2006, pris acte des communications concernant le cadre légal dans lequel aussi bien la direction générale de la navigation aérienne que Belgocontrol rassemblent les données des vols d'avions survolant notre pays ou y atterrissant.

    Durant le Collège du 21 février 2006, à l'initiative de la représentante de la ministre de la Justice, la problématique a une nouvelle fois été abordée dans le cadre du questionnaire du Conseil de l'Europe. Il a été en plus demandé au ministre de la Mobilité d'examiner une série de données dans le cadre légal requis.

    Enfin, le 14 mars 2006, les représentants du premier ministre, de la ministre de la Justice, de la Mobilité, de la Défense nationale, des Affaires étrangères se sont une nouvelle fois réunis avec la direction générale du SGRS, de la Sûreté de l'État et de la direction de l'inspection aérienne afin d'échanger toutes les données disponibles à ce moment-là qui devaient permettre aux services concernés d'effectuer des vérifications complémentaires ».

    1.6. En annexe à ce courrier, les documents suivants sont repris:

    1.6.1. la note du 23 décembre 2005 adressée au Comité ministériel comprenant les réponses des trois services concernés, à savoir:

    — la réponse du SGRS adressée le 23 décembre 2005 au secrétaire du Collège du renseignement et de la sécurité ayant pour objet: enquête du Comité R au sujet des vols de la CIA et dont le contenu est le suivant:

    « le SGRS n'a pas connaissance d'éléments à ce sujet.

    (Sé) M. Hellemans — Vice-Amiral — Chef du SGRS ».

    — la réponse de la Sûreté de l'État du 23 décembre 2005 ainsi rédigée:

    (traduction libre) «  En exécution de la mission du Comité ministériel du renseignement et de la sécurité de ce matin, la Sûreté de l'État doit rappeler qu'elle n'a pas connaissance jusqu'à ce jour de vols ou de prisons qui auraient été organisés en Belgique par la CIA. La Sûreté de l'État n'a pas davantage obtenu des informations d'autres services amis ou d'autres administrations belges que le territoire national ou l'espace aérien aurait été utilisé pour de telles opérations.

    La copie de cette confirmation écrite à cette demande urgente est transmise pour information à L. Onkelinx, vice-première ministre et ministre de la Justice.

    ... (Sé) K. Dassen — Administrateur général ».

    — la réponse du SPF Mobilité et transport du 23 décembre 2005

    (traduction libre) « Faisant suite à la demande du premier ministre de ce matin, je confirme que la DGNA ne dispose pour le moment d'aucune information concernant des vols CIA en Belgique. Nous distinguons trois sortes de vols: des vols commerciaux, diplomatiques et militaires. La direction générale de la navigation aérienne ne donne des autorisations que pour des vols commerciaux. Toutefois, pour les États-Unis, c'est une convention « ciel ouvert » qui règle la situation (il ne faut pas d'autorisation mais seulement une notification). Nous n'avons reçu aucune notification pour des vols CIA. Nous n'avons pas davantage reçu des informations concernant les avions avec lesquels ces vols seraient effectués: nous ne disposons à ce sujet que d'informations vagues tirées des articles de presse belges et étrangers.

    Pour autant que nous puissions le vérifier, aucun des appareils mentionnés dans les articles de presse n'a atterri sur un aéroport belge. Il est possible que ces appareils aient utilisés notre espace aérien (dans la presse les numéros d'immatriculation de certains avions charters américains ont été mentionnés). Nous n'avons reçu aucune information de nos services de renseignement et de sécurité relative à des numéros d'immatriculation d'avions qui auraient réalisés des vols pour le compte de la CIA.

    (Sé) Frank Durinckx — Directeur ».

    1.6.2. La lettre du 17 février 2006 adressée par le ministre de la Mobilité au premier ministre:

    (traduction libre) « Lors du Comité du renseignement et de la sécurité du 23 décembre 2005, les services de renseignement ont confirmé par écrit ne disposer d'aucune information concernant d'éventuels vols de la CIA qui auraient atterri ou décollé en Belgique. La question a été de nouveau discutée au Collège du renseignement et de la sécurité du 18 janvier 2006. Mes représentants au Collège ont alors donné des explications sur les procédures légales de vérification des données de vol.

    En application de ces procédures, l'inspection fédérale de la navigation aérienne a fait vérifier par Belgocontrol différentes immatriculations qui ont été mises en relation avec des vols CIA. Vous trouverez, en annexe, la lettre de l'inspection de la navigation aérienne ainsi que la réponse de Belgocontrol.

    Si les services de renseignement disposent d'immatriculations qu'ils désirent faire vérifier, ils peuvent les communiquer à l'inspection de la navigation aérienne, pour contrôle. Celle-ci fera vérifier, selon les procédures adéquates, ces données par Belgocontrol.

    (sé) R. Landuyt — Ministre de la Mobilité ».

    1.6.3. Les annexes du courrier du 17 février 2006, à savoir:

    (traduction libre) — La demande adressée à Belgocontrol, le 27 janvier 2006 par le SPF Mobilité

    « En application de l'article 38 de la loi du 27 juin 1937, concernant la réglementation aérienne, prière de vérifier si les numéros d'immatriculation suivants concernent des appareils qui au cours des cinq dernières années ont survolé l'espace aérien belge ou ont atterri sur un aérodrome belge:

    — N313P

    — N920VJ

    — N822US

    — N221SG

    — N50BH

    — N4476S

    — N379P

    — N8068V

    — N85VM

    — N227SV

    (sé) F. Durinckx — Directeur ».

    — La réponse de Belgocontrol du 8 février 2006

    « 1º aucun appareil dont l'immatriculation figure dans la liste n'a atterri sur ou décollé d'un aéroport civil belge pendant la période considérée;

    2º les appareils immatriculés N920VJ et N221SG n'ont pas emprunté l'espace aérien belge durant la période considérée;

    3º les appareils immatriculés N313P, N822US, N50BH, N4476S, N379P, N8068V, N85VM et N227SV ont, chacun pour ce qui les concerne, survolé à une ou plusieurs reprises la Belgique durant ces cinq dernières années.

    (sé) J-C Tintin — Administrateur délégué ».

    Le tableau reprenant les données de ces vols en ce compris les dates et les aérodromes de départ et de destination, est joint en annexe à ce courrier.

    1.7. Le courrier du ministre de la Mobilité au premier ministre du 22 février 2006

    (traduction libre) « ... Au Comité ministériel du renseignement et de la mobilité du 23 décembre 2005, les différents services de renseignement ont confirmé par écrit ne disposer d'aucune information concernant d'éventuels vols de la CIA qui auraient atterri ou décollé de Belgique. La question fut à nouveau abordée au Collège du renseignement et de la sécurité du 18 janvier 2006. Mes représentants au Collège ont alors expliqué les procédures légales pour vérifier les données des vols.

    En application de cette procédure l'inspection fédérale de la navigation aérienne a fait contrôler par Belgocontrol les immatriculations mises en relation avec des vols de la CIA. Ces résultats vous ont été communiqués le 17 février 2006.

    Entre-temps, l'inspection fédérale de la navigation aérienne a fait poursuivre le contrôle des immatriculations. Vous trouverez les résultats en annexe.

    Si les services de renseignements devaient disposer d'immatriculations dont ils souhaiteraient le contrôle, ils peuvent les communiquer à l'inspection fédérale de la navigation aérienne. Cette dernière fera vérifier, selon les procédures prévues, ces données par Belgocontrol.

    (sé) R. Landuyt — ministre de la Mobilité ».

    En annexe à ce courrier, se trouve joint notamment la réponse de Belgocontrol du 20 février 2006 adressée à M. F. Durinckx, directeur:

    « Je me réfère à votre fax de ce vendredi 17 février qui a retenu ma meilleure attention. Comme suite à votre demande, et conformément à l' article 9, § 1er, du deuxième contrat de gestion entre l'État et Belgocontrol, nous sommes en mesure de vous répondre ce qui suit.

    Nous avons consulté notre banque de données ... afin de vérifier si l'appareil immatriculé « N829MG » a emprunté l'espace aérien belge ou atterri sur un aéroport de notre pays entre le début de l'année 2002 et ce jour.

    (...) nous sommes en mesure de vous communiquer les informations suivantes:

    1º durant la période considérée, cet appareil a atterri à l'aéroport d'Antwerpen/Deurne une première fois le 16 juillet 2002 pour en repartir le 17 juillet 2002, une seconde fois le 20 juillet 2002 pour en repartir le même jour;

    2º durant la période considérée, cet appareil a par ailleurs emprunté notre espace aérien à deux reprises sans se poser sur un aéroport civil belge, une première fois le 7 juin 2003 et une seconde fois le 12 juin 2003.

    (...)

    (sé) J-C Tintin — administrateur délégué ».

    2. Audition de M. Dassen, administrateur général de la Sureté de l'État

    Cette audition a eu lieu le 31 mars 2006 dans les locaux de la Sûreté de l'État. Elle a été réalisée par le président du Comité permanent R, assisté de monsieur Kriger, membre du Service d'enquêtes du Comité permanent R.

    L'administrateur général de la Sûreté de l'État, M. Dassen a classifié « confidentiel » le contenu de son audition (14) .

    En substance, les éléments pertinents de cette audition pour le complément d'enquête sont les suivants:

    — à la question de savoir si la Sûreté de l'État avait reçu explicitement la mission d'exécuter des enquêtes spécifiques concernant les vols-CIA, l'administrateur général de la Sûreté de l'État répond: « qu'il lui est totalement impossible de se prononcer sur le fait de savoir quels actes d'enquête le gouvernement aurait ou non explicitement demandés. Il considère que la compétence dans le cadre de cette affaire ne repose que très indirectement sur la Sûreté de l'État ». Il donne alors un aperçu de ce que la Sûreté de l'État a fait et observé.

    — l'administrateur général de la Sûreté de l'État se rappelle que: « l'initiative du 25 novembre 2005 de prendre les premiers renseignements a été prise après les déclarations faites au parlement autrichien, déclarations qui ont également été relatées par la presse radio en Belgique, en même temps qu'était évoqué la possibilité d'une enquête du Conseil de l'Europe. C'est en entendant cela que l'administrateur général de la Sûreté de l'État dit avoir, proprio motu et directement, décidé de contacter ... puisque cela faisait des mois que l'Irak et dans une moindre mesure l'Afghanistan étaient cités dans le cadre de violations graves du droit humanitaire par les États-Unis. Il s'agissait d'après lui de faits à situer dans le contexte d'opérations militaires. Depuis la découverte de l'enlèvement d'un imam en Italie, la focalisation s'est faite de plus en plus dans la direction de la CIA. En même temps, les récits sur l'existence de prisons de la CIA en Europe se répandaient et il était logique que l'on commence à parler des vols-CIA ». Avec cette évolution à l'esprit, l'administrateur général de la Sûreté de l'État explique que deux simulations peuvent être faites:

    — « les opérations se réalisent au su ou avec l'appui de pays européens;

    — la CIA agit de manière totalement autonome.

    En ce qui concerne la seconde hypothèse, il est en effet évident que pour l'administrateur général de la Sûreté de l'État: « la Belgique ne suit pas de la même manière active la CIA comme elle le fait pour d'autres services ».

    Des questions ont déjà été posées à ce sujet dans le passé par la Commission du suivi du Comité permanent R, relève l'administrateur général de la Sûreté de l'État. Ce dernier ajoute que « différents paramètres interviennent dans ce choix. Le plus important à signaler, c'est que les autorités politiques qui définissent le cadre général du fonctionnement de la Sûreté de l'État, ne considèrent pas les États-Unis comme une menace directe. Cela n'empêche pas que j'ai demandé aux directeurs des opérations de réfléchir à une éventuelle intervention de notre part. Sans rentrer dans le détail, il s'agit d'un exercice très difficile dont le cadre théorique n'est pas circonscrit. Dans le cas où la CIA opérerait de cette manière, elle devrait le faire en secret. Ce ne serait alors que via notre action normale de recherche d'informations que de telles affaires viendraient à être connues, à savoir via des informateurs dans le cadre d'autres missions, via des services homologues et/ou via les sources ouvertes.

    En ce qui concerne la première hypothèse, étant donné que la collaboration de la Sûreté de l'État n'a pas été sollicitée, j'ai voulu vérifier auprès de ... si de telles opérations n'avaient pas eu lieu, mais alors en relation avec d'autres services ou instances belges. C'est également pour cette raison que la question précise de savoir si, le cas échéant, ce serait la CIA seule qui réaliserait de telles opérations, a été posée.

    La réponse a été perçue comme positive et a été ainsi rapportée dans une note de travail, mais je n'ai jamais, jusqu'à aujourd'hui interprété la réponse de ... d'une manière aussi affirmative. Une éventuelle confirmation d'une telle interprétation selon laquelle seule la CIA réaliserait ces vols est contredite pas le dossier Arar, également lié à d'éventuels vols ou transports sous la contrainte en violation du droit humanitaire, et dans lequel les services d'immigration ou instances américaines autres que la CIA, seraient responsables ».

    L'administrateur général de la Sûreté de l'État précise d'ailleurs que « d'après lui, si de telles opérations avaient eu lieu en Belgique, elles ne se seraient pas déroulées à l'insu de la Sûreté de l'État ».

    À ce stade de l'enquête, l'administrateur général de la Sûreté de l'État précise que son service n'a jamais accepté de participer à des opérations offensives.

    « La Sûreté de l'État a, dans la mesure du possible, traité ce dossier sans qu'il y ait eu d'instructions précises. Deux hypothèses existent pour la Sûreté de l'État:

    a) il s'agit d'une infraction et il se pouvait alors que le gouvernement ait donné des instructions au parquet. Nous ne pouvons pas en juger. Nous avons simplement constaté que jusqu'à ce jour aucune assistance technique ne nous a été demandée.

    b) la loi du 27 juin 1937 est très explicite: le contrôle et la compétence de police sur le trafic aérien appartiennent au service de l'Inspection de ce trafic qui, à la demande du gouvernement, depuis la mi-février 2006, a mis des documents à la disposition du ministre de la Justice.

    La Sûreté de l'État a considéré que c'était un travail irréalisable (+ d'un million de mouvements aériens suivis par Belgocontrol, auxquels s'ajoutent les vols au-dessus des 8 000 m contrôlés par Eurocontrol).

    Il n'empêche que, même si cela n'a pas représenté la priorité essentielle, la Sûreté de l'État a aussi pris d'autres contacts. C'est ainsi, entre autres, qu'il a été fait rapport, lors du Collège du renseignement et de la sécurité le 19 décembre 2005, dans le cadre des divers (ce n'était en effet pas un point formel de l'ordre du jour). Bien qu'« en veilleuse » (contacts avec les services de renseignement amis sur la base des sources ouvertes), cette affaire fut suivie depuis la fin janvier, début février 2006 plus étroitement par la Sûreté de l'État parce qu'il apparaissait que le gouvernement restait avec des questions ouvertes et qu'en bon père de famille nous voulions voir quelle contribution nous pouvions apporter, malgré nos compétences limitées en la matière.

    L'exploitation de toutes les données des sources ouvertes n'a pas été entreprise, vu la compétence de l'Inspection de la navigation aérienne. Il semblait en effet normal que cette dernière exerce sa mission et anticipe les préoccupations du gouvernement. Ce point de vue ne s'est pas révélé inexact, puisque finalement, des devoirs d'enquête complémentaires ont été demandés, le 23 décembre 2005, par le Comité ministériel du renseignement et de la sécurité, au ministre de la Mobilité.

    Cela a entre autres abouti (c'est du moins ce que la Sûreté de l'État a pu constater) à la lettre du ministre de la Mobilité de fin février 2006, par laquelle, et à mon grand étonnement, il a été proposé que les services de renseignements soient, lorsque la nécessité s'en faisait sentir, alimenter le SPF Mobilité en données. Je suppose que même aux services de la navigation aérienne, on peut lire le journal et consulter Internet, a fortiori lorsqu'il s'agit d'une matière pour laquelle on est compétent.

    Suite à un entretien avec le cabinet de la Justice à propos d'une autre affaire, le jeudi 2 mars 2006, nous avons été mis au courant de l'existence d'une lettre de fin février 2006 du ministre de la Mobilité contenant des données plus concrètes et nous avons demandé si nous pouvions joindre ces données au dossier que nous avions déjà afin d'orienter notre attention. Nous avons toutefois bien indiqué que cette affaire ne relevait pas de priorités essentielles.

    La relation des faits relative à l'avion « Gulfstream » qui est apparue à la mi-février dans le NRC Handelsblad, a été investiguée. Je me permets d'observer que, dans le même article, Human Rights Watch fait remarquer que d'après elle, Deurne n'est pas impliqué dans l'opération.

    À partir du 2 mars 2006, et bien que les courriers de la ministre de la Justice aient été adressés en la matière à l'administrateur général adjoint, M. A. Dumoulin, j'ai demandé aux services de traiter l'affaire des vols de manière hautement prioritaire et approfondie en dressant l'inventaire précis des démarches entreprises par la Sûreté de l'État. Il faut être clair, l'attitude contributive de la Sûreté de l'État ne peut, une nouvelle fois, avoir comme conséquence qu'elle soit responsable de l'inertie d'autres instances. Il est donc utile de déterminer ce que cette enquête va coûter à la Sûreté de l'État. Nous nous sommes donc bornés à vérifier si, via les contacts de la Sûreté de l'État, il était possible de mettre plus d'informations à la disposition du gouvernement qui évaluait cette situation très importante sur le plan politique. Cela ne signifie certainement pas pour autant que, comme dans l'affaire epsi, la Sûreté de l'État doit compenser l'inertie ou le retard à réagir d'autres services et être tenue pour responsable.

    Nous avons donc commencé par une opération à grande échelle, en interrogeant tous les aérodromes et en posant à nouveau des questions à l'inspection de la navigation aérienne, dont la disponibilité était accrue depuis une réunion du 16 mars 2006, et qui était disposée, pour toutes les questions que nous pourrions préciser, à faire effectuer des vérifications par Belgocontrol.

    Les demandes de la Sûreté de l'État doivent se faire de cette manière vu le protocole d'accord de janvier 2005 entre le gouvernement belge et Belgocontrol. Une consultation directe de Belgocontrol par la Sûreté de l'État n'est pas possible en application de cet arrêté royal.

    Vu le caractère obligé de cette marche à suivre, nous pouvions supposer que l'inspection de la navigation aérienne ne joue pas uniquement le rôle d'une boîte aux lettres, mais qu'elle pouvait enrichir les questions et réponses par ses connaissances spécifiques dans cette situation particulièrement technique.

    Sur la base des nouvelles données des sources ouvertes, la Sûreté de l'État a constaté qu'un nouveau nom était cité comme lié aux vols incriminés en ....

    En conséquence, toutes les entreprises qui, de près ou de loin, pouvaient développer des relations commerciales avec les États-Unis étaient susceptibles d'être mises en point de mire. Cette firme était bien connue de nos services dans le contexte des transports militaires en 2002 et 2001, mais n'était pas, pour nous, liée à des opérations CIA.

    Toutes les informations obtenues ... ne sont pas encore exploitées. Cela reste néanmoins un exercice impossible pour la Sûreté de l'État de déterminer elle-même si des liens commerciaux entre des entreprises et les États-Unis doivent être mis en relation avec de telles opérations de la CIA.

    Avec cette description, nous avons voulu montrer que la Sûreté de l'État est restée active dans ce dossier principalement « motu proprio » et en réponse à la préoccupation du gouvernement, tout en sachant bien que la marge d'intervention était réduite, étant donné l'existence de compétences spécifiques auprès d'autres services. La Sûreté de l'État a voulu apporter sa contribution aux questions que le gouvernement a apparamment adressées directement et principalement au SPF Mobilité.

    En guise de synthèse, je peux dire que:

    — La Sûreté de l'État a, motu proprio, entrepris un certain nombre de devoirs d'enquête;

    — La Sûreté de l'État a pris acte de la préoccupation du gouvernement sans avoir connaissance de missions d'enquêtes formelles que le gouvernement aurait demandées à qui que ce soit.

    Sur la base de ces deux constatations, la Sûreté de l'État a, de sa propre initiative, entrepris une enquête limitée, vu que les compétences légales étaient ailleurs.

    La Sûreté de l'État n'a pas connaissance de la moindre initiative judiciaire en la matière.

    Sans avoir aucune preuve formelle, je crois me rappeler que suite à la lettre du 1er décembre 2005 du ministre des Affaires étrangères, son directeur de cabinet m'a téléphoné pour me demander si nous avions des informations complémentaires. J'ai répondu oralement que ce n'était pas le cas (mais je me rappelle avoir communiqué le discours que Condoleeza Rice avait prononcé le 5 décembre 2005 avant son départ pour l'Europe).

    C'était donc un souhait du ministre des Affaires étrangères d'avoir plus d'informations, mais fondées essentiellement sur les informations disponibles, à ce moment-là, auprès de la Sûreté de l'État, ce qui était compréhensible compte tenu du délai entre la demande et l'arrivée de Condoleeza Rice. C'était donc une actualisation par rapport à la lettre du 1er décembre 2005.

    À la question de savoir comment j'analyse les informations qui se succèdent dans le cadre de ce dossier, jforce m'estrde épéter que la première évaluation d'une telle affaire ne ressortit pas la compétence légale de la Sûreté de l'État qui peut, seulement sur la base de renseignements reçus d'autres instances compétentes, effectuer une analyse plus en profondeur.

    C'est pour cela aussi que la lettre du ministre de la Mobilité inverse à tort les compétences lorsqu'elle indique que l'administration du ministre veut bien tout faire, si les services de renseignement donnent l'information (les numéros d'immatriculation des avions).

    D'un point de vue du renseignement, nous avons essayé, dans le cadre d'un juste équilibre entre les moyens disponibles et la charge de travail, d'aborder cette problématique de manière efficace et pragmatique en partant du schéma suivant:

    — Les pays et les personnes concernés sont impliqués dans des faits pour lesquels les militaires américains sont opérationnels à titre principal; ainsi par exemple, ce n'est pas la CIA qui donne les autorisations pour aller à Guantanamo, étant donné qu'il s'agit d'une prison qui relève des compétences militaires. Donc, dans la même logique, il est peu vraisemblable que la CIA, proprio motu et de manière totalement indépendante, puisse agir dans des domaines ou dans le cadre de problématiques concernant ces domaines pour lesquels la Défense américaine est opérationnelle.

    ...

    Évidemment, les autorités militaires, peuvent faire appel à des entreprises d'aviation privées, mais je suppose qu'alors, nous aurions reçu à ce sujet des informations du SGRS (ACOS-IS).

    — Comme deuxième hypothèse, il peut s'agir des vols CIA ayant un caractère totalement secret. Vous pouvez comprendre que sur ces vols, le nom de la CIA ne va pas apparaître, mais que tout, vu le caractère secret, va se faire via des tiers ou via des organisations de couverture. D'autres instances que la Sûreté de l'État sont mieux placées pour vérifier si ce que l'on peut voir correspond à la véritable intention. On se réfère ici aux autorités du trafic aérien.

    — La CIA, comme certains journaux le laissent penser, coopère avec des pays et dans ce type d'opérations, il serait donc normal que la CIA fasse appel à la Belgique via la Sûreté de l'État. Pour vérifier tous les récits, cela représente un travail impossible pour la Sûreté de l'État et je le rappelle, ce n'est pas sa compétence.

    Un autre exemple illustre également la complexité du dossier. Si des spotters identifient un avion de la Force aérienne qui rapatrie des réfugiés dans leur pays d'origine, cela ne signifie pas que si cet appareil est vu trois jours plus tard en Chine dans le cadre d'une mission officielle, il s'agit à nouveau d'une opération ordonnée par l'Office des étrangers. Un avion est un moyen de transport multifonctionnel qui peut aujourd'hui transporter des personnes, demain des marchandises et après-demain accomplir des missions purement officielles.

    Ainsi, dire que l'avion identifié à Deurne effectuait également une opération secrète de la CIA parce que quelqu'un déclare que le même avion l'a ramené en Syrie, représente des suppositions que la Sûreté de l'État, avec ses moyens et ses compétences légales, ne peut investiguer.

    À la relecture du présent procès-verbal, je constate que seules les conclusions suivantes, et seulement celles-là, peuvent être tirées, comme étant le point de vue de l'administrateur général sur les questions posées:

    — la Sûreté de l'État a, dans la mesure du possible et proprio motu, fait plus que ce que la loi lui impose;

    — l'inertie éventuelle d'autres instances n'est en aucun cas imputable à la responsabilité de la Sûreté de l'État;

    — le premier ministre a concrétisé sa préoccupation vis-à-vis de la Sûreté de l'État via la demande du Collège du renseignement et de la sécurité (19 décembre 2005), la réunion d'un Collège restreint (19 décembre 2005) et sa demande d'un courrier non classifié de la Sûreté de l'État reprenant les constatations de celle-ci le 23 décembre 2005. Le suivi a eu lieu en 2006.

    — le ministre des Affaires étrangères a concrétisé ce suivi en ce qui concerne la Sûreté de l'État par une demande verbale début décembre 2005, à la suite de la visite de Mme Condoleeza Rice en Belgique, pour diverses réunions multilatérales au cours desquelles le sujet des vols CIA a été traité en profondeur.

    — ACOS-IS n'a pu fournir aucune information;

    — la consultation par la Sûreté de l'État de l'Inspection de la navigation aérienne n'a donné des résultats qu'à partir de mars 2006;

    — la ministre de la Justice a saisi la Sûreté de l'État à partir du 2 mars 2006 en lui communiquant une lettre du ministre de la Mobilité avec la demande expresse d'enquêter, alors que la Sûreté de l'État a signalé que ce n'était pas et que ce n'est toujours pas de sa compétence directe.

    (sé) K. Dassen — administrateur général »

    3. L'audition du vice-amiral Hellemans, chef du SGRS, assisté par un commissaire en chef

    Cette audition a eu lieu le 31 mars 2006. Elle a été réalisée par le président du Comité permanent R, le chef ainsi qu'un membre du Service d'enquêtes R.

    La question principale posée au chef du SGRS est la suivante:

    (Traduction libre) « Pourquoi le service n'a-t-il jamais fait état de ce que le service avait reçu dans le cadre de ce dossier des « missions » de la Défense (ou d'autres autorités), éventuellement à l'occasion d'une réunion du Collège du renseignement et de la sécurité ou du Comité ministériel du renseignement et de la sécurité.

    Le vice-amiral Hellemans confirme ce qui a toujours été le point de vue du SGRS, à savoir qu'au moment où le Comité R est venu avec ses questions (comme cela a déjà été rappelé, il s'agit du 9 décembre 2005), le service n'avait pas reçu de missions ni de directives explicites et qu'également, comme cela avait été exprimé auparavant, cette matière ne cadre pas avec les missions du SGRS.

    Le commissaire se réfère à une synthèse qu'il a rédigée dans le cadre de cette enquête, synthèse dont il remet copie. Ce document contient une chronologie de tous les faits, questions et/ou recherches dans le dossier, uniquement en ce qui concerne le SGRS. Ce document répond aux questions posées.

    Le vice-amiral Hellemans signale que la problématique a été abordée la première fois en marge du Collège du renseignement et de la sécurité du 19 décembre 2005 (de manière informelle, après la réunion elle-même), mais sans que des missions soient données et sans compte rendu écrit de ce qui avait été discuté.

    Quelques jours après ce Collège du renseignement et de la sécurité du 19 décembre 2005, le vice-amiral Hellemans a reçu une question du secrétaire du Collège du renseignement et de la sécurité afin de mettre par écrit ce qui avait été convenu lors de la partie informelle ou complémentaire de la réunion du Collège du renseignement et de la sécurité du 19 novembre 2005.

    Lorsque ce compte rendu a été discuté téléphoniquement, il a été indiqué que la réponse devait être la plus courte possible, car elle devait être communiquée immédiatement au premier ministre.

    Le commissaire en chef insiste sur le fait que de surcroît, il n'y avait aucune notification écrite du Comité ministériel du renseignement et de la sécurité du 23 décembre 2006. Cela a seulement été porté à l'agenda du 27 décembre 2005 en pleines vacances de Noël.

    Normalement, les participants au Collège reçoivent un avis de l'existence d'une notification, mais cela n'est pas arrivé. C'est au moment où l'affaire est devenue à nouveau actuelle que le commissaire en chef a lui-même fait la recherche des données; personne n'avait été averti.

    Pour le SGRS, il n'est toujours pas clair de savoir qui a communiqué au ministère des Affaires étrangères la réponse selon laquelle « l'enquête concernant des aérodromes militaires était terminée et qu'aucun fait particulier n'était signalé » comme cela a été déclaré le 1er décembre 2005 à la Chambre par ce ministre.

    Le SGRS répète de manière expresse qu'une pareille enquête n'a pas été réalisée par ses soins et se demande sur quelles données (et sur qui ou quel service) le ministre s'est basé pour faire cette déclaration.

    La conclusion est que dans tous les cas, et sur ce point, le SGRS est formel: il n'y a jamais eu de missions ou d'ordres explicites donnés au service dans ce domaine.

    Depuis lors, il y a surtout eu des réponses adressées suite à des questions de la Sûreté de l'État, toutes à situer dans le cadre des sources ouvertes.

    Complémentairement, en ce qui concerne la question relative au contrôle des aéroports militaires, le SGRS rappelle que ce contrôle est une mission du « Commandement Opérationnels Air ».

    La difficulté, c'est que d'autres services — comme la Sûreté de l'État — s'adressent à eux pour obtenir des informations. Par défaut de coordination, ce service est donc aussi bien trop interrogé que saturé.

    Le SGRS souligne une autre difficulté, par exemple concernant le statut de l'aérodrome de Chièvres, qui a une fonction OTAN et qui est donc sous le contrôle du « Supreme Allied Commander ».

    4. Aperçu des vérifications effectuées par la Sûreté de l'État depuis le 7 mars 2006, date de la réunion de la Commission du suivi du Comité R concernant la présente enquête.

    Le 28 avril 2006, l'administrateur général adjoint de la Sûreté de l'État, M. Dumoulin a adressé, motu proprio, un courrier au Comité permanent R. Ce courrier comprend en annexe une note d'information adressée le 12 avril 2006 à la Cellule stratégique du SPF Justice, faisant le point sur l'affaire.

    Cette note a également été transmise le 28 avril 2006 au premier ministre et au ministre de la Mobilité.

    La première partie de cette note est classifiée « Confidentiel » (loi du 11 décembre 1998).

    Le Comité permanent R en donne ci-après les points essentiels sans révéler les détails opérationnels protégés par la classification:

    1. Début mars, une vérification approfondie a été effectuée par les services de la Sûreté de l'État pour obtenir les informations pertinentes relatives principalement à deux avions qui auraient pu atterrir sur le territoire. L'enquête a porté sur les six aéroports civils belges importants, ainsi que sur 17 aérodromes de plus petit niveau, susceptibles toutefois de recevoir des avions provenant de l'étranger. Cette enquête n'a pas permis de mettre à jour des vols suspects en rapport avec la problématique concernée.

    2. Des vérifications ont également été faites sur des avions en relations avec les USA concernés par des transports de courriers, de colis postaux et de marchandises notamment à destination de militaires cantonnés en Belgique. Aucun service (notamment les services des douanes) n'a constaté que ces vols auraient permis le transport de personnes autres que l'équipage (3 membres navigants pour ce type de vol). Pour ces vols, une procédure de contrôle internationale et stricte est appliquée sur la présence d'éventuels passagers.

    3. Il est apparu, des vérifications sur un aéroport régional, qu'il n'y avait pas de contrôle sur les vols étrangers de marchandises en transit. Ces contrôles seraient interdits par une directive européenne. Des procédures simplifiées à l'exportation existent aussi en matière douanière, sous certaines conditions, et pour des marchandises déterminées. La douane n'effectue dans ce cas pas de contrôle physique à l'aéroport. Le contrôle se fait sur document et a posteriori.

    À la suite des événements récents concernant l'exportation d'une presse isostatique vers l'Iran, cette procédure simplifiée a été temporairement suspendue pour certains pays de destination.

    4. Entre 2000 et 2005, pour un des aéroports civils importants, la Sûreté de l'État a relevé et examiné le nombre de transits concernant des compagnies civiles américaines y effectuant des vols, notamment des transports cargos.

    5. D'autres vérifications ont également été faites ... en relation avec le trafic des marchandises.

    6. Des demandes de renseignement ont été adressées, dès le 25 novembre 2005, aux correspondants européens dont les pays étaient cités dans le cadre de la problématique supposée « des prisons secrètes de la CIA en Europe ». Cette consultation n'a rien apporté (pas de réponse ou « rien à signaler »).

    7. Suite aux articles de presse concernant des vols supposés à Deurne et à Zaventem, des demandes urgentes spécifiques ont été envoyées en février 2006 à des correspondants européens. Les réponses ont été négatives, soit en renvoyant aux points de vue nationaux respectifs des autorités politiques exprimés en la matière, soit en arguant d'une incompétence légale en cette même nature. Certains autres correspondants étrangers interrogés n'ont plus répondu quant au contenu des questions, demandant « un éclaircissement quant à la raison de la demande », ou renvoyant à l'une ou l'autre procédure formelle, comme la désignation d'un point de contact pour toute autre question sur le même sujet.

    8. Les services et administrations partenaires belges ont également et à plusieurs reprises été sollicités. Une réunion a eu lieu avec ces services en mars 2006. Vu le nombre de vols à considérer, depuis 2001 à aujourd'hui, plusieurs dizaines de milliers, un contrôle et même une recherche affinée est impossible sans autres informations plus précises. Aucune orientation n'a pu être donnée par les experts dans ce sens.

    9. En ce qui concerne les vols « suspects » identifiés par les médias concernant Deurne et Zaventem, la Sûreté de l'État a déclassifié les informations suivantes:

    (Traduction libre) « Partie 2: Proposition de texte qui peut être rendu public en relation avec le vol N829MG à Deurne » (15)

    « Entre le 15 juillet 2002 et le 20 juillet 2002, un avion Gulfstream III immatriculé N829MG a atterri à Deurne.

    Une première fois le 15 juillet 2002 à 10h 12 » venant des États-Unis (aéroport d'Albany County New-York). Quatre passagers étaient à bord et ont été transportés par limousine à l'hôtel Hilton d'Anvers.

    L'avion est reparti le 17 juillet à 14h 37 avec les mêmes passagers que ceux qui étaient à bord à l'atterrissage. La destination était le Royaume-Uni (aéroport de Nottingham East Midlands).

    Le 20 juillet 2002, le même appareil s'est à nouveau retrouvé à Deurne à 12h 30, en provenance d'Allemagne (Aéroport de Nürenberg) avec cinq passagers à bord et trois membres d'équipage. L'appareil est reparti le même jour à 14h 44, sans passager, en direction de Schiphol. C'est à propos de ce dernier vol, sans passager à bord à destination de Schiphol, que les articles dans les médias ont parlé d'un soi-disant vol-CIA.

    L'enquête de la Sûreté de l'État fait apparaître ce qui suit:

    L'appareil immatriculé N829MG est la propriété de « Presidential Aviation Inc. », une compagnie charter, établie à Fort Lauderdale, Floride, USA, 1725 Northwest 51 Place. Cette entreprise propose des vols d'affaires et est surtout active dans le domaine des vols de luxe.

    L'appareil a été affrété par la firme Bascops International Inc., établie à Houston, Texas, USA 333 Cypress Run, suite 200, suivant la DB Dunn & Bradstreet-Databkan, une décision de la World Fuel Services Corporation, Miami, Florida, USA. L'avion a été réservé par cette compagnie pour la période du 15 juillet 2002 au 20 juillet 2002, donc pour les quatre vols que l'appareil a effectués en Belgique.

    Notre service a pu apprendre qu'aussi bien le catering, que les hôtels et le service limousine étaient parmi les meilleurs (et les plus chers) que l'on peut trouver sur le marché.

    L'équipage et les passagers du premier vol à Deurne ont pu être identifiés. Tous avaient la nationalité américaine. Sur la base de l'avis de décès d'un des passagers, le père de famille, trouvé sur Internet, on peut avec une quasi-certitude rattacher les passagers à un groupe familial actif dans l'industrie automobile. Ce lien serait également confirmé par les témoignages du personnel de l'aéroport qui ont affirmé qu'il s'agissait très clairement « d'hommes d'affaires ».

    Le chauffeur de taxi de la limousine qui a conduit le groupe le 20 juillet 2002 d'Anvers à Amsterdam (l'appareil est parti vide à destination d'Amsterdam), déclare qu'en cours de route, plusieurs manèges ont été visités, ce qui peut correspondre avec les indications, reprises dans le faire-part de décès, à propos de l'intérêt du défunt pour le sport équestre.

    D'après les informations sur Internet, ce groupe familial est le financier du parti républicain.

    À l'arrivée de Nüremberg le 20 juillet 2002, il y avait un cinquième passager à bord qui n'a pas pu être identifié. S'agissant d'un vol intra Schengen, les identités ne sont pas contrôlées.

    Considérant la fille de la famille, quelques articles sur Internet sont en relation avec le sport équestre (dressage), suite à des prix remportés. De ces articles, on apprend que son cheval a été importé des Pays-Bas et qu'elle s'entraîne avec un coach hollandais. Probablement était-elle le 5e passager à l'arrivée d'Allemagne.

    Cette information ainsi que les déclarations du chauffeur de la limousine démontre sans aucun doute que le voyage de la famille en juillet 2002 coïncide avec l'intérêt pour le sport équestre.

    De l'enquête, il apparaît qu'aucun élément ne permet de supposer que les vols de l'appareil M829MG qui sont passés par Deurne, étaient en rapport avec les vols-CIA présumés.

    L'avion concerné a encore à deux reprises survolé la Belgique, sans s'y poser.

    C'était le 7 juin 2003 en provenance de Teterboro (USA) où Presidential Aviation a un bureau local, à destination de Frankfurt am Main (Allemagne).

    La seconde fois, le 12 juin 2003, de Frankfurt am Main à Bangor International (USA). Les données ont été fournies par Belgocontrol.

    Cela étant, un certain nombre de données en relation avec l'appareil de l'entreprise sont à souligner: des recherches sur Internet indiquent qu'un des sites web de Presidential Aviation se réfère à Blackwater USA. Cette dernière firme a différents contrats en cours avec le ministère américain de la Défense, entre autres dans le cadre de la guerre en Irak.

    Le « Soir » mentionne que l'appareil N829MG aurait atterri en 2003 à Guantanamo. Une même information est disponible sur un site web allemand.

    Du tableau publié dans le NRC Handelsblad le 15 février 2006, l'appareil M829MG n'apparaît pas comme étant mis en cause par Human Right Watch. Le même article souligne: « que souvent, il n'apparaît pas clairement pourquoi les avions sont attribués à la CIA ».

    L'avion aurait été quelquefois signalé au Royaume-Uni. L'appareil N829MG a été plus tard réimmatriculé sous le numéro N259SK et serait actuellement la propriété de S&K Aviation Llc.

    Le soupçon le plus important qui existe concernant cet appareil, vient de Maher Arar, un canadien d'origine syrienne, qui affirme avoir été enlevé avec le même appareil, un événement qu'il situe lui-même à peu près deux mois après les passages de l'appareil Gulfstream à Deurne.

    D'après ses dires, Maher Arar était en transit à JFK-NewYork, en septembre 2002, provenant de Tunisie, via Zürich, lorsqu'il fut interrogé par la police, le FBI et le service de l'immigration et de naturalisation. À la suite de cela, il fut placé à bord de l'avion le 8 octobre 2002, avion qui selon Maher Arar était le Gulfstream III, N 829MG.

    Selon un schéma publié par le « Soir », le 9 mars 2006, et les déclarations de Maher Arar devant la Commission temporaire d'enquête du Parlement européen, l'appareil N 829MG a décollé du New Jersey, aux alentours de 4h du matin à destination de Bangor (Maine, USA), d'où l'avion a pris la direction de Rome où il s'est ravitaillé, pour ensuite reprendre Aman, en Jordanie. Maher Arar serait ensuite resté enfermé suite pendant une dizaine de mois dans une prison syrienne, où il aurait également été torturé.

    Il est important de signaler que l'appareil avec Maher Arar à bord n'est pas passé par la Belgique et que Maher Arar n'a jamais rien reproché aux autorités belges, ni dans les médias ni lors de son témoignage devant la Commission temporaire d'enquête au Parlement européen, en charge de l'enquête concernant les activités de la CIA en Europe.

    (sé) A. Dumoulin

    Concernant deux autres appareils cités comme suspects d'avoir été utilisés lors de vols litigieux, les informations en possession de la Sûreté de l'État sont classifiées « confidentiel ». Il faut toutefois noter que ces informations ne permettent pas d'établir le caractère illicite des transports concernant la Belgique.

    5. Constatations du Comité permanent R

    Des informations obtenues, il ressort qu'avant le 9 décembre 2005, date de la première visite du Comité permanent R aux deux services dans le cadre de la présente enquête, la Sûreté de l'État avait entrepris une démarche informative le 25 novembre 2005. Ce service avait aussi informé le ministre des Affaires étrangères avant l'arrivée de Mme Condoleeza Rice en Belgique. Le SGRS qui fait valoir qu'il n'est pas compétent en la matière, n'avait entrepris aucune démarche.

    Lors de la première partie de l'enquête de contrôle, le Comité permanent R n'a pas été informé par les services des démarches entreprises au niveau du Collège et du Comité ministériel du renseignement et de la sécurité, les 19 décembre et 23 décembre 2005, démarches qui sont explicitées dans le présent rapport.

    Si des numéros d'immatriculation d'appareils qui ont atterri ou qui ont emprunté l'espace aérien belge ont bien été mis en relation avec des avions présumés avoir effectué des vols pour la CIA, aucun élément de l'enquête menée par la Sûreté de l'État n'accrédite la thèse que, lors de leur passage sur ou au-dessus de notre territoire, ces mêmes avions étaient affrétés par la CIA ou impliqués dans des activités contraires au droit humanitaire. Le cas du Gulfstream III, N829MG, examiné de manière approfondie par la Sûreté de l'État tend à démontrer le contraire. Cela ne vaut que pour les vols commerciaux, aucune information n'étant disponible pour les vols militaires.

    Comme dans d'autres dossiers d'enquêtes de contrôle portant sur d'autres problématiques, le Comité permanent R constate que la collaboration, la communication et la coordination, aussi bien entre les deux services de renseignements qu'entre ceux-ci et d'autres autorités, doit être davantage examinée et renforcée, spécialement dans des domaines où les informations et les expertises sont dispersées. Dans le présent dossier l'intervention du Comité ministériel qui a provoqué un travail de renseignement approfondi dans le chef de la Sûreté de l'État démontre la nécessité d'une coordination à ce niveau supérieur.

    Enfin, les tentatives infructueuses faites par la Sûreté de l'État d'obtenir des informations d'autres services de renseignement européens montrent, si cela était encore nécessaire, que l'échange de données entre services de renseignement dépend avant tout des options politiques des autorités nationales.

    V. DISCUSSION DU RAPPORT COMPLÉMENTAIRE DU COMITÉ R

    Le rapport complémentaire du Comité R a été examiné par la commission du suivi le 9 mai 2006 et les 6 et 20 juin 2006.

    1. Réunion du 9 mai 2006

    Lors de cette réunion, la vice-première ministre et ministre de la Justice et le ministre de la Défense étaient représentés respectivement par Mme Vandernacht et M. Régibaux. L'administrateur général adjoint de la Sûreté de l'État, le chef du Service général du renseignement et de la sécurité et le colonel Demortier du Comopsair de la Force aérienne ont aussi participé à la réunion.

    MM. Wille et Hugo Vandenberghe sont d'avis que vu le manque de cohérence et de clarté du témoignage de M. Dassen, administrateur général de la Sûreté de l'État, il est quasi impossible d'en percevoir et d'en comprendre la logique.

    M. Hugo Vandenberghe a l'impression que l'on s'efforce de dissimuler l'essentiel en s'embarrassant de circonlocutions. Par ailleurs, il constate une fois encore au ton du rapport que les services de renseignement sont sur la défensive. On part a priori du principe que l'intention de la commission du suivi est de trouver un bouc émissaire, ce qui est totalement faux. La commission parlementaire du suivi est plutôt le partenaire des services publics, ce qui ne signifie pas pour autant qu'elle n'ait pas le droit d'obtenir une réponse sans ambages aux questions qu'elle pose.

    Le président du Comité R, M. Delepière, répond que le rapport est la reproduction littérale de ce qui a été dit au cours de cette audition. La version qui figure dans le rapport du Comité R a été relue, corrigée et enfin approuvée par M. Dassen en personne. M. Dassen a consacré plusieurs jours à la correction du texte qu'il a ensuite transmis au Comité R. La version corrigée a été signée et classifiée par M. Dassen. Autrement dit, le texte n'a pas été remanié par le Comité R.

    1.1. Commentaire de M. Régibaux, chef de cabinet du ministre de la Défense

    Le 8 décembre 2005, la cellule « Défense » a soulevé pour la première fois le problème des vols CIA auprès du SGRS suite aux articles qui étaient parus dans la presse.

    Le même jour arrivait en Belgique Mme Condoleeza Rice, ministre des Affaires étrangères des États-Unis, pour une réunion ministérielle à l'OTAN et le soir même, un dîner au Palais d'Egmont regroupait les ministres des Affaires étrangères, tant de l'OTAN que de l'Union européenne.

    La question était d'actualité et présentait une importance fondamentale vu le sujet.

    Le jour même, il a été demandé à un responsable du SGRS si le service avait reçu une quelconque indication au sujet de vols secrets de la CIA.

    La réponse fournie en quelques heures était très claire: non, aucune information n'avait été reçue, ni de collègues américains, ni d'autres services.

    Le 9 décembre 2005, le Comité R a rendu visite au SGRS.

    Par la suite, des questions ponctuelles ont été adressées au SGRS, notamment pour la vérification d'identification d'avions. Dans ce cadre, M. Régibaux rappelle les compétences exactes du SGRS qui sont définies par la loi. Le ministre de la Défense est particulièrement attentif à ce que, d'une part, le SGRS exerce pleinement la compétence qui lui est attribuée par la loi et, d'autre part, à ce que le SGRS ne franchisse pas la limite de ses compétences.

    La compétence du SGRS est limitée au milieu militaire en Belgique, sur le territoire national. Il s'agit de protéger les intérêts des quartiers militaires. Le SGRS a d'autres missions quand l'armée belge opère en dehors du territoire national, notamment, mais pas exclusivement, pour la protection de nos troupes en opération.

    Cependant, il y a aussi un autre volet, clairement lié aux questions posées, d'abord par le cabinet de la Défense, puis répétées lors de différentes réunions, à la fois du Collège du renseignement et de la sécurité et du Comité ministériel du renseignement et de la sécurité. Il s'agissait d'investiguer les informations que la Défense pouvait avoir dans ce domaine-là.

    Le SGRS n'est pas le seul service de la Défense à s'occuper de ces matières. Au contraire, c'est ce qui explique la présence à la réunion de M. Demortier, colonel de la composante aérienne. La gestion des aéroports militaires n'est pas une compétence du SGRS, mais bien de la composante aérienne.

    Pour faire le relevé des vols recensés sur les aéroports militaires, le cabinet de la Défense s'est adressé à la composante aérienne.

    Il est ressorti d'un examen systématique de tous les vols recensés sur les aéroports militaires qu'on n'a trouvé aucune trace d'un quelconque vol suspect ou de quelque avion suspect. Mais le contrôle s'est limité aux aéroports militaires du pays.

    Les vols que l'on attribue à la CIA ont été effectués par des avions immatriculés dans le civil. La Défense n'a aucun facteur de rattachement dans ses compétences pour justifier des initiatives de la part de ses services.

    Aux questions posées à la Défense par la Sûreté de l'État, notamment, (pour vérifier si la Défense avait des informations sur tel type d'appareil, telle société, telle immatriculation d'appareil), la Défense a répondu en stipulant clairement que parfois, elle ne disposait pas de la réponse dans ses cartons et que ses services avaient effectué une recherche sur la base de sources ouvertes (par exemple par la consultation de sites Internet). Il n'appartient pas à la Défense de suivre les avions civils ou les sociétés civiles, sauf s'ils ont un rôle très précis dans les tâches principales que l'orateur vient d'évoquer.

    1.2. Commentaire du vice-amiral Hellemans, chef du SGRS

    Le SGRS est pour la première fois confronté directement au problème des « vols secrets » de la CIA le 8 décembre 2005. Sur la base des articles parus dans la presse, le cabinet de la Défense contacte le SGRS pour savoir s'il a reçu une information quelconque concernant ces vols. Le jour même, le SGRS répond au cabinet par la négative.

    Lors de la visite du Comité R (M. De Smedt et M. Vander Straeten) le 9 décembre 2005 au matin, la question principale était de savoir si le SGRS avait connaissance de vols CIA en Belgique. La réponse était négative pour toutes les divisions. Cette ignorance était expliquée par des raisons différentes: pas de compétence en Belgique pour la division « Renseignement », compétent mais pas d'informations pour la division Renseignement de Sécurité. Le responsable de la division « Renseignement » ajoute qu'en OSINT, on sait qu'il y a deux bases US utilisées pour des vols, à savoir Ramstein et Mildenhall. À l'issue de cet entretien, il n'y a pas d'actions sollicitées par le Comité R. Le SGRS continue à suivre la presse au sujet des vols, sans toutefois entamer des actions spécifiques.

    Revenant sur les compétences du SGRS, le vice-amiral Hellemans se demande si le SGRS est compétent pour récolter des informations à ce sujet, eu égard à ses missions légales définies par la loi organique. Il ne s'agit pas de la protection des Forces armées, ni des infrastructures militaires, ni de militaires belges et alliés en mission à l'étranger ni non plus de la sécurité des belges établis à l'étranger.

    Après une réunion normale du Collège du renseignement et de la sécurité (19 décembre 2005) s'est tenue une réunion particulière relative aux vols CIA, sous la présidence de M. De Ruyver de la Cellule stratégique du premier ministre. La Défense y était représentée par le chef du SGRS et un membre de la Cellule stratégique de la Défense. Le chef du SGRS y a lu le compte rendu de la visite précitée du Comité R.

    À la demande du secrétaire du Collège du renseignement et de la sécurité, une note formelle est envoyée au Collège par le SGRS le 23 décembre 2005. Elle répète le compte rendu de la rencontre avec le Comité R. Après contact avec le président du Collège, il a résumé cette note comme suit: « Le SGRS n'a pas connaissance d'éléments à ce sujet ». Les réponses des services de renseignement et de sécurité et de la direction générale du Transport aérien ont été présentées au Comité ministériel du Renseignement et de la sécurité du 23 décembre 2005, qui en a pris acte et demande aux trois services concernés de rester attentif, à ce dossier et de s'échanger sans délai toute information pertinente.

    Par courrier daté du 22 février 2006, le SPF Mobilité envoie pour information au ministre de la Défense copie d'une note qu'il avait adressée au premier ministre reprenant le résultat des recherches pour 10 numéros d'identification (NIMMA) d'avions susceptibles d'avoir été utilisés par le CIA. La Cellule stratégique de la Défense transmet cette note au SGRS, où celle-ci reçoit une distribution interne.

    Le 24 février 2006, le chef du Service enquêtes du Comité R sollicite par fax des renseignements complémentaires en insistant pour avoir la réponse le jour même. Il tient à savoir si, depuis la dernière visite du Comité R, le service a recueilli des informations concernant l'éventualité de vols affrétés par la CIA (ou sous-traités par cette agence) afin de transférer des détenus soupçonnés d'être liés au terrorisme islamique. Il attire l'attention sur l'avion Gulfstream III (immatriculé N829MG) qui a atterri à Deurne en juillet 2002. La réponse de la division Renseignement de Sécurité du SGRS indique qu'après la réunion du 9 décembre 2005, la division n'a pas été sollicitée pour effectuer des recherches spécifiques et que des rapports d'office ne sont pas entrés à ce sujet. La division Renseignement répond qu'il n'y a pas de RFI (Request for information) qui ont été lancés à ce sujet, que la division ne dispose pas d'informations qui pourraient confirmer ou infirmer les articles de presse et que dans la division, le sujet n'a pas été suivi. En effet, il s'agit d'avions civils qui ont atterri sur des aéroports civils, domaine qui ne relève pas de la compétence du SGRS.

    En ce qui concerne les recherches et vérifications effectuées par le SGRS pour les aéroports militaires sur base de demandes de la Sûreté (31 avions et firmes susceptibles d'être impliquées) et une liste du SPF Mobilité (10 avions), des vérifications ont été faites, via ComOpsAir, pour les aéroports militaires belges de Kleine Brogel (10e W Tac), Brasschaat (E Lt Avn), Beauvechain (1er W), Melsbroek (15e W Tpt Aé), Florennes (2e W Tac), Koksijde (Bkoks) et Bierset (Wing Heli). Ont également été contrôlé, l'« Aéroclub de Brasschaat » actif dans la zone militaire et les deux champs d'aviation de réserve de l'OTAN (à savoir Oostmalle et Weelde) sur lesquels sont actifs des clubs privés, les aérodromes de Bertrix, de Saint-Hubert et d'Ursel.

    Le 14 mars 2006, à 15 heures, une réunion extraordinaire du Collège du renseignement et de la sécurité a lieu au 16, rue de la Loi, sous la présidence de M. De Ruyver, avec les représentants des cabinets (Défense, Justice, MINAFET et Mobilité) et des services concernés (SGRS, Sûreté de l'État et direction générale Transport aérien) afin « d'accorder les violons » en vue d'une réponse coordonnée du premier ministre au Comité R. Les différents services présents expliquent ce qu'ils ont fait. En ce qui concerne le SGRS, il est renvoyé à la réaction du ministre de la Défense au rapport du Comité R, avec copie au premier ministre, aux réponses fournies à la Sûreté de l'État. À la suite de cette réunion, le SGRS est sollicité pour rédiger un dossier complet destiné à la Cellule stratégique de la Défense pour le jeudi 16 mars à 16 heures.

    Le 15 mars 2006, le SGRS reçoit de la Cellule stratégique Défense copie pour information d'une note du SPF Mobilité reprenant les recherches qu'il a effectuées au sujet de l'avion immatriculé N 829 MG (celui qui a atterri à Deurne). L'après-midi, réception d'un FLASH de la Sûreté de l'État reprenant les propriétaires de différents avions concernés en demandant de vouloir vérifier si ces firmes sont connues par le SGRS. SGRS-J a demandé aux divisions (I, S et CI) de faire les vérifications nécessaires. Le 17 mars 2006, la réponse à cette demande est fournie à la Sûreté après accord de la Cellule stratégique Défense.

    Le 16 mars 2006, le SGRS transmet un dossier complet comme demandé, à la Cellule stratégique. Le 31 mars 2006, le chef du SGRS et un membre du commandement sont reçus par le Comité R pour exposer leurs actions et point de vue au sujet des vols de la CIA.

    Le 18 avril 2006, une dernière note contenant des éléments OSINT a été envoyée à la Sûreté de l'État.

    En résumé,

    a. le SGRS n'est pas compétent pour les aéroports civils;

    b. les informations recueillies par le SGRS au sujet des aéroports militaires proviennent de ComOpsAir, l'État-major de la Composante Air de la Défense;

    c. toute demande émanant d'autres services a fait l'objet d'une vérification des données internes du SGRS;

    d. suite aux demandes de la Sûreté, des recherches OSINT ont également été effectuées;

    e. la lecture des missions légales dans la loi organique des services de renseignements montre que les compétences du SGRS sont clairement délimitées.

    1.3. Échange de vues

    Le sénateur Hugo Vandenberghe fait référence à la question cruciale que le Comité R a posée lors de l'audition du vice-amiral Hellemans (voir rapport complémentaire d'enquête, p. 13):

    « Pourquoi le service n'a-t-il jamais fait état de ce que le service avait reçu dans le cadre de ce dossier des « missions » de la Défense (ou d'autres autorités), éventuellement à l'occasion d'une réunion du Collège du renseignement et de la sécurité ou du Comité ministériel du renseignement et de la sécurité ? »

    L'intervenant est d'avis que cette question doit être considérée à la lumière du premier rapport du Comité R, dans lequel on précise expressément que des déclarations avaient déjà été faites par le gouvernement avant le 9 décembre 2005 (premier rapport du Comité R, p. 3): « En Belgique, c'est le 24 novembre 2005, qu'une première déclaration est faite par un porte-parole du SPF Affaires étrangères.

    Le 1er décembre 2005, le gouvernement belge déclare à la Chambre des représentants qu'il fait procéder à ses propres investigations ... »

    Il s'en est suivi toute une discussion sur ce que les autorités savaient ou non, avec la conséquence que l'on sait, à savoir l'attribution d'une mission au Comité R par le gouvernement et la commission parlementaire du suivi.

    Le sénateur Hugo Vandenberghe se dit surpris à propos d'un passage du rapport d'enquête complémentaire, qui concerne l'audition du vice-amiral Hellemans (p. 14): « Le vice-amiral Hellemans confirme ce qui a toujours été le point de vue du SGRS, à savoir qu'au moment où le Comité R est venu avec ses questions (comme cela a déjà été rappelé, il s'agit du 9 décembre 2005), le service n'avait pas reçu de missions ni de directives explicites et qu'également, comme cela a déjà été exprimé auparavant, cette matière ne cadre pas avec les missions du SGRS. »

    Selon le sénateur Hugo Vandenberghe, il n'y a que deux possibilités: soit il y a eu mission, soit il n'y en a pas eu. S'il n'y a pas eu de mission explicite, alors l'intervenant aimerait en tout cas savoir quelle était la mission implicite.

    D'après le premier rapport d'enquête (p. 5), le ministre des Affaires étrangères a déclaré le 1er décembre: « l'enquête est déjà terminée pour les aéroports militaires où rien de tel n'a été constaté ».

    Cette déclaration conforte M. Hugo Vandenberghe dans sa conviction que le ministre a pris contact avec la Sûreté militaire.

    M. Régibaux répond que le contrôle des aéroports militaires ne relève pas de la compétence du SGRS, mais que c'est une tâche qui incombe à la composante aérienne de la Défense. C'est donc la Défense et non le SGRS qui a répondu à la question pour le ministre des Affaires étrangères.

    M. Hugo Vandenberghe souhaiterait savoir aussi pourquoi le vice-amiral Hellemans parle dans sa réponse de missions « explicites ».

    M. Régibaux précise qu'aucune mission explicite n'a été confiée au SGRS puisque celui-ci n'est pas compétent pour contrôler les aéroports militaires. On lui a simplement demandé s'il avait recueilli d'une manière ou d'une autre certains renseignements. Le SGRS a répondu par la négative. À la suite des questions concrètes de la Sûreté de l'État, le ministre de la Défense a alors posé une série de questions précises au SGRS à propos de plusieurs appareils et compagnies aériennes.

    La Défense a répondu à chaque fois à ces questions ponctuelles.

    La présidente, Mme Lizin, cite un passage du premier rapport du Comité R (p. 9, point 5.2, dernier § ): « Interrogés à nouveau le 24 février 2006 par le Service d'enquêtes R, les responsables du SGRS ont fait savoir qu'ils n'avaient pas été sollicités après le 9 décembre 2005 pour enquêter sur l'objet du présent rapport. Ils n'ont donc recueilli aucun renseignement au sujet de transits d'avions de la CIA par la Belgique. »

    Mme Lizin et M. Hugo Vandenberghe aimeraient savoir pourquoi la réponse figurant dans le premier rapport ne correspond pas à celle donnée aujourd'hui en commission. Il est clair que des questions ont bel et bien été posées au SGRS.

    Le sénateur Wille attire en outre l'attention sur la note en bas de page nº 7 du rapport d'enquête complémentaire relative à la classification des informations. M. Wille déduit de la note en bas de page du Comité R que ce dernier ne trouvait pas la classification par l'administrateur général justifiée: « D'une manière générale, le Comité permanent R estime que cette classification n'est pas justifiée dans le contexte de l'affaire par rapport aux impératifs de protection visés par la loi. Tous les faits sont déjà dans le domaine public. La déclaration de l'administrateur général prise par le Comité permanent R n'était initialement pas classifiée. L'administrateur général de la Sûreté de l'État a appliqué cette classification par la suite. »

    M. Wille souhaite savoir à quel moment la classification a été décidée.

    Le président du Comité R, M. Delepière, répond que la classification n'a été décidée par l'administrateur général qu'après le 31 mars 2006. Au départ, ni le Comité R, ni l'administrateur général ne considéraient que la classification était nécessaire.

    Le sénateur Hugo Vandenberghe souligne que le pouvoir de classification ne peut pas avoir pour conséquence de vider de sa substance le droit de contrôle démocratique.

    En ce qui concerne la contradiction entre le premier et le deuxième rapport du Comité R à propos de l'intervention du SGRS, M. Régibaux répond que le 8 mars 2006, la Défense a réagi par écrit au premier rapport du Comité R:

    « ... Dès lors, du moins en ce qui concerne le SGRS, qui relève de ma compétence, il n'est pas exact de soutenir que « ce service déclare n'avoir jamais reçu d'autres questions sur le sujet que celles de votre Comité ... »

    Le sénateur Hugo Vandenberghe souhaite que M. Delepière fournisse des précisions à propos des deux versions des rapports d'enquête du Comité R.

    M. Delepière répond qu'il y a une nette différence entre les réponses qui ont été données avant et après le 9 décembre 2005. Fin février 2006, le Comité R a décidé d'actualiser son rapport au parlement alors qu'il était sur le point de le lui communiquer. C'est la raison pour laquelle le Comité R a demandé, le 24 février 2006, si de nouveaux éléments étaient apparus entre le 9 décembre 2005 et le 24 février 2006. Il est ressorti de la réponse fournie que pour le SGRS, aucun nouvel élément n'était apparu. Le ministre de la Défense a réagi par écrit le 8 mars 2006, et a refusé de se rallier aux conclusions du Comité R. D'autres informations ont ensuite été communiquées au Comité R. Elles figurent dans le rapport complémentaire.

    En raison de cette situation ambiguë, le Comité R a tenu à restituer le plus fidèlement possible, dans le deuxième rapport, les informations disponibles. Les réponses que le SGRS a données aujourd'hui en commission confirment la thèse que le Comité R avait déjà formulée dans le premier rapport d'enquête. Des informations à propos d'avions militaires ne se sont fait jour en aucune manière.

    À la question de Mme Lizin concernant des informations sur les vols et les bases aériennes militaires, M. Dumortier, colonel d'aviation, répond qu'il faut faire une distinction entre les vols militaires des pays membres de l'OTAN, qui ont conclu des protocoles d'accord en la matière, et les vols militaires de pays non membres de l'OTAN.

    Il s'agissait en l'occurrence de vols américains, lesquels relèvent certainement des accords conclus dans le cadre de l'OTAN. On ignore dès lors quels types de vols ont eu lieu durant la période en question. En tout cas, il est clair que durant cette période, des avions militaires américains ont survolé le territoire belge. Le seul contrôle effectué en cas de vols OTAN consiste en une vérification de documents (données de l'appareil et plan de vol).

    Le sénateur Hugo Vandenberghe souligne que s'il y a eu des vols au-dessus du territoire belge lors desquels des personnes ont été privées de leur liberté, les garanties constitutionnelles ne sont pas respectées et la Sûreté de l'État doit prendre des mesures pour empêcher cela. Les articles 7 et 8 de la loi du 30 novembre 1998 organique des services de renseignement et de sécurité ne visent pas seulement à identifier des manifestants. La loi confie à la Sûreté de l'État la mission de veiller à la sauvegarde de l'État de droit démocratique et de l'ordre démocratique.

    Étant donné cette compétence légale, les services de renseignements auraient dû, dès la publication des premiers communiqués de presse, recueillir les informations nécessaires et intervenir préventivement.

    La présidente, Mme Lizin, demande au colonel Demortier si des motifs précis justifiaient une telle intervention préventive.

    Le sénateur Wille signale que le Conseil de l'Europe examine actuellement le rapport de M. Marty. Il ressort de ce rapport que dans plus d'un pays, le plan de vol communiqué n'a pas été respecté.

    Le colonel Demortier répond que des changements de route aérienne sont effectivement possibles en cours de vol.

    Si, par exemple, les conditions météo ne sont pas suffisantes pour permettre l'atterrissage à la destination prévue, une destination alternative est prévue sur le plan de vol.

    Le sénateur Wille demande si un plan de vol pourrait être modifié de telle sorte qu'un avion décollant de Kaboul, avec comme destination initiale Budapest, atterrisse finalement en Bosnie-Herzégovine (où une prison provisoire pour musulmans a, par hasard, été aménagée) ?

    Selon le colonel Demortier, il peut se concevoir que la destination finale soit gardée secrète le plus longtemps possible durant le vol et qu'elle ne soit communiquée qu'au dernier moment utile, par exemple en cas d'attribution d'une mission supplémentaire. Lorsqu'un tel scénario se présente avec des avions militaires belges, une coordination est mise sur pied durant le vol pour mener ces modifications à bonne fin. En tout cas, il est exclu qu'un avion atterrisse sur le territoire d'un pays avec lequel des accords bilatéraux n'ont pas été préalablement conclus.

    La Belgique a ainsi conclu des accords diplomatiques avec l'Afghanistan pour des vols militaires belges. Toutefois, ces autorisations ont à chaque fois une durée de validité limitée. Il faut donc redemander à chaque fois de nouvelles autorisations. Aucun pays ne se risquerait à organiser de tels mouvements aériens sans autorisations de ce genre.

    Lorsque des accords diplomatiques préalables ont été conclus avec des destinations, il n'y a aucun problème, pas même pour des changements de route en cours de vol. Grâce à la coordination entre les services de contrôle de l'espace aérien, tout est mis en œuvre pour exécuter le plan de vol modifié en toute sécurité.

    Le sénateur Hugo Vandenberghe voudrait savoir si les services de sécurité ont informé le service compétent du ministère de la Défense de problèmes éventuels en rapport avec ces vols. Les services de sécurité n'ont-ils pas pour mission d'avertir les services opérationnels de la nécessité d'effectuer un complément d'enquête ?

    La présidente, Mme Lizin, souhaite approfondir la question du contrôle de tels vols. La Belgique dispose d'unités de combat stationnées en Afghanistan. Par conséquent, le SGRS est tout de même compétent pour nos troupes sur place et pour le site où elles séjournent.

    Lorsqu'un avion qui emmène des prisonniers musulmans décolle d'un tel site à destination de Bruxelles, le SGRS devrait en tout état de cause disposer d'informations sur de tels mouvements, ne fût-ce que par des militaires belges qui en sont témoins.

    La présidente désire également savoir quel contrôle les autorités belges exercent sur un avion américain atterrissant en territoire belge.

    Le sénateur Hugo Vandenberghe déclare que si un détenu se trouvant à bord a prévenu son avocat, ce dernier peut invoquer l'article 5 de la CEDH pour faire bloquer l'appareil au sol et faire procéder à un contrôle de son contenu.

    Il est par ailleurs incontestable que les services de renseignements et de sécurité des États membres du Conseil de l'Europe sont tenus d'intervenir pour faire respecter la CEDH sur leur territoire.

    La question est de savoir comment nos services assurent un tel contrôle.

    M. Régibaux souscrit au raisonnement du sénateur Hugo Vandenberghe pour autant qu'il s'agisse de territoire belge.

    Mais la situation d'un avion étranger qui est immobilisé au sol dans un aéroport belge est différente sur le plan juridique. Les autorités belges ne peuvent pas pénétrer dans un avion étranger sans l'autorisation du capitaine de l'appareil.

    M. Hugo Vandenberghe réplique que la CEDH s'applique à l'ensemble du territoire des États membres du Conseil de l'Europe. La CEDH ne connaît aucun espace de non-droit. L'article 5 de la CEDH est directement applicable à la situation évoquée en l'espèce. Aucune contestation n'est possible à cet égard, et l'argument de l'extraterritorialité est inacceptable.

    M. De Smedt, membre du Comité R, demande au colonel Demortier si un avion civil étranger est soumis à une obligation de signalement lorsqu'il pénètre dans l'espace aérien belge et, dans l'affirmative, à quelle instance l'identification de l'appareil doit être communiquée.

    M. De Smedt souligne également qu'une distinction s'impose en ce qui concerne le contrôle (cf. la législation sur les vols des pays non membres de l'espace Schengen, y compris les vols non militaires). Auparavant, les informations relatives aux vols d'appareils de pays non membres de l'espace Schengen étaient communiquées par fax à la gendarmerie. Aujourd'hui encore, c'est la police fédérale qui est compétente pour le contrôle des passagers, qu'ils soient civils ou militaires. L'intervenant aimerait savoir si ces contrôles sont effectivement effectués par la police fédérale.

    Le colonel Demortier répond qu'il existe effectivement des listes de passagers, mais que celles-ci n'indiquent pas toujours de quel type de passagers il s'agit. La réglementation aérienne internationale ne prévoit pas l'obligation de préciser quel type de passagers se trouve à bord de l'avion. Selon la réglementation internationale et nationale en la matière, une déclaration ne doit être faite qu'en cas de transport particulier. Les détenus relèvent vraisemblablement de l'application de cette règle.

    Il ne s'agit toutefois que d'une déclaration. À défaut d'une telle déclaration, les autorités locales ne peuvent pas considérer comme bon leur semble que des situations suspectes se produisent à bord de l'avion.

    La présidente, Mme Lizin, souligne qu'il est impossible que des détenus n'aient pas été transférés en avion à Guantanamo. Les avions en question ont plus que probablement survolé l'Europe. L'intervenante souhaite surtout savoir à quels contrôles les autorités belges ont procédé sur les appareils étrangers qui ont survolé l'espace aérien belge et qui ont éventuellement atterri en Belgique.

    Si les transports en question ont eu lieu au-dessus du territoire européen et sur celui-ci, il doit y en avoir des traces matérielles. Ces éléments devraient permettre de déterminer quels systèmes de contrôle il faudrait instaurer. Il ne s'agit pas, en effet, d'explorer tout le passé mais d'en arriver à des systèmes de contrôle permettant d'éviter à l'avenir ce genre de transports à partir du territoire européen.

    Le colonel Demortier répond que si de tels appareils ont survolé notre territoire sans y atterrir, les autorités belges n'ont aucune information sur les passagers. Selon les règles aéronautiques internationales, il faut indiquer le nombre de passagers qui se trouvent à bord, ainsi que la raison du transport. L'objectif est de pouvoir identifier les passagers en cas d'accident. Lorsqu'un avion est autorisé à atterrir en Belgique sans que les passagers ne pénètrent sur le territoire belge, les autorités belges ne doivent même pas monter dans l'avion pour voir qui se trouve à bord et quelle est la nationalité du personnel de bord.

    Il n'y a donc aucun contrôle d'identité tant que les passagers ne quittent pas l'avion. Il n'y a aucune raison d'y procéder.

    Le sénateur Hugo Vandenberghe souhaite obtenir des éclaircissements à ce sujet et cite, à cet effet, l'exemple suivant: à bord d'un tel avion se trouve une personne qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen délivré par un juge d'instruction bruxellois. Ce mandat d'arrêt européen ne pourrait-il donc pas recevoir exécution tant que l'intéressé ne descend pas de l'avion ?

    M. Régibaux répond que si l'État membre auquel l'avion appartient ne souhaite pas prêter son concours à l'exécution d'un tel mandat d'arrêt européen, les autorités belges ne peuvent pas monter à bord pour y procéder.

    Le sénateur Hugo Vandenberghe demande à M. Régibaux s'il estime dans ce cas que la CEDH ne serait pas applicable à un bateau battant pavillon libérien, amarré dans le port d'Anvers. Selon l'intervenant, une telle interprétation est erronée.

    M. Régibaux réplique que cette interprétation est correcte, au contraire. En effet, la collaboration de l'État du pavillon est indispensable. La CEDH est applicable sur le territoire de tous les États membres qui sont parties à la convention. Tel n'est pas le cas des États-Unis, par exemple, à supposer qu'il s'agisse d'un appareil américain. Dans ce cas, les autorités belges doivent demander l'autorisation des États-Unis. Il en va de même pour les avions qui atterrissent sur une base militaire.

    Mme Vandernacht partage le point de vue de M. Régibaux. Le mandat d'arrêt européen ne peut être signifié et exécuté que sur des avions ou des bateaux de pays qui ont souscrit aux textes relatifs au mandat d'arrêt en question. Cela ne vaut en aucun cas pour les États-Unis. Si l'on veut arrêter une personne sur la base d'un mandat d'arrêt européen, il faut d'abord que celle-ci se trouve sur le territoire européen.

    M. Hugo Vandenberghe ne conteste pas l'interprétation de Mme Vandernacht, mais il reste convaincu qu'un État membre, partie à la CEDH, ne peut pas invoquer l'extraterritorialité pour ne pas appliquer la CEDH.

    Le colonel Demortier indique que le même principe s'applique à tous les avions, qu'ils soient militaires ou civils. Le contenu d'un avion en transit n'est pas contrôlé sans l'autorisation de l'État du pavillon. Et même en cas de soupçons d'« irrégularités » pour l'un ou l'autre vol, ce n'est de toute façon pas à l'autorité militaire qu'il revient d'ordonner le maintien au sol d'un avion étranger, par exemple, ni d'en exiger l'accès. Elle n'est pas compétente pour ce faire.

    La présidente, Mme Lizin, est d'avis qu'il faudrait élaborer un traité international imposant aux pays l'obligation de communiquer les listes nominatives des détenus qu'ils transfèrent d'un pays à l'autre.

    Le colonel Demortier ajoute qu'à supposer que les vols en question aient eu lieu, il faut savoir quand même que les Américains disposent de leur propre base aérienne militaire, située à 250 km de Bruxelles, à Ramstein en Allemagne, à laquelle les Allemands n'ont pour ainsi dire pas accès. Les Américains disposent d'une base aérienne analogue au Royaume-Uni. L'intervenant doute dès lors fortement que, s'ils avaient des détenus à transporter, les Américains privilégieraient un transit par les aéroports belges.

    L'intervenant précise aussi qu'il n'y a pas de suspicion réciproque a priori entre les États membres de l'OTAN et qu'il n'y en a pas davantage à l'égard du trafic aérien militaire.

    La présidente, Mme Lizin, aimerait savoir si les Américains ont demandé ou non à un moment donné aux autorités belges d'identifier certains détenus.

    Il lui est répondu que non.

    Le colonel Demortier précise une fois encore que l'Aéronautique militaire n'a pas eu connaissance du survol du territoire belge par des avions transportant des détenus. Conformément aux règles internationales en matière de trafic aérien, la seule information communiquée est le nombre de passagers qui se trouvent à bord de l'avion. L'identité des passagers n'est pas demandée. On opère simplement une distinction entre l'équipage professionnel et les passagers.

    Le sénateur Hugo Vandenberghe constate que la Commission des Questions juridiques et des droits de l'homme de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ou la Commission temporaire sur l'utilisation présumée par la CIA de pays européens pour le transport et la détention illégale de prisonniers (16) du Parlement européen ne partagent pas l'opinion du préopinant à propos de l'extraterritorialité.

    En outre, plusieurs décisions judiciaires prises en Belgique par le passé montrent que ce principe de l'extraterritorialité ne tient pas toujours la route. Dans le cadre d'une procédure en référé, des avions étrangers ont été mis à la chaîne par une décision du tribunal de première instance de Bruxelles. Il n'est quand même pas normal que la justice belge soit compétente pour ordonner le maintien au sol d'un avion étranger mais qu'elle ne le soit à aucun moment pour imposer des mesures à l'égard des passagers qui se trouvent à son bord.

    La présidente, Mme Lizin, souhaite également apprendre de la Sûreté de l'État s'il est exact que personne n'a rien vu ni rien entendu à propos de vols américains transportant des détenus.

    M. Dumoulin, administrateur général adjoint de la Sûreté de l'État, répond qu'il y a eu seulement un contrôle a posteriori et que celui-ci n'a rien donné. Au moment des faits, la Sûreté de l'État n'était pas au courant.

    Les indices qui sont ressorts l'enquête diligentée sur ce sujet, n'ont pas permis de mettre en évidence une suspicion vis-à-vis des personnes qui étaient à bord de l'avion. Les services américains n'ont jamais signalé quoi que ce soit à la Sûreté de l'État. La Sûreté n'a pas pour mission de contrôler a priori tous les aéroports. La police fédérale et la police d'aéroport sont là pour ça.

    La Sûreté n'a pas d'informateurs directs dans les aéroports civils.

    Le sénateur Hugo Vandenberghe souhaite savoir avec précision qui est responsable de la surveillance préventive en matière de sécurité dans les aéroports militaires d'une part, et dans les aéroports civils, d'autre part. Ce sont quand même les lieux par excellence où des renseignements peuvent être recueillis. On doit être présent à ces endroits si l'on mène une politique de sécurité préventive.

    La représentante de la vice-première ministre et ministre de la Justice, Mme Vandernacht, demande si elle a bien compris la question: s'agit-il d'une demande d'organiser un listage de tous les passagers qui sont à bord des vols qui atterrissent sur le territoire belge ?

    Au lendemain des attentats de Londres, une des instructions demandées par Londres était de vérifier les listes de tous les passagers qui étaient partis ce jour-là de Londres, notamment vers Bruxelles et d'autres aéroports belges. Pour pouvoir procéder à ce listage, il est crucial d'opérer dans les marges du principe fondamental de la protection de la vie privée. Il faut aussi concilier les impératifs de la sécurité avec la nécessité de la protection de la vie privée. Face à cette demande des autorités anglaises, les autorités belges ont dû saisir le parquet fédéral. Ce n'est que sur la base d'une apostille du pouvoir judiciaire que ces renseignements ont pu être demandés.

    À l'heure actuelle, le pouvoir exécutif en tant que tel n'a pas la possibilité — au nom d'un impératif de sécurité proprement dit — de commencer à lister des personnes dans les aéroports et les services de renseignements ne peuvent certainement pas le faire.

    Selon le sénateur Hugo Vandenberghe, l'importance de la protection de la vie privée ne fait bien sûr aucun doute, mais s'il n'y a pas de règles en la matière et que la Sûreté de l'État est en possession d'informations concernant une menace terroriste ou un risque d'attentat et qu'elle ne peut pas vérifier immédiatement les listings des aéroports, cela pose quand même un problème. Ce problème est connu: il n'y a pas encore de loi réglant l'utilisation des méthodes particulières de recherche par la Sûreté de l'État. On se trouve donc ici dans une impasse. L'exemple cité par Mme Vandernacht montre que notre législation comporte une lacune en ce que la Sûreté de l'État ne peut rien entreprendre elle-même.

    La présidente, Mme Lizin, demande au colonel Demortier quelle est la route aérienne la plus indiquée pour transporter des troupes par exemple d'Europe à Cuba.

    Le colonel Demortier répond que si l'on considère que ce transport doit avoir lieu en toute légalité, son choix se portera sur le plan de vol le plus rentable pour l'avion. Un des critères sera de faire le moins d'escales possible. Si l'on veut que le vol ait lieu dans le plus grand secret, on optera pour une route sur laquelle on risque de rencontrer le moins possible de « collègues ». C'est pourquoi, en tant qu'Américain par exemple, il ferait ses escales dans des aéroports américains.

    De plus, rien ne permettait, en 2002-2003, de suspecter l'existence de pareils vols. Il s'ensuit que si un appareil américain est amené à faire escale dans un aéroport militaire belge, le contenu de l'avion ne fera l'objet d'aucun contrôle d'aucune sorte par les autorités belges.

    Mme Lizin, présidente, s'interroge quand même sur cette situation. Elle se demande comment on peut contrôler le respect des embargos sur les armes si les avions étrangers échappent à tout contrôle.

    Il est clair en tout cas que l'on manque de moyens de contrôle. S'il s'agit d'un vol organisé par la CIA, ce service devrait à tout le moins communiquer ce que l'avion en question transporte.

    M. Régibaux réplique que la CIA n'est pas une institution militaire.

    Mme Lizin répond que les vols en question ont quand même été effectués sur des routes militaires. Est-il possible d'atterrir et de quitter la base aérienne américaine en Allemagne et en Angleterre sans passer par la Belgique ?

    Le colonel Demortier répond que ces possibilités existent mais, sur la base de la législation internationale de trafic aérien et du transport des passagers, il est possible de traverser l'espace aérien belge, sans que les autorités belges en sachent plus sur le contenu de l'avion. Les règles visées ne spécifient pas cette situation.

    Le sénateur Hugo Vandenberghe souligne une fois encore que dans le cas du transport de prisonniers par la CIA, la CEDH prime le droit aérien et c'est le droit commun qui est applicable.

    L'intervenant souhaite aborder un point suivant et demande au Comité permanent R de préciser la déclaration de M. Dassen, administrateur général de la Sûreté de l'État. Quelle est la véritable signification de la déclaration de M. Dassen ? Comment l'explique-t-on globalement à la lumière des questions mentionnées dans le premier rapport du Comité permanent R ?

    M. Wille y ajoute la question de la classification.

    M. Delepière explique que M. Dassen voulait qu'on retire les passages suivants de sa déclaration à la page 12 du rapport complémentaire:

    « À la relecture du présent procès-verbal, je constate que seules les conclusions suivantes, et seulement celles-là, peuvent être tirées, comme étant le point de vue de l'administrateur général aux questions posées:

    a) la Sûreté de l'État a dans la mesure du possible et proprio motu, fait plus que ce que la loi lui impose;

    b) l'inertie éventuelle d'autres instances n'est en aucun cas imputable à la responsabilité de la Sûreté de l'État;

    c) le premier ministre a concrétisé sa préoccupation vis-à-vis de la Sûreté de l'État via la demande du Collège du renseignement et de la sécurité (19 décembre 2005), la réunion d'un Collège restreint (19 décembre 2005) et sa demande d'un courrier non classifié de la Sûreté de l'État reprenant les constatations de celle-ci le 23 décembre 2005. Le suivi a eu lieu en 2006;

    d) le ministre des Affaires étrangères a concrétisé ce suivi en ce qui concerne la Sûreté de l'État par une demande verbale début décembre 2005, à la suite de la visite de Mme Condoleeza Rice en Belgique, pour diverses réunions multilatérales au cours desquelles le sujet des vols CIA a été traité en profondeur;

    e) ACOS-IS n'a pu fournir aucune information;

    f) la consultation par la Sûreté de l'État de l'Inspection de la navigation aérienne n'a donné des résultats qu'à partir de mars 2006;

    g) la ministre de la Justice a saisi la Sûreté de l'État à partir du 2 mars 2006 en lui communiquant une lettre du ministre de la Mobilité avec la demande expresse d'enquêter, alors que la Sûreté de l'État a signalé que ce n'était pas et que ce n'est toujours pas de sa compétence directe. »

    Qu'a voulu dire l'administrateur général ?

    M. Delepière est d'avis qu'il a voulu réagir par rapport au premier rapport pour dire qu'il avait l'impression que le Comité R reprochait à la Sûreté de ne pas avoir réagi d'initiative, ne pas avoir eu une attitude proactive.

    Il a voulu montrer dans toutes ces déclarations que, le 25 novembre 2005 déjà, la Sûreté de l'État avait motu proprio décidé de s'informer afin de pouvoir donner des informations, avant la venue de Mme Condoleeza Rice.

    De la même manière, il avait voulu montrer que c'était motu proprio qu'il avait interrogé la CIA au début du mois de décembre. La fameuse réponse a été « no comment ».

    Si la Sûreté de l'État a un rôle à jouer, elle n'est pas seul acteur dans une telle problématique. D'autres services devaient intervenir, par exemple l'Inspection de la navigation aérienne.

    Il n'a pas voulu se prononcer sur la question de savoir s'il y avait eu des ordres explicites ou non. Mais il a voulu expliquer dans quel contexte tout cela s'était fait et il s'est référé à la demande du Collège du renseignement et de la sécurité ainsi qu'à une mission reçue avant le Comité ministériel. Cependant, les instructions ont été données ultérieurement. À ce moment-là, la Sûreté de l'État a été chargée d'une enquête.

    À partir du moment où la Sûreté de l'État a été chargée de faire une enquête, elle s'est adressée à nouveau aux services étrangers, aux pays européens, aux États membres du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne et aux services de renseignements.

    Les réponses à cette enquête vont exactement dans le sens « il n'y a rien à voir ».

    M. Delepière rappelle que, vu la législation européenne sur la libre circulation des personnes, marchandises et services, pratiquement tous les contrôles physiques ont été remplacés par des contrôles sur papier et formels.

    Ainsi, les marchandises qui se trouvent sur le territoire belge en transit ne sont plus contrôlées physiquement, même pas les marchandises sensibles.

    À la question de M. Wille concernant la classification, il répond que si M. Dassen a voulu classifier, c'est parce qu'il se sentait mal à l'aise à l'idée de divulguer.

    Par après, le Comité R s'est permis de déclassifier les plus grandes parties de la déclaration.

    Par contre, une autre classification a été décidée pour raison de protection de la vie privée. Il s'agissait de deux vols dans lesquels se trouvait une famille. Ces deux vols n'avaient apparemment rien à voir avec les vols CIA.

    Mme Lizin, présidente, souhaite savoir s'il existe des données concernant les plans de vol des vols de la CIA.

    Le colonel Demortier répond par la négative.

    M. Régibaux répond que les mouvements en Afghanistan font l'objet d'un suivi très étroit. Mais la tâche des militaires belges n'est pas de surveiller les avions des alliés sur le tarmac. Pas même quand ces avions ont l'intention de traverser l'espace aérien belge.

    M. Delepière rappelle qu'à l'époque de la rédaction du rapport « Échelon », le général Michaux, alors chef du SGRS, a déclaré que le rôle des services de renseignements n'était pas de prendre les services alliés en filature, pas même en cas de menace. Une situation similaire se présente actuellement.

    Le sénateur Hugo Vandenberghe rappelle qu'il y a à Bruxelles de nombreux agents des services de contre-espionnage de divers pays, mais que les services belges ne recueillent aucune information sur les allées et venues des agents des « pays amis ». Il lui paraît pourtant nécessaire que nos services de renseignements recueillent également des informations sur les agents des pays amis.

    Mme Lizin, présidente, ajoute qu'elle a la certitude qu'au moment de préparer le transfèrement des prisonniers vers Guantanamo, une réunion a eu lieu au niveau de l'ISAF pour mettre au point les plans de vols, etc.

    M. Régibaux ne peut ni réfuter, ni confirmer cette affirmation. Il rappelle toutefois qu'en Afghanistan, les premières opérations militaires n'avaient pas été menées par l'ISAF (mission internationale placée sous le commandement des Nations unies), mais par la « Coalition of the willing » qui s'était constituée autour des États-Unis et au sein de laquelle les Américains n'avaient toléré que des « amis ».

    Mme Lizin souligne que la Belgique figure tout de même parmi les « amis » des Américains.

    M. Régibaux réplique que la Belgique a toujours refusé de faire partie de cette coalition aussi longtemps que l'opération en question n'était pas couverte par un mandat des Nations unies. Les Américains connaissaient la position de la Belgique dès le départ. En d'autres termes, les États-Unis ne solliciteront pas la Belgique en priorité pour ce genre d'opérations.

    L'intervenant estime que nous vivons aujourd'hui dans un monde dangereux, ce qui complique déjà suffisamment la tâche des services de renseignements et de sécurité. Il en résulte que ces services ne s'occupent pas prioritairement du contrôle des activités des « pays amis ». Toutefois, il n'en demeure pas moins que, dans le contexte politique international, même les pays alliés sont des alliés de circonstance. Ils ne jouissent donc pas d'une confiance aveugle, mais les priorités des services belges de renseignements et de sécurité se situent ailleurs.

    Mme Lizin, présidente, souligne que la situation a quand même changé après l'invasion de l'Irak. Selon elle, ce n'est pas un hasard si, à un moment donné, des informations ont commencé à circuler à propos des vols en question.

    Le sénateur Hugo Vandenberghe tient néanmoins à faire remarquer que la dynamique du système a complètement changé. Si les États-Unis lancent contre X ou Y une opération à laquelle la Belgique est associée d'une manière ou d'une autre, il peut en résulter un risque sécuritaire pour notre pays.

    Le lendemain des attentats de Madrid, on a appris qu'une partie de la cellule opérationnelle qui les avait préparés se trouvait à Bruxelles. Ce fait n'a été révélé qu'après avoir été rapporté par un journal espagnol. Pourtant, le premier ministre avait opposé un démenti formel.

    M. Delepière reconnaît qu'il y a effectivement de nombreux problèmes majeurs, mais qu'une partie de ceux-ci sortent du cadre des compétences du Comité permanent R. De tels problèmes nécessitent un débat non seulement sur le plan national mais aussi à l'échelon européen.

    Mme Lizin, présidente, pense que si l'on souhaite prévenir de telles opérations à l'avenir, il faut mettre en place un instrument de contrôle. Elle craint que de telles prisons extraterritoriales ne deviennent monnaie courante. Les États-Unis seraient d'ailleurs en train d'en construire une sixième.

    M. Régibaux souligne que les relations internationales ne reposent pas uniquement sur un fondement juridique, mais qu'elles se basent aussi sur des rapports de forces. Le gouvernement belge défend inlassablement l'idée du déploiement d'une véritable politique européenne de sécurité et de défense.

    Mme Vandernacht ajoute que lors des sommets consacrés au GIA, la ministre de la Justice défend chaque fois, elle aussi, la thèse de la mise en place d'une véritable communauté européenne du renseignement, mais qu'elle se heurte toujours à une réaction négative de ses collègues des autres États membres de l'UE. Il est donc très difficile de lancer, au niveau européen, un débat sur la question de savoir comment organiser les échanges d'informations entre les services de renseignements.

    M. Hugo Vandenberghe constate que le système du G5 fonctionne donc toujours sur le plan européen.

    2. Rapport de la réunion du 6 juin 2006

    Sur la base des rapports du Comité R et des discussions, Mme Lizin propose quelques conclusions provisoires:

    1º comme on l'a déjà constaté dans l'affaire Échelon, quand il s'agit d'actions dans lesquelles les services « amis » sont impliqués, nos services de renseignements ne donnent pas priorité à leurs activités;

    2º même après avoir été alerté, le SGRS a estimé que les faits ne relevaient pas de sa compétence;

    3º la Sûreté de l'État a clairement indiqué que les services « amis » ont opposé une fin de non-recevoir lorsqu'on leur a demandé s'ils avaient eu connaissance des vols de la CIA ou s'ils y avaient été associés;

    4º l'ouverture d'une instruction était, en l'espèce, plus « confortable » pour les services concernés. En France, par exemple, une instruction a été ouverte;

    5º les relations que les services de renseignements européens entretiennent en particulier avec les services de renseignements américains font qu'il est difficile d'ouvrir une enquête sur le « service ami ».

    Bien que ce problème existe depuis plusieurs années déjà, c'est la première fois qu'il est épinglé clairement par une enquête de contrôle et que son existence doit être reconnue. Ce problème pose, avec plus d'acuité encore, la question d'une politique européenne de sécurité et de renseignements.

    La présidente, Mme Lizin, propose de résumer comme suit la position de la commission du suivi:

    1. La commission du suivi constate l'absence d'intérêt des services belges;

    2. Même après alerte, il y a un refus d'entrer dans le détail de ces matières;

    3. La commission du suivi n'est pas heureuse de cette situation et demande au gouvernement:

    — un contrôle plus poussé des avions survolant la Belgique;

    — un contrôle effectif sur les personnes et les matières qui passent par des vols civils et militaires qui s'arrêtent sur le territoire belge, y compris les vols dans le cadre de l'OTAN.

    Le sénateur Hugo Vandenberghe trouve inquiétant de devoir constater que les services de renseignements ont donné, dans le deuxième rapport, des réponses différentes de celles fournies dans le premier rapport. Un grave problème se pose si les services de renseignements ne disent pas ce qu'ils savent lorsque le parlement les contrôle. Reste alors à savoir à qui cela profite-t-il.

    La présidente, Mme Lizin, trouve surtout préoccupant que certains services de l'armée puissent être au courant de tels vols mais que le SGRS n'en sache rien. Elle y voit une façon de contourner le contrôle parlementaire.

    Le sénateur Hugo Vandenberghe attire également l'attention sur la classification qui a été donnée à la déclaration de l'administrateur général de la Sûreté de l'État (note en bas de page nº 7 du rapport complémentaire d'enquête du Comité). Si le contrôle parlementaire est entravé parce que des fonctionnaires classifient leurs déclarations vis-à-vis du Comité R, tout le système de contrôle actuel est remis en cause.

    Il cite également un autre passage du rapport complémentaire d'enquête du Comité R, où M. Dassen déclare « qu'il lui est totalement impossible de se prononcer sur le fait de savoir quels actes d'enquête le gouvernement aurait ou non explicitement demandés. »

    Le parlement juge la réponse donnée inacceptable car il entend exercer son droit de contrôle. D'ailleurs, la seule conclusion qu'on puisse tirer d'une telle réponse est que le gouvernement a demandé des actes d'enquête.

    M. Desmedt, conseiller au Comité R, est d'avis qu'il faut replacer la problématique en question dans un contexte historique plus large. Le même problème se pose d'ailleurs pour ce qui est de l'exécution de la mission légale de protection du potentiel scientifique et économique confiée à la Sûreté de l'État.

    Les alliances nouées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale se défont un peu plus chaque jour. En même temps apparaît un nouveau contexte européen dans lequel la France joue un rôle de premier plan, la Belgique cherchant à adopter une attitude courageuse. Le Comité R doit veiller à ne pas défaire inutilement les alliances qui, demain, seront encore utiles et nécessaires. Il est inutile de froisser la sensibilité de partenaires si cela doit hypothéquer aussitôt le fonctionnement de nos propres services de sécurité et de renseignements.

    La présidente, Mme Lizin, est d'avis que les services de renseignements devraient à tout le moins jouer franc jeu et reconnaître qu'ils ne peuvent pas communiquer d'informations en raison d'accords conclus, par exemple, avec la CIA. Le parlement saurait ainsi d'emblée que la seule possibilité d'en savoir plus serait de constituer une commission d'enquête.

    Bien que la commission parlementaire du suivi travaille de façon suffisamment discrète, elle éveille la méfiance des services contrôlés. Il y a manifestement aussi un manque de confiance entre les services concernés eux-mêmes: c'est le cas entre la Sûreté de l'État et le SGRS mais aussi entre le SGRS et la Force aérienne.

    À supposer que des accords aient été conclus, par exemple avec la CIA, encore faut-il savoir si le ministre de la Défense en a ou non été informé.

    Les déclarations des responsables des services, qui ont été actées dans les rapports d'enquête du Comité permanent R, ne sont de toute façon pas convaincantes.

    Le sénateur Hugo Vandenberghe demande que la commission du suivi attende la présentation du rapport du Conseil de l'Europe sur les vols CIA avant de rédiger ses conclusions définitives.

    En tout cas, les textes du Conseil de l'Europe et du Parlement européen démontrent d'ores et déjà en suffisance que les vols litigieux au-dessus de l'Europe ont bien eu lieu.

    L'intervenant estime que ce constat implique un déplacement de la charge de la preuve. Il faudrait mener des investigations complémentaires pour vérifier qu'il est bien exclu que de tels vols ont eu lieu au-dessus de la Belgique.

    De plus, il aimerait savoir comment le Parlement européen et le Conseil de l'Europe sont parvenus à recueillir bien plus de renseignements que la Belgique à propos des vols CIA litigieux au-dessus de l'Europe.

    Étant donné les réactions sur le plan international, le parlement belge se doit de faire valoir ses préoccupations politiques.

    Lorsque de telles opérations se déroulent, quelles sont les instances que les services de renseignements informent et quel est le degré de confidentialité de leurs informations ? Informent-ils le premier ministre, le ministre de la Justice ou le ministre de la Défense ?

    La présidente, Mme Lizin, estime également qu'il faut établir un lien avec le passé. Elle fait référence à cet égard aux conclusions de la commission d'enquête GLADIO (doc. Sénat 1117-4 de 1990-1991) et à celles du rapport Échelon rédigé par notre commission du suivi (doc. Sénat 2-754/1&2).

    Le sénateur Wille estime que les conclusions de la commission parlementaire du suivi doivent non seulement dénoncer les problèmes constatés mais indiquer également comment faire pour combler un certain nombre de lacunes.

    M. Delepière, président du Comité R, souligne qu'on ne peut pas perdre de vue que nos services, comme la Sûreté de l'État, sont des services défensifs alors que la CIA, par exemple, est un service offensif. C'est la présence des services offensifs étrangers sur notre territoire national qui pose problème. Ces services ne coopéreront pas toujours avec les services de renseignements belges mais auront recours à des agents/travailleurs individuels (dans les aéroports par exemple) sans informer les instances officielles belges des opérations en question.

    Si des responsables estiment qu'il est préférable de ne pas demander s'il y a des passagers à bord ni, au cas où il y en aurait, de quels passagers il s'agit, le sénateur Wille est d'avis que la commission parlementaire du suivi doit à tout le moins savoir quels sont ces responsables et à qui incombe la responsabilité politique. Le « flou artistique » actuel est inacceptable. Il estime en tout cas qu'il appartient à la commission parlementaire du suivi de déterminer jusqu'où on peut aller dans le secret.

    M. Delepière souligne que les questions suivantes ont déjà été posées dans le cadre d'autres dossiers:

    — qui, au sein des services de renseignements, est au courant ?

    — sont-ils au courant ? (cf. règlement tiers)

    — les informations ont-elles été communiquées ou non ?

    — où les dossiers sur l'affaire sont-ils conservés ?

    — dans l'hypothèse où certains membres des services de renseignements seraient au courant, les informations sont-elles transmises aux décideurs politiques ?

    La présidente, Mme Lizin, tire les conclusions intermédiaires suivantes:

    1º 800 personnes ont bel et bien été incarcérées à la prison de Guantanamo entre 2002 et 2003; or cette prison n'est accessible que par voie aérienne;

    2º il appert des explications des responsables de l'Aéronautique militaire que les Américains n'étaient pas tenus de demander l'autorisation de survoler le territoire belge;

    3º en ce qui concerne les escales, les intéressés informent les autorités locales sans pour autant divulguer le « chargement » de l'avion;

    4º le manque de circulation des informations entre les services concernés empêche la commission parlementaire du suivi d'établir si les responsables politiques disposaient d'informations identiques à celles que détenaient les services proprement dits.

    M. Desmedt estime que la commission parlementaire du suivi doit reposer la question qui n'a jamais reçu de réponse lors de l'enquête sur le réseau GLADIO: « quelles sont en l'espèce les obligations complémentaires auxquelles notre pays a souscrit dans le cadre du traité OTAN initial ? » La question fondamentale est de savoir dans quelle mesure les responsables politiques et nos services de renseignements sont informés des opérations que mènent des services étrangers sur notre territoire national.

    La présidente, Mme Lizin, suppose que, dans ce cas spécifique, le SGRS a été court-circuité par la Force aérienne qui a des accords spécifiques avec la Force aérienne américaine.

    M. Delepière ajoute qu'un membre des services secrets suisses a été arrêté pour avoir divulgué des secrets militaires. Concrètement, il s'agissait d'un fax du ministère égyptien des Affaires étrangères confirmant l'existence de prisons secrètes de la CIA en Europe. Le motif de l'arrestation est que la fuite constitue une atteinte à la sûreté de l'État (en l'espèce, l'État américain).

    M. Wille, sénateur, estime qu'il convient en tout cas de poser les questions suivantes:

    1) si les vols sont effectivement passés par la Belgique: quelle a été la procédure ordinaire, qui était au courant et qui a accepté ce survol ?

    2) que les vols aient eu lieu ou non, et sachant qu'il y a eu des vols au-dessus de plusieurs de nos voisins, comment allons-nous nous organiser pour qu'à l'avenir, ces vols se déroulent chez nous en toute légalité, au cas où ils se reproduiraient? 

    La commission parlementaire du suivi doit recevoir une réponse détaillant les procédures. Il est important de savoir, en l'espèce, comment « the State is organised ».

    VI. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

    Après ces auditions, la commission du suivi a estimé devoir centrer son examen sur deux questions fondamentales.

    La première question porte sur le contrôle parlementaire des services de renseignements et de sécurité, en particulier, et sur le contrôle parlementaire du gouvernement et des services publics, en général. L'examen des rapports du Comité R a mis en évidence que le Comité R, mais aussi la commission du suivi, se sont heurtés aux limites de leur compétence. Tel qu'il a été organisé par la loi du 18 juillet 1991 organique du contrôle des services de police et de renseignements, le contrôle parlementaire des services de renseignements limite la compétence légale du Comité R à la Sûreté de l'État et au SGRS. Il ressort très clairement de l'enquête sur les vols de la CIA que cette limitation empêche le Comité R de fournir une réponse complète à la commission du suivi.

    La deuxième question porte sur la manière dont la Belgique doit, en vertu des règles juridiques nationales et internationales, non seulement respecter mais aussi faire respecter les droits fondamentaux des citoyens. Il s'agit d'une obligation de droit positif.

    C'est ce double questionnement qui a conduit aux conclusions et aux recommandations de la commission.

    Sur la base des rapports du Comité R, la commission du suivi peut faire en tout cas les constatations suivantes:

    1. Les services de renseignements ont donné dans le premier rapport du Comité R des informations inexactes en déclarant n'avoir reçu aucune demande de renseignements de la part du gouvernement.

    2. Les services belges de renseignements n'ont manifesté aucun intérêt pour les faits allégués.

    3. Les services ne peuvent pas soutenir de manière crédible qu'ils ne sont pas compétents pour les matières en question. Les violations des droits de l'homme sont une atteinte à l'ordre juridique dont ils sont chargés par la loi d'assurer le maintien.

    4. Alors qu'il avait marqué son accord au départ, le ministre de la Défense a finalement refusé que la commission du suivi effectue une visite au centre de contrôle du trafic aérien de la Force aérienne belge (« Air Traffic Control Center » (ATCC)) à Semmerzake. Il va sans dire que cela soulève des questions quant à la volonté de collaborer à l'enquête de la commission.

    1. Le contrôle externe des services de renseignements

    1. La mission de contrôle du Comité R, tenant compte de ses compétences légales, n'avait pas pour but d'enquêter à proprement parler sur l'existence ou non de vols « CIA » en Belgique, mais bien de rendre compte de l'action des services de renseignement belges dans la recherche, l'analyse et la communication de renseignements pertinents aux autorités politiques et éventuellement judiciaires dans l'hypothèse où ces dernières auraient été saisies.

    C'est au niveau de cette évaluation de l'action des services de renseignements belges que le contenu du rapport du Comité permanent R doit être considéré et non sur le fait qu'il permette d'établir ou non la preuve de vols litigieux en Belgique.

    Ceci étant rappelé, une question fondamentale se pose dans le cas d'espèce: quelle est la compétence des services de renseignement belges au regard des missions conférées par la loi organique des services de renseignement et de sécurité du 30 novembre 1998, et dans quel type de menaces — telles qu'elles sont définies à l'article 7 (pour la Sûreté de l'État) et à l'article 11 (pour le SGRS) — peut-on situer l'action d'éventuels vols illégaux de la CIA ?

    Le fondement de l'intervention des services de renseignement belges pourrait se situer dans la recherche, l'analyse et le traitement du renseignement relatif à une menace existante ou potentielle à la « sûreté intérieure de l'État et à la pérennité de l'ordre démocratique et constitutionnel » (pour la Sûreté de l'État) et/ou relatif à une menace pouvant « porter atteinte à la protection ou à la survie de la population ... » (pour le SGRS).

    Dans ce dernier cas, il n'est cependant pas évident de considérer que cette mission visant la protection de la population pourrait se justifier dans le cas d'individus isolés, comme cela semble être le cas pour les vols litigieux.

    Si la compétence de la Sûreté de l'État est donc établie, celle du SGRS, sur la base des menaces visées par la loi, n'est pas évidente, sauf à se référer d'une part à l'article 2, 2e alinéa de la loi organique: « dans l'exercice de leurs missions, ces services (c'est-à-dire Sûreté de l'État et SGRS) veillent au respect en contribuant à la protection des droits et libertés individuels, ainsi qu'au développement démocratique de la société » et, d'autre part, à l'obligation de coopération entre les services visé à l'article 20, en tenant compte du fait que cette coopération ne vise pas que les services de renseignement belges, mais aussi la police, l'administration, la justice et les services de renseignement étrangers. Cela souligne la complexité d'une réflexion globale sur le sujet, tant au niveau national qu'au niveau européen et international.

    La question de la compétence ne se pose pas uniquement en termes juridiques, elle se pose également dans la pratique.

    Depuis le rapport du Comité R sur « Echelon », on sait que les services de renseignement belges — semblant suivre en cela une norme propre au monde du renseignement — n'ont pas comme cible les activités des services alliés. Ce qui était vrai pour la problématique « Echelon », semble l'être également pour celle des vols « CIA », au niveau des services de renseignement belges, mais aussi au niveau des autres services de renseignement européens.

    Il convient de souligner que dans notre pays l'existence d'un système de contrôle parlementaire des services de renseignements a largement contribué à la sensibilisation à ce type de problèmes. Cela a eu entre autres comme conséquence dans le présent dossier l'intervention du gouvernement via le Comité ministériel du renseignement, pour que les services fournissent les informations disponibles dans un premier temps et pour que la Sûreté de l'État enquête plus avant dans un deuxième temps.

    Il est important de souligner que le contrôle des activités d'un service de renseignement étranger sur le territoire national n'est pas repris tel quel comme mission de la Sûreté de l'État et du SGRS par le législateur, à une exception près: lorsqu'un service étranger se livre à de l'espionnage ou à de l'ingérence.

    L'hypothèse des vols de la CIA qui auraient survolé ou atterri sur le territoire belge, même si ces vols transportaient illégalement des personnes suspectées de terrorisme, ne peut être assimilée ni à une menace d'espionnage, ni à celle d'une ingérence, à moins d'une interférence dans une enquête menée par les autorités judiciaires belges.

    Première Recommandation

    La commission du suivi recommande d'élargir les missions légales de nos services de renseignement au contrôle de toute activité des services de renseignements étrangers sur le territoire national pour assurer un meilleur contrôle de ceux-ci, en adaptant la loi organique des services de renseignement et de sécurité du 30 novembre 1998.

    Il doit être clair que le contrôle de nos services de renseignements doit être centré en premier lieu sur la légalité de l'action des services de renseignements étrangers sur notre territoire.

    Il ne faut pas perdre de vue que la communauté du renseignement est avant tout internationale, qu'elle a, dans ce contexte, ses propres spécificités dont les moindres ne sont pas la culture du secret, la règle du tiers service et celle du « donnant-donnant », problématiques déjà abordées de nombreuses fois dans le cadre des travaux du contrôle parlementaire des services de renseignements.

    À cela s'ajoute que les capacités et les moyens des services de renseignement étrangers sont loin d'être les mêmes que ceux des services belges, notamment si l'on envisage les capacités et les moyens de certains services offensifs (la Sûreté de l'État et le SGRS sont des services défensifs).

    Enfin, la loi organique précitée impose également aux services de renseignement belges d'exercer leurs missions pour sauvegarder ... « les relations internationales et autres que la Belgique entretient avec des États étrangers » (Sûreté de l'État art. 7 et 8) et pour protéger « la défense militaire commune dans le cadre d'une alliance ou d'une collaboration ». Il ne faut pas oublier également les règles de classification et du « need to know ».

    Pour terminer sur l'aspect des compétences, les renseignements éventuellement pertinents concernant le présent dossier se trouvent principalement auprès d'autres autorités administratives que les services de renseignements belges.

    Si ces derniers peuvent — dans la mesure ou ils sont compétents — interroger ces services, par exemple Belgocontrol, les services interrogés n'ont aucune obligation légale de fournir les renseignements demandés (cf. art. 14 loi 30 novembre 1998).

    La disposition légale visée (art. 14 loi 30 novembre 1998 organique des services de renseignement et de sécurité) ne s'applique toutefois plus lorsqu'il s'agit de services étrangers ou supranationaux ou d'organisations internationales (par exemple: Eurocontrol). En pratique, rien n'empêche de demander et d'obtenir des informations dans ce cadre, mais il n'existe aucun cadre ni obligation formels.

    Ces éléments doivent également être pris en compte pour apprécier les résultats des rapports du Comité permanent R dans la présente affaire.

    2. Dans ce contexte, les deux rapports successifs du Comité permanent R remplissent leur rôle en mettant surtout en évidence l'embarras des services de renseignement belges face à l'enquête de contrôle et en révélant, entre les lignes et dans une certaine mesure, l'expression d'une certaine culture de méfiance à l'égard des autorités politiques, qu'elles soient gouvernementales ou parlementaires.

    Cette constatation s'éclaire encore davantage lorsque l'on relève dans un deuxième temps, la manière dont répondent d'autres services de renseignement alliés aux questions de la Sûreté de l'État, chargée par le Comité ministériel du renseignement de rechercher des informations sur d'éventuels vols litigieux attribués à des opérations de la CIA.

    À cette occasion, il est important de relever que le contrôle parlementaire des services de renseignement belges répond à une des recommandations du « Projet de rapport intérimaire » de la Commission temporaire d'enquête du Parlement européen qui: « ...3) regrette que les règles régissant les activités des services secrets semblent inadéquates dans plusieurs États membres de l'Union, ce qui rend nécessaire la mise en place de meilleurs contrôles, en particulier en ce qui concerne les activités des services secrets étrangers sur leur territoire, et estime que des mesures législatives urgentes devraient être adoptées tant au niveau national que de l'Union européenne ».

    Les questions qui restent aujourd'hui posées dans le cadre strict d'un contrôle externe des services de renseignement sont les suivantes:

    — de telles opérations — à supposer qu'elles aient touché la Belgique — nécessitaient-elles une quelconque implication préalable des services de renseignement belges, allant de la simple connaissance (que cette connaissance soit spécifique à la Belgique ou plus générale quant à la réalité de telles opérations au sens large) à une réelle participation ?

    Si la question mérite d'être posée, en termes de principe et d'analyse des procédures internes des services de renseignement belges permettant un contrôle a posteriori, ainsi qu'en termes d'existence même de telles procédures, il faut souligner que, mis à part des indices de malaises témoignés par les services de renseignements belges au regard même de l'enquête de contrôle, aucun élément ne permet d'affirmer que la Sûreté de l'État et le SGRS auraient été impliqués à un quelconque niveau;

    — en supposant qu'il y aurait eu des éléments de connaissance ou de participation dans le chef des deux services de renseignements, ceux-ci auraient-ils averti les autorités politiques, par quel canaux et dans quelles mesures ? La question va bien sûr au-delà des réponses théoriques que l'on peut déduire des dispositions légales et du fonctionnement connu des services. Dans l'hypothèse ou la pertinence de la question est avérée, la qualité des réponses dépendra e.a.:

    — de l'organisation structurelle interne aux services;

    — de la qualité de la communication aux autorités politiques et du contrôle de cette qualité aussi bien interne aux services, qu'externe;

    — de l'existence d'une culture et d'une politique du renseignement suffisantes et adéquates aux niveaux décisionnels politiques, judiciaires et administratifs;

    N.B. : la Commission de suivi fait remarquer que la création de l'OCAM/OCAD constitues la mise en œuvre des recommandations du Comité R en terme de coordination du renseignement, ainsi que l'élaboration d'un système qui devrait réduire, sinon empêcher des dysfonctionnements résultant d'un cloisonnement de l'information et susceptibles de porter atteinte aux intérêts nationaux.

    — en partant des éléments relatifs à l'évaluation du fonctionnement des services de renseignement réalisée sur la base du système belge de contrôle, il faut aussi poser la question d'un élargissement du débat, non pas sur les événements eux-mêmes relatifs aux vols de la CIA, mais sur le fonctionnement même (en termes de collaboration, de coordination et en qualité d'instruments sensibles — mais indispensables — de la politique nationale et étrangère) des services de renseignement au niveau européen. La commission du suivi appuie en ce sens;

    — les initiatives prises par le gouvernement belge à plusieurs reprises pour prendre en compte cette dimension européenne du renseignement;

    — ne serait-il pas opportun d'initier également un tel débat au niveau national en y intégrant tous les niveaux de compétence, en ce compris les chefs des deux services de renseignement ?

    L'exemple des vols CIA démontre l'absence d'une véritable politique du renseignement européen, qui d'une manière paradoxale est appelée d'un autre point de vue à se coordonner dans la lutte contre le terrorisme.

    Dans ce contexte, l'échange d'informations séparé entre les « Big Five » (France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne et Italie) au sein de l'Union européenne est difficile à accepter pour les autres États membres.

    Cette constatation en entraîne une autre: n'est-ce pas l'absence de cohérence d'une politique étrangère commune aux États européens qui empêche justement la mise en place d'une politique de renseignement ?

    C'est ainsi que dans la foulée, l'on peut se demander si l'utilisation du territoire belge était nécessaire pour l'organisation des vols litigieux et de leurs finalités illégales supposées (enlèvement, transport et détention), alors que d'autres États géographiquement proches présentaient un profil politique plus favorable pour intervenir d'une manière ou d'une autre dans ce type d'opération ?

    Deuxième Recommandation

    La commission du suivi soutient les initiatives du gouvernement belge pour une véritable politique de renseignement européen qui se situe dans une politique étrangère commune de l'Union européenne.

    3. La commission du suivi ne peut que constater que les missions d'enquête qu'elle peut confier au Comité R dans le cadre du droit de contrôle parlementaire sont limitées par les compétences légales dudit Comité telles qu'elles découlent de l'article 2 de la loi organique du contrôle des services de police et de renseignements du 18 juillet 1991.

    La commission du suivi ne peut pas confier de mission générale d'enquête au Comité puisque la compétence légale de celui-ci se limite à deux services, à savoir la Sûreté de l'État et le SGRS. La commission du suivi ne peut donc pas demander au Comité R d'étendre son enquête de contrôle à d'autres services publics qui, comme dans le cas des vols de la CIA, pourraient bien disposer de renseignements. Il est renvoyé à cet égard au refus opposé par le ministre de la Défense à la demande de visite à l'ATCC à Semmerzake.

    Troisième recommandation

    La commission du suivi propose d'élargir la compétence légale du Comité R afin que celui-ci puisse étendre son contrôle à toutes les institutions susceptibles de fournir des informations utiles aussi bien sur le fonctionnement de nos services de renseignements que sur les activités des services de renseignements étrangers sur notre territoire.

    2. L'obligation de sauvegarde des droits fondamentaux par les autorités belges

    Les informations déjà fournies à la fois par plusieurs pays européens, par le Conseil de l'Europe (17) et par la Commission temporaire du Parlement européen (18) permettent d'affirmer que des atteintes graves et inadmissibles aux droits fondamentaux garantis tant par la CEDH que par la Convention des Nations unies contre la torture, par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ont été commises à plusieurs reprises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Les infractions en question concernent plus particulièrement la privation illégale de liberté de personnes suspectées de terrorisme et leur extradition à partir du territoire ou via le territoire de certains pays par des services de renseignements étrangers en vue de les soumettre à un interrogatoire en dehors de toute forme de procédure judiciaire. Les procédures légales et administratives actuelles sont tout à fait insuffisantes pour protéger les citoyens contre la violation de leurs droits fondamentaux par des agents de services de renseignements de pays amis.

    La commission du suivi n'a pas pu constater que de telles violations des droits fondamentaux auraient été commises sur le territoire belge. Au vu des rapports du Comité R et eu égard aux déclarations des services qu'elle a entendus, il y a peu de probabilités que la Belgique soit impliquée dans ces violations. Toutefois, dès lors que les services entendus par la commission du suivi ne disposaient d'aucune information, celle-ci ne peut pas exclure non plus que des vols tels que ceux évoqués aient eu lieu sur le territoire belge. Il n'est pas davantage exclu que des services belges soient au courant de l'existence de tels vols.

    La commission constate encore qu'aucune procédure n'est prévue en Belgique pour prévenir l'utilisation d'avions civils ou militaires à des fins incompatibles avec les obligations internationales et nationales découlant des normes en vigueur en ce qui concerne les droits de l'homme. Il ne fait cependant aucun doute que la Belgique est tenue, tant par les normes internationales qu'elle a ratifiées que par sa propre Constitution, de faire respecter les droits en question.

    La commission du suivi n'a pas l'intention d'entreprendre ici une étude exhaustive des obligations légales imposées à notre pays par les normes internationales et par sa Constitution. Il suffira de se reporter aux volumineux rapports déjà publiés dans le cadre de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe.

    Deux rapports commentent en détails les obligations des États:

    — Le rapport du Réseau UE d'experts indépendants en matière de droits fondamentaux (19) ;

    — L'avis de la Commission européenne de la Démocratie par le droit (Commission de Venise (20) )

    La commission du suivi n'a pas connaissance de personnes qui auraient été arrêtées sur le territoire belge. Aucun rapport ne contient la moindre indication à ce sujet. Il se peut toutefois que plusieurs avions transportant des prisonniers aient atterri en Belgique — l'enquête du Comité R n'est pas formelle à ce propos.

    La commission estime qu'il est quasiment exclu, d'après les informations dont elle dispose, que des personnes aient été incarcérées en Belgique en vue d'être transférées.

    Néanmoins, la commission du suivi estime opportun, au stade actuel de l'enquête, de souligner les obligations de droit international de la Belgique dans l'hypothèse où des vols auraient eu lieu dans son espace aérien ou que des avions auraient fait escale dans un aéroport belge.

    Dans son avis la Commission de Venise en dit ce qui suit:

    « 143. L'exigence de ne pas exposer un prisonnier au risque réel de mauvais traitement s'applique également au transit de prisonniers à travers le territoire des États membres du Conseil de l'Europe. En conséquence, les États membres ne doivent pas autoriser le transit dans des circonstances susceptibles de présenter un tel risque.

    144. Il peut arriver qu'un État membre du Conseil de l'Europe ait des raisons sérieuses de croire que la mission d'un aéronef traversant son espace aérien est de transporter des prisonniers en vue de les transférer vers des pays où ils pourraient subir des mauvais traitements.

    145. Tant qu'il ne demande pas à atterrir, cet aéronef se trouve dans l'espace aérien. À ce titre, toutes les personnes à bord relèvent de la juridiction de l'État pavillon et de l'État territorial. Selon la Commission, la responsabilité des États membres du Conseil de l'Europe au regard de la CEDH serait engagée si ces États ne prenaient pas les mesures préventives en leur pouvoir. De surcroît, ils pourraient être tenus responsables d'avoir aidé un autre État à commettre un acte illicite. Toujours selon la Commission, il s'ensuit que l'État territorial a le droit et le devoir de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher toute violation des droits de l'homme dans son territoire, notamment dans son espace aérien.

    146. Il est évident qu'il n'est pas facile, du point de vue pratique, de garantir la protection efficace des droits de la Convention lorsqu'un aéronef traverse l'espace aérien d'un État membre du Conseil de l'Europe, ou sur une base militaire hébergeant des forces étrangères sur le territoire de cet État. Cette difficulté peut influer sur la portée des obligations qui incombent à un État de protéger les droits de l'homme en vertu de la Convention. Sans préjuger de cette question plus large, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme établit nettement que le devoir de l'État de protéger les droits les plus élémentaires dans le cas présent (droit à la sécurité de la personne, interdiction de la torture et droit à la vie) continue de s'appliquer, sans s'arrêter au cas d'acquiescement ou de connivence.

    147. L'État territorial peut prendre différentes mesures à l'égard de l'aéronef soupçonné, selon son statut.

    148. Si l'aéronef en question s'est présenté comme un avion civil, sans avoir dûment demandé d'autorisation préalable conformément à l'article 3 c) de la Convention de Chicago, cet aéronef viole la Convention de Chicago. En conséquence, l'État territorial peut et doit exiger l'atterrissage. L'aéronef qui n'a pas déclaré ses fonctions d'État ne peut donc pas avoir droit au statut d'aéronef d'État et bénéficier de l'immunité. L'État territorial aura donc le droit et le devoir d'inspecter l'avion conformément à l'article 16 de la Convention de Chicago, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les droits de l'homme. Il aura également le droit de protester par les voies diplomatiques appropriées.

    149. Si l'avion s'est présenté comme un avion d'État et a obtenu une autorisation de survol sans dévoiler le but de sa mission, l'État territorial pourrait prétendre que l'État pavillon a violé les obligations qui lui incombent en vertu des traités internationaux. L'État pavillon pourrait ainsi être confronté à sa responsabilité internationale. Cela étant, l'aéronef obtiendra en principe l'immunité conformément au droit international général et aux traités applicables. L'État territorial ne sera donc pas en mesure d'inspecter l'aéronef, sauf accord du capitaine.

    150. Toutefois, l'État territorial peut refuser d'autres autorisations de survol à l'État pavillon ou imposer une obligation de se soumettre aux inspections. Si l'autorisation de survol découle d'un traité bilatéral, d'une Convention SOFA ou d'un accord relatif aux bases militaires, les termes d'un tel traité pourraient être remis en question s'ils ne permettaient pas de procéder à des inspections en vue de garantir le respect des droits de l'homme. De même, l'interprétation abusive de ces termes pourrait être invoquée. À cet égard, la Commission de Venise rappelle que le cadre juridique concernant les bases militaires étrangères situées sur le territoire des États membres du Conseil de l'Europe doit permettre à ces derniers d'exercer des pouvoirs suffisants pour qu'ils puissent respecter leurs obligations en matière de protection des droits de l'homme.

    151. Bien que la confiance mutuelle et la coopération économique et militaire entre États amis exigent d'être encouragées, en présence d'indications sérieuses de risques de mauvais traitements, les États membres du Conseil de l'Europe doivent demander des garanties supplémentaires concernant le respect des droits de l'homme en matière de survol et de transit. Dans cette situation, il pourrait s'avérer nécessaire d'insérer de nouvelles clauses, y compris le droit d'inspection, comme condition pour l'autorisation par voie diplomatique en faveur d'avions d'État transportant des prisonniers au cours de missions spéciales. Lorsqu'il y existe des raisons plausibles de soupçonner que, dans certaines catégories de cas, les droits humains de certains passagers risquent d'être violés, les États doivent en effet conditionner les autorisations de survol au respect de clauses « droits de l'homme » explicites. La conformité avec les procédures d'autorisation de survol doit être strictement surveillée; les demandes d'autorisation de survol doivent fournir des informations suffisantes pour que la surveillance puisse être efficace (par exemple, l'identité et le statut [passager volontaire ou involontaire] de toutes les personnes à bord et la destination du vol, ainsi que la destination finale de chaque passager). En cas de nécessité, le droit d'inspecter des avions civils doit être exercé.

    152. En vue d'éviter leur répétition, toute violation des principes de l'aviation civile en rapport avec le transport irrégulier de prisonniers doit être dénoncée et portée à l'attention des autorités compétentes, voire du public. Les États membres du Conseil de l'Europe pourraient porter d'éventuels manquements à la Convention de Chicago devant le Conseil de l'OACI conformément à l'article 54 de la Convention de Chicago.

    153. En ce qui concerne les obligations qui incombent aux États membres du Conseil de l'Europe en matière de traité, la Commission considère qu'ils ne sont pas tenus d'autoriser les « remises » ou d'accorder des autorisations de survol aux fins de lutter contre le terrorisme. Selon la Commission, les États doivent interpréter et exécuter les obligations en matière de respect des traités, y compris celles qui découlent du traité de l'OTAN, des accords relatifs aux bases militaires, des conventions SOFA, lorsqu'ils sont applicables, d'une manière compatible avec leurs obligations dans le domaine des droits de l'homme. En ce qui concerne notamment le Traité de l'OTAN, la Commission souligne que ce principe est exprimé dans l'article 7 selon lequel « [L]e présent traité n'affecte pas et ne sera pas interprété comme affectant en aucune façon les droits et obligations découlant de la Charte pour les parties qui sont membres des Nations unies ». Même si l'on peut avancer que les États membres de l'OTAN ont rempli leurs obligations en matière de transfert irrégulier de prisonniers ou de survol inconditionnel, la Commission rappelle que si la violation d'une obligation assumée en vertu d'un traité est déterminée par la nécessité d'être conforme à une norme impérative (jus cogens), elle ne donne pas lieu à un fait internationalement illicite. Comme il est souligné ci-dessus (paragraphe 43), l'interdiction de la torture est une norme impérative. »

    La commission du suivi se rallie globalement à ces conclusions. Il est clair que, rien qu'en vertu de ses obligations de droit international, la Belgique est tenue de garantir activement les droits fondamentaux de quiconque se trouve sur son territoire.

    Parallèlement, il ne fait aucun doute que la lutte contre le terrorisme nécessite une étroite collaboration à l'échelle internationale. La Belgique, les États membres de l'Union européenne, les États membres du Conseil de l'Europe et les États-Unis d'Amérique sont des alliés dans cette lutte. Le seul moyen de combattre le terrorisme est d'agir avec détermination dans tous les pays.

    Si l'on veut remporter des succès dans cette lutte, il est également évident, néanmoins, que les moyens utilisés à cet effet doivent reposer sur un profond respect des valeurs universelles de dignité humaine, de liberté, d'égalité, ainsi que des droits fondamentaux garantis tant par le droit international que par nos propres règles de droit interne. Les moyens mis en œuvre doivent pouvoir franchir avec succès le cap du contrôle démocratique parlementaire et être fondés sur la primauté du droit (« rule of law »).

    Si abjects et barbares que soient les actes de terrorisme, il faut se garder de tomber dans le piège ultime qui consisterait, en les combattant, à ne pas observer strictement nos règles juridiques fondamentales. En s'abaissant, dans la lutte contre le terrorisme, au niveau sans foi ni loi de l'adversaire, notre société saperait les fondements mêmes sur lesquels elle repose. En agissant ainsi, nous nierions les valeurs prônées par nos sociétés et ôterions tout crédibilité à notre condamnation du terrorisme.

    La commission du suivi fait les recommandations suivantes:

    Quatrième recommandation

    La commission du suivi recommande au gouvernement d'augmenter ses efforts pour assurer le respect des droits fondamentaux sur le territoire du pays, notamment en renforçant le contrôle et l'inspection des avions qui survolent le territoire du pays ou y atterrissent, que ce soient des vols civils ou militaires.

    Cinquième recommandation

    La commission du suivi recommande au gouvernement de prendre sans tarder l'initiative de mettre au point, au niveau international, notamment en collaboration avec les autres pays de l'Union européenne, les États membres du Conseil de l'Europe et les États-Unis, une véritable stratégie globale pour faire face à la menace terroriste, en se fondant notamment sur des instruments conformes aux principes fondamentaux de notre patrimoine commun en matière de démocratie, de respect des droits de l'homme et de primauté du droit.

    Sixième recommandation

    La commission du suivi recommande au gouvernement de rappeler aux États membres de l'Union européenne et aux États membres du Conseil de l'Europe qui collaboreraient à de telles infractions qu'ils sont juridiquement responsables de la protection des droits fondamentaux de leurs ressortissants.

    Septième recommandation

    La commission du suivi encourage le gouvernement dans ses efforts en vue de promouvoir une réelle politique de sécurité européenne dans laquelle un service de renseignements européen a sa place.


    Confiance a été faite aux rapporteurs pour la rédaction du présent rapport.

    Les rapporteurs, La présidente,
    Christine DEFRAIGNE. Hugo VANDENBERGHE. Anne-Marie LIZIN.

    (1) « Rendition » or « extraordinary rendition » are not legally defined terms. They are normally understood to mean the apprehension and subsequent transfer of a person from one jurisdiction to another, outside the framework of legally defined procedures such as extradition, deportation, or transfer of sentenced persons ans possibly with the risk of being subjected to torture or inhuman and degrading treatment. Such renditions involve multiple human rights violations, including transfer in breach of the principle of non-refoulement, as well as arbitrary arrest and incommunicado detention. The victim is placed in a situation of complete defencelessness with no judicial control or oversight by the European Committee for the Prevention of Torture (CPT) leaving the door open for the use of torture and other forms off ill-treatment. » Council of Europe, 28 February 2006 — Secretary General's report under Article 52 ECHR on the question of secret detention and transport of detainees suspected of terrorists acts, notably by or at the instigation of foreign agencies, www.coe.int/sg/e/

    (2) De Morgen, 25 novembre 2005.

    (3) Chambre des représentants, compte rendu intégral, jeudi 1er décembre 2005, CRIV 51 PLEN 172. p. 19.

    (4) Sénat de Belgique — séances plénières — jeudi 8 décembre 2005 — annales 3-139, p. 13.

    (5) Disponible sur http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2006/20060124_Jdoc032006_F.htm

    (6) Jaco Alberts, « CIA-vluchten dikwijls via Nederland » NRC Handelsblad, 15 février 2006.

    (7) Ministre flamand des Travaux publics, de l'Énergie, de la Nature et de l'Environnement.

    (8) Guy Van Vlierden « Geheim CIA-vliegtuig passert wel in België », Het Laatste Nieuws — 18 februari 2006.

    (9) Voir toutefois les conclusions page 9.

    (10) Voir page 3 du présent rapport.

    (11) Jaco Alberts, « CIA-vluchten dikwijls via Nederland », NRC Handelsblad, 15 février 2006.

    (12) La commission Arar a été mise en place au Canada afin d'enquêter sur le cas de ce citoyen syro-canadien expulsé vers la Syrie par les autorités américaines en raison des soupçons de terrorisme pesant sur lui, www.commissionarar.ca

    (13) Le Comité permanent R rappelle qu'il s'est rendu sur place au SGRS et à la Sûreté de l'État le 9 décembre 2005 et qu'il a demandé des informations actualisées aux deux services le 24 février 2006. Il a clôturé et approuvé son premier rapport le 2 mars 2006. Ce rapport a été transmis le 3 mars 2006 à la présidente du Sénat, à la ministre de la Justice et au ministre de la Défense nationale.

    (14) D'une manière générale, le Comité permanent R estime que cette classification n'est pas justifiée dans le contexte de l'affaire par rapport aux impératifs de protection visés par la loi. Tous les faits sont déjà dans le domaine public. La déclaration de l'administrateur général prise par le Comité permanent R n'était initialement pas classifiée. L'administrateur général de la Sûreté de l'État a appliqué cette classification par la suite.

    (15) Ce projet de texte a été préparé par la Sûreté de l'État en vue de répondre publiquement à une demande adressée par Amnesty International, via les médias, au gouvernement belge suite à un rapport de synthèse publié le 5 avril 2006. La Sûreté de l'État soumet la publication à la décision de la ministre de la Justice.

    (16) Parlement européen, Commission temporaire sur l'utilisation présumée par la CIA de pays européens pour le transport et la détention illégale de prisonniers, Projet de rapport intérimaire sur l'utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers, par M. Giovanni Claudio Fava, PE 372 179v01-00.

    (17) Voir le rapport de la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe: « Allégations de détentions secrètes et de transferts illégaux de détenus concernant des États membres du Conseil de l'Europe », Doc. 10957 du 12 juni 2006.

    (18) Commission temporaire sur l'utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers, Rapport intermédiaire du 15 juin 2006, Doc. A6-0213/2006.

    (19) THE HUMAN RIGHT RESPONSIBITIES OF THE EU MEMBER STATES IN THE CONTEXT OF THE C.I.A. ACTIVITIES IN EUROPE (« EXTRAORDINARY RENDITIONS »), Opinion no 3-2006:, 25 mai 2006.

    (20) AVIS SUR LES OBLIGATIONS LEGALES INTERNATIONALES DES ETATS MEMBRES DU CONSEIL DE L'EUROPE CONCERNANT LES LIEUX DE DETENTION SECRETS ET LE TRANSPORT INTERETATIQUE DE PRISONIERS.