3-1235/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2004-2005

10 JUIN 2005


Proposition de loi modifiant l'article 147bis du Code électoral en ce qui concerne le vote par procuration

(Déposée par Mme Nele Jansegers et M. Yves Buysse)


DÉVELOPPEMENTS


Les dispositions légales régissant la procuration électorale ont pour but de permettre au plus grand nombre possible d'électeurs de remplir leur obligation de vote, même s'ils se trouvent dans l'impossibilité de se rendre personnellement au bureau de vote le jour du scrutin.

La loi contient toutefois encore des dispositions qui compliquent inutilement le vote par procuration et qui le rendent même impossible pour toute une série d'électeurs pourtant désireux d'émettre leur suffrage.

La présente proposition de loi entend supprimer ces restrictions afin de permettre au plus grand nombre possible d'électeurs empêchés de se rendre aux urnes le jour du scrutin, de voter malgré tout par procuration.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

A) Le code électoral dispose en son article 147bis, § 1er, 1º, que l'électeur qui, pour cause de maladie ou d'infirmité, est dans l'incapacité de se rendre au bureau de vote peut mandater un autre électeur pour voter en son nom. Or, il y a aussi des électeurs qui sont dans l'incapacité de se rendre au bureau de vote en raison de la maladie d'un tiers (parent, partenaire, enfant, ...) parce que leur présence au chevet du malade est nécessaire ou indiquée.

Une mère célibataire, par exemple, ne pourra pas laisser son enfant malade seul pendant qu'elle se rend au bureau de vote. Une personne qui s'occupe d'un parent handicapé ou atteint de démence ne peut, dans bien des cas, pas laisser celui-ci seul à la maison. Les personnes agonisantes ne peuvent pas non plus être laissées seules pour cause de vote obligatoire.

Toutes celles et ceux qui s'occupent d'un malade ou d'une personne nécessitant une assistance devraient avoir la possibilité de voter par procuration. Un certificat médical certifiant que leur présence est requise pour cause de maladie ou d'infirmité d'un parent ferait office d'attestation.

B) L'article 147bis, § 1er, 2º, du Code électoral prévoit actuellement, dans certaines circonstances, un régime de procuration pour les électeurs empêchés de remplir leur obligation électorale pour des raisons professionnelles ou de service. Cette rubrique devrait, selon nous, comprendre aussi les indépendants et les dirigeants d'entreprise dont les activités en Belgique ou à l'étranger ne leur permettent pas d'aller voter en personne. Un dirigeant d'entreprise ou un indépendant qui se rend à l'étranger pour affaires, par exemple, devrait aussi pouvoir voter par procuration. Le boulanger ou le boucher dont le magasin ouvre le dimanche devrait également pouvoir en faire autant lorsque l'horaire d'ouverture de son établissement commence avant l'heure de début du scrutin et se prolonge au-delà de l'heure de fermeture des bureaux de vote. Ces personnes devraient pouvoir faire une déclaration sur l'honneur qui leur permettrait de mandater un autre électeur pour voter en leur lieu et place.

En réponse à une question parlementaire à ce sujet posée par le député Bart Laeremans, le ministre a déclaré: « Lorsqu'il s'agit d'un indépendant, le bourgmestre peut délivrer une attestation à condition que l'intéressé produise éventuellement un justificatif de l'absence. »

Il s'ensuit que l'indépendant est soumis au bon vouloir du bourgmestre. L'inscription dans la loi d'un régime spécifique pour les indépendants et les dirigeants d'entreprise serait un facteur d'uniformité et de sécurité juridique.

C) L'article 147bis, § 1er, 7º, du code électoral, offre actuellement aussi la possibilité de voter par procuration à l'électeur qui séjourne à l'étranger pour des raisons autres que professionnelles, c'est-à-dire à l'électeur qui est en vacances à l'étranger.

Celui-ci peut mandater un autre électeur pour voter à sa place, mais il doit à cette fin se procurer auprès du bourgmestre une attestation qui ne lui sera délivrée que sur présentation d'un titre de réservation et ce, au plus tard le 15e jour avant l'élection.

Cette règle soulève toutefois deux problèmes.

Le premier concerne le délai de 15 jours. À chaque élection, il y a des électeurs qui ont réservé un voyage censé avoir lieu pendant le week-end où a lieu le scrutin. Contrairement aux politiciens de métier et aux fonctionnaires, beaucoup de citoyens ne prennent conscience de la tenue d'élections qu'à partir du moment où ils reçoivent leur convocation dans la boîte aux lettres. À ce moment-là, il est généralement déjà trop tard pour obtenir une attestation à la commune, de sorte que les personnes concernées ne peuvent pas aller voter. Elles peuvent en revanche s'excuser, ce qui leur permettra d'éviter toute poursuite, mais elles ne pourront pas voter par procuration, même si elles le souhaitent. Parfois, c'est aussi l'inverse qui se produit: les seniors, les jeunes, etc. ont de plus en plus tendance à faire de longs voyages à l'étranger ou à séjourner pendant plusieurs mois chez des membres de la famille habitant dans un autre pays. Au moment de leur départ, la plupart des communes ne disposent pas encore de formulaires de procuration et il arrive même, par exemple dans le cas d'élections anticipées, que la date du scrutin ne soit pas encore connue. Les personnes se trouvant dans cette situation n'ont pas non plus l'opportunité de voter par procuration.

Nous ne voyons aucun motif valable justifiant le délai actuel de 15 jours, qui ne s'applique qu'à cette catégorie d'électeurs souhaitant voter par procuration. La convocation n'est pas envoyée au mandataire, les titres de réservation ne doivent pas être contrôlés par une quelconque autorité, la maison communale est de toute façon ouverte le jour du scrutin. On peut en effet y retirer, jusqu'à midi le jour du scrutin, sa convocation ou un formulaire de procuration pour motif autre que des vacances à l'étranger.

La proposition à l'examen vise à supprimer ce délai et à faire ainsi en sorte que le plus grand nombre possible d'électeurs puissent émettre leur suffrage.

Un autre problème récurrent et préoccupant est lié à la présentation d'un titre de réservation. Nombre de nos compatriotes partent en voyage en voiture parce qu'ils font du camping ou qu'ils séjournent chez des membres de la famille ou des amis à l'étranger. Ils n'ont donc pas l'opportunité de voter par procuration puisque seules les personnes pouvant produire un billet d'avion, d'autocar ou de bateau ou encore une réservation à l'hôtel ou dans un centre de vacances se voient délivrer une attestation. Il s'agit en fait d'une forme de discrimination grossière, étant donné que les personnes qui optent (par nécessité ou non) pour une forme moins coûteuse de voyage ne peuvent pas obtenir d'attestation. Elles peuvent certes obtenir une attestation délivrée par la commune où elles ont séjourné pour excuser leur absence le jour du scrutin et éviter ainsi les poursuites, mais elles n'ont pas la possibilité d'émettre leur suffrage si elles le souhaitent.

La présentation d'un titre de réservation est une règle pratique, mais cette présentation est-elle vraiment nécessaire ? Lorsqu'un électeur déclare sur l'honneur qu'il sera en vacances à l'étranger le jour du scrutin, pourquoi cette déclaration ne pourrait-elle pas lui permettre de se voir délivrer une attestation en vue de voter par procuration ? L'électeur désireux d'éviter des poursuites pour n'avoir pas rempli son obligation de voter doit en effet, à son retour de voyage, fournir la preuve qu'il se trouvait effectivement à l'étranger le jour du scrutin. Cette preuve (facture de camping nominative, attestation de la commune où l'intéressé séjournait le jour du scrutin) pourra servir à contrôler la déclaration sur l'honneur. Si l'électeur n'est pas en mesure de produire une preuve à l'appui de sa déclaration, il pourra se voir infliger des sanctions.

Nombre d'électeurs actuellement exclus du scrutin en raison de la manière qu'ils ont choisie de voyager, pourraient ainsi voter par procuration.

E) Comme on l'a dit plus haut, les personnes qui partent en voyage plusieurs mois avant les élections et ne reviennent qu'après celles-ci, ne peuvent généralement pas se rendre à la maison communale pour y retirer à un formulaire de procuration.

Une étude par sondage menée auprès de plusieurs villes et communes révèle que les formulaires de procuration ne sont disponibles que quelques semaines avant la date du scrutin.

C'est pourquoi nous proposons que les administrations communales soient tenues de faire en sorte que le formulaire de procuration soit disponible à tout moment, afin que les personnes concernées puissent — le cas échéant — prendre les dispositions nécessaires déjà plusieurs mois avant les élections.

Nele JANSEGERS.
Yves BUYSSE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

À l'article 147bis du Code électoral, inséré par la loi du 5 juillet 1976, sont apportées les modifications suivantes:

A) au § 1er, 1º, les mots « de lui-même, d'un parent ou allié ou d'un cohabitant » sont insérés entre les mots « pour cause de maladie ou d'infirmité » et les mots « est dans l'incapacité »;

B) au 2º du même paragraphe sont ajoutées les phrases suivantes:

« L'indépendant ou le dirigeant d'entreprise auquel son activité professionnelle ne permet pas de voter en personne, peut également le faire par procuration. Il devra produire une déclaration sur l'honneur à l'appui de la procuration. »;

C) au 7º du même paragraphe, inséré par la loi du 5 avril 1995, après les mots « des pièces justificatives nécessaires; » est inséré le membre de phrase suivant: « si les pièces justificatives ne peuvent être produites que le lendemain du scrutin, une déclaration sur l'honneur suffit pour se faire délivrer ledit certificat par le bougmestre; »;

D) le dernier alinéa du même paragraphe est abrogé;

E) l'alinéa 1er du § 3 est complété in fine par les mots: « , où il est disponible à tout moment ».

12 avril 2005.

Nele JANSEGERS.
Yves BUYSSE.