3-1174/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2004-2005

29 AVRIL 2005


Proposition de résolution relative à la garantie universelle des droits de la femme à la suite des actes de violence commis en Turquie à l'égard des femmes qui manifestaient pour l'obtention de droits et contre l'oppression, l'exploitation et la violence sexuelles

(Déposée par Mme Nele Jansegers et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Au début du mois de mars de cette année, des femmes turques manifestèrent à l'occasion de la journée internationale de la femme, en particulier contre l'oppression, l'exploitation et la violence sexuelles.

Comme les forces de l'ordre turques, connues pour ne pas faire dans la dentelle, considéraient que la manifestation était interdite et que de manière générale, elles n'admettent pas que des femmes s'expriment dans la rue, la manifestation fut brutalement disloquée avec force coups de matraques et à grand renfort de gaz lacrymogènes.

À ce moment-là précisément, une délégation européenne était en visite à Ankara. Le ministre turc des Affaires étrangères promit, sur les instances des visiteurs européens, d'ouvrir une enquête sur les événements. Une ferme condamnation des violences policières par les autorités turques s'est néanmoins fait attendre.

Nul n'ignore que la Turquie a mauvaise réputation sur le plan du respect des droits de l'homme et en particulier des droits de la femme. Fin de l'année dernière, les négociateurs européens rappelaient déjà la Turquie à l'ordre concernant les déficiences — et c'est un euphémisme — en matière de droits de la femme dans ce pays.

Entre-temps, les choses n'ont guère voire pas du tout changé, comme le prouve un récent rapport (1) d'Emine Bozkurt, une eurodéputée qui, en novembre 2004, a été désignée comme rapporteuse en matière de droits de la femme en Turquie.

Le rapport déclare sans détour: « Les femmes maltraitées ne bénéficient toujours pas d'une protection suffisante, le pays ne compte que quatorze maisons d'accueil, l'enseignement dispensé aux filles est insuffisant, les fonctionnaires ne sont pas familiarisés avec la problématique, le nombre de femmes actives dans la politique turque est très peu élevé et la participation des femmes au marché du travail est beaucoup trop faible. Il n'y a pas non plus de statistiques dignes de ce nom sur la violence faite aux femmes et les chiffres qui existent ne sont pas exacts. Les femmes ne sont pas un sujet prioritaire en Turquie (2) . »

Pour les auteurs de la présente proposition de résolution, cela prouve une fois de plus que les autorités turques jettent de la poudre aux yeux des partisans européens de son adhésion. Le pays s'empresse de faire voter, pour la forme, par le parlement une série de lois d'harmonisation et fait quelques promesses solennelles à la trop crédule opinion publique europénne, mais, sur le terrain, il en va tout autrement. Dans la pratique, la Turquie continue en effet à bafouer les droits de l'homme de manière quasi généralisée, et en particulier, à traiter les femmes d'une façon particulièrement blâmable. Dans la très patriarcale culture turque, une femme n'est rien d'autre que la propriété de son mari, et pas une personne à part entière. Pour que cette situation évolue, il faudrait un vaste changement des mentalités.

Nous doutons néanmoins sérieusement qu'une telle chose soit possible dans un pays dont le premier ministre est membre d'un parti islamiste, et donc partisan d'une croyance qui n'est pas particulièrement renommée pour son respect des femmes.

Selon les auteurs, le pays n'est tout simplement pas mûr pour la démocratie, ni a fortiriori pour une adhésion à l'Europe, le berceau de l'état de droit démocratique.

Nele JANSEGERS.
Joris VAN HAUTHEM.
Karim VAN OVERMEIRE.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION


Le Sénat,

A. considérant que la violence doit, en toute circonstance, être explicitement condamnée;

B. considérant que, de par le monde, la violence contre les femmes, l'exploitation et les mutilations sexuelles, la traite des êtres humains, les mariages forcés, l'oppression et la mise à l'écart restent malheureusement une réalité quotidienne;

C. considérant que la vie de la femme est particulièrement pénible en Turquie et qu'il est incontestable que les droits des femmes n'y sont pas respectés;

D. considérant que, le dimanche 6 mars dernier, les femmes ont, à juste titre, manifesté pacifiquement en Turquie pour réclamer davantage de droits et dénoncer l'oppression, l'exploitation et la violence sexuelles;

E. considérant que la police turque est toutefois intervenue de manière particulièrement violente à l'encontre de ces manifestantes, n'hésitant pas à faire notamment usage de la matraque et de gaz lacrymogène et allant jusqu'à donner des coups de pied au visage de certaines manifestantes;

F. considérant que des photos et des images télévisées sans équivoque témoignent de l'intervention scandaleuse de la police turque et de cette violation manifeste des droits de l'homme, en particulier de la liberté d'expression;

G. considérant qu'il est établi que la Turquie ne prend guère d'initiatives en vue de mieux garantir le respect des droits de la femme et de concrétiser l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes en prenant des dispositions légales contraignantes;

H. considérant qu'il convient également de souligner, dans ce contexte, que la Turquie n'est pas le seul pays où les femmes font l'objet de discriminations, que les droits de la femme sont gravement violés de par le monde et qu'il convient d'y consacrer l'attention nécessaire;

demande au gouvernement fédéral,

1. d'insister auprès du gouvernement turc pour qu'il condamne explicitement les violences perpétrées contre les femmes et de veiller à ce que les droits des femmes soient respectés, en particulier en Turquie;

2. d'insister auprès de l'Union européenne pour qu'elle mette immédiatement un terme aux négociations d'adhésion avec la Turquie.

14 avril 2005.

Nele JANSEGERS.
Joris VAN HAUTHEM.
Karim VAN OVERMEIRE.

(1) Avril 2005.

(2) Gazet van Antwerpen du 6 avril 2005.