3-1066/1

3-1066/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2004-2005

28 FÉVRIER 2005


Proposition de loi insérant, dans la loi du 21 juin 1985 relative aux conditions techniques auxquelles doivent répondre tout véhicule de transport terrestre, ses éléments ainsi que les accessoires de sécurité, un article 4bis et un article 4ter portant des dispositions spéciales relatives à la modification et à la transformation de véhicules

(Déposée par M. Jean-Marie Dedecker)


DÉVELOPPEMENTS


INTRODUCTION

L'industrie de « transformation de véhicules » génère une importante activité économique.

Des entreprises et des particuliers transforment leurs véhicules en fonction de leurs besoins. C'est le cas, par exemple, des services de sécurité qui doivent apporter des adaptations fonctionnelles à leur véhicule pour être en mesure d'accomplir leurs missions.

La transformation d'une voiture peut également être un loisir. Dans le jargon, on appelle cela le « tuning ». L'objectif premier est alors de personnaliser une voiture (par exemple, en la dotant de jantes enjolivées, d'un spoiler, d'embouts chromés de tuyaux d'échappement, d'un volant gainé de cuir, ou encore en la surbaissant, etc.).

À partir du début des années 80, on a adopté une politique de tolérance à l'égard des transformations de véhicules, pour autant qu'elles ne risquaient pas de porter atteinte à la sécurité routière. Les choses changèrent en 2002, en ce sens que, depuis, les services de police obligèrent de plus en plus souvent les conducteurs des voitures transformées à se présenter dans une station de contrôle technique, qu'ils procédèrent dans certains cas à des verbalisations, voire contraignirent les intéressés à démonter des pièces sur place.

L'arrêté royal du 17 mars 2003 (modifiant l'arrêté royal du 15 mars 1968, voir plus loin) faisait déjà mention d'une nouvelle réglementation destinée à clarifier les choses. Celle-ci ne fut toutefois mise en application qu'en 2004 avec la publication de la circulaire ministérielle (C — 2004/14038) « relative aux véhicules surbaissés (cat. M1) » qui mentionne des règles concernant le surbaissement des véhicules ainsi que des dispositions spécifiques relatives au contrôle technique des véhicules transformés (parue au Moniteur belge du 19 mars 2004) et qui est entrée en vigueur le 22 mars 2004.

L'auteur est d'avis qu'il faut légiférer afin d'offrir une plus grande sécurité juridique à toute personne qui est associée à la transformation de véhicules. Il va de soi que, dans ce domaine, la sécurité routière et la qualité des produits sont des aspects essentiels. La présente proposition de loi vise également à inscrire le problème dans une « logique économique européenne » et, d'une manière générale, à réduire au maximum les formalités administratives et les frais pour tous les intéressés.

LA RÉGLEMENTATION ACTUELLE

L'arrêté royal du 15 mars 1968 portant règlement général sur les conditions techniques auxquelles doivent répondre les véhicules automobiles et leurs remorques dispose expressément en son article 3 que la mise en circulation sur la voie publique d'un châssis ou d'un véhicule autoportant est interdite lorsque celui-ci n'est pas en tous points conforme au type qui a été agréé par un PVA belge (procès-verbal d'agréation), ou par un COC (certificat de conformité européen).

En outre, selon l'article 13 du même arrêté royal, toute modification ou transformation d'un véhicule doit être agréée par le constructeur du véhicule ou par son mandataire. Par modifications ou transformations, il faut entendre des changements profonds au niveau, par exemple, de la direction, du système de suspension, d'émission ou de freinage, ou des changements fondamentaux contraires au PVA ou au COC existants, au niveau du châssis ou de la carrosserie autoportante. Il va sans dire que le véhicule modifié ou transformé doit en outre respecter toutes les autres prescriptions réglementaires et présenter les mêmes garanties de sécurité qu'avant les modifications ou les transformations.

PROPOSITION

Trois types de modifications et de transformations autorisées par la loi

La proposition prévoit trois types de modifications et de transformations légalement autorisées (c'est-à-dire des transformations effectuées à un véhicule de telle façon qu'il ne soit plus conforme au procès-verbal d'agréation ) :

1. Réglementation « ex-factory » : avec l'accord du constructeur ou de son mandataire (il s'agit donc, en l'espèce, de « transformations originales » effectuées sous la responsabilité du constructeur);

2. Réglementation « passeport européen » : si le véhicule a été transformé et/ou mis en circulation de manière réglementaire dans un autre État membre de l'Espace économique européen, il doit être agréé comme tel en Belgique (sous la responsabilité de la personne qui l'a mis « en circulation » en Belgique);

3. Réglementation « après-vente » («after-market ») : il s'agit en l'espèce de transformations effectuées et attestées par certains professionnels, comme les garagistes ou les carrossiers (et sous leur responsabilité), au moyen de pièces dont la qualité est contrôlée et certifiée dans un rapport établi par un organisme de contrôle agréé (répondant aux normes EN requises). Il doit être établi que l'organisme en question vérifie qu'aucune pièce ne risque d'influencer de manière négative le comportement du conducteur ou la sécurité du véhicule. Il va de soi qu'en la matière, c'est la réglementation belge, telle que prévue par l'arrêté royal du 15 mars 1968 et d'autres textes réglementaires, qui est d'application (et il se peut qu'elle soit plus stricte que la réglementation en vigueur dans un autre État de l'EEE).

Dans le cadre de cette réglementation, l'auteur tient compte des dispositions du règlement européen 1400/2002 qui met fin au monopole sur la vente de pièces de rechange d'origine et garantit le libre choix des pièces, dont les pièces « conformes » et les pièces de « qualité équivalente » à la qualité de celles qui sont fabriquées par le constructeur.

Suppression du rapport de validation

L'auteur souhaite supprimer les lourdes formalités administratives liées au « rapport de validation ».

— À l'heure actuelle, la réglementation prévoit que la transformation doit être exécutée conformément aux exigences pour l'agréation des véhicules surbaissés et que la conformité est attestée par un rapport établi par un laboratoire reconnu (organisme de contrôle) et devant être validé (en l'espèce, par le GOCA ASBL, à savoir le « Groupement des entreprises agréées de contrôle automobile et du permis de conduire »). Voir à ce sujet la circulaire du 19 mars 2004 relative aux véhicules surbaissés (cat. M1). Cela génère aussi des frais superflus pour le transformateur ou son mandataire. L'auteur est d'avis que l'attestation du laboratoire reconnu contient une information suffisante au sujet de la transformation pour la station de contrôle technique.

— Toutefois, il est prévu qu'au cas où cette attestation ne serait pas rédigée en néerlandais, en français ou en allemand (ce qui pourrait évidemment arriver si le laboratoire de l'organisme est établi à l'étranger), le responsable de la station de contrôle technique pourrait exiger qu'elle soit traduite dans la langue de la région linguistique où la station en question est établie.

Attestation de montage

L'obligation de présenter « l'attestation de montage » est, bien entendu, maintenue, sinon il serait impossible de vérifier si la législation en question est respectée. L'attestation de montage doit être demandée par le client au monteur, qui lui-même la demande auprès d'une fédération (Federauto ou le Groupement des unions professionnelles de garagistes).

Station de contrôle technique spécialisée

Pour des raisons pratiques, il est prévu que le contrôle technique (ainsi que les contrôles périodiques) d'un « véhicule ayant fait l'objet d'une modification ou d'une transformation ayant rapport au châssis, à la carrosserie ou aux équipements, avec comme conséquence une modification des caractéristiques techniques du véhicule », doit avoir lieu dans une station de contrôle technique spécialisée. Aujourd'hui, ces véhicules sont déjà dirigés vers les stations de contrôle technique pour « contrôle après accident » qui sont des services spécialisés disposant d'une expertise, sachant quelles sont les transformations autorisées (ce qui exige, entre autres, qu'elles soient au courant de ce qui est autorisé dans le pays EEE « d'origine ») et disposant du matériel spécialisé requis.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Dans l'Europe d'aujourd'hui, l'ouverture des marchés est maximale. Les auteurs de la présente proposition de loi entendent également la promouvoir dans le domaine en question. Ils estiment que les véhicules qui ont été mis en circulation de manière réglementaire dans d'autres États membres de l'Espace économique européen doivent également pouvoir l'être en Belgique. Une mesure en ce sens constitue avant tout une marque de confiance dans les règlements des partenaires européens et, puis, elle permet d'éviter des surprises désagréables aux personnes qui ont acheté un véhicule réglementaire à l'étranger et qui constatent ensuite qu'il ne passe pas le contrôle dans leur propre pays.

Il va de soi que l'autorisation classique (modifications et transformations avec l'accord du constructeur ou de son mandataire) est maintenue.

Par ailleurs, cet article prévoit que, si la modification ou la transformation du véhicule en Belgique n'est pas effectuée par le constructeur, elle doit l'être par un « transformateur professionnel ». Par « transformateur professionnel » on entend les « garagistes », les « carrossiers » et certaines autres personnes qui sont actives dans le secteur ou, en termes juridiques précis, des personnes qui sont inscrites à la banque-carrefour des entreprises et dont l'activité commerciale est définie, conformément à l'arrêté royal du 9 août 2002 modifiant l'arrêté royal du 31 août 1964 fixant la nomenclature des activités commerciales à mentionner au registre de commerce, par l'une des rubriques suivantes :

5020001 : la réparation de véhicules : réparation de parties mécaniques et réparation électrique;

5020002 : réparation de la carrosserie (y compris la peinture et la peinture au pistolet);

5020004 : l'entretien courant de véhicules : nettoyage, traitement antirouille, renouvellement d'huile, remplacement ou réparation de pneus, remplacement de vitres, etc.;

5020005 : l'installation de pièces et d'accessoires, y compris les travaux de transformation.

Dans la pratique, il peut bien entendu être question d'une autre personne (par exemple, le particulier propriétaire du véhicule), mais il faut alors que la transformation soit effectuée sous le contrôle et la responsabilité du transformateur professionnel (qui doit aussi pouvoir confirmer son intervention a posteriori).

La modification ou la transformation doit en outre être effectuée au moyen de pièces pourvues d'un label de sécurité agréé (par exemple, TÜV ou SAE). Les labels en question sont des certificats de qualité (sécurité) reconnus internationalement.

À l'heure actuelle, les transformations liées au surbaissement d'un véhicule doivent être exécutées conformément aux exigences à remplir en vue de l'agrément des véhicules surbaissés. La conformité doit en être attestée par un rapport d'un laboratoire reconnu. Ce rapport doit être validé par une institution désignée par la direction générale de la Mobilité et de la Sécurité routière, à savoir le Groupement des organismes agréés de contrôle automobile (GOCA ASBL).

Le rapport validé a entre autres pour but l'attribution d'un numéro de référence belge univoque et la mise à la disposition aux institutions visées à l'article 1er, § 1er, 4, des données de contrôle.

L'obligation en question semble entraîner une formalité administrative lourde et superflue. Il suffit que la conformité des modifications et des transformations aux règles en vigueur en Belgique ou dans un autre pays de l'EEE soit attestée par un laboratoire de contrôle reconnu.

On peut exiger que les rapports qui n'ont pas été rédigés dans une des langues nationales soient traduits dans la langue de la région linguistique où la station de contrôle technique est établie (et où le contrôle est réalisé).

Il va de soi qu'un véhicule modifié ou transformé doit être contrôlé dans une station de contrôle technique spécialisée (voir article 3) avant sa mise en circulation.

Article 3

Alinéa 1er

À l'heure actuelle, on critique souvent, d'abord, le fait que la manière dont on est traité varie suivant l'institution à laquelle on s'adresse et, puis, l'insécurité juridique qui en découle. En ce qui concerne les véhicules transformés, il y a une assez grande confusion qui s'explique souvent par le fait que l'on ignore ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas. C'est pourquoi l'auteur propose de confier le contrôle des véhicules transformés aux institutions spécialisées qui sont visées à l'article 1er, § 1er, 4. Grâce à la connaissance spécialisée qu'elles ont de l'ensemble des dispositions réglementaires (résultant des instructions particulières du ministre compétent), et à un matériel de contrôle adéquat, elles peuvent fournir un service de qualité supérieure et uniforme.

C'est au ministre qui a les Communications dans ses attributions qu'il appartiendra de déterminer le nombre requis d'institutions spécialisées. Aux Pays-Bas, il existe, par exemple, le « RDW Testcentrum Lelystad » — ou TCL en abrégé — qui est un laboratoire indépendant de contrôle technique des automobiles, regroupant, sous un même toit, une combinaison unique de services et de produits. En un lieu déterminé, on peut y procéder à des tests d'homologation, y obtenir des certificats nationaux et des certificats internationaux et s'y livrer à des activités de recherche et développement. Pour chaque prestation, l'intéressé a affaire à une seule personne de contact. Cela vaut aussi bien pour l'obtention d'une agréation-type auprès du RDW que pour la gestion des équipements à des fins personnelles. Cette personne de contact est la personne de référence, depuis le début de la préparation des activités jusqu'au moment de la délivrance du rapport de contrôle et des certificats.

Alinéa 2

Cet alinéa fait référence à l'arrêté royal du 23 décembre 1994 portant détermination des conditions d'agrément et des règles du contrôle administratif des organismes chargés du contrôle des véhicules en circulation. On peut donc (vraisemblablement) exiger la présence d'un matériel spécialisé ou le respect d'une norme ISO déterminée pour ce qui est de la qualité de l'organisation de la station de contrôle technique.

Jean-Marie DEDECKER.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Dans la loi du 21 juin 1985 relative aux conditions techniques auxquelles doivent répondre tout véhicule de transport terrestre, ses éléments ainsi que les accessoires de sécurité, il est inséré un article 4bis rédigé comme suit :

« Art. 4bis. — Certaines modifications et transformations de véhicules définies par le Roi ne sont autorisées que dans les cas suivants :

1º lorsqu'elles sont effectuées avec l'accord du constructeur ou de son mandataire;

2º lorsqu'elles sont exécutées conformément aux règles en vigueur dans un État partie contractante à l'Accord sur l'Espace économique européen du 17 mars 1993, duquel les véhicules ont été importés;

3º lorsqu'elles sont exécutées en Belgique par ou sous la surveillance d'un transformateur professionnel, au moyen de pièces conformes pourvues d'un label de sécurité reconnu par le Roi et de manière telle que le véhicule transformé réponde aux exigences visées à l'article 1er, § 1er, 1.

Par transformateur professionnel, il faut entendre une personne dont l'activité commerciale est liée à l'entretien et à la réparation de voitures et est définie dans certaines rubriques désignées par le Roi conformément à l'arrêté royal du 9 août 2002 modifiant l'arrêté royal du 31 août 1964 fixant la nomenclature des activités commerciales à mentionner au registre de commerce.

La conformité des modifications et des transformations aux règles en vigueur en Belgique ou dans tout autre État partie contractante à l'Accord sur l'Espace économique européen du 17 mars 1993 doit être attestée, à des fins de contrôle par une institution visée à l'article 1er, § 1er, 4, alinéa 2, par un laboratoire de contrôle reconnu.

Le Roi peut déterminer quelles sont les précisions minimales qui doivent être mentionnées dans ces attestations.

En ce qui concerne les attestations qui n'ont pas été rédigées dans une des langues nationales, le responsable de l'institution visée à l'alinéa 2 de cet article peut exiger qu'elles soient accompagnées d'une traduction dans la langue ou dans une des langues de la région linguistique où le contrôle a eu lieu.

Eu égard aux dispositions de l'article 4ter, un véhicule qui a fait l'objet des modifications ou transformations visées dans le présent article ne peut être mis en circulation ni être utilisé sur la voie publique sans avoir été soumis à un contrôle. »

Art. 3

Dans la même loi, il est inséré un article 4ter rédigé comme suit :

« Art. 4ter. — La constatation de la licéité des modifications et des transformations visées à l'article 4bis, ainsi que les contrôles périodiques et non périodiques des véhicules, ne peuvent avoir lieu que dans les institutions spécialement désignées à cet effet par le Roi qui appartiennent à la catégorie des institutions visées à l'article 1er, § 1er, 4, alinéa 2.

Le ministre qui a le transport terrestre dans ses attributions, ou son délégué, fixe les conditions d'agrément et d'exploitation des institutions visées à l'alinéa précédent. »

Art. 4

La présente loi entre en vigueur à une date à fixer par le Roi et, au plus tard, le 1er janvier 2006.

28 janvier 2005.

Jean-Marie DEDECKER.