3-700/2

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2004-2005

3 FÉVRIER 2005


RÉVISION DE LA CONSTITUTION


Révision de l'article 41, alinéas 2 et 5, deuxième phrase, de la Constitution


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES INSTITUTIONNELLES PAR MME TALHAOUI


I. INTRODUCTION

Le présent projet de loi trouve son origine dans la proposition de loi qui a été déposée le 21 novembre 2003 à la Chambre des représentants par M. Alfons Borginon et consorts (doc. Chambre, nº 51-468/1).

La Chambre a adopté cette proposition ne varietur en séance plénière du 13 mai 2004, à l'unanimité des 136 membres présents, et elle l'a transmise au Sénat le 14 mai 2004 (Chambre, Compte rendu intégral, nº 51 PLEN 064, pp. 45-46 et 57-58).

La commission des Affaires institutionnelles a examiné le projet de texte ainsi transmis au cours de ses réunions des 21 octobre 2004 et 3 février 2005.

II. OBJET DE LA RÉVISION

À l'article 41, alinéa 2 et alinéa 5, deuxième phrase, de la Constitution, les mots « la loi » seraient remplacés par les mots « la règle visée à l'article 134 ». L'article 41 prévoirait ainsi expressément que les régions sont habilitées à régler les compétences, les règles de fonctionnement et le mode d'élection des organes territoriaux intracommunaux. Il en irait de même pour la consultation populaire portant sur les matières d'intérêt communal ou provincial (voir doc. Chambre, nº 51-468/1, p. 1, résumé).

III. NOTE DU SERVICE DES AFFAIRES JURIDIQUES, D'ÉVALUATION DE LA LÉGISLATION ET D'ANALYSE DOCUMENTAIRE DU SÉNAT

Étant donné que la discussion confronte le projet de loi transmis par la Chambre et la proposition alternative du service des Affaires juridiques, d'Évaluation de la législation et d'Analyse documentaire du Sénat, l'on reproduit tout d'abord ci-dessous la note qui a été rédigée par ce service.

A. Introduction

L'article 41 de la Constitution est rédigé comme suit :

« Art. 41. — Les intérêts exclusivement communaux ou provinciaux sont réglés par les conseils communaux ou provinciaux, d'après les principes établis par la Constitution.

La loi définit les compétences, les règles de fonctionnement et le mode d'élection des organes territoriaux intracommunaux pouvant régler des matières d'intérêt communal.

Ces organes territoriaux intracommunaux sont créés dans les communes de plus de 100 000 habitants à l'initiative de leur conseil communal. Leurs membres sont élus directement. En exécution d'une loi adoptée à la majorité définie à l'article 4, dernier alinéa, le décret ou la règle visée à l'article 134 règle les autres conditions et le mode suivant lesquels de tels organes territoriaux intracommunaux peuvent être créés.

Ce décret et la règle visée à l'article 134 ne peuvent être adoptés qu'à la majorité des deux tiers des suffrages émis, à la condition que la majorité des membres du Conseil concerné se trouve réunie.

Les matières d'intérêt communal ou provincial peuvent faire l'objet d'une consultation populaire dans la commune ou la province concernée. La loi règle les modalités et l'organisation de la consultation populaire ».

L'article 41, alinéa 2 et alinéa 5, deuxième phrase, peuvent être révisés.

La proposition à l'examen vise à remplacer dans l'article 41, alinéa 2 et alinéa 5, deuxième phrase, les mots « la loi » par les mots « la règle visée à l'article 134 ».

B. Observations

Les communautés règlent par décret les matières relèvant de leur compétence (articles 127 à 130 de la Constitution).

Les régions règlent par des « règles » les matières relevant de leur compétence (article 134, alinéa 1er, de la Constitution). Des lois adoptées à une majorité spéciale arrêtent la dénomination de ces règles. Ainsi la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles prescrit-elle que la Région flamande et la Région wallonne règlent par décret les matières relevant de leur compétence (article 19). En ce qui concerne la Région de Bruxelles-Capitale, les compétences régionales sont exercées par la voie d'ordonnances (article 4 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises).

La Constitution ne confère donc aucune dénomination concrète aux instruments normatifs au moyen desquels les régions exercent leurs compétences. Elle utilise simplement le terme général « règle » (1).

Si l'article 41 de la Constitution disposait, comme la proposition de révision le prévoit, que seule la règle visée à l'article 134 règle la matière concernée, cela signifierait nécessairement que la compétence en question est une compétence régionale. Dès lors, la Constitution attribuerait une nouvelle compétence aux régions.

Ceci appelle plusieurs observations.

1. Incompatibilité de la proposition avec l'article 39 de la Constitution

En vertu de l'article 39, c'est la loi, adoptée à une majorité spéciale, qui attribue aux organes régionaux la compétence de régler les matières qu'elle détermine.

La Constitution ne contient que deux articles qui disposent qu'une matière déterminée ne peut être réglée que par la règle visée à l'article 134. Il s'agit des articles 177 et 178 qui concernent la compétence financière des régions. L'on peut toutefois soutenir que la matière en question n'est pas une « matière » visée à l'article 39 de la Constitution (2). Dès lors, les articles 177 et 178 de la Constitution ne sont pas contraires à son article 39.

La proposition de révision implique donc que, pour la première fois, une disposition serait insérée dans la Constitution attribuant directement aux régions la compétence de régler une matière.

Ainsi l'article 41 irait à l'encontre de la règle générale contenue dans l'article 39 de la Constitution. Quant à savoir si l'article 39 interdit une attribution directe de compétences aux régions par la Constitution, la question est sujette à discussion.

Quoi qu'il en soit, il serait souhaitable d'un point de vue légistique, si la proposition de révision de l'article 41 est adoptée telle quelle, d'ajouter à l'article 39 les mots « Sans préjudice de l'article 41, ... ». L'article 39 ne peut cependant pas être révisé à présent.

2. Il sera impossible de traiter les régions d'une manière différenciée

En attribuant au législateur spécial le pouvoir de préciser l'étendue de l'autonomie des régions, le Constituant lui a laissé une liberté d'appréciation d'où il résulte que ces entités ne doivent pas nécessairement être traitées identiquement à tous égards. Aux termes des articles 39 et 134 de la Constitution, le Constituant a chargé le législateur spécial, d'une part, de créer les organes régionaux et de leur attribuer des compétences « dans le ressort et selon le mode » qu'il établit et, d'autre part, de déterminer la force juridique des règles que prennent ces organes régionaux, toujours « dans le ressort et selon le mode » qu'il établit. Le Constituant a ainsi permis lui-même au législateur spécial de régler différemment, dans le « ressort » de chacune des trois régions de l'État belge, les attributions et le fonctionnement des organes régionaux (3).

Il serait assez curieux que cette liberté générale d'appréciation du législateur spécial ne s'applique pas à deux matières spécifiques, à savoir la définition des compétences, des règles de fonctionnement et du mode d'élection des organes territoriaux intracommunaux et le règlement des modalités et de l'organisation de la consultation populaire communale et provinciale. En effet, ces deux compétences seraient attribuées aux régions directement par le Constituant, de sorte qu'un traitement différencié ne serait plus possible.

Qu'est-ce qui justifie cette distinction entre ces deux compétences et les autres compétences des régions ?

3. La possibilité d'appliquer l'article 137 de la Constitution est très incertaine

Il paraît contestable que l'article 137 de la Constitution puisse être appliqué aux compétences attribuées aux régions par l'article 41.

L'article 137 est libellé comme suit :

« Art. 137. — En vue de l'application de l'article 39, le Conseil de la Communauté française et le Conseil de la Communauté flamande ainsi que leurs gouvernements peuvent exercer les compétences respectivement de la Région wallonne et de la Région flamande, dans les conditions et selon les modalités fixées par la loi. Cette loi doit être adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa. »

Étant donné que les compétences en matière de compétences, de règles de fonctionnement et de mode d'élection des organes territoriaux intracommunaux et en matière de modalités et d'organisation de la consultation populaire dans la commune ou la province seront octroyées aux régions non sur la base de l'article 39, mais sur celle de l'article 41, l'article 137 ne semble pas pouvoir être appliqué pour ces compétences.

Concrètement, cela signifierait que le Conseil de la Communauté flamande et le Gouvernement flamand ne pourront exercer ces compétences qui seront des compétences de la Région flamande.

D'ailleurs, l'article 1er, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose que :

« Art. 1er, § 1er. — Le Conseil et le Gouvernement de la Communauté flamande, ci-après dénommés « le Conseil flamand » et « le Gouvernement flamand », sont compétents pour les matières visées à l'article 59bis de la Constitution.

Ils exercent dans la Région flamande les compétences des organes régionaux pour les matières visées à l'article 107quater de la Constitution (l'actuel article 39), dans les conditions et selon le mode déterminés par la présente loi. »

4. L'attribution de compétences ne pourra être modifiée que par une révision de la Constitution

La révision proposée aurait aussi pour conséquence que toutes les attributions de compétences aux régions pourraient être modifiées sur l'initiative du législateur spécial, à l'exception de celles relatives aux compétences, règles de fonctionnement et mode d'élection des organes territoriaux intracommunaux et aux modalités et à l'organisation de la consultation populaire provinciale ou communale, pour lesquelles il faudrait une révision de la Constitution.

Y a-t-il une justification pour cette distinction ?

C. Proposition alternative

L'article 41, alinéa 2, réserve une compétence au législateur fédéral, à savoir celle d'arrêter les compétences, les règles de fonctionnement et le mode d'élection des organes territoriaux intracommunaux.

L'article 41, alinéa 5, seconde phrase, fait de même pour ce qui est des modalités et de l'organisation de la consultation populaire provinciale ou communale.

L'article 39 permet à la loi spéciale d'attribuer aux régions toute compétence résiduaire. De ce fait, ne suffirait-il pas, en l'espèce, d'abroger tout simplement l'alinéa 2 et la seconde phrase de l'alinéa 5 de l'article 41 ?

Les deux compétences que ces dispositions réservent actuellement au législateur fédéral se retrouveraient ainsi dans la grande catégorie des compétences résiduaires. Il pourrait alors être fait application de l'article 39, et les deux compétences concernées pourraient être attribuées aux régions par une loi spéciale.

Cette façon de procéder lèverait toutes les objections formulées ci-avant à l'encontre de la révision proposée de l'article 41.

Par ailleurs, elle aurait l'avantage que la base juridique des compétences des régions en général, et de celles relatives aux pouvoirs subordonnés en particulier, se situerait intégralement dans la loi spéciale du 8 août 1980, et ne serait pas répartie entre la loi spéciale et la Constitution.

IV. DISCUSSION

M. Philippe Moureaux constate que la note des services fait une observation fondamentale, à savoir que pour la première fois, une proposition de révision de la Constitution aura pour effet d'attribuer directement des compétences aux régions. Ce pourrait être la porte ouverte à une pratique qui viderait de sa substance le mécanisme des lois à majorité spéciale. Contrairement à une révision de la Constitution, qui nécessite un quorum de présences et un quorum de décision d'au moins deux tiers des membres, les lois à majorité spéciale nécessitent une majorité des suffrages dans chaque groupe linguistique, à la condition que la majorité des membres de chaque groupe linguistique se trouve réunie et pour autant que le total des votes positifs émis dans les deux groupes linguistiques atteigne les deux tiers des suffrages exprimés (art. 4, dernier alinéa, de la Constitution). Autrement dit, la notion de groupe linguistique ne joue aucun rôle dans le cas d'une révision de la Constitution. C'est un aspect que la commission devrait ne pas prendre à la légère.

M. Hugo Vandenberghe estime que le texte à l'examen doit être envisagé à la lumière de la loi spéciale du 13 juillet 2001 portant transfert de diverses compétences aux régions et communautés (Moniteur belge du 3 août 2001).

Un des éléments essentiels de cette loi spéciale, qui a permis l'exécution des accords du Lambermont et du Lombard, était le transfert aux régions des compétences relatives aux pouvoirs subordonnés (art. 4).

Au cours de la discussion du projet qui a abouti à la loi spéciale précitée, notre commission s'est beaucoup intéressée à la question de savoir si ce transfert de compétence pouvait être réalisé au moyen d'une loi spéciale.

La section de législation du Conseil d'État avait en effet souligné, dans son avis sur l'avant-projet de loi spéciale, qu'un tel transfert de compétence n'était pas possible sans révision préalable de l'article 162 de la Constitution relatif aux institutions provinciales et communales (cf. doc. Sénat, nº 2-709/1, p. 48-53). Le problème était toutefois qu'à l'époque, cet article n'était pas soumis à révision.

La majorité et, en fin de compte, le législateur spécial n'ont toutefois pas suivi l'avis du Conseil d'État parce qu'ils voulaient absolument réaliser le transfert de compétence. Ils ont estimé que la notion de « loi » qui figure à l'article 162, alinéa 1er, de la Constitution, signifiait qu'il appartenait au pouvoir fédéral de régler les institutions provinciales et communales. Cette compétence réservée au législateur fédéral découlait, selon le gouvernement, non pas de la Constitution, mais de l'article 19, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. En 2001, on a dès lors inscrit dans cet article que, dans les dispositions constitutionnelles d'après le 1er octobre 1980, le terme « loi » faisait référence à une compétence du législateur fédéral. En conséquence, il n'était pas nécessaire de procéder à une révision de la Constitution.

Plusieurs recours en annulation ont été introduits en la matière devant la Cour d'arbitrage. Dans son arrêt nº 35/2003 du 25 mars 2003, la Cour ne s'est toutefois pas prononcée sur la constitutionnalité de l'article 19, § 1er, alinéa 1er, modifié, de la loi spéciale du 8 août 1980.

Au terme de ce bref exposé, une question se pose tout naturellement.

Si, en 2001, le législateur spécial a estimé que l'on pouvait procéder valablement par une loi spéciale à la régionalisation des compétences relatives aux pouvoirs subordonnés, pourquoi n'a-t-on pas recours aujourd'hui à la même procédure, dès lors qu'on avait estimé à l'époque qu'il était superflu de procéder à une révision de la Constitution ?

M. Vandenberghe constate que l'opposition qu'il a menée pendant les travaux préparatoires de la loi spéciale du 13 juillet 2001 n'avait manifestement rien d'une ineptie juridique, contrairement à ce que d'aucuns lui avaient objecté à l'époque, et il s'en réjouit. C'est contraint et forcé qu'il s'était résigné au choix fait en 2001. Mais il voudrait alors savoir pourquoi on donne aujourd'hui la préférence à une révision de la Constitution, alors qu'en 2001, une loi spéciale suffisait. Selon lui, il est dangereux de modifier à la carte les règles fondamentales de l'ordonnancement de l'État, au gré des majorités du moment.

L'intervenant souligne que sa question porte exclusivement sur la procédure législative. Il n'a aucune objection de fond à l'égard de l'objet de la révision proposée.

M. Paul Wille fait remarquer que la section de législation du Conseil d'État a souligné, dans son avis sur le projet de décret communal de la Région flamande, que la régionalisation de la compétence relative aux pouvoirs subordonnés implique logiquement que les régions acquièrent la compétence de régler aussi les modalités et l'organisation de la consultation populaire communale et provinciale. L'exercice fait ici est donc correct.

M. Francis Delpérée distingue trois questions.

En ce qui concerne la consultation populaire communale et provinciale, il se rallie à l'avis du Conseil d'État sur le projet de décret communal de la Région flamande, dont M. Wille s'est fait l'écho. La modification de l'article 41, alinéa 5, deuxième phrase, lui paraît parfaitement justifiée.

En ce qui concerne les organes territoriaux intracommunaux, tels que les conseils de district à Anvers, il déclare qu'après cette révision, l'article 41 sera d'une totale incohérence. Le texte en projet modifie exclusivement l'alinéa 2 de cet article, et pas les alinéas 3 et 4 qui y ont également trait.

L'exécution de l'article 41, alinéas 2 et 3, requerra trois normes législatives différentes :

— alinéa 2 : les compétences, les règles de fonctionnement et le mode d'élection des organes territoriaux intracommunaux sont définis par une simple règle visée à l'article 134 de la Constitution;

— alinéas 3 et 4 : en exécution d'une loi spéciale, le décret ou la règle visée à l'article 134, qui doivent être adoptés tous deux à la majorité des deux tiers des voix exprimées, à condition que la majorité des membres soit présente, règle les autres conditions et le mode suivant lesquels de tels organes territoriaux intracommunaux peuvent être créés par exemple à Anvers, à Bruxelles ou à Liège.

La révision de l'article 41, alinéa 2, emporte que les régions sont habilitées à régler les compétences, les règles de fonctionnement et le mode d'élection des organes territoriaux intracommunaux. Toutefois, les alinéas 3 et 4 de cet article n'étant pas modifiés, le législateur fédéral spécial conservera des compétences en cette matière, de sorte que les deux niveaux de pouvoir seront passablement enchevêtrés. Aussi y aurait-il lieu de prévoir que la loi spéciale prime le décret ou l'ordonnance.

En troisième lieu, M. Delpérée ne partage absolument pas la thèse défendue dans la note du service des Affaires juridiques, d'Évaluation de la législation et d'Analyse documentaire du Sénat, selon laquelle, en application de l'article 39 de la Constitution, les matières relevant de la compétence des régions ne peuvent être désignées que par une loi spéciale et non par la Constitution.

À l'appui de sa thèse, il cite deux articles de la Constitution :

— article 39 : « La loi attribue aux organes régionaux qu'elle crée et qui sont composés de mandataires élus, la compétence de régler les matières qu'elle détermine, à l'exception de celles visées aux articles 30 et 127 à 129, et ce dans le ressort et selon le mode qu'elle établit. Cette loi doit être adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa. »

L'on pourrait en inférer que le ressort dans lequel les organes régionaux peuvent exercer leurs compétences est défini par une loi spéciale. Or, l'article 5 de la Constitution définit la Région flamande comme se composant des cinq provinces flamandes et la Région wallonne, des cinq provinces wallonnes. Le territoire qui ne fait pas partie de ces deux régions constitue la Région de Bruxelles-Capitale. Selon le raisonnement développé par le service d'Évaluation de la législation dans sa note, cet article ne devrait pas figurer dans la Constitution mais bien dans une loi spéciale;

— la même conclusion s'appliquerait aux articles 115 et suivants de la Constitution relatifs à l'organisation des conseils et des gouvernements régionaux. Selon la note, en vertu de l'article 39 de la Constitution, cette matière devrait également être réglée par une loi spéciale.

M. Delpérée tient dès lors à mettre la commission en garde contre la thèse défendue dans la note précitée.

M. Hugo Vandenberghe déplore que le gouvernement, en tant que troisième branche du pouvoir constituant, ne souhaite pas prendre position devant la commisson quant à la question de savoir pourquoi on opte en l'espèce pour une révision de la Constitution, et non pour une modification de la loi spéciale du 8 août 1980, comme il l'a fait en 2001. La Cour d'arbitrage a certes cautionné cette dernière option lorsqu'elle s'est prononcée sur les recours en annulation introduits contre la loi spéciale du 13 juillet 2001 (cf. l'arrêt nº 35/2003 du 25 mars 2003), mais on accepte apparamment la pratique selon laquelle certaines compétences sont transférées tantôt par une modification de la Constitution, tantôt par une loi spéciale.

Mme Anne-Marie Lizin, présidente, fait savoir que M. Vande Lanotte, vice-premier ministre, chargé des Affaires institutionnelles, lui a indiqué qu'il s'agissait d'une initiative parlementaire dans laquelle le gouvernement n'intervenait pas.

En réponse à la question de M. Vandenberghe, M. Francis Delpérée précise que la modification proposée de l'article 41, alinéas 2 et 5, deuxième phrase, est nécessaire. Étant donné que, conformément à l'article 19, § 1er, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, la notion « la loi » contenue à l'article 162 de la Constitution doit être comprise au sens de la loi fédérale, il y a lieu de modifier l'article 41 par souci de cohérence avec la régionalisation de la législation organique relative aux administrations subordonnées. Une loi spéciale est donc exclue à cet égard.

Mme Fauzaya Talhaoui se dit favorable au projet de texte à l'examen. Elle estime qu'il est préférable de clarifier les choses, dans la Constitution même, en ce qui concerne la compétence des régions pour les organes territoriaux intracommunaux.

Mme Nathalie de T' Serclaes déclare que son groupe marque également son accord sur le projet transmis par la Chambre, même si la méthode choisie appelle quelques réserves.

M. Jean-Marie Happart aimerait savoir quelles seront les conséquences de cette révision de la Constitution pour les communes périphériques et pour les communes de Comines-Warneton et de Fourons. L'intervenant ne saurait admettre, par exemple, que la Région flamande se voie attribuer des compétences supplémentaires à l'égard des six communes périphériques et de la commune de Fourons.

M. Joris Van Hauthem répond que la loi spéciale du 13 juillet 2001 a transféré aux régions la compétence de la législation organique relative aux administrations subordonnées, étant entendu que, par exemple, la Région flamande est tenue de respecter les restrictions prévues par la loi dite « de pacification » du 9 août 1988 en ce qui concerne les communes périphériques et la commune de Fourons. Cette loi reste donc de la compétence de l'État fédéral (cf. l'article 6, § 1er, VIII, de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980).

M. Hugo Vandenberghe réserve sa réponse à la question de M. Happart.

V. VOTE

L'article unique est adopté par 10 voix et 2 abstentions.

M. Francis Delpérée déclare s'être abstenu parce que la révision de la Constitution proposée crée une incohérence en ce qui concerne les organes territoriaux intracommunaux. D'une part, on transfère une compétence aux régions, ce qu'il approuve; mais, d'autre part, on laisse au législateur spécial la possibilité de fixer les autres conditions, parmi lesquelles la manière dont ces organes peuvent être créés.


Confiance a été faite à la rapporteuse pour la rédaction du présent rapport.

La rapporteuse, La présidente,
Fauzaya TALHAOUI. Anne-Marie LIZIN.

Le texte adopté par la commission
est identique au texte
transmis par la Chambre
des représentants
(doc. Sénat, nº 3-700/1 — 2003/2004)


(1) L'article 138 de la Constitution fait, à cet égard, exception. En vertu de cet article, le Conseil de la Communauté française, le Conseil de la Région wallonne et le groupe linguistique français du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale peuvent décider chacun par décret de transférer des compétences de la Communauté française aux organes de la Région wallonne et de la Commission communautaire française. Il s'agit là, à vrai dire, d'une hypothèse très spécifique. En outre, aux termes du dernier alinéa de cet article, les compétences communautaires transférées sont exercées par la voie de décrets, d'arrêtés ou de règlements. La Constitution reconnaît donc aussi le décret comme étant une norme législative de la Région wallonne et de la Commission communautaire française, même si ce n'est que pour l'exercice de compétences communautaires.

(2) Cf. l'avis du Conseil d'État sur la proposition de loi visant à achever la structure fédérale de l'État, doc. Chambre, SO 1992-1993, 897/2, p. 77 : » Toutefois, comme les compétences matérielles des régions, déterminées par la loi spéciale adoptée en exécution de l'article 107quater (actuellement article 39) de la Constitution, sont indépendantes de leurs compétences fiscales et financières, réglées par les articles 110 et 115 (actuellement 170 et 177) de la Constitution (...).

(3) Cour d'arbitrage, 10 mars 1998, nº 24/98 (Moniteur belge du 20 mai 1998).