3-126/5

3-126/5

Sénat de Belgique

SESSION DE 2003-2004

30 JUIN 2004


Proposition de loi complétant le Code pénal d'un chapitre concernant l'homicide et les lésions corporelles occasionnés par les animaux de compagnie


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES PAR M. WILMOTS


I. INTRODUCTION

La commission a examiné la proposition de loi au cours de ses réunions des 18 février, 5 mai, 30 juin et 7 juillet 2004.

Au cours de la réunion du 18 février 2004, M. Poty a fait un exposé introductif, qui a été suivi d'un bref échange de vues. Au cours de la discussion de la proposition le 5 mai, la commission a décidé de recueillir l'avis du service d'évaluation de la législation du Sénat; cet avis est annexé au présent rapport. C'est sur cette base que la discussion générale a été clôturée au cours de la réunion du 30 juin et qu'ont eu lieu la discussion des articles et les votes.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE L'AUTEUR

M. Poty souligne que les dispositions à l'examen, qui répondent à un problème et à un besoin réels, ont pour but de compléter le Code pénal par un chapitre concernant l'homicide et les lésions corporelles occasionnés par les animaux de compagnie.

L'auteur renvoie ensuite aux développements écrits de la proposition de loi.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme De Schamphelaere se demande si l'insertion dans le Code pénal qui est proposée est bien nécessaire et si ce Code n'offre pas déjà suffisamment de solutions en ce qui concerne l'homicide. L'intervenante estime en outre que les dispositions proposées entraînent un chevauchement entre la responsabilité civile et la responsabilité pénale, et que l'avis de la commission de la Justice est requis à propos de ces dispositions.

M. Brotcorne constate lui aussi que le Code pénal, en sa forme actuelle, offre déjà des solutions. Il fait en outre observer qu'il y a plusieurs propositions qui concernent le même sujet et il aimerait savoir laquelle sera finalement prise en considération.

En réaction aux remarques précédentes, M. Poty fait remarquer qu'actuellement les tribunaux belges ne prononcent pas de sanctions pénales contre les propriétaires de certains chiens dangereux. Les dispositions proposées ont donc indéniablement leur utilité. Par ailleurs, l'auteur soutient la demande d'avis adressée à la commission de la Justice, mais il souligne que cette commission n'a jamais examiné la proposition de loi en discussion au cours de la législature précédente.

M. Demotte, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, note que le problème des accidents impliquant des chiens est très vaste, comme le montrent les chiffres disponibles en la matière. Ainsi, 67 % de ces accidents ont lieu au domicile du propriétaire du chien et, dans bon nombre de cas, c'est le comportement de la personne mordue qui est à l'origine de l'accident. L'objectif est, d'une part, d'obtenir du gouvernement qu'il dresse un aperçu des divers aspects du problème (propriétaires, ordre public, santé publique, offre et commerce d'animaux, politique en matière de refuges, prise en compte des écoles de dressage dans la problématique, ...) et, d'autre part, que l'on fasse des propositions de solution à soumettre, pour avis, au Conseil du bien-être des animaux.

D'après l'intervenant, la proposition nº 3-126, qui met l'accent sur le côté pénal de la question, s'inscrit parfaitement dans la tentative actuelle d'envisager la problématique sous tous ses aspects. Il déclare dès lors souscrire à la présente proposition, étant donné que les instruments disponibles à l'heure actuelle s'avèrent inadéquats pour responsabiliser pénalement les propriétaires de chiens agressifs.

De plus, au sein du Conseil du bien-être des animaux, deux experts sont chargés actuellement de recueillir des données et des textes de loi provenant d'autres pays européens, de manière que cet organisme dispose lui aussi des instruments nécessaires pour qu'il puisse procéder à une appréciation concrète et fondée du texte proposé.

La présidente, Mme Van de Casteele, souligne qu'elle a également déposé, avec MM. Germeaux et Vankrunkelsven, une proposition de loi à propos de la matière examinée (voir doc. Sénat, nº 3-697) et elle explicite brièvement le contenu de celle-ci en faisant référence aux développements.

M. Poty demande que l'on accorde toute l'attention nécessaire aux faits concrets qui indiquent qu'il y a une grande diversité de gens qui sont mordus par des chiens et conclut qu'il faut manier les statistiques générales avec beaucoup de prudence. Il peut marquer son accord sur l'inscription de la proposition de loi dans le cadre de l'ensemble du travail que le gouvernement accomplit dans le but d'envisager la problématique en question sous tous ses aspects; il demande toutefois que l'on donne à sa proposition la priorité nécessaire, d'autant plus que son champ d'application est plus restreint que celui de certaines propositions qui ont été déposées par d'autres sénateurs et qu'il est absolument nécessaire de prévoir une réglementation légale.

M. Brotcorne convient qu'il importe d'examiner la problématique d'une manière globale et de prendre des initiatives législatives dans ce sens.

Mme De Schamphelaere fait remarquer que les articles 556 et 559 du Code pénal, dont il est question dans les développements, ont été modifiés par la loi du 2 août 2002 modifiant les articles 556 et 559 du Code pénal en vue d'abroger l'assimilation des fous ou furieux aux animaux féroces.

Il est d'ailleurs souligné qu'il existe déjà un article 422quater dans le Code pénal. Il y a lieu de modifier la proposition de loi en ce sens qu'elle insère les articles 422quinquies, 422sexies et 422septies.

IV. DISCUSSION DES ARTICLES

Article 1er

Cet article ne donne lieu à aucune observation.

Article 2

M. Poty rappelle que dans 60 % des cas d'agression impliquant des animaux de compagnie, les victimes sont des enfants. Le nombre d'incidents provoqués involontairement est infiniment plus important que le nombre de cas dans lesquels il y a une intention de la part du propriétaire. Actuellement, les tribunaux ne disposent d'aucun instrument légal permettant d'infliger une sanction pénale au propriétaire d'un animal de compagnie qui attaque des personnes; ils sont obligés de s'en tenir à des dommages et intérêts conformément au droit civil. Le propriétaire est souvent assuré contre cette éventualité, de sorte que le fait que son animal de compagnie attaque une personne et provoque dans certains cas la mort de celle-ci ne lui vaut aucun embarras.

La proposition de loi à l'examen ­ qui est d'ailleurs la dernière proposition du sénateur qui puisse être approuvée par la commission des Affaires sociales, vu qu'il est démissionnaire ­ vise à combler cette lacune en insérant dans le Code pénal un chapitre intitulé : « De l'homicide et des lésions corporelles occasionnés par un animal de compagnie ».

M. Collas déclare partager l'intention de l'auteur de la proposition en ce qui concerne les actes d'agression occasionnés par un animal de compagnie qui ont été provoqués volontairement par le propriétaire, mais pas en ce qui concerne les actes involontaires.

M. Poty souligne qu'il convient de lire cet article en ce sens qu'il insère un article 422quinquies étant donné qu'il existe déjà un article 422quater dans le Code pénal.

Article 3

M. Poty dépose l'amendement nº 7 (doc. Sénat, nº 3-126/4) qui vise à ne plus faire référence, à l'alinéa 2 de l'article 422quinquies proposé du Code pénal, à la Convention européenne pour la protection des animaux et à inscrire la définition de la notion d'« animal de compagnie » dans le texte lui-même.

Article 4

M. Poty souligne qu'il convient de lire cet article en ce sens qu'il insère un article 422sexies dans le Code pénal (voir la remarque faite à l'article 3).

Mme Defraigne et M. Collas déposent l'amendement nº 4 (doc. Sénat, nº 3-126/4) qui vise à remplacer l'article 4 par une disposition insérant dans le Code pénal un article 397bis nouveau rédigé comme suit :

« Art. 397bis. ­ Est également qualifié de meurtre le fait pour quiconque d'avoir volontairement excité un animal domestique dont il a la garde ou de s'être volontairement abstenu de le retenir, lorsque cet animal s'est attaqué ou a poursuivi un passant avec la mort de celui-ci pour conséquence. L'auteur sera puni de la réclusion à perpétuité. »

M. Collas souligne que cet amendement ne concerne que les actes intentionnels.

M. Wilmots et Mme Defraigne déposent un amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 3-126/2), qui est un amendement subsidiaire à l'amendement nº 4 et dans lequel les auteurs proposent de supprimer l'alinéa 2 de l'article 422sexies proposé.

M. Poty estime que l'amendement nº 4 ne correspond absolument pas à l'esprit de la proposition de loi tel qu'il l'a rédigée. Il dépose un amendement nº 10 (doc. Sénat, nº 3-126/4) qui vise à remplacer tout l'article 422sexies par un texte punissant quiconque cause volontairement la mort d'une personne par l'intermédiaire d'un animal de compagnie, et ce, conformément aux dispositions des chapitres Ier et II du titre VIII du Code pénal.

Cela permet de mieux tenir compte de la gradation des peines inscrite dans le Code pénal. Cette manière de faire a été suggérée par le Service d'évaluation de la législation du Sénat. L'article 5, auquel s'applique l'amendement nº 11 de l'intervenant, fixe les peines à infliger à une personne qui cause volontairement ou involontairement des lésions corporelles par l'intermédiaire d'un animal de compagnie.

En ordre subsidiaire, M. Poty dépose les amendements nºs 8 et 9 (doc. Sénat, nº 3-126/4). L'amendement nº 8 vise à remplacer, à l'article 422sexies du Code pénal, le mot « réclusion » par le mot « emprisonnement » et l'amendement nº 9 indique le montant des amendes en euros.

Article 5

M. Poty souligne qu'il convient de lire cet article en ce sens qu'il insère un article 422septies dans le Code pénal (voir la remarque faite à l'article 3).

Mme Defraigne et M. Collas déposent l'amendement nº 5 (doc. Sénat, nº 3-126/4) qui tend à insérer, dans le Code pénal, un article 402bis et un article 403bis, portant sur la peine à infliger à l'auteur de l'infraction visée à l'article 397bis, telle qu'elle est prévue par l'amendement nº 4.

M. Wilmots et Mme Defraigne déposent l'amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 3-126/2), qui est subsidiaire à l'amendement nº 5 et qui tend à supprimer l'alinéa 2 de l'article 442septies proposé.

M. Poty dépose l'amendement nº 11 (doc. Sénat, nº 3-126/4) qui tend à remplacer l'article 422septies proposé à l'article 5 par une disposition qui punit quiconque aura volontairement ou involontairement causé, par l'intermédiaire de l'animal de compagnie dont il est responsable, des lésions corporelles, conformément aux dispositions prévues par les chapitres Ier et II du titre VIII du Code pénal.

L'intervenant renvoie à la discussion de l'amendement nº 10, déposé à l'article 4.

Mme De Schamphelaere déclare qu'elle soutient cet amendement parce qu'il porte à la fois sur des actes volontaires et sur des actes involontaires. Le caractère intentionnel est en effet souvent difficile à démontrer et il est de toute manière souhaitable de sanctionner les actes involontaires.

M. Collas estime qu'il serait préférable d'insérer la disposition prévue par l'amendement nº 11 à un autre endroit du Code pénal. Il répète du reste qu'à son avis, il n'est pas souhaitable de prévoir des dispositions pénales sanctionnant des actes involontaires.

M. Poty renvoie aux remarques du Service d'évaluation de la législation, qui n'a rien dit sur l'endroit où il faudrait insérer la disposition proposée dans le Code pénal. Il estime qu'une sanction pénale pour les auteurs d'actes involontaires est bel et bien souhaitable, sinon, on décharge de nombreux propriétaires d'animaux de compagnie de toute responsabilité, lorsque ceux-ci ont causé des lésions corporelles involontaires, parce qu'ils ont été mal dressés.

Mme Van de Casteele rappelle que la responsabilité pénale n'est qu'un des nombreux aspects de la politique menée en ce qui concerne les animaux de compagnie et que d'autres aspects, comme celui de la possession ou du dressage de chiens, seront abordés ultérieurement à l'occasion de l'examen de diverses autres propositions de loi et du plan du gouvernement.

Article 6 (nouveau)

M. Poty dépose l'amendement nº 3 (doc. Sénat, nº 3-126/3) qui tend à insérer, dans la proposition de loi, un article 6 nouveau, rédigé comme suit :

« Art. 6. ­ Le bourgmestre de la commune du propriétaire de l'animal ayant causé des lésions corporelles peut ordonner la mise à mort de l'animal par un vétérinaire. »

M. Poty estime que cette faculté doit être accordée au bourgmestre ­ il n'est donc pas question d'une obligation ­ pour qu'il puisse prévenir d'autres périls.

Mme Defraigne et M. Collas déposent l'amendement nº 6 (doc. Sénat, nº 3-126/4) qui tend également à insérer, dans la proposition de loi, un article 6 nouveau, rédigé comme suit :

« Art. 404bis. ­ Lorsque, par l'intermédiaire de l'animal de compagnie, les coups portés et les blessures faites volontairement, mais sans intention de donner la mort, l'ont pourtant causée, le coupable, responsable de l'animal, sera puni des travaux forcés de 15 ans à 20 ans. »

M. Collas précise que cet amendement doit être lu en corrélation avec les amendements nºs 4 et 5.

V. VOTES

Les articles 1er et 2 sont adoptés à l'unanimité des 11 membres présents.

L'amendement nº 7 est adopté par 10 voix et 1 abstention.

L'article 3 amendé est adopté par 10 voix contre 1.

L'amendement nº 4 est rejeté par 9 voix contre 1 et 1 abstention.

L'amendement nº 1 est rejeté par 8 voix contre 1 et 2 abstentions.

L'amendement nº 10 est adopté par 10 voix contre 1.

Les amendements nºs 8 et 9 deviennent sans objet à la suite de l'adoption de l'amendement nº 10.

L'article 4, ainsi amendé, est adopté par 10 voix contre 1.

Les amendements nºs 5 et 2 sont rejetés par 7 voix contre 1 et 3 abstentions.

L'amendement nº 11 est adopté par 10 voix contre 1.

L'article 5 amendé est adopté par 10 voix contre 1.

L'amendement nº 6 est rejeté par 8 voix contre 1 et 2 abstentions.

L'amendement nº 3 est adopté par 10 voix contre 1.

L'ensemble de la proposition de loi nº 3-126, ainsi amendée, a été adopté par 10 voix contre 1.

La commission décide, à l'unanimité des 11 membres présents, d'apporter quelques corrections techniques au texte adopté (doc. Sénat, nº 3-126/6).

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.

Le rapporteur, La présidente,
Marc WILMOTS. Annemie VAN de CASTEELE.

ANNEXE

AVIS DU SERVICE D'ÉVALUATION
DE LA LÉGISLATION DU SÉNAT

GÉNÉRALITÉS

­ La finalité de la proposition de loi

La finalité précise de la proposition de loi n'est pas claire.

La proposition semble partir du principe que les incidents impliquant des chiens ne ressortissent pas aux dispositions du livre II, titre VIII, chapitres Ier et II, du Code pénal (homicide, lésions corporelles volontaires et involontaires). Est-ce exact ?

Ou vise-t-elle à instaurer un régime dérogatoire pour les « coups et blessures » impliquant des animaux, ou encore une sorte de responsabilité objective pour le « responsable » de l'animal ?

La réponse à cette question a des conséquences immédiates sur l'appréciation que l'on peut donner de la proposition de loi.

Si le but est de punir certains incidents impliquant des chiens plus sévèrement ou moins sévèrement que d'autres cas de lésions corporelles, il serait préférable de compléter de manière ponctuelle les chapitres en question du Code pénal par des dispositions spécifiques (à l'instar de l'exemple des articles 402 à 405 et 421 pour ce qui est des substances nocives).

On respecterait ainsi le détail de la structure existante de ces chapitres et on saurait clairement si (qu') un nombre spécifique de règles figurant actuellement dans les chapitres en question restent d'application (dispositions spécifiques aux victimes mineures, à la mutilation des organes génitaux, aux causes d'excuse, à la torture et au traitement inhumain, etc.).

En revanche, si l'on regroupe les faits impliquant des animaux dans un chapitre distinct, soit que l'on considère que le régime en vigueur ne s'applique pas, soit que l'on souhaite adopter un régime global totalement dérogatoire, cela implique expressément ou implicitement (1) que toutes ces règles spécifiques ne s'appliquent pas en cas d'incidents avec des animaux.

­ Le « régime pénal » proposé

Le régime en matière d'assassinat, de meurtre et de lésions corporelles prévu par le Code pénal est un ensemble relativement complexe qui suit une logique stricte (titre VIII, chapitres Ier et II).

Par ordre « décroissant » de gravité des faits :

­ assassinat (meurtre avec préméditation) : réclusion à perpétuité;

­ meurtre (homicide commis avec intention de donner la mort mais sans préméditation) : réclusion de 20 à 30 ans;

­ lésions corporelles volontaires

· sans intention de donner la mort, mais ayant entraîné celle-ci :

- avec préméditation : réclusion de 10 à 15 ans;

- sans préméditation : réclusion de 5 à 10 ans;

· ayant entraîné une maladie incurable ou une incapacité permanente de travail ou la perte d'un organe ou une mutilation grave :

- avec préméditation : réclusion de 5 à 10 ans;

- sans préméditation : emprisonnement de 2 ans à 5 ans et amende de 200 euros à 500 euros;

· ayant entraîné une maladie ou une incapacité de travail temporaires :

- avec préméditation : emprisonnement de 6 mois à 3 ans et amende de 100 euros à 500 euros;

- sans préméditation : emprisonnement de 2 mois à 2 ans et amende de 50 euros à 200 euros;

· n'ayant entraîné ni maladie ni incapacité de travail :

- avec préméditation : emprisonnement de 1 mois à 1 an et amende de 50 euros à 200 euros;

- sans préméditation : emprisonnement de 8 jours à 6 mois et/ou amende de 26 euros à 100 euros;

­ lésions corporelles involontaires

· ayant entraîné la mort : emprisonnement de 3 mois à 2 ans et amende de 50 euros à 1 000 euros;

· n'ayant pas entraîné la mort : emprisonnement de 8 jours à 6 mois et/ou amende de 50 euros à 500 euros.

La proposition ne suit pas cette structure logique, mais prévoit une sorte de « système simplifié », avec toutes les conséquences que cela implique : il punit successivement :

­ l'homicide volontaire;

­ l'homicide involontaire;

­ les coups et blessures volontaires;

­ les coups et blessures involontaires.

Une tentative de comparaison entre le régime ordinaire et le régime proposé pour les animaux conduit à des constatations étonnantes.

­ La mort causée volontairement par l'intermédiaire d'un animal (article 422quinquies, alinéa 1er, proposé) est assimilée à l'homicide simple et passible de la même peine (article 393 du Code pénal). La préméditation (article 394 du Code pénal) n'est pas punie d'une peine spécifique.

­ La mort causée involontairement (article 422quinquies, alinéa 2, proposé) est punie d'un emprisonnement de trois mois à trois ans et/ou d'une amende de 50 à 1 000 euros). Cette peine est environ du même ordre de grandeur que celle infligée dans le régime ordinaire à quiconque occasionne à autrui des lésions corporelles involontaires entraînant la mort, à ceci près que le régime ordinaire prévoit à la fois un emprisonnement et une amende, tandis que dans le cas d'animaux, le juge peut décider de n'imposer qu'un emprisonnement ou qu'une amende.

Il est toutefois parfaitement impossible de savoir si la mort causée involontairement, au sens de l'article 422quinquies, alinéa 2, vise uniquement les « coups et blessures involontaires » ayant entraîné la mort (hypothèse sur laquelle portait la comparaison de l'alinéa précédent) ou si elle vise aussi l'hypothèse des « coups et blessures volontaires » « ayant entraîné la mort sans intention de la donner » (article 401 du Code pénal).

Dans l'affirmative, il faut bien se rendre compte que dans le régime ordinaire, ces faits sont punis de la réclusion de 5 à 10 ans ou de 10 à 15 ans, selon le cas, alors que la proposition prévoit pour ces mêmes fait un emprisonnement de trois mois à trois ans ou même seulement une amende. Dans la négative, les choses sont encore plus graves car cette hypothèse relèverait alors de l'article 422sexies, alinéa 1er, proposé, qui prévoit des peines encore moins sévères.

­ Le fait de causer volontairement des lésions corporelles (article 422sexies proposé) est puni d'un emprisonnement de 8 jours à 1 an et/ou d'une amende de 50 à 500 euros. Dans le régime ordinaire, ces peines vont d'un emprisonnement de 8 jours à 6 mois et/ou une amende de 26 à 100 euros dans les cas les plus légers (ce qui est donc moins) (article 398, alinéa 1er, du Code pénal) à une réclusion de 5 à 10 ans pour les cas les plus graves (article 400, alinéa 2, du Code pénal) ou même (voir l'alinéa précédent) une réclusion de 10 à 15 ans (article 401, alinéa 2, du Code pénal).

Celui qui veut nuire à son prochain n'a donc qu'à faire l'achat d'un chien dangereux. Plus le dommage occasionné est important, plus le « gain » réalisé sera important.

À l'aune du droit pénal, la différence entre les peines uniformément légères qui sont proposées et le régime ordinaire est énorme. C'est d'autant plus étonnant que l'on peut lire textuellement dans les développements que « des chirurgiens soulignent les blessures graves, les mutilations et les séquelles parfois irréversibles dont sont victimes les enfants ». Pourtant, le régime ordinaire prévoit pour les faits de ce type des peines d'emprisonnement ou de réclusion pouvant aller jusqu'à 10 ans, contre 1 an ici. Même si l'amende est du même ordre de grandeur, cela ne paraît pas suffisant pour rétablir l'équilibre, en tout cas pas dans l'hypothèse d'actes intentionnels (c'est-à-dire l'hypothèse dans laquelle une personne lâche intentionnellement son chien (potentiellement) dangereux sur un enfant !).

­ Enfin, le fait de causer volontairement des lésions physiques (article 422sexies, alinéa 2), est puni de la même peine d'emprisonnement que dans le régime ordinaire, mais l'amende est moins élevée (30 à 300 euros, contre 50 à 500 euros dans le régime ordinaire) (article 420 du Code pénal).

REMARQUES PONCTUELLES

Article 2

Bien que les développements ne traitent que des chiens, la proposition s'applique aux « animaux de compagnie » et d'après la définition qui en est donnée, cette notion peut s'appliquer à presque n'importe quel animal.

Article 3

­ Il y a une différence gênante entre le texte français et le texte néerlandais de la définition du « responsable ». Dans le texte néerlandais, toutes les conditions sont cumulatives (die er gewoonlijk voor zorgt en onder wiens toezicht ...) alors qu'elles ne le sont pas dans le texte français. Qu'en est-il des animaux dont le propriétaire est un mineur d'âge ou dont un mineur d'âge a habituellement la garde et/ou qui sont sous la surveillance d'un mineur d'âge au moment où le problème survient ?

­ Pour la définition de la notion d'animal de compagnie, il est fait référence à une convention européenne (du 13 novembre 1987). Bien que le procédé ne soit pas juridiquement incorrect, il contraint le justiciable à se procurer le texte d'une convention pour connaître la teneur de cette disposition pénale (sans parler de la portée de celle-ci).

Pourquoi ne pas reprendre cette définition dans le texte de loi, d'autant qu'elle n'est pas plus longue que la phrase actuelle ? (On entend par animal de compagnie tout animal détenu par l'homme ou destiné à être détenu par l'homme, notamment dans son foyer, pour son agrément et en tant que compagnon (« Onder een gezelschapsdier wordt verstaan een dier dat door de mens in het bijzonder thuis en voor zijn genoegen en gezelschap wordt gehouden of bedoeld is gehouden te worden »).

­ En tout cas, le mot « applicable » (qui figure à la fin de l'alinéa 2) n'a absolument pas la même portée juridique que l'expression néerlandaise « is mede van toepassing ».

­ La proposition s'applique à tous les animaux de compagnie, sans distinction. Sont donc apparemment visés aussi les chiens et même les chevaux utilisés par les services de police, les chiens des services de gardiennage, les chiens de garde, etc. Sans doute en va-t-il de même pour les animaux qui vivent dans les fermes pédagogiques et même pour certains animaux qui vivent dans les jardins zoologiques.

Articles 4 et 5

­ Les amendes pénales doivent être exprimées en euros.

­ L'article 4, alinéa 2, utilise à tort le terme « réclusion ». Une peine de trois mois à trois ans est un emprisonnement.

L'article 6 proposé (amendement nº 3)

On ne voit pas très bien comment on peut défendre juridiquement le point de vue selon lequel, hormis en cas de danger grave pour la sécurité (pensons à un animal dangereux qui court en liberté et que l'on ne peut pas capturer immédiatement), le bourgmestre aurait le pouvoir (discrétionnaire) de faire mettre à mort un animal.

On peut dire, sans juger en aucune manière du bien-fondé des amendements de Mme Defraigne et de M. Wilmots, que s'ils étaient adoptés, ils réduiraient bien sûr largement la portée de la proposition.

Cette proposition ne viserait plus alors que les cas de véritable agression. On peut se demander si l'on ne ferait pas mieux, dès lors, de faire référence à ces cas dans les articles existants et d'en faire des circonstances spécifiques (aggravantes), comme on le fait déjà pour ce qui est de l'utilisation de poison ou d'autres substances nocives (voir, par exemple, les articles 402-405 et 421 du Code pénal).

OBSERVATION FINALE

Il importe de noter que la présente proposition envisage exclusivement le problème sous l'angle répressif, c'est-à-dire après l'apparition du dommage. Elle ne vaut d'ailleurs que pour les lésions occasionnées à des humains.

Les propositions de Mme Lizin (doc. nº 3-127) et de M. Destexhe, qui n'ont pas été examinées par le service d'Évaluation de la législation, se basent, elles, sur une approche préventive. Les dispositions pénales qu'elles prévoient sanctionnent le non-respect des mesures de précaution.

LÉGISLATION ÉTRANGÈRE

Il ressort des aperçus ­ très généraux ­ des législations de plusieurs pays voisins qu'elles prévoient, d'une manière générale, à la fois des mesures préventives et des mesures restrictives.

1. Royaume-Uni : le Dangerous Dogs Act de 1991

La législation anglaise contient tout d'abord des mesures de protection contre certaines races de chiens d'attaque nommément citées (le pitbull terrier et le tosa japonais); le ministre peut étendre cette liste.

Il est interdit d'élever, d'acheter ou d'échanger ces chiens d'attaque cités nommément; ces chiens ne peuvent pas se trouver dans un lieu public sans muselière ni laisse, et le propriétaire ou la personne qui en est responsable ne peut ni les abandonner ni les laisser courir en liberté.

Toute infraction à ces dispositions est punie d'une peine d'emprisonnement de 6 mois ou plus ou d'une amende. En outre, si le chien d'attaque a agressé une personne, le juge doit ordonner sa mise à mort. Il peut également interdire au propriétaire d'encore posséder un chien tant que le tribunal le jugera nécessaire.

En deuxième lieu, cette législation prévoit l'obligation, pour le propriétaire (ou pour la personne qui est temporairement responsable du chien), de toujours maintenir le chien sous son contrôle dans un lieu public. Toute infraction à cette disposition est passible d'une peine d'emprisonnement (dont la durée variera selon que le chien a blessé quelqu'un ou non). Le juge peut également estimer qu'il y lieu de castrer l'animal et il peut (et il doit dans certains cas) même décider de faire mettre à mort l'animal. En cas d'infraction, le juge peut également dans ce cas interdire au propriétaire d'encore posséder un chien tant que le tribunal le jugera nécessaire.

Pour le reste, la loi contient des dispositions relatives au musellement et à la tenue en laisse des chiens, ainsi qu'à la saisie des chiens qui ne satisfont pas aux conditions prévues par la loi (par exemple : chiens d'attaque sans muselière dans un lieu public).

2. Pays-Bas : articles 73 et 74 de la loi du 24 septembre 1992 relative à la santé et au bien-être des animaux (Wet houdende vaststelling van de Gezondheids- en welzijnswet voor dieren)

La législation néerlandaise est beaucoup plus sévère que la loi britannique, puisqu'elle interdit non seulement d'élever, d'acheter ou de vendre des animaux agressifs appartenant à une catégorie mentionnée dans une liste établie par le ministre(= chiens de type pitbull terrier), mais aussi d'en posséder. Ces chiens peuvent être saisis et être placés dans un refuge en attendant d'être euthanasiés. Toute infraction aux dispositions en question est passible d'une peine d'emprisonnement de deux ans au plus ou d'une amende.

3. France : loi nº 99-5 du 6 janvier 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux

Cette loi apporte plusieurs modifications au Code rural en ce qui concerne les animaux dangereux en général et les chiens dangereux en particulier (articles 211-1 à 211-9 du Code rural).

La législation française dispose en premier lieu que, quel que soient la race ou le type d'animal, le maire peut intervenir pour obliger le propriétaire d'un animal susceptible de présenter un danger pour autrui ou pour d'autres animaux à prendre des mesures de nature à prévenir ce danger. Si le propriétaire ne respecte pas cette obligation, l'animal peut être euthanasié.

La loi classe ensuite les chiens dangereux en deux catégories : d'une part, celle des chiens d'attaque et, d'autre part, celle des chiens de garde et de défense. Les ministres de l'Intérieur et de l'Agriculture établissent la liste des types de chiens relevant de chacune de ces catégories.

La législation précise par ailleurs que les chiens de ces deux catégories ne peuvent pas être détenus par certaines personnes, comme les mineurs d'âge. Toute infraction à cette disposition peut être punie d'une peine d'emprisonnement de trois mois et d'une amende.

Les chiens d'attaque doivent être stérilisés. En outre, ils ne peuvent accéder aux lieux publics. Sur la voie publique, les chiens des deux catégories précitées doivent être muselés et tenus en laisse.

Une disposition prévoit toutefois une exception pour les unités de la police, de l'armée, des services publics de secours et des douanes qui utilisent des chiens (article 211-7 du Code rural).


(1) Sauf dispositions ou renvois contraires.