3-639/2

3-639/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 2003-2004

27 AVRIL 2004


RÉVISION DE LA CONSTITUTION


Révision de l'article 67 de la Constitution

(Déclaration du pouvoir législatif,
voir le « Moniteur belge » n º 128,
deuxième édition, du 10 avril 2003)

Proposition de loi spéciale complétant la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, en vue de fixer explicitement la fin du mandat des membres des conseils de communauté et de région

Proposition de loi complétant la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone, en vue de fixer explicitement la fin du mandat des membres du Conseil de la Communauté germanophone


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES INSTITUTIONNELLES PAR M. BROTCORNE


SOMMAIRE


  1. Introduction
  2. Discussion
    1. Les deux propositions de loi de M. Istasse et consorts nºs 3-481 et 3-482
    2. Note du service des Affaires juridiques et du service d'Évaluation de la législation du Sénat
    3. Proposition de révision de l'article 67 de la Constitution de M. De Decker et consorts nº 3-639
  3. Votes

I. INTRODUCTION

La présente proposition de révision de l'article 67 de la Constitution a connu une genèse remarquable.

Elle résulte en effet de la discussion de deux propositions de loi déposées par M. Jean-François Istasse et consorts en vue de régler le problème de la fin du mandat des sénateurs de communauté, à savoir :

1. la proposition de loi spéciale complétant la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises en vue de fixer explicitement la fin du mandat des membres des conseils de communauté et de région (doc. Sénat, nº 3-481/1);

2. la proposition de loi complétant la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone, en vue de fixer explicitement la fin du mandat des membres du Conseil de la Communauté germanophone (doc. Sénat, nº 3-482/1).

Pour plus d'explications concernant la nature et la portée du problème que ces propositions et les amendements qui ont été déposés par M. Istasse tendaient à résoudre, on se reportera à leurs développements et justifications respectifs (doc. Sénat, nº 3-481/1-2 et 3-482/1-2).

Les solutions proposées dans ces textes se sont toutefois heurtées à de sérieuses objections juridiques. Dans son avis du 4 mars 2004, le Conseil d'État a en effet émis d'importantes critiques à l'encontre de ces deux propositions et de leurs amendements (doc. Sénat, nº 3-481/3 et 3-482/3).

C'est la raison pour laquelle la commission des Affaires institutionnelles a conclu sa réunion du 18 mars 2004 en chargeant le service des Affaires juridiques et le service d'Évaluation de la législation du Sénat de rédiger une note sur la question.

Lors de la discussion de cette note, le 22 avril 2004, la commission est arrivée à la conclusion que pour des raisons de sécurité juridique, il était préférable de résoudre le problème de la fin du mandat des sénateurs de communauté par une révision de l'article 67 de la Constitution. C'est pourquoi elle a élaboré, sur la base de la note susvisée, la présente proposition de révision, qui a été déposée le jour même en réunion de la commission et y a été mise aux voix.

Cette méthode quelque peu inusitée était possible parce qu'en vertu de l'article 30.1 du Règlement du Sénat, toute proposition de révision de la Constitution peut, contrairement aux propositions de loi, être envoyée directement à la commission des Affaires institutionnelles sans que le Sénat doive au préalable la prendre en considération.

Il a été envisagé de recourir à la procédure prévue à l'article 22.3 du Règlement, mais on ne l'a finalement pas fait. Conformément à cet article, lorsque, dans une discussion, les commissions concluent à la nécessité de légiférer ou d'exprimer le point de vue du Sénat, elles peuvent, moyennant certaines conditions, rédiger elles-mêmes une proposition de loi ou de résolution, l'examiner, la mettre aux voix et faire rapport à son sujet, sans que le Sénat la prenne préalablement en considération.

Le faible gain de temps que le recours à cette procédure aurait permis, le fait qu'à la lettre, elle ne soit applicable qu'à des propositions de loi et de résolution, et l'absence de précédents pour ce qui est de propositions de révision de la Constitution, ont toutefois amené à la commission à considérer qu'il ne serait pas opportun d'appliquer cet article en l'occurrence.

Enfin, il y a lieu de signaler qu'en application de l'article 78 de la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone, le Sénat, par lettre du 18 février 2004, a soumis la proposition de loi nº 3-482 pour avis au Conseil de la Communauté germanophone. Ce dernier a transmis son avis au Sénat le 30 mars 2004. Cet avis est reproduit en annexe au présent rapport.


Le présent rapport suit la chronologie de la discussion. Celle-ci a d'abord porté, le 18 mars 2004, sur les deux propositions de loi précitées, les amendements s'y rapportant et l'avis du Conseil d'État à leur sujet. Le 22 avril 2004, à la suite de la note élaborée par les services du Sénat, la discussion s'est orientée vers une révision de l'article 67 de la Constitution.

Le présent rapport a été soumis à la commission pour approbation le 27 avril 2004.

II. DISCUSSION

A. Les deux propositions de loi de M. Istasse et consorts nºs 3-481 et 3-482

Comme indiqué dans l'introduction, les deux propositions de loi mentionnées ci-après ont été, avec les amendements dont elles ont fait l'objet et l'avis du Conseil d'État y afférent, le point de départ de la discussion :

a) proposition de loi spéciale complétant la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises en vue de fixer explicitement la fin du mandat des membres des conseils de communauté et de région (doc. Sénat, nºs 3-481/1-3);

b) proposition de loi complétant la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone, en vue de fixer explicitement la fin du mandat des membres du Conseil de la Communauté germanophone (doc. Sénat, nºs 3-482/1-3).

M. Jean-François Istasse estime que vu l'importance du sujet ­ qui concerne le fonctionnement du Sénat au mois de juillet ­, il faudrait se concerter afin d'essayer de formuler des amendements aux deux propositions pour rencontrer les objections du Conseil d'État.

M. Hugo Vandenberghe se rallie à la thèse du Conseil d'État, qui considère que le problème auquel les deux propositions de loi entendent remédier est déjà réglé par la Constitution. Il est dès lors superflu, selon lui, de prendre une initiative législative en la matière.

Comme le fait remarquer à juste titre le Conseil d'État, étant donné que la qualité de membre du conseil de communauté ou de région ne coïncide plus dans le temps avec la qualité de membre du Sénat, deux hypothèses peuvent se présenter pour ce qui est de la fin du mandat des sénateurs de communauté.

1. Les sénateurs de communauté qui ne sont pas réélus en tant que membres du conseil régional qui les a désignés, perdent leur mandat le jour de l'élection du conseil en question (articles 67, § 1er, 3º à 5º, et 116 de la Constitution). Le mandat de sénateur de communauté tire en effet sa légitimité de la qualité de membre d'un conseil de communauté. Dès l'instant où ce lien direct fait défaut, le mandat de sénateur de communauté devient caduc.

Il ne peut être dérogé à ce principe constitutionnel ni par une loi spéciale ni par une loi ordinaire.

2. Les sénateurs de communauté qui sont réélus en qualité de membres du Conseil régional wallon ou du Vlaamse Raad et qui siègent donc respectivement au Conseil de la Communauté française ou au Raad van de Vlaamse Gemeenschap (1), continuent d'exercer leur mandat de sénateur de communauté, ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires de la disposition devenue l'article 67 de la Constitution.

Il faut cependant tenir compte à cet égard de la procédure de désignation « en cascade » des sénateurs de communauté francophones parmi les membres du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale (article 67, § 2, alinéa 2, de la Constitution et article 24, § 3, 2º, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles). Les candidats doivent d'abord être élus membres du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, puis faire partie du groupe des 19 membres qui sont désignés par et au sein du groupe linguistique français de cette assemblée pour siéger au Conseil de la Communauté française et enfin être désignés par ce conseil en qualité de sénateur de communauté.

M. Vandenberghe estime que les sénateurs de communauté francophones, qui sont réélus en qualité de membres du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, peuvent continuer à exercer leur mandat de sénateur de communauté au moins jusqu'à ce que le groupe linguistique français du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale désigne les membres qui siégeront au Conseil de la Communauté française. S'ils ne sont pas réélus en qualité de membres du Conseil de la Communauté française, leur mandat de sénateur de communauté prend fin à cet instant.

Ce qui précède pourrait toutefois avoir pour conséquence que le Sénat ne compte plus 71 membres durant une période de quatre semaines à compter de l'élection des conseils.

Conformément à l'article 32, § 1er, alinéa 4, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, après chaque renouvellement, le Conseil flamand et le Conseil de la Communauté française se réunissent de plein droit le quatrième mardi qui suit le renouvellement. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'ils procéderont à la désignation des sénateurs de communauté. Mais ce n'est pas une certitude.

Concrètement, cela signifie qu'à l'issue des élections du 13 juin 2004, les Conseils ne se réuniront pour la première fois que le 6 juillet 2004.

Selon M. Philippe Mahoux, il convient par conséquent de se demander si le Sénat peut se réunir et voter valablement si tous les sénateurs de communauté n'ont pas encore été désignés.

M. Hugo Vandenberghe ainsi que M. Armand De Decker, président, répondent par l'affirmative à cette question. Il existe des précédents.

M. Hugo Vandenberghe précise que le fait que quelques sénateurs de communauté ne sont pas réélus n'empêche pas juridiquement le Sénat d'exercer sa mission législative. En revanche, sur le plan politique, l'absence d'un ou de plusieurs sénateurs de communauté est susceptible de modifier le rapport des forces au sein de cette assemblée. Il n'est dès lors pas opportun, par exemple, de mettre aux voix, au cours de cette période, des propositions ou des projets de loi dont l'adoption requiert une majorité spéciale.

Le cas échéant, on pourrait adapter les conditions de quorum en tenant compte du fait qu'il n'est pas encore possible juridiquement de pourvoir à la vacance d'un certain nombre de mandats de sénateur de communauté. On pourrait par exemple passer un accord qui consisterait à ne pas tenir compte des sièges vacants pour la fixation du quorum.

M. Philippe Mahoux fait remarquer que, durant les quatre semaines qui suivront les élections des Conseils au début du mois de juin, le Parlement fédéral se trouvera dans la dernière ligne droite avant les vacances d'été. C'est une époque où il doit traditionnellement faire face à un programme législatif chargé. Si la Chambre doit transmettre à ce moment-là des projets de loi relevant de la procédure facultativement bicamérale pour lesquels le gouvernement aurait demandé l'urgence, l'absence de quelques sénateurs de communauté pourrait poser problème pour les projets politiquement sensibles.

M. Jean-François Istasse fait remarquer que le Parlement européen connaît une situation du type de celle envisagée par les deux propositions à l'examen et que cela ne pose apparemment aucun problème.

D'autre part, la Constitution elle-même contient des contradictions puisqu'elle dispose que le Sénat est composé de 71 membres. Logiquement, on ne pourrait donc pas admettre que le Sénat fonctionne s'il n'est pas composé de ces 71 membres. Ce sont ces problèmes que les deux propositions essaient de résoudre.

M. Armand De Decker, président, s'étonne aussi du caractère très radical de l'avis du Conseil d'État car la solution ne lui semble pas si claire que l'affirme la haute juridiction.

M. Luc Van den Brande enchaîne sur la distinction faite précédemment, selon que les sénateurs de communauté ont été ou non réélus membres d'un Conseil de communauté ou de région.

Le premier cas ne pose aucun problème. Comme le Sénat a vérifié les pouvoirs des intéressés et les a désignés sénateurs de communauté après son renouvellement ou en cours de législature, cette décision reste valable après leur réélection comme membres du Conseil.

En ce qui concerne la deuxième hypothèse, on peut adopter deux points de vue. D'un côté, on peut défendre la thèse selon laquelle le Sénat peut continuer à fonctionner durant la période de quatre semaines qui sépare l'élection des Conseils de communautés et de régions de la désignation des sénateurs de communauté. Cette assemblée est autonome et ne dépend pas des parlements fédérés ou de leur fonctionnement. Mais on peut se demander si cette conception ne porte pas atteinte au principe de légitimité de la composition du Sénat. Celui-ci se compose de quatre catégories de sénateurs : (1) les sénateurs élus directement, (2) les sénateurs de communautés, (3) les sénateurs cooptés et (4) les sénateurs de droit. Certes, le groupe des sénateurs de communauté représente moins d'un tiers du Sénat. Mais lorsqu'un ou plusieurs sièges revenant à des sénateurs de communauté ne peuvent pas être attribués immédiatement après les élections, on peut objecter que le Sénat n'est pas en mesure de jouer correctement le rôle de lieu de rencontre des communautés.

D'un autre côté, l'intervenant souscrit au point de vue selon lequel le mandat de sénateur de communauté dérive de la qualité de membre d'un Conseil de communauté. Si l'on prévoyait qu'un conseiller non réélu pourrait continuer à siéger comme sénateur de communauté, le mandat de celui-ci n'aurait pas la légitimité requise.

La solution avancée par les auteurs des deux propositions de loi à l'examen pour résoudre ce dilemme est toutefois rejetée par le Conseil d'État, précisément parce que le mandat des sénateurs de communauté non réélus n'est plus légitimé par la qualité de membre d'un Conseil de communauté. Tout le problème consiste donc à rechercher une symbiose entre, d'une part, le fonctionnement des institutions au niveau fédéral ­ le Sénat en l'occurrence ­ et, d'autre part, le fonctionnement des institutions au niveau des communautés.

L'intervenant se demande si une solution à ce problème peut être déduite de la Constitution et des principes constitutionnels. M. Hugo Vandenberghe répond par l'affirmative.

M. Philippe Mahoux se demande si la question ne pourrait pas être résolue par une modification du Règlement du Sénat. Pour les sénateurs de communauté réélus au niveau régional ne se pose aucun problème. Ceux qui ne sont pas réélus par contre perdent leur mandat de sénateur puisque la condition d'être » de communauté » leur fait désormais défaut. Pour ceux-là se pose le problème de la rapidité de leur remplacement car le Sénat doit continuer à siéger. Ne pourrait-on adapter le Règlement du Sénat pour régler le maintien des équilibres pendant cette période, notamment pour la détermination du quorum ?

M. Armand De Decker, président, objecte qu'on ne peut surmonter les obstacles posés par la Constitution ou la loi spéciale par un simple règlement.

M. Jean-Marie Happart compare la situation avec celle des conseillers communaux. Après les élections communales, les conseillers continuent à siéger jusqu'à l'installation du nouveau conseil et prennent des décisions importantes pour la vie de la commune même s'ils ne sont plus à ce moment légitimement élus.

Par ailleurs, quel que soit le résultat des élections régionales, l'attribution des sièges pour les sénateurs de communauté est déterminée par le vote aux élections du Sénat et non aux élections régionales.

Il va de soi que les élections dans les entités fédérées ne peuvent remettre en cause le fonctionnement du Sénat. Ne pourrait-on dès lors appliquer la solution communale par analogie ?

Si un événement se produit pendant la période de dissolution des Chambres, celles-ci peuvent d'ailleurs être convoquées malgré la dissolution.

M. Hugo Vandenberghe objecte que le pouvoir dans un tel cas est exercé par le gouvernement, qui peut seulement consulter les Chambres.

M. Philippe Mahoux ajoute que si l'on suivait le raisonnement proposé par M. Happart, il faudrait considérer que le mandat des parlementaires régionaux et communautaires prend fin au moment de leur remplacement.

Mme Nathalie de T' Serclaes rappelle que les Conseils de communauté ne sont complets et ne peuvent siéger qu'à partir du moment où le Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale y a délégué ses représentants. Ils ne peuvent désigner de sénateurs de communauté avant cela.

M. Christian Brotcorne constate qu'il y a à l'évidence un problème à résoudre, même si la Constitution permet implicitement de considérer que le non-élu perd automatiquement la capacité de représenter les électeurs. Le Conseil d'État attire l'attention sur l'interdiction de discrimination entre les sénateurs de communauté et les autres élus. Les propositions de loi et les amendements déposés visaient à résoudre le problème, mais peut-être la formule n'était-elle pas adéquate.

Selon le membre, la modification du Règlement du Sénat ne pourra pas apporter de solution car il faudra s'adapter au cas par cas, en fonction du nombre de sénateurs de communauté réélus.

L'objectif est de préciser la prise d'effet et la fin du mandat. Il faudrait peut-être régler la question pour l'ensemble des élus, en s'inspirant de l'Acte portant élection des représentants à l'Assemblée au suffrage universel direct (auquel renvoie le Règlement du Parlement européen) dont l'article 3.3 dispose que le mandat prend fin le jour où est installée la nouvelle assemblée élue. Cependant, cela revient à considérer que la désignation de l'élu n'a plus lieu le jour des élections mais au moment de l'installation de l'assemblée. C'est là une partie de la problématique abordée par le Conseil d'État.

M. Hugo Vandenberghe répète qu'il n'y a en fait pas de problème pour les sénateurs de communauté réélus. Le seul problème d'interprétation concerne les sénateurs de communauté francophones issus du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale. Étant donné que leur désignation en tant que sénateur de communauté a lieu « en cascade », l'intervenant considère que le sénateur de communauté réélu continue à exercer son mandat jusqu'à la désignation des sénateurs de communauté par le Conseil de la Communauté française. Si le conseiller réélu n'est plus désigné, il perd son mandat.

La seule solution possible pour écourter au maximum la période d'insécurité entre les élections et la désignation des sénateurs de communauté consiste à raccourcir le délai de quatre semaines dans lequel les conseils de communauté doivent se réunir après le renouvellement, conformément à l'article 32 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. On a notamment procédé de la sorte lors de la réforme du Sénat en 1993. Pourquoi ne pourrait-on ramener ce délai, dans lequel doit se faire la vérification des pouvoirs, à quinze jours par exemple, ou en fixer l'échéance au deuxième ou au troisième mardi après les élections ?

M. Armand De Decker, président, admet que les sénateurs de communauté qui sont réélus au Conseil de leur région continuent à siéger au Sénat. Mais les sénateurs de communauté francophones issus de la Région de Bruxelles-Capitale qui sont réélus au Conseil de cette région, ont-ils automatiquement le droit de continuer à siéger au Sénat ?

M. Hugo Vandenberghe répond par la négative car ces parlementaires doivent en fait faire l'objet d'une double désignation : d'abord par le Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, puis par le Conseil de la Communauté française.

M. Philippe Mahoux objecte qu'entre le moment des élections à la Région de Bruxelles-Capitale et celui de la désignation par le Conseil des membres qu'il envoie au Conseil de la communauté, ces sénateurs n'ont pas la qualité de membre du Conseil de la communauté.

M. Hugo Vandenberghe réplique qu'il s'agit là d'une condition impossible à remplir car la désignation de membre du Conseil de communauté ne se fait pas le jour des élections. On ne peut pas exiger davantage à ce moment que l'élection comme député régional.


Eu égard à ce qui précède, la commission décide de demander l'avis du service des Affaires juridiques et du service d'Évaluation de la législation du Sénat, afin de voir de quelle manière il serait possible de répondre à la critique formulée par le Conseil d'État.

B. Note du service des Affaires juridiques et du service d'Évaluation de la législation du Sénat

I. Objectif des deux propositions de loi de M. Istasse et consorts

1. Les sénateurs de communauté qui ne seront pas réélus comme membres d'un Conseil perdront leur qualité de membre d'un Conseil et, par voie de conséquence, leur qualité de sénateur de communauté, à la date du renouvellement intégral des Conseils (le 13 juin 2004). Ils ne pourront plus, dès ce moment, participer aux travaux du Sénat. Comme leur remplacement n'aura lieu au plus tôt qu'à la première réunion des Conseils renouvelés (le quatrième mardi qui suit le jour des élections des Conseils, c'est-à-dire le 6 juillet 2004) (2), un certain nombre de sièges resteront vacants au Sénat pendant plus de trois semaines.

Cette situation pourra avoir des répercussions sur le bon déroulement des travaux du Sénat au cours de la période séparant le renouvellement et l'installation des Conseils. « Si la vacance d'un ou de plusieurs mandats ne peut faire obstacle au bon déroulement des travaux du Sénat, un nombre important de mandats vacants pourrait par contre avoir une incidence temporaire sur les rapports de force politiques au sein du Sénat à un moment d'intense activité parlementaire fédérale (3). »

2. Les deux propositions de loi 3-481 et 3-482 de M. Istasse et consorts tentent de remédier à cette situation, en prolongeant le mandat des membres sortants des Conseils de communauté et de région jusqu'à l'ouverture de la première réunion des Conseils renouvelés. De cette manière, les sénateurs de communauté sortants resteraient membres d'un Conseil de communauté, celui-ci fût-il un ancien Conseil, pendant la période séparant le renouvellement et l'installation des Conseils. Ils pourraient donc continuer à siéger comme sénateur de communauté.

3. Une brève analyse de ces propositions de loi suscite quatre remarques.

3.1. Si les deux propositions de loi visent d'abord à régler la situation des sénateurs de communauté non réélus comme membres d'un Conseil, elles règlent aussi incidemment celle des sénateurs de communauté réélus comme membres d'un Conseil (4).

Ces derniers conservent leur mandat de sénateur de communauté sans autre formalité, selon l'interprétation retenue lors des travaux préparatoires de la disposition devenue l'article 67 de la Constitution (5). Ils peuvent donc exercer leur mandat sénatorial sans interruption, y compris pendant la période séparant le renouvellement et l'installation des Conseils.

Leur situation n'est cependant pas toujours aussi claire qu'il y paraît à première vue. En effet, tant que la vérification des pouvoirs par les Conseils et la prestation de serment des intéressés n'ont pas eu lieu, la réélection des membres des Conseils n'est pas certaine. Par ailleurs, la réélection d'un sénateur de communauté sortant comme membre du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale ne garantit pas automatiquement un nouveau mandat au Conseil de la Communauté française. Les groupes politiques du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale sont en effet libres de désigner, en leur sein, les membres qui siègeront au Conseil de la Communauté française.

Sur ces questions, les deux propositions de loi apportent incontestablement une plus grande sécurité juridique.

3.2. Le Conseil d'État constate que la solution suivie par les deux propositions de loi peut dans un cas être moins favorable que la situation actuelle. Les propositions prévoient une prolongation du mandat des membres sortants des Conseils de communauté et de région jusqu'à la première réunion des Conseils renouvelés. Si, à cette date, un sénateur de communauté sortant, qui est réélu comme membre d'un Conseil, ne prête pas serment, son ancien mandat prend fin, alors que dans la situation actuelle, selon l'interprétation qui a été donnée plus haut, il continuerait à exercer son mandat de sénateur sans interruption (6).

Cette observation est correcte. Mais un tel inconvénient, s'il devait se produire, serait minime. Alors que les avantages, en termes de plus grande sécurité juridique offerts par les deux propositions de loi sont réels.

3.3. Le Conseil d'État insiste aussi sur le fait qu'une prolongation du mandat des membres des Conseils de région et de communauté a des conséquences sur les indemnités, sur les immunités parlementaires, de même que sur d'autres aspects du statut parlementaire (7). Dont acte.

3.4. Il reste un problème que le Conseil d'État n'a pas relevé. Pour le Conseil régional wallon et pour le Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, la première réunion des Conseils renouvelés a lieu une semaine plus tôt que pour les Conseils de communauté, soit le troisième mardi qui suit leur renouvellement (le 29 juin 2004) (8). Telle est la logique des mandats « en cascade ». Il en découle que les sénateurs de communauté francophones non réélus comme membres d'un Conseil perdraient, aux termes des deux propositions de loi, leur mandat une semaine avant leurs collègues néerlandophones (9).

II. Les enseignements de l'avis du Conseil d'État nº 36.582/VR.

4. Le Conseil d'État confirme les principes qui sont à la base des deux propositions de loi (10).

L'article 67, § 1er, 3º à 5º, de la Constitution dispose que les sénateurs de communauté sont désignés par et au sein des Conseils de communauté. Pour pouvoir être sénateur de communauté, il faut être membre d'un Conseil de communauté. Le sénateur de communauté qui perd son mandat de membre d'un Conseil, perd de droit son mandat de sénateur de communauté.

Par conséquent, les sénateurs de communauté qui ne sont pas réélus comme membres d'un Conseil, ne peuvent plus continuer à siéger au Sénat. Le jour des élections des Conseils, ils perdent leurs deux (ou trois) mandats parlementaires.

Le principe est solidement établi. Il est confirmé par les travaux préparatoires de la disposition devenue l'article 67 de la Constitution (11).

5. Le Conseil d'État s'oppose à la prolongation du mandat des membres sortants non réélus des Conseils au-delà de la date des élections (12).

Le Conseil d'État formule une importante objection, tirée de l'article 116 de la Constitution. Compte tenu du principe constitutionnel selon lequel les Conseils sont composés de mandataires élus, il n'appartient pas au législateur (spécial), de fixer la fin et le début du mandat d'un conseiller après la date des élections auxquelles le mandat emprunte sa légitimité démocratique. Ce principe constitutionnel s'oppose à la prolongation du mandat des membres sortants non réélus des Conseils de communauté et de région jusqu'à l'ouverture de la première réunion des Conseils renouvelés, telle qu'envisagée par les deux propositions de loi.

6. À titre accessoire, l'avis du Conseil d'État se prononce de manière expresse sur trois questions qui se poseront lors du prochain renouvellement des Conseils (13).

L'article 211, § 7, du Code électoral s'applique pour procéder au remplacement des sénateurs de communauté non réélus comme membres d'un Conseil.

Les sénateurs de communauté qui sont réélus comme membres d'un Conseil de communauté conservent leur mandat sénatorial sans autre formalité. Cette solution est consacrée dans les travaux préparatoires de la disposition devenue l'article 67 de la Constitution (14) et dans les travaux préparatoires de la loi du 16 juillet 1993 (15). Elle est aujourd'hui reconnue par le Conseil d'État.

L'article 239 du Code électoral ne concerne que le renouvellement intégral du Sénat et ne s'applique pas au renouvellement intégral des Conseils.

III. Quelles sont les solutions possibles (16) ?

7. Pour le Conseil d'État, le mandat de membre d'un Conseil ne peut en aucun cas se prolonger au delà de la date du renouvellement des Conseils. Or, telle semble être la seule voie pour prolonger le mandat des sénateurs de communauté non réélus comme membres d'un Conseil et assurer la continuité de tous les mandats au Sénat. La position du Conseil d'État semble conduire à une impasse et exclure toute solution législative du problème.

8. Deux séries de réactions sont envisageables.

D'une part, on peut chercher une issue dans le cadre des démarches qui ont été suivies jusqu'à ce jour. Soit on se range à l'avis du Conseil d'État et on renonce à toute initiative législative (IV). Il y a lieu dans ce cas de trouver au Sénat un modus vivendi pour la période du 13 juin au 6 juillet.

Soit, on conteste l'avis du Conseil d'État et on adopte les deux propositions de loi (éventuellement amendées) (V). Une troisième voie a été suggérée en commission des Affaires institutionnelles, qui consiste à avancer le plus possible la date de la première réunion des Conseils renouvelés (VI).

D'autre part, il existe une solution plus radicale, qui consiste à réviser le texte même de la Constitution (VII), pour répondre à toutes les objections sur la constitutionnalité des deux propositions de loi. Cette solution offre l'avantage d'être imparable. On peut s'interroger toutefois sur l'opportunité de changer le texte de la Constitution pour régler un problème d'une ampleur limitée.

IV. La première solution consiste à renoncer à toute initiative législative (17).

9. On se résigne à vivre durant plus de trois semaines avec un Sénat amputé d'une partie de ses membres. Les sénateurs de communauté non réélus comme membres d'un Conseil ne peuvent plus prendre part aux travaux du Sénat à compter du jour de l'élection des Conseils.

En soi, cela n'empêche pas le Sénat de poursuivre ses travaux. Toutefois, comme on l'a déjà souligné, « un nombre important de mandats vacants pourrait avoir une incidence temporaire sur les rapports de force politiques au sein du Sénat ».

10. Ne serait-il pas opportun dans ce cas de définir (au sein du Bureau du Sénat ?) un modus vivendi pour la période du 13 juin au 6 juillet ? Plusieurs pistes sont imaginables.

Le Sénat pourrait se limiter à « expédier les affaires courantes » et à ne traiter que les dossiers politiquement non sensibles. Le Sénat pourrait décider de poursuivre ses activités mais de suspendre les votes. Une telle solution poserait toutefois problème pour les projets de loi soumis à des délais d'examen très courts (18).

On pourrait imaginer un système qui s'inspire de la technique du pairage, qui aurait pour but de rétablir la proportionnelle au sein de l'assemblée (19).

11. Que se passerait-il si la majorité décidait de voter sur des projets de loi importants, alors que l'assemblée est amputée d'une partie de ses membres ? On pourrait imaginer le cas de figure où la majorité se trouverait dans une position renforcée durant trois semaines, disposant même, le cas échéant, d'une majorité des deux tiers (il ne manque que trois voix !).

La Cour d'arbitrage s'est toujours refusée à exercer un contrôle sur la régularité de la composition des assemblées législatives ou sur la régularité de la procédure ayant conduit à l'adoption d'une loi.

Dans son arrêt 35/2003, la Cour d'arbitrage confirme que « les griefs qui ne concernent pas le contenu des dispositions attaquées mais bien leur processus d'élaboration sont en principe étrangers à la compétence de la Cour. (...) La Cour n'est, en principe, pas compétente pour examiner si la disposition en cause a été adoptée par une assemblée législative irrégulièrement composée ni pour se prononcer sur le fonctionnement interne d'une assemblée législative ». (B.2.2.)

La Cour laisse toutefois la porte ouverte à des exceptions. Comme le relève le professeur H. Vuye, « deux fois « en principe » en sept lignes, c'est se réserver beaucoup d'exceptions virtuelles (20) ». La Cour considère depuis 1990 que la condition de majorité spéciale fait partie intégrante du système de détermination de compétences (21).

Ne pourrait-elle pas considérer, à la suite de cette jurisprudence, qu'une loi à majorité spéciale votée au Sénat en l'absence d'un certain nombre de sénateurs de communauté serait également contraire aux règles répartitrices de compétence ? « Peut-être la Cour attend-elle une violation particulièrement flagrante du droit parlementaire pour s'immiscer dans le processus législatif (22) ».

V. La deuxième solution consiste à adopter les deux propositions de loi, malgré l'avis du Conseil d'État.

12. Le raisonnement du Conseil d'État tient en trois lignes. En vertu du principe constitutionnel selon lequel les Conseils sont composés de mandataires élus, il n'appartient pas au législateur de fixer la fin et le début du mandat d'un conseiller après la date des élections auxquelles le mandat emprunte sa légitimité démocratique.

Ce raisonnement n'est pas incontestable.

13. Le principe constitutionnel qui inspire le choix des auteurs des deux propositions de loi ­ le lien nécessaire entre le mandat communautaire et le mandat sénatorial ­ est consacré comme tel par la Constitution (article 67, § 1er, 3º à 5º). Il est solidement établi. Ses implications sont confirmées de manière expresse dans les travaux préparatoires.

Tel n'est pas le cas du principe qu'invoque le Conseil d'État à l'appui de son raisonnement.

On s'étonne que le Conseil d'État n'a pas développé davantage le principe sur lequel il fonde son avis. On cherchera en vain le lien entre le principe selon lequel les Conseils sont composés de mandataires élus et l'interdiction de fixer la fin et le début d'un mandat après la date des élections auxquelles il emprunte sa légitimité démocratique. Ni le texte de l'article 116 de la Constitution, ni ses travaux préparatoires ne permettent d'opérer une telle déduction.

14. Il est tout aussi étonnant que le Conseil d'État passe sous silence les exemples ­ pourtant nombreux ­ qui contredisent sa thèse. Au Parlement européen (23), au Sénat français (24) ou au Congrès américain (25), les mandats parlementaires se prolongent au-delà des élections. Chez nous, la solution est consacrée par la loi communale (26).

Le Code électoral lui-même prévoit à l'article 239 une dérogation au principe défendu par le Conseil d'État. En cas de renouvellement ordinaire des Chambres (c'est-à-dire en dehors des cas de dissolution anticipée), le mandat des sénateurs de communauté est prolongé jusqu'à « la date fixée en application de l'article 211 pour leur remplacement ».

15. Si l'on accepte que le Sénat soit amputé pendant plusieurs semaines d'une partie de ses membres, ne risque-t-on pas de heurter des principes tout aussi fondamentaux, consacrés par la Constitution : le principe de la composition proportionnelle du Sénat (article 68, § 1er), le principe de la représentation des communautés au sein du Sénat (article 67, § 1er, 3º à 5º) ?

16. Pour le Conseil d'État, la solution suivie par les deux propositions de loi « reviendrait à ce que les [sénateurs de communauté non réélus] puissent représenter un Conseil de communauté dont ils ne sont plus membres ». Cette conception du mandat des sénateurs de communauté n'est pas correcte. Ces derniers représentent la Nation, comme tous les parlementaires fédéraux (article 42 de la Constitution). Ils constituent un lien, essentiel dans un État fédéral, entre les communautés et le Parlement fédéral, mais ils ne sont pas les représentants des Conseils de communauté.

17. Il y a lieu de mesurer les risques d'un recours éventuel devant la Cour d'arbitrage, si les deux propositions de loi étaient tout de même adoptées. Indépendamment de la question de savoir si la Cour se laisserait convaincre par les arguments du Conseil d'État, deux observations peuvent être formulées.

D'une part, l'article 116 de la Constitution ne fait pas partie des articles dont la violation peut être sanctionnée par la Cour d'arbitrage. Or, selon le Conseil d'État, c'est cette disposition qui est en jeu.

D'autre part, si on avance le principe de la non-discrimination, ce qui est d'ordinaire le cas lorsqu'on ne peut invoquer la violation directe d'un article de la Constitution, il y a en l'espèce suffisamment d'arguments pour établir que la différence de traitement « repose sur des critères objectifs et qu'elle est raisonnablement justifiée (27) ».

18. Si l'on adoptait les deux propositions de loi, il y aurait lieu d'être attentif à trois observations.

18.1. Selon le Conseil d'État, les deux propositions de loi entraînent, entre le renouvellement et la première réunion des Conseils, un chevauchement des mandats des membres sortants et non réélus avec les mandats des nouveaux membres élus. « Un tel chevauchement s'avère pour le moins incohérent et peut, en outre, difficilement se concilier avec les principes constitutionnels en matière d'élection des Conseils de communauté et de région (28). »

Le Conseil d'État suggère lui-même une solution : « Pour cette raison, il conviendrait de fixer tant le début que la fin du mandat et ce, de telle manière qu'il n'y ait pas de chevauchement entre les mandataires non réélus et les mandataires nouvellement élus (29). »

On pourrait par exemple prévoir que le mandat des nouveaux élus commence le jour de la première réunion des Conseils renouvelés. Cette solution n'est toutefois pas sans inconvénients. Elle priverait les intéressés du bénéfice de l'immunité dès le jour de leur élection.

Ceci dit, un tel chevauchement ne devrait pas poser de problème pratique. En effet, jusqu'au jour de la première réunion des Conseils renouvelés, le mandat parlementaire est plus virtuel que réel.

18.2. Le Conseil d'État formule une critique au sujet des amendements déposés par M. Istasse (30) :

L'amendement nº 1 se lit comme suit :

Un article 24ter, rédigé comme suit, est inséré dans le titre III, chapitre II, section 1re, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles :

« Article 24ter. ­ En cas de renouvellement intégral du Conseil de la Communauté française, du Conseil régional wallon et du Conseil flamand, le mandat des membres sortants prend fin à la date fixée pour le renouvellement du Conseil.

Toutefois, le mandat des membres sortants désignés par les Conseils en qualité de sénateurs de communauté prend fin à l'ouverture de la première séance qui suit le renouvellement du Conseil en question. »

Pour le Conseil d'État, cet amendement implique une différence de traitement injustifiée entre les membres du Conseil qui sont sénateurs de communauté et ceux qui ne le sont pas (31).

Le Conseil d'État ne précise pas davantage sa position. Selon l'enseignement traditionnel de la Cour d'arbitrage, « les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée ». C'est incontestablement le cas en l'espèce (32).

Enfin, la différence de traitement alléguée est théorique. En effet, jusqu'au jour de la première réunion des Conseils renouvelés, le mandat de membre d'un Conseil est plus virtuel que réel.

18.3. Enfin, force est de se demander si l'amendement nº 1 n'est pas formulé de manière trop large. C'est certes une question qui n'a pas été soulevée par le Conseil d'État, mais dont il y aurait quand même éventuellement lieu de tenir compte.

Sans doute les règles proposées ne sont-elles applicables que dans l'hypothèse où les élections pour les Conseils ne coïncident pas avec les élections pour le Sénat. Le but n'est pas de prévoir que, lorsque ces deux élections coïncident, le mandat des sénateurs de communauté ne prenne fin qu'à l'ouverture de la première séance qui suit le renouvellement des Conseils. Il y a lieu d'examiner s'il ne faudrait pas apporter cette nuance dans le texte même de la loi.

VI. La troisième solution consiste à avancer la date de la première réunion des Conseils renouvelés

19. Après un renouvellement, les Conseils de communauté se réunissent de plein droit le quatrième mardi qui suit le jour où le renouvellement a eu lieu (33). C'est par conséquent aussi le premier jour où ils peuvent élire les sénateurs de communauté.

Est-il possible d'avancer cette date ? Les Conseils de communauté ne pourraient-ils pas se réunir plus tôt, pour pouvoir désigner plus rapidement les sénateurs de communauté ?

20. Le fait de mentionner une date dans la loi n'emporte pas l'impossibilité pour les gouvernements de communauté de réunir les Conseils plus tôt (34). En effet, les gouvernements peuvent réunir les Conseils en session extraordinaire (35), et les gouvernements démissionnaires conservent cette compétence.

Il est toutefois peu probable que les gouvernements de communauté auront recours à cette possibilité. En effet, elle soulève bien des difficultés pratiques et juridiques.

21. C'est surtout en ce qui concerne le Conseil de la Communauté française qu'il y a problème. En effet, celui-ci se compose des 75 membres du Conseil de la Région wallonne et des 19 membres désignés par le groupe linguistique français du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale en son sein. Par conséquent, le Conseil de la Communauté française ne peut se réunir qu'une fois que le Conseil régional wallon et le Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale ont été installés et que le Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale a désigné 19 membres.

Le Conseil de la Région wallonne se réunit de plein droit, après chaque renouvellement, le troisième mardi qui suit le jour où le renouvellement a eu lieu (36).

Le Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale se réunit lui aussi de plein droit, après chaque renouvellement, le troisième mardi qui suit le jour où le renouvellement a eu lieu (37).

Le gouvernement de la Communauté française ne peut dès lors convoquer anticipativement le Conseil de la Communauté française que si le gouvernement de la Région wallonne et le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale ont eux aussi convoqué leurs conseils anticipativement.

22. Les gouvernements en question ne disposent que d'une petite marge de manoeuvre à cet égard. Ils peuvent en théorie convoquer leurs conseils, par exemple, le deuxième mardi après le renouvellement, mais il semble qu'il leur soit impossible de les convoquer encore plus tôt. Les candidats qui souhaitent déposer une réclamation contre l'élection doivent en effet encore disposer d'un délai suffisant pour ce faire. Selon la réglementation actuelle, les réclamations doivent être remises dans les dix jours de l'établissement du procès-verbal et, en tout cas, avant la vérification des pouvoirs (38). Le délai de dix jours peut donc être raccourci (puisque le texte précise que les réclamations doivent « en tout cas » être remises avant la vérification des pouvoirs), mais il faut que les candidats disposent encore d'un délai raisonnable pour qu'ils puissent encore déposer des réclamations.

23. Une convocation anticipée des conseils par les gouvernements de communauté est dès lors possible, mais le gain de temps réalisable est limité. Il n'est probablement pas réaliste de considérer que les Conseils de communauté (en particulier le Conseil de la Communauté française) peuvent être convoqués avant le troisième mardi suivant leur renouvellement. Il restera dès lors de toute manière une période pendant laquelle le Sénat ne sera pas entièrement constitué.

Cela signifie que la décision éventuelle de procéder à une convocation anticipée dépend entièrement des gouvernements de communauté. Le Sénat ne peut avoir l'assurance que les gouvernements de communauté prendront une telle décision.

24. Le législateur (spécial) peut-il écourter lui-même les délais ? Le procédé en question permet bien entendu d'éviter que le Sénat ne dépende d'une initiative des gouvernements de communauté et oblige légalement les conseils de communauté à se réunir plus tôt.

Ce scénario soulève toutefois les mêmes objections que celles dont il a été question aux points 22 et 23. Il n'est pas possible d'avancer la convocation du Conseil de la Communauté française sans avancer aussi celle du Conseil régional wallon et celle du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale. Il faut veiller en outre à ce qu'il reste un délai raisonnable permettant le dépôt de réclamations contre les élections.

25. À cela s'ajoute que la fixation de la date de la convocation des Conseils relève de l'autonomie constitutive (39).

Le Conseil flamand a déjà invoqué cette autonomie constitutive pour modifier les dispositions relatives à l'ouverture annuelle de la session. Ce point s'inscrit dans le débat sur la question de savoir si le législateur fédéral reste compétent pour régler les matières qui relèvent de l'autonomie constitutive (40).

Le Conseil de la Communauté française, le Conseil régional wallon et le Conseil flamand sont seuls à disposer de l'autonomie constitutive. Le Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale et le Conseil de la Région germanophone n'en disposent pas.

26. Pour pouvoir modifier les règles applicables pour convoquer le Conseil de la Communauté germanophone, il faut toutefois adapter la loi du 31 décembre 1983. Il y a lieu de recueillir, à cet effet, l'avis préalable du Conseil de la Communauté germanophone (41).

VII. La quatrième solution consiste à réviser l'article 67, § 1er, de la Constitution.

27. L'article 67, § 1er, de la Constitution est rédigé comme suit :

« § 1er. Sans préjudice de l'article 72, le Sénat se compose de septante et un sénateurs, dont :

1º vingt-cinq sénateurs élus conformément à l'article 61 par le collège électoral néerlandais;

2º quinze sénateurs élus conformément à l'article 61 par le collège électoral français;

3º dix sénateurs désignés par le Conseil de la Communauté flamande, dénommé Conseil flamand, en son sein;

4º dix sénateurs désignés par le Conseil de la Communauté française en son sein;

5º un sénateur désigné par le Conseil de la Communauté germanophone en son sein;

6º six sénateurs désignés par les sénateurs visés aux 1º et 3º;

7º quatre sénateurs désignés par les sénateurs visés aux 2º et 4. »

On pourrait compléter cette disposition par un nouvel alinéa rédigé comme suit :

« Lorsque le renouvellement intégral de leur Conseil ne coïncide pas avec le renouvellement du Sénat, les sénateurs visés à l'alinéa 1er, 3º à 5º, conservent leur mandat de sénateur jusqu'à l'ouverture de la première session qui suit le renouvellement de leur Conseil. »

28. Les objections juridiques que le Conseil d'État a formulées dans son avis deviendraient ainsi sans objet.

Le Conseil d'État part du principe que les sénateurs de communauté qui ne sont pas réélus comme membres du Conseil de communauté qui les a désignés, ne peuvent plus continuer à siéger au Sénat après les élections des Conseils de communauté et de région. Ce principe se fonde sur l'article 67, § 1er, 3º à 5º, de la Constitution, qui précise que les sénateurs de communauté sont désignés par les Conseils de communauté en leur sein. Selon le raisonnement du Conseil d'État, le fait d'avoir été élu membre d'un Conseil de communauté est une condition essentielle pour pouvoir être sénateur de communauté.

Or, l'article 67 de la Constitution établira une exception constitutionnelle audit principe s'il est complété de la manière proposée : même après le renouvellement intégral de leur Conseil, les sénateurs de communauté conserveront leur qualité jusqu'à l'ouverture de la première session suivant le renouvellement de leur Conseil, même s'ils n'ont pas été réélus.

29. La solution proposée fait également disparaître en droit l'inégalité de traitement qui aurait été instaurée entre les membres du Conseil qui sont sénateurs de communauté et ceux qui ne le sont pas (42). Une distinction qui est établie par la Constitution elle-même échappe en effet au contrôle de la Cour d'arbitrage (43). On peut même faire valoir qu'une fois que la révision de la Constitution, telle que proposée, aurait eu lieu, les deux catégories seraient insuffisamment comparables pour que l'on puisse encore contrôler si le principe d'égalité est encore respecté. Les objections du Conseil d'État se fondent sur la comparaison entre deux catégories de conseillers : ceux qui sont sénateurs de communauté et ceux qui ne le sont pas. La révision de la Constitution qui est proposée en l'occurrence modifie toutefois le statut de certains sénateurs (un groupe déterminé de ceux-ci), mais pas celui des conseillers. Il faudrait dès lors comparer le statut d'un groupe de sénateurs et celui des conseillers.

La réglementation proposée présente l'avantage supplémentaire de respecter totalement les rapports de force politiques qui existent au sein du Sénat. On ne touche pas aux rapports de force qui existent entre les divers groupes politiques, entre la majorité et l'opposition et entre les deux groupes linguistiques.

La constituante actuelle a compétence pour procéder à la révision de l'article 67 de la Constitution. L'article 67 fait en effet partie de la liste des articles de la Constitution ouverts à révision (44).

On peut en outre prévoir, le cas échéant, une disposition transitoire indiquant que la réglementation ne s'appliquera qu'au premier renouvellement intégral des Conseils à venir.

Le texte proposé pourrait aussi être inséré à l'article 68, § 3, de la Constitution, qui concerne la désignation des sénateurs de communauté et qui est également ouvert à révision.

C. Proposition de révision de l'article 67 de la Constitution de M. De Decker et consorts nº 3-639

M. Jean-François Istasse remercie le service des Affaires juridiques et le service d'Évaluation de la législation pour la note qu'ils ont rédigée. Il constate que celle-ci oriente plutôt la commission vers une révision des articles 67 ou 68 de la Constitution, qui sont tous deux ouverts à révision. Cette solution présente l'avantage incontestable de tenir compte des objections constitutionnelles que le Conseil d'État a formulées dans son avis.

M. Hugo Vandenberghe déclare ne pas être convaincu par les arguments qui sont avancés dans la note pour justifier la deuxième solution possible, à savoir l'adoption des propositions de loi, éventuellement amendées, de M. Istasse et consorts. Selon lui, elles ne dissipent aucunement les objections formulées par le Conseil d'État.

Si l'avis du Conseil d'État est succinct en la matière, c'est parce que la Constitution elle-même est très claire. L'article 116, § 1er, dispose en effet que les Conseils sont composés de mandataires élus. Cela signifie que, le jour des élections des Conseils, les candidats savent s'ils sont élus ou non. La référence aux États-Unis, faite au point 14 de la note, où le mandat des sénateurs ne prend cours que le 3 janvier, alors qu'ils sont élus le premier mardi d'octobre de l'année précédente, n'est pas pertinente en l'occurrence. Instaurer pareille formule par le biais d'une loi spéciale violerait l'article 116, § 1er, de la Constitution, qui n'est actuellement pas ouvert à révision.

Il est en tout cas juridiquement exclu, selon l'intervenant, qu'un Conseil de communauté soit composé, d'une part, de membres élus et, d'autre part, de membres qui n'ont pas été réélus mais qui continueraient à exercer leur mandat pour pouvoir continuer à siéger comme sénateurs de communauté, à moins d'insérer à l'article 67 de la Constitution une disposition qui tienne compte de la désignation « en cascade » des sénateurs de communauté.

M. Hugo Vandenberghe se rallie dès lors à l'option qui est suggérée dans la note et qui consiste à réviser l'article 67 de la Constitution. À cet effet, il est proposé, dans la note, de compléter l'article 67, § 1er, alinéa 2, par le texte suivant :

« Lorsque le renouvellement intégral de leur Conseil ne coïncide pas avec le renouvellement du Sénat, les sénateurs visés à l'article 1er, 3º à 5º, conservent leur mandat de sénateur jusqu'à l'ouverture de la première session qui suit le renouvellement de leur Conseil. »

L'intervenant estime que le mot « conservent » n'est pas approprié. Le Conseil d'État a en effet observé que les sénateurs de communauté qui sont réélus comme membres d'un Conseil de communauté continuent à exercer leur mandat de sénateur de communauté (doc. Sénat, nº 3-481/3, p. 4, point 4.2.2). Cette façon de voir se base sur la règle prévue à l'article 68, § 1er, de la Constitution, selon laquelle la répartition des sièges réservés aux sénateurs de communauté se fait en fonction des résultats électoraux obtenus pour l'élection du Sénat, et non pour l'élection des Conseils.

En utilisant le mot « conservent », on donne l'impression que tous les sénateurs de communauté perdent leur mandat après l'élection des Conseils. Or, tel n'est pas le but. C'est la raison pour laquelle il faudrait préciser que la disposition proposée ne concerne que les sénateurs de communauté qui n'ont pas été réélus membres d'un Conseil de communauté ou qui ne siègent plus dans leur Conseil après les élections. Cette formule serait une solution satisfaisante au problème spécifique de la désignation en cascade des sénateurs de communauté francophones issus du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale.

M. Christian Brotcorne déclare que son groupe a cosigné les propositions 3-481 et 3-482 parce qu'il estime qu'il faut résoudre le problème du sénateur de communauté qui n'est pas réélu dans son Conseil. Dans cette optique, il rejette la première option proposée dans la note des services du Sénat, consistant à ne pas prendre d'inititiative législative. Deux voies sont envisageables, à savoir la modification de la loi spéciale ou celle de la Constitution. La révision de la Constitution pour résoudre un tel problème ponctuel peut sembler une méthode lourde mais elle répond aux objections du Conseil d'État tout en offrant le maximum de garanties juridiques. Cela paraît dès lors la meilleure solution, en tenant compte de la formulation proposée par M. Vandenberghe.

Au contraire de l'intervenant précédent, Mme Nathalie de T' Serclaes estime que le Sénat pourrait continuer à fonctionner sans qu'il faille nécessairement intervenir sur le plan législatif pour régler, pour une période relativement courte, le sort des sénateurs de communauté non réélus dans leur Conseil.

Si l'on décide néanmoins de régler explicitement le problème, la solution la plus claire et la moins sujette à contestation est celle de la révision de la Constitution. Si un consensus se dégage pour cette formule, le groupe MR la soutiendra.

Toutefois, la sénatrice rappelle que la proposition de révision de la Constitution devra aussi être adoptée par la Chambre et ce dans un délai relativement court car la date des élections approche. Ensuite, que se passera-t-il si le constituant décide de réaligner les élections régionales sur les élections fédérales ? La Constitution doit rester la norme fondamentale qu'on ne peut modifier continuellement pour des questions d'opportunité.

M. Philippe Mahoux remarque que l'article 67 de la Constitution est ouvert à révision et que le constituant n'est pas lié par les motifs invoqués dans la déclaration de révision.

Dans le prolongement de la proposition de formulation faite par M. Vandenberghe, il conviendrait de préciser qu'on vise les sénateurs « non réélus », mais aussi « non redésignés » dans leur Conseil pour prendre en compte la situation des sénateurs de communauté issus du conseil de la Région de Bruxelles-Capitale.

M. Bernard Collas souligne que le Conseil de la Communauté germanophone, dans son avis recueilli en vertu de l'article 78 de la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone, considère que les modifications proposées ne doivent pas être adoptées, vu les objections du Conseil d'État. Si un consensus se dégage en faveur d'une révision de la Constitution, le membre pense que la Communauté germanophone pourra sans problème s'y rallier.

Mme Annemie Van de Casteele déclare que, compte tenu du respect qu'elle voue aux avis du Conseil d'État, il ne lui semblerait pas indiqué que la commission, et par extension, les Chambres fédérales, votent un texte à l'encontre duquel le Conseil a émis de sérieuses critiques. C'est pourquoi elle soutient la quatrième option, qui consiste à réviser la Constitution.

M. Armand De Decker, président, conclut des différentes interventions que la commission opte pour une proposition de révision de l'article 67 de la Constitution. La formulation proposée dans la note des services du Sénat peut être adaptée en fonction de l'observation de M. Hugo Vandenberghe.

Mme Nathalie de T' Serclaes s'inquiète de la référence à « l'ouverture de la première session après le renouvellement de leur Conseil ». Ne risque-t-on pas de faire face à de nouvelles difficultés si les Conseils faisaient usage de leur autonomie constitutive pour modifier l'organisation, et notamment la date d'ouverture de leur session ?

M. Armand De Decker, président, répond par la négative parce que le texte se place dans la perspective d'élections régionales organisées à un moment différent de celui des élections fédérales. L'installation des Conseils, dans leur nouvelle composition, doit nécessairement avoir lieu dans un délai raisonnable.

M. Luc Van den Brande aimerait savoir dans quel délai les Conseils sont tenus, après leur renouvellement intégral, de désigner les sénateurs de communauté. Serait-il pensable qu'après les élections, un Conseil reste en défaut, pendant trois mois par exemple, pour quelque raison que ce soit, de désigner ses sénateurs de communauté ?

M. Hugo Vandenberghe considère que le texte suggéré par les services, tel qu'il souhaite le compléter, répond à cette question. La disposition en vertu de laquelle les sénateurs de communauté non réélus continuent à exercer leur mandat jusqu'à l'ouverture de la première session qui suit le renouvellement du Conseil auquel ils appartiennent, emporte pour le Conseil en question l'obligation de procéder, à ce moment-là, à la désignation des sénateurs de communauté. S'il ne le fait pas, ces sièges resteront vacants. Il ne saurait en tout cas être admis qu'un sénateur de communauté non réélu continue à exercer son mandat pendant des mois après les élections, au motif que le Conseil en question ne l'aurait pas remplacé. Pareille pratique serait contraire à la Constitution.

M. Luc Van den Brande souscrit à ce point de vue. Mais, cela ne résout pas encore tous les problèmes. Si, à l'ouverture de la première session, par exemple, les pouvoirs d'un candidat sénateur de communauté ne sont pas validés et que le Conseil ne peut pas pourvoir au remplacement d'un sénateur de communauté non réélu, ce siège reste vacant.

M. Philippe Mahoux fait remarquer que la désignation des sénateurs de communauté au sein des Conseils ne fait pas l'objet d'un vote. Ils sont désignés automatiquement sur la base des listes déposées par les groupes politiques. Dès lors, il n'est même pas question d'un risque que les sénateurs de communauté ne soient pas désignés par leur Conseil.

M. Luc Van den Brande déclare que la désignation des sénateurs de communauté ne fait pas l'objet d'un vote formel au sein des Conseils de communauté. Conformément à l'article 7 du Règlement du Vlaams Parlement, par exemple, chaque groupe politique dépose auprès du président de l'assemblée une liste contenant un nombre de candidats sénateurs de communauté égal au nombre de mandats qui lui revient sur la base des résultats des élections pour le Sénat. Une liste n'est valable que si elle est signée par la majorité des conseillers qui font partie du groupe concerné du Conseil. Le président vérifie ensuite si les conditions d'établissement des listes sont remplies et il déclare les sénateurs de communauté élus.

M. Philippe Mahoux conclut qu'il ne peut y avoir de problème de continuité si le texte prévoit que les sénateurs de communauté non réélus conservent leur mandat jusqu'à l'ouverture de la première session après le renouvellement du Conseil. Il va de soi qu'un groupe politique ne va pas prendre le risque de perdre un mandat en ne soumettant pas lors de la première séance la liste des sénateurs de communauté auxquels il a droit.

M. Jean-Marie Happart remarque que c'est le résultat des élections pour le Sénat qui détermine le nombre de sénateurs de communauté par groupe politique. Que fait-on si un groupe politique qui a droit à un sénateur de communauté n'a pas d'élu au niveau régional ?

M. Armand De Decker, président, répond que la répartition des sénateurs est réglée par l'article 68, § 1er, alinéa 2, de la Constitution.

Vu ce qui précède, M. Hugo Vandenberghe propose d'insérer dans le texte proposé par les services, entre les mots « les sénateurs visés à l'alinéa 1er, 3º à 5º » et les mots « conservent leur mandat de sénateur » les mots « qui ne siègent plus au sein de leur Conseil ».

L'article 67, § 1er, alinéa 2, de la Constitution, s'énoncerait dès lors comme suit :

« Lorsque le renouvellement intégral de leur Conseil ne coïncide pas avec le renouvellement du Sénat, les sénateurs visés à l'alinéa 1er, 3º à 5º, qui ne siègent plus au sein de leur Conseil conservent leur mandat de sénateur jusqu'à l'ouverture de la première session qui suit le renouvellement de leur Conseil. »

Il n'y a aucun problème pour les sénateurs de communauté qui ont été réélus membre d'un Conseil de communauté. Il ne doivent pas être désignés une nouvelle fois sénateur de communauté.

La commission se rallie à cette proposition. Elle précise que le mot « Conseil » vise les Conseils de communauté.

M. Christian Brotcorne s'interroge sur le sort du sénateur de communauté qui est candidat suppléant sur les listes régionales. Ledit sénateur de communauté ne sera pas réélu puisqu'il est suppléant. Il ne siègera pas lors du renouvellement du Conseil. Conserve-t-il son mandat de sénateur de communauté ou doit-il être redésigné par son Conseil ?

M. Philippe Mahoux répond qu'il appartient au groupe politique de redésigner comme sénateur de communauté son candidat si le candidat effectif démissionne pour exercer d'autres fonctions.

M. Lionel Vandenberghe s'étonne qu'on souhaite inscrire dans la Constitution une disposition selon laquelle un sénateur de communauté qui n'a pas été réélu pourrait tout de même siéger comme élu au Sénat.

M. Hugo Vandenberghe réitère le point de vue qu'il a déjà exposé et selon lequel il ne faut rien modifier in se. En l'état actuel des choses, un problème pourrait se poser en ce qui concerne tout au plus quatre sièges qui resteraient vacants pendant une brève période. Cela ne soulève aucune difficulté en soi. En France, par exemple, le parlementaire nommé ministre ne peut plus exercer son mandat, mais n'est remplacé qu'au bout d'un mois. Le fait que, de par l'application de cette disposition, l'Assemblée nationale et le Sénat siègent dans certains cas un mois durant alors que des dizaines de sièges sont vacants n'a jamais donné lieu à aucune mise en cause de la constitutionnalité des actions de ces assemblées.

Il estime que si l'on souhaite malgré tout agir sur le plan législatif, on doit le faire au moyen d'une vision de la Constitution et en particulier par une révision de l'article 67, § 1er.

M. Luc Van den Brande fait observer que la comparaison avec la France manque de pertinence du fait que les assemblées y sont composées de manière uniforme. Par contre, le Sénat de Belgique connaît quatre catégories de sénateurs, dont les sénateurs de communauté. Il se pourrait, si l'on n'agit pas sur le plan législatif ou constitutionnel, que le Sénat doive fonctionner, pendant une brève période suivant l'élection des Conseils, sans qu'il y ait aucun sénateur de communauté. L'intervenant estime que ce serait contraire à l'esprit de la Constitution et souscrit dès lors à la proposition de révision de l'article 67 de la Constitution.

M. Armand De Decker, président, remarque que la note des services propose, comme alternative, d'inscrire la disposition à l'article 68, § 3, de la Constitution, lequel est également ouvert à révision.

M. Hugo Vandenberghe estime qu'il est souhaitable d'insérer la disposition proposée à l'article 67, § 1er, en raison de l'élection « en cascade » des sénateurs de la Communauté française qui sont élus pour le Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale.

Sur la base de ce qui est dit ci-dessus, une proposition de modification de l'article 67 de la Constitution est déposée au cours de la réunion du 22 avril 2004.


III. VOTES

L'article unique de cette proposition de révision de la Constitution a été adopté à l'unanimité des 14 membres présents.

Par conséquent, les deux propositions de loi nºs 3-481/1 et 3-482/1 deviennent sans objet.


Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.

Le rapporteur, Le président,
Christian BROTCORNE. Armand DE DECKER.

ANNEXE

Avis du Conseil de la Communauté germanophone du 29 mars 2004 concernant la proposition de loi nº 3-482

Avis motivé relatif à la proposition de loi complétant la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone, en vue de fixer explicitement la fin du mandat des membres du Conseil de la Communauté germanophone, ainsi qu'à l'amendement à cette proposition de loi

Session 2003-2004

Documents du Conseil :

161 (2003-2004) nº 1 Anfrage eines Gutachtens

161 (2003-2004) nº 2 Vorschlag eines begründeten Gutachtens

Ausführlicher Bericht :

Diskussion und Abstimmung ­ Sitzung vom 29. März 2004

LE CONSEIL DE LA COMMUNAUTÉ GERMANOPHONE A ADOPTÉ CE QUI SUIT :

I. REMARQUE FONDAMENTALE

Selon les auteurs de la proposition de loi, le renouvellement du Conseil de communauté pendant la législature du Sénat n'a aucune influence sur l'exercice du mandat du sénateur de communauté en fonction, pour autant que celui-ci soit réélu en tant que membre du Conseil. De la part du Sénat, cette interprétation des textes juridiques existants est compréhensible.

Le Conseil de la Communauté germanophone considère toutefois qu'il devrait être possible de désigner un nouveau sénateur de communauté après le renouvellement intégral du Conseil ­ en tenant compte, le cas échéant, des changements de majorité au sein du Conseil.

Dans cette optique, l'avis du Conseil rallie plutôt la logique fédérale, selon laquelle le rôle dévolu aux sénateurs de communauté est d'assurer une liaison entre le Sénat et le Conseil de communauté.

Cette position est également adoptée par le Conseil d'État (voir nº 4.2.2. de l'avis du Conseil d'État du 4 mars 2004, faisant référence à l'avis du Conseil d'État du 1er avril 1993).

II. APPRÉCIATION

Nonobstant les objections juridiques formulées par le Conseil d'État à l'égard du présent avis, et nonobstant les remarques ci-après, le Conseil de la Communauté germanophone estime l'intention du législateur qui vise à fixer de manière uniforme la fin du mandat des membres du Conseil compréhensible et intéressante.

Néanmoins, le Conseil considère que les adaptations de la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone, stipulées dans la présente proposition de loi ­ et dans l'amendement y relatif ­ ne devraient pas être adoptées, parce qu'elles seraient, de l'avis du Conseil d'État, pour partie inconstitutionnelles, pour partie inefficaces et pour partie discriminatoires.

III. REMARQUE DE LÉGISTIQUE FORMELLE

Le Conseil prend acte que la proposition de loi contenue dans le document du Sénat 3-482 (2003-2004) n º 1 insère la réforme proposée dans un nouvel article 42bis du titre III, chapitre II ­ Le Conseil, section II ­ Du fonctionnement ­ de la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone. Au cas où le législateur ­ nonobstant les objections formulées par le Conseil d'État ­ fixerait la fin du mandat des membres du Conseil dans la loi ci-devant de 1983, le Conseil attire l'attention sur le fait que, à son avis, une telle disposition devrait plutôt être insérée ratione materiae dans la section I ­ De la composition (du Conseil) ­ du même chapitre.

IV. REMARQUE COMPLÉMENTAIRE

Dans sa justification de l'amendement du document du Sénat nº 3-482 (2003-2004) nº 2, l'auteur soulève la question de savoir s'il fallait insérer une disposition distincte dans le Code électoral, par laquelle la fin du mandat des sénateurs de communauté serait réglée après le renouvellement des Conseils de communauté sans renouvellement simultané du Sénat, ou si le texte actuel de l'article 239 du Code électoral était suffisant à cet effet. Au cas où la deuxième hypothèse devrait se confirmer, l'auteur a proposé de compléter l'article 239 par une référence explicite à l'article 212 du Code électoral pour le sénateur de Communauté germanophone.

Dans son avis du 4 mars 2004, le Conseil d'État déconseille d'insérer une disposition distincte dans le Code électoral; il ne mentionne toutefois pas s'il est nécessaire de compléter l'article 239 du Code électoral par une référence explicite à l'article 212.

Le Conseil considère que cette question devrait être clarifiée dans le cadre des discussions ultérieures.

ADOPTÉ PAR LE CONSEIL DE LA COMMUNAUTÉ GERMANOPHONE

Eupen, le 29 mars 2004.


(1) Il est fait abstraction de l'hypothèse dans laquelle un membre du Conseil régional wallon est également élu au Conseil de la Communauté germanophone et ne siège donc plus au Conseil de la Communauté française.

(2) Article 32, § 1er, alinéa 4, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

(3) Doc. Sénat, 2003-2004, nº 3-481/1, p. 3.

(4) Doc. Sénat, 2003-2004, nº 3-481/1, pp. 2 et 3.

(5) Doc. Sénat, S.E. 1991-1992, nº 100-20/2, pp. 29 et 34, et doc. Chambre, 1992-1993, nº 904/4, pp. 13-14.

(6) Doc. Sénat, 2003-2004, nº 3-481/3, p. 5, sous 4.2.2.

(7) Doc. Sénat, 2003-2004, nº 3-481/3, p. 7, sous 7.

(8) Article 32, § 1er, alinéa 4, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et article 26, § 1er, alinéa 2, de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises.

(9) Cela vaudrait aussi pour les sénateurs de communauté néerlandophones qui siègent au Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale. Il n'y a cependant aucun cas pour l'instant.

(10) Doc. Sénat, 2003-2004, nº 3-481/3, p. 5, sous 4.2.3.

(11) Voir les références sous la note (2), p. 13.

(12) Doc. Sénat, 2003-2004, nº 3-481/3, p. 6, sous 4.2.3.

(13) Doc. Sénat, 2003-2004, nº 3-481/3, p. 8, sous 8.

(14) Voir les références sous la note (2), p. 13.

(15) Doc. Chambre, 1992-1993, nº 897/5, p. 50.

(16) Une solution n'est pas envisagée ici, car elle contredit de façon flagrante l'article 67, § 1er, 3º à 5º. Il s'agit de la modification du Code électoral lui-même. Cette hypothèse est évoquée dans la justification de l'amendement nº 1 de M. Istasse : « S'il devait apparaître que, contrairement à l'hypothèse de départ, la question de la fin du mandat des sénateurs désignés par les Conseils de communauté peut être réglée par le législateur fédéral ordinaire, se poserait alors la question de savoir si le texte actuel de l'article 239 du Code électoral est suffisant à cet effet (sauf à compléter celui-ci par une référence explicite à l'article 212 du même Code, pour le sénateur de Communauté germanophone), ou si le cas particulier du renouvellement intégral des Conseils sans renouvellement simultané du Sénat ne devrait pas faire l'objet d'une nouvelle disposition distincte dans le Code électoral. » (doc. Sénat, 2003-2004, nº 3-481/2, p. 2).

(17) Une solution est d'emblée écartée ici : le Sénat considère de facto que le mandat des sénateurs de communauté non réélus comme membres d'un Conseil se prolonge après le renouvellement des Conseils. Ces sénateurs continuent à siéger (qui peut les en empêcher ?) jusqu'à la première réunion des Conseils renouvelés. Cette solution contredit de façon flagrante l'article 67, § 1er, 3º à 5º, de la Constitution. Sur les possibilités de recours contre une loi adoptée par une assemblée législative qui est composée irrégulièrement, on renvoie au point 17 de la présente note.

(18) De même, certains actes de procédure, comme l'évocation, sont soumis à des délais stricts.

(19) Il a été suggéré en commission des Affaires institutionnelles d'adapter le cas échéant les règles de quorum. Cette solution est impossible au regard de l'article 53, alinéa 3, de la Constitution.

(20) H. Vuye et autres, « La cinquième réforme de l'État devant ses juges », J.L.M.B., 2003, pp. 718 et suivantes.

(21) Voir l'arrêt 18/90 du 23 mai 1990.

(22) H. Vuye et autres, op. cit.

(23) Article 3.3 de l'Acte portant élection des représentants à l'Assemblée au suffrage universel direct.

(24) En France, le mandat des sénateurs commence à l'ouverture de la session ordinaire qui suit leur élection, date à laquelle expire le mandat des sénateurs antérieurement en fonction (Code électoral, article LO277).

(25) Aux États-Unis, les sénateurs sont élus le premier mardi d'octobre. Leur mandat ne commence cependant qu'au troisième jour de janvier, date à laquelle expire le mandat des sénateurs antérieurement en fonction (titre II, chapitre Ier, section 7, de l'United States Code).

(26) Le renouvellement des conseils communaux a lieu de plein droit, tous les six ans, le deuxième dimanche d'octobre (article 7, alinéa premier, de la loi électorale communale). Les conseillers communaux sont élus pour un terme de six ans à compter du 1er janvier qui suit leur élection (article 2, alinéa premier, de la Nouvelle loi communale). Les membres du corps communal sortant lors d'un renouvellement intégral et les démissionnaires restent en fonction jusqu'à ce que les pouvoirs de leurs successeurs aient été vérifiés et que leur installation ait eu lieu (article 4, alinéa premier, de la Nouvelle loi communale). Les conseillers communaux sont élus pour un terme de six ans à compter du 1er janvier qui suit leur élection (article 2, alinéa premier, de la Nouvelle loi communale).

(27) Voir le point 15 de la présente note.

(28) Doc. Sénat, 2003-2004, nº 3-481/3, p. 6, sous 4.3.

(29) Doc. Sénat, 2003-2004, nº 3-481/3, p. 6, sous 4.3.

(30) Doc. Sénat, 2003-2004, nºs 3-481/2 et 3-482/2.

(31) Doc. Sénat, 2003-2004, nº 3-481/3, p. 7, sous 6.

(32) Voir le point 15 de la présente note.

(33) Article 32, § 1er, alinéa 4, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et article 42, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone.

(34) Service juridique du Parlement flamand, Verkiezing en samenstelling van het Vlaams Parlement, Kluwer, Anvers, 1999, p. 115.

(35) Article 32, § 2, de la loi spéciale du 8 août 1980, qui, aux termes de l'article 44 de la loi du 31 décembre 1983, est applicable, mutatis mutandis, au Conseil de la Communauté germanophone.

(36) Article 32, § 1er, alinéa 4, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

(37) Article 26, § 1er, alinéa 2, de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises.

(38) Article 31, § 2, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, et article 22, § 2, de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises.

(39) Article 49, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980.

(40) Rimanque estime que l'autonomie constitutive qui a été accordée par le législateur spécial implique que celui-ci renonce désormais à la possibilité de modifier les règles initiales (K. Rimanque, « De instellingen van Vlaanderen, de Franse Gemeenschap en het Waalse Gewest », in A. Alen en L.P. Suetens (éditeurs), « Het federale België na de vierde staatshervorming », Bruges, die keure, 1993, p. 186).

(41) Article 78 de la loi du 31 décembre 1983 de réformes institutionnelles pour la Communauté germanophone.

(42) Cette différence de traitement ne peut se justifier d'après le Conseil d'État. Il convient toutefois de se référer aux observations formulées aux points II et III de la présente note.

(43) Cour d'arbitrage, 14 octobre 1997, nº 59/97.

(44) Une révision de l'article 67 n'impliquerait pas que cet article ne pourrait pas être modifié une deuxième fois au cours de la session en ce qui concerne les autres aspects sur lesquels il porte (J. Van Nieuwenhove, « De herziening en de coördinatie van de Grondwet », in M. Van Der Hulst et L. Veny « Parlementair recht », A.2.5.1.1., p. 58).