3-495/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2003-2004

4 FÉVRIER 2004


Proposition de loi modifiant l'article 34 du Code des impôts sur les revenus 1992 en ce qui concerne les rentes et pensions d'origine étrangère

(Déposée par M. Christian Brotcorne)


DÉVELOPPEMENTS


Selon les règles logiques de droit international de l'OCDE les rémunérations du travail ainsi que les cotisations sociales ne sont plus imposables dans l'État de résidence du travailleur, mais doivent l'être dans celui où s'exerce l'activité professionnelle et qui en a supporté la charge, en déduction de revenus imposables.

Ce qui est valable pour les rémunérations et les cotisations sociales, l'est également pour les capitaux, les rentes et pensions versés aux travailleurs retraités, dont les primes ou les cotisations, pour la constitution de ces capitaux ou de ces revenus, ne sont pas imposables en Belgique, car elles ont été prises en charge par un État étranger, en déduction de revenus imposables dans cet État.

En Belgique, il ressort de l'article 34, § 1er, 1º, du Code des impôts sur les revenus 1992 que les pensions liées à l'activité professionnelle des bénéficiaires sont imposables au moment de leur attribution, et ce indépendamment de leurs modalités d'octroi.

Or l'application stricte de cet article est discriminatoire à l'égard de nos résidents, et constitue, pour un même revenu, deux poids, deux mesures, selon que ces capitaux, ces rentes ou ces pensions ont été constituées par des primes ou des cotisations, en déduction de revenus imposables en Belgique ou bien à l'étranger.

Prenons le cas d'un résident en Belgique ayant travaillé aux Pays-Bas et d'anciens résidents des Pays-Bas venus habiter en Belgique, bénéficiaires de capitaux ou de rentes d'assurance vie ou d'assurance groupe dont les primes déduites de revenus imposables aux Pays-Bas ont été calculées sur leurs rémunérations et versées par eux et par leur employeur, directement et irrévocablement, en leur faveur. Les capitaux ou les rentes des retraites de ces résidents en Belgique n'y sont pas imposables, car les primes de ces contrats n'ont pas été déduites de revenus imposables en Belgique.

Selon une jurisprudence constante des Cours d'appel d'Anvers et de Gand, ces capitaux et ces rentes sont exonérés d'impôt belge car les primes versées n'avaient pas été déduites des revenus imposables en Belgique (Gand, 9 mars 2000; Anvers, 10 octobre 2000; Anvers, 16 mars 1999; Anvers, 16 décembre 1997; Anvers, 22 octobre 1996; Anvers, 18 septembre 1995; Anvers, 24 juin 1993).

Une autre source de litiges fiscaux relatifs à la stricte application de l'article 34, § 1er, 1º, se produisent et risquent de se reproduire avec les anciens travailleurs résidents de notre pays, bénéficiaires de retraites françaises dont les cotisations à l'origine de celles-ci ont été déduites en totalité ou en partie de revenus imposables en France.

En France, il existe actuellement deux systèmes de retraite par « répartition » à savoir celui des retraites légales de la sécurité sociale et celui des retraites complémentaires extralégales versées par des caisses professionnelles de retraites différentes de celles de la sécurité sociale mais avec des critères semblables. Tous deux sont, en effet, alimentés par des cotisations distinctes du travailleur et de son employeur. Il existe également une répartition des charges « entre les générations » dès lors que ce sont les cotisations des travailleurs en activité qui permettent le paiement des retraites des travailleurs inactifs atteints par la limite d'âge à travailler. En outre, un « rattrapage » est également possible quand ces derniers débutent tardivement le versement de cotisations. Notons que ces deux systèmes sont également conçus pour remédier à l'incidence désastreuse sur les retraites due aux dévalorisations monétaires.

Pour leur calcul, les cotisations « travailleur » et « employeur » des retraites légales sont limitées au plafond A de la sécurité sociale. Sur un total de 14,75 % des rémunérations brutes, les proportions des cotisations distinctes respectives du travailleur (T) et de son employeur (E) représentent : 6,55 % (T) ou 44,40 % et 8,20 % (E) ou 55,60 %. Pour remédier aux dévalorisations monétaires des cotisations, les retraites sont calculées en reprenant celles des 10 meilleures années de la carrière auxquelles on applique des coefficients de revalorisation. Les retraites ainsi calculées ne peuvent toutefois pas dépasser le plafond de la sécurité sociale de l'année de leur mise en application.

Les retraites extralégales dites « retraites complémentaires » appartiennent à deux grands groupes. Les premières, du groupe intitulé AGIRC (Association générale des institutions de retraites des cadres), ont été créées en 1947, au bénéfice des cadres et dirigeants d'entreprise. Suivant conventions collectives ou par accords signés par les partenaires sociaux, elles ont été étendues aux employés, techniciens et agents de maîtrise, puis, en 1962, à toutes les catégories professionnelles salariées, regroupées sous l'appellation de groupe ARRCO (Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés). Sous réserve du respect de certaines conditions, la veuve d'un retraité a droit à une allocation de réversion égale à une certaine fraction de la retraite de son conjoint décédé.

Pour rendre le système des retraites complémentaires indépendant des dévaluations monétaires, les cotisations versées sont annuellement divisées par un salaire de référence d'une unité de temps de travail afin d'être converties en points équivalents à des temps de travail.

Les points acquis par cotisation sont agrégés dans un compte individuel de points par travailleur. Au moment de sa retraite, pour déterminer son montant, ces points sont multipliés par le prix du salaire de référence de l'année de la retraite afin d'être convertis en unités monétaires. Les montants de cette retraite et même de celle de réversion en cas de prédécès du bénéficiaire sont annuellement réévalués ensuite en fonction de l'évolution du salaire de référence.

On peut dès lors conclure que ces retraites complémentaires sont totalement exonérées d'impôts en Belgique car celles-ci sont constituées par des cotisations travailleur et employeur déduites des revenus imposables en France, et pas en Belgique, allouées :

­ à d'anciens travailleurs ayant résidé en France, occupés au cours de leur vie active dans des entreprises de ce pays, et qui habitent maintenant en Belgique;

­ aux anciens travailleurs résidant en Belgique hors de la zone frontalière belge et qui ont travaillé dans des entreprises en France;

­ aux anciens travailleurs résidant en Belgique dans la zone frontalière belge, mais qui ont travaillé dans des entreprises en France, situées hors de la zone frontalière française.

L'imposition en Belgique de ces retraites, sous prétexte que jadis les revenus professionnels non imposables dans notre pays auraient néanmoins été déclarés, pour permettre l'augmentation du taux progressif d'imposition à appliquer aux autres revenus d'origine belge (clause de réserve de progressivité), ne doit pas être retenue, car légalement, en vertu de l'article 11, 1º, de la Convention belgo-française de 1964, ces revenus étaient imposables dans l'État où s'exerçait l'activité professionnelle des travailleurs, c'est-à-dire en France.

Par contre les retraites des anciens travailleurs frontaliers qui résidaient en Belgique et travaillaient en zone frontalière française sont imposables en Belgique, à concurrence de la partie de celles-ci correspondant aux cotisations retenues en France, déduites du revenu professionnel français imposable en Belgique de ces travailleurs frontaliers. À l'exclusion de la partie de ces retraites correspondant aux cotisations versées par l'employeur en France, en déduction de ses revenus imposables dans ce pays.

Suivant la définition précédente des retraites françaises, la fraction de ces retraites imposables en Belgique s'élève selon les caisses à 44,40 % pour la CRAM (Caisse régionale d'assurance maladie de la sécurité sociale), 37,50 % pour l'AGIRC et 40 % pour l'ARRCO.

Toutefois, pour simplifier, nous proposons de réduire uniformément le pourcentage de ces retraites imposables en Belgique à 40 % de leur montant.

Dès lors que tous les cas d'exonération totalement ou partiellement de l'impôt des personnes physiques en Belgique, nonobstant l'article 34, § 1er, 1º, des rentes et des pensions étrangère, ayant été examinés, il convient à notre sens d'adapter en conséquence, le Code des impôts sur les revenus 1992.

Christian BROTCORNE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution

Art. 2

L'article 34, § 1er, 1º, du Code des impôts sur les revenus 1992, modifié en dernier lieu par la loi du 28 avril 2003, est complété comme suit :

« À l'exception des rentes ou des pensions d'origine étrangère, en totalité ou en partie, qui sont exonérées de l'impôt sur les revenus en Belgique, pour autant que, en totalité ou en partie, les primes ou les cotisations, versées pour leur constitution, n'ont pas été déduites en totalité ou en partie de revenus imposables en Belgique. »

2 décembre 2003.

Christian BROTCORNE.