3-437/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2003-2004

6 JANVIER 2004


RÉVISION DE LA CONSTITUTION


Révision de l'article 63, § 2 et § 3, de la Constitution, en vue de créer une circonscription électorale permettant la représentation des Belges résidant à l'étranger

(Déclaration du pouvoir législatif,
voir le « Moniteur belge » n º 128 ­
deuxième édition du 10 avril 2003)


PROPOSITION DE M. MAHOUX


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi a pour objectif la création d'une circonscription électorale spécifique au sein de laquelle seraient élus les représentants des Belges résidant à l'étranger.

En vertu du Code électoral, tel qu'il a été modifié par la loi du 7 mars 2002 modifiant le Code électoral en vue d'octroyer le droit de vote aux Belges résidant l'étranger pour l'élection des chambres législatives fédérales et instaurant la liberté de choix du mandataire en cas de vote par procuration, les Belges résidant à l'étranger ont vu les modalités de vote simplifiées et ont dès lors pu participer plus facilement aux élections de la Chambre des représentants et du Sénat.

Lors du dernier scrutin et grâce à cette simplification des procédures de vote, ce sont 114 620 Belges qui ont ainsi affiché leur volonté de voter aux élections législatives fédérales.

Par ailleurs, l'article 2 de la loi du 7 mars 2002 qui a instauré la liberté de choix du mandataire en cas de vote par procuration, dispose que l'exercice de ce droit ne peut être réservé qu'aux seuls ressortissants qui ont fait enregistrer leur domiciliation dans un poste diplomatique belge à l'étranger. En effet, si le vote est obligatoire, l'inscription visée ci-dessus ne l'est pas.

Si l'on peut arriver à la conclusion selon laquelle la Belgique dispose aujourd'hui d'une législation qui permet une participation effective de ses ressortissants à l'étranger aux élections législatives, on peut néanmoins considérer que la représentation politique de ces ressortissants n'est pas encore satisfaisante.

En effet, nous constatons que les Belges résidant à l'étranger, pas plus que la population de chaque circonscription électorale, ne forment un électorat homogène sur le plan social, économique ou culturel. Cependant, leur situation d'expatrié est susceptible de leur conférer un corpus commun de préoccupations dans la mesure où ils sont confrontés à des problématiques de nature similaire. Par exemple, des problèmes de nature fiscale, des difficultés liées aux pensions, à l'obtention de documents administratifs, d'informations, ...

La prise en compte de ces problématiques serait sensiblement renforcée si les Belges à l'étranger disposaient d'une représentation politique spécifique.

Une des premières revendications exprimées par l'Union francophone des Belges à l'étranger (UFBE) consiste donc à demander cette représentation politique, à l'instar de ce qui existe dans d'autres pays européens.

Comme on a pu le constater, le système mis en place par la loi du 7 mars 2002 a privilégié la souplesse en permettant à chaque Belge résidant à l'étranger de s'inscrire dans la commune de son choix. Cependant, cette logique a abouti à un éparpillement de leurs suffrages sur l'ensemble des circonscriptions électorales du royaume.

Certaines circonscriptions, certains cantons, ont été privilégiés par les Belges à l'étranger sans toutefois qu'un rapport existe entre des enjeux politiques spécifiques à ces circonscriptions et les motivations des électeurs résidant à l'étranger.

Or, la division du territoire belge en circonscriptions électorales procède d'une volonté d'assurer une certaine proximité entre les citoyens et leurs représentants.

Il s'agit également de garantir l'égalité entre les candidats et entre les électeurs pour que les zones moins densément peuplées ne soient pas handicapées en terme de représentation parlementaire.

À ce propos, l'article 42 de la Constitution prévoit que les membres du Parlement représentent la Nation et non uniquement ceux qui les ont élus. La répartition des sièges entre plusieurs circonscriptions ne contredit pas cette exigence. Elle a simplement pour effet de permettre une meilleure connaissance réciproque des candidats et des électeurs, des programmes et des revendications, dans chaque partie du territoire.

Afin d'assurer une réelle représentativité politique des Belges résidant à l'étranger, il serait opportun de mettre en place une circonscription électorale spécifique qui leur permettrait d'élire les représentants susceptibles de relayer leurs préoccupations au sein du Parlement et de leur rendre compte de leurs bilans et programmes lors des scrutins nationaux.

Il est d'ailleurs important de préciser que plusieurs pays européens ont déjà organisé une représentation spécifique de leurs ressortissants résidant à l'étranger, notamment la France et l'Italie. La France avec son Conseil supérieur des Français à l'étranger (CSFE) qui existe depuis 1948 et l'Italie par le biais d'une représentation politique spécifique au Parlement national.

L'auteur propose dès lors la création d'une circonscription électorale spécifique pour les Belges à l'étranger qui déterminerait l'élection de députés au sein de la Chambre des représentants.

Le choix de la Chambre des représentants s'impose pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, la représentation politique des Belges à l'étranger doit s'effectuer au sein de l'assemblée qui dispose de la primauté institutionnelle. L'auteur fait ici référence au processus d'élaboration législative, aux compétences exclusives en matière de contrôle politique, à la compétence exclusive en matière de nomination des membres de la Cour des comptes, à l'adoption des lois relatives à la responsabilité pénale des ministres, la fixation du contingent de l'armée ou l'octroi des naturalisations.

Ensuite, la composition de la Chambre se prête davantage à l'inclusion d'une circonscription électorale supplémentaire.

En effet, le nombre de députés (150) permet la création d'une circonscription spécifique qui ne serait pas constitutif d'une surreprésentation injustifiée de cette catégorie d'électeurs.

Le découpage actuel des circonscriptions à la Chambre permet également plus facilement l'inclusion d'une circonscription supplémentaire que ne le permet le découpage des trois collèges électoraux du Sénat.

La question se pose alors de déterminer le nombre de sièges dont bénéficieraient les Belges résidant à l'étranger.

En vertu de l'article 63 de la Constitution, le nombre de sièges à attribuer au sein de chaque circonscription doit être proportionnel à la population de celle-ci.

Il convient de préciser que ce nombre est actualisé, tous les 10 ans à l'occasion du recensement démographique décennal.

Cependant, cette règle pose des difficultés d'application spécifiques au cas des Belges résidant à l'étranger.

Les Belges à l'étranger ne peuvent voter que s'ils sont enregistrés auprès d'un poste diplomatique ou consulaire. Or, il existe une énorme différence entre le nombre de Belges enregistrés et l'estimation du nombre total de Belges qui résident à l'étranger (116 000/260 000). Quel nombre faut il prendre en compte ? En vertu de la Constitution, c'est la population qui doit servir de référence et non le nombre d'électeurs inscrits. Mais le problème réside dans le fait que, par définition, il n'est possible de connaître avec précision et certitude que le nombre de personnes enregistrées dans les postes diplomatiques ou consulaires. Or, la répartition des sièges entre les circonscriptions doit être déterminée par un calcul précis basé sur des chiffres exacts.

Les flux de personnes dans et en dehors du territoire belge sont sujets à des variations plus fréquentes que l'évolution démographique décennale de la population au sein du territoire d'une circonscription en Belgique. C'est d'autant plus le cas que ces variations dépendent également de la volonté d'enregistrement des personnes résidant à l'étranger.

Pour ces raisons, le système constitutionnel de répartition de sièges entre les circonscriptions électorales est peu approprié à l'hypothèse d'une circonscription électorale des Belges à l'étranger.

En conséquence, il serait préférable de fixer ce nombre de manière forfaitaire, en tenant compte de la moyenne entre l'estimation du nombre de Belges à l'étranger et le nombre de Belges enregistrés.

Ce nombre devrait être fixé par la loi et non par la Constitution et ce, afin de garantir une certaine souplesse si des variations soudaines et significatives étaient observées.

Compte tenu des données disponibles actuellement et de la méthode de calcul utilisée pour les autres circonscriptions électorales du Royaume, ce chiffre devrait être fixé à 2.

Cette voie nécessite dès lors la modification de l'article 63, § 2 et § 3, de la Constitution qui est ouvert à révision.

En outre, l'auteur tient à préciser qu'il n'est pas souhaitable que l'avancée constituée par la représentation politique des Belges à l'étranger ait pour conséquence ni de modifier l'équilibre actuel entre les groupes linguistiques de la Chambre ni d'augmenter le nombre de parlementaires.

Il est donc nécessaire de mettre en place un mécanisme garantissant une répartition des deux parlementaires élus par les Belges à l'étranger entre chacun des deux groupes linguistiques.

À cette fin, les candidats à l'élection devraient, dans leur acte d'acceptation de candidature, indiquer le groupe linguistique auquel ils appartiennent, étant entendu que les listes ne peuvent valablement être constituées que de candidats appartenant au même groupe linguistique. Il s'agirait d'un système comparable à celui en vigueur pour l'élection au Conseil régional bruxellois.

Enfin, la mise en place d'une circonscription spécifique implique naturellement que des listes spécifiques de candidats doivent y être présentées.

Il ne serait pas illogique de prévoir que les Belges résidant eux-mêmes à l'étranger seraient alors éligibles.

Philippe MAHOUX.

PROPOSITION


Article unique

L'article 63 de la Constitution est remplacé par la disposition suivante :

« Art. 63. ­ § 1er. La Chambre des représentants compte cent cinquante membres.

§ 2. À l'exception d'une circonscription électorale permettant la représentation des Belges résidant à l'étranger, chaque circonscription électorale compte autant de sièges que le chiffre de sa population contient de fois le diviseur fédéral, obtenu en divisant le chiffre de la population du Royaume par cent cinquante.

Les sièges restants sont attribués aux circonscriptions électorales ayant le plus grand excédent de population non encore représenté.

La loi détermine le nombre de sièges que compte la circonscription électorale permettant la représentation des Belges résidant à l'étranger.

§ 3. La répartition des membres de la Chambre des représentants entre les circonscriptions électorales est mise en rapport avec la population par le Roi.

Le chiffre de la population de chaque circonscription électorale est déterminé tous les dix ans par un recensement de la population ou par tout autre moyen défini par la loi. Le Roi en publie les résultats dans un délai de six mois.

Dans les trois mois de cette publication, le Roi détermine le nombre de sièges attribués à chaque circonscription électorale, à l'exception d'une circonscription électorale permettant la représentation des Belges résidant à l'étranger.

La nouvelle répartition est appliquée à partir des élections générales suivantes.

§ 4. La loi détermine les circonscriptions électorales; elle détermine également les conditions requises pour être électeur et le déroulement des opérations électorales. »

1er décembre 2003.

Philippe MAHOUX.