3-120/1

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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2003

22 JUILLET 2003


Proposition de loi visant la suppression du vote automatisé et la généralisation du dépouillement par lecture optique

(Déposée par Mme Clotilde Nyssens et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend, les développements étant actualisés, le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 8 octobre 1999 (doc. Sénat, nº 2-100/1 ­ SE 1999).

L'objectif poursuivi par l'introduction du vote électronique était essentiellement la simplification et l'accélération des opérations de vote et surtout de dépouillement.

Le déroulement des élections du 13 juin 1999 et du 18 mai 2003 a démontré que cet objectif est loin d'être atteint. Les files d'attente devant de nombreux bureaux de vote n'ont probablement jamais été aussi importantes malgré une prolongation du temps d'ouverture de plusieurs heures. Ces files risquent de décourager les électeurs d'accomplir leur droit de citoyen.

Des problèmes techniques se sont présentés dans un bureau électronique sur trois (La Libre Belgique du 14 juin 1999). Quant au dépouillement, il nous faut constater que les résultats définitifs n'ont été disponibles qu'après un délai anormalement long.

Des critiques se sont également fait entendre sur la difficulté d'assurer le contrôle démocratique du système, sur sa complexité, mais encore sur son coût pour les communes.

Enfin, il faut relever que l'évolution technologique permet aujourd'hui d'atteindre l'objectif de modernisation par d'autres voies.

I. LES INCONVÉNIENTS DU VOTE AUTOMATISÉ

L'impossibilité du contrôle démocratique

Tout à fait plus fondamentale est l'inquiétude exprimée depuis plusieurs années par des citoyens et relayée par la Ligue des droits de l'homme quant au contrôle démocratique du système de vote électronique; cette inquiétude est provoquée en particulier par l'impossibilité de contrôle par l'électeur de la retranscription sur la carte magnétique du vote qu'il a émis.

Le rapport du Collège des experts chargés du contrôle des systèmes de vote et de dépouillement automatisés constate d'ailleurs que « la critique fondamentale que l'on peut formuler à l'égard du vote électronique est l'absence de transparence pour l'électeur. Son vote est digitalisé et converti dans des champs magnétiques invisibles sur des disquettes et des cartes numériques » (doc. Sénat, nº 2-7/1, p. 54).

La seule solution susceptible de donner une possibilité de contrôle par l'électeur de l'exactitude de retranscription correcte de son vote serait l'installation, dans chaque isoloir, d'une imprimante qui produirait un document qui serait déposé dans une urne classique. La généralisation de cette solution, testée en 2003, est peu réaliste eu égard à son coût et aux retards encore plus importants qu'elle génère.

Une procédure plus complexe et moins transparente

Au-delà du contrôle démocratique sur le vote automatisé se pose aussi la question de la plus au moins grande facilité de participation des citoyens.

L'exposé des motifs de la loi du 18 décembre 1998 organisant le dépouillement des votes automatisés au moyen d'un système de lecture optique et modifiant la loi du 11 avril 1994 organisant le vote automatisé relevait que « certains électeurs ne se sentent pas à l'aise lorsqu'ils doivent utiliser cette technologie et ils sont facilement déroutés au moment du vote » (doc. Chambre, nº 1728-1, 97/98, p. 2).

Cette difficulté a néccessité, pour un très grand nombre d'électeurs, le recours à une aide extérieure pour voter, ainsi qu'a pu le relever le 18 mai 2003, notamment à Uccle, le Collège d'experts. Ce recours pose problème à un double point de vue au moins : le respect du secret du vote, d'une part, et le risque d'influence de la personne assistant l'électeur sur le vote de celui-ci, d'autre part. De très nombreux témoignages ont pu être recueillis auprès d'assesseurs dans les bureaux de vote selon lesquels l'assistance technique demandée par des électeurs se doublait fréquemment d'une demande d'assistance dans le choix politique ou permettait aux assesseurs de déterminer le vote de l'électeur. Il y a là un risque de manipulation du vote des électeurs qui est inacceptable.

Cette difficulté est encore accrue du fait que, dans le cadre du vote automatisé, le choix entre candidats de listes différentes est moins visible. Une des contraintes de la technologie adoptée pour le vote automatisé est en effet qu'il faut d'abord opérer un choix entre des listes avant d'accéder aux noms des candidats.

À la différence du bulletin papier qui donnait une visibilité de tous les candidats de l'ensemble des listes, l'électeur ne voit s'afficher sur son écran que les candidats de la liste qu'il a préalablement choisie.

Cette difficulté sera particulièrement ressentie lors des élections communales où les choix s'expriment plus en faveur de personnes que de listes et où la diversité des sigles est particulièrement élevée.

Le coût des équipements

Le système de vote automatisé impose l'acquisition d'autant de machines à voter qu'il y a d'isoloirs. L'augmentation du nombre d'isoloirs qui serait indispensable pour éviter les files d'attente représenterait une croissance non négligeable du coût.

Il faut également prévoir que le caractère onéreux du système de vote automatisé, dont une partie importante est à charge des communes, sera encore aggravé par l'obsolescence rapide des systèmes électroniques.

À cet égard, les remarques formulées par le rapport du Collège d'experts concernant le bureau de vote d'Eupen méritent d'être prises particulièrement en considération. « L'expert a constaté le vieillissement du matériel. Durant une période fort longue de quatre ans, le matériel a été stocké dans les meilleurs conditions possibles, mais il n'a pas servi. Il n'existe quasiment pas de bureau dans lequel on n'a pas enregistré un cas de défaillance du matériel informatique, très souvent le crayon optique. Comparé aux élections précédentes, la situation s'est aggravée et le nombre d'incidents techniques se sont multipliés. On doit se poser des questions quant à la durée de vie du matériel ». (pp. 41-42)

À brève échéance les autorités seront donc confrontées à la nécessité de renouveler les équipements.

II. L'ALTERNATIVE : LE DÉPOUILLEMENT PAR LECTURE OPTIQUE

Les premières expériences du vote automatisé datent d'il y a une dizaine d'années. Depuis lors, la technologie a considérablement évolué, notamment dans le domaine de la lecture optique.

Or, un système de dépouillement par lecture optique de bulletins papier permettrait d'atteindre l'objectif d'accélération des opérations de dépouillement, tout en remédiant aux écueils du vote automatisé dénoncés ci-avant.

Pour l'électeur la procédure redeviendrait transparente et plus aisée; pour le dépouillement, le recomptage manuel des votes resterait possible en cas de défaillance technique ou d'incertitude quant au bon fonctionnement du matériel technique.

Enfin les communes ne seraient pas contraintes d'investir dans des équipements qui sont difficiles à amortir et pourraient, pour celles qui ont déjà investi pour l'automatisation du vote, recycler les ordinateurs à des fins administratives sans attendre que ceux-ci soient devenus totalement inadaptés en raison de leur obsolescence.

La présente proposition vise donc, d'une part, à supprimer la possibilité d'organiser des votes automatisés et, d'autre part, à généraliser le dépouillement par lecture optique.

Clotilde NYSSENS.
Christian BROTCORNE.
René THISSEN.
Luc PAQUE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

La loi du 11 avril 1994 organisant le vote automatisé, modifiée par la loi du 18 décembre 1998, est abrogée.

Art. 3

À l'article 2 de la loi du 18 décembre 1998 organisant le dépouillement des votes automatisés au moyen d'un système de lecture optique et modifiant la loi du 11 avril 1994 organisant le vote automatisé, modifié par la loi du 11 mars 2003, les mots « L'utilisation d'un tel système est limitée aux élections qui se tiendront entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2000 » sont supprimés.

23 juin 2003.

Clotilde NYSSENS.
Christian BROTCORNE.
René THISSEN.
Luc PAQUE.