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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 1999

7 SEPTEMBRE 1999


Proposition de loi spéciale créant un fonds d'indemnisation des victimes de la démolition de résidences secondaires (1)

(Déposée par M. Wim Verreycken)


DÉVELOPPEMENTS


Depuis qu'elles se sont vu confier la responsabilité politique en matière d'aménagement du territoire, les régions doivent faire face aux conséquences néfastes de longues années de gestion belge de cette matière.

Le problème des habitations de week-end, dont les pouvoirs locaux ont autorisé sans broncher l'occupation permanente, en est l'exemple le plus navrant. De longues années de politique de tolérance, y compris de la part des responsables belges qui géraient à l'époque l'aménagement du territoire, ont créé un sentiment totalement trompeur de légitimité et ont donné rapidement l'impression aux occupants en question que leur habitation était en quelque sorte légitime.

Nous constatons aujourd'hui que la Région flamande veut rendre aux zones de récréation, aux zones naturelles et aux zones agricoles leur affectation première, ce qui ne sert cependant pas les intérêts des résidents secondaires, qui y ont leur domicile fixe. Dans leur opposition, ceux-ci font appel à la bonne vieille mentalité belge selon laquelle tout pouvait se régler pour peu que l'on ait des amis politiques bien placés. Il leur suffit de penser à cet égard aux trucages retentissants des plans de secteur, ­ à l'époque toujours belge ­ et ce dans l'intérêt d'amis politiques et de bailleurs de fonds.

Bien que les ordres de démolition se situent dans le prolongement logique de la politique actuelle d'aménagement du territoire, que j'approuve, il est totalement inacceptable que les habitants soient condamnés ­ du fait de la négligence coupable des testateurs belges ­ à vivre des drames humains. On les renvoie au C.P.A.S. pour trouver un logement, alors que les emprunts qu'ils ont contractés pour payer leur propre habitation (de bonne foi étant donné la politique de tolérance menée par la Belgique) continuent de courir intégralement.

Dans la mesure où ce sont les autorités belges (dont les bourgmestres, par exemple, relevaient et relèvent toujours) qui sont responsables au premier chef de cette situation, quoi de plus normal que ce soient ces mêmes autorités qui en supportent les conséquences financières et non les autorités régionales ou, pis encore, les habitants à qui l'on a fait croire que leur résidence serait un jour légitimée.

La présente proposition de loi vise par conséquent à créer un fonds destiné à indemniser totalement les victimes de la mauvaise gestion belge en matière d'aménagement du territoire et de la politique de tolérance menée par la Belgique en la matière. Le fonds en question sera entièrement financé par les bénéfices de la Loterie nationale. Les autorités régionales seront toutefois les seules à pouvoir affecter les montants destinés à l'indemnisation. Ce fonds ne peut, en effet, en aucun cas incarner un fédéralisme de récupération, ce qui ne manquerait pas d'être le cas si les victimes devaient s'adresser aux anciennes institutions pour pouvoir bénéficier d'une quelconque indemnisation.

D'ailleurs, à la suite d'observations formulées au Parlement flamand, il s'avère déjà que l'on fera une distinction entre les personnes habitant de façon permanente dans des zones de récréation (pour lesquelles on peut demander de la compréhension étant donné que les autorités ont fait preuve de tolérance) et celles qui ont implanté leur habitation (permanente ou non) dans une région naturelle au mépris de toutes les lois. Ces remarques montrent qu'il serait superflu que le niveau fédéral intervienne pour fixer des normes d'indemnisation.

L'on a déjà créé, grâce aux subsides de la Loterie nationale, un Fonds d'impulsion à la politique des immigrés qui n'apporte aucun avantage à nos concitoyens. Il serait par conséquent équitable que le nouveau fonds soit financièrement aussi important que le Fonds d'impulsion et qu'il soit également subventionné par la Loterie. Il ressort d'une réponse à une question parlementaire (du 23 décembre 1997) que, par arrêté ministériel, on a alloué un montant de 202 142 400 francs et un montant complémentaire de 50 535 600 francs au Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, qui peut gérer ces fonds destinés à la réalisation de projets du Fonds d'impulsion ­ « sans indemnisation quelconque ». Il ne devrait donc y avoir aucune objection à ce que l'on réserve, en faveur du nouveau fonds, une dotation d'au moins 253 millions de francs.

Ni la Loterie nationale ni les autorités fédérales ne pourront participer, de quelque manière que ce soit, à la gestion du fonds. Leur seule obligation sera de verser la totalité de la somme sur des comptes que leur auront indiqués les gouvernements régionaux à cet effet, ce montant total étant réparti entre les régions selon la clé de répartition des mises à la Loterie nationale. Le calcul de ces mises pour 1996 a montré que les recettes provenaient à raison de 59 % de Flandre, de 30 % de Wallonie et de 11 % de Bruxelles. En raison de l'anomalie que constitue la subdivision en trois régions, faisant de la capitale de la Flandre une région distincte, et considérant la remarque du ministre selon laquelle nombre d'acteurs déposent leur mise à Bruxelles (il est établi que la grande majorité des navetteurs sont flamands), il convient d'allouer la part bruxelloise à la Flandre. Le phénomène des maisons de week-end n'est d'ailleurs en aucun cas un phénomène bruxellois et il serait par conséquent tout à fait incompréhensible que l'on verse ces fonds à Bruxelles.

Le fonds de 253 millions de francs comprendra un montant de 177 100 000 francs qui seront versés sur un compte flamand et un montant de 75 900 000 francs qui seront versés sur un compte wallon. Comme le problème des maisons de week-end ne sera plus qu'un mauvais souvenir d'ici peu grâce à l'effort des autorités régionales, il est opportun d'alimenter ce fonds annuellement jusqu'au niveau prévu pendant une période de dix ans, après quoi on pourra le supprimer.

Les autorités régionales fixeront toutes les modalités d'octroi des fonds aux victimes et leur gestion en la matière ne sera soumise qu'au seul contrôle de la Cour des comptes.

Commentaire des articles

Article 2

Il est préférable de se borner à prévoir la création d'un Fonds d'indemnisation des victimes de la démolition de résidences secondaires. Préciser plus avant les modalités à remplir par les victimes qui demandent à être indemnisées excéderait les compétences fédérales et viderait également de leur substance les compétences exclusives des régions en matière d'aménagement du territoire ­ et les indemnisations qui pourraient en résulter. En effet, la définition des modalités par les autorités fédérales constituerait une immixtion dans la méthode appliquée par les autorités ­ régionales ­ compétentes pour déterminer si une personne est ou non victime.

La Loterie nationale et le ministre des Finances font aujourd'hui déjà un usage abusif des bénéfices des jeux en menant une politique de subventionnement de la culture et des sports qui sape les compétences exclusives des régions. Si ce fonds devait venir renforcer cette soif blâmable d'immixtion, la présente proposition manquerait totalement son objectif.

Article 3

Le pouvoir fédéral s'est ingéré dans le problème des immigrés en créant un Fonds d'impulsion à la politique des immigrés. Dans le présent article, la dotation de ce Fonds d'impulsion sert de norme pour le nouveau fonds. Cependant, alors que le fruit des intérêts du Fonds d'impulsion est offert au « Centre du père Leman » (Centre pour la lutte contre le racisme), la présente proposition de loi évite un tel détour lucratif dans le cadre du nouveau fonds. Les montants en question sont en effet versés directement sur des comptes qui pourront être contrôlés par la Cour des comptes et par le Parlement régional.

Article 4

Il est permis de supposer que le problème humain qui est lié à la démolition de maisons de week-end finira par disparaître. Le fonds que l'on propose de créer devra par conséquent lui aussi disparaître. Le présent article propose dès lors une durée de dix ans, au terme de laquelle le solde du fonds sera affecté aux ministères régionaux chargés de l'aménagement du territoire.

Wim VERREYCKEN

PROPOSITION DE LOI SPÉCIALE


Article premier

La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

Il est créé un Fonds d'indemnisation des victimes de la démolition de résidences secondaires, qui est entièrement alimenté par les bénéfices de la Loterie nationale.

Art. 3

Le 1er janvier 2000, la Loterie nationale réservera un montant de 253 millions de francs pour le fonds. Ce montant sera versé immédiatement, à raison de 70 % pour la Flandre et 30 % pour la Wallonie, sur des comptes ouverts à cet effet par les autorités régionales respectives.

Art. 4

Le 1er juin de chaque année, et ce juqu'au 31 décembre 2009, les comptes en question seront approvisionnés jusqu'à concurrence du montant initial du fonds. Après la clôture des comptes pour l'année 2009, le solde des comptes du fonds sera affecté aux ministères régionaux flamand et wallon chargés de l'aménagement du territoire.

Wim VERREYCKEN.

(1) La présente proposition de loi spéciale a déjà été déposée au Sénat le 7 janvier 1998, sous le numéro 1-835/1 - 1997/1998.