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7 SEPTEMBRE 1999
Le 7 mars 1996, j'ai eu l'occasion d'interpeller le ministre de la Justice de l'époque, M. De Clerck, à propos d'un pédophile qui avait été condamné initialement à quinze ans de prison. L'intéressé avait vu sa peine réduite à trois ans, pour être finalement libéré après quinze mois seulement. Dans sa réponse, le ministre déclarait : « Notre législation est bonne et sert même d'exemple à nos partenaires européens. » L'actualité dramatique que nous connaissons montre que notre législation n'est pas bonne du tout, et même qu'elle présente des lacunes permettant aux pédophiles de récidiver, tandis que la demande et la production de films pornographiques et d'horreur destinés à exciter les sens, et de représentations du même genre ne sont pas suffisamment contrecarrées, parce que le Code pénal ne définit pas clairement la notion de bonnes moeurs. Il est pourtant évident que, notamment dans le milieu clandestin de la pédophilie, de telles représentations et de tels films sont produits pour répondre aux besoins de personnes anormales, délinquants primaires ou récidivistes.
L'article 383 du Code pénal ne définit pas la notion d'acte « contraire aux bonnes moeurs », laissant à la seule magistrature le soin d'apprécier le contenu à lui donner. Cette situation ne sert pas la sécurité juridique, ainsi que cela ressort notamment du Rechtskundig Weekblad du 13 janvier 1996 (p. 673), dans lequel A. Vandeplas consacre une note aux films pornographiques et d'horreur. On y apprend que la Cour d'appel d'Anvers a refusé, le 30 avril 1986, de considérer les films d'horreur comme étant contraires à l'article 383, en raison des valeurs restreintes que la loi pénale protège. Selon cette interprétation, pour pouvoir sanctionner le sadisme, il faut que le législateur adapte la loi pénale.
Dans le Rechtskundig Weekblad (1986-1987, p. 1361), M. D. Voorhoof (RUG) écrit ce qui suit : « En substance, le jugement de la Cour d'Anvers revient à dire que l'incrimination d'acte « contraire aux bonnes moeurs » (art. 383 du Code pénal) ne peut être considérée comme s'appliquant à des films qui mettent l'accent sur la violence, l'horreur, la brutalité, le sadisme... Cela signifie qu'en droit belge, sont effectivement punissables la représentation, l'image ou le film contenant des éléments érotiques ou des comportements sexuels indécents, mais que ne le sont pas la représentation, l'image ou le film dépeignant essentiellement des scènes d'horreur, des violences sadiques ou de plates grossièretés. Cette conséquence passablement étonnante de l'arrêt est assortie de l'argument selon lequel une extension de la notion de bonnes moeurs « témoigne sans aucun doute d'une conception morale très élevée », mais qu'il n'existe pas de « texte de loi spécifique » permettant de sanctionner un comportement moralement répréhensible autre que sexuel. Le juge renvoie ainsi la balle au législateur. » (Traduction.)
Entre-temps, le législateur a bel et bien prévu de réprimer plus sévèrement la pornographie enfantine (loi du 13 avril 1995 contenant des dispositions en vue de la répression de la traite des êtres humains et de la pornographie enfantine et loi du 13 avril 1995 relative aux abus sexuels à l'égard des mineurs), mais sans toutefois s'attaquer à l'ensemble des films pornographiques et d'horreur, qui portent cependant une part de responsabilité dans la délitescence constatée de la norme. Une proposition de loi à ce sujet, dont j'avais pris l'initiative (11 mars 1993, 678/1), a été mise aux oubliettes de la commission concernée en raison de mon appartenance politique. À la lumière des événements choquants du moment, il n'est peut-être pas inutile de rappeler quelques phrases de ses développements : « Ainsi le débat sur la répression est-il actuellement rouvert en Angleterre, après le meurtre répugnant d'un tout jeune enfant par deux enfants de dix ans. (...) Il nous semble indiqué de ne pas attendre ici de tels événements dramatiques déclenchants. C'est sans tarder qu'il faut entamer la lutte contre l'atmosphère d'amoralité et encourager la renaissance d'une morale liée à la culture ». Les membres de la commission en question ont effectivement attendu que de tels événements dramatiques se produisent. Je le déplore vivement, et je présume ne pas être le seul dans le cas.
En attendant, comme le ministre de la Justice l'a enfin annoncé récemment, que l'on interdise les films pornographiques et autres films d'horreur qui excitent les sens des individus à la sexualité déréglée, il conviendrait cependant de compléter le Code pénal en y insérant une disposition définissant la notion de « bonnes moeurs », qui permettrait d'agir contre toutes les atteintes à celles-ci, quel que soit le support matériel utilisé.
Article 2
Pour définir la notion de « bonnes moeurs », on s'est basé essentiellement sur les arrêts évoqués ci-dessus, qui mettent en évidence les imperfections de la loi pénale.
Il doit être bien clair que les personnes posant des actes dont elles savent que la conscience collective les perçoit comme contraires aux bonnes moeurs, portent atteinte aux valeurs protégées par l'article 383.
Portent également atteinte aux bonnes moeurs les textes, figures, images, enregistrements sonores, etc., dans lesquels apparaissent des actes sexuels indécents, quels que soient le support matériel utilisé ou la forme sous laquelle ils sont proposés. Il en va de même lorsqu'ils contiennent principalement des scènes de cruauté, des actes de violence sadique ou de plates grossièretés.
Ajoutons encore que les personnes vivantes ne sont pas les seules dont l'intégrité physique puisse être outragée. Alors que la notion de « nécrophilie » est inconnue en droit pénal, la présente proposition de loi permettra de sanctionner quiconque porte atteinte aux bonnes moeurs, y compris ceux qui trouvent plaisir à regarder, palper ou photographier des cadavres dans des buts douteux.
Wim VERREYCKEN. |
Article premier
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Il est inséré dans le Code pénal un article 386quater , rédigé comme suit :
« Art. 386quater. Pour l'application du présent chapitre, est réputé contraire aux bonnes moeurs tout ce qui heurte la décence au sens d'une atteinte à l'intégrité physique dans l'acception explicitement sexuelle du terme, ainsi que la pudeur au sens d'une atteinte à l'intégrité morale, qu'il y ait ou non interférence entre violence et sexualité. »
Art. 3
La présente loi entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge .
Wim VERREYCKEN. |
(1) La présente proposition de loi a déjà été déposée au Sénat le 7 octobre 1996, sous le numéro 1-430/1 - 1996/1997.