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Sénat de Belgique

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Parlementaire handelingen

SÉANCE DU JEUDI 15 OCTOBRE 1998

VERGADERING VAN DONDERDAG 15 OKTOBER 1998

(Vervolg-Suite)

DEMANDE D'EXPLICATIONS DE M. DESTEXHE AU MINISTRE DE LA FONCTION PUBLIQUE SUR « LE BERLAYMONT »

VRAAG OM UITLEG VAN DE HEER DESTEXHE AAN DE MINISTER VAN AMBTENARENZAKEN OVER « HET BERLAYMONT-GEBOUW »

M. le président. ­ L'ordre du jour appelle la demande d'explications de M. Destexhe.

La parole est à M. Destexhe.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Monsieur le président, le dossier du Berlaymont est un dossier qui me tient à coeur puisque je vous ai déjà interpellé à plusieurs reprises sur ce sujet.

Depuis mars 1998, peu d'informations nouvelles sont apparues dans la presse sur le chantier du Berlaymont. On peut dire que les derniers problèmes liés au désamiantage ont suscité certaines réactions.

En effet, fin octobre 1997, à la suite des révélations de la revue Incidences mettant directement en cause les ministres en charge du dossier de désamiantage du bâtiment et révélant un rapport dans lequel différentes mesures auraient été truquées et d'autres dissimulées aux autorités, le bourgmestre de la ville de Bruxelles, M. de Donnéa, a dû ordonner la mise sous scellés du chantier et a demandé une expertise sur le fonctionnement de ce dernier.

Lors du Conseil des ministres de la semaine suivante, c'est-à-dire celui du 7 novembre 1997, les ministres ont approuvé un projet d'arrêté royal relatif à la limitation de la mise sur le marché et l'emploi de certaines substances et préparations dangereuses, à savoir l'amiante. Ce projet vise à transposer en droit belge la directive européenne 91/659/CEE du 3 décembre 1991.

Plus tard, en janvier 1998, la Belgique approuve, via son Conseil des ministres, un projet d'arrêté royal relatif à l'amiante et aux produits renfermant de l'amiante. Ce projet interdit totalement la mise sur le marché et l'utilisation de toute fibre d'amiante. Des dérogations temporaires seront cependant prévues pour les domaines où des produits de substitution n'existent pas encore, c'est le cas pour l'amiante chrysotile.

Le 4 mars 1998, Didier Reynders, chef du groupe PRL-FDF à la Chambre, interrogeait M. Jan Peeters sur l'idée qui avait été lancée de mettre sur pied un inventaire des immeubles contenant de l'amiante. Le secrétaire d'État à l'Intégration et à l'Environnement lui répondait, je cite : « Quant à l'inventarisation et au planning, le pouvoir fédéral les confie à la Régie des Bátiments qui relève du ministre Flahaut. »

Pouvez-vous me dire, monsieur le ministre, où en est cet inventaire ? Comment avez-vous procédé ?

En ce qui concerne le dossier du chantier du Berlaymont, à la suite de la demande de M. de Donnéa, début mars 1998, l'entreprise Battelle remet son rapport. D'après celui-ci, « le chantier du Berlaymont ne met pas en danger la santé de la population vivant ou travaillant dans son voisinage ». L'entreprise fait aussi une série de recommandations et de propositions pour diminuer les risques d'incidents.

Pouvez-vous nous dire si toutes les mesures préconisées par l'entreprise Battelle ont été prises afin de respecter les différentes recommandations ?

Lors de ma dernière demande d'explications en octobre 1997 vous m'aviez fourni un planning du chantier pour les prochains mois. La fin du désamiantage grossier était prévue pour le 1er mars 1998 ­ avec une pénalité de trois millions de francs par jour de dépassement ­ et l'achèvement du désamiantage fin était fixé au 1er juin 1999. Ce planning a-t-il été respecté ?

Quand vont commencer les travaux de rénovation et pourront-ils être terminés comme prévu en 2001 ?

Quel a été le coût total des travaux de désamiantage ? Pouvez-vous nous donner des détails pour les gros postes du chantier ?

Je suppose que le montant prévu au départ de 3,6 milliards est largement dépassé, d'autres frais étant intervenus. Combien ont coûté les négligences au niveau de la gestion de ce chantier ?

Enfin, en 1991, 3 000 fonctionnaires européens quittent le bâtiment du Berlaymont. L'État belge paie deux milliards pour le déménagement et le réaménagement des bureaux. Toutefois ­ selon mes informations ­ le bail se termine fin 1999. Or, à cette date, les travaux de rénovation ne seront pas terminés. Où iront alors tous les fonctionnaires ? Qu'avez-vous prévu pour leur relogement ? Quel est le montant exact du surcoût de la mesure de location ?

Quelle est l'attitude officielle de la Commission européenne vis-à-vis du chantier du Berlaymont ?

Les autorités européennes sont-elles satisfaites de leur coopération avec les autorités belges ? Ne commencent-elles pas à être irritées par la durée de ce chantier ?

M. le président. ­ La parole est à M. Flahaut, ministre.

M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. ­ Monsieur le président, je ne doute pas que l'honorable membre ait à coeur le dossier du Berlaymont. C'est aussi mon cas.

Avant de fournir les réponses à ses nombreuses questions, il me paraît nécessaire d'apporter les précisions suivantes.

En ce qui concerne les arrêtés royaux relatifs à l'amiante qui sont évoqués par l'honorable membre, je tiens à préciser qu'ils ne sont pas une conséquence directe du chantier du désamiantage du Berlaymont.

La première question a trait à l'inventaire de l'amiante dans les bâtiments fédéraux.

Un appel d'offres restreint, précédé d'un appel général aux candidats, a été lancé. Onze candidats ont été retenus et ont reçu le cahier spécial des charges. La date limite du dépôt des offres était le 20 janvier 1998.

Pour accélérer la constitution de l'inventaire, le marché a été subdivisé en douze lots plus un lot pour la coordination de l'ensemble.

Le 19 mai 1998, j'ai approuvé les offres retenues et les différents experts en ont été informés entre le 24 juin et le 17 juillet 1998. L'ensemble de l'inventaire, en ce compris la prise d'échantillons, sera terminé à la fin du mois de juin 1999.

Cela démontre ma volonté de faire progresser un dossier délicat et mon souci de veiller à la santé des fonctionnaires dont j'ai la charge autant que des citoyens « clients des services publics » ainsi que des habitants voisins de bâtiments fédéraux.

Les questions suivantes concernent directement le chantier même du Berlaymont. À ce sujet, je puis dire à l'honorable membre que si, depuis mars 1998, peu d'informations nouvelles sont parues sur le chantier du Berlaymont, c'est que tout y est en ordre et progresse normalement; les populations concernées sont pleinement rassurées, notamment par le biais d'une politique de communication et d'information développée par Berlaymont 2000.

Le rapport Battelle remis début mars 1998 a en effet conclu que « le chantier du Berlaymont ne met pas en danger la santé de la population vivant ou travaillant dans son entourage ». Mais il dit aussi : « La situation existante est satisfaisante voire remarquable vu la taille et la complexité du bâtiment »; « Le chantier peut aujourd'hui servir de référence en matière de précautions environnementales »; « ...Il peut soutenir la comparaison avec les chantiers de désamiantage les mieux organisés ».

À ce titre, des personnes confrontées au problème du désamiantage du Jussieu en France, sont venues voir l'organisation du chantier du Berlaymont.

Lors de la conférence de presse à la Ville de Bruxelles du 2 mars 1998, l'IBGE a déclaré que les investigations qu'il avait menées n'avaient pas montré de manipulation d'information.

Les recommandations de Battelle portaient sur des points de détails de nature à améliorer encore la situation. La plupart de ces améliorations avaient déjà été prévues par Berlaymont 2000 dans le plan de travail du désamiantage fin. Il en est ainsi du nouveau confinement, du renouvellement d'air plus important, de l'amélioration du système d'extracteurs. Ces améliorations sont aujourd'hui opérationnelles.

Les mesures d'ambiance optiques ont été doublées par des mesures électroniques et ces dispositions ont fait l'objet d'une modification du permis d'environnement.

Berlaymont 2000 a régulièrement informé les habitants de l'avancement du chantier et des résultats des mesures d'air par la voie d'un numéro vert. Depuis janvier 1997, aucun dépassement des normes de qualité d'air n'a été relevé.

Les actions d'information ont été favorablement accueillies par les comités de quartier concernés. Celui du Quartier Nord-Est écrit dans son Inforquartier de juin 1998 : « Autre excellente initiative du professeur Henri Vander Eycken, qui préside aux destinées de Berlaymont 2000 et qui a compris l'importance de la communication pour rassurer la population : une exposition, « Du désamiantage à la rénovation », très réussie, accessible le mercredi, de 12 à 20 heures, et le samedi de 10 à 16 heures, ou les autres jours pour les groupes, sur rendez-vous 2864628. Entrée à l'angle du rond-point Schuman et de la rue Archimède. De belles brochures y sont distribuées. Encore un bon point pour Berlaymont 2000. »

La fin du désamiantage grossier a été retardée par suite, entre autres, de la pose des scellés et d'intempéries. L'Association Delens-De Waele a demandé une prolongation de délai de 113 jours et un supplément de 661 millions.

À la suite d'une action en référé introduite par l'association Delens-De Waele, le président du tribunal de commerce a désigné un expert en date du 9 avril. L'expert a conclu à une prolongation de délai de 86 jours sur les 113 demandés, à un supplément de 279 millions sur les 661 demandés.

La prolongation de délai a reporté au 12 juin 1998 la date contractuelle d'achèvement des travaux de désamiantage grossier. L'achèvement effectif des travaux ayant été prononcé le 4 juillet 1998, 21 jours de retard ont donné lieu à une amende de 63 millions, qui ont été déduits des 279 millions de supplément accordés. Malgré le retard de la fin du désamiantage grossier, le désamiantage fin a commencé comme prévu et sera terminé en juin 1999.

Les travaux de rénovation commenceront dans certains sous-sols, en décembre 1998, et dans la tour, en juin 1999. Leur achèvement est prévu pour le dernier trimestre 2001.

Le coût des travaux de désamiantage se répartit comme suit : le désamiantage grossier de la tour s'élève à 2 214 millions; le désamiantage et le démantèlement des sous-sols, à 414 millions; le désamiantage fin de la tour ­ montant du marché ­ à 1 125 millions, ce qui représente un montant total de 3 753 millions. Je vous signale que le désamiantage fin qui coûte 1 125 millions a pour objectif d'enlever 100 kilos d'amiante dans l'ensemble du bâtiment.

À ces montants s'ajouteront les intérêts intercalaires et les frais généraux et de maîtrise d'ouvrage.

Aux termes du protocole passé le 8 juillet 1997, entre l'État fédéral, la Communauté européenne et Berlaymont 2000, l'État s'engage à couvrir les coûts du désamiantage, Berlaymont 2000 cède à la Communauté une emphytéose de 27 ans sur le bâtiment pour un prix couvrant la valeur du bâtiment avant rénovation, valeur fixée de façon définitive à 2 milliards; le coût réel des investissements de rénovation. Une option d'acquisition sur le reste de l'emphytéose ­ jusqu'en 2089 ­ est donnée par Berlaymont 2000 à la Communauté pour un euro symbolique. Le coût réel des investissements de rénovation sera celui exposé réellement à la fin des travaux de rénovation. Il est estimé actuellement à 13,1 milliards ­ en francs 97.

L'État fédéral donne à la commission une option d'achat sur son droit de propriété sur le bâtiment et sur son droit de propriété sur le terrain. L'État donne ces options d'achat pour un euro symbolique.

L'État continuera à payer le loyer des immeubles de substitution pendant six mois après la fin de la rénovation, à l'exception de l'immeuble Beaulieu pour lequel l'État payera le loyer durant 18 mois après la fin de la rénovation. Le loyer des immeubles de substitution s'élève à 1 milliard 500 millions par an, dont 450 millions pour le Beaulieu.

L'attitude « officielle » de la Commission européenne vis-à-vis du chantier du Berlaymont s'exprime par l'engagemnt qu'elle a pris ­ selon les termes du protocole ­ de réoccuper le bâtiment une fois le désamiantage et la rénovation menés à bien.

Des représentants de la Commission suivent le projet et ont exprimé régulièrement leur satisfaction à ce sujet. Une excellente collaboration existe en effet entre Berlaymont 2000 , mon cabinet et les membres du cabinet du commissaire européen Liikanen.

M. le président. ­ La parole est à M. Destexhe.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Monsieur le président, je tiens à remercier le ministre de sa réponse et à lui dire que je suis assez satisfait des précisions apportées, même s'il n'a pas répondu à l'une de mes questions. En effet, j'avais demandé combien avaient coûté les négligences du chantier, mais il me paraît de bonne guerre, monsieur le ministre, de n'avoir pas répondu à cette question.

Pour ce qui est de la politique de communication de Berlaymont 2000, j'admets avoir constaté une réelle amélioration. J'avais introduit cette demande d'explications dans le courant de l'été et je dois reconnaître que pendant l'été, j'ai reçu une série de brochures d'information réalisées par Berlaymont 2000 et dont les explications sont assez claires.

Je souhaiterais obtenir deux précisions.

Premièrement, vous nous avez fourni une avalanche de chiffres, ce qui risque de nuire à la clarté des explications. Si je vous ai bien compris, en juin 1999, nous disposerons d'un inventaire détaillé concernant la présence d'amiante dans tous les bâtiments appartenant à l'État belge.

Deuxièmement, vous avez évoqué un coût de 13 milliards pour la rénovation. Pour ma part, j'en étais resté à un chiffre de l'ordre de 10 milliards. Ne pensez-vous pas que ces montants propres à donner le vertige ­ 13 milliards pour la rénovation, 4 milliards pour le désamiantage et un surcoût de 1,5 milliard par an ­ puissent susciter des interrogations quant au choix fait au début des années 90 de rénover le bâtiment plutôt que de le reconstruire ?

M. le président. ­ La parole est à M. Flahaut, ministre.

M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. ­ Monsieur le président, je voudrais confirmer que les experts chargés de dresser l'inventaire travaillent pour l'instant. Il est clair que nous ne recommençons pas le travail des départements qui l'avaient déjà effectué totalement ou partiellement et que nous essayons d'avancer le plus rapidement possible. Fort heureusement, les bâtiments de l'État fédéral ne contiennent pas tous de l'amiante mais il faut se souvenir qu'à une certaine époque, et particulièrement après l'incendie de l'Innovation, l'amiante était le produit miracle pour protéger les édifices du feu. Les directives étaient claires, il fallait utiliser de l'amiante.

À propos des 13 milliards, vous avez vous-même cité le chiffre de 10 milliards, mais je puis vous dire qu'à un moment donné, il a été question de 15,6 milliards. En fait, le montant a fluctué au gré des projets déposés pour le Berlaymont et des demandes exprimées par les Européens eux-mêmes.

Il convient toutefois de rappeler qu'au début de cette législature, le coût de cette rénovation était encore à charge de l'État belge mais que, selon le protocole que nous avons signé avec la Commission européenne, il est maintenant à charge de cette dernière. On n'en parle pas suffisamment, mais cela représente une économie substantielle.

M. Destexhe (PRL-FDF). ­ Je vois que le ministre des Finances approuve!

M. Flahaut, ministre de la Fonction publique. ­ Le choix du maintien du bâtiment et de sa rénovation a été fait en 1991. Le Berlaymont est l'un des bâtiments symboles de l'Europe et avait déjà cette valeur à l'époque. Aucun partenaire européen n'a souhaité un autre lieu d'implantation pour la Commission. Au fil du temps, les parties intéressées ont eu de moins en moins envie de quitter ce bâtiment, d'autant que le Conseil des ministres européens ­ le Juste Lipse ­ s'était installé sur le site et le Parlement européen à un jet de pierre.

La concentration des institutions européennes dans le quartier Schumann s'est faite automatiquement et la Commission européenne n'a pas voulu abandonner le Berlaymont au moment où celles-ci s'installaient à proximité. C'est d'ailleurs l'un des éléments qui a facilité la prise en charge par la Commission de la rénovation du bâtiment.

J'ajoute que si ce bâtiment n'avait pas été utilisé par la Commission européenne, je ne sais pas quelle destination il aurait reçu. Nous aurions de toute façon dû faire procéder aux désamiantages fin et grossier et nous aurions dû en supporter le coût.

M. le président. ­ L'incident est clos.

Het incident is gesloten.