Questions et Réponses

Sénat de Belgique


Bulletin 1-67

SESSION DE 1997-1998

Questions posées par les Sénateurs et réponses données par les Ministres

(Fr.): Question posée en français - (N.): Question posée en néerlandais


Ministre de la Justice

Question nº 767 de M. Anciaux du 9 janvier 1998 (N.) :
Enquête du comité P sur l'attaque commise par les « Tueurs du Brabant » de l'entreprise Wittock-Van Landeghem.

Selon les deux professeurs chargés par la deuxième commission d'enquête parlementaire sur les « Tueurs du Brabant » de faire l'analyse de l'enquête menée dans ce dossier, les assertions publiées par le magazine Humo en 1995 à propos de l'attaque de la voilerie Wittock-Van Landeghem à Tamise, au cours de laquelle une personne a perdu la vie et 7 gilets pare-balles « Kevlar » ont été volés, ne sont que fantasmes, mythes et tentatives de désinformation. Les deux professeurs fondent leur jugement sur une enquête effectuée par le comité P. Dans son édition du 18 novembre 1997, le magazine Humo répliquait en émettant de sérieux doutes quant à la manière dont le comité P avait examiné l'implication éventuelle de gendarmes dans l'attaque commise à Tamise.

À l'époque, le parquet de Termonde était parti du principe que les faits avaient été commis par des « initiés » ­ les auteurs ayant manifestement été informés de la présence de vestes « Kevlar » dans les armoires en fer ­ sans pour autant songer à des gendarmes, cette piste n'ayant pas encore été envisagée à l'époque. En 1995, le magazine Humo fut contacté par un ancien employé d'une filiale de Wittock-Van Landeghem, l'entreprise de tissage T.I.S., qui prétendait qu'avant l'attaque par les tueurs, il avait constaté à plusieurs reprises la présence de gendarmes venus inspecter des vestes « Kevlar » nouvellement tissées. De ce témoignage, l'on peut manifestement déduire que des gendarmes étaient au courant des activités de Wittock-Van Landeghem dans le cadre de la fabrication de vestes « Kevlar » et auraient pu donner des indications aux tueurs. Cette piste menant vers la gendarmerie n'a cependant jamais été explorée par le parquet de Termonde. Sur la base des récits publiés par le magazine Humo , le comité P a été chargé de vérifier cette version des faits.

Les professeurs se fondent sur le rapport du comité P qui conclut que les récits publiés dans le magazine Humo constituent une succession de déclarations décousues, qu'il est impossible de résumer de manière cohérente. L'enquête particulièrement minutieuse ­ disent les professeurs ­ menée par le gendarme enquêtant pour le comité P a montré qu'en ce qui concerne l'existence de contacts entre la gendarmerie et l'entreprise Wittock-Van Landeghem avant le 10 septembre 1983 au sujet des gilets pare-balles, le récit publié par le magazine Humo ne repose quasiment sur aucun fondement. Ceci amène les professeurs à conclure que l'assertion de Humo , selon laquelle il y aurait eu, avant le 10 septembre 1983, des contacts réguliers entre la gendarmerie et la firme Wittock-Van Landeghem attaquée au cours de ce même mois est sans fondement, des contacts de ce type n'ayant pas eu lieu.

En réplique à cette conclusion, le magazine Humo pose, dans son édition du 18 novembre 1997, un certain nombre de questions pertinentes. C'est ainsi que le gendarme chargé de vérifier les assertions de Humo pour le compte du comité P ne s'est jamais entretenu ou n'a jamais entendu le témoin de Humo, l'ancien employé de T.I.S., qui maintient ses déclarations. Il insiste sur ce point : ces gendarmes ne se sont pas rendus une fois, mais plusieurs fois chez T.I.S. Après la parution du premier article dans le magazine Humo début décembre 1995, un autre ancien employé de Wittock-Van Landeghem a envoyé une lettre confirmant le récit du premier témoin, en ce sens qu'avant septembre 1983, il y avait bel et bien eu des contacts entre l'entreprise et la gendarmerie au sujet de la fabrication de vestes « Kevlar ». Ce témoignage a également été publié par Humo. Cette seconde personne, quant à elle, a été entendue par le comité P et dit avoir eu, à l'issue de son audition, le sentiment que les enquêteurs étaient venus dans l'intention de la faire changer d'avis au sujet de la venue régulière de gendarmes chez Wittock-Van Landeghem au début des années 80. Et de préciser qu'ils n'y étaient pas parvenus.

Pour sa part, la gendarmerie fait savoir que ce n'est qu'en 1986 qu'elle a commencé à travailler avec Wittock-Van Landeghem, dans le cadre d'un contrat de trois ans relatif à l'achat de 7 270 gilets pare-balles, contrat conclu avec le consortium dont l'entreprise faisait partie. Cette version est contredite par l'ancien employé de Wittock-Van Landeghem qui, rappelant qu'il n'a travaillé dans cette entreprise qu'au cours de la période entre septembre 1980 et août 1982, se demande comment il aurait pu voir les gendarmes en 1986.

Depuis, Humo a retrouvé deux autres témoins, également d'anciens employés de Wittock-Van Landeghem, qui confirment l'assertion selon laquelle la gendarmerie aurait déjà eu des contacts avec l'entreprise avant septembre 1983 à propos des vestes « Kevlar ». Enfin, je me réfère à l'article publié récemment par Humo reprenant plusieurs déclarations d'un officier de la gendarmerie à la retraite, l'ancien chef de l'E.S.I., faisant état de contacts entre la gendarmerie et l'entreprise Wittock-Van Landeghem. Un gendarme ayant conservé l'anonymat se rallie également aux assertions de Humo et précise que la raison pour laquelle la gendarmerie continue de nier avec force tout contact avec Wittock-Van Landeghem à l'époque doit être recherchée du côté du vol d'armes très sophistiquées dont l'E.S.I. a été victime le 3 janvier 1982. Ce vol, dont tout porte à croire qu'il a été commis par des « initiés », n'a jamais été élucidé. Certaines personnes pointent cependant un doigt accusateur en direction d'un ancien membre de la B.S.R. À ce sujet, le gendarme ayant conservé l'anonymat déclare que lorsqu'en septembre 1983, Wittock-Van Landeghem a été l'objet d'une attaque, un vent de panique a de nouveau soufflé à l'état-major général, étant donné que certains gendarmes entretenaient des contacts avec Wittock-Van Landeghem, précisément au sujet des vestes qui avaient été volées.

L'honorable ministre pourrait-il donner une réponse aux questions suivantes :

1. Le comité P n'a jamais entendu l'ancien employé de la société T.I.S. qui constituait la source principale de l'article publié par le magazine Humo. Je souhaiterais dès lors relayer à l'adresse de l'honorable ministre la question posée par les journalistes de Humo dans leur article : « Quelle est la valeur d'une enquête relative à la véracité des déclarations d'un témoin si le témoin lui-même n'a jamais été entendu au sujet de ses déclarations ? »

2. L'honorable ministre peut-il, une fois pour toutes, préciser la date à partir de laquelle la gendarmerie a entretenu des contats avec Wittock-Van Landeghem ? De tels contacts existaient-ils avant septembre 1983, comme l'affirment quatre anciens employés de l'entreprise, un gendarme ayant conservé l'anonymat et les anciens officiers de la gendarmerie ou ces contacts n'ont-ils été noués qu'à partir de 1986 comme l'affirme la gendarmerie ?

3. Selon les deux journalistes du magazine Humo, la manière dont les experts de la commission d'enquête ont étudié le dossier de Tamise suscite de nombreux doutes quant à la qualité de leur travail. Ils se demandent si les autres volets de leur enquête pèchent par les mêmes défauts. Quelle est la réaction de l'honorable ministre à cette prise de position ?

Antwoord : Il n'appartient pas au ministre de la Justice de se prononcer sur des dossiers relatifs à des enquêtes en cours.