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SÉANCES DU JEUDI 11 JUIN 1998 |
VERGADERINGEN VAN DONDERDAG 11 JUNI 1998 |
M. le président. L'ordre du jour appelle la demande d'explications de Mme Lizin.
La parole est à Mme Lizin.
Mme Lizin (PS). Monsieur le président, nous avons récemment eu des contacts avec M. Tarek Aziz. Je suppose qu'il en est de même pour vous, monsieur le ministre.
Je souhaiterais savoir quelles actions le département et vous-même pourrez mener dans les prochains mois à propos de la situation de l'Irak. La Belgique pourrait-elle par exemple initier, lors de l'assemblée générale des Nations unies qui aura lieu en septembre, une résolution visant la levée de l'embargo ? C'est l'espoir de la population irakienne à l'heure actuelle. Tout est focalisé sur cette future assemblée générale. Avez-vous déjà demandé une coordination européenne en la matière et, dans l'affirmative, à quel stade en est-elle ?
Pensez-vous que nous pourrons rouvrir une ambassade en Irak ? Beaucoup de Belges y demeurent. Ils y ont passé toute la période difficile et ont fait preuve de beaucoup de courage. Ils ont conservé des contacts avec ce peuple tout à fait intéressant, malgré l'oppression qu'il a subie. L'Espagne, par exemple, n'a jamais fermé son ambassade.
Serait-il possible de mener une action coordonnée quant à la représentation diplomatique des pays européens en Irak dans le sens d'un élargissement de celle-ci ?
M. le président. La parole est à M. Derycke, ministre.
M. Derycke, ministre des Affaires étrangères. Monsieur le président, la question de Mme Lizin m'offre l'occasion de faire le point de la situation concernant l'Irak. Comme vous le savez, on a imposé à l'Irak un certain nombre de conditions que Bagdad doit remplir.
Je reviendrai sur la position de la Belgique, la coordination des positions européennes et celle de notre ambassade.
Le premier point important concerne les armes de destruction massive.
Commençons par le volet nucléaire : se basant sur un rapport positif de l'Agence internationale de l'énergie atomique, le Conseil de sécurité a adopté le 14 mai dernier une déclaration présidentielle confirmant que les travaux de l'AIEA ont permis d'établir, dans l'ensemble, les données relatives au programme nucléaire de l'Irak et que le Conseil pourrait adopter une résolution par laquelle l'AIEA consacrerait désormais ses efforts aux seuls contrôles et vérifications à long terme. L'adoption d'une telle résolution pourrait avoir lieu dès fin juillet à condition que le nouveau rapport demandé à l'AIEA pour cette date soit également positif et que l'Irak ait fourni les réponses attendues pour l'adoption de lois pénales interdisant à toute personne physique ou morale d'entreprendre des activités interdites dans le domaine nucléaire et l'adoption par le gouvernement irakien d'un décret gouvernemental confirmant officiellement l'abandon du programme nucléaire.
Si dans le domaine de l'accès aux sites y compris présidentiels et celui de l'armement nucléaire des progrès ont été enregistrés, tel n'est malheureusement pas encore le cas pour ce qui concerne les domaines des missiles, des armes chimiques et des armes biologiques. À cet égard, le Conseil de sécurité a longuement entendu la semaine dernière le président Butler de la commission spéciale chargée du désarmement de l'Irak UNSCOM à propos des difficultés rencontrées dans la recherche d'informations relatives à ces types d'armements. À la suite de l'exposé détaillé de M. Butler, le Conseil de sécurité a entériné un document reprenant une liste d'actions et de conditions que le gouvernement irakien devra remplir pour que la levée des sanctions puisse être mise en oeuvre. Ces actions sont de trois types.
Premièrement, la fourniture complète du material balance c'est-à-dire du bilan entre le nombre d'armes produites et importées, d'une part, et le nombre d'armes détruites, utilisées ou en stock, d'autre part.
Deuxièmement, la mise en oeuvre des recommandations des comités d'évaluation techniques.
Troisièmement, les réponses vérifiables aux questions particulières posées par la Commission spéciale UNSCOM.
Le Conseil de sécurité a ensuite décidé d'envoyer le président de l'UNSCOM à Bagdad pour y présenter aux autorités irakiennes le document contenant la liste des conditions et questions. D'après mes informations, M. Butler devrait rejoindre Bagdad aujourd'hui.
J'espère vivement que l'Irak coopérera avec l'UNSCOM et le Conseil de sécurité de façon à répondre de son mieux aux conditions et questions contenues dans le document du Conseil de sécurité, qui constitue en quelque sorte un road map vers la levée des sanctions.
Pour votre information, madame, j'ai apporté les deux documents que je viens de mentionner et que je tiens à votre disposition.
La Belgique peut-elle initier une résolution à l'assemblée générale des Nations unies en septembre, visant la levée de l'embargo ? À cette question, ma réponse doit être négative. Étant donné le fait que le Conseil de sécurité s'occupe de la question de l'Irak, l'Assemblée générale n'est pas habilitée à se saisir de ce dossier; cela en vertu de l'article 12.1 de la Charte des Nations unies qui se lit comme suit : « Tant que le Conseil de sécurité remplit, à l'égard d'un différend ou d'une situation quelconque, les fonctions qui lui sont attribuées par la Charte, l'Assemblée générale ne doit faire aucune recommandation sur ce différend ou cette situation, à moins que le Conseil de sécurité ne le lui demande. »
La Belgique peut-elle ou envisage-t-elle de demander une coordination des positions européennes en la matière ? Tout au long de la dernière crise déclenchée à la suite des restrictions irakiennes à l'occasion de l'inspection des sites présidentiels, la Belgique a toujours prôné une solution pacifique et apporté son plein appui aux médiations en cours, notamment celle du secrétaire général des Nations unies.
Certains partenaires européens ont eu parfois des vues divergentes quant à la façon d'amener l'Irak à respecter les résolutions pertinentes adoptées par le Conseil de sécurité. Cependant, il y a toujours eu unanimité sur cet objectif final ainsi que sur la nécessité d'appuyer entièrement les efforts entrepris par le secrétaire général en vue de résoudre la crise.
En outre, la Belgique et ses partenaires européens se sont toujours préoccupés de la situation dramatique de la population irakienne, au point de vue alimentaire et sanitaire, après l'imposition des sanctions. Notre opinion publique s'inquiète à juste titre de l'ampleur de la crise humanitaire en Irak. En 1991 et 1992, la Belgique, à l'époque membre du Conseil de sécurité, a plaidé la cause de la population irakienne et a contribué à la mise sur pied d'un programme oil for food , lequel n'a toutefois pu être réalisé immédiatement. Il a fallu attendre 1996 pour que le Conseil de sécurité mette au point un nouveau programme par le biais de sa résolution nº 986. Par ailleurs, la résolution nº 1 153 adoptée par le Conseil en date du 20 février 1998 a augmenté la vente de pétrole par l'Irak, afin d'acheter des marchandises dans le cadre de ce programme « oil for food » en la portant de 2 à 5,2 milliards de dollars par semestre. Enfin, le secrétaire général a approuvé il y a quelques jours le nouveau plan de distribution soumis par le gouvernement irakien.
En fait, la situation est en pleine évolution. La communauté internationale, au nom de laquelle agit le Conseil de sécurité, doit à présent espérer que les efforts accomplis en vue de résoudre la crise irakienne portent leurs fruits afin que la lumière jaillisse enfin au bout du tunnel pour une population plongée dans une situation catastrophique.
Actuellement quinze ressortissants belges sont présents en Irak, dont dix possèdent la double nationalité. Les visites à Bagdad d'un de nos diplomates à Amman ont été augmentées et son désormais mensuelles.
Quant à la question de la réouverture de notre ambassade, elle fait l'objet d'évaluations régulières basées sur les réactions des autres pays et l'appréciation de nos intérêts. Une évaluation est en cours.
M. le président. L'incident est clos.
Het incident is gesloten.