1-805/1

1-805/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 1997-1998

4 DÉCEMBRE 1997


Proposition de loi spéciale visant à fixer définitivement la frontière entre la Flandre et la Wallonie et à supprimer les facilités dans les communes de la frontière linguistique

(Déposée par MM. Verreycken et Van Hauthem)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi spéciale doit se lire conjointement avec notre proposition de loi spéciale visant à supprimer les facilités dans les communes périphériques (doc. nº 1-804/1).

Il y a cette année déjà trente-cinq ans qu'a été votée la loi du 8 novembre 1962 modifiant les limites de provinces, arrondissements et communes et modifiant la loi du 28 juin 1932 sur l'emploi des langues en matière administrative et la loi du 14 juillet 1932 concernant le régime linguistique de l'enseignement primaire et de l'enseignement moyen.

Après tout ce temps, il doit être possible de reconsidérer en toute sérénité cette question extrêmement importante. Importante, parce que l'on croyait que la fixation de la frontière linguistique mettrait un terme aux changements de composition de la population habitant le long de cette frontière. Importante aussi, parce que l'on pensait ­ surtout du côté flamand ­ que la fixation de la frontière linguistique mettrait un terme à l'expansionnisme wallon et à la francisation de la Flandre.

À l'époque, la plupart des mandataires politiques flamands considéraient le régime des facilités comme un mal nécessaire, bien qu'il dût être évident, dès 1962, que les facilités poseraient de nouveaux problèmes en Flandre.

Il convient aussi de dénoncer en l'occurrence le rôle qu'ont joué les Flamands francisés à Bruxelles et ailleurs. Alors que les Flamands francisés de la Flandre française se sont engagés sans difficulté dans le mouvement flamand en France, les Flamands francisés de la Flandre belge ont toujours constitué un élément de la poursuite de la francisation dans la mesure où ils ont été à la pointe du combat contre le mouvement flamand.

Pour fixer la frontière entre la Flandre et la Wallonie, il n'est pas nécessaire d'effectuer des recensements linguistiques douteux ni de se rendre dans les maisons communales. Il suffit d'examiner si le dialecte parlé dans un village est flamand ou wallon pour déterminer si un village doit faire partie de la Flandre ou de la Wallonie.

Les négociations qui ont préludé à la fixation de la frontière linguistique officielle n'ont cependant pas été menées sur la base d'une étude scientifique objective, mais bien sur la base des résultats du recensement linguistique de 1947 ­ totalement invraisemblable ­ et de l'étude effectuée par le Centre Harmel.

En Belgique, les recensements linguistiques ont toujours été des espèces de « référendums linguistiques », dont les résultats ­ fortement influencés par la politique de francisation pratiquée par le régime belge ­ pouvaient s'écarter considérablement de la réalité.

Le recensement linguistique de 1947 a naturellement eu lieu deux ans après la fin de la deuxième guerre mondiale, à un moment où l'establishment belge avait réussi à stigmatiser le mouvement flamand. En de nombreux endroits, les autorités locales ont exercé des pressions illicites sur la population. Beaucoup de citoyens se sont crus obligés, par crainte de représailles ou poussés par un « patriotisme » déplacé, de renier leur identité flamande. Les résultats de ce recensement ont dès lors donné une image faussée de la réalité.

En de nombreux endroits, l'énormité de la différence par rapport aux résultats du recensement de 1930 était franchement ridicule.

Les Flamands étaient sous-représentés au sein du Centre d'études Harmel. Ce centre ne comptait en outre aucun nationaliste flamand, alors que les milieux wallingants y étaient représentés. Une étude scientifique de la frontière linguistique doit du reste être le travail d'experts. Ce fut une erreur d'y associer des mandataires politiques.

En 1951, le professeur H. Draye avait demandé dans la section politique du Centre Harmel qu'une commission scientifique du gouvernement établisse de manière objective le tracé de la frontière linguistique, en se basant sur les critères énoncés par le professeur Blanquaert. Cette commission n'a jamais vu le jour en raison de l'opposition des francophones et des Wallons.

Le ministre de l'Intérieur de l'époque déclara au Sénat que la carte utilisée par la commission était imprécise et comportait même cinq erreurs grossières.

L'étude de la frontière linguistique réalisée par le Centre d'études Harmel peut difficilement être qualifiée d'objective et de scientifique.

Les visites sur le terrain se sont souvent bornées à une visite à la maison communale. Il est évident que les avis et les informations qui y ont été recueillis ne correspondaient pas toujours à la vérité et à la réalité.

Dans le rapport du Centre Harmel, il est question d'un « accord faisant l'unanimité » et d'un « tracé de frontière adopté à l'unanimité ».

Mais le professeur Draye, membre de la section politique du Centre Harmel, déclara à l'époque qu'à sa connaissance, ce rapport n'avait jamais été mis aux voix.

Rappelons enfin qu'en 1958, le ministre Vermeylen déclara à la Chambre que les conclusions du Centre Harmel étaient inexactes et défavorisaient les Flamands.

Aussi bien le recensement linguistique de 1947 que l'étude réalisée par le Centre Harmel ont donc clairement joué en faveur des Wallons et des francophones. Et comme si cela ne suffisait pas, la plupart des hommes politiques flamands ont fait montre d'une grande complaisance. Dans les cas où le recensement linguistique et l'étude du Centre Harmel se contredisaient, les parlementaires wallons et francophones sont chaque fois parvenus à imposer la source la plus avantageuse pour la Wallonie. La complaisance des parlementaires flamands paraît incompréhensible. La discipline de parti à l'intérieur des formations politiques, qui étaient encore unitaires à l'époque, a apparemment pesé lourdement.

Les concessions flamandes de 1962 n'ont cependant pas suffi pour assouvir l'expansionisme wallon et francophone. Wallons et francophones n'ont en effet cessé de revendiquer le retour à Liège de la région fouronnaise, l'extension des facilités pour les francophones et l'élargissement des limites de Bruxelles. Alors que le régime des facilités a toujours été appliqué à la lettre en Flandre ­ dans la pratique, les francophones ont pu et peuvent souvent obtenir plus de droits que ne le prévoit la loi ­, la législation linguistique est quotidiennement violée à Bruxelles et en Wallonie. La minorité néerlandophone en Wallonie se francise, la minorité francophone en Flandre se distingue par son arrogance et son impérialisme. Est particulièrement significatif le fait que l'enseignement francophone en Flandre est financé par la Flandre et que l'enseignement néerlandophone en Wallonie est financé par ... la Flandre !

La déclaration que le député Bracops (P.S.B.) a faite à la Chambre le 1er février 1962 reste pourtant valable : « L'immigration francophone ne peut impliquer la transformation d'un village flamand en une localité francophone. »

La séparation définitive entre la Flandre et la Wallonie est toutefois inéluctable. Le Vlaams Blok veut que la séparation des biens s'effectue de manière organisée et pacifique. C'est la raison pour laquelle il faut que le régime imposé en 1962 soit supprimé dès aujourd'hui. Il est temps de fixer une fois pour toutes et de manière équitable la frontière entre la Flandre et la Wallonie.

La présente proposition de loi se fonde sur le principe qu'il existe en Belgique un peuple flamand et un peuple wallon et que la frontière entre la Flandre et la Wallonie doit coïncider avec celle qui sépare les dialectes flamands des dialectes wallons. La langue du peuple doit par conséquent être également la langue de la culture et de l'administration. C'est d'ailleurs ce principe qu'ont invoqué les Wallons pour remplacer l'allemand par le français à Malmedy, où la population parle un dialecte roman. Par contre, dès que son application implique le remplacement du français, en tant que langue de culture, par le néerlandais ou l'allemand, ce même principe devient soudain inacceptable aux yeux des francophones.

Autrement dit, la frontière a été fixée de façon très désavantageuse pour la Flandre en 1962.

Avec en toile de fond l'ingérence perpétuelle des Wallons et des francophones dans les affaires flamandes, leurs revendications territoriales exorbitantes, leurs provocations incessantes et la violation flagrante d'accords passés, il était difficile pour les auteurs de la présente proposition de loi de ne pas se montrer aussi excessifs et impérialistes que certains hommes politiques wallons et francophones. Ils y sont pourtant parvenus...

L'article 2 concerne quelques hameaux et anciennes communes à caractère nettement flamand qui ont été maintenus en Wallonie en 1962 et ont donc conservé le régime linguistique français, assorti ou non de facilités pour les néerlandophones ou les germanophones. Ces hameaux et anciennes communes seront transférés sans plus à la Flandre et soumis au régime linguistique néerlandais.

L'article 3 concerne un certain nombre de communes flamandes situées aujourd'hui en Wallonie. Certaines de ces communes faisaient déjà partie d'une province wallonne avant 1962. D'autres ont été transférées dans une province wallonne en 1962 . Elles sont aujourd'hui soumises au régime linguistique français, assorti parfois ­ au départ dans treize communes, après les fusions dans quatre communes ­ de facilités pour les néerlandophones. Toutes ces communes seront transférées à la Flandre.

L'article 4 prévoit un régime transitoire qui s'appliquera pendant une période de trente années dans les communes énumérées à l'article 3.

La présente proposition de loi s'inspire de propositions de loi déposées antérieurement par feu le sénateur Wim Jorissen et le député Karel Dillen. Elle ne concerne pas Bruxelles, capitale de la Flandre.

L'article 5 concerne les facilités en vigueur pour les francophones dans les communes de la frontière linguistique.

Ces facilités doivent être supprimées immédiatement.

Commentaire des articles

Article 2

§ 1er . En 1962, la majorité des habitants des communes d'Orroir, Amougies et Russeignies, actuellement fusionnées en commune du Mont-de-l'Enclus, étaient flamands. Ce territoire a néanmoins été rattaché à la Wallonie et ce, une fois encore, sur la base du très douteux recensement linguistique de 1947. La présente proposition de loi prévoit que les trois communes précitées constitueront, conjointement avec la commune de Kluisbergen, une nouvelle commune de Kluisbergen.

§ 2. Le hameau des Quatre-Vents est distrait de la commune d'Ellezelles, dans la province de Hainaut, et rattaché à la commune de Maarkedal, arrondissement d'Audenarde, dans la province de Flandre orientale.

§ 3. Flobecq est l'une des communes à propos desquelles les francophones ont fait le plus de tintouin à l'époque. Ils jugeaient inadmissible que cette grande commune, au caractère essentiellement wallon, soit soumise à un régime de facilités en raison du hameau de La Houppe.

Presque toutes les sources s'accordaient à dire, en 1962, que La Houppe était un hameau quasi entièrement flamand. Seulement deux familles wallonnes y étaient établies. Le projet de loi initial du ministre Gilson prévoyait que les hameaux flamands de La Hutte et de La Houppe seraient rattachés à la Flandre orientale.

Finalement, seule La Hutte a été transférée. Le hameau de La Houppe est resté en Hainaut, et ce... en raison des investissements que la commune de Flobecq avait faits dans l'infrastructure touristique de La Houppe !

§ 4. Le saillant situé entre Opbrakel et Everbeek, entre le Verrebeek et le Buistemberg, comprenant la ferme Te Levieren, est également flamand.

§ 5. En 1962, les hameaux linguistiquement mixtes du Vert-Chemin et de Warresaix, qui faisaient partie de Biévène, ont été rattachés à la commune hennuyère de Bassily, sans que l'on accorde des facilités aux néerlandophones. Étant donné qu'il s'agissait de hameaux linguistiquement mixtes, il n'y avait aucune raison de les transférer. Au contraire, car à Biévène, les francophones bénéficient de facilités.

§ 6. Le lieu-dit Curé-la-Flûte, sis sur la route de Rhode à Sept-Fontaines, ainsi que le quartier de Sept-Fontaines ont été injustement rattachés à la région de langue française, bien qu'il fût prouvé que leur population était essentiellement néerlandophone.

§ 7. La bande de territoire sise à l'extrême nord de Wavre, entre Ottenburg et Tombeek (Overijse), comprenant les fermes Bilande et Petite-Bilande et la ferme des Templiers, est distraite de la commune de Wavre, arrondissement de Nivelles, et rattachée à Ottenburg, commune de Huldenberg, arrondissement de Louvain.

Aussi bien le Centre Harmel que le ministre de l'Intérieur dans son projet initial prévoyaient le rattachement de cette portion de territoire à la commune d'Ottenburg. Les pressions francophones ont rendu ce transfert impossible. Le fait qu'un sort différent a été réservé au hameau « Ferme de La Bosquée », qui fut transféré sans coup férir de Montenaken à Cras-Avernas pour un seul paysan wallon, est un exemple frappant de la politique des deux poids et deux mesures menée à l'époque.

§ 8. L'Écluse est en fait une commune jumelée comprenant deux centres : une agglomération flamande et un centre wallon, Sclimpré. D'ailleurs, l'agglomération ne se trouve qu'en partie en Wallonie. Même un amendement minimaliste présenté à l'époque et prévoyant le maintien dans le Brabant flamand de la partie nord du village, sise le long de la route Tirlemont-Beauvechain, fut rejeté sans autre forme de procès. La présente proposition prévoit le maintien de Sclimpré en Wallonie et le retour de l'Écluse à la Flandre.

§ 9. Le saillant méridional situé à l'extrémité du territoire de Montenaken, sis entre le centre de Cras-Avernas et celui de Kortijs, a été cédé à une commune wallonne en raison de la présence sur ce territoire d'une seule ferme, habitée fortuitement par une famille d'agriculteurs wallonne. Il est assez surprenant que ce raisonnement n'ait pas prévalu alors que la situation était comparable dans le saillant nord de Wavre ou dans les hameaux de La Houppe et Coquiane, territoires qui, bien que comptant des centaines d'habitants flamands, ont été condamnés à demeurer en Wallonie.

§ 10. Les communes de Rosoux et de Corswarem ont en effet été francisées au plus tard en 1962, mais le dialecte parlé dans ces localités était et est resté limbourgeois. Le projet de loi Gilson était cependant muet en ce qui concerne la commune de Rosoux. Un amendement déposé afin de transférer au moins Rosoux-gare fut rejeté.

§ 11. La langue parlée à Otrange a toujours été un dialecte limbourgeois.

Article 3

§ 1er . Comines et ses environs (Houthem, Bas-Warneton, Warneton et Ploegsteert) ont changé plusieurs fois de régime linguistique au cours des siècles. Comines, qui était manifestement flamande durant le moyen-âge, a été francisée à l'Époque moderne, pour se flamandiser à nouveau au cours des XIXe et XXe siècles. Sous le régime belge, l'enseignement à Comines a cependant toujours été francophone. Les postes dirigeants et influents étaient aux mains de francophones.

Le recensement linguistique de 1947, très controversé et effectué en pleine période de répression, donne les pourcentages suivants lorsqu'on additionne les habitants qui ont déclaré parler exclusivement, le plus souvent ou également le néerlandais :

Comines : 59 %,

Houthem : 52 %,

Bas-Warneton : 38 %,

Warneton : 40 %,

Ploegsteert : 40 %.

Total (moyenne) : 49 %.

Des sondages qui ont été effectués par la suite ont montré qu'encore 10 à 12 % de néerlandophones n'avaient même pas osé seulement déclarer qu'ils parlaient également le néerlandais. Nous pouvons en déduire qu'en 1947, il devait y avoir au moins 60 % de néerlandophones dans la région de Comines.

Le projet de loi initial du ministre de l'Intérieur de l'époque, M. Gilson, prévoyait d'ailleurs le maintien des communes visées en Flandre occidentale, fût-ce sous un régime linguistique français avec facilités pour les néerlandophones. Mais Comines et Mouscron ont finalement servi de monnaie d'échange, à vrai dire très chère, pour le transfert des Fourons à la Flandre. Même les portions de territoire les plus nettement flamandes de la région de Comines ont été rattachées au Hainaut : Brugske, Nachtegaalstraat, Brusselsemeersen jusqu'au bois de Ploegsteert (Ploegsteert); le nord de Warneton et Bas-Warneton, la commune de Houthem (où quelque 85 % des livres prêtés par la bibliothèque publique en 1962 étaient en néerlandais); les environs de Comines-ten-Brielen (dont la population agricole demandait expressément à rester en Flandre occidentale); les hameaux de Korentje et Godshuis de la région de Comines...

En outre, le transfert au Hainaut s'est manifestement fait contre la volonté de la population locale, et même contre celle de l'administration communale. Les facilités instaurées sont demeurées en grande partie lettre morte. L'agitation qu'a provoquée la création en 1980 d'une petite école dispensant un enseignement néerlandophone est significative. La Communauté française a refusé de financer cet enseignement, bien qu'elle y fût obligée par la loi.

Il n'existe guère de contrepoids à la francisation et la population est soumise à de fortes pressions. C'est la raison pour laquelle peu d'électeurs osent aller voter en Flandre lors des élections législatives.

§ 2. L'histoire de Mouscron et environs (Luingne, Dottignies et Herseaux) est comparable à celle de la région de Comines. Le fameux recensement linguistique de 1947 y a donné les résultats suivants (total des habitants déclarant parler exclusivement, le plus souvent et également le néerlandais) :

Mouscron : 53 %,

Luingne : 53 %,

Herseaux : 43 %,

Dottignies : 42 %,

Espierres : 51 %.

Total (moyenne) : 51 %.

Ici aussi, on peut supposer que le nombre réel de néerlandophones s'élevait à 60 % au moins.

Le projet de loi initial du ministre Gilson prévoyait que ces communes seraient maintenues dans la province de Flandre occidentale, fût-ce à nouveau sous un régime linguistique français assorti de facilités pour les néerlandophones. Et ici aussi, des hameaux nettement flamands ont été transférés à la province de Hainaut : il s'agit des hameaux mouscronnois de Aalbeke-gare, de Petit-Cornil et du Compas et du quartier de Tombroek de la commune de Luingne.

§ 3. La décision de ne pas transférer Enghien à la Flandres a constitué pour les Flamands un camouflet tout aussi cinglant que la perte de Comines-Mouscron. Alors qu'elle était une petite ville habitée par une bourgeoisie francisée et une population parlant un dialecte flamand, Enghien a vu sa population néerlandophone passer, en 17 ans à peine, de 50,8 % (officiellement) en 1930 à 10,9 % en 1947.

Il est notoire que les autorités communales ont délibérément falsifié les données et que des faits passibles de poursuites ont été commis. Cela se situait dans la ligne de la politique d'infractions manifestes à la loi menée dès avant la guerre par le bourgmestre Delanoy. Il en résulta même qu'en 1939, celui-ci ne fut pas reconfirmé dans ses fonctions.

Pour tous les linguistes, même francophones, les choses étaient claires : Enghien se situait indubitablement au-dessus de la frontière linguistique. Le caractère flamand d'Enghien s'imposait également au Centre Harmel. Mais ici aussi, on a ignoré le rapport de ce centre et le projet de loi initial.

Le cas du quartier de Coquiane est flagrant : malgré son caractère éminemment flamand, celui-ci a dû rester dans le Hainaut parce que la gare d'Enghien se trouve sur le territoire de Coquiane !

Les facilités instaurées à Enghien sont, pour le moment, correctement appliquées au bureau de poste, à la police et dans les institutions de crédit qui se trouvent sur la place du Marché. Elles sont moins bien appliquées aux guichets de la gare et à la maison communale.

Les personnes âgées parlent le dialecte brabançon, mais aiment parler le français en public. Ce français, truffé de phrases chuchotées en flamand, est parfois si mauvais qu'il en devient risible. Les jeunes générations, les immigrés wallons et quelques fransquillons rabiques ne parlent généralement que le français. Une partie de la population est manifestement mécontente de la situation actuelle et souhaite en tout cas que le néerlandais occupe une place plus importante dans l'enseignement. Certains veulent quitter le Hainaut.

Marcq fait partie de la commune d'Enghien depuis les fusions. Avant la deuxième guerre mondiale, cette commune était majoritairement flamande, mais elle ne comptait tout à coup plus que 8,9% de néerlandophones lors du recensement linguistique de 1947 ! Ces chiffres de 1947 étaient trop frappants pour être crédibles. Le Centre Harmel a reconnu d'ailleurs qu'exception faite de Labliau, Marcq était bien néerlandophone. Le ministre Gilson en a tiré la conclusion qui s'imposait, mais, comme d'habitude, les francophones ont réussi à faire prévaloir leurs vues. À l'heure actuelle, Marcq est moins francisé que le reste d'Enghien. C'est à Petit-Enghien que la francisation est le plus marquée.

§ 4. Avant l'entrée en vigueur de la loi du 8 novembre 1962, Bierghes avait un statut bilingue, que le conseil communal souhaitait maintenir. D'après le recensement linguistique contesté de 1947, la commune comptait toujours 23 % de néerlandophones. Au moins 15 % des Flamands furent amenés à déclarer que le français était leur langue maternelle. Malgré une présence néerlandophone considérable, qui était même reconnue officiellement, la commune a été dotée en 1962 d'un régime linguistique français sans facilités pour les néerlandophones.

Saintes a également été dotée d'un régime linguistique français sans facilités pour les néerlandophones, alors que les hameaux de Trop et de Herbeek étaient de toute façon manifestement flamands. Même le Centre Harmel avait reconnu que Herbeek était flamand et devait rester dans l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde. C'était d'ailleurs ce que prévoyait le projet de loi initial.

La présente proposition de loi vise à distraire les anciennes communes de Bierghes et de Saintes des nouvelles communes respectivement de Rebecq et de Tubize et à les rattacher à Enghien. Les habitants de Bierghes et de Saintes pourront ainsi bénéficier des mesures transitoires prévues dans la proposition de loi spéciale visant à supprimer les facilités dans les communes périphériques.

§ 5. La nouvelle commune d'Hélécine comprend les anciennes communes de Neerheylissem, Opheylissem et Linsmeau. Le quartier d'Ardevoor de Neerheylissem est encore majoritairement néerlandophone.

§ 6. La nouvelle commune de Lincent comprend également les anciennes communes de Pellaines et Racour. Le néerlandais (dialectal) est encore parlé certainement dans cette dernière commune.

§ 7. La vallée du Geer comprend les communes de Bassenge (dont Eben-Emael, Wonck, Roclenge-sur-Geer, Boirs et Glons) et de Visé (dont les anciennes communes flamandes de Lanaye et de Lixhe au nord et les anciennes communes wallonnes de Richelle, Argenteau et Cheratte au sud). La francisation y est récente et superficielle. D'importantes minorités flamandes y habitent encore, en particulier à Eben-Emael et à Lanaye. En 1962, la Chambre était initialement disposée à ce que Petit-Lanaye soit rattaché à Kanne, dans le Limbourg, mais ce rattachement a été empêché par une campagne liégeoise menée au Sénat.

§ 8. La région bas-thioise ­ ou pays d'Outre-Meuse ­ comprend les nouvelles communes de Plombières (comprenant Sippenaeken, Gemmenich, Moresnet, Hombourg et Montzen), de Welkenraedt (dont Henri-Chapelle), de Baelen (dont Membach) et d'Aubel.

Cette région constitue une transition entre la région de langue néerlandaise et celle de langue allemande. Du point de vue historique, toutes ces communes faisaient partie de l'ancien duché de Limbourg, où la langue culturelle était le néerlandais de l'époque (teinté de brabançon).

Sous l'occupation française, le néerlandais comme langue culturelle fut remplacé par le français dans les relations avec les autorités et par l'allemand en ce qui concerne la langue liturgique. En 1839, ce territoire a été séparé du Limbourg néerlandais par la frontière d'État belgo-néerlandaise, ce qui a entraîné son isolement culturel ainsi que la poursuite du déclin du néerlandais en tant que langue de culture.

Le français a gagné du terrain après la Première Guerre mondiale. Au cours de la Seconde Guerre, cette région a été annexée par l'Allemagne. L'aversion qu'inspira cette annexion explique les résultats extrêmement étonnants du recensement linguistique de 1947.

Le raisonnement selon lequel le français devait supplanter l'allemand, en tant que langue culturelle, à Malmedy, du fait que la population y parlait un dialecte roman, n'a pas été suivi dans la région bas-thioise. Il n'était pas question de celle-ci dans le projet de loi de 1962.

Selon une étude réalisée par la Commission européenne en 1987, 16 000 des 19 000 habitants de la région parlaient encore le dialecte local, le « plat-tutsch » , qui est du limbourgeois et ne diffère pas fondamentalement du dialecte parlé à Teuven ou Remersdaal.

La population se sent avant tout « belge » et éprouve ­ en raison des guerres ­ une grande méfiance à l'égard des Allemands (« den Pruis »). En tant que Limbourgeois « historiques », ils peuvent difficilement s'identifier aux Flamands (« der Flamender »), moins encore au mouvement flamand, mais ils ne se sentent pas davantage Wallons (« Welsjen »).

Leur situation est comparable à celle des habitants des Fourons partisans du rattachement à Liège.

Article 4

Nous nous rendons bien compte que nombre de Flamands des communes concernées se sont adaptés à la nouvelle situation depuis le rattachement à la Wallonie en 1962.

C'est la raison pour laquelle nous avons prévu des dispositions transitoires fort souples. Toutefois les jeunes générations se feront automatiquement et facilement au caractère flamand retrouvé de leur commune.

Article 5

Les lois linguistiques de 1962 et 1963 ont accordé des facilités aux francophones dans dix-huit communes, à savoir dans six communes de la périphérie bruxelloise (Drogenbos, Kraainem, Linkebeek, Rhode-Saint-Genèse, Wemmel et Wezembeek-Oppem) et dans douze communes situées du côté flamand de la frontière linguistique fixée à l'époque (Messines, Espierres, Helchin, Renaix, Biévène, Herstappe, Mouland, Fouron-Saint-Pierre, Fouron-le-Comte, Fouron-Saint-Martin, Remersdaal et Teuven). Après les fusions, il reste douze communes à facilités.

Au départ, le système des facilités avait été présenté comme le moyen d'offrir aux francophones la possibilité de s'adapter en Flandre. Dans la pratique, les facilités ont été à l'origine de la poursuite de la francisation et ont constitué, pour les francophones, le moyen de ne surtout pas s'adapter.

Près de trente-cinq ans d'application des facilités ont prouvé que celles-ci ont manqué leur but. Aussi convient-il de les supprimer immédiatement afin d'éviter que la francisation ne se poursuive. Cet article prévoit leur suppression dans les communes de la frontière linguistique.

Article 6

Les facilités temporaires accordées aux francophones dans les communes, anciennes communes et hameaux à transférer, comme prévu à l'article 4, le sont pour un délai de trente ans. Cet article fait en sorte que ces facilités disparaîtront d'elles-mêmes.

Wim VERREYCKEN.
Joris VAN HAUTHEM.

PROPOSITION DE LOI SPÉCIALE


Article premier

La présente loi spéciale règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

§ 1er . Les anciennes communes d'Orroir, Amougies et Russeignies sont distraites de la commune du Mont-de-l'Enclus, arrondissement de Tournai, et rattachées à la commune de Kluisbergen, dans l'arrondissement d'Audenarde.

§ 2. Le hameau des Quatre-Vents est distrait d'Ellezelles en Hainaut et rattaché à Maarkedal, arrondissement d'Audenarde, dans la province de Flandre orientale.

§ 3. Le hameau de La Houppe est distrait de Flobecq, dans la province de Hainaut, et rattaché à Brakel, arrondissement d'Audenarde, dans la province de Flandre orientale.

§ 4. Le hameau de Te Levieren, qui comprend la portion de territoire située entre le Verrebeek et le Buistemberg, est distrait de Flobecq, dans la province de Hainaut, et rattaché à Brakel, arrondissement d'Audenarde, dans la province de Flandre orientale.

§ 5. Les hameaux du Vert-Chemin et de Warresaix sont distraits de Bassilly, commune de Silly, et rattachés à la commune de Biévène, dans l'arrondissement de Hal-Vilvorde.

§ 6. Le lieu-dit Curé-la-Flûte, situé sur la route de Rhode à Sept-Fontaines, et le quartier de Sept-Fontaines sont distraits de la commune de Braine-l'Alleud et rattachés à la commune de Rhode-Saint-Genèse, dans l'arrondissement de Hal-Vilvorde.

§ 7. La bande de territoire située à l'extrême nord de Wavre, entre Ottenburg et Tombeek (Overijse), et comprenant les fermes Bilande et Petite-Bilande et la ferme des Templiers, est distraite de la commune de Wavre, arrondissement de Nivelles, et rattachée à Ottenburg, commune de Huldenberg, dans l'arrondissement de Louvain.

§ 8. L'ancienne commune de L'Écluse, à l'exclusion du quartier de Sclimpré, est distraite de la commune de Beauvechain, dans l'arrondissement de Nivelles, et rattachée à Meldert, commune de Hoegaarden, dans l'arrondissement de Louvain.

§ 9. Le hameau « Ferme de La Bosquée » est distrait de Cras-Avernas, commune de Hannut, arrondissement de Waremme, et rattaché à Kortijs, commune de Gingelom, dans la province de Limbourg.

§ 10. Les anciennes communes de Rosoux (sans Crenwick) et de Corswarem sont distraites de Berloz et rattachées à Gingelom, dans la province de Limbourg.

§ 11. Otrange, commune d'Oreye, arrondissement de Waremme, en est distraite et rattachée à la commune de Tongres, arrondissement de Tongres, dans la province de Limbourg.

Art. 3

§ 1er . La nouvelle commune de Comines, composée de Comines, Houthem, Bas-Warneton, Warneton et Ploegsteert, est distraite de la province de Hainaut et rattachée à l'arrondissement d'Ypres, dans la province de Flandre occidentale.

§ 2. La nouvelle commune de Mouscron, composée de Mouscron, Luingne, Herseaux et Dottignies, est distraite de la province de Hainaut et rattachée à l'arrondissement de Courtrai, dans la province de Flandre occidentale. L'arrondissement administratif de Mouscron est supprimé.

§ 3. La nouvelle commune d'Enghien, y compris les anciennes communes de Marcq et de Petit-Enghien, est distraite de la province de Hainaut et transférée à l'arrondissement de Hal-Vilvorde, dans la province du Brabant flamand.

§ 4. L'ancienne commune de Bierghes est distraite de la nouvelle commune de Rebecq. L'ancienne commune de Saintes est distraite de la nouvelle commune de Tubize. Bierghes et Saintes sont rattachées à Enghien.

§ 5. La nouvelle commune d'Hélécine (comprenant Opheylissem, Neerheylissem et Linsmeau) est transférée de l'arrondissement de Nivelles, province de Brabant, à l'arrondissement de Louvain, province du Brabant flamand.

§ 6. La nouvelle commune de Lincent (comprenant aussi les anciennes communes de Pellaines et de Racour) est transférée de l'arrondissement de Waremme (province de Liège) à l'arrondissement de Louvain (province du Brabant flamand).

§ 7. Les nouvelles communes de Bassenge (comprenant aussi Eben-Emael, Roclenge-sur-Geer, Wonck, Boirs, Glons) et de Visé (comprenant aussi Lanaye et Lixhe, mais à l'exclusion des ancienne communes de Richelle, Argenteau et Cheratte) sont distraites de l'arrondissement de Liège, dans la province de Liège, et rattachées à l'arrondissement de Tongres, dans la province de Limbourg. Les anciennes communes de Richelle, Argenteau et Cheratte restent dans l'arrondissement de Liège et constituent la commune de Cheratte.

§ 8. Les nouvelles communes de Plombières (comprenant Sippenaeken, Gemmenich, Moresnet, Hombourg et Montzen), de Welkenraedt (comprenant aussi Henri-Chapelle), de Baelen (comprenant aussi Membach) et d'Aubel sont distraites de la province de Liège et rattachées à l'arrondissement administratif de Tongres, dans la province de Limbourg.

Art. 4

§ 1er . Le présent article s'applique :

1º aux services publics centralisés et décentralisés de l'État, de la Communauté flamande, des provinces et des communes, dans la mesure où ils ne sont pas régis, au point de vue de l'emploi des langues, par une autre loi;

2º aux personnes physiques et morales concessionnaires d'un service public ou chargées d'une mission qui dépasse les limites d'une entreprise privée et que la loi ou les pouvoirs publics leur ont confiée dans l'intérêt général;

3º aux actes de caractère administratif du pouvoir judiciaire et des autorités scolaires.

§ 2. Les différents services, ayant une compétence territoriale déterminée, des administrations, services publics, institutions et personnes physiques précités sont dénommés ci-après « services ».

À moins qu'elles ne soient soumises à l'autorité d'un pouvoir public, les personnes visées au § 1er , 2º, ne tombent pas sous l'application des dispositions de la présente loi relatives à l'organisation des services, au statut du personnel et aux droits acquis par celui-ci.

§ 3. Les services locaux établis dans les communes énumérées à l'article 3 rédigent les avis, communications et formulaires destinés au public en français et en néerlandais. Toutes les indications de lieu, tous les noms de rue et panneaux de signalisation sont toutefois uniquement en néerlandais.

§ 4. Les publications relatives à l'état civil sont faites dans la langue de l'acte auquel elles se rapportent. Cependant, une traduction néerlandaise est toujours jointe aux publications en français.

§ 5. Dans leurs rapports avec les particuliers établis dans la commune, les services utilisent la langue parlée par l'intéressé, à condition que cette langue soit le français ou le néerlandais.

§ 6. Les services rédigent en néerlandais les certificats, déclarations et autorisations qu'ils délivrent aux particuliers. Tout intéressé établi dans la commune peut obtenir, sans frais supplémentaires et sans justifier sa demande, du service qui a rédigé le document, une traduction française valant expédition ou une copie conforme du document qui lui a été délivré.

§ 7. Tous les actes, y compris ceux de l'état civil, sont rédigés en néerlandais. Tout intéressé établi dans la commune peut obtenir, sans frais supplémentaires et sans justifier sa demande, du service qui a rédigé le document, une traduction française valant expédition ou une copie conforme du document qui lui a été délivré.

§ 8. Les services établis dans ces communes emploient uniquement le néerlandais dans leurs services intérieurs ainsi que dans leurs rapports avec les services dont ils relèvent et avec tous les services situés en Flandre, l'agglomération bruxelloise y comprise.

§ 9. Nul ne peut être nommé ou promu à une fonction ou à un emploi dans les services locaux s'il ne connaît pas le néerlandais. Les examens d'admission et de promotion ont lieu uniquement en néerlandais. Le candidat n'est admis à l'examen que s'il résulte des diplômes ou certificats d'études requis qu'il a suivi les cours en néerlandais.

À défaut d'un tel diplôme ou certificat, la preuve de la connaissance de la langue doit être établie par un examen.

Si la fonction ou l'emploi est conféré sans examen d'admission, les connaissances linguistiques requises sont établies au moyen des preuves que l'alinéa précédent prescrit à cet effet.

§ 10. Pour autant que de besoin, le Roi prend des mesures transitoires ou des mesures visant à sauvegarder les droits acquis en faveur du personnel qui, au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi, est attaché aux services établis dans les communes énumérées à l'article 3. Ces mesures ne peuvent en aucun cas empêcher l'application de la loi.

§ 11. Dans leurs rapports avec les services locaux des communes énumérées à l'article 3, les services centraux, les services régionaux dont relèvent les services locaux, ainsi que les services locaux et régionaux situés en Flandre, l'agglomération bruxelloise y comprise, emploient le néerlandais.

§ 12. Le gouverneur de la province dont relèvent les communes concernées est chargé de veiller à l'application, dans les communes énumérées à l'article 2, des lois et règlements concernant l'emploi des langues en matière administrative et dans l'enseignement. À cet effet, les organes chargés de veiller à l'application des lois et règlements précités l'informent des constatations qu'ils font dans ces communes.

Art. 5

Sont abrogés dans les lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966 :

1º à l'article 8, les numéros 3º à 10º inclus, ainsi que le dernier alinéa;

2º à l'article 11, le § 2, deuxième alinéa, et le § 3;

3º à l'article 12, le troisième alinéa;

4º à l'article 13, § 1er , troisième alinéa, les mots « et dans les communes de la frontière linguistique »;

5º à l'article 13, § 1er , le dernier alinéa;

6º à l'article 13, § 3, quatrième alinéa, les mots « d'une commune de la frontière linguistique »;

7º à l'article 14, § 2, le dernier alinéa;

8º à l'article 15, le § 2;

9º l'article 16;

10º les articles 63 et 64.

Art. 6

La présente loi spéciale entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge et l'article 4 cesse d'être en vigueur trente ans après sa publication.

Wim VERREYCKEN.
Joris VAN HAUTHEM.