1-611/8

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Sénat de Belgique

SESSION DE 1997-1998

6 DÉCEMBRE 1997


Commission d'enquête parlementaire concernant les événements du Rwanda


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE PAR MM. MAHOUX ET VERHOFSTADT


ANNEXES


ANNEXES

Annexe 1

Rapport du 7 janvier 1997 du groupe ad hoc Rwanda à la Commission des Affaires étrangères du Sénat (et annexes).

(voir le document 1-611/8, p. 4)

Annexe 2

Rapport de la mission effectuée au Rwanda du 23 au 30 août 1997 par M. Philippe Mahoux, vice-président et rapporteur de la Commission d'enquête parlementaire concernant les événements du Rwanda (et annexes).

(voir le document 1-611/9)

Annexe 3

Études sur la question de savoir si une commission parlementaire peut interroger des membres du cabinet du Roi.

A. Avis du professeur A. Alen (Tijdschrift voor bestuurswetenschappen en publiek recht , 52e année, nº 5, mai 1997).

B. Avis du professeur J.-C. Scholsem (Tijdschrift voor bestuurswetenschappen, ibidem ).

C. Peut-on convoquer les collaborateurs du Roi à une commission d'enquête ? (Note du Service des affaires juridiques et de la documentation du Sénat, publiée dans Tijdschrift voor bestuurswetenschappen, ibidem ).

(voir le document 1-611/10)

Annexe 4

Rapport d'ensemble enseignements tirés de la mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda (MINUAR), octobre 1993-avril 1996 (Groupe des enseignements tirés des missions. Département des opérations de maintien de la paix, Nations unies, décembre 1996).

(voir le document 1-611/11)

Annexe 5

Rapport de la Commission Kigali (rapport Uytterhoeven), 1994.

(voir le document 1-611/12)

<P>Annexe 6

Études sur l'établissement des responsabilités des différents acteurs internationaux dans les événements du Rwanda.

A. Étude du professeur E. Suy et du Dr Nicolas Angelet du 12 novembre 1997.

B. Étude du professeur E. David du 26 septembre.

(voir le document 1-611/13)

Annexe 7

Étude sur l'appréciation des responsabilités politiques par une commission d'enquête du Sénat (Note du Service des affaires juridiques et de la documentation du Sénat, du 28 octobre 1997).

(voir le document 1-611/14)

Annexe 8

L'usage de la dette extérieure du Rwanda (1990-1994). La responsabilité des bailleurs de fonds (analyse et recommandations par Pierre Galand et Michel Chossudovsky).

(voir le document 1-611/15)

Annexe 9

Rapport d'inspection du major Guérin, du 31 janvier 1994.

(voir le document 1-611/15)

Annexe 10

Rapport du colonel Heyvaert, du 13 mai 1993, sur les enseignements de Belbat II.

(voir le document 1-611/15)

Annexe 11

Rapport de mission au Secteur EAST UNPROFOR du 13 mars à fin août 1992, du 21 août 1992.

(voir le document 1-611/15)

Annexe 12

Télégramme envoyé le 11 janvier 1994 par le général Dallaire à New York (DPKO).

(voir le document 1-611/15)

Annexe 13

Note du lieutenant général Charlier au ministre de la Défense, du 10 mars 1993.

(voir le document 1-611/15)


ANNEXE 1


RAPPORT DU 7 JANVIER 1997

DU GROUPE AD HOC RWANDA
À LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES


SOMMAIRE


  1. Mission du groupe ad hoc Rwanda
  2. Documents examinés par le groupe ad hoc
  3. Méthode de travail suivie par le groupe ad hoc Rwanda
  4. Résultats de l'examen
    1. Que savaient les autorités belges du climat anti-belge qui régnait au Rwanda pendant la période qui a précédé la décision du Gouvernement belge de participer à ce que l'on appelle la Minuar, une décision prise au cours du Conseil des ministres du 19 novembre 1993 ?
    2. Que savaient les autorités belges du climat anti-belge qui régnait au Rwanda durant la période postérieure au 19 novembre 1993 ?
    3. Les autorités belges étaient-elles au courant d'une menace spécifique contre la Minuar en général et contre la présence de troupes belges dans le cadre de l'opération Minuar en particulier ?
    4. Quels renseignements les autorités belges possédaient-elles sur les promoteurs, le financement, le fonctionnement et les émissions de la Radiotélévision Libre Mille Collines (R.T.L.M.) ?
    5. De quelles indications les autorités belges disposaient-elles en ce qui concerne la préparation du génocide commis sur les Tutsis et du meurtre d'opposants politiques hutus ?
      Quels renseignements la Belgique possédait-elle sur le rôle que les milices extrémistes hutues, l'armée régulière rwandaise (F.A.R.) et la gendarmerie nationale ont joué dans la programmation et la préparation de ce génocide ?
      1. Le boycottage des accords d'Arusha
      2. La distribution d'armes à la population par les autorités rwandaises
      3. La formation paramilitaire des milices hutues (Interahamwe et Impuzamugambi) et l'implication des autorités rwandaises
      4. La constitution de listes d'exécution
      5. L'augmentation des violences et des assassinats de leaders politiques
      6. La préparation de la planification du génocide
    6. Quel était le mandat des troupes de la Minuar ? Quelles en étaient les difficultés ?
    7. Quelles informations trouve-t-on dans les documents consultés au sujet des événements du 7 avril 1994, date à laquelle les paras belges ont été assassinés ?
    8. Quels étaient les problèmes d'information, de logistique, d'équipement et d'armement auxquels les troupes de la Minuar en général et les troupes belges en particulier étaient confrontées ?
      1. En ce qui concerne les effectifs et l'armement
      2. En ce qui concerne les munitions
      3. En ce qui concerne la logistique et le logement
      4. En ce qui concerne la collecte d'informations
    9. Quels renseignements trouve-t-on dans les documents consultés à propos de la décision du Gouvernement belge de retirer les troupes belges de la Minuar du Rwanda à la suite des événements dramatiques du 7 avril 1994 ?
    10. Autres questions
      1. Les livraisons d'armes au Rwanda
      2. L'attentat contre l'avion présidentiel
      3. La diplomatie parallèle
      4. L'implication d'autres nations
  5. Annexes
  6. Liste d'abréviations

1. MISSION DU GROUPE DE TRAVAIL

Dans le cadre de l'évaluation de la politique du Gouvernement face aux événements du Rwanda (1993-1994), la Commission des Affaires étrangères du Sénat a examiné notamment la proposition visant à instituer une commission d'enquête parlementaire chargée d'enquêter sur les facteurs ayant déterminé la politique de la Belgique dans les mois qui ont précédé le génocide au Rwanda, lors de celui-ci et pendant son exécution (proposition Coveliers, Doc. Sénat 234-1) et la proposition visant à instituer une commission d'enquête parlementaire sur l'assassinat de dix Casques bleus belges et sur la préparation du génocide au Rwanda (proposition Destexhe, Doc. Sénat 259-1).

À cette occasion, la commission a écrit au ministre des Affaires étrangères et au ministre de la Défense nationale pour leur demander de lui transmettre les notes d'information qui sont parvenues à leur département ou à leur cabinet pendant les mois qui ont précédé l'assassinat des dix Casques bleus belges et le génocide au Rwanda. Cette requête a été accueillie avec des réserves par le Gouvernement, qui a invoqué la confidentialité de l'information et la nécessité de protéger ses sources. Les dossiers contiennent en effet des pièces qui proviennent des services de renseignements et mentionnent des informations émanant de tiers dont il n'est pas possible ou souhaitable de divulguer l'identité.

Le 27 juin 1996, les deux ministres ont fait un exposé sur les informations reçues pendant la période visée, mais sans remettre de documents.

La commission ne se contentant pas de cette solution, le problème fut soumis au bureau du Sénat qui, en concertation avec le Gouvernement, élabora une proposition de compromis respectant à la fois le principe de l'obligation de rendre des comptes au Parlement et le principe de la confidentialité de certains documents.

La Commission des Affaires étrangères adopta la proposition à l'unanimité, après l'avoir légèrement amendée.

Le bureau du Sénat approuva lui aussi à l'unanimité l'accord ainsi réalisé.

Le Vice-Premier ministre délégué du Gouvernement au bureau l'entérina également au nom du Gouvernement.

Le texte de la décision unanime prise par la Commission des Affaires étrangères le 24 juillet 1996 est libellé comme suit :

« La Commission des Affaires étrangères décide :

­ de mettre en place un groupe ad hoc pour consulter les documents aux départements des Affaires étrangères et de la Défense concernant les événements qui se sont déroulés au Rwanda entre la conclusion des accords d'Arusha en août 1993 et le déclenchement du génocide en avril 1994;

­ de charger MM. André et Delva, présidents émérites de la Cour d'arbitrage, et M. Swaelen, président du Sénat, MM. Mahoux et Verhofstadt, vice-présidents du Sénat, et M. De Decker, sénateur et président du Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, de consulter les documents et informations susvisés, d'établir un rapport sur les informations contenues dans les documents relatifs à la période susvisée, de déposer leur rapport devant la commission dans un délai raisonnable et au plus tard le 15 octobre 1996 et de se présenter devant la commission pour lui fournir tous éclaircissements utiles;

­ de requérir des membres du groupe ad hoc le respect d'une obligation de discrétion en ce qui concerne les informations recueillies à l'occasion de l'accomplissement de leur mission;

­ jusqu'au dépôt du rapport du groupe ad hoc, de suspendre les travaux de la commission sur le même sujet. »

Dès que les membres pressentis eurent donné leur assentiment, les membres parlementaires du groupe de travail se réunirent le soir même pour préparer la première réunion du groupe et prendre les dispositions pratiques requises par l'organisation matérielle des travaux.

Les réunions plénières de la commission ont eu lieu les 12 août 1996, 3 et 17 septembre 1996, 11 et 25 octobre 1996, 8, 22 et 29 novembre 1996, 4, 6, 9, 10, 13 18 et 19 décembre 1996.

Il est rapidement apparu que le volume des documents à examiner était considérable et qu'il faudrait en outre recueillir des informations complémentaires. En conséquence, la Commission des Affaires étrangères a accepté de prolonger le mandat du groupe jusqu'au début du mois de décembre 1996, et, par la suite, jusqu'au début du mois de janvier 1997.

La mission du groupe ad hoc était d'établir de quelles informations relatives au Rwanda les autorités civiles et militaires belges ont disposé pendant la période comprise entre les accords d'Arusha (4 août 1993) et le déclenchement du génocide (avril 1994). Cette connaissance doit permettre à la Commission des Affaires étrangères du Sénat d'apprécier la responsabilité des autorités et organes politiques associés à la prise de décision en la matière.

Pour définir sa mission, le groupe ad hoc est parti du principe que les responsabilités concernaient la politique suivie par la Belgique vis-à-vis du Rwanda durant la période qui a précédé le meurtre des paras belges et le déclenchement du génocide; la participation d'un détachement belge à la Minuar avec notamment les problèmes relatifs au statut, à la mission, aux « règles d'engagement », aux moyens mis à disposition, etc.; les démarches entreprises auprès de l'Organisation des Nations unies en vue de renforcer le mandat et les moyens de la Minuar. Cette responsabilité du Gouvernement belge ne s'étend ni aux décisions de l'ONU elle-même, ni aux décisions qui ont été prises par la filière de commandement de la Minuar.

En ce qui concerne le colonel Marchal, il y a lieu de rappeler son acquittement définitif prononcé par la Cour militaire.

Dès sa première réunion, le groupe ad hoc a constaté que sa mission avait été définie de manière très vague dans des termes très généraux. Il a donc convenu explicitement de s'en tenir strictement à noter les faits, à effectuer des constatations et, éventuellement, à évaluer la valeur de certaines informations.


2. DOCUMENTS EXAMINÉS
PAR LE GROUPE DE TRAVAIL

A. Documents Défense nationale

I. Documents SGR

1º CLASSEURS NUMÉROTÉS 1 À 16

Informations générales provenant de sources publiques.

Période : août 1993 à avril 1994.

2º CLASSEURS NUMÉROTÉS 17 ET 18

Informations traitées par SGR devenues des renseignements et transmis à différents destinataires.

3º NOTES SUR LA SITUATION AU RWANDA (un classeur)

Documents secrets concernant les situations politiques, humanitaires, militaires, de crises.

Période : octobre 1993 à avril 1994.

4º BULLETINS HEBDOMADAIRES DES SERVICES DE RENSEIGNEMENTS (un classeur)

­ situation au Rwanda;

­ film des événements;

­ évolution de la situation.

Période : janvier 1993 à avril 1994.

5º FARDE COMPLÉMENT D'INFORMATIONS (un classeur)

Informations provenant de diverses sources concernant la situation et le déroulement des événements au Rwanda.

Période : janvier 1993 à mai 1994.

6º FARDE « IN » SGR OPS RWANDA 1994

Informations provenant de certains Services de renseignements étrangers.

II. Documents J.S.

Concernant divers renseignements sur les opérations humanitaires (Minuar, BELBAT, UNOSOM, ...).

1º CLASSEUR J.S. 1

Compte rendu des réunions C Ops d'août 1993 à décembre 1993 inclus.

2º CLASSEUR J.S. 2

Idem de janvier 1994 à avril 1994 inclus.

III. Documents C Ops concernant les munitions (Sitrep 103)

IV. Documents de 1 Para

Informations relatives à l'opération Minuar I.

B. Documents Conseil des ministres

Deux notes (et deux avis de l'Inspection des Finances) en préparation des réunions des 26 novembre et 3 décembre 1993 du Conseil des ministres.

C. Documents Affaires étrangères

­ Notes de l'ambassadeur à Kigali au ministre des Affaires étrangères (4 août 1994 ­ 6 avril 1994) (trois classeurs);

­ Télex Ambabel Kigali à Belext BRX (août 1993 ­ 6 avril 1994) (un classeur);

­ Télex Bruxelles à Ambabel Kigali (10 avril 1993 ­ 6 avril 1994) (un classeur);

­ Fax Ambabel Kigali à Belext (août 1993 ­ avril 1994) (un classeur);

­ Rapports annuels 1993 et 1994;

­ Procès-verbaux des réunions de coordination hebdomadaires Affaires étrangères-Défense nationale (2 décembre 1993 ­ 28 juillet 1994).

D. Documents Minuar

1. ROE UNAMIR (Règles d'engagement).

2. Ordre d'opération Minuar.

E. Documents Nations unies (DELBELONU)

­ Télégrammes ambassadeur Noterdaeme à Belext concernant le Rwanda (août 1993 ­ avril 1994) (un classeur);

­ Télégrammes ambassadeur Noterdaeme à Belext concernant Minuar (août 1993 ­ avril 1994) (un classeur);

­ Correspondance DELBELONU et Ministère des Affaires étrangères (7 avril ­ 30 avril 1994) (un classeur).

F. Documents Cour Militaire

Procès Luc Marchal (31 classeurs + 1 farde première instance et Cassation).

G. Rapport confidentiel du colonel Marchal

« Considérations relatives aux conditions dans lesquelles j'ai exercé ma fonction de Commandant du Secteur Kigali au sein de la Minuar du 4 décembre 1993 au 19 avril 1994. »

H. Comité permanent de contrôle
des Services de renseignements

Rapport de l'enquête de contrôle sur l'efficacité et la collaboration des services de renseignements à propos des événements au Rwanda.

I. Documents Nations unies

­ Accords Arusha (un classeur).

­ Rapports des Nations unies :

(E/CN.4/1994/7/Add.1) ­ Report by the Special Rapporteur on extrajudicial, summary or arbitrary executions on his mission to Rwanda, 8-17 April 1993, including as annex II the statement of 7 April 1993 of the Government of Rwanda concerning the final report of the independent International Commission of Inquiry on human rights violations in Rwanda since 1 October 1990.

S/1994/360, 30 mars 1994 ­ Second progress report of the Secretary-General on UNAMIR for the period from 30 December 1993 to 30 March 1994, requesting an extension of its mandate for a period of six months.

J. Autres documents

The Joint Evaluation of Emergency Assistance to Rwanda, mars 1996, Edit. D. Millwood, ISBN 87-7265-335-3/331-0/332-9/333-7/334-5.


Cette liste appelle quelques observations importantes :

· En ce qui concerne l'examen des documents précités par le groupe ad hoc , il est important de savoir à qui ceux-ci ont été distribués:

­ à quelques exceptions près, la majorité des télex d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles ont également été portés à la connaissance du cabinet du Ministère de la Défense et du cabinet du Roi;

­ les compléments d'information (bijkomende informatienota's) rédigés par le service de renseignements de l'armée (le S.G.R.) ont été envoyés, à quelques exceptions près, au ministre de la Défense, à la maison militaire du Roi et à l'état-major général; dans la quatrième partie du présent rapport, l'on utilise, en ce qui concerne ces destinataires, la dénomination commune « différents destinataires »;

­ les informations du SGR portent une lettre qui les qualifie et un numéro; la lettre indique le degré de fiabilité de la source, le chiffre le degré de fiabilité de l'information; les commissaires remarqueront qu'à une exception près, seules les informations ayant un degré de fiabilité élevé sont reproduites (A ou B, 1 ou 2);

­ les rapports du Centre opérationnel de l'armée à Evere (C Ops) ont été envoyés tous les jours à l'état-major général, au cabinet du Ministère de la Défense nationale et au SGR;

­ les SITREP, qui étaient envoyés tous les jours du Rwanda au C Ops, étaient rédigés par KIBAT, par le Comd Sector Kigali ou par l'ensemble de la Minuar. Ils s'accompagnaient souvent de nombreuses annexes, parmi lesquelles figuraient les rapports des officiers de renseignement. C Ops les transmettait à son tour à l'état-major général, au cabinet du Ministère de la Défense nationale et au SGR.

Le présent rapport concerne uniquement des documents écrits. Il ne comprend aucun commentaire oral, ni aucun rapport. Il faut bien entendu tenir compte du fait que l'on a consulté les pièces en question en étant au courant des événements qui se sont déroulés il y a plus de deux ans au Rwanda. Le groupe ad hoc a cependant essayé d'éviter le piège d'une interprétation à postériori et de replacer, autant que possible, les documents dans leur contexte temporel original avant d'émettre un jugement.

· Le groupe ad hoc ne peut pas affirmer avec certitude qu'en accomplissant la mission qui lui a confiée par la Commission des Affaires étrangères, il a pu consulter tout les documents pertinents. Le Premier ministre a fait savoir, dans une lettre du 27 novembre 1996 adressée au président du Sénat, qu'aucun autre document concernant le Rwanda n'a été communiqué aux ministres entre août 93 et avril 94, à l'exception de deux notes et deux avis de l'Inspection des finances, censés préparer les réunions du Conseil des ministres des 26 novembre et 3 décembre 1993 (annexe 1). Ils concernent deux dossiers portant sur l'octroi d'aide humanitaire et qui ont été préparés par l'Administration générale de la coopération au développement. Le groupe ad hoc fait observer que, par voie de conséquence, aucun document n'a été communiqué en préparation des réunions du Conseil des ministres des 8 octobre et 19 novembre 1993, ni de la réunion du comité ministériel restreint du 10 novembre 1993. Le groupe ad hoc signale cependant que l'on retrouve dans les documents consultés des pièces qui étaient destinées au Premier ministre (pièce nº 36 du dossier JSS ­ sans référence ­ datant du 21 octobre 1993) ou des pièces qui devaient servir de base aux discussions en comité ministériel restreint et au Conseil des ministres (pièce nº 35 du dossier JS1-réf.JSO-P 33578 du 10 novembre 1993).

· Le groupe ad hoc constate ensuite qu'après la décision prise par le Conseil des ministres le 19 novembre 1993, l'état-major n'a plus envoyé aucun rapport écrit ou aucune note au ministre de la Défense ou au cabinet du ministre de la Défense. C'est ce qu'écrit le ministre de la Défense actuel dans sa lettre du 18 novembre dernier au président du Sénat (annexe 2). En effet, toutes les pièces de l'état-major que le groupe ad hoc a pu consulter concernent des documents qui datent d'avant la décision du Conseil des ministres du 19 novembre 1993.

En dehors des documents que l'on trouve au point 4, le groupe ad hoc n'a pas trouvé de trace concernant d'autres réunions. Le groupe ad hoc a envoyé une lettre à ce sujet au ministre des Affaires étrangères (annexe 3) lui demandant soit d'envoyer les éventuels rapports manquants, soit de donner un aperçu des semaines pendant lesquelles il n'y a pas eu de réunions de coordination Affaires étrangères-Défense (annexe 3). La réponse se trouve en annexe 11.

Enfin, les documents mis à notre disposition par le SGR ont été expurgés des informations et des pièces communiquées par les services de renseignements étrangers. Le SGR a demandé aux services de renseignements en question l'autorisation de laisser le groupe ad hoc compulser ces informations. Par lettre du 2 octobre, le SGR a reçu une réponse négative des services de renseignements militaires français (DRM), qui signale que ce refus vaut également pour les documents et les informations venant de la DGSE. Le SGR a essuyé, dans la lettre du 13 novembre 1993, un même refus pour ce qui est des documents venant des autorités américaines.

· Il est extrêmement difficile, pour des lecteurs non professionnels, d'évaluer correctement les « informations » transmises par les services de renseignements : il faut en effet distinguer ce qui est important de ce qui ne l'est pas, identifier les informations fiables et celles qui proviennent de sources peu sûres, etc. C'est la raison pour laquelle le groupe ad hoc s'est basé, dans la mesure du possible, sur des notes de synthèse, des briefings hebdomadaires et, en règle générale, sur des « informations traitées ». Vu le caractère général de la mission du groupe ad hoc , ni les départements concernés, ni le groupe même n'ont opéré un tri dans les documents qui lui avaient été remis par suite de cette mission.

Par conséquent, le groupe ad hoc doit constater que de nombreux documents ne présentent en fait pas (plus) un caractère confidentiel et même que leur contenu a généralement déjà été porté à la connaissance du public par les médias. À strictement parler, il aurait donc pu se contenter de consulter les documents qui, en raison de leur caractère hautement confidentiel, ne pouvaient ou ne devaient pas être communiqués à la Commission des Affaires étrangères. Toutefois, dans cette hypothèse, le groupe ad hoc aurait à nouveau été confronté au problème de la sélection préalable des documents, que la commission avait expressément rejetée.


3. MÉTHODE DE TRAVAIL SUIVIE
PAR LE GROUPE AD HOC RWANDA

Les membres du groupe ad hoc n'ont pas procédé à une répartition de tâches : chaque membre pouvait en principe lire tous les documents disponibles. Cette prise de connaissance avait lieu dans une salle particulière du Sénat, où les documents étaient gardés sous clef, ainsi que l'exigait le S.G.R., et étaient remis pour consultation par un sous-officier de la sécurité militaire. Les documents pouvaient être lus pendant les heures de bureau tous les jours ouvrables, en fonction de la disponibilité de chaque membre.

Au cours des réunions du groupe ad hoc , les membres ont confronté leurs conclusions et ont indiqué de nouvelles pistes d'enquête. Deux membres se sont rendus à Kigali pour vérifier sur place les implications et la signification de certaines informations.

L'on a également arrêté, au cours des réunions, quelle documentation complémentaire devait être demandée aux départements concernés.

C'est ainsi que l'on a retenu une dizaine de points méritant une enquête plus poussée et qui sont énumérés plus loin.

L'on a vérifié, pour chacun de ces points, de quelles informations exactes les autorités militaires et civiles belges disposaient au cours de la période concernée. Les membres du groupe ad hoc ont comparé leurs notes en la matière et sont arrivés ainsi à une conclusion commune. Aucun rapporteur n'a été désigné. Toutefois, plusieurs membres du groupe de travail ont rédigé un projet de texte pour chacune des parties du rapport. Ces textes ont été discutés, complétés ou corrigés en réunion plénière du groupe ad hoc , de sorte qu'ils ont pu être approuvés à l'unanimité. Le rapport que vous avez en main constitue dès lors un document de travail collectif qui vous est soumis au nom du groupe ad hoc Rwanda unanime.


Lors de l'examen des documents, le groupe ad hoc Rwanda s'est fondé sur les principales critiques formulées ces dernières années à propos des événements dramatiques qui ont eu lieu au Rwanda après le 6 avril 1994. Le 7 avril, dix paras belges qui faisaient partie des troupes de la Minuar ont perdu la vie dans des circonstances terribles. Le même jour, l'on a donné le signal de départ d'un génocide au cours duquel sans doute plus d'un million de Tutsis et de Hutus modérés ont été massacrés en quelques semaines.

Afin de permettre à la Commission des Affaires étrangères d'émettre un jugement sur ces critiques, ainsi que de déterminer les responsabilités dans ce drame, le groupe ad hoc Rwanda a examiné les questions suivantes :

1. Que savaient les autorités belges (le Ministère des Affaires étrangères et celui de la Défense) du climat anti-belge qui régnait au Rwanda pendant la période qui a précédé la décision du Gouvernement belge de participer à ce que l'on appelle la Minuar, une décision prise au cours du Conseil des ministres du 19 novembre 1993 ?

La réponse à cette question doit aider la Commission des Affaires étrangères à apprécier la décision prise par le Gouvernement d'envoyer des troupes belges au Rwanda dans le cadre de la Minuar et les préparatifs faits à cet effet.

2. Que savaient les autorités belges du climat anti-belge qui régnait au Rwanda au cours de la période qui a suivi le 19 novembre 1993 ?

La réponse à cette question doit aider la Commission des Affaires étrangères à apprécier la décision prise par le Gouvernement de maintenir les troupes belges dans le cadre de la Minuar.

3. Les autorités belges connaissaient-elles l'existence d'une menace spécifique contre la Minuar en général et contre les troupes belges présentes dans le cadre de la Minuar en particulier ?

Comme la réponse à la deuxième question, la réponse à la question précitée doit aider la Commission des Affaires étrangères à apprécier la décision prise par le Gouvernement de maintenir les troupes belges au Rwanda. Cette réponse doit notamment aider la commission à se forger un avis quant à l'ampleur du risque que des attentats seraient commis contre des Casques bleus belges.

4. De quelles informations disposaient les autorités belges concernant les promoteurs de la fameuse Radiotélévision Mille Collines, son financement, son fonctionnement et ses émissions ? Quelles actions a-t-on engagées contre elle ?

Les réponses à ces questions doivent aider la commission à juger du sérieux de la menace qui pesait sur les Belges en général et sur les troupes belges de la Minuar en particulier.

5. Quelles étaient les indications dont disposaient les autorités belges concernant les préparatifs du génocide des Tutsis et l'assassinat d'opposants politiques hutus, et, plus particulièrement, de quelles informations disposait la Belgique concernant le rôle qu'ont joué les milices extrémistes hutues, l'armée rwandaise régulière (les F.A.R.) et la gendarmerie nationale dans lesdits préparatifs ?

La réponse à cette question doit permettre à la Commission des Affaires étrangères de juger si la Belgique avait une connaissance préalable des préparatifs du génocide et des assassinats et, sinon, si la Belgique disposait d'informations dont elle pouvait déduire que des assassinats politiques et un génocide étaient sur le point de se produire, ou, du moins, que ces derniers étaient du domaine du possible.

6. Quel était le mandat des troupes de la Minuar ? Quelles étaient les difficultés en la matière ? Quelles démarches a-t-on faites concrètement pour modifier ce mandat ?

La réponse à ces questions doit permettre à la commission de se forger une opinion sur la question de savoir qui est responsable du mandat dans le cadre duquel les troupes de la Minuar ont été envoyées au Rwanda et du refus de l'adapter. En outre, les réponses doivent permettre à la commission d'apprécier l'ampleur des efforts entrepris en la matière par les autorités pour adapter ce mandat.

7. Quelles informations relatives aux événements du 7 avril 1994, le jour où les paras belges ont été assassinés, contenaient les documents consultés ?

8. Quels étaient les problèmes en matière d'information, de logistique, d'équipement et d'armement auxquels étaient confrontés les troupes de la Minuar en général et les troupes belges de la Minuar en particulier ?

La réponse à cette question doit permettre à la Commission des Affaires étrangères de se forger un avis sur la question de savoir si le nombre d'hommes envoyés, leur équipement et leurs armes étaient adaptés aux missions à accomplir.

9. Quelles informations contenaient les documents consultés relatifs à la décision du Gouvernement belge de retirer du Rwanda les troupes belges de la Minuar après les événements dramatiques du 7 avril 1994 ?

La réponse à cette question doit permettre à la Commission des Affaires étrangères de juger du bien-fondé de cette décision.

10. Enfin, l'on indique dans un dixième chapitre quelles sont les informations pertinentes dont disposaient les autorités belges au cours de la période concernée sur de nombreuses questions qui ont influencé directement ou indirectement les événements au Rwanda. Il s'agit notamment d'informations relatives aux ventes d'armes au Rwanda, à l'attentat commis contre l'avion présidentiel le 6 avril 1994 et dans lequel les chefs d'État rwandais et burundais ont trouvé la mort, à l'existence d'une diplomatie parallèle et à l'implication de nations étrangères dans les événements dramatiques que le Rwanda a connus au cours de la période étudiée.


4. RÉSULTATS DE L'EXAMEN
DES DOCUMENTS

4.1. Que savaient les autorités belges du climat anti-belge qui régnait au Rwanda pendant la période qui a précédé la décision du Gouvernement belge de participer à ce que l'on appelle la Minuar, une décision prise au cours du Conseil des ministres du 19 novembre 1993 ?

La décision d'envoyer des troupes belges au Rwanda dans le cadre de la Minuar a été prise par le Conseil des ministres réuni au complet, le 19 novembre 1993.

Elle fut préparée par un comité ministériel restreint, le 10 novembre 1993, sur la base du rapport d'une unité de reconnaissance de l'armée qui fut envoyée au Rwanda sur décision du Conseil des ministres du 8 octobre 1993. En d'autres termes, le principe de la participation de troupes belges à la Minuar, laquelle fut constituée en application de la résolution nº 872 du 5 octobre 1993 des Nations unies, avait déjà été approuvé de manière informelle lors du Conseil des ministres du 8 octobre 1993.

La Belgique a reçu une demande informelle à cet effet le 8 septembre 1993 déjà, par l'intermédiaire de notre ambassadeur auprès des Nations unies. La décision finale du 19 novembre 1993 prévoyait l'envoi de 370 hommes, avec la possibilité de « porter les effectifs du détachement à un maximum de 450 militaires si cela s'avérait indispensable pour la sécurité du personnel ».

La décision d'envoyer des troupes belges au Rwanda n'a surpris personne. Avec la France, notre pays préconisait le déploiement d'une force internationale au Rwanda pour mettre à exécution les accords d'Arusha qui avaient été conclus le 4 août 1993 (Ia présence de ce qui devait être au départ une « force internationale neutre » (F.I.N.) était l'un des points de négociation sur lesquels les deux parties s'étaient entendues à Arusha dès le 11 juin 1993). C'est ainsi que le ministre des Affaires étrangères Willy Claes adressa le 29 septembre 1993 une lettre à son collègue américain Warren Christopher pour demander un déploiement rapide de la F.I.N. L'on sait, en effet, que la débâcle somalienne avait fait douter les Américains de l'utilité de confier une nouvelle opération de pacification sur le continent africain aux Nations unies.

Finalement, comme on l'a déjà signalé ci-dessus, le Conseil de sécurité des Nations unies a approuvé, dans sa résolution nº 872 du 5 octobre 1993, le déploiement pour une période de six mois au Rwanda d'une force internationale dénommée « Mission des Nations unies d'assistance au Rwanda » (Minuar).

La volonté de mettre à exécution les accords d'Arusha a, sans aucun doute, dicté en grande partie la décision belge de participer à la Minuar. Cela a été confirmé une nouvelle fois par le Premier ministre au cours du débat parlementaire qui a suivi les événements dramatiques du 7 avril 1994 (Annales parlementaires du Sénat de Belgique ­ séance du 22 avril 1994).

Mais il ressort des documents examinés que ce n'était pas la seule raison et que d'autres motifs ont joué un rôle important dans l'attitude du commandement de l'armée belge et du Ministère de la Défense. Ainsi le Service du renseignement de l'armée belge (le SGR) a-t-il émis un avis positif sur une éventuelle participation de la Belgique à ce qui s'appelait encore la F.I.N., en se fondant sur la conviction que la présence d'effectifs belges au Rwanda rassurerait de nombreux expatriés (voir complément d'information du 28 septembre 1993 du SGR ­ documents nos 7140 et suiv. du SGR), alors que le lieutenant-général Charlier a fait comprendre, le 15 octobre 1993, dans une note qu'il adressa au ministre de la Défense nationale que la participation belge à l'opération rwandaise permettrait de fonder le refus de prolonger la présence belge en Somalie. « (...) le Président des États-Unis a insisté à deux reprises, auprès du Premier ministre, pour que la Belgique maintienne sa présence en Somalie jusqu'au départ des Américains. Toutefois, d'après les informations qui nous sont parvenues ce jour de Washington (attaché militaire), il apparaît que les États-Unis comprendraient la décision belge de se retirer de Somalie pour s'engager avec un effectif comparable au Rwanda. Cet argument est en effet des plus convaincants pour résister aux pressions extérieures, qui visent a obtenir la prolongation de la présence belge en Somalie. »

(documents JS nº 6687).

Le groupe ad hoc a examiné si, dans le contexte décrit ci-dessus, l'on n'a pas négligé le fait qu'en octobre 1990 (c'est-à-dire au moment où, après qu'eurent éclaté les combats entre les F.A.R. et le F.P.R., la Belgique a mis fin à la coopération technico-militaire, a rapatrié ses nationaux et a refusé de procéder aux livraisons d'armes prévues au Rwanda), un climat anti-belge s'était développé au Rwanda, du moins dans les milieux extrémistes hutus proches du président Habyarimana et de son entourage direct.

Comme il a déjà été signalé ci-avant, aucun document n'a été distribué dans le cadre de la préparation de la décision arrêtée à l'issue des réunions du Conseil des ministres des 8 octobre et 19 novembre 1993. Le comité ministériel restreint du 10 novembre 1993 n'aurait pas non plus donné lieu à une distribution de documents. Les débats au sein du Conseil des ministres et du comité ministériel restreint auraient été basés sur des exposés et des rapports oraux. Il va de soi que le groupe ad hoc n'a pas pu vérifier si le problème du climat anti-belge a été évoqué au cours de ces rapports oraux et si l'on en a tenu compte au moment de prendre la décision. Le groupe ad hoc a cependant soigneusement vérifié si les documents et les informations mis à la disposition du Gouvernement en général et des ministres des Affaires étrangères et de la Défense en particulier faisaient ou non état d'une attitude hostile à la Belgique.

Dans le télex nº 975 du 27 novembre 1993 d'Ambabel Kigali adressé à Minafet Bruxelles, l'on souligne encore le crédit dont la Belgique bénéficie au Rwanda.

La participation belge, y déclarait-on, est souhaitée unanimement par le régime rwandais et par la population (...) ».

Quelques passages d'autres télex provenant de notre ambassade à Kigali confirment ce sentiment positif. Il ressort cependant de I'ensemble des documents examinés qu'un climat anti-belge s'était développé au Rwanda au cours de la période allant du 4 août 1993, date de la signature des accords d'Arusha, au 19 novembre 1993, date à laquelle fut prise la décision formelle de faire participer des troupes belges à la Minuar. Cela ne s'est pas produit immédiatement après la conclusion des accords d'Arusha. Il faut ajouter également que le climat anti-belge n'était pas un élément entièrement nouveau.

En février 1993, par exemple, deux membres de la mission diplomatique belge à Kigali avaient fait l'objet de menaces. Par ailleurs, à l'initiative de la C.D.R. (Coalition pour la Défense de la République) fut créée, en 1993, la radio libre R.T.L.M. (Radiotélévision Libre Mille Collines), qui commença très vite à diffuser de la propagande anti-belge. Comme indiqué précédemment, cette animosité latente vis-à-vis de la Belgique fut la conséquence directe des décisions qu'avait prises notre pays après le début des combats entres les F.A.R. et le F.P.R., en octobre 1990. Toutefois, c'est surtout après la signature des accords d'Arusha, le 4 août 1993, et après le coup d'état en octobre 1993 au Burundi, au cours duquel le président Ndadaye a été assassiné, que s'est développé, dans les milieux hutus extrémistes, un climat carrément hostile aux accords d'Arusha en général et à la Belgique en particulier, qui était considérée comme un des principaux défenseurs de ces accords.

Le Gouvernement belge était-il au courant de ces développements ? Que savaient les autorités belges à ce sujet ? A-t-on pris en compte ces faits au moment de prendre la décision du 19 novembre?

­ Note d'information complémentaire du 6 août 1993 du SGR à divers destinataires, laquelle signale, deux jours après la signature des accords d'Arusha, que ceux-ci suscitent beaucoup de mécontentement et d'opposition au sein du noyau dur hutu ainsi que dans les milieux militaires. « Er moet dan ook gevreesd worden, dat er in de komende dagen een golf van betogingen, rellen en zelfs aanslagen op gang kan komen. »

­ Le télex nº 1057 du 22 octobre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, dans lequel l'on rapporte un incident au cours duquel un bus d'écoliers belges a été bombardé de pierres. C'est le premier événement qui indique qu'il existe un climat anti-belge ou, du moins, qu'un tel climat est en train de naître. C'est également dans ce rapport que l'on fait pour la première fois allusion au rôle de la RTLM qui a diffusé un éditorial « provocateur ».

(idem documents nº 530 du SGR).

­ Les télex nºs 1087 et 1098 du 28 octobre et du 1er novembre 1993 d'Amabel Kigali à Minafet Bruxelles, dans lesquels l'on rapporte un deuxième incident anti-belge, relatif à un boeing de la Sabena. Le ministre de la Justice du Burundi, accompagné de gendarmes rwandais, effectue un contrôle sur les passagers.

(idem les documents nº 448 du SGR).

­ Le télex nº 1096 du 1er novembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles mentionne, à propos d'une conférence de presse du secrétaire général de l'O.A.E., Salim Salim, les critiques formulées dans la presse contre la participation belge à la Minuar et, notamment, celles du rédacteur en chef de L'écho des mille collines.

­ Le télex nº 1106 du 5 novembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, contenant le rapport dans lequel est relaté l'entretien entre l'ambassadeur belge et la Première ministre Agathe Uwilingiyimana, au cours duquel celle-ci fait part des réserves formulées par les ministres du M.R.N.D. « contre une participation forte de la Belgique à la Minuar » (point 2). La Première ministre espère néanmoins que la Belgique s'engagera rapidement, mais « elle estime prudent que la Belgique ne fasse pas le travail seule et qu'un autre contingent étranger crédible se joigne aux troupes belges » (traduction) (point 3). Au point 5, l'ambassadeur signale que l'on aurait brandi, le même jour, des slogans anti-belges au cours d'une manifestation du M.D.R.

­ La lettre du 8 novembre 1993, non signée, adressée au secrétaire général des Nations unies. Sous le titre « Pas de troupes belges au Rwanda », l'on y fustige sévèrement la participation de troupes belges à la Minuar. La Belgique y est encore accusée d'avoir refusé en 1990 de livrer les munitions nécessaires au Rwanda, d'être bien disposée à l'égard du FPR et de se comporter de manière complice et partiale dans la guerre déclenchée par le FPR.

(fax nº 259 du 12 novembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles et documents nº 3650 du SGR)

­ Le dossier du 10 novembre 1993 de l'état-major général au ministre de la Défense à l'intention du comité ministériel restreint du 10 novembre 1993 (JSO-P 033578).

Ce dossier contient :

1. Le rapport de I'unité de reconnaissance « Recce Minuar » du 2 novembre 1993, signalant, en son point 5 b., ce qui suit à propos de l'atmosphère anti-belge. « Il est fait état d'actions de mouvements extrémistes HUTU, notamment contre la participation de la BELGIQUE à I'UNAMIR (...). Ces mouvements disposent d'organes de presse et d'au moins une radio libre ».

Dans la même subdivision du rapport, on signale en outre le problème des caches d'armes et des munitions disséminées parmi la population. On y aborde en outre le problème des autres troupes étrangères (Bangladais et Ghanéens) qui opéreront à côté des troupes belges. Le rapport fait mention d'une « impression défavorable laissée lors du briefing avec le Pers. Force H. Q. ».

2. Un télex de « Recce Minuar » du 9 novembre 1993 à C Ops, dans lequel il est dit explicitement que:

« nous attendons pour les cinq jours qui viennent des manifestations dirigées (...) contre la participation de la Belgique à l'UNAMIR ».

(document C Ops nº 21634)

3. Une note non datée, intitulée « Mémo justificatif d'un besoin opérationnel ». Au point 3 d. de la note, on trouve une justification détaillée du contingent demandé. L'un des arguments avancés contre une éventuelle réduction de l'effectif belge demandé c'est que l'on peut s'attendre à « des provocations de la part des mouvements extrémistes hutus ».

­ Le télex nº 1126 du 12 novembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles contenant le rapport relatif à l'entretien entre l'ambassadeur belge et le chef du M.D.R., Jean Kambanda, dans lequel celui-ci se fé1icite de la participation belge, mais « estime que c'est une erreur psychologique que d'empêcher la France de participer à la Minuar » (point 6) (traduction).

­ Le télex nº 1128 du 12 novembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, décrivant en détail le climat anti-belge qui règne au sein de la C.D.R., du M.R.N.D., et d'une aile du M.D.R. Le fait nouveau le plus important qui est rapporté est le refus du M.R.N.D. de signer, avec les partis modérés, une déclaration contenant, dans un paragraphe, un avis favorable à la participation belge. « La radio a annoncé que c'est précisément à cause de ce paragraphe que le M.R.N.D. a pris ses distances vis-à-vis de la déclaration et a donc refusé de la signer ». (point 2) (traduction).

L'ambassadeur affirme ensuite ceci : « het valt niet te ontkennen dat extremistische groeperingen zich weren tegen de belangrijke Belgische rol in het vredesproces. (...) anderzijds mogen wij ons niet laten intimideren (...) » (point 5) et : « voel mij genoodzaakt om een dringend onderhoud bij president Habyarimana aan te vragen (...) » (point 6).

(idem documents SGR nº 913).

­ Le télex nº 1130 du 12 novembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles contenant le compte rendu de l'entretien entre l'ambassadeur de Belgique et le président Habyarimana concernant l'animosité anti-belge. Habyarimana rassure, insiste pour que la Belgique ne change pas d'avis et précise sa position et celle du M.R.N.D. « Le président est convaincu que le M.R.N.D. n'est pas opposé à une participation de la Belgique, mais donne comme lui la préférence à une composition plus équilibrée. » (point 6) (traduction).

Il opte à cet égard pour une participation française « ne fût-ce que symboliquement ». Ensuite, il déclare « (...) comprendre que le Rwandais moyen conserve encore quelques mauvais souvenirs de la politique belge au début du conflit. On n'a toujours pas digéré l'embargo mis sur des munitions déjà payées » (point 7) (traduction).

Dans le même télex, l'on relate également l'entretien entre l'ambassadeur et le ministre des Affaires étrangères, M. Gasana (MDR), qui voulait que l'ensemble du bataillon de la Minuar, à Kigali, se compose de Casques bleus belges et déclara qu'en réalité, le président Habyarimana était hostile à la Minuar et voulait en empêcher le déploiement le plus longtemps possible.

­ Le télex nº 1133 du 15 novembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles relatif au retour sur la scène politique rwandaise de l'ancien Premier ministre le Dr Nsengiyaremye (MDR, rival déclaré de Twagiramungu, du même parti, qui était désigné, dans les accords d'Arusha, pour diriger le gouvernement de transition, lequel n'aura jamais été installé). L'ambassadeur est préoccupé par l'annonce selon laquelle l'intéressé tiendrait une conférence de presse dans les locaux du Parlement belge. Il conseille de l'organiser ailleurs, « pour éviter de nouvelles crispations anti-belges au Rwanda » (point 7).

­ Le télex nº 1134 du 15 novembre 1993 d'Amabel Kigali à Minafet Bruxelles, dans lequel l'ambassadeur de Belgique se réfère à la concertation trilatérale qui a lieu à Washington le même jour pour s'informer une nouvelle fois à propos d'une éventuelle participation française. « Une participation française limitée peut-elle encore être envisagée ? » Il veut qu'il n'existe aucune équivoque sur les intentions françaises, « surtout parce que le contexte politique dans lequel la Minuar est installée (point 1) est délicat ».

­ Le télex nº 1135 du 15 novembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui était consacré principalement au point de vue du MRND concernant la participation belge et à l'entretien que l'ambassadeur de Belgique avait eu à ce sujet avec le président du MRND, M. Ngirumpatse. « M. Ngirumpatse et son (ancien) parti (unique), le M.R.N.D., ne sont pas opposés à une participation belge à la Minuar, ni même à une implication substantielle (...), étant entendu que les Belges ne peuvent pas porter une responsabilité exclusive en l'espèce. D'ailleurs, il est dans l'intérêt des Belges qu'il ne s'exposent pas seuls en cas d'incidents ». L'ambassadeur mentionne au point 5 qu'il a répondu à M. Ngirumpatse que ce point de vue correspond à la manière de voir du Gouvernement belge, selon lequel il est impossible à la Belgique, pour des raisons budgétaires, d'engager plus de 300 à 350 militaires, « zodat in ieder geval minstens een ander land zal moeten mede-instaan voor de veiligheid van Kigali ».

­ Le briefing du 18 novembre 1993 du SGR au C Ops, dans le cadre duquel l'on fournit un résumé des points de vue des différents partis politiques et du président Habyarimana à propos de la participation belge à la Minuar. Ce résumé se fonde principalement sur les télex nº 1106, 1126, 1128, 1130 et 1135 d'Ambabel Kigali cités ci-dessus.

En ce qui concerne le MNRD, l'on répète qu'il est hostile à une participation belge, parce qu'il soupçonne le Belgique de ne pas être neutre et de soutenir le FPR. Pour justifier ces soupçons, l'on invoque principalement le fait que la Belgique a refusé, en octobre 1990, de livrer des munitions.

(documents nº 7260 du SGR).

Dans le discours qu'il tient le 17 novembre 1993, en présence du président Habyarimana, à l'occasion de l'installation du quartier général de la Minuar à Kigali, le général Dallaire condamne lui aussi l'attitude anti-belge de divers milieux politiques.

(le télex nº 1168 du 22 novembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles et les documents nº 660 et 914 du SGR).

Enfin, le 19 novembre 1993, c'est-à-dire le jour où le Conseil des ministres prend la décision définitive d'envoyer des troupes belges au Rwanda dans le cadre de la Minuar, le ministre des Affaires étrangères envoie un télégramme à notre ambassadeur à Kigali, dont il ressort que le ministre a conscience du danger que la persistance du climat antibelge présente pour les Casques bleus belges et qu'il faut agir pour y mettre fin. « Je vous prie dès lors d'intervenir sans délai auprès des autorités (...) pour qu'elles fassent interdire tout discours provocateur des partis quels qu'ils soient. En ce qui nous concerne, cela est capital pour nos compatriotes Casques bleus. »

(voir le point 4.3. ci-après.)


4.2. Que savaient les autorités belges du climat anti-belge qui régnait au Rwanda durant la période postérieure au 19 novembre 1993 ?

Après le 19 novembre 1993, le climat antibelge persiste. D'ailleurs, c'est également à cette date que la presse commence à s'intéresser à l'hostilité rwandaise à une participation de la Belgique à la Minuar.

Il est question à trois reprises, au Parlement, du climat antibelge qui règne au Rwanda et de l'hostilité manifestée à l'encontre des troupes belges.

Le 6 décembre 1993, M. Van Belle pose une question écrite (nº 441) au ministre de l'Intérieur concernant la surveillance par la gendarmerie des ambassades belges à Kigali et à Bujumbura (une question à laquelle l'on n'a d'ailleurs répondu qu'en février 1995 ­ voir Questions et Réponses ­ Sénat ­ 28 février 1995 ­ p. 7837).

Le 15 février 1994, M. Van Peel interpelle, à la Chambre des représentants, le ministre de l'Intérieur qui n'infirme pas, dans sa réponse, que des réactions antibelges se manifestent régulièrement.

(Voir Annales ­ Chambre des représentants ­ 15 février 1994 ­ C 50-18 et suiv.)

Le 29 mars 1994, Mme Maes et M. Van Belle interpellent le ministre de la Défense au Sénat concernant les déclarations qu'il a faites à la suite d'un voyage au Rwanda au sujet de la fonction des Casques bleus belges dans le processus de démocratisation du Rwanda.

(Voir Annales ­ Sénat ­ 29 mars 1994 ­ p. 1761 et suiv.)

Quelles étaient les informations en la matière qui figuraient dans les documents que consulta le groupe ad hoc (Il faut en tout cas attirer l'attention sur le fait que les références aux documents ci-dessous doivent être lues en corrélation avec les références du point 4.3, qui concernent plus particulièrement la menace spécifique à l'égard de la Minuar et des troupes belges qui opéraient dans le cadre de celle-ci) ?

­ La lettre du 22 novembre 1993 adressée par des fonctionnaires de la BNR (la Banque nationale du Rwanda) au secrétaire général des Nations unies, M. Boutros Ghali, et dans laquelle ils s'opposent à la participation belge à la Minuar.

« La Belgique est à la base de tous les malheurs qui y sévissent. »

(Documents nº 612 du SGR et point 3 du télex nº 1128 du 12 novembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles).

­ Le télex nº 1180 du 25 novembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles. Ce télex rend compte de l'entretien que l'ambassadeur a eu, à sa demande, avec le ministre de l'Information Rucogaza au sujet de la persistance de communiqués anti-belges dans la presse dite indépendante comme dans la presse officielle. Le ministre a déclaré qu'il était le jouet impuissant d'une minorité obscure qui place le rôle de la Belgique dans l'opération Minuar sous un éclairage négatif et viole ainsi l'esprit et la lettre des accords d'Arusha.

(Idem documents nº 657 du SGR).

­ L'info du 26 novembre 1993 de la CTM-MTS au SGR (qualification A-1) : il s'agit de la transmission d'un article de presse intitulé « Merci la France », lequel signale que certains milieux rwandais restent opposés à la présence belge au sein de la Minuar. Le document portait cependant le commentaire suivant : « Cette opposition est, selon moi, restreinte ».

(Documents nº 956 du SGR).

­ Les télex nºs 1190, 1192 et 1196 des 26, 29 et 30 novembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles qui rapportent de nouveaux incidents anti-belges. Un camion de la Croix-Rouge belge roule sur une mine. Deux missionnaires sont intimidés par l'armée rwandaise (FAR). Ils ne sont toutefois plus inquiétés « nadat bleek dat ze geen Belgen waren ». Le « Kamarampaka », un quotidien de la tendance MRND, se montre extrêmement critique vis-à-vis de la Belgique. Il appelle les Hutus à « s'opposer catégoriquement à ce que les Belges gardent la ville de Kigali ».

(Idem documents nº 652 du SGR.)

Aux termes de l'enquête effectuée par les Casques bleus belges, il apparaît que l'incident du camion de la Croix-Rouge n'était pas un accident, mais bien un attentat. La mine a été actionnée à distance et a explosé sur une route contrôlée par les troupes gouvernementales rwandaises.

(Procès-verbal de la réunion de coordination hebdomadaire Affaires étrangères-Défense nationale du 2 décembre 1993, point 5.)

­ Le Briefing du 26 novembre du SGR au C Ops où l'on signale que « de animositeit omtrent de (BE) deelname aan UNAMIR houdt aan ».

(Documents nº 7265 du SGR.)

­ Le fax du 27 novembre 1993 de la Minuar au C Ops contenant trois articles de presse qui témoignent de l'aversion et de l'hostilité qu'inspire la présence belge au Rwanda dans le cadre de la Minuar.

(Documents nos 590 et 917 du SGR et documents nº 23174 du C Ops.)

Ces trois articles de presse, qui ont également été envoyés au C Ops par 1 Para, ont été transmis par le C Ops à JSO, JSO-P/Ops, PP-MDN et SGR.

(Dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Not. nº 01 00009.95 ­ Farde Instruction C ­ 1259)

­ Le télégramme du 30 novembre 1993 du ministre des Affaires étrangères à Ambabel Kigali, dont le point 4 énumère tous les incidents antibelges qui se sont produits au cours des semaines et des mois écoulés et d'où il ressort que le ministre était informé de ce qu'un climat antibelge existait.

­ Le télex nº 1217 du 3 décembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, dans lequel l'ambassadeur dénonce une fois de plus le climat anti-belge, cette fois auprès de Ruhigira, le chef de cabinet du président Habyarimana. Celui-ci se fait apaisant et rassurant.

(Idem documents SGR nº 1413.)

­ Le télex nº 1229 du 8 décembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles. Ce télex comprend le rapport de synthèse de la semaine du 29 novembre au 5 décembre 1993. Le point 1.2 du rapport dénonce une fois de plus le climat anti-belge, que les autorités rwandaises ne tentent guère de dissiper, bien au contraire, « de mon côté, je dois cependant déplorer que ni les dirigeants du MRND ni le président de la République ne tiennent publiquement des propos positifs et correctifs permettant de lever l'ambiguïté (et l'impression de double langage) et de rendre le climat plus serein dans le pays ».

­ Le télex nº 1231 du 8 décembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, dans lequel l'ambassadeur rend compte de l'entretien qu'il a eu dans la journée avec le président Habyarimana. L'ambassadeur demande que « de president en andere autoriteiten geschikte gelegenheden zouden aanwenden om meer positieve en ondubbelzinnige geluiden te laten horen over de inspanningen van de internationale gemeenschap in het algemeen en van België in het bijzonder (b.v. UNAMIR-participatie) al ware het maar om tegengewicht te vormen in de lastercampagne tegen ons land ».

Le président Habyarimana promet une amélioration de la situation, bien qu'il ne se fasse pas d'illusions sur les chances d'aboutissement du processus de paix. Pour conclure, l'ambassadeur mentionne les entretiens qu'il a eus avec des représentants du MRND et déclare avoir l'impression que le MRND se donne du mal pour rentrer dans les bonnes grâces de la Belgique (« op een beter blaadje te komen »).

­ Les rapports des 8, 14 et 29 décembre 1993 de la Minuar au SGR. Alors que le premier rapport signale que le climat anti-belge est à peine perceptible (« anti-Belgische sfeer nauwelijks te merken »), le dernier rapport, lui, confirme l'existence d'un climat anti-belge inquiétant. « Mensen vertellen ons dat zij geïntimideerd en bedreigd worden omdat zij pro-Belgisch zijn ».

(Documents SGR nos 1316, 1317 et 1319.)

­ Le briefing du 10 décembre 1993 du SGR au C Ops dans lequel il est précisé qu'il faut chercher l'origine du climat anti-belge à l'ORINFOR (l'office d'information du Rwanda), qui est responsable, entre autres, des émissions de radio Rwanda.

(Documents SGR nº 7278.)

­ Le briefing du 17 décembre 1993 du SGR à C Ops annonce que « les échos qui paraissent dans la presse belge ont tendance à exagérer ». Le sentiment anti-belge se situe surtout dans les préfectures de Ruhengeri et de Gisenyi.

(Documents SGR nº 7289.)

­ Le télex nº 1261 du 21 décembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles qui, d'une part, confirme que les déclarations incendiaires à l'encontre de la Belgique diminuent mais, d'autre part, décrit deux faits marquants qui relativisent cette affirmation. Le 2 décembre, lors d'une cérémonie organisée par la CTM-MTS, le ministre de la Défense rwandais a refusé de dire quoi que ce soit de positif sur la participation belge à la Minuar. « Ik maakte de minister hier opmerkzaam op maar ik kreeg een zeer ontwijkend antwoord ».

Le 16 décembre, la radio officielle a diffusé à plusieurs reprises une allocution du président Habyarimana dans laquelle celui-ci encensait les Français, « les vrais, les vrais amis qui n'ont pas abandonné le Rwanda dans les moments les plus difficiles ». Les termes utilisés contiennent des reproches à peine voilés à l'encontre de la Belgique. L'ambassadeur signale en outre que le président s'est également abstenu de se rendre à l'ouverture d'une exposition consacrée à la coopération belge au Rwanda.

­ Le briefing du 24 décembre 1993 du SGR au C Ops, qui signale que « La réalisation de l'Ops « show the flag » des (BE) semble satisfaire l'ensemble de la population de Kigali. ».

(Documents nº 7290 du SGR.)

­ L'info du 28 décembre 1993 du SGR (qualification A), à laquelle sont joints deux fax avec annexes de l'UNOMUR (UN-observer mission Uganda-Rwanda) au général Dallaire. Ces fax reproduisent quatre articles qui avaient été publiés dans la presse ougandaise. Le premier est intitulé « Belgian unwanted in Rwanda ». Le conseiller politique de l'UNOMUR ajoute, dans un commentaire, que, bien que le gouvernement rwandais et le FPR approuvent la participation belge, « the article could also be viewed as a mirror of the environment in which UNAMIR would be operating ».

(Documents SGR nº 1243 et suivants.)

­ Le briefing du 29 décembre 1993 de la Minuar au C Ops qui, à l'occasion de l'opération « Clean Corridor » (qui consistait, en application des accords d'Arusha, à ce que les troupes belges de la Minuar accompagnent à Kigali un bataillon du FPR), qualifie l'ambiance d'anti-belge.

(documents nº 1316 SGR.)

­ Le télex nº 64 du 23 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, dans lequel il est signalé que, dans une interview à la radio, le président Habyarimana a encore fait l'éloge de la France, mais en omettant une fois de plus de parler de la participation belge à la Minuar.

­ Le télex nº 70 du 25 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles relatif au compte rendu d'un entretien entre l'ambassadeur et M. Murego, secrétaire du MDR, sur l'animosité que le président Habyarimana et le MRND manifestent vis-à-vis de la Belgique.

(Voir le point 4.3 pour d'autres précisions.)

­ Les rapports du C Ops des 26 janvier et 1er février 1994 et les SITREP des 25, 26 et 31 janvier 1994 de la Minuar au C Ops qui font état de la multiplication des attentats contre la Minuar en général et contre KIBAT, soit les Casques bleus belges, en particulier.

(Documents nos 1530, 1586 et 1594 du SGR et documents nos 1373 et 1759 du C Ops.)

(Autres précisions au point 4.3.)

­ Le briefing du 28 janvier 1994 du SGR au C Ops dans lequel il est fait mention de la reprise des émissions anti-belges sur RTLM, « qui prend un malin plaisir à diffuser de fausses Info, ou à insister lourdement sur les incidents réels impliquant des Mil (BE). (...) On peut conclure que la campagne d'intoxication anti-belge est à nouveau en pleine recrudescence ».

(Documents SGR nº 7338.)

­ Le rapport du 31 janvier 1994 de la Minuar au SGR qui incrimine la persistance d'informations anti-belges. « Er is een ernstig gevaar van opzettelijke intoxicatie. De post wordt druk beluisterd (...) ». Quant aux efforts de la Minuar en vue d'assurer une information plus équilibrée de la population sur l'opération des Nations unies, le rapport souligne que : « Het resultaat ervan schijnt maar klein te zijn ».

(Documents SGR nº 1715.)

­ Les télex nos 86, 90 et 91, respectivement des 31 janvier et 1er février 1994, d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui relatent plusieurs incidents ayant impliqué des Casques bleus belges ainsi qu'une série d'émissions de RTLM témoignant d'un climat anti-belge de plus en plus marqué.

(Voir les points 4.3 et 4.4 pour d'autres précisions.)

­ Le rapport du 1er février 1994 du Lt. Nees à Comd KIBAT, qui fait état d'une manifestation, de diverses émissions à la RTLM et de quelques autres incidents qui ameutent la population rwandaise contre les Belges.

(Dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Farde instruction C ­ Not. nº 01 00009.95 ­ 906 et 907).

­ Le télex nº 92 du 3 février 1994 d'Amabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui relate en détail un accrochage avec quelques Casques bleus belges près du domicile de M. Barayagwiza (pour plus de précisions, voir le point 4.5.1) et qui mentionne que RTLM incite au pillage des propriétés belges (point 6) et qu'au cours d'une manifestation, on a à nouveau scandé des slogans anti-belges (point 7).

­ L'info du 10 février 1994 du SGR (qualification B-2), dont l'auteur signale, après un séjour à Kigali, « According to the Belgians of the CTM, black people are still very nervous and hostile against white people and especially Belgians, and the situation remains dangerous. »

(Documents nº 2475 du SGR.)

­ L'info du 11 février 1994 du SGR (qualification B-3), dans laquelle figurent les impressions d'informateurs de passage à Kigali. Ceux-ci sont frappés par les troubles que la RTLM, « qui tape sans cesse sur les Belges » fomente contre ces derniers, dans une situation d'insécurité généralisée, où les militaires pullulent et où les armes et les munitions sont distribuées à profusion.

(Documents nº 2473 du SGR.)

­ Le télex du 17 février 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui fait rapport de la rencontre informelle qui a eu lieu entre l'ambassadeur et le président Habyarimana en présence notamment du ministre de la Défense rwandais, du colonel Sagatwas, du colonel Marchal, du lieutenant-colonel Leroy et du colonel Vincent de la CTM-MTS. À cette occasion, l'ambassadeur souligne les nombreux incidents anti-belges qui sont provoqués par les Rwandais dans le but de discréditer la Minuar. M. Habyarimana a promis de consentir les efforts nécessaires (idem documents du SGR nº 2614 et suivants).

La CTM-MTS fait rapport de cette réunion directement à l'intention du SGR, dans des termes toutefois plus rassurants.

(Documents du SGR nº 2591 et suivants.)

­ Le télex nº 205 du 14 mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, où l'on constate, à la suite de l'attaque contre l'ancien Premier ministre, le Dr. Nsengiyaremye, (MDR), que les attentats sont toujours dirigés contre le centre politique, et principalement contre les hommes politiques qui ont des sympathies pour la Belgique (Gabyisi, Gatabazi, Nsengyaremye, Nkubito). C'est d'ailleurs déjà la deuxième fois qu'un événement de ce genre se produit au terme de la visite d'un ministre belge (on fait allusion en l'occurrence à la visite du ministre de la Défense, M. Leo Delcroix. La « première fois », il s'agissait de l'assassinat du secrétaire général du PDS, M. Gatabazi, qui eut lieu le 22 février 1994, alors que le ministre des Affaires étrangères Willy Claes était en visite au Rwanda).

(Idem documents SGR nº 3317.)

­ Le télex nº 243 du 23 mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui fait état d'un nouvel éditorial anti-belge sur RTLM, le 21 mars 1994.

(Idem documents SGR nº 3352.)

­ Le briefing du 23 mars 1994 du SGR au C Ops, mentionnant lui aussi une nouvelle émission anti-belge sur RTLM, qui doit être considérée comme la réponse aux articles de Colette Braeckman et de Marie-France Cros, peu élogieux à l'égard du président rwandais.

(Documents SGR nºs 7402 et suiv.)

­ L'info du 24 mars 1994 du SGR (qualification B-2) qui mentionne une émission de RTLM dirigée contre l'ambassadeur de Belgique. Celui-ci aurait planifié un coup d'état de concert avec son collègue de Tanzanie et avec le nonce apostolique.

(Documents SGR nº 3201.)

­ Le télex nº 256 du 29 mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui fait rapport sur les émissions en langue française diffusées par RTLM le 28 mars 1994. Le télex mentionne de nouvelles attaques contre les Belges, en raison de l'intention de la Belgique d'apporter certaines modifications à son aide au développement. La Belgique est accusée d'exercer un chantage à l'égard du Rwanda.

(Idem documents SGR nº 3333.)

­ Le rapport du 29 mars 1994 du major Podevijn au général Dallaire, dont une copie est envoyée au SGR, qui signale que « Belgians are particularly harassed by RGF and gendarmerie (...). »

(Documents SGR nº 3227.)

­ Le télex nº 266 du 31 mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui signale que les derniers éditoriaux de RTLM sont particulièrement calomnieux pour la Belgique. Il y a également énormément d'attaques contre la Minuar, Dallaire et certains leaders politiques rwandais.

(Idem documents nº 3328 du SGR.)

Enfin, il y a la communication du 7 avril 1994 du Comité de crise de la Communauté rwandaise de Belgique, qui signale que les Casques bleus belges ont, le 6 avril, commis l'attentat contre l'avion présidentiel. « En effet, selon des sources militaires des Casques bleus non-belges de la Minuar, il est confirmé que les obus qui ont abattu l'avion présidentiel provenaient du site occupé par les militaires belges de la Minuar. » La communication demande ensuite « le retrait immédiat des troupes belges de la Minuar (...). »

(Documents du SGR nº 3670 et suivants.)


4.3. Les autorités belges étaient-elles au courant d'une menace spécifique contre la Minuar en général et contre la présence de troupes belges dans le cadre de l'opération Minuar en particulier ?

Outre les indications fournies par les documents cités ci-dessus, aux points 4.1 et 4.2, dont les principaux attirent l'attention sur les dangers existants et les provocations possibles à 1'égard des troupes belges de la Minuar, comme le fait notamment le télex que le ministre des Affaires étrangères a envoyé à l'ambassade de Kigali le 19 novembre 1993, le groupe ad hoc Rwanda a trouvé, dans les documents qu'il a examinés, des indices concrets d'une menace spécifique contre la Minuar en général et contre les Casques bleus belges en particulier. En plus de cette menace spécifique, la Minuar et les troupes belges de la Minuar, bien qu'elles fussent envoyées au Rwanda dans le cadre d'une opération de « peace keeping » et non pas de « peace making », sont devenues la cible d'attaques et d'attentats de tous genres très vite après leur arrivée.

Ci-après figurent, tels qu'ils sont mentionnés et peuvent être trouvés dans les documents consultés, quelques-uns des incidents qui ont impliqué ou visé la Minuar et les Casques bleus belges. Le premier briefing du 23 novembre 1993, qui a lieu immédiatement après le déploiement des Casques bleus belges, est encore rassurant. Il ne mentionne pas de réaction hostile (briefing du 23 novembre 1993 du SGR au C Ops ­ documents nº 7263 du SGR). Suivent une série d'incidents qui se concentrent essentiellement sur trois périodes (fin janvier, fin février, début avril).

­ Le télex nº 1219 du 3 décembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui mentionne que le 2 décembre, l'on a attaqué et mitraillé une patrouille de la Minuar dans le nord du Rwanda.

(idem documents SGR nº 1412).

­ Le SITREP du 29 décembre 1993 de la Minuar au C Ops, qui mentionne une manifestation contre la Minuar devant l'ambassade des E.U. à Kigali, le 28 décembre 1993.

(documents nº 1092 du SGR et nº 25596 du C Ops).

­ Les rapports du C Ops du 26 janvier 1994 et les SITREP du 25 janvier 1994 de la Minuar à C Ops, qui mentionnent un attentat contre les troupes belges de la Minuar. En effet, le 24 janvier l'on a tiré sur les Casques bleus belges qui gardaient la résidence du représentant spécial des Nations unies, M. Booh Booh.

(documents SGR nº 1530 et documents C Ops nº 1759).

­ Les rapports du C Ops des 27 janvier et 1er février 1994 et les SITREP des 26 et 31 janvier 1994 de la Minuar à C Ops, qui font état de nouveaux attentats contre la Minuar en général et les troupes belges de la Minuar en particulier : le 26 janvier, l'on a tiré sur une patrouille de Casques bleus belges à Kigali, le 30 janvier, il y a eu une attaque à la grenade contre le secteur du quartier général de la Minuar à Kigali.

(documents SGR nos 1586, 1594, 1873 et 1979 et documents C Ops nº 1759).

­ Le rapport du C Ops du 23 février 1994 et les SITREP des 22 et 23 février 1994 de KIBAT à C Ops, qui signalent que la situation à Kigali est explosive et qui mentionnent de nouveaux attentats et incidents visant la Minuar en général et les troupes belges de la Minuar en particulier. Le 20 février, des Casques bleus belges sont contraints de se libérer en tirant 63 coups en l'air contre une foule agressive qui jette des pierres; le 21 février, la population adopte à nouveau une attitude agressive à l'égard des troupes de la Minuar; le 22 février, une escorte de Casques bleus belges qui accompagne des militaires du FPR est attaquée, il y a un mort, à savoir un soldat du FPR, et un blessé, à savoir un observateur de l'UNOMUR; également le 22 février, c'est l'alerte générale, pendant laquelle des mesures de sécurité particulières sont appliquées autour des cantonnements.

(documents SGR nos 2236, 2241, 2358 et 2501 et C Ops, non numéroté).

Ces événements sont également confirmés dans un Intrep du 22 février de la CTM-MTS au SGR et JSO. Il est également mentionné dans ce document qu'en guise de précaution, l'école belge a été fermée le matin.

(documents SGR nº 2579).

­ Le SITREP du 24 février 1994 de la Minuar au SGR, qui signale qu'une fusillade a éclaté le 23 février entre des troupes belges et des citoyens armés, à Gikondo, à l'occasion d'une escorte.

(documents SGR nº 2380).

­ Le SITREP du 28 février 1994 de la Minuar au C Ops et au SGR, qui fait état d'un impact d'obus entre le bâtiment du Parlement et le quartier général de la Force.

(documents SGR nº 3088).

En ce qui concerne l'existence d'une menace spécifique contre la Minuar et les troupes belges de la Minuar, le groupe ad hoc a trouvé les indices suivants dans les documents examinés.

­ Le rapport du 6 décembre 1993 de KIBAT au général Dallaire, avec copie au C Ops, qui relate un incident du 5 décembre, au cours duquel deux Rwandais, dont l'un est connu comme étant un terroriste poseur de bombes, tentent de pénétrer dans le Lycée Notre-Dame de Citeaux à Kigali, qui est l'un des cantonnements présumés des Casques bleus belges. Après enquête, il s'avère que: « (...) ils sont pris sous contrat pour faire des attentats sur des installations militaires ONU, spécifiquement militaires belges ». Cet incident figure également dans le SITREP quotidien et dans le rapport du C Ops du 7 décembre 1993.

(documents nº 1075 du SGR et nº 2395 nº 23923 du C Ops).

­ Le rapport du C Ops du 6 décembre 1993 qui, se fondant sur le SITREP du 4 décembre du Comd KIBAT au C Ops, signale que « Comd Bn se pose des questions quant à la sécurité de ses Tp durant les missions d'escorte ».

(documents C Ops nº 23869.

­ Le SITREP du 19 décembre 1993 de la Minuar au C Ops, auquel sont jointes des traductions d'articles parus dans les revues « Le Flambeau » et « Kiberinka », respectivement des 6 et 17 décembre 1993, et faisant état d'une réunion qui se serait tenue le 21 novembre 1993 à l'état-major général de l'armée rwandaise. « Le but était de dire aux officiers la nécessité de convaincre les troupes pour qu'ils combattent les Inkotanyi et les Belges ».

(documents SGR nº 1130, 1134 et 1171 et documents C Ops nº 24919).

Le C Ops a également transmis ces documents à JSO-P/Ops, JSO-P, PP-MDN, Bde Para-Commando, 1 Para et SGR.

(dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Not. nº 01 00009.95 ­ Farde instruction C ­ 1259).

­ L'info du 31 décembre 1993 du SGR (qualification B) qui signale l'attitude hostile d'une grande partie de la population rwandaise à l'égard des troupes belges. « La population indigène proche du président n'apprécie pas le départ des Français et l'arrivée des troupes de l'ONU (...). Des tracts ont d'ailleurs été distribués au moment de l'arrivée des troupes belges stigmatisant le fait que les Belges sont plutôt favorables au FPR (...) ».

(documents SGR nº 1232)

­ Le télex nº 32 du 13 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles qui fait état d'un plan visant à tuer ou à blesser des Casques bleus belges. Le télex contient un rapport relatif à un entretien important que le représentant spécial des Nations unies, M. Booh Booh, et le général Dallaire ont eu avec les ambassadeurs américain et belge en présence du chargé d'affaires français.

M. Booh Booh avait convoqué d'urgence les ambassadeurs parce que le quartier général de l'ONU à New-York l'avait chargé de demander immédiatement une audience au président Habyarimana. M. Booh Booh demande aux trois ambassadeurs de faire de même.

Un informateur, qui est un dirigeant Interahamwe de premier plan, ancien collaborateur des services de sécurité du président, et qui assure la formation des milices de jeunes du MNRD et a des contacts étroits avec le chef d'état-major des FAR, a révélé à la Minuar l'existence de caches d'armes parmi la population et de formations paramilitaires pour les jeunes, ainsi que la présence de gendarmes en civil aux manifestations organisées par les Interahamwe, l'utililisation par ces derniers de matériel de communication appartenant à l'armée et l'existence d'un plan « om Belgische militairen te doden of te verwonden om alzo de terugtrekking van het Belgisch detachement of zelfs van UNAMIR af te dwingen ». L'ambassadeur affirme, dans le message qu'il adresse à Bruxelles, que « deze informatie bevestigt wat reeds eerder werd vernomen of vermoed » et que tout cela ne peut pas être simplement « geïgnoreerd ». Il demande des instructions.

(idem documents SGR nº 1958).

Le groupe ad hoc remarque que les informations que l'envoyé spécial M. Booh Booh et le général Dallaire transmettent ici aux ambassadeurs recoupent en fait les renseignements qu'un certain « Jean-Pierre » a fournis le 10 janvier 1994 à la Minuar et que le général Dallaire a transmis, le 11 janvier 1994, au quartier général des Nations unies à New York. Le texte du télex concerné a été tapé par le capt-cdt Claeys, qui avait le grade G2 au quartier général de la Force à Kigali au moment de l'opération de la Minuar.

À titre d'information, les membres de la commission trouveront en annexe une copie de ce télex, qui se trouve, également sous la forme d'une copie, dans le dossier de l'auditorat général (annexe 4).

Bien que le groupe ad hoc ait pu retrouver l'identité exacte de « Jean-Pierre » dans les documents examinés, son nom ne figure pas dans le rapport qui vous est soumis, afin de ne pas mettre en cause la sécurité personnelle de l'intéressé et de sa famille, pour autant que ceux-ci sont encore en vie.

­ Le briefing du 14 janvier 1994 du SGR au C Ops, où l'on signale, au point 3, que le représentant spécial des Nations unies a demandé d'urgence un entretien au président Habyarimana. « Des présomptions de mieux en mieux établies existent en effet au sujet de liens et/ou d'appuis secrets aux INTERAHAMWE de la part de hauts gradés des FAR ou de la GdN. Cette démarche des autorités de l'ONU se fonde sur leurs craintes que les INTERAHAMWE, dans leur stratégie de déstabilisation, ne commencent à s'en prendre à du Pers de l'UNAMIR (le Det (BE) pourrait être une cible privilégiée d'actes d'intimidation). »

(documents SGR nº 7298).

­ Le télex nº 41 du 14 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, comprenant le rapport de l'entretien qu'une délégation diplomatique comptant sept personnes, dont l'ambassadeur belge, a eu ce jour-là avec le président Habyarimana. Cet entretien était déjà planifié depuis un certain temps dans le cadre d'une action qui s'adressait à toutes les parties associées aux accords d'Arusha et visait à diminuer l'opposition de celles-ci à l'installation du gouvernement transitoire.

Il ressort du point 6 que les menaces formulées à l'égard des Casques bleus belges ne sont pas mentionnées ou ne le sont qu'en des termes très indirects. « Onze boodschap i.v.m. de veiligheid werd herhaaldelijk en sterk benadrukt. (...) De angst voedt het wederzijds wantrouwen en hindert de politieke dialoog. Daarom moet prioritaire aandacht gaan naar het veiligheidsprobleem ».

Il est frappant que le télex nº 41 ne mentionne pas le projet de tuer ou de blesser des Casques bleus belges, comme il est dit au télex nº 32. L'ambassadeur poursuit son rapport daté de ce jour en posant la question de savoir s'il est bien nécessaire de faire une démarche spécifique auprès du président à propos des informations contenues dans son télex nº 32. Ici aussi, pas le moindre mot concernant le projet élaboré contre les Casques bleus belges. « Gezien de sterke nadruk die op de veiligheidsaspecten werd gelegd (m.i.v. de activiteiten der Interahamwe en wapenverdelingen) rijst de vraag of een specifieke demarche temeer daar Habyarimana begrip bleek te tonen. » L'on ajoute encore que: « Parijs reageerde restrictief » à l'égard d'une démarche particulière.

­ Le télex nº 44 du 15 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles dans lequel on signale que le groupe trilatéral d'ambassadeurs décide de ne pas faire de démarche supplémentaire auprès du président. On va cependant continuer à suivre l'information qui figure dans le télex nº 32 avec beaucoup d'attention (« zeer aandachtig blijven volgen »).

­ Le télex nº 45 du 15 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles dans lequel sont transmises des informations supplémentaires à propos du télex nº 32, informations provenant du représentant spécial des Nations unies, M. Booh Booh, du général Dallaire et du colonel Marchal. Le télex concerne uniquement le problème des caches d'armes, le démantèlement éventuel de celles-ci, les directives en la matière du quartier général des Nations unies à New York et la protection à accorder à l'informateur concerné (voir ci-après les points 4.5.2. et 4.6.). Pas un mot au sujet du plan visant à tuer ou à blesser des Casques bleus belges.

Le groupe ad hoc remarque d'ailleurs que les télex que Minafet Bruxelles adressait à l'époque à Ambabel Kigali ne mentionnaient pas davantage ce plan. Au cours de la période en question, un seul télex a été adressé à Kigali, le 13 janvier 1994 (en guise de réponse au télex nº 32, l'ambassadeur y était autorisé à faire une démarche avec ses collègues français et américain auprès du président rwandais).

­ Le rapport du 15 janvier 1994 du colonel Marchal à C Ops, dont le point 5 signale que « Ce point est secret et a été transmis via le STU II en SECURE. Je demande une réponse rapide à ce point ». Le contenu de ce point a été transmis par communication téléphonique cryptée. Le colonel Marchal demande, dans ce rapport, de plus amples directives en cas d'événements graves et d'une nécessaire évacuation. « Ben ik verplicht de VN bevelen te volgen of moet ik een Belgisch standpunt innemen en verder landgenoten evacueren ? (onder Belgische muts i.p.v. blauwe). Ik vraag dringend antwoord. Situatie kan basculeren. Duidelijke richtlijnen ! ».

Interrogé à ce sujet par la police judiciaire près la Cour militaire le 23 novembre 1995, soit plus d'un an après les faits, le colonel Marchal a déclaré qu'il avait adressé cette demande, de même qu'une demande d'un complément de munitions, au C Ops, en réaction à la manifestation violente que des Hutus extrémistes avaient organisée à Kigali le 8 janvier 1994 et à la suite des informations qu'il avait obtenues après, soit le 10 janvier, d'un informateur, nommé « Jean-Pierre ». Ces informations ne portaient pas tant sur l'existence d'un plan, que sur le fait que, en vue de la manifestation du 8 janvier, « des directives avaient été données concernant l'infiltration d'armes parmi les manifestants ainsi que des directives en vue de blesser ou de tuer des militaires belges en vue de provoquer leur retrait de la Minuar, si des militaires belges intervenaient d'une manière trop engagée lors de la manifestation. ».

Le colonel Marchal déclare qu'il n'a jamais reçu de réponse à sa demande, qu'il a également faite à l'ambassadeur belge à Kigali à la mi-mars précisément parce qu'il n'avait reçu aucune réponse. Le dossier de l'auditorat général comprend toutefois une copie d'un bref message daté du 15 janvier 1994 de C Ops au Comd Sector Kigali, qui mentionne que, par suite d'une disposition du rapport du 24 septembre 1993 du secrétaire général des Nations unies, le mandat ne se limite pas à la sécurité du personnel des Nations unies, mais porte également sur la protection de la communauté internationale.

(dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Farde instruction C ­ Not. nº 01 00009.95 ­ 1146 et suivants et 1228 et 1229).

­ La note EEI du 17 janvier 1994 dans laquelle, à la suite du briefing précité du 14 janvier 1994 du SGR par l'état-major général, des informations essentielles sont demandées, concernant les menaces que les Interahamwe font peser sur les Casques bleus belges. La note EEI est motivée par le fait que « des craintes sont manifestées par les autorités de l'ONU, les diplomates en poste et le Comd Sect Kigali sur leur plan de s'en prendre à l'UNAMIR et plus spécialement à sa composante belge ». Neuf questions spécifiques sont adressées à d'autres services au sein du SGR.

(documents SGR nº 1600)

­ Le télex nº 63 du 20 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, dans lequel rapport est fait des entretiens que le chef de la CTM-MTS a eus successivement avec les chefs d'état-major de la gendarmerie et de l'armée rwandaises.

Le chef d'état-major de la gendarmerie minimise le problème de la sécurité de la Minuar. « Il insiste sur le caractère marginal de cette action anti-belge. » « Les milices armées Interahamwe sont, selon lui, peu crédibles (...). » Le chef de l'état-major de l'armée rwandaise pense, lui aussi, que le risque pour la Minuar est minime. Les contacts avec la Minuar et les troupes belges sont « excellents », mais, contrairement à ce que pense son collègue de la gendarmerie, le chef de l'état-major de l'armée rwandaise estime que les milices forment bel et bien un danger. Deux mois plus tard, le chef d'état-major de l'armée rwandaise, le général Nsabimana, préviendra toutefois formellement la CTM-MTS contre d'éventuelles actions terroristes dirigées contre des cibles étrangères. Le télex nº 235 du 22 mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles signale que le chef d'état-major de l'armée rwandaise a fait part, au colonel Vincent de la CTM-MTS, de son inquiétude concernant « mogelijke terreuracties tegen buitenlandse doelwitten, vnl. diplomatieke ».

(idem documents SGR nºs 3201 et 3359).

­ Le télégramme du 20 janvier 1994 de DelBelUNO à Minafet Bruxelles, comprenant le rapport de l'entretien que l'ambassadeur a eu avec M. Riza, l'adjoint de M. Annan, le vice-secrétaire général des Nations unies en charge des opérations de paix. « Ik heb hem de ongerustheid van de Belgische regering uitgedrukt over de toestand in Rwanda en meer bepaald over de veiligheid van de Belgische troepen aldaar, (...). »

­ Le fax du 22 janvier 1994 du colonel Marchal au C Ops, dans lequel est transmise une lettre que les Interahamwe ont adressée au représentant spécial des Nations unies, M. Booh Booh, et qui comporte des attaques virulentes contre les troupes belges de la Minuar.

(documents SGR nº 1877 et documents C Ops nº 1169)

­ Le télex nº 70 du 25 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, dans lequel l'ambassadeur fait rapport au sujet de l'entretien qu'il a eu la veille avec M. Murego, le secrétaire du MDR. M. Murego est connu pour être un Hutu extrémiste, qui est aussi opposé aux accords d'Arusha. « Ce sont le président et le MRND qui sont la cause de nos problèmes. Ils attisent la haine contre les Belges ». Il cite les noms de M. Kabuga (bailleur de fonds du MRND), de M. Ngirumpatse (président du MRND) et de M. Nahimana (présenté comme ministre de l'Enseignement supérieur au sein du gouvernement transitoire à installer). Qui plus est, il prévoit que les Interahamwe déclencheront une guerre civile et qu'ils exploiteront l'animosité anti-belge (« de anti-Belgische animositeit uitspelen »). Il signale également que l'on raconte que les Belges ont reçu pour mission de porter le FPR au pouvoir et que les Bangladais ne sont pas d'accord sur ce point.

­ Le rapport du 27 janvier 1994 du lieutenant Nees au Comd KIBAT, qui signale que le message suivant a été émis à la RTLM en kinyarwanda : « Met behulp van Belgische troepen hebben Tutsi's andermaal Hutu's omgebracht. Tot wat dient de aanwezigheid van de Belgen in onze hoofdstad behalve om de Inkontanyi aan de macht te helpen ? Kol. Marchal wordt dikwijls in de aanwezigheid van Landuals Ndasingwa gesignaleerd, wat hebben ze mekaar te vertellen behalve te comploteren tegen de Hutu's ? We weten dat er onder de Belgische troepen van de MINUAR moordenaars zitten, bandieten en dieven die zich op-hielden in de straten van Brussel. (...) Dat ze inpakken, zij hebben niets te zoeken in Rwanda. MINUAR zit vol dubieuze personen en zeker onder de Belgen. Wij vragen aan de bevolking haar verantwoordelijkheid op te nemen zoniet zal Rwanda door de Belgen aan de Tutsi's geschonken worden. »

Le rapport signale également qu'une réunion du Comité de direction du parti a lieu au siège du MRND en présence de M. Kajuga, le président des Interahamwe. Il n'est cependant pas encore informé des décisions qui y ont été prises.

(dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­Farde instruction C ­ Not. nº 01 00009.95 ­ 904 et 905).

­ Le rapport du 30 janvier 1994 du lieutenant Nees au Comd KIBAT, dont le point 2 mentionne les conclusions de la réunion qui a eu lieu au siège du MRND, comme l'annonçait son rapport précédent. Au cours de cette réunion, qui a lieu le mercredi 26 janvier, des leaders politiques du MRND et des Interahamwe, l'on a donné des instructions aux chefs des Interahamwe concernant leurs actions contre les Casques bleus belges. « Er werd hun opgelegd niet te luisteren naar bevelen van Belgische militairen. Wanneer zij in confrontatie komen met Belgen, zo vlug en zoveel mogelijk Intarahamwemensen uit de buurt optrommelen. Steeds ervoor zorgen dat zij getuigen bij de bevolking hebben. In de wijken waar de Belgen op sympathie van de bevolking kunnen rekenen, zich tijdig na verzet echter, terugtrekken. De Belgische militairen in een toestand van collectieve psychose brengen door gebruik van simulatiemiddelen. »

(documents SGR nº 2229).

Ce rapport a également été transmis au C Ops, par l'intermédiaire du SITREP du 1er février 1994, qui l'a transmis à son tour à JSO-P/Ops, JSO-P, PP-MDN et au SGR.

(dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Not. nº 01 00009.95 ­ Farde instruction C ­ 1259)

­ Le télex nº 86 du 31 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui mentionne la diffusion d'un communiqué inquiétant sur RTLM : « het ogenblik is gekomen Belgische doelwitten te viseren ».

­ Le télex nº 91 du 1er février 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, dans lequel est mentionné le fait que RTLM a communiqué que les escadrons de la mort du FPR compteraient, en leur sein, des militaires belges.

­ Le complément d'information du 2 février 1994 du SGR à divers destinataires, qui comprend, en réponse à la note EEI précitée du 17 janvier 1994, une étude détaillée des milices Interahamwe, de leur fonctionnement, de leurs complices, des liens qu'elles entretiennent avec les autorités rwandaises, de leurs camps d'entraînement, etc. Le point 1 c. du document signale que : « Le problème de ces milices, mais plus encore de leur stratégie déstabilisatrice, s'est révélé assez important dans la menace qu'elle représente pour la mission de l'UNAMIR et pour la sécurité de son Pers. (...). Un des buts poursuivis par ces milices serait de viser en particulier les Mil (BE) participant à la mission UNAMIR, afin de provoquer le retrait du Det (BE), qui est considéré comme l'élément le plus fort de l'UNAMIR. »

(documents SGR nº 7340 et suiv.)

­ Le fax du 6 février 1994 du Comd KIBAT au C Ops, qui mentionne que l'on a demandé au Comd Sector Kigali de suspendre les points de contrôle en raison du nombre important d'incidents qui ont lieu avec, surtout, des officiers supérieurs de l'armée rwandaise, ce qui a pour conséquence que l'on ne peut plus garantir la sécurité des Casques bleus belges.

(documents SGR nº 2190).

­ La note du 6 février 1994 du Comd Sector Kigali au Comd KIBAT, avec une copie pour le C Ops, dans laquelle il communique qu'il a mis fin aux points de contrôle parce qu'il est arrivé à la constatation que le grand nombre d'incidents qui ont eu lieu lors de ces opérations ne sont pas dus au comportement des Casques bleus belges, « but the result of a (...) will to seek incident with Belgian militaries (...) » (documents SGR nº 2184). Dans un message distinct adressé au C Ops, le colonel Marchal confirme qu'il a suspendu les points de contrôle parce que « me fait craindre une volonté délibérée de déclencher des incidents avec les militaires du Det BE. ».

(documents SGR nº 2571).

­ Le rapport du 7 février 1994 du lieutenant Nees au Comd Sector Kigali, avec une copie adressée au Comd KIBAT, qui signale qu'il ne faut pas considérer l'attitude anti-belge comme une réaction au comportement des Casques bleus belges, mais comme une campagne délibérée organisée par une mouvance politique déterminée (point 1). À chaque fois qu'il y a des incidents aux points de contrôle, ils sont provoqués par des Rwandais haut placés qui appartiennent souvent au « Réseau Zéro » (point 2). Afin de mieux faire comprendre ce qui se passe, le rapport renvoie, en son point 3, à une lettre du 8 janvier 1994 d'un informateur, dans laquelle figurent les conclusions d'une réunion des Interahamwe qui s'est tenue au siège du MRND à Kimihurura quatre jours après que les Casques bleus belges ont commencé à saisir des armes, des munitions, etc.

Sous la direction de M. Ngirumpatse, le président du MRND, et en présence notamment du ministre de la Défense, du chef de l'état-major de l'armée rwandaise et de la gendarmerie, l'on a convenu de la « riposte » à donner aux militaires belges.

(documents SGR nºs 2171 et 2173).

­ « Ne jamais accepter de remettre son ou ses arme(s) sans ou avec l'autorisation de port d'arme (...).

­ Des officiers du FAR (MRND) seront choisis auprès de qui (à leur domicile) les armes lourdes et des munitions seront stockés, ainsi donc au moment venu, les propriétaires pourront aller les chercher là bas.

­ Changer tout les endroits de cache d'armes connus jusqu'ici.

­ Sensibiliser les Interahamwe de la nécessité absolue de se défendre au cas où les militaires Belges (Minuar) viendraient confisquer les armes auprès d'un des membres du MRND et au besoin, leur apprendre la guerre de pierres (Intifada).

­ Rendre inopérante la collaboration entre: a) les gendarmes choisis pour aider la Minuar et celle ci, b) les populations civiles et les militaires Belges et la Minuar ».

Ce rapport a été envoyé par le Comd KIBAT, en même temps que le SITREP quotidien, au C Ops, qui l'a transmis à son tour à JSO-P/Ops, PP-MDN, Bde Para Cdo et SGR.

(dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Not. nº 01 00009.95 ­ Farde instruction C ­ 1258).

­ Le SITREP du 21 février 1994 du Comd 13 Cie au Comd KIBAT, joint sous la forme d'annexe au SITREP du 22 février 1994 de KIBAT au C Ops, dans lequel il est fait état de l'attitude de plus en plus hostile de la population à l'égard de la Minuar. « Nous risquons dans les jours à venir de recevoir une grenade. Nous risquons donc de devoir nous défendre (...) . »

(documents SGR nº 2240).

­ Le SITREP du 23 février 1994 du Comd Sector Kigali au C Ops, qui mentionne qu'il y a une très vive agitation à Kigali et que « des informations nous parviennent signalant que les Interahamwe auraient reçu comme directives de s'attaquer ouvertement à la Minuar ».

(documents SGR nº 2564).

­ Le SITREP du 24 février 1994 de la Minuar au SGR, qui signale que, le 23 février, une fusillade a eu lieu près de Gikondo entre des troupes belges et des citoyens armés, à l'occasion d'une escorte.

(documents SGR nº 2380).

­ Le SITREP du 24 février 1994 de KIBAT au C Ops, qui fait état d'une agressivité croissante à l'égard de la Minuar. « As mentioned in previous SITREP's local population becomes more aggressive, towards each other AND towards UNAMIR troops. At several occasions, our patrols had to use their weapons (by firing in the air) to liberate themselves. » L'on renvoit, comme exemple, à un incident qui s'est déroulé le 23 février et au cours duquel des Casques bleus belges ont dû libérer un juge rwandais. Ils ont été la cible de tirs. Les Casques bleus belges ont dû tirer une vingtaine de coups de feu.

(documents SGR nºs 2347 et 2353)

­ Le télex nº 172 du 1er mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, consacré à l'émetteur RTLM fondé par la CDR. Il est une fois de plus mentionné que cette radio « (...) tient souvent des propos virulemment anti-Minuar et antibelges (...) ».

­ Le fax nº 77 du 17 mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, transmettant une lettre adressée au secrétaire général de l'ONU, dans laquelle les Casques bleus belges sont sévèrement critiqués. « Nous exigeons que les éléments belges de la Minuar cessent de se comporter comme une force d'occupation (...) ».

(idem documents SGR nº 2893 et suivants).

­ Le procès-verbal de la réunion de coordination Affaires étrangères-Défense du 17 mars 1994 signale explicitement, dans son deuxième point, la menace croissante contre la Minuar : « Au cours des derniers jours nombreux appels téléphoniques à la Minuar avec menaces d'attentats. »

­ Le télex nº 235 du 22 mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui fait rapport de deux nouveaux éditoriaux anti-belges de Ruggiu sur RTLM. Le Gouvernement belge est accusé de colonialisme, de paternalisme et de complicité avec le FPR. Ruggiu rend les Belges responsables des accords d'Arusha, les Belges qui veulent imposer au Rwanda « un gouvernement de bandits et de massacreurs » avec la « complicité silencieuse des Belges de la Minuar ». Ruggiu menace les Belges (« la lutte sera sans pitié », « l'amitié se transformera en haine sans merci », « Que les Bwana belges se réveillent et s'en aillent »). Lors de ses émissions du matin, la RTLM annonce même que l'on prépare un coup d'état avec la complicité de l'ambassadeur belge.

(idem documents SGR nºs 3201 et 3359).

­ Le rapport du 30 mars 1994 que M. Boutros Ghali, secrétaire général de I'ONU, a adressé au Conseil de sécurité, précise, en son point 28, que : « (...) the distribution of weapons to civilians which constituties a serious threat, not only to public security in Kigali (...) but also to UNAMIR personnel ».

­ Le rapport du C Ops du 31 mars 1994 signale que, lors d'un contrôle au centre de Kigali, l'on a jeté des pierres en direction d'une patrouille belge.

(documents C Ops nº 5612).

­ Le fax du 5 avril 1994 que le colonel Marchal a adressé à JS et dans lequel il fait état de la campagne de haine à I'encontre des troupes belges de la Minuar, à laquelle se livre la RTLM, « allant jusqu'à inciter, à plusieurs reprises, les auditeurs à se faire un Belge ».

(dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Farde instruction C ­ Not. Nº. 01 00009.95 ­ 1154)


4.4. Quels renseignements les autorités belges possédaient-elles sur les promoteurs, le financement, le fonctionnement et les émissions de la Radiotélévision Libre Mille Collines (RTLM) ?

Il ressort des messages émanant de notre ambassade à Kigali ­ des télex surtout ­ qui ont déjà été évoqués aux points 4.1, 4.2 et 4.3 que les autorités belges étaient informées du discours anti-belge haineux et incendiaire que RTLM déversait sur la population rwandaise et du danger que cela faisait courir aux Casques bleus belges sur place. Quelles étaient les autres informations au sujet dudit émetteur dont disposait la Belgique ?

­ Le télex nº 86 du 31 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles (cf. points 4.2 et 4.3 ci-dessus) qui décrit F. Kabuga et F. Nahimana, des amis du président Habyarimana, comme étant actionnaires de RTLM. Ce télex évoque également, pour la première fois, la possibilité que le journaliste concerné puisse être de nationalité belge. Il parle avec un « licht Belgisch accent ».

­ Le télex nº 90 du 1er février 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles concernant notamment RTLM. « De opruiende taal van de omroep wordt steeds meer als een belangrijke factor van een mogelijk destabiliseringsscenario gezien. »

­ Le télex nº 172 du 1er mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles qui signale que « Ruggio Georges » est le nom du journaliste de RTLM en question et demande que l'on transmette toutes les données le concernant dont on dispose en Belgique.

­ Le télex nº 176 du 3 mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles. Ce télex contient le rapport d'un entretien entre l'ambassadeur et le président Habyarimana, au cours duquel les plaintes belges à l'égard de RTLM ont été réitérées (point 4.5.1).

­ Le télégramme du 11 mars 1994 du ministre des Affaires étrangères à Ambabel Kigali par lequel on transmet quelques informations sommaires au sujet de Ruggiu : « J'ai l'honneur de vous informer que cette personne est connue de mes services. Il s'agit en réalité de Georges RUGGIU, de nationalité belge (par option de patrie en 1975, son père étant italien), né à Verviers le 12/10/1957 et domicilié à Liège depuis 1987 (information datant de mai 1993). Il est le créateur avec deux ressortissants rwandais, Paulin MURAYI et Wencelas NZABALIRWA, du « Groupe de Réflexion rwando-belge ». Ce groupe a pour objectif de mener une activité militante en faveur du régime en place à Kigali et de contrer les actions du Front patriotique rwandais en Belgique. Les activités consistent en la rédaction de communiqués de presse. Il est à noter que Paulin MURAYI a été auparavant responsable de la « Communauté des étudiants rwandais en Belgique » dont le siège est installé à l'ambassade du Rwanda à Bruxelles. » Le téléx conclut par la communication « heb nog geen beslissing genomen over eventueel te ondernemen stappen ».

­ Le télex nº 209 du 15 mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles dans lequel il est rendu compte de la visite au Rwanda du ministre de la Défense (Leo Delcroix). Pour ce qui est de RTLM, « Habyarimana beloofde Delcroix matiging van de commentaren ».

­ Le télex nº 240 du 23 mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles dans lequel figure le compte rendu d'un séminaire organisé par l'ambassade de Belgique sur le rôle des médias dans le processus de démocratisation du Rwanda. Gaspard Gahigi, rédacteur en chef de ... RTLM, figurait parmi les participants.

­ Le télex nº 256 du 29 mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles. L'ambassadeur fait savoir qu'il doute de la sincérité de la promesse du président Habyarimana de modérer les communiqués de RTLM.

(idem documents SGR nº 3333).

­ Le télex nº 266 du 31 mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui signale que la campagne anti-belge qui bat son plein est probablement orchestrée sur l'ordre des autorités.

(idem documents SGR nº 3328)

­ Le télex nº 270 du 31 mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, dans lequel l'on signale qu'au cours d'un entretien qu'il a eu avec l'ambassadeur de France, le ministre rwandais de la Défense, M. Bizimana, se dit étonné que le ministre Delcroix ait exprimé, au cours de sa visite, du mécontentement à l'égard de RTLM, « puisque son propre parti avait à l'époque encouragé le président à mettre sur piste une radio libre qui pourrait former un contrepoids à la propagande de radio Muhabura (FPR) ». L'ambassadeur ajoute plus loin que « RTLM zelf in een recente uitzending beweerd zou hebben dat de IDC (de christen-democratische internationale) tot haar geldschieters behoort ».

­ Le télégramme du 1er avril 1994 que le ministre des Affaires étrangères adresse à Ambabel Kigali et dans lequel il se plaint une nouvelle fois, au point 5, de RTLM. « Étant donné tout ce que nous faisons pour le Rwanda, il est incompréhensible que cette radio, dont nous connaissons le système de financement, mène une campagne anti-belge scandaleuse. » Le Ministère des Affaires étrangères connaissait manifestement I'origine des moyens financiers de RTLM. Le groupe ad hoc n'a toutefois trouvé dans les documents examinés aucune autre précision sur le passage « dont nous connaissons le système de financement », à moins que ce passage n'ait trait au contenu du télex nº 86 et/ou du télex nº 270.

Après les événements du 7 avril 1994, la Minuar transmettra au C Ops, à la demande de JS, en date du 8 avril 1994, les coordonnées de l'endroit où se trouve l'émetteur de RTLM. « Localisation de l'émetteur 1000 collines ­ RTLM ­ rue du Commerce à NYARUGENGE en Coord 0650 8490 ».

(documents SGR nº 4493).

Dans une lettre du 12 avril 1994 et dans une note du 18 avril 1994, la sûreté de l'État fournira, elle aussi, encore quelques informations sommaires concernant la RTLM.

(documents SGR nos 6456 et 6507).

Ces deux documents ne mentionnent pas l'information principale qui était disponible, à savoir que F. Nahimana, le directeur de l'époque d'ORINFOR (l'Office d'information du Rwanda), qui était déjà désigné dans le télex nº 86 du 31 janvier 1994 comme l'un des initiateurs de RTLM, était à la tête d'un groupe de techniciens de télévision rwandais dans le cadre de deux programmes de formation auprès de la BRT et de la RTBF, qui se sont déroulés respectivement en novembre 1990 et en août 1991, et dont le coût (deux fois 25 millions de francs) a d'ailleurs été financé par l'AGCD. Outre F. Nahimana, au moins une des personnes ayant suivi une formation dans le cadre de ce projet (J.B. Karimero) est devenue membre de RTLM (voir la réponse du secrétaire d'État à la Coopération au développement à la question écrite nº 27 de M. Destexhe du 6 mars 1996 ­ Bulletin des Questions et Réponses ­ Sénat ­ 16 avril 1996 ­ 771).

La station de radiodiffusion RTLM sera finalement détruite par le FPR le 16 avril 1994. (SITREP des 18 et 19 avril 1994 de BAFDET Nairobi au SGR ­ documents SGR nº 6220).


4.5. De quelles indications les autorités belges disposaient-elles en ce qui concerne la préparation du génocide commis sur les Tutsis et du meurtre d'opposants politiques hutus ? Quels renseignements la Belgique possédait-elle sur le rôle que les milices extrémistes hutues, l'armée régulière rwandaise (FAR) et la gendarmerie nationale ont joué dans la programmation et la préparation de ce génocide ?

Comme on a pu le constater après coup dans le rapport de la Commission d'experts du 9 décembre 1994, instituée par la résolution nº 935 du Conseil de sécurité des Nations unies, et dans de nombreux rapports de la Commission des droits de l'homme du Conseil socio-économique de l'ONU et du Haut Commissariat pour les droits de l'homme de l'ONU, le génocide avait été soigneusement préparé et programmé. Sa préparation comporta notamment les éléments suivants :

1. report sine die de l'exécution des accords d'Arusha, notamment en attisant les oppositions ethniques au sein des partis politiques plutôt modérés;

2. la distribution d'armes parmi la population;

3. la formation paramilitaire des milices hutues du MRND et de la CDR (appelées Interahamwe et Impuzamugambi), qui ont perpétré le génocide conjointement avec des militaires des FAR et des membres de la gendarmerie nationale;

4. la constitution de listes de noms de Tutsis et de Hutus modérés à écarter;

5. une lente intensification de la violence à l'égard des Tutsis et des Hutus modérés et l'accomplissement de meurtres politiques.

L'attentat contre I'avion présidentiel, dans lequel le président du Rwanda, Juvénal Habyarimana, et le président du Burundi, Cyprien Ntaryamira trouvèrent la mort, a déclenché le génocide, lequel a créé les circonstances qui ont provoqué l'assassinat des 10 paras belges, assassinat qui, à son tour, a entraîné le retrait des troupes de la Minuar.

Le groupe ad hoc a examiné de quelles indications les autorités belges disposaient concernant la préparation de ce plan et quels éléments elles en connaissaient. Il convient de souligner une nouvelle fois que la période étudiée par le groupe ad hoc ne s'étend que d'août 1993 (après la conclusion des accords d'Arusha) à avril 1994. Les renseignements reçus durant cette période ne tombent évidemment pas dans le vide. Ils viennent s'ajouter aux informations que la communauté internationale possédait déjà précédemment.

La première indication claire à cet égard a été le rapport de la commission d'enquête internationale sur les violations des droits de l'homme (le rapport FIDH), qui a été publié en mars 1993 et a même entraîné le rappel de notre ambassadeur à Kigali. La commission d'enquête a utilisé initialement le terme « génocide » pour désigner quelque deux mille meurtres perpétrés systématiquement sur des Tutsis depuis le 1er octobre 1990, terme qui, dans la version officielle, a toutefois été remplacé par les passages suivants:

« The majority of the victims have been members of the minority group, the Tutsi, and they have been killed and otherwise abused for the sole reason they are Tutsi. (...) While the casualty figures established by the Commission are significant, they may be below the threshold required to establish genocide ... These technical matters aside, the tragic reality is that for the sole reason of belonging to the Tutsi group, many Rwandans are dead, have disappeared, have been seriously injured and mutilated, have been deprived of their property, or have had to flee their homes and been forced to hide or live in terror. »

Dans le rapport du rapporteur spécial Ndiaye des Nations unies concernant les mêmes faits et daté du 11 août 1993 (1), le terme « génocide » est toutefois utilisé textuellement. Après avoir présenté la situation au Rwanda comme une bombe à retardement, la population civile ayant été victime depuis octobre 1990 de massacres dont la responsabilité incombe aux milieux gouvernementaux et aux milices du MRND et de la CDR, le rapport précise, aux §§ 79 et 80 :

« The cases of intercommunal violence brought to the Special Rapporteur's attention indicate very clearly that the victims of the attacks, Tutsis in the overwhelming majority of cases, have been targeted solely because of their membership of a certain ethnic group and for no other objective reason. (...) The violations of the right to life, as described in this report, could fall within the purview of article III of the Convention, which reads :

The following acts shall be punishable :

(a) Genocide;

(b) Conspiracy to commit genocide;

(c) Direct and public incitement to commit genocide;

(d) Attempt to commit genocide;

(e) Complicity in genocide. »

En plus de ces deux rapports, l'ensemble de la communauté internationale était au courant d'au moins deux documents accablants du gouvernement rwandais (partie deux de « The Joint Evaluation of Emergency Assistance to Rwanda » de mars 1996 ­ Edit. D. Millwood ­ ISBN 87-7265-335-3/331-0/332-9/333-7/334-5).

Le premier était une lettre du 25 mars 1993 de la Première ministre rwandaise au ministre de la Défense, qui mentionnait la distribution d'armes parmi la population et appelait à s'y opposer. Le second était un rapport interne d'une commission composée d'officiers supérieurs de l'armée, intitulé « Définition et identification de l'ennemi » et daté du 21 septembre 1992. Le rapport qualifie « d'ennemis » non seulement les Tutsis à l'intérieur et à l'extérieur du Rwanda qui soutiennent le F.P.R., mais aussi les conjoints des mariages mixtes et les Hutus modérés qui s'opposent aux partisans de la ligne dure au sein du gouvernement.


4.5.1. Le boycottage des accords d'Arusha

­ Le télégramme du 16 août 1993 du ministre des Affaires étrangères à Ambabel Kigali, dans lequel il fait rapport sur la visite au département de J.B. Barayagwiza, directeur au Ministère rwandais des Affaires étrangères.

M. Barayagwiza a expliqué les raisons pour lesquelles les accords d'Arusha sont inacceptables et pourquoi leur exécution entraînera encore plus d'effusions de sang.

Il faut remarquer qu'il s'agit ici de la même personne que le directeur qui s'est exprimé au cours d'une émission télévisée de la RTBF et y a tenu des propos anti-belges virulents. Il a aussi été impliqué dans un incident avec des Casques bleus belges (cf. point 4.2). Dans la note confidentielle du colonel L. Marchal, datée de mai 1995, ce même J.B. Barayagwiza est désigné comme l'une des personnalités très influentes qui inspirent RTLM et I'un des maîtres-penseurs du génocide.

­ Le télex nº 1133 du 15 novembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles qui reproduit un texte rédigé par l'ex-Premier ministre, le Dr. Nsengiyaremye, dans lequel ce dernier affirme que l'on est en train de créer, dans l'entourage du président Habyarimana, un bloc anti-démocratique qui vise à bloquer le processus de paix.

­ Le télex nº 1134 du 15 novembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, lequel signale, en son point 3, qu'il est à craindre (« vrees bestaat ») que « Palpehutu en CDR (alsook extreme tendenzen binnen andere partijen) een gewelddadige oplossing nastreven (...) ».

­ L'info du 28 décembre 1993 du SGR (qualification B) qui, outre une longue liste d'attentats perpétrés contre des Tutsis par les Interahamwe, contient en annexe un document daté du 10 décembre 1993, lequel rend compte d'une réunion à laquelle aurait participé le colonel Bagosora et Séraphin Rwabukumba, le beau-frère du président Habyarimana. Les participants à cette réunion auraient décidé de faire appliquer une stratégie de la violence par les milices Interahamwe, laquelle viserait principalement les quartiers où les sympathisants du MRND sont peu nombreux, ce qui permettrait de torpiller les accords d'Arusha après le départ des troupes françaises.

(documents SGR nº 1239 à 1242 inclus)

­ Le télex nº 1275 du 29 décembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles. Ce télex contient le texte d'un entretien que l'ambassadeur a eu avec M. Ruhigira, chef de cabinet du président Habyarimana. M. Ruhigira a communiqué que le président ne croit pas que l'on pourra respecter la date du 29 décembre qui avait été prévue pour l'installation du gouvernement de transition. Le chef de cabinet a invoqué comme argument les conflits internes au sein du MDR et du PL, à quoi l'ambassadeur a répondu, en des termes à peine voilés, que le MRND et le président mêmes sont responsables de ces conflits et qu'ils incitent à la radicalisation et à la polarisation de la vie politique au Rwanda.

­ Le télex nº 1 du 3 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles dans lequel il est rendu compte de l'échec de l'installation du gouvernement de transition prévu par les accords d'Arusha. Dans un entretien qu'il a eu le jour même avec l'ambassadeur, le président Habyarimana a fait référence aux différends internes au sein du PL et du MDR. Le Premier ministre Twagiramungu, qui a été désigné par les accords d'Arusha, lui, rend le président Habyarimana responsable de cet échec et l'accuse de raviver lui-même ces différends en formulant sans cesse des exigences nouvelles.

­ Le télex nº 13 du 5 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles qui, en son point 3, signale que la garde présidentielle a empêché les candidats députés de l'aile modérée du PL d'assister à la prestation de serment et a, de ce fait, bloqué l'installation du parlement transitoire qui avait été prévue par les accords d'Arusha.

­ Le télex nº 17 du 7 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, dont il ressort (point 2.1) que le président Habyarimana souhaite voir figurer, dans les listes des candidats du PL et du MDR pour le gouvernement et le parlement, davantage de représentants des fractions extrémistes hutues, et ce, afin de constituer, en sa faveur, une minorité de blocage au sein du futur parlement, chose qu'il n'a pu obtenir lors des négociations à Arusha.

­ Le rapport du 9 janvier 1994 du Comd Sector Kigali au C Ops, qui signale que la manifestation violente du 8 janvier 1994 a été organisée par des partis « de la mouvance présidentielle », dans le but d'empêcher une nouvelle tentative d'organiser la prestation de serment du parlement transitoire dont l'installation était prévue par les accords d'Arusha.

(documents C Ops nº 32 811 dans le dossier de l'auditeur général près la Cour militaire ­ Farde instruction D ­ Not. nº 01 00009.95 ­ 1355)

­ Le télex nº 21 du 10 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles qui confirme que l'action violente qui avait été lancée, par les Interahamwe, le 8 janvier 1994, en vue d'empêcher l'installation du gouvernement provisoire prévue par les accords d'Arusha, avait été accompagnée et soutenue par des « véhicules officiels ».

­ Le télégramme du 9 février 1994 du ministre des Affaires étrangères à Ambabel Kigali, qui contient le rapport relatif à l'entretien du chef du service Afrique avec le président du FPR Kanyarengwe, dans lequel on peut lire que l'entourage du président rwandais distribue des armes aux milices et à la population en vue d'empêcher l'exécution des accords d'Arusha (voir infra, point 4.5.2.).

­ Les télex nº 89, 99, 120, 127 et 228, datés respectivement du 31 janvier, 3, 11 et 14 février et 18 mars 1994, d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui indiquent tous comment le MRND et le président Habyarimana exercent sans cesse de nouvelles pressions sur M. Mugenzi, président du PL, afin que ce dernier rejette tout compromis au sujet du gouvernement de transition, dans le but de prolonger l'impasse et de saboter ainsi les accords d'Arusha.

­ Le briefing du 23 mars 1994 du colonel Marchal au C Ops, dans lequel il communique que le sort en est jeté et que les institutions transitoires prévues par les accords d'Arusha pourront être installées. Il émet cependant l'avertissement suivant : « Certains éléments ultra sont tout à fait capables d'entamer un processus de déstabilisation qui n'est ni difficile à initier, ni compliqué à amplifier. »

(documents SGR nº 3257)


4.5.2. La distribution d'armes à la population par les autorités rwandaises

­ La publication « Le Flambeau » du 6 décembre 1993 (transmise par Comd KIBAT à Comd Secteur Kigali et à Comd Brigade Para-Commando), dans laquelle il est fait mention d'une réunion présidée par le président Habyarimana, qui a été tenue le 20 novembre 1993 dans son hôtel de Rebero, et au cours de laquelle il a été décidé de distribuer des grenades, des fusils, des machettes et d'autres armes aux milices Interahamwe ainsi qu'aux jeunes de la CDR.

Ce document a également été transmis au C Ops, en même temps que le SITREP du 22 décembre 1993. Le C Ops a transmis le document à JSO-P/Ops, JSO-P, PP-MDN, Bde Para-Commando, 1 Para, ainsi qu'au SGR.

(dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Not. nº 01 00009.95 ­ Farde instruction C ­ 1259).

­ Le télex nº 1272 du 27 décembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, dans lequel il est fait état de rumeurs selon lesquelles des militaires distribuent des armes aux autorités locales à plusieurs endroits du pays.

­ Le télex nº 1276 du 29 décembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, dans lequel l'ambassadeur fait rapport d'un entretien qu'il a eu le même jour avec la Première ministre Mme Uwilingiyimana, en présence d'un ministre du MRND. Elle annonce que les services de renseignements de son département n'excluent pas la distribution d'armes par le Ministère de la Défense.

­ Le télex nº 5 du 4 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, point 3.3 « vous rappelle par ailleurs les informations relatives à la distribution d'armes dans certaines régions du pays attribuée à la mouvance présidentielle ».

­ Le télex nº 20 du 8 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui confirme que des armes sont distribuées à la population par les « presidentiële middens ».

­ Le télex nº 32 du 13 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles (voir le point 4.3), et plus précisément le point 3, qui dit que « volgens de informant worden geheime wapendepots aangelegd bij de burgerbevolking (...) ».

­ Le télex nº 45 du 15 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles (point 4.3), et plus précisément le point 2 :

« UNAMIR beschikt nu over voldoende bewijzen over het bestaan van minstens vier geheime wapenopslagplaatsen. De voornaamste « cache » betreft het hoofdkwartier van de MRND zelf in de wijk van Kimihurura. De informant toonde er verscheidene tientallen geweren aan een Afrikaans UNAMIR-officier die speciaal was aangeduid door generaal Dallaire om de informant te vergezellen ».

Le point 3 précise que la Minuar a tendance à déclencher le plus rapidement possible une opération de découverte de ces dépôts d'armes, « omdat zij weet dat deze wapens in de komende dagen zullen verdwijnen in de richting van de Interahamwe en de burgerbevolking ».

Après avoir constaté que New York diffère la décision de démanteler les dépôts d'armes, l'ambassadeur lance une mise en garde : « zal de distributie in de komende dagen voortgezet worden met alle risico's die hieraan verbonden zijn wat betreft de verdere destabilisering van het land » (point 7).

­ L'info du 17 janvier 1994 du SGR (qualification B-2), dont les points 5 et 6 font état de distributions d'armes à la population. La source, l'ancien ministre de la Fonction publique Nyandwy (MRND), « (...) a dû admettre que certaines autorités communales distribuaient des armes (...) ».

(documents SGR nº 1694)

­ La lettre du 19 janvier 1994 de la Première ministre, Mme Uwillingiyimana, à un groupe de ministres du gouvernement rwandais appartenant principalement à la tendance MRND, dans laquelle elle accuse le ministre de la Défense de refuser de donner suite à la décision du Conseil des ministres suivant laquelle les armes qui ont été distribuées illégalement à la population devaient être rassemblées à nouveau.

(documents SGR nº 2756).

­ Le télex nº 54 du 20 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, selon lequel M. Booh Booh dit que toutes les armes ont, entre-temps, disparu des dépôts clandestins. »Het valt dus te vrezen », poursuit le télex, « dat ze onder de lokale overheden, Interahamwe en burgerbevolking verdeeld zijn ».

­ Le télégramme du 20 janvier 1994 de DelbelUNO à Minafet Bruxelles (point 4.3), dans lequel M. Riza, l'adjoint du responsable des opérations de paix de l'ONU, dit avoir appris de Kigali que « de milities van Habyarimana zouden doorgaan met de uitdeling van wapens aan de bevolking. »

­ Le rapport du 7 février 1994 du lieutenant Nees à Comd Secteur Kigali, avec copie à Comd KIBAT et C Ops (ce document a été cité au point 4.3), dans lequel il communique le texte d'une lettre, datée du 8 janvier, dans laquelle un informateur signale que les dirigeants du MRND et les têtes de l'armée et de la gendarmerie rwandaises ont décidé de transférer les dépôts clandestins d'armes chez des officiers de l'armée rwandaise.

(documents SGR nº 2173).

­ L'info du 7 février 1994 du SGR (qualification B-2-3), dans laquelle il est fait état que, d'après un ancien membre de la garde présidentielle, l'on entrepose de grandes quantités d'armes et de munitions dans les trois résidences du président Habyarimana (Gisenyi, Ruhengeri et le camp de Kanombe).

(documents SGR nº 2440).

­ Le télégramme du 9 février 1994 du ministre des Affaires étrangères à Ambabel Kigali contenant le rapport relatif à l'entretien entre le chef du service Afrique et le président du F.P.R. Kanyarengwe et, plus particulièrement, le point 2.3 « l'entourage présidentiel continue à distribuer des armes aux milices et à la population. Le but ne peut être que de provoquer en temps opportun des troubles sanglants pour empêcher ainsi l'exécution des accords d'Arusha (...) ».

­ Le rapport du 3 mars 1994 du major Podevijn au général Dallaire, avec copie au SGR, dans lequel le major fait mention de distributions d'armes aux milices locales dans la région de Gikondo.

(documents SGR nº 3252).

­ Le rapport du 30 mars 1994 du secrétaire général des Nations unies Boutros Boutros-Ghali au Conseil de sécurité, plus particulièrement le point 26 (f) « (...) l'on fait de plus en plus mention d'entraînements paramilitaires et de distributions d'armes ». (traduction).

­ Le fax nº 100 du 5 avril 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles contenant une lettre du F.P.R. adressée au président du Conseil de sécurité des Nations unies, dans laquelle on fait notamment mention du fait que les autorités rwandaises distribuent des armes à la population.


4.5.3. La formation paramilitaire des milices hutues (Interahamwe et Impuzamugambi) et l'implication des autorités rwandaises

­ Le document du 3 septembre 1993 qui contient les enquêtes de l'organisation de défense des droits de l'homme A.R.D.H.O. (transmis le 6 octobre par Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles) concernant l'entraînement aux méthodes « commando » donné aux milices Interahamwe à Gabiro/Gishwati, Gako et Rwabusoro, l'implication de ces mêmes milices hutues dans des dizaines d'incidents et de tueries et la demande, dès lors, de consigner les armes.

­ La lettre du 18 novembre 1993 du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) au Ministère rwandais des Affaires étrangères (transmis le 7 décembre 1993 à Minafet Bruxelles par Ambabel Kigali) qui attire l'attention sur des formations paramilitaires dans les camps de réfugiés burundais au sud du Rwanda, ce qui est contraire à l'article 3 de la Convention de l'OUA du 10 septembre 1969.

­ Le télex nº 1214 du 3 décembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui signale que la garde présidentielle entraîne des jeunes en vue d'effectuer des « rafles » à Kigali. L'armée rwandaise, quant à elle, apporte sa collaboration aux Palipehutu dans le cadre de l'entraînement paramilitaire des réfugiés burundais. Le télex cite les emplacements des trois camps où s'effectue cet entraînement.

­ Le télex nº 1276 du 29 décembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, dans lequel la Première ministre Mme Uwilingiyimana confirme à l'ambassadeur, en présence d'un ministre du MRND, que les services de renseignements de son département disposent d'informations fiables qui font état d'entraînements paramilitaires. Elle ignore cependant les raisons et la finalité de ces entraînements.

(Cf. point 4.5.2.)

­ Le rapport du 5 janvier 1994 du major Podevijn au général Dallaire, avec copie au SGR, qui contient le compte rendu d'une réunion, tenue le 4 janvier 1994, au cours de laquelle l'on a indiqué les emplacements de deux dépôts clandestins d'armes et des lieux où se déroulent les entraînements paramilitaires des Interahamwe.

(Documents SGR nº 1857.)

­ Le briefing du 7 janvier 1994 du SGR au C Ops qui indique la forêt de Nyungwe comme étant le lieu où s'effectuent les entraînements paramilitaires des Interahamwe. Ce document signale qu'il ne faut pas exagérer l'importance de ces entraînements. Il indique cependant qu'il existerait un escadron de la mort qui bénéficierait, tout comme les Interahamwe, de la protection des autorités locales.

(Documents SGR nº 7294.)

­ Le télex nº 32 du 13 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles (voir point 4.3.), qui signale que « volgens een informant (...) werden reeds 1 700 jongeren opgeleid in kampen buiten Kigali. 300 daarvan werden na de aankomst van Unamir gevormd ».

­ Le procès-verbal de la réunion de coordination Affaires étrangères-Défense du 13 janvier 1994, dans lequel il est signalé, au point 2 :

« UNAMIR estime à environ 1 500 le nombre des milices MRND. »

­ Le complément d'information du 2 février 1994 du SGR à divers destinataires. Ce document comprend une étude fouillée des Interahamwe qui, outre une liste énumérant les dizaines d'attentats et de meurtres perpétrés par ces milices, explique en détail de quelle manière elles sont organisées, où s'effectuent les entraînements paramilitaires et qui assure ces derniers. Les milices se déplacent dans les camions de l'Onatracom (la société publique de transport) et ont à leur disposition les moyens de communication de l'armée rwandaise. « Ayant également le soutien de personnalités de l'ancien régime toujours en fonction, ils jouissent d'une impunité presque totale » ce qui fait référence à la complicité de la police et de la gendarmerie rwandaises. Un commentaire détaillé joint à la note précitée signale qu'il ne faut pas non plus exagérer l'importance des Interahamwe et les résultats de leurs actions. En effet, d'autres tendances se font aussi jour parmi la population, mais celle-ci vit dans la crainte des représailles des milices. Pour ce qui est de l'implication de la présidence et du MRND, l'étude dit ceci : « nous pensons que nier le problème serait de l'inconscience et que des présomptions suffisantes existent pour en faire endosser la responsabilité aux autorités proches de la présidence de la République et du parti MRND. Les démentis officiels ne changent rien à cette conclusion. »

(Documents SGR nºs 7340 et suivants ­ déjà cités au point 4.3.)

­ Le rapport du 2 mars 1994 du lieutenant Nees à Comd KIBAT, avec copie à C Ops, et, en particulier, son point 3, où l'on peut lire que, d'après des renseignements obtenus de la Première ministre, Mme Uwillingiyimana, les Interahamwe sont désormais formés et armés et, en dehors de la préfecture de Gitarama, l'on ne trouve plus de cellule ou de secteur où les « Interahamwemensen » ne soient pas représentés.

(Documents SGR nº 3058.)

Ce rapport a été transmis au C Ops en même temps que le SITREP du 3 mars 1994. Le C Ops l'a transmis à son tour à JSO-P/Ops, JSO-P, PP-MDN, ainsi qu'au SGR.

(Dossier de l'auditeur général près la Cour militaire ­ Not. nº 01.00009.95 ­ Farde instruction C ­ 1259.)

­ Le rapport du 30 mars 1994 du secrétaire général des Nations unies Boutros-Ghali au Conseil de sécurité, et plus particulièrement son point 26 (f) : « (...) increasing reports of paramilitary training and arms distributions (...) ».


4.5.4. La constitution de listes d'exécution

­ La publication « Le Flambeau » du 17 décembre 1993 (transmise le 23 décembre 1993 par Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles), où il est question de la création de « commissions d'identification », qui doivent signaler les noms des personnes à éliminer.

(Idem point 4.5.6.)

­ Le télex nº 45 du 15 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui fait état de la mission qu'ont reçue les Interahamwe de « localiser les familles tutsies ».

(Idem point 4.5.6.)

­ Le complément d'information du 2 février 1994 du SGR, adressé à différents destinataires, concerne la mission des Interahamwe d'assassiner des Tutsis (voir point 4.5.4.) : « Ils auraient notamment reçu la mission de localiser toutes les familles Tutsi. Des assassinats de Tutsi seraient prévus, dans les zones où ils sont concentrés ».

(Documents nºs 7340 et suivants du SGR ­ déjà cités aux points 4.3. et 4.5.3.)


4.5.5. L'augmentation des violences et des assassinats de leaders politiques

Parmi les documents consultés, il y a des dizaines de rapports faits par des organisations d'aide et de défense des droits de l'homme concernant des violences commises dans le courant de l'année 1993 et au début de 1994, qui mettent chaque fois en évidence l'implication du président Habyarimana, des autorités rwandaises et des milices extrémistes hutues. Les victimes sont chaque fois des Tutsis ou des Hutus modérés. Les télex que l'ambassade de Belgique à Kigali a envoyés au Ministère des Affaires étrangères à Bruxelles, eux aussi, contiennent de nombreuses indications en ce sens.

­ Le télex nº 816 du 2 août 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles fait état de violences et d'« une nouvelle preuve de l'existence des escadrons de la mort dont l'objectif est d'éliminer physiquement les opposants au président Habyarimana ».

­ Le télex nº 1030 du 18 octobre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles qui fait état de remous fomentés par le MRND et de violences commises par les Interahamwe.

­ La communication du 30 octobre 1993 de l'organisation des droits de l'homme AVP (Association des volontaires de paix) (transmise à Minafet Bruxelles le 16 novembre 1993), dans laquelle l'on mentionne que des responsables de la CDR et du MRND, ainsi que des réfugiés hutus burundais se sont lancés dans une chasse aux Tutsis. Dans sa lettre d'accompagnement, l'ambassadeur ajoute : « même si cette dénonciation est restrictive, elle ne reflète pas moins une réalité rapportée par ailleurs (...). »

­ Le télex nº 1163 du 19 novembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, dans lequel l'on rapporte des massacres horribles qui ont eu lieu à Ruhengeri dans la nuit du 17 au 18 novembre et au cours desquels ont péri au moins vingt mandataires locaux, des femmes et des enfants. D'après les médias rwandais, il faut chercher les coupables au FPR, mais l'ambassadeur en doute et pense qu'il faudrait plutôt chercher le cerveau de ces attaques dans l'entourage du président Habyarimana : « zit secretaris van Habyarimana kolonel Sagatwa hierachter en wil men onterecht schuld in schoenen van FPR schuiven ? »

(Idem documents du SGR nºs 660 et 663.)

­ Le télex nº 1185 du 26 novembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles où l'on signale que la RTLM a appelé à assassiner la Première ministre, Mme Uwilingiyimana, et le Premier ministre du gouvernement de transition, désigné dans le cadre des accords d'Arusha, M. Twagiramungu.

(Idem documents nº 654 du SGR.)

­ Le fax nº 278 du 1er décembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles contenant un rapport de l'organisation de défense des droits de l'homme A.R.D.H.O. Le rapport mentionne des dizaines d'attentats et d'assassinats commis sur des Tutsis au cours du mois de novembre dans les communes de Birenga, Rutonde, Muhazi, Kayonza, Kigarama, Gikomero, Bicumbi, Ngenda et Nyamata, qui sont principalement l'oeuvre des Interahamwe. Les auteurs de ces assassinats n'hésitent d'ailleurs pas, d'après le rapport « (...) à déclarer que cette population est complice des Inkotanyi, car essentiellement tutsi et que son extinction serait une bonne affaire pour eux ».

­ Le télex nº 1212 du 3 décembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, dans lequel on déclare, sans tirer de conclusion définitive, estimer plausible l'hypothèse selon laquelle, contrairement à la version officielle, les violences qui ont éclaté dans le nord du Rwanda dans la seconde partie du mois de novembre (les massacres de la nuit du 17 au 18 décembre à Ruhengeri, l'attaque du camion de la Croix-Rouge belge le 26 novembre, les massacres de la nuit du 29 au 30 novembre à Mutara) seraient l'oeuvre de groupes de la CDR et du MRND qui visent à mettre en péril les accords d'Arusha.

(Idem documents nº 1416 du SGR.)

­ L'info du 28 décembre 1993 du SGR (qualification B) faisant rapport de plusieurs assassinats de Tutsis et attentats contre des membres de cette ethnie, dans lesquels des militants des Interahamwe ou du CDR sont à chaque fois impliqués.

(Documents SGR nº 1239 et suiv.)

­ Le SITREP du 29 décembre 1993 de la Minuar au SGR confirme que les Interahamwe lancent des actions contre les Tutsis avec l'aide des autorités rwandaises et, notamment, de la gendarmerie.

(Documents nº 1316 du SGR.)

­ Le briefing du 30 décembre 1993 du SGR au C Ops, dans lequel l'on précise le rôle des Interahamwe qui veulent créer une situation d'insécurité généralisée.

(Documents nºs 7292 et suivants du SGR.)

­ Le télex nº 46 du 17 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles contenant le rapport de la semaine du 10 au 16 juillet, dans lequel il est fait état, notamment, d'une nouvelle série d'actes de terrorisme et d'intimidations contre les Tutsis et les organisations de défense des droits de l'homme; la garde présidentielle est soupçonnée d'en être l'auteur.

­ La communication du 1er février 1994 de l'organisation de défense des droits de l'homme ARDPH (Association pour la protection des droits de l'homme) (envoyée à Minafet Bruxelles le 15 février 1994) qui rapporte une série d'attaques et d'assassinats perpétrés par les milices du MRND et de la CDR, « des manifestations qui ne visaient que l'extermination de toute personne qui n'est pas adhérée à leur parti politique ».

(Envoyé à Minafet Bruxelles le 15 février 1994.)

­ Le complément d'information du 2 février 1994 du SGR à différents destinataires, qui contient une liste longue de trois pages mentionnant l'ensemble des attaques et des assassinats imputés aux Interahamwe et à leurs complices.

(Documents nº 7340 du SGR ­ déjà cités aux points 4.3, 4.5.3 et 4.5.4.)

­ Procès-verbal de la réunion de coordination Affaires étrangères-Défense, du 3 février 1994, au cours de laquelle l'état-major général de l'armée belge confirme qu'un sentiment d'insécurité règne parmi la population de Kigali à la suite d'une série d'attentats à la grenade. Le procès-verbal ajoute : « Il s'agit à son avis d'une action concertée ».

­ Le briefing du 11 février 1994 du SGR au C Ops, qui indique en son point 3 que l'on note une diminution perceptible du nombre d'incidents qui a sans doute été possible grâce à un changement d'attitude des Interahamwe.

(Documents nºs 2685 et 7358 du SGR.)

­ Les télex nºs 151, 154 et 157 des 23 et 24 février 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, dans lesquels l'on fait rapport de l'assassinat du secrétaire général du PDS, M. Gatabazi, du président du CDR M. Buruyana, et des attaques et assassinats commis ensuite contre des Tutsis par les militants du CDR. « Les violences semblent depuis la soirée du 22/2/94 essentiellement à caractère ethnique (...). »

­ Le SITREP du 25 février 1994 de Comd Secteur Kigali à C Ops, dans lequel il est fait état de la persistance des troubles et du fait qu'un nombre sans cesse plus important de familles se regroupent dans une même habitation. « Un autre phénomène se développe. Nombreux sont les gens qui recherchent protection et asile chez les religieux et même chez les fonctionnaires ONU ».

(Documents C Ops nº 3344 dans le dossier de l'auditeur général près la Cour militaire ­ Not. nº 01.00009.95 ­ Farde instruction D ­ 1400.)

­ Le rapport du 26 février 1994 du lieutenant Nees au Comd KIBAT, avec copie au Comd Secteur Kigali et au C Ops, qui décrit les circonstances dans lesquelles a eu lieu le meurtre du secrétaire général du PSD, M. Gatabazi. Le professionnalisme dont ont fait montre les auteurs de l'embuscade permet de retenir deux hypothèses : ou bien les auteurs appartiennent à la garde présidentielle, qui a été formée par la sûreté israélienne, ou bien l'embuscade est l'oeuvre du FPR, qui chercherait ainsi à exacerber l'inimitié entre les Hutus du Nord et les Hutus du Sud.

(Documents SGR nº 2342 et suivants.)

­ Le rapport C Ops du 28 février 1994 qui signale l'ouverture de deux centres d'accueil (à Remera dans les environs du Stade Amahoro et à Magerwa, près de Rwandex) destinés à accueillir les Tutsis qui demandent asile et que la peur suscitée par la violence ethnique ambiante ont incités à chercher une protection dans les installations de l'ONU.

(Documents SGR nº 2652 et suiv. et documents C Ops nº 3500 et suiv.)

Ce document reprend les informations communiquées au C Ops par le Comd Secteur Kigali dans son SITREP du 26 février 1994, lequel signalait que « les dernières 16 heures ont été caractérisées par une psychose de violence ethnique de la part des Tutsis ».

(Documents SGR nº 2563.)

­ Le télex nº 168 du 1er mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui contient un rapport relatif à l'entretien entre l'ambassadeur et la veuve de M. Gatabazi : « ... maar toch weegt de verdenking volgens hen eerder op de president en zijn entourage. »

Ce soupçon est renforcé par un télex du 3 mars 1994 du ministre des Affaires étrangères à Ambabel Kigali. En effet, d'après la Sûreté de l'État, l'assassinat de Gatabazi serait dû au fait qu'il possédait des documents relatifs à des malversations financières compromettantes pour le président Habyarimana. Dans le télex nº 184 du 5 mars 1994, Ambabel Kigali transmet, à son tour, deux messages d'un informateur à Minafet Bruxelles, qui mettent en évidence l'implication directe du président et de son entourage.

(Plus de précisions au point 4.10.4.)

­ Le télex nº 205 du 15 mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui mentionne un attentat à la grenade contre l'ancien Premier ministre, le Dr Nsengiyeremye (MDR).

­ Le télex nº 245 du 24 mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui fait état d'une montée des violences.

­ La communication du 24 mars 1994 du CLADHO (le collectif des ligues et associations de défense des droits de l'homme) (envoyé à Minafet Bruxelles le 6 avril 1994), dans laquelle est mentionnée une nouvelle liste d'assassinats et dans laquelle l'on demande de désarmer les bandes.


4.5.6. La préparation de la planification du génocide

­ Le télex nº 1185 du 26 novembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui relate l'entretien qu'a eu l'ambassadeur avec la Première ministre, Mme Uwillingiyimana, à la suite des massacres abominables perpétrés à Ruhengeri dans la nuit du 17 au 18 novembre 1993, d'une part, et du refus du président Habyarimana, d'autre part, de réprimander le ministre de la Défense qui avait rejeté la responsabilité de ces massacres sur le FPR, alors que les responsables devraient plutôt être cherchés dans les milieux extrémistes hutus. La Première ministre soupçonne M. Habyarimana d'avoir l'intention de perpétrer « een staatsgreep, een reprise en main, na eerst een algemeen bloedbad te hebben aangericht ? » Elle demande aux pays occidentaux d'intervenir auprès de Habyarimana. L'ambassadeur estime cependant : « m.i. dient vermeden te worden dat in deze zaak overhaastig wordt gereageerd en dat de indruk wordt gewekt dat het diplomatiek korps zich onvoorwaardelijk achter de Eerste Minister schaart ».

(Idem documents SGR nº 654.)

­ La lettre du 3 décembre 1993 adressée par des officiers supérieurs de l'armée au général Dallaire (non signée, mais Ambabel Kigali, qui transmet ce document le 14 décembre 1993 au Ministère des Affaires étrangères à Bruxelles, est en mesure de signaler confidentiellement que l'auteur de la lettre est une personne haut placée).

Le groupe ad-hoc a cependant jugé préférable de ne pas mentionner son nom dans le présent rapport pour ne pas mettre en péril sa sécurité personnelle et celle des membres de sa famille qui seraient encore en vie.

La lettre révèle que le président Habyarimana a conçu un « plan machiavélique » (traduction), dans le cadre duquel « d'autres massacres du genre sont en train de se préparer et devront s'étendre sur toutes les régions du pays, à commencer par les régions dites à forte concentration de l'ethnie Tutsi ... ce plan (...) vise également certaines hautes autorités de ce pays (...) ».

Et l'on cite à cet égard le nom du chef du PSD, Gatabazi. Le groupe ad-hoc constate que deux mois plus tard, le 22 février 1994, Gatabazi a été assassiné, ce qui renforce, plus d'un mois avant le déclenchement du génocide, la fiabilité des autres éléments avancés dans la lettre. Le Ministère de la Défense nationale avait également connaissance de cette lettre.

(Documents SGR nº 1277 et suivants.)

­ Le télex nº 1236 du 13 décembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles. L'ambassadeur ne se contente pas de citer des dizaines d'incidents ethniques violents. Il fait également référence à une communication du CLADHO, ladite organisation de coordination des associations de défense des droits de l'homme, qui signale à la Minuar que l'escalade de la violence politique et ethnique est due à un « plan machiavélique » de « certaines autorités civiles et militaires » et à la « propagande médiatique fasciste de certains medias publics et privés (...) orchestrée par des groupes à la solde des tenants réels du pouvoir ». Habyarimana doit prendre ses responsabilités, affirme le CLADHO, « en vue de mettre fin à l'extermination du genre humain dans lequel s'est engagée une organisation de tueurs qui semble bénéficier de la protection ou de la complicité de certaines autorités ». Le CLADHO lance un avertissement et « interpelle vigoureusement la communauté internationale pour qu'elle s'élève contre toute la banalisation du crime au Rwanda ».

­ La publication « Le Flambeau » du 17 décembre 1993 (transmise le 23 décembre 1993 par Ambabel Kigali au Ministère des Affaires étrangères à Bruxelles) qui décrit en détail le plan qui est élaboré et qui est défini comme étant la « solution finale ». On y mentionne notamment la formation paramilitaire des Interahamwe, la collaboration de la société de transport ONATRACOM, l'aide qu'elles ont reçue à cet effet des militaires français et la constitution de « commissions d'identification » qui doivent citer les noms des personnes à éliminer. Le Ministère de la Défense avait également connaissance de cette publication. Elle a été transmise au C Ops avec le SITREP du 22 décembre 1993; le C Ops l'a fait parvenir à JSO-P/Ops, JSO-P, PP-MDN, Bde Para-commando, 1 Para et au SGR.

(Documents SGR nº 1128 et le dossier de l'auditorat général près la Cour militaire Not. nº 01.00009.95 ­ Farde instruction C ­ 1259.)

­ Le télex nº 32 du 13 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles (point 4.3.), dans lequel l'ambassadeur déclare, en se basant sur les révélations faites par un informateur au sujet des dépôts clandestins d'armes, des entraînements paramilitaires et de l'implication de la gendarmerie et de plusieurs ministres, plus particulièrement au point 6 : « alleszins zal een ernstig onderzoek naar de activiteiten der Interahamwe en aanverwante destabiliseringsplannen moeten bepleit worden ».

­ Le télex nº 41 du 14 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles (voir le point 4.3.), dans lequel il est fait rapport, plus particulièrement au point 3, des rencontres entre l'ambassadeur et la Première ministre, Mme Uwilingiyimana, le Premier ministre désigné en vertu des accords d'Arusha, M. Twagiramungu, et le FPR. « Zij hadden allen vrees voor algemeen destabiliseringsplan uitgeproken ».

­ Le télex nº 44 du 15 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles à la suite d'un entretien téléphonique avec le chef de cabinet du Ministère des Affaires étrangères à Bruxelles. Au point 3, l'on souligne une fois de plus la possibilité que le président Habyarimana, « zoals velen beweren », soit impliqué dans un « plan de déstabilisation machiavélique ».

­ Le télex nº 45 du 15 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles (voir point 4.3), plus particulièrement en son point 3. Les caches d'armes localisées par la Minuar avec l'aide d'un informateur font partie d'un « plan de déstabilisation ». « Volgens de informant is het destabiliseringsplan zeer goed georganiseerd. De Interahamwe opereren in talrijke sectoren en hebben reeds opdracht gekregen de Tutsi-families te lokaliseren ».

­ Le briefing ­ non daté, mais classé parmi les documents fin janvier, début février 1994 ­ aucune indication quant à l'auteur ou quant au destinataire ­ intitulé « Briefing about subversive informations/actions », lequel contient des informations concrètes concernant le « réseau Zéro » du colonel Sagatowa, la localisation et les noms des responsables des camps d'entraînement. La note mentionne plus particulièrement que « (...) slaughterings are being prepared to be executed in areas where Tutsi are concentrated ». Ces massacres visent à provoquer le FPR et à torpiller ainsi les accords d'Arusha.

(Documents SGR nº 1788.)

­ Le complément d'information du 2 février 1994 du SGR à différents destinataires mentionne, en son point 1 d., à propos des missions des Interahamwe : « Ils auraient notamment reçu la mission de localiser toutes les familles tutsies. Des assassinats de Tutsi seraient prévus dans les zones où ils sont concentrés ».

(Documents SGR nº 7340 et suiv. ­ cités sous les points 4.3. et 4.5.3.)

­ Le télex nº 99 du 3 février 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles qui contient un avertissement de la part de la Première ministre Uwilingiyimana. L'on est en plein dans un « scénario de déstabilisation », notamment par des actions subversives des Interahamwe, par des distributions d'armes parmi la population et par des provocations ethniques de la RTLM.

­ La communication du 25 février 1994 de l'organisation de défense des droits de l'homme AVP (Association des volontaires de la paix). « Dénonce le génocide des tutsi programmé par les extrémistes de la CDR et du MRND ».

(Envoyée à Minafet Bruxelles le 11 mars 1994.)

­ Le télex du 25 février 1994 du ministre des Affaires étrangères à DelbelUNO relatif au mandat des Casques bleus belges, dans lequel le ministre même évoque la possibilité d'un génocide. Point 1 : « De politieke moorden, de daarop volgende onlusten, de verslechtering in het veiligheidsklimaat, zouden wel eens tot een nieuw bloedbad kunnen leiden ». Point 5 : « In geval de toestand inderdaad zou verslechteren en vernoemde Minuar-orders in voege zouden blijven, is het voor de publieke opinie onaanvaardbaar dat Belgische blauwhelmen in Rwanda passieve getuigen van volkenmoord zouden kunnen worden (...) ».

­ Les SITREPS des 25 et 26 février 1994 de Comd Secteur Kigali au C Ops, déjà cités au point 4.5.5., qui signalent l'existence, à Kigali, d'« une psychose de violence ethnique de la part des Tutsis ». Les familles se regroupent et cherchent protection et asile auprès des religieux et des fonctionnaires de l'ONU. L'ONU a créé deux centres d'accueil à cet effet.

(Documents C Ops nºs 3344 et 3428 dans le dossier de l'auditeur général près la Cour militaire ­ Not. nº 01.00009.95 ­ Farde instruction D ­ 1400 en 1402.)

­ Le télex nº 172 du 1er mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui communique que la chaîne RTLM créée par la CDR diffuse « des déclarations inflammatoires appelant à la haine ­ voire même l'extermination ­ de l'autre composante ethnique de la population ».

­ Le rapport du 2 mars 1994 du lieutenant Nees à Comd KIBAT et plus particulièrement son point 6, dans lequel il est fait mention d'un plan visant à exterminer tous les Tutsis de Kigali. « Volgens onze medewerker bij MRND heeft deze partij een volledig plan uitgewerkt om in geval van een FPR-aanval, alle Tutsi's in Kigali uit te moorden. In volgende kwartieren zijn reeds een groot deel van de Tutsi's gevlucht of brengen zij de nacht niet meer door : Kimicanga, Kicukiro centrum, Gatenga, Karambo, Gikondo-Nyenyeri, Kabuye, een gedeelte van Kimisagara, een deel van Kacyiru en Gatsata ».

(Documents SGR nº 3059.)

Ce rapport a été remis au C Ops en même temps que le SITREP du 3 mars 1994. C Ops l'a transmis à JSO-P/Ops, JSO-P, PP-MDN ainsi qu'au SGR.

(Dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Not. nº 01.00009.95 ­ Farde instruction C ­ 1259.)

­ Le rapport du 4 mars 1994 du lieutenant Nees à Comd KIBAT avec copie au C Ops, et plus particulièrement le point 2 de ce rapport, dans lequel l'on signale que, dans plusieurs quartiers de Kigali, les Tutsis ne dorment plus chez eux mais se regroupent pour passer la nuit dans des centres de jeunesse et des maisons paroissiales.

(Documents SGR nº 3003.)

­ L'info du 14 mars 1994 du SGR (qualification 2), qui fait état du contenu d'une lettre d'un Belge résidant au Rwanda : entre autres : « Si la Minuar s'en va, le PNUD s'en ira aussi et sans doute également la coopération belge. Alors, la nuit des longs couteaux pourra débuter mais on n'en est pas encore là, heureusement ! »

(Documents SGR nº 3207.)

­ Le télégramme du 30 mars 1994 de DelbelUNO à Minafet Bruxelles, comprenant le rapport au sujet d'un entretien que l'ambassadeur belge à l'ONU a eu avec le général Dallaire. Celui-ci doute qu'il existe un « masterplan » qui viserait à une confrontation.

Les déclarations faites le 4 avril 1994 par le colonel Bagosora en présence du général Dallaire, de M. Khan, conseiller du représentant spécial des Nations unies, de M. Booh Booh, et du colonel Marchal, lors d'une réception organisée à l'hôtel Méridien à l'occasion de la fête nationale du Sénégal, deux jours avant l'attentat contre l'avion présidentiel et le déclenchement du génocide : « la seule solution plausible pour le Rwanda serait l'élimination des Tutsis ».

(Interrogatoire du colonel Marchal le 29 novembre 1995 ­ dossier auditeur général près la Cour militaire ­ Farde instruction C ­ Not. nº 01.00009.95 ­ 1227.)

Dans un rapport confidentiel du colonel Marchal rédigé en mai 1995, soit plus d'un an après les événements, ce dernier déclare : « Tout le monde savait, même en Belgique, ce qui allait se passer car le cadre du génocide était en place depuis longtemps ».

Enfin, le groupe ad-hoc remarque que, puisque le SGR n'a pas reçu l'autorisation de laisser le groupe ad-hoc consulter les documents en provenance des autorités américaines, l'on n'a pas pu vérifier si les autorités belges étaient au courant de la « desk level analysis » de janvier 1994 de la CIA, dont un des scénarios relatifs aux développements qui pouvaient avoir lieu au Rwanda prévoyait un massacre de la population, au cours duquel pas moins d'un demi-million de morts seraient déplorés (« desk level analysis » de la CIA relative au Rwanda, citée dans « The joint Evaluation of Emergency Assistance to Rwanda », mars 1996, édit. D. Millwood, ISBN 87-7265-335-3/331-0/332-9/333-7/334-5).


4.6. Quel était le mandat des troupes de la Minuar ? Quelles en étaient les difficultés ? Quelles démarches concrètes a-t-on faites pour le modifier ou l'étendre ?

Le mandat des troupes de la Minuar est fondé sur le point 3 de la résolution nº 872 approuvée le 5 octobre 1993 par le Conseil de sécurité des Nations unies. Le texte du point 3 de la résolution est libellé comme suit :

« (...) the Mission shall have the following mandate:

a) To contribute to the security of the city of Kigali, inter alia, within a weapons-secure area established by the parties in and around the city;

b) To monitor observance of the cease-fire agreement, which calls for the establishment of cantonment and assembly zones and the demarcation of the new demilitarised zone and other demilitarisation procedures;

c) To monitor the security situation during the final period of the transnational Government's mandate, leading up to the elections;

d) To assist with mine clearance, primarily through training programmes;

e) To investigate at the request of the parties, or on its own initiative, instances of alleged non-compliance with the provisions of the Protocol of Agreement on the Integration of the Armed Forces of the Two Parties, and to pursue any such instances with the parties responsible and report thereon as appropriate to the Secretary-General;

f) To monitor the process of repatriation of Rwandese refugees and resettlement of displaced persons to verify that it is carried out in a safe and orderly manner;

g) To assist in the coordination of humanitarian assistance activities in conjunction with relief operations;

h) To investigate and report on incidents regarding the activities of the gendarmerie and police. »

Tel qu'il est défini dans la résolution nº 872, ce mandat se basait sur les accords d'Arusha conclus le 4 août 1993. À l'origine, ces accords confiaient un mandat bien plus large à ce qui s'appelait alors encore la force internationale neutre (FIN). Les accords d'Arusha prévoyaient que la mission de la FIN consistait à « guarantee overall security of the country », tandis que le point 3a de la résolution nº 872 qualifie le mandat de la façon suivante : « to contribute, to the security of the city of Kigali, inter alia, within a weapons-secure area established by the parties in and around the city ».

Le mandat qui avait été confié à la Minuar en vertu de la résolution nº 872 a été traduit par la suite en un certain nombre de directives spécifiques, dont les deux plus importantes ­ en tout cas pour ce qui est des questions abordées dans le présent rapport ­ étaient les « Rules of Engagement » (Règles d'engagement ­ ROE) et la « Procédure opérationnelle pour l'établissement de la zone de consignation d'armes de Kigali ». Les ROE représentent un ensemble de dispositions impératives et prohibitives à l'usage des Casques bleus des Nations unies, qui prévoient à quel moment et dans quelle mesure ceux-ci peuvent recourir à la force dans l'exercice du mandat, et qui doit accorder l'autorisation pour ce faire.

La « procédure opérationnelle pour l'établissement de la zone de consignation d'armes de Kigali », quant à elle, définit les missions essentielles du mandat, à savoir créer une zone désarmée à Kigali et aux alentours, la « Kigali Weapon Secure Area » (KWSA).

La version provisoire de ces deux documents n'a été disponible qu'après le déploiement des troupes de la Minuar, de sorte que le Comd Sector Kigali ­ du moins selon son rapport confidentiel de mai 1995 (page 7) ­ a dû commencer sa mission sans disposer d'aucune directive, d'aucun document, même pas les ROE... Les ROE ont été arrêtées par le quartier général des Nations unies à New York, après concertation avec les autorités militaires des pays participant à la Minuar, parmi lesquels figure également la Belgique. C'est ainsi notamment que le rapport du C Ops du 16 novembre 1993 signale que « le second draft ROE adapté suivant les commentaires BE et autres a été transmis par FC à ONU NY pour approbation », tandis que le rapport du C Ops du 17 novembre 1993 fait état d'une réunion avec le général Dallaire concernant la redéfinition de la mission et des ROE, laquelle aura lieu le 18 novembre 1993.

(documents C Ops no 22108).

En fin de compte, les ROE seront très limitatives et restrictives, en conformité totale avec le caractère « maintien de la paix » de l'opération. À l'exception de la légitime défense, l'on ne peut, en cas d'incidents, ouvrir le feu que si l'on suit d'abord une procédure qui se compose de plusieurs phases. Une de ces phases de la procédure consiste à obtenir l'autorisation d'ouvrir le feu. Cette autorisation doit venir du Comd KIBAT lorsque l'on se sert du fusil FNC et que l'on tire au « coup par coup », du Comd Sector Kigali lorsque l'on se sert de l'arme automatique MINIMI, et du Comd Force ­ c'est-à-dire directement du général Dallaire lui-même ­ lorsque l'on se sert de l'arme automatique MAG.

Afin de permettre aux membres de la commission de se forger eux-mêmes une idée de l'ampleur et du contenu de ces directives, l'annexe du présent rapport comprend le texte intégral de ces ROE, telles que le FC (général Dallaire) les a distribuées le 19 novembre 1993 aux différents secteurs des troupes de la Minuar, ainsi que de deux résumés de celles-ci, tels qu'ils ont été transmis à la troupe sur place en guise d'aide-mémoire (voir annexes 5, 6 et 7).

La « Procédure opérationnelle pour l'établissement de la zone de consignation d'armes de Kigali » définit, quant à elle, la façon dont l'on créera, à Kigali et aux alentours, une zone désarmée (KSWA). Elle prévoit les moyens qui seront utilisés pour ce faire (« points de contrôle », « barrages routiers », « perquisitions », « ratissages et fouilles », « patrouilles »). Elle indique également qui a droit à des escortes et combien de militaires armés celles-ci peuvent comprendre. En ce qui concerne plus particulièrement les « ratissages et fouilles », la « Procédure opérationnelle » prévoit que « La Minuar peut être amenée à organiser une opération de fouille en vue de rechercher des armes, munitions et explosifs. Une autorisation préalable du QG de la Minuar est nécessaire pour exécuter une telle opération. Cette opération se fera en liaison avec la gendarmerie et la police locale et elle doit être faite avec des forces et des réserves suffisantes. » (point 11)

(documents SGR nos 1164 et suiv. et 1258 et suiv.).

Les Casques bleus belges ont été informés, le 19 décembre 1993, de la « Procédure opérationnelle » au moyen d'un Ops Order. Les directives qui y figurent mentionnent notamment : « In samenwerking met UNCIVPOL, de Gendarmerie en de lokale politie (...) de KWSA oprichten, in stand houden en controleren. (...) deelnemen aan het wapenvrij maken van de KWSA (...) ».

(documents SGR nº 1153 et suiv.).

Finalement, la nuit du 23 au 24 décembre 1993, après de longues négociations qui avaient traîné des jours durant, les deux parties (FAR et FPR) ont approuvé la « Procédure opérationnelle ». Officiellement, le KWSA fut créé le 24 décembre 1993 à 15 heures.

(rapport C Ops du 27 décembre 1993 ­ documents C Ops nº 25456).

Comme ce fut déjà le cas des ROE, les membres de la commission trouveront en annexe au présent rapport le texte intégral de la « Procédure opérationnelle pour l'établissement de la zone de consignation d'armes de Kigali » (voir l'annexe 8).

La première constatation faite par le groupe ad hoc lors de l'examen des documents mis à sa disposition est que les autorités belges, au moment de prendre la décision de participer à l'opération de la Minuar, croyaient disposer d'un mandat plus large que ce n'était le cas selon les dispositions strictes de la résolution nº 872 des Nations unies et, surtout, de la « Procédure opérationnelle pour l'établissement de la zone de consignation d'armes de Kigali ».

L'on peut déduire de plusieurs documents que ceux qui devaient préparer la décision s'imaginaient à tort que la Minuar était également autorisée à consigner des armes de sa propre initiative.

C'est ainsi que le rapport déjà cité de l'unité de reconnaissance « Recce Minuar » du 2 novembre 1993 parle, en son point 5 c) (4), de la nécessité d'envoyer également au Rwanda des troupes du génie, « la présence d'un PI Gn au sein du Bn KGL est essentielle, afin d'assurer dans les délais les plus brefs la destruction des munitions stockées en masse dans les quartiers des FAR ou récupérées lors des missions de fouille ».

La note non datée déjà citée ci-dessus, intitulée « Mémo justificatif d'un besoin opérationnel », qui était jointe au dossier sur lequel se sont fondées les décisions du comité ministériel restreint du 10 novembre 1993 et du Conseil des ministres du 19 novembre 1993, est un document encore plus explicite. La note dit qu'outre la surveillance d'immeubles importants comme l'aéroport et la sauvegarde de la sécurité des membres du gouvernement transitoire et du bataillon FPR cantonné à Kigali, il faut accomplir, entre autres, les deux missions suivantes : « conduire des opérations de sûreté afin d'y établir une zone désarmée » et « contrôler l'armement par la mise en place d'un système de check points, de patrouilles et de fouilles ».

Ces deux missions sont mentionnées séparément dans la note, tout à fait indépendamment d'une tâche supplémentaire, à savoir « assister la police et la gendarmerie au travers de UN CIVPOL dans leur mission de surveillance et de contrôle des activités légales dans la zone désarmée de Kigali en menant des patrouilles, en établissant des postes d'observation et en exécutant des fouilles ».

En réalité, la mission des troupes de la Minuar s'est attachée simplement, en raison d'une interprétation et d'une application strictes des procédures de consignation d'armes susvisées, à cette dernière tâche, qui consistait à « aider » les consignations d'armes, et à y « participer », « en collaboration » avec les autorités locales.

Indépendamment de la question de savoir si, avant le déploiement des troupes belges de la Minuar au Rwanda, les autorités belges croyaient disposer d'un mandat plus large qu'il ne s'est avéré ensuite sur le terrain, le groupe ad hoc a examiné ce que les autorités belges savaient des difficultés que le mandat présentait pour les Casques bleus belges. En d'autres termes, dans quelle mesure les autorités belges savaient-elles que le mandat, tel qu'il était traduit dans les ROE et dans la « Procédure opérationnelle pour l'établissement de la zone de consignation d'armes de Kigali », rognait les ailes des troupes de la Minuar, si bien qu'il était impossible de réaliser la KWSA, en dépit des insistances des organisations de défense des droits de l'homme et de bon nombre d'autorités rwandaises, parmi lesquelles la Première ministre, Mme Uwilingiyimana. Qu'ont fait les autorités belges pour remédier à ce problème ?

­ Le fax du 27 décembre 1993 du Comd Sector Kigali au C Ops, qui mentionne que l'armée rwandaise se déploie à nouveau depuis quelques jours, « une activité en contradiction avec les procédures de la KWSA ».

(documents C Ops nº 25500 dans le dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Not. nº 01 00009.95 ­ Farde instruction D ­ 1346).

­ Le SITREP du 5 janvier 1994 du Comd Sector Kigali au C Ops, qui signale que, dans le cadre de la réalisation de la KWSA, KIBAT a commencé à établir les premiers points de contrôle.

(documents C Ops nº 73 dans le dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Not. nº 01 00009.95 ­ Farde instruction D ­ 1350).

­ Le procès-verbal de la réunion de coordination Affaires étrangères-Défense du 6 janvier 1994, dont le point 2 mentionne que « l'UNAMIR a mis en place une ceinture de sécurité autour de Kigali, toute personne entrant dans Kigali est désarmée. Le désarmement de la gendarmerie a également commencé. »

­ Le télex nº 32 du 13 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles (voir le point 4.3.) envoyé à l'occasion de la découverte de dépôts d'armes clandestins. « UNAMIR beseft dat het moeilijk is om zelf maatregelen te nemen tegen de Interahamwe. Zijn mandaat is immers tot strikte peace-keeping beperkt. Een onderzoek zou normaliter in samenwerking met Rwandese rijkswacht moeten worden verricht. Maar indien blijkt dat rijkswachters zelf bij de Interahamwe-activiteiten betrokken zijn, heeft dergelijk onderzoek weinig kans op slagen. (...) Daarom heeft secgen geopteerd voor snelle demarche bij president Habyarimana (...). De secgen eist zelfs dat de president binnen de 48 uren maatregelen treft. Deze eis zal waarschijnlijk worden afgezwakt na onze opmerking dat zulks averechtse gevolgen kan hebben. (...) ».

­ Le télex nº 45 du 15 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles qui est entièrement consacré au problème du démantèlement des dépôts clandestins d'armes qui ont été découverts.

* point 3 « Technisch gezien beschikt UNAMIR over voldoende garanties om een offensief in de richting van een of meerdere van deze depots te ondernemen. Zulks zou kaderen met het UNAMIR-mandaat op voorwaarde dat de operatie samen met de Rwandese rijkswacht wordt ondernomen. Dit ligt wel delicaat vermits volgens de informant de overgrote meerderheid van de gendarmerie geïnfiltreerd is. Nochtans zou het niet helemaal onmogelijk zijn om enkele betrouwbare elementen te selectioneren. Tot dusver werd de rijkswacht nog niet door UNAMIR op de hoogte gebracht van de informatie waarover zij beschikt. Dallaire beseft dat dit wel in de komende dagen zal moeten overwogen worden. UNAMIR is geneigd de ontdekkingsoperatie zo snel mogelijk in te zetten omdat zij weet dat deze wapens in de komende dagen zullen verdwijnen in de richting van de Interahamwe en de burgerbevolking. (...) »

* point 4 « Ofschoon een offensief op illegale wapendepots voorzien is in de « procédures de consignation d'armes dans la zone de Kigali », wil UNAMIR niets ondernemen zonder uitdrukkelijke instemming van New-York. Op vrijdag 14.01.94 kwam andersluidende instruktie van secretaris-generaal. Hij vreest dat de operatie tot escalatie zal aanleiding geven en dat UNAMIR in een peace-makingscenario zal verzeild geraken (i.p.v. peace-keeping). Hij is natuurlijk ook begaan met de ernstige politieke repercussies die deze zaak kan teweegbrengen en daarover dient ernstig te worden nagedacht alvorens de onderneming te lanceren. (...) Daarom dringt New York aan op enquêtes en maatregelen zijdens Habyarimana. Indien deze geen garanties kan bieden zal zulks worden opgenomen in het verslag van Booh Booh aan de secretaris-generaal, die de feiten zal rapporteren aan de Veiligheidsraad die op zijn beurt gemachtigd is om de informaties te publiceren en zelfs « gepaste maatregelen » te nemen. »

­ Le télex nº 63 du 20 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles relatif au rapport de l'entretien qui a eu lieu entre le chef de la CTM-MTS et les chefs d'état-major de la gendarmerie et de l'armée rwandaises. Le chef d'état-major de l'armée rwandaise a déclaré que « les autorités rwandaises ont demandé à la Minuar et à la GD de procéder à des actions visant à démanteler ces groupes ».

­ Le télex du 20 janvier 1994 de DelBelONU New York à Minafet Bruxelles, dans lequel il est fait rapport de l'entretien que notre ambassadeur a eu avec M. Riza, l'adjoint de M. Annan, vice-secrétaire général de l'ONU chargé des opérations de maintien de la paix. (idem les points 4.3. et 4.5.2.).

M. Riza précise qu'après la découverte des dépôts clandestins d'armes, l'on a opté pour une approche diplomatique qui consiste à placer le président Habyarimana devant ses responsabilités et, éventuellement, à informer le Conseil de sécurité. « Volgens Riza moet alvorens nieuwe acties worden ondernomen eerst uitgekeken worden naar de reactie van Habyarimana op twee vlakken : enerzijds de ontwapening van de bevolking en de opdoeking van de wapendepots en anderzijds de vorming van een overgangsregering. Wat de wapens betreft zijn de eerste berichten vanuit Kigali weinig bemoedigend : de milities van Habyarimana zouden doorgaan met de uitdeling van wapens aan de bevolking. »

­ La lettre du 21 janvier 1994 que certains ministres MRND ont adressée à la Première ministre Mme Uwilingiyimana, dans laquelle ils affirment que « le ministre de la Défense a déjà convenu avec la Minuar de procéder à la recherche de ces armes détenues illégalement ».

(documents SGR nº 2759).

­ Le télex nº 64 du 23 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles qui signale, en son point 5, que le colonel Marchal déclare être plus ou moins satisfait de la manière dont les procédures relatives à la consignation des armes sont appliquées dans la zone de Kigali. Ces propos s'écartent de ceux que le colonel a tenus dans son rapport du 30 janvier 1994 ainsi qu'avec le contenu du télex ci-dessous.

­ Le télex nº 69 du 25 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, dans lequel il est dit que le général Dallaire et M. Booh Booh, l'envoyé spécial des Nations unies, ont demandé de nouvelles instructions à New York concernant l'action de la Minuar (« generaal Dallaire en speciaal gezant Booh Booh nieuwe instructies aan New-York hebben gevraagd met betrekking tot UNAMIR-optreden »). Ou bien l'on veille à appliquer plus strictement les procédures relatives à la consignation des armes, ou bien l'on met fin à l'opération Minuar, ce qui pourrait tourner à l'avantage des éléments qui cherchent à déstabiliser le Rwanda.

­ Le télex nº 78 du 27 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, dans lequel il est dit que la Minuar se trouve dans l'impossibilité d'intervenir dans les troubles qui se multiplient.

­ Le briefing du 28 janvier 1994 du SGR au C Ops, soulignant l'impossibilité d'agir de la Minuar. « Le problème du Ctl par l'UNAMIR du trafic et des Mov d'armes est très difficile à réaliser. (...) L'ONU n'est pas encore prête non plus à autoriser des actions plus sévères de l'UNAMIR dans ce domaine (...) ».

­ Le rapport du 30 janvier 1994 du colonel Marchal à C Ops qui fait longuement état de l'impossibilité d'agir de la Minuar. Les troupes engagées aux côtés des Casques bleus belges ne sont guère utiles. Les résultats sont inexistants. Après avoir effectué 924 patrouilles mobiles, 320 patrouilles à pied et établi 306 points de contrôles, la Minuar n'est parvenue qu'à récolter neuf armes en tout.

(documents SGR nº 1867 et documents C Ops nº 1626)

­ La communication du 31 janvier 1994 du CLADHO (transmis par Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles le 4 février 1994) qui demande que la Minuar procède immédiatement au désarmement des milices.

­ Le télex nº 99 du 3 février 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles qui décrit la Minuar comme un instrument impuissant. Il faut mener d'urgence des opérations de dissuasion pour mettre fin à l'approvisionnement en armes des milices et liquider les stocks de munitions et d'armes. Le télex cite un commentaire du colonel Marchal à ce sujet : « zo kan het in ieder geval niet verder gaan ».

­ Le télex du 4 février 1994 de DelbelUNO à Minafet Bruxelles concernant le mandat de la Minuar. Il ressort de ce document qu'après avoir insisté une fois de plus auprès du quartier général de l'ONU, le général Dallaire a obtenu de ce dernier que la Minuar soit autorisée à agir, notamment en portant son concours aux opérations de collecte des armes et en exerçant un contrôle sur celles-ci. La Minuar ne devra pas davantage soumettre toutes les solutions à l'ONU au préalable. Le groupe ad hoc souligne qu'il ne s'agit en l'occurrence que d'une confirmation de la « Procédure opérationnelle pour l'établissement de la zone de consignation d'armes de Kigali ».

(idem documents SGR nº 2633 et suivants)

­ Le télex nº 109 du 7 février 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui comprend le bilan de la semaine du 31 janvier au 6 février, et qui signale que : « Face aux violences des milices et des jeunes CDR, la non-intervention de l'UNAMIR apparaît comme un aveu d'impuissance. De l'avis de certains officiers la recherche des dépôts d'armes et le désarmement des milices s'imposent. »

(idem documents SGR nº 2627).

­ Le rapport du C Ops du 7 février 1994 qui fait état de la décision du général Dallaire, après un incident avec le chef d'état-major de l'armée rwandaise, le général Nsabimana, de supprimer les points de contrôle (du 6 février au 25 février 1994, la Minuar n'effectuera dès lors plus de contrôles).

(documents C Ops nº 2163) (idem point 4.3.).

­ La lettre du 11 février 1994 du ministre des Affaires étrangères au secrétaire général des Nations unies, M. Boutros Boutros-Ghali. « Il me paraît cependant que cette accentuation du profil de l'ONU au niveau politique devrait aller de pair avec une attitude plus dissuasive de la Minuar sur le plan de la sécurité . (...) Il est à craindre néanmoins qu'à défaut d'enrayer l'évolution négative à laquelle nous assistons, la Minuar pourrait se trouver dans l'impossibilité de poursuivre valablement sa mission ».

­ Le télégramme du 14 février 1994 DelBelUNO à Minafet Bruxelles, qui contient la réaction du secrétariat des Nations unies à la lettre précitée du 11 février « De eerste reactie (...) was eerder perplex. (...) generaal Dallaire kreeg reeds de toestemming om de Rwandese autoriteiten bij het opdoeken van wapendepots en het inzamelen van wapens te helpen (...). Wanneer UNAMIR de nodige voorzorgsmaatregelen getroffen heeft, dan mag het meehelpen aan de inzameling van wapens, met dien verstande dat de operaties door de autoriteiten geleid worden (...). (...) Dallaire is zelf op de actievere rol van UNAMIR niet meer teruggekomen, ofschoon hij vorige week nog aangekondigd had dat hij met concrete voorstellen voor de dag zou komen. »

­ Le télex du 24 février 1994 du ministre des Affaires étrangères à DelBelUNO, plus particulièrement le point 4 : « De VN Minuar operatie kan onder haar huidig mandaat geen « sterke handhaving van de publieke orde » uitvoeren. ».

Point 6, « Minuar zou een meer krachtige rol moeten kunnen uitoefenen en zich een duidelijker profiel moeten kunnen aanmeten (...). »

Point 7, « De vraag die zich stelt is of dit zonder een nieuw mandaat van de Veiligheidsraad mogelijk kan zijn. Indien langs een nieuw mandaat (...) een versterking van Minuar moet gezocht worden, kan men, gezien de huidige politiek van de VSA terzake, moeilijkheden verwachten. Op dit ogenblik lijkt voor hen een uitbreiding van de operatie (blauwhelmen, financiering) uitgesloten.(...) ».

Point 8, « Het wordt zeer belangrijk om na te gaan hoe aktie versterkt zou kunnen worden onder het huidige mandaat (opname Oostenrijkse blauwhelmen ? grotere beslissingsmacht voor Dallaire ? tijdelijke verplaatsing blauwhelmen uit andere operaties in de regio ? ...) (...). »

Punt 9, « Ontving gaarne uw bedenkingen over dit alles. Druk erop dat dit moet dienen als input voor besluitvorming over eventuele nieuwe stappen, maar dat hierover nog geen beslissing werd genomen. »

­ La note, non datée, de DelbelUNO New York à Minafet Bruxelles, par laquelle le représentant permanent belge répond au télex du 24 février 1994 après avoir pris contact avec le secrétariat des Nations unies et les membres principaux du Conseil de sécurité. Il signale :

1. qu'il est peu probable que les effectifs militaires ou le mandat de la Minuar soient élargis; les États-Unis et la Grande-Bretagne s'y opposent, tant pour des raisons financières, que parce qu'il s'agit là uniquement d'une mission relevant du chapitre 6 de la charte des Nations unies;

2. qu'il est tout aussi peu probable que l'on adapte les ROE;

3. qu'il ne sera possible de faire appel à des troupes autrichiennes qu'au moment où l'on procédera à une rotation des troupes, et après que l'Autriche aura introduit une requête formelle en ce sens;

4. que le général Dallaire peut aider les autorités rwandaises à planifier et à exécuter l'élimination des dépôts d'armes, et ce de façon visible;

5. que deux compagnies du bataillon ghanéen seront transférées des zones démilitarisées vers Kigali.

­ Le procès-verbal de la réunion de coordination Affaires étrangères-Défense du 3 mars 1994, dont le point 2 mentionne que : « Delbel ONU est intervenu auprès du Secrétaire général pour examiner avec lui les moyens de renforcer l'autorité de la Minuar, à ce stade dans le cadre du mandat existant. Dallaire est conscient de la nécessité de procéder à ce renforcement. 200 Casques bleus ghanéens devraient être redéployés de la zone démilitarisée à Kigali pour permettre aux Casques bleus belges de mieux utiliser leurs avantages en matière de mobilité. »

­ Le télex nº 209 du 15 mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, dans lequel l'on fait rapport au sujet de la visite du ministre de la Défense nationale, Léo Delcroix, au Rwanda. Il ressort du rapport que M. Delcroix était tout à fait conscient des difficultés et des dangers liés au mandat de la Minuar. Le fait, par exemple, qu'il propose, pour ce qui est de la décision que les Nations unies doivent prendre le 5 avril concernant le mandat, une série d'adaptations allant dans le sens de « meer bewegingsvrijheid », « meer persuasief optreden », en témoigne.

Il a d'ailleurs été informé, au cours de cette visite, par au moins un officier dirigeant, des difficultés que les Casques bleus belges éprouvaient en ce qui concerne les ROE. Le capitaine Breuer a déclaré à la police judiciaire près la Cour militaire, en date du 27 novembre 1995 : « Je lui ai répondu qu'en ce qui concernait le personnel, il n'y avait pas de problèmes majeurs mais que le problème se situait au niveau des limitations de l'usage de l'armement, en cas de difficultés ».

(dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Farde instruction C ­ Not. nº 01 00009.95 ­ 1182).

­ Le procès-verbal de la réunion de coordination Affaires étrangères-Défense nationale du 17 mars 1994, dont le point 3 mentionne que la gendarmerie rwandaise demande elle-même que le mandat de la Minuar soit modifié : « La gendarmerie rwandaise souhaite une modification du mandat de la Minuar qui permette à celle-ci de faire preuve de davantage de fermeté et d'intervenir d'initiative. La gendarmerie s'estime elle-même incapable de faire face seule au rôle qui lui a été confié par les accords d'Arusha. (...) ».

­ La communication faite le 24 mars 1994 par le CLADHO, qui demande une nouvelle fois que l'on désarme les milices (envoyée à Minafet Bruxelles le 6 avril 1994).

­ Le rapport du 30 mars 1994 du Lt Col Comd Leroy à l'état-major général (JSO), dans lequel celui-ci fait rapport en tant que commandant du KIBAT au sujet de la mission qu'il a exécutée du 18 novembre 1993 au 29 mars 1994. Après avoir décrit en détail les difficultés qu'ont rencontrées ses hommes en accomplissant les missions qui leur avaient été confiées (contrôles, barrages routiers, cordons de police, fouilles et patrouilles), il conclut que le mandat a été mal évalué d'emblée et que, si la pacification est, certes, un travail de militaire, le maintien de la paix est une tâche qui incombe à des agents de police. Le maintien de la paix requiert une formation qui est bel et bien dispensée dans une série de pays nordiques, mais que l'on ignore au sein de l'armée belge. En outre, les Nations unies n'ont fait aucun effort pour informer la population rwandaise concernant le mandat de la Minuar. « Les « tracts » que nous avions d'initiative fait traduire (...) n'ont jamais été distribuées ».

(documents JSO/SRT C 96/047552).

Enfin, le groupe ad hoc constate que, dans un deuxième rapport (2) du 30 mars 1994 qu'il a adressé au Conseil de sécurité des Nations unies, le secrétaire général évoque à peine le problème du mandat. Il ne parle en tout cas pas de la lettre du ministre des Affaires étrangères M. Willy Claes ni de la demande du général Dallaire.

L'envoi à Kigali de 200 soldats ghanéens venant de la zone démilitarisée a manifestement mis fin à la discussion. Dans le cadre de sa résolution nº 909 du 5 avril 1994, le Conseil de sécurité s'est contenté de prolonger le mandat de quatre mois, en prévoyant toutefois la possibilité de le modifier au bout de six semaines. Le 7 avril 1994, c'est-à-dire le jour de l'assassinat des Casques bleus belges, Ambabel Washington a toutefois encore envoyé un télex à Minafet Bruxelles concernant le mandat de la Minuar. Ce télex demande, pour le State Department, que la Belgique réagisse rapidement aux développements au Rwanda.

« Hoe beoordeelt de Belgische regering de situatie (...) ? Wie zijn de verantwoordelijken ? Wat overweegt België te ondernemen indien blijkt dat de Presidentiële wacht niet onder controle kan worden gebracht ? Kan België akkoord gaan met een wijziging (door de VN) van de « terms of engagement » van UNAMIR opdat de VN-vredesmacht in staat gesteld wordt buitenlanders in Rwanda te beschermen en te evacueren ? »

(documents SGR nº 4158).

Dans un télex du 9 avril 1994 que le Comd KIBAT envoie au C Ops et dans lequel il fait rapport de l'entretien qu'il a eu avec le général Dallaire, il aborde une fois de plus le problème du mandat. Le général Dallaire interdit aux Casques bleus belges de participer à l'opération d'évacuation. « (...) si New York ne modifie pas le mandat, nous ne pouvons participer à cette ops et devrons donc nous même faire partie du pers Minuar à évacuer et non des unités évacuant (...). (...) l'humiliation de devoir répondre sans cesse aux compatriotes qu'on ne pouvait quasiment rien faire (...). Je demande instamment que Belgique contacte New York pour demander soit de changer notre mandat, soit de nous permettre de quitter la Minuar et de repasser sous ctl BE et faire ops avec collègues FR en BE.).

(documents SGR nº 4530).

En résumé, le groupe ad hoc constate que, pendant toute la durée de l'opération, le mandat de la Minuar a consisté en fait à escorter une série de personnalités, à garder un certain nombre d'endroits et de bâtiments stratégiques (dont l'aéroport et le parlement, où était cantonné le bataillon du FPR) et à patrouiller dans la ville (« showing the flag »). La Minuar pouvait simplement « aider » à la consignation d'armes et au démantèlement des caches d'armes et de munitions trouvées. Ces opérations n'ont toutefois pas pu être efficaces, en raison des liens qui unissaient la gendarmerie rwandaise et les milices extrémistes hutues.

Les tentatives que le Ministère des Affaires étrangères a faites à partir de janvier 1994 pour obtenir un élargissement du mandat ou pour en obtenir un nouveau, n'ont rien donné. L'on a ensuite changé son fusil d'épaule et préconisé un renforcement de l'action dans le cadre du mandat existant, ce qui a débouché finalement sur le transfert à Kigali de 200 soldats ghanéens venant de la zone démilitarisée.

Le groupe ad hoc constate que malgré sa volonté d'obtenir le renforcement de la mission telle que définie par l'ONU et les initiatives prises dans ce sens, le Gouvernement n'a jamais menacé de retirer les troupes belges de la Minuar dans l'hypothèse où il n'obtiendrait pas satisfaction, et que l'on ne retrouve pas de trace d'une campagne diplomatique menée en ce sens auprès des pays membres du Conseil de sécurité.

L'on souligne, dans « The Joint Evaluation of Emergency Assistance to Rwanda », daté de mars 1996, le rôle important que les États-Unis ont joué en la matière. Les États-Unis ont continué à s'opposer à tout élargissement du mandat parce qu'ils ont projeté à tort leur expérience fâcheuse en Somalie sur la situation au Rwanda et ont en outre invoqué des motifs budgétaires, comme le confirme le télex du 24 février 1994 cité ci-dessus, émanant du ministre des Affaires étrangères.


4.7. Quelles informations trouve-t-on dans les documents consultés au sujet des événements du 7 avril 1994, date à laquelle les paras belges ont été assassinés ?

Toutes les informations utiles relatives aux circonstances concrètes dans lesquelles a eu lieu le meurtre des dix paras belges se trouvent dans le dossier de l'action publique de l'auditeur général près la Cour militaire. Cette action a débouché sur un arrêt, coulé en forme de chose jugée, dans lequel la Cour acquitte le colonel Marchal qui était Comd Secteur Kigali au moment des événements.

Le dossier de l'auditeur général a été mis à la disposition du groupe ad hoc pour consultation, en application de l'article 125 de l'arrêté royal du 28 décembre 1950 portant règlement général sur les frais de justice en matière répressive (Moniteur belge du 30 décembre 1950), qui autorise l'auditorat général près la Cour militaire à délivrer expédition ou copie des pièces d'un dossier répressif.

Le groupe ad hoc reprend ci-après les chapitres C, D, E, F et G du rapport du 8 mai 1996 de l'auditeur général près la Cour militaire, qui décrivent avec précision les faits et les circonstances au meurtre des dix Casques bleus belges ainsi que les circonstances dans lesquelles il a eu lieu.

« C. Désignation de la section Mortiers

En exécution des instructions données par le général Dallaire lors de la réunion à l'état-major des FAR, le colonel Marchal réinstaure les patrouilles et escortes qui avaient été supprimées dans le cadre de l'alerte « stade rouge ». Il confie dans le même temps par radio l'escorte de protection du Premier ministre Agathe au contingent belge ainsi que la protection du site de Radio-Rwanda (V 1574; D 1502; A 223).

D'après les directives en vigueur le commandant de secteur est en effet le seul habilité à détacher les escortes (V 1311-1319). Une note du secteur du 23 mars 1994 avait par ailleurs confié au bataillon belge la responsabilité de l'escorte permanente de Mme Agathe; d'autres escortes étaient exécutées par le bataillon bengali (Rutbat); les patrouilles quant à elles étaient effectuées tant par Rutbat que par Byubat (V 1313-1377).


Une discussion s'engage alors sur le réseau bataillon entre le Lt Col Dewez et le Col Marchal quant au rétablissement de ces escortes (C 1307).

Opposé à l'appréciation de la situation par son supérieur, le Lt Col Dewez lui fait observer que l'escorte pour Mme Agathe est une mission difficilement réalisable vu les difficultés de mouvement des patrouilles et la présence de barrages. Le Lt Col Dewez prétend qu'il était conscient que la situation était tendue et qu'instaurer une escorte cette nuit-là prenait une autre dimension que précédemment. Il avait de sérieux doutes quant à la réalisation de cette mission (C 1307 ­ V 1287).

Le Maj Timsonet adjoint du Lt Col Dewez affirme que la mesure visant à supprimer les escortes lui semblait logique au vu des événements (IV 998). Il a été surpris que le secteur réinstaure les escortes car il craignait que la situation ne se détériore (A 143). Le Col Marchal répond que l'ordre lui avait été donné par le QG de la Force. Suite aux directives du Gén Dallaire relatives à la protection de Mme Agathe, confirme à 01 h 18 le maintenir de cette escorte (V 1287).

D. Départ de la section Mortiers

À 02 h 16 le Lt Lotin, commandant du peloton Mortiers, qui se trouve à l'aéroport avec ses jeeps pour y faire le plein d'essence, se voit attribuer cette mission.

Sur ordre du Lt Col Dewez, l'escorte sera toutefois doublée et comportera quatre jeeps.


Les véhicules reviennent à ce moment d'une mission plus touristique qu'opérationnelle (V 1375; IV 886; A 428).

En théorie les jeeps sont équipées d'affûts de manière à pouvoir monter des mitrailleuses automatiques MAG (IV 896; V 1375; C 1308). Il était par ailleurs prévu, qu'en cas d'absence d'affûts, les MAG devaient être emportées sans être fixées (V 1328).

L'enquête n'a toutefois pas pu déterminer avec certitude si, en quittant l'aéroport, les jeeps du Lt Lotin étaient équipées d'affûts pour MAG (V 1228).


Au départ de la mission, le dispositif des forces opérationnelles du contingent belge est le suivant : le bataillon est dispersé en 14 cantonnements allant de l'école abritant 90 militaires jusqu'à une villa privée de 5 militaires.

Ce dispositif, conçu pour une situation de « Peace-keeping » et non pour une situation de guerre civile, préoccupait le Lt Col Dewez qui après une reconnaissance sur place avait fait part à l'état-major général du problème d'insécurité que la dispersion des moyens et du personnel pouvait constituer. L'opération de regroupement à l'aéroport devait débuter le 15 avril 1994 (C 1306; A 272).

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À 02 h 40 le Lt Lotin quitte l'aéroport en compagnie du Cpl Lhoir avec leurs deux jeeps. Il signale qu'il se rend chez Mme Agathe.

Les hommes sont porteurs de leur armement individuel et répartis dans les jeeps comme suit : Lt Lotin Thierry et Cpl Dupont Christophe; 1 Sgt Leroy Yannick, Cpl Meaux Bruno, Cpl Plescia Louis; Cpl Debatty Alain, Cpl Uyttebroeck Marc et Cpl Renwa Christophe; Cpl Lhoir Stéphane et Cpl Bassine Bruno (VI 1756).

Durant le parcours, le Lt Lotin passe par Viking, le cantonnement du peloton Mortiers et y récupère les jeeps du 1 Sgt Leroy et du Cpl Debatty.


Étant donné que le Lt Lotin indique qu'il doit franchir différents barrages aux carrefours, le Lt Col Dewez décide à 03 h 16 de lui envoyer le Capt Marchal et deux jeeps afin de l'aider à franchir un barrage situé avenue de la Republique.

Une demi-heure plus tard, soit à 03 h 45, le Capt Marchal indique que la mission Radio-Rwanda devient impossible vu la présence de blindés qui bloquent le passage.

Vers 05 h 00 cet officier rejoint le Lt Lotin pour lui indiquer le chemin à suivre pour se rendre chez Mme Agathe. Entre-temps les tirs se sont intensifiés de tous côtés, à tel point que la section du Capt Marchal se voyant encerclée et menacée par une mitrailleuse en batterie devant elle, obtient à sa demande à 05 h 19 l'autorisation de se dégager.

À 05 h 30 le peloton Mortiers signale un contact avec Mme Agathe.

E. Arrivée à la résidence du Premier ministre

Il y trouve cinq soldats ghanéens affectés à la sécurité interne du Premier ministre à son domicile.

À 05 h 37 le Lt Lotin indique qu'il n'est plus question de se rendre à Radio-Rwanda. Ordre lui est donné de prendre une position défensive et le secteur est informé.

À 06 h 03 le peloton Mortiers fait savoir que deux des quatre jeeps sont inutilisables et qu'ils sont soumis à des tirs depuis deux heures.

À 06 h 55 le Lt Lotin signale qu'il est encerclé par une vingtaine de militaires rwandais, armés de fusils et de grenades, et que des membres de la garde présidentielle lui demandent de déposer les armes. Le Lt Col Dewez répond de ne pas rendre les armes mais de maintenir le dialogue.


D'après le carnet de veille du bataillon la fuite du Premier ministre de son domicile est signalée à 08 h 34 tandis que d'après des témoignages de volontaires des Nations unies, cette fuite se situe à 07 h 40 (farde 24, p. 115 à 148).

Mme Agathe prend la fuite en compagnie de gendarmes affectés à sa sécurité qui vont la cacher dans la maison d'un voisin M. Daff, volontaire de l'ONU. Elle y est découverte par des membres de la garde présidentielle qui la ramènent à son domicile où elle sera tuée vers 11 h 45 ainsi que son mari (VII 138, 145; B 622, 650, 891; A 177).


À 08 h 32 le bataillon demande des directives au secteur. Sur ordre du Lt Col Dewez ­ le Lt Lotin est déchargé à 08 h 43 de sa mission d'assurer la protection de Mme Agathe.

Tandis que le Lt Lotin indique que ses antagonistes lui demandent de rendre les armes, le Lt Col Dewez s'adresse à 08 h 44 une nouvelle fois au secteur pour obtenir des directives. Le Lt Lotin fait part de l'agressivité des militaires autour de lui et de frictions avec la garde présidentielle.

À 08 h 49 le Lt Col Dewez enjoint Lotin de ne pas se laisser désarmer et de négocier « à l'Africaine ». Le Lt Lotin rétorque qu'il est trop tard car il a déjà quatre hommes désarmés à terre (V 122 1).

Le Lt Col Dewez répond au Lt Lotin que dans ces circonstances il l'autorise à rendre les armes s'il le juge nécessaire. Le Col Marchal, à l'écoute sur le réseau bataillon, intervient dans les termes suivants: « Tu es sur place, c'est à toi d'apprécier la situation ».

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D'après les témoignages du Cpl Emmanuel Doe et du Sgt Georges Aboagye, tous deux appartenant au contingent ghanéen, la résidence du Premier ministre fut encerclée par des soldats rwandais porteurs de bérets noirs et rouges, armés de fusils et de grenades. Les cinq Ghanéens et les dix Belges furent désarmés sans résistance possible et conduits, les mains en l'air, sous la menace des armes, vers un minibus VW qui attendait à l'extérieur (farde 24, p. 127-138).

D'après l'enquête de l'ONU, un véhicule des FAR avait été appelé par radio sur instruction de l'état-major rwandais pour se rendre au domicile du Premier ministre (B 89 1 ­ 893) ­ (VIII 117).

Dans le véhicule auraient pris place, outre le chauffeur, un militaire rwandais armé assis à l'arrière et le Maj Ntuyahaga de l'état-major de l'armée, qui aurait affirmé aux occupants qu'il les emmenait dans un endroit sûr (B ­ 689-1647 et farde 24 p. 119-130-234).

F. Massacre de la section Mortiers au camp de Kigali

En arrivant à destination ­ soit au camp militaire de Kigali ­ les quinze militaires auraient été obligés, sur ordre du Maj Ntuyahaga, de quitter le véhicule et de s'asseoir sur le tarmac situé à l'entrée du camp.

Immédiatement le major rwandais aurait fait circuler la rumeur parmi les militaires FAR rassemblés dans le camp que les soldats belges avaient abattu l'avion présidentiel (B. 619). Sur place l'Adj-chef Sebutiyongera, secrétaire à la présidence, aurait répandu la même rumeur (VII 47).

Ceci aurait rapidement engendré une mutinerie et un soulèvement général pour le lynchage des militaires belges.


À l'entrée du camp le Lt Lotin rencontre 1'observateur de l'ONU, le Capt togolais Apedo. Ensemble ils rejoignent le bureau de l'observateur où le Lt Lotin utilise à 09 h 06, le poste de radio Motorola du Capitaine pour informer le Lt Col Dewez que son équipe a été emmenée dans un endroit inconnu et que deux de ses hommes se font tabasser et lyncher.

Après avoir demandé au Lt Lotin s'il n'exagère pas, le Lt Col Dewez met le secteur au courant des faits et demande une intervention des FAR ou de Rutbat pour dégager les Mortiers. N'obtenant pas de réaction le Lt Col Dewez interpelle par radio à 09 h 08 le Capt Schepkens, officier de liaison auprès du secteur, en lui demandant si le Col Marchal est conscient de la gravité de la situation et demande les mesures envisagées (IV 992; V 1223).

Le Capt Apedo contacte le coordinateur Milob du secteur pour le tenir informé de la situation. À 09 h 10 le secteur indique au bataillon le lieu de détention des Mortiers (V 1223; C 978).


Entre-temps, des soldats rwandais parmi lesquels des handicapés de guerre se sont rués sur les militaires de l'ONU et les frappent à coups de crosses, béquilles, pierres, râteaux ou les piquent à l'aide de baïonnettes de fusil chinois, jusqu'à ce que quatre militaires belges succombent rapidement des suites de leurs blessures (VII 48-55; B 691-693; A 176).

Les magasins d'armement du camp, dont la Minuar avait la responsabilité, sont entre-temps fracturés (VII 137; V 1312).

Le Capt Apedo qui a quitté son bureau tente en vain de s'interposer pour arrêter les tueries.

Le Col Nubaha, commandant du camp, accouru sur les lieux en compagnie d'autres officiers, tente d'empêcher les Rwandais de pénétrer dans le local de permanence ONU où le Lt Lotin s'est réfugié avec quatre militaires belges qui l'avaient rejoint en profitant d'un moment de confusion.

De nombreux militaires rwandais qui s'interposent sont blessés (B 700).

Un cinquième militaire belge parvient bientôt à rejoindre le groupe Lotin en rampant sous un véhicule.

Suite aux conseils du Capt Apedo, le groupe Lotin composé de six militaires belges et les cinq ghanéens se réfugient dans un local annexe à celui de la permanence ONU.

Quelques instants plus tard, un militaire belge est tué par un tir d'arme à feu provenant de l'extérieur.

Le Capt Apedo qui se trouve parmi le groupe Lotin est extrait du local et obligé de suivre les Rwandais. Menacé de mort dans un premier temps, il est relâché et conduit à l'E.S.M. (école supérieur militaire) d'où il entend siffler les balles provenant du camp de Kigali.

Le local où sont réfugiés les militaires ONU est pris sous le tir des armes des Rwandais, obligeant les Belges et les Ghanéens à se jeter sous les lits qui s'y trouvent et à se protéger derrière le cadavre du soldat belge décédé.

Ayant arrêté les tirs pour un moment, les Rwandais ordonnent aux Ghanéens de quitter le local par une fenêtre qu'ils ont cassée. Sous escorte les cinq Ghanéens rejoignent le Capt Apedo à l'E.S.M. où ils y rencontrent vers midi le Gén Dallaire et le Maj Maggen. Après avoir informé le général que les militaires belges sont frappés et lapidés, les Ghanéens sont reconduits sur ordre du général en véhicule à l'état-major de la Minuar où ils arrivent vers 12 h 30.

Entre-temps un caporal rwandais non identifié, voulant pénétrer dans le local des Belges, se fait arracher son fusil Kalashnikov par le Lt Lotin qui le tue à l'aide de son revolver (A 176 ­ B 636).

L'attaque redouble de violence contre les militaires belges qui appellent le Col Nubaha au secours (B 649). Des bombes lacrymogènes sont lancées dans le local tandis que les Belges tirèrent avec la Kalashnikov.

Un fusil lance-grenades est amené sur place. Le Cpl Twahirwa aurait alors escaladé le toit du local pour y lancer, d'un trou pratiqué dans ce toit, des grenades défensives (A 176 ­ B623). Le Capt Hategikimana, surnommé « Power » et le Lt Uzabakiriho, appartenant au bataillon de reconnaissance, auraient contribué à cette action.


D'après des témoins la résistance belge s'arrête entre 12 h 00 et 14 h 00 (VII 47; A 176; B 618-636; 652; 882).

L'Adj-chef Sebutiyongera prétend avoir quitté les lieux entre 12 h 00 et 13 h 00 à un moment où il y avait déjà cinq victimes belges (B 697).

G. Réunion à l'école supérieure militaire

Durant ces tragiques événements se déroule dans les locaux voisins de l'ESM la réunion convenue le soir précédent entre différents responsables politiques et militaires.

Initialement prévue chez l'ambassadeur des États-Unis, cette réunion se tiendra dès 10 h 00 dans un quartier militaire en raison de la présence de barrages en ville (V 1403).


Le Gén Dallaire quitte vers 10 h 00 son QG en véhicule en compagnie du Maj Maggen pour s'y rendre. Le Maj Maggen signale qu'il a entendu avant le départ une conversation entre le Gén Dallaire et un de ses adjoints, concernant le décès de deux ou trois observateurs ONU au camp de Kigali (A 216-335).

En cours de route, à hauteur du cabinet du ministre de la Défense nationale, ils changent de véhicule et montent dans une voiture conduite par un major de la gendarmerie rwandaise.

En passant devant l'entrée du camp de Kigali, le Gén Dallaire constate la présence de quelques militaires revêtus de l'uniforme belge allongés sur le sol. Il déclare qu'il a ordonné au chauffeur d'arrêter le véhicule en vue de se rendre sur place, ce qui lui fut refusé par le chauffeur prétextant que les troupes au camp étaient hors de contrôle et que leur sécurité serait en danger (D 1472; A 216).

Vers 11 h 15, ils rejoignent la réunion à l'E.S.M., bâtiment situé à 200 mètres du camp de Kigali.


La réunion est présidée par le Col Bagosora, directeur du cabinet du ministre de la Défense, qui a été informé dès 10 h 30 par le Col Nubaha, commandant du camp de Kigali, de la tension qui y régnait (B 687).

Le Col Bagosora promet de se rendre sur place et demande au Col Nubaha de retourner au camp pour « calmer les esprits ».

Une dizaine de minutes après le départ du Col Nubaha, les participants entendent des coups de feu provenant du camp. Certains se rendent à l'extérieur pour apprécier la situation (B 630).

Le nommé Ntamagezo, qui se trouvait dans la salle d'opérations à l'état-major, déclarera qu'en regardant par dessus le mur de l'enceinte, il avait constaté la présence de corps qui jonchaient le sol devant le bureau du commandant du camp. Il a alors téléphoné à l'E.S.M. où le centraliste lui a répondu que les participants à la réunion étaient au courant (B 695).

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D'après le Gén Ndindiliyimana, le Gén Dallaire a rejoint la réunion environ 15 minutes après les coups de feu et fut informé de la situation générale par le Col Bagosora (D 873). À la fin de la réunion vers midi, le Gén Dallaire rencontre à l'extérieur du bâtiment les cinq Ghanéens et le Capt Apedo qui le mettent au courant des faits, à savoir que des militaires belges et ghanéens, transférés au camp de Kigali. avaient été frappés et lapidés (24 p. 10 doss 57/95).

Sur instruction du Gén Dallaire, ces 6 militaires sont emmenés dans son véhicule, en sa compagnie, vers le QG de la MINUAR où ils arrivent vers 12 h 30.

Le Gén Dallaire déclare qu'il est retourné ensuite au Ministère de la Défense où il a participé au comité de crise. Malgré ses demandes d'obtenir des renseignements sur le sort des Belges et de pouvoir se rendre sur place, il affirme qu'il n'a obtenu aucun renseignement concret, mais qu'interdiction lui fut donnée de se rendre au camp vu l'état de mutinerie qui y régnait (V 1382).

Le Maj Rugambaye prétend qu'à 15 h 00 on est venu lui dire que tout était terminé. Il a vu comment on a retiré quatre cadavres du local ONU et comment les victimes furent pillées (A 623).

Le Gén Dallaire croit qu'en début d'après-midi il fut averti par le Col Marchal que 13 Belges avaient été tués au camp de Kigali. Cette information ne pouvait à ce moment être vérifiée (D 1476).

Il précise également que vers 21 h 00 le Gén Ndindiliyimana a eu confirmation du décès des Belges et qu'en sa compagnie il s'est rendu à l'hôpital de Kigali où il découvre vers 23 h 15 les corps entremêlés de militaires belges qu'il croit correspondre à 11 dépouilles mortelles. La manière dont les corps étaient entassés ne lui aurait pas permis de déterminer le nombre exact de victimes, à savoir dix ou onze (B 875). »


Outre le dossier de l'auditeur général, le groupe ad hoc a également vérifié quelles informations complémentaires relatives aux événements du 7 avril 1994 l'on pouvait trouver dans les documents qu'avaient mis à sa disposition le Ministère de la Défense et le Ministère des Affaires étrangères. Le groupe ad hoc a constaté que les informations contenues dans ces documents ne jettent aucun éclairage nouveau ou n'ajoutent aucun élément nouveau à la description des événements dramatiques de ce jour-là faite dans le rapport précité du 8 mai 1996 de l'auditeur général.

Cependant, deux membres du groupe ad hoc se sont rendus sur place au Rwanda afin de se faire une idée des circonstances dans lesquelles les dix Casques bleus belges ont perdu la vie. Le rapport topographique qu'ils ont rédigé à la suite de ce voyage et les constatations qu'ils y ont consignées sont joints au présent rapport (cf. annexe 9).

Tous ceux qui prennent connaissance de ce dossier ne peuvent que s'incliner devant la mémoire de ces dix hommes courageux qui, presque désarmés, ont lutté pour leur vie pendant des heures contre un ennemi impitoyable qui leur était supérieur en nombre.

Le groupe ad hoc espère par ailleurs que le présent rapport permettra en tout cas de tirer les leçons qui s'imposent pour éviter que des drames semblables ne se reproduisent à l'avenir.

Enfin, le groupe ad hoc tient à saluer l'énorme courage des dix paras belges: les caporaux Bruno Bassine, Alain Debatty, Christophe Dupont, Stéphane Lhoir, Bruno Méaux, Louis Plescia, Christophe Renwa et Marc Uyttebroeck, le sergent Yannick Leroy et le lieutenant Thierry Lotin.


4.8. Quels étaient les problèmes d'information, de logistique, d'équipement et d'armement auxquels les troupes de la Minuar en général et les troupes belges en particulier étaient confrontées?

Le groupe ad hoc a examiné ces questions parce que l'on peut déduire tant du rapport de l'auditeur général près la Cour militaire datant du 8 mai 1996 que d'une note confidentielle du colonel Marchal (rédigée en mai 1995) que les événements dramatiques survenus le 7 avril 1994 auraient eu un déroulement différent si, dès le début de l'opération, de sérieux problèmes d'effectifs, d'information, d'armement et de logistique ne s'étaient pas posés.

Ainsi, dans le rapport précité de l'auditeur général, il est dit que les avis des militaires sont partagés sur la question de savoir s'il aurait été possible d'entreprendre une action pour dégager les dix Casques bleus belges. Un certain nombre d'officiers estiment que c'eût été possible en regroupant plusieurs compagnies. Une majorité d'officiers estiment néanmoins qu'une telle opération était irréaliste, étant donné « la vulnérabilité des effectifs dispersés, le rapport des forces, la faiblesse des moyens, la présence de barrages, rendant notamment l'accès à la base logistique impossible » (page 10). En d'autres termes, la Minuar ne disposait pas, entre autres, de troupes, d'équipements et d'armements suffisants pour mener à bien une telle intervention.

Dans sa note confidentielle, le colonel Marchal formule également de nombreux griefs concernant l'information, la logistique et l'armement. Il écrit notamment :

­ « Malgré ma demande, plusieurs fois réitérée, de recevoir des directives de la part des responsables de la conduite des opérations, je suis parti le 4 décembre 93 sans le moindre document concernant ma mission (même pas les Règles d'engagement ROE), sans la moindre recommandation verbale ou écrite. »

­ « En date du 15 janvier 1994, j'adresse au C Ops à Evere une question à laquelle je demandais une réponse rapide. Je souhaitais en fait recevoir des directives quant à l'attitude à adopter en cas de troubles nécessitant une évacuation du Rwanda. (...) Si les autorités militaires responsables avaient pris en considération ma demande du mois de janvier, avaient réfléchi au problème posé et étoffé quelque peu leur réflexion, peut-être aurais-je pu disposer le 7 avril d'un cadre d'appréciation différent. »

­ « (...) Ce que je ne peux ni comprendre, ni admettre c'est que malgré une analyse précoce et correcte de la situation, malgré le fait que fin février de nouveaux troubles graves ont secoué l'ensemble du pays, la Division des Opérations n'a pas été en mesure de satisfaire cette demande de munitions dans un laps de temps supérieur à deux mois. »

Après avoir analysé les documents disponibles, le groupe ad hoc a tiré à ce propos les conclusions suivantes.


4.8.1. En ce qui concerne les effectifs et l'armement.

Le 8 septembre 1993, notre ambassadeur auprès des Nations unies, M. Noterdaeme, reçoit une demande informelle des Nations unies: la Belgique pourrait-elle fournir 800 hommes pour une opération de paix de l'ONU au Rwanda ? Ils feraient partie de la force de paix de l'ONU, qui compterait 2548 hommes, et dont le Conseil de sécurité allait décider la mise sur pied par sa résolution nº 872 du 5 octobre 1993. À l'origine, les experts militaires du secrétariat des Nations unies avaient conclu, au terme d'une mission de reconnaissance effectuée sous la direction du général Dallaire, qu'une force d'environ 4500 militaires était nécessaire.

Le 22 septembre 1993, le ministre de la Défense nationale de l'époque affirma qu'en raison surtout de questions financières, la Belgique ne pourrait assurer que la participation de 200 à 300 hommes à la mission de paix de l'ONU au Rwanda, au lieu de 800. C'est le 14 octobre 1993 que l'état-major général a reçu la demande officielle adressée à la Belgique par les Nations unies relative à une contribution militaire belge à la Minuar. Cette demande concernait l'envoi au Rwanda d'un bataillon de 800 hommes qui serait basé à Kigali et, du point de vue de la logistique, opérerait de manière totalement autonome.

Le dossier préparé par l'état-major général à l'intention du ministre de la Défense et du Conseil des ministres tablait toutefois sur 600 hommes et 22 véhicules-chenilles. La proposition était fondée surtout sur le rapport d'une unité de reconnaissance présente au Rwanda du 26 octobre au 1er novembre 1993.

Finalement, le 19 novembre 1993, après une réunion préparatoire du comité ministériel restreint qui s'est tenue le 10 novembre 1993, le Conseil des ministres décidait d'envoyer 370 hommes, tout en prévoyant la possibilité de porter ce nombre à 450 si la sécurité des troupes le requérait. Concrètement, il y aura tantôt 420, tantôt 430 Casques bleus belges opérationnels au Rwanda, dont un peu plus de 400 formeront le bataillon belge à Kigali. Comment fut arrêtée la décision relative aux effectifs ? De quelle manière a-t-on pris en considération le problème de la sécurité des troupes belges ?

Les documents suivants sont significatifs à cet égard.

­ Le dossier du 21 octobre 1993 (sans référence) que l'état-major général envoya au ministre de la Défense nationale et dans lequel l'on propose de répondre positivement à la demande des Nations unies d'envoyer 800 hommes au Rwanda dans le cadre de la Minuar. La note ne comporte aucune considération sur l'opportunité ou l'utilité d'envoyer des troupes, ni sur les problèmes liés à l'envoi de troupes et l'annexe contient une estimation du coût d'une participation aux opérations par l'envoi de 600 hommes.

­ Le dossier du 10 novembre 1993 que l'état-major général envoya au ministre de la Défense nationale (JSO-P 033578) et, plus particulièrement, le « mémo justificatif d'un besoin opérationnel ». Selon le point 2 de cette note, qui part toujours du principe que l'on enverra 600 hommes, il est indispensable d'envoyer les troupes demandées, à savoir un bataillon composé de quatre « sous-unités dont une équipée de véhicules blindés transporteurs de troupes ». Cette dernière ferait office de force de réaction rapide (Quick Reaction Force), que la note décrit comme étant l'« élément d'intervention apte a répondre à toute situation critique » et « (...) apte à intervenir d'urgence ».

L'on peut encore lire, au point 3 d. de la note, que « Toute diminution du volume de cette force d'action obligera nécessairement à négliger l'une ou l'autre des composantes (...). Un tel état des choses est susceptible de faire dégénérer très rapidement une situation rendue potentiellement instable par la présence des éléments suivants :

1. camp de réfugiés à l'intérieur du Secteur (RUTONGO),

2. profusion d'armes et de munitions,

3. confrontation entre les différentes tendances,

4. provocations de la part des mouvements extrémistes hutus ».

Au point 4, la note poursuit « Il est à noter que les effectifs ont été calculés au plus juste ».

Au point 2 du rapport de l'unité de reconnaissance Recce UNAMIR, du 2 novembre 1993, qui est joint lui aussi au dossier du 10 novembre 1993, il est question du problème des autres troupes étrangères (les Bangladais et les Ghanéens), qui opéreront aux côtés des Belges. Le rapport fait état d'une « impression défavorable laissée lors du briefing avec le Pers. Force H.Q. ».

­ La note du 12 novembre 1993 de JS au ministre de la Défense nationale dont copie fut adressée à la Maison militaire du Roi (JSS-Srt L-7287), et dans laquelle il s'élève contre l'intention de n'envoyer que deux compagnies de deux pelotons, à savoir 370 hommes. « Il s'agit finalement (..) de la sécurité des soldats que nous enverrons là-bas, je me refuse de cautionner la faisabilité militaire de cette solution. »

Le lieutenant général estima que, pour fournir la moitié du bataillon de la Minuar à Kigali, il fallait envoyer un minimum absolu de deux compagnies de trois pelotons, à savoir 442 hommes.

­ Le télex nº 1135 du 15 novembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles et, plus particulièrement, le point 5 de ce document (point 4.3.), dont il ressort qu'il n'a pas été possible, notamment pour des raisons budgétaires, de déployer davantage de militaires belges et que l'on se rendait compte que, pour assurer la sécurité à Kigali, un autre pays devait fournir une contribution crédible en terme d'effectifs.

Alors que l'intention initiale de l'ONU et de l'état-major général était de stationner, à Kigali, un bataillon de la Minuar composé exclusivement de militaires belges, des motifs politiques (l'opposition du président Habyarimana et celle des partis extrémistes hutus ­ voir point 4.1.), conjugués à des impératifs budgétaires, ont fait que celui-ci n'a finalement compté qu'un peu plus de 400 Belges (KIBAT), soit deux compagnies chargées, avec les services logistiques, du centre et du Nord de Kigali, y compris l'aéroport (qui avait initialement été attribué aux Bangladais), 370 Bangladais (RUTBAT), chargés du Sud de Kigali et de la QRF (Quick Reaction Force) ainsi qu'une compagnie de 60 militaires tunisiens. À partir du 22 mars 1994, cet effectif a été complété par quelque 225 Ghanéens (BYUBAT) qui étaient initialement déployés dans la zone démilitarisée au Nord du Rwanda.

La décision de confier la QRF (Quick Reaction Force) aux Bangladais, alors qu'il était prévu initialement de confier cette mission également aux Casques bleus belges, était la conséquence directe de la décision initiale de n'envoyer qu'un demi-bataillon de Casques bleus belges (de quelque 400 hommes) au lieu d'un bataillon complet.

(Déclarations du général Dallaire, dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ 5 mars 1996 ­ Farde traductions Ebis ­ 67 ­ point 60).

Quant à la question de savoir si les 370 Bangladais et 60 Tunisiens, auxquels sont venus s'ajouter par la suite 225 Ghanéens, constituent le « deuxième contingent étranger crédible » dont la Belgique, les Nations unies et de nombreux Rwandais avaient parlé avant le déploiement de la Minuar, le groupe ad hoc a trouvé les données suivantes dans les documents examinés, données qui doivent permettre à la commission, sur ce point-ci également, d'émettre un jugement.

Il ressort des documents que déjà avant le déploiement des troupes belges de la Minuar, l'on avait des doutes quant au caractère opérationnel des autres troupes étrangères. C'est ainsi que le rapport cité ci-dessus de l'unité de reconnaissance « Recce UNAMIR » du 2 novembre 1993, qui faisait partie du dossier que l'état-major général a transmis au ministre de la Défense nationale en vue des discussions au sein du Gouvernement belge, parle d'une « impression défavorable laissée lors du briefing avec le Pers. Force H.Q. » (documents JSO ­P 033578).

Le rapport du C Ops du 9 novembre 1993 signale également que l'unité de reconnaissance se posait de nombreuses questions quant à l'intégration des troupes étrangères au bataillon Kigali.

Moins de trois semaines après le déploiement des troupes belges de la Minuar, le problème est également abordé lors des réunions de coordination du Ministère des Affaires étrangères et du Ministère de la Défense nationale : « Les troupes du Bangladesh seront au nombre de 400 dès demain, mais le commandant de bataillon n'arrivera pas avant Noël; ses soldats n'ont pas l'intention de débuter leur mission avant son arrivée; leur équipement est minimum ».

(procès-verbal de la réunion de coordination Affaires étrangères ­ Défense du 9 décembre 1993 ­ point 1).

Quelques semaines plus tard, on apprend dans une info du 31 décembre 1993 du SGR (qualification B) : « Toutes les troupes (...) qui font partie de cette mission ONU sont arrivées, mais pour la plupart elles sont très mal organisées, hormis les Belges (...). Les détachements des autres nations sont très mal équipés; ils ne sont pas opérationnels, certaines troupes sont venues presque sans armement ! » (documents SGR nº 1232 et suiv.).

Dans un rapport du 28 janvier 1994 que le colonnel Marchal adresse au C Ops, il déclare : « Je dois reconnaître que notre partenaire au sein du Secteur KIGALI n'est pas fiable. »

(documents C Ops nº 1526 dans le dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Farde instruction D ­ Not. nº 01 00009.95 ­ 1376).

Également dans le rapport précité du 30 janvier 1994 que le colonel Marchal transmet au C Ops (voir le point 4.6.), celui-ci affirme en tout cas que les troupes qui opèrent à côté des Casques bleus belges ne sont pas très utiles ou même pas utiles du tout.

Au cours d'une des réunions de coordination du Ministère des Affaires étrangères et du Ministère de la Défense nationale, plus particulièrement la réunion du 3 février 1994, il est dit à nouveau que : « Les responsables belges des Casques bleus se plaignent du manque d'efficacité des troupes du Bangladesh qui doivent être systématiquement « doublées » par des Belges ».

(procès-verbal de la réunion de coordination Affaires étrangères ­ Défense du 3 février 1994 ­ premier paragraphe).

Par conséquent, la Belgique savait dès le début qu'il n'y avait pas, au Rwanda, de deuxième force étrangère crédible pour assister le contingent belge limité. Il ressort d'autres points des procès-verbaux déjà cités des réunions de coordination qui se sont tenues chaque semaine entre le Ministère de la Défense et le Ministère des Affaires étrangères, réunions auxquelles un représentant du Premier ministre était d'ailleurs chaque fois présent, que l'on était conscient de la chose. L'on a abordé la question du déploiement d'un autre contingent européen, plus particulièrement d'un contingent autrichien, jusqu'à quatre fois, soit au cours des réunions du 2 décembre 1993, du 16 décembre 1993, du 23 décembre 1993 et du 13 janvier 1994. Il ressort du rapport de la visite que le ministre Leo Delcroix a rendue le 18 février 1994 au ministre de la Défense autrichien M. Mock que l'on s'est encore efforcé, même après le 13 janvier, de convaincre l'Autriche d'envoyer rapidement une force militaire de 150 à 200 hommes au Rwanda.

(documents SGR nº 2828).

Pour ce qui est de l'armement, les Casques bleus belges au Rwanda disposaient d'un armement léger (FNC et MINIMI). Il est vrai qu'ils avaient à leur disposition, outre des camions légers de type UNIMOG et MANN et des jeeps sur lesquelles on pouvait monter des mitrailleuses de type MAG 7.62 (bien que l'on ne sache toujours pas si, au moment des événements, toutes les jeeps étaient équipées ou non, pour quelque raison que ce soit, des affûts nécessaires), deux hélicoptères légers et six CVRT (deux Scimitars équipés de canons de 30 mm, mais dépourvus de munitions, et quatre Spartans équipés de mitrailleuses MAG 7.62).

Seuls quatre des six véhicules étaient opérationnels. L'on avait par ailleurs envisagé d'envoyer une équipe de techniciens à Kigali pour remettre l'armement des CVRT en état. Ceux-ci seraient arrivés le 9 mars 1994, bien que le commandant de la KIBAT ait dû renouveler sa demande en ce sens début avril.

(voir rapports C Ops des 7 février et 5 avril 1994 et le briefing du 18 mars 1994, annexe D ­ documents C Ops nºs 2163 et 5844 et documents SGR nº 3464).

En outre, seuls un ou deux équipages spécialisés formés pour lesdits véhicules ont été inclus dans le contingent belge qui a été envoyé au Rwanda.

(dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Farde instruction A ­ Not. nº 01.00 009.95 ­ 271).

Deux CVRT ont été affectés à la protection de l'aéroport, un autre à la protection du parlement et un autre encore à la protection du poste de commandement, mais comme les munitions nécessaires et des équipages spécialement formés au maniement de ces véhicules faisaient défaut, les CVRT faisaient plutôt de la figuration qu'ils ne constituaient un instrument de « protection ».

(dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Not. Nº 01 00009.95 ­ Farde instruction A ­ 95).

Pour sa part, la QRF (Quick Reaction Force) que devaient fournir les Bangladais se composait de huit transports de troupes blindés BTR-80 de fabrication russe. Il semblerait que si l'on a fixé son choix sur ce type de matériel, c'est entre autres parce que le général Dallaire souhaitait disposer de véhicules blindés sur roues et non de véhicules chenillés.

(dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Farde instruction A ­ Not. nº 01 00009.95 ­ Farde instruction A ­ 365).

Le rapport « The Joint Evaluation of Emergency Assistance to Rwanda » de mars 1996, cité précédemment, est toutefois parvenu à une constatation totalement différente. Aucun pays n'était disposé à fournir une unité équipée de transports de troupes blindés, de sorte que l'ONU a été obligée de « to search for left-overs from other UN operations (and did scrounge 8 APCs from Mozambique) ».

(note en bas de page 68 de la deuxième partie du rapport « The Joint Evaluation of Emergency Assistance to Rwanda » ­ op. cit.).

Quelle qu'ait été la raison pour laquelle la QRF était tenue d'utiliser des BTR-80, le colonel Marchal a fait part au C Ops, dès son « First impression report » du 8 décembre 1993, de l'inquiétude que lui inspirait le fait que la QRF ne serait pas opérationnelle pendant les deux premiers mois. Il a signalé qu'il souhaiterait également confier cette tâche à KIBAT.

(documents C Ops nº 24133 dans le dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Farde instruction D ­ Not. nº 01 00009.95 ­ 1320).

Dans l'un de ses rapports hebdomadaires au quartier général à New York du 5 avril 1994, M. Booh Booh, envoyé spécial de l'ONU, signale que l'on ne pouvait considérer comme opérationnels que cinq de ces véhicules au plus et que les Bangladais ne disposaient ni de pièces mécaniques, ni de pièces de rechange.

(dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Farde instruction A ­ Not. nº 01 00009.95-262).

Ce fait a été confirmé par la suite par le général Dallaire, le colonel Marchal et d'autres officiers qui ont déclaré que la QRF ­ ou la « réserve », comme on l'appelait sur place ­ n'a jamais été utilisée comme une compagnie disposant de tous ses moyens. « Elle n'était pas vraiment Ops, elle était formée de bric et de broc. Lors des événements, elle était toujours à l'Instr. J'ai d'ailleurs adressé une note au général DALLAIRE disant une telle Sit: quand un pays s'engage à fournir des Tp, elles doivent être Ops. »

(dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Farde instruction A ­ Not. nº 01 00009.95-311, Farde traduction Ebis ­ 67 ­ point 61 et Farde instruction C ­ Not. nº 01 0009.95 ­ 997 et suiv.).

Ces constatations sont confirmées par le rapport « The Joint Evaluation of Emergency Assistance to Rwanda », précité : « The APCs assembled from the UN operation in Mozambique rapidly broke down. As UNAMIR had no repair facilities, only one was operational by the time of the April 6 crisis ».

(note en bas de page 68 de la 2e partie du rapport « The Joint Evaluation of Emergency Assistance to Rwanda » ­ op. cit.).


4.8.2. En ce qui concerne les munitions

Dès les incidents violents qui ont eu lieu devant le parlement le 8 janvier 1994 et les menaces dirigées contre les Casques bleus belges à cette occasion, les troupes de la Minuar comprennent qu'elles ne disposent pas d'un armement adéquat. Au centre logistique, il y a une réserve réduite de munitions (notamment, des grenades, des mortiers de différents calibres, des munitions pour les MAG, les FNC et les LAW antichars), qui constituent environ trente à quarante p.c. de la dotation standard (basic load) que l'on emporte d'ordinaire pour une opération. Les Casques bleus belges disposent en outre de lance-missiles antichars MILAN, mais les missiles eux-mêmes font défaut.

(Dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Farde instruction IV ­ Not. 02 02545.94 ­ 897 et suiv.)

En tout cas, l'on estime cela insuffisant pour mener à bien une opération d'évacuation. Le chef des troupes de la Minuar à Kigali, le colonel Marchal, adresse dès lors une demande au C Ops afin que la Belgique envoie des munitions et des armes supplémentaires. En fin de compte, les munitions demandées n'arriveront pas à Kigali avant les événements tragiques des 6 et 7 avril 1994.

Par après, presque tous les officiers belges déclareront que l'on n'a pas pu, le 7 avril, lancer une opération pour libérer les dix Casques bleus belges, le groupe Lotin, notamment parce que l'on manquait de munitions lourdes antichars et que les CVRT ne disposaient pas des munitions demandées.

(Dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Not. nº 01 00009.95 ­ Farde instruction A ­ 83, 93, 101, 112, 135, 138.)

Le groupe ad hoc a examiné ce qu'il pouvait trouver en la matière dans les documents consultés.

­ Ordre d'opération du 19 novembre 1993 de l'état-major général à divers destinataires, qui communique, à l'annexe D, les directives en matière de logistique. L'App. 6 de l'annexe D énumère les munitions qui seront transportées au Rwanda. La liste en question ne mentionne pas de munitions 30 mm pour les CVRT; les munitions pour mortiers lourds (81 mm) ainsi que les missiles antichars MILAN (32 au total) ont été rayés de la liste.

(Documents C Ops nº 22387.)

­ Le rapport du 15 janvier 1994 du colonel Marchal au C Ops, où, au point 4, faisant référence au plan d'évacuation en préparation et au problème de la défense de l'aéroport, l'on demande des munitions supplémentaires. « À cet effet, j'ai demandé au FC à pouvoir faire venir de BE des Mun mieux adaptées à ma mission de Def d'un aérodrome et de ses voies d'approche. Il n'y est pas opposé, mais a demandé que j'introduise une demande officielle qui sera transmise à N-Y. Ce sera fait dans les meilleurs délais. J'enverrai simultanément copie de ce Doc au C Ops de manière à activer la procédure d'envoi ».

(Dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Farde instruction C ­ 01 00009.95 ­ 1150.)

­ La note du 20 janvier 1994 où le colonel Marchal demande au général Dallaire l'autorisation de faire venir de Belgique les munitions suivantes : « a. ATK AMMO MILAN (Medium distance 1900m), b. Light ATK Weapon (Short distance 150m), c. .50 inch rounds for MG, d. 30 mm rounds for CVRT's, e. 60 mm Mortar rounds ».

(Note confidentielle du colonel Marchal ­ mai 1995 ­ annexe B/section 3.)

­ La note du 28 janvier 1994 du colonel Marchal à C Ops dans laquelle il est communiqué, au point 1, que « dans le cas d'une détérioration de la situation et d'une évacuation générale du pays, les mun en notre possession ne nous permettront pas de faire face aux menaces potentielles. (...) veuillez nous faire parvenir dans les meilleurs délais les coûts des mun rendues dont liste ci-dessous ». Suit une liste des quantités demandées de munitions MILAN, LAW, .50, CVRT 30 mm, 60 mm, etc. Le document porte, en regard du cachet du C Ops, la mention « urgent ».

(Documents C Ops nº 1599 dans le dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Not. nº 01 00009.95 ­ Farde instruction B ­ 785 et Farde instruction D ­ 1380.)

­ La note du 14 mars 1994 du colonel Marchal au C Ops, où l'on insiste, au point 3, pour que les munitions demandées soient livrées. « En ce qui concerne la commande de Mun pour la Def de l'aéroport de Kigali quelles sont les raisons qui empèchent l'envoi de ces Mun à Kigali ? Pourriez-vous traiter ce dossier en URGENCE ».

(Dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Farde instruction C ­ Not. nº 01 00009.95 ­ 939.)

­ Le rapport du C Ops du 15 mars 1994, qui mentionne que: « Sect Comd vraagt de reden waarom geen Mun kan geleverd worden voor de Def van het vliegveld van KIGALI. Aktie JSO-P/Ops en Tak 4 ».

(Documents du C Ops-copie ­ sans numéro.)

­ Le fax du 28 mars 1994 du C Ops à la Div log, où l'on donne l'ordre de livrer, pour le 20 avril, des munitions 30 mm à KIBAT II.

(Dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Farde instruction II ­ Not. nº 02 02545.94 ­ 118).

­ Le rapport du C Ops du 31 mars 1994, où l'on mentionne que : « KIBAT (2Cdo) vraagt de aanvulling van haar dotatie eenheidsMun evenals bijkomende Trg Mun kleine wapens. Actie Tak 4 ».

(Documents nº 5612 du C Ops.)

­ Le rapport du C Ops du 1er avril 1994, où l'on signale que : « De door KIBAT gevraagde Trg Mun zal met de C-130 van 20 Apr geleverd worden (...) ».

(Documents nº 5672 du C Ops.)

­ Le rapport du C Ops du 5 avril 1994, où l'on mentionne que : « Reçu demande de Mun pour Eq EOD (Action Br 4) ».

(Documents nº 5844 du C Ops.)

Le groupe ad hoc a également vérifié ce que les officiers concernés ont déclaré à l'auditorat général après les événements dramatiques que l'on connaît. Le colonel Marchal, Comd. Secteur Kigali, a répété à plusieurs reprises qu'en dépit de son insistance, il n'a jamais reçu de réponse à sa demande visant à obtenir des munitions supplémentaires. Pour sa part, le JSO, l'amiral Verhulst, a déclaré que si l'on a perdu du temps dans cette affaire, cela ne pouvait en aucun cas être imputé au C Ops. Le C Ops a répondu à la demande de munitions supplémentaires en sollicitant, fin janvier, des informations complémentaires et en signalant au colonel Marchal, par téléphone, à la mi-mars, qu'il devait adresser sa demande à New York.

(Dossier de l'auditorat général près la Cour militaire­ Not. nº 01 00009.95 ­ Farde instruction A ­ 307, 312 et 364.)

Le groupe ad hoc a constaté que la demande de munitions émanant du colonel Marchal n'apparaît qu'une seule fois dans les rapports du centre opérationnel de l'armée à Evere (C Ops), à savoir dans le rapport précité du 15 mars 1994. Suite à ce rapport, ordre a été donné, deux semaines plus tard, soit le 28 mars 1994, aux services logistiques de fournir une partie des munitions demandées, à savoir les obus de 30 mm pour les CVRT (SCIMITAR). Contrairement à ce que pensaient nombre d'officiers belges sur place, lesquels ont également fait part de cette opinion dans leur déclaration à l'auditorat général, la livraison de ces munitions n'a pas été effectuée par le vol C 130 qui devait atterrir à l'aéroport de Kigali le 6 avril 1994 et qui a été détourné sur Nairobi après l'attentat contre l'avion présidentiel. La livraison était prévue pour le vol du 20 avril 1994. Le vol du 6 avril 1994 n'a d'ailleurs pas transporté de munitions.

(Dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Farde instruction B ­ Not. nº 01 00009.95 ­ 784 et Farde instruction C ­ Not. nº 01 00009.95 ­ 915 et suiv.)

En fin de compte, le lot de munitions que les Casques bleus belges (KIBAT) remettront, le 19 avril, aux Casques bleus ghanéens, comprendra 720 obus de 30 mm.

(Dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Farde instruction B ­ Not. nº 01 00009.95 ­ 786.)

Apparemment, ces munitions ont été mises à la disposition de KIBAT au cours de l'opération SILVER BACK ­ BLUE SAFARI. Elles ont été transportées de Cologne à Nairobi les 10 et 11 avril 1994. On ne dispose cependant pas de documents constatant le transfert de ces munitions entre la Bde ParaCdo et KIBAT.


4.8.3. En ce qui concerne la logistique et le logement

Les troupes belges de la Minuar ont quitté la Belgique, le 18 novembre 1993, pour rejoindre le Rwanda par avion, sans que l'on eût trouvé au préalable une solution satisfaisante en ce qui concerne leur logement. En fin de compte, les Casques bleus belges seront logés dans pas moins de quatorze cantonnements, répartis sur l'ensemble du territoire de Kigali. Certains de ces cantonnements étaient de simples demeures privées, dans lesquelles pouvaient être logées au maximum cinq à six personnes. Cette situation a bien entendu créé de nombreuses difficultés de nature logistique. Qui plus est, elle a également causé de nombreux problèmes en matière de sécurité, notamment sur le plan de la surveillance de ces cantonnements. De ce fait, l'on n'a pas pu affecter suffisamment d'hommes aux patrouilles à proprement parler.

En annexe figure la liste des cantonnements, de leur nom de code, de leur description, ainsi que de l'unité et du nombre de personnes qui y ont logé (annexe 10). À la demande des commissaires, un plan de Kigali indiquant l'endroit exact où étaient situés ces cantonnements pourra également être mis à leur disposition, de façon à ce qu'ils puissent se faire une idée des difficultés opérationnelles qui pouvaient se poser, surtout lorsqu'il fallait procéder à un regroupement ou lorsque les circonstances nécessitaient pareil regroupement.

À cet égard, le groupe ad hoc a trouvé les indications suivantes dans les documents examinés.

­ Le rapport du C Ops du 6 décembre 1993 dans lequel figurent les propositions à propos du logement qui ont été transmises à l'état-major général (JSO-P) et dans lequel on communique que celui-ci ne voit pas d'objections aux installations projetées.

(Documents C Ops nº 23869.)

­ Les SITREP du 9 décembre 1993 de la Minuar au C Ops, dans lesquels il est mentionné que les Casques bleus belges seront répartis sur onze cantonnements différents.

(Documents SGR nº 1226 et suivants et documents C Ops nº 24186.)

­ Le rapport du 19 décembre 1993 du Comd Sector Kigali au C Ops qui mentionne, au point « divers », que les difficultés qu'éprouve la KIBAT à propos des cantonnements persistent.

(Documents C Ops nº 24923 dans le dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Farde instruction D ­ Not. nº 01 00009.95 ­ 1337.)

­ L'info du 31 décembre 1993 du SGR (qualification B) signale qu'un des grands problèmes auxquels sont confrontés les Casques bleus belges est le logement.

(Documents SGR nº 1232 et suivants.)

­ Le rapport du C Ops du 3 février 1994 dans lequel il est demandé au Comd KIBAT de réduire aussi vite que possible le nombre de cantonnements dans lesquels sont hébergés ses unités.

(Documents C Ops nº 1949.)

­ Le rapport du C Ops du 10 février 1994 dans lequel il est mentionné que le CAO (Chief Administration Officer) préfère faire cantonner certaines unités dans des modules à construire soi-même, à l'instar de ce qui s'est fait en Somalie (SOMALODGE), ce qui permettrait de réduire le nombre de cantonnements de 14 à 10.

(Documents C Ops nº 2416.)

­ Le rapport du C Ops du 11 février 1994 dans lequel l'on signale qu'une unité de reconnaissance (Recce Techn Gn) va se rendre à Kigali pour y préparer KIGALODGE.

(Documents C Ops nº 2495.)

­ Le rapport du C Ops du 7 mars 1994 dans lequel l'état-major général donne son accord pour KIGALODGE qui devrait être construit, autant que faire se peut, avec des matériaux locaux et de la main-d'oeuvre locale.

(Documents C Ops nº 3974.)

­ Le rapport du C Ops du 11 mars 1994 dans lequel le CAO donne son accord à la construction de KIGALODGE, destiné à abriter 120 personnes.

(Documents C Ops nº 4313.)

­ Le rapport du C Ops du 17 mars 1994 qui signale que l'on a reçu la déclaration écrite relative à l'intervention des Nations unies.

(Documents C Ops nº 4687.)

­ Le rapport du C Ops du 21 mars 1994 qui mentionne que le matériel nécessaire à la construction de KIGALODGE sera livré le 23 mars 1994.

(Documents C Ops nº 4928.)

­ Le rapport du C Ops du 24 mars 1994 dans lequel est communiquée la planification en ce qui concerne la construction de KIGALODGE.

(Documents C Ops nº 5206.)

­ Le rapport du 30 mars 1994 du Lt Col Comd Leroy à l'état-major général (JSO), déjà cité ci-dessus au point 4.6., dont le point 2 a. de l'annexe B fait état des énormes problèmes en matière de logement auxquels étaient confrontés les Casques bleus belges.


4.8.4. En ce qui concerne la collecte d'informations

Comme la Minuar était une opération de « peace keeping » et non une opération de « peace making », l'ONU n'avait pas prévu de créer, au Rwanda, un service qui serait chargé spécialement de collecter et de traiter des informations qui permettraient de mieux évaluer la situation sur le terrain et d'apprécier avec davantage de précisions quel était l'environnement au sein duquel les troupes de la Minuar seraient amenées à opérer. Il y avait cependant deux officiers de renseignements au Rwanda dans le cadre de l'opération Minuar. Il s'agit du capitaine Claeys au niveau de la « force » (G2) et du lieutenant Nees au niveau du KIBAT (S2). L'on n'a pas prévu de personnel de renseignement au niveau intermédiaire, à savoir celui du « sector ».

Le lieutenant Nees est arrivé à Kigali le 18 novembre 1993, en compagnie des autres Casques bleus belges. Il a exercé ses fonctions jusqu'à son retour le 21 mars 1994. Il a été remplacé par le lieutenant Decuyper du 2 Cdo Para. Si, au début de sa mission, sa tâche consistait principalement à recueillir des informations auprès des Belges qui résidaient sur place, par la suite, lorsqu'il a obtenu l'autorisation de rémunérer des informateurs, il a utilisé des renseignements qu'il obtenait auprès de cinq informateurs rwandais. Le lieutenant Nees a initialement adressé des rapports oraux au Comd. de KIBAT, mais, à partir du 15 janvier 1994, il lui a remis un total de 29 rapports écrits, lesquels étaient généralement joints au SITREP qui était transmis au secteur et au C Ops à Evere. Le successeur du lieutenant Nees a progressivement démantelé le petit réseau d'informateurs que le lieutenant Nees avait constitué.

(Dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Farde instruction C ­ Not. nº 01 00009.95 ­ 899 et suiv., 945 et suiv. et 1303.)

Certains éléments de la Minuar ont en outre reçu directement des renseignements émanant d'autres informateurs que ceux qui appartenaient au petit réseau constitué par le lieutenant Nees. C'est notamment le cas de « Jean-Pierre » (cf. 4.3.) qui n'appartenait pas au réseau du lieutenant Nees, mais qui était directement en contact avec le Comd Sector Kigali, à savoir le colonel Marchal. Le major Podevijn du QG Force a, quant à lui, communiqué des informations au SGR. La CTM-MTS a elle aussi transmis directement des renseignements au SGR et les télex adressés par l'ambassade belge à Kigali au Ministère des Affaires étrangères à Bruxelles représentaient eux aussi une importante source d'informations.

Le groupe ad hoc recherchait quelles informations contenaient les pièces et les documents qu'il a examinés concernant la collecte d'informations en général et la protection des informateurs ainsi que la création du réseau d'informateurs du Lt Nees en particulier.

­ Le briefing du 24 décembre 1993 du SGR au C Ops attire l'attention sur le manque d'informations. « Il éprouve des difficultés (...), dans son analyse de la situation, parce qu'il ne parvient pas encore à obtenir des Info fiables et exploitables ».

(Documents SGR nos 7290 et suivants.)

­ La note du 6 janvier 1994 du Lt. Nees à Comd KIBAT dans laquelle il propose de créer un petit réseau d'informateurs qui doit pallier au fait que le bataillon n'obtient aucune information, ni du « secteur », ni de la « force ». Il propose de prévoir une rémunération mensuelle modeste de 5 000 francs rwandais. Outre une personne à contacter, il suggère d'utiliser cinq informateurs qui travaillent respectivement pour la garde présidentielle, l'état-major général rwandais, les Interahamwe, le MRND et l'entourage du Premier ministre désigné par les accords d'Arusha. En marge de la note, on peut lire l'inscription manuscrite suivante « Autorisé par JS pour 5 x 5 000 Fr Rw ».

(Dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Farde instruction C ­ Not. nº 01 00009.95 ­ 1090.)

­ Le briefing du 14 janvier 1994 du SGR au C Ops qui fait état du problème d'un manque d'informations utilisables. « L'UNAMIR est relativement désarmée face à l'organisation de milices comme celle des INTERAHAMWE. En effet, elle ne parvient que très difficilement à pénétrer la population locale pour obtenir des Info exploitables. »

(Documents SGR nº 7298.)

­ Le télex nº 45 du 15 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui traite notamment de la protection de l'informateur appelé « Jean-Pierre » (voir point 4.3. ci-dessus). Le télex signale que les États-Unis, la France et la Belgique se sont montrés rétissants à l'égard de la suggestion qui avait été émise par le représentant spécial de l'ONU, M. Booh Booh, lequel proposait d'accueillir la personne en question dans un des pays cités et de lui accorder l'asile. Dans son télex, l'ambassadeur émet la possibilité d'intégrer cette personne dans un service de l'ONU en Tanzanie ou au Kenya.

­ La note du 16 janvier 1994 du colonel Marchal à Comd KIBAT dans laquelle celui-ci donne son accord pour la création d'un réseau d'informateurs.

(Dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Farde instruction C ­ Not. nº 01 00009.95 ­ 1092 et suiv.).

­ Le complément d'information du 2 février 1994 du SGR à différents destinataires concernant les Interahamwe, dans lequel, au point 2 e., l'on conseille d'établir un réseau d'informateurs pour des opérations telles que celle qui est menée au Rwanda.

(Documents SGR nº 7346.)

­ Le rapport du 10 février 1994 du lieutenant Nees au Comd Sector Kigali avec copie à Comd KIBAT et C Ops, dans lequel il déplore que les renseignements que lui fournissent les informateurs constituent, pour KIBAT, la seule source d'information. L'on a réagi à cette critique en apposant sur le document la remarque manuscrite suivante : « om dit te vermijden wordt een wekelijkse Inf vergadering georganiseerd op KSHQ ».

(Documents SGR nº 2323.)

Comme plusieurs services de renseignements étrangers n'ont pas autorisé le groupe ad hoc à consulter les documents qu'ils avaient mis à la disposition du SGR, celui-ci n'a pas pu déterminer dans quelle mesure les informations dont disposaient les troupes belges de la Minuar, le C Ops ou le Ministère de la Défense nationale ont pu être complétées par les renseignements obtenus à partir de ces sources.

En tout état de cause, le groupe ad hoc a pu constater, après avoir étudié l'ensemble des documents, que, dans le cadre de l'opération au Rwanda, il n'y avait, ni sur le terrain, ni au quartier général de l'ONU, ni dans une mesure suffisante auprès des forces armées en général et auprès du SGR en particulier, une capacité d'analyse en mesure de traiter les informations recueillies et les renseignements ainsi obtenus et de formuler, sur cette base, des recommandations opérationnelles.


4.9. Quels renseignements trouve-t-on dans les documents consultés à propos de la décision du Gouvernement belge de retirer les troupes belges de la Minuar du Rwanda à la suite des événements dramatiques du 7 avril 1994?

La décision de retirer les troupes belges de la Minuar du Rwanda a été prise, officiellement, au cours du Conseil des ministres du 15 avril 1994. L'on a décidé de négocier sans délai avec les Nations unies au sujet des modalités du retrait et de mettre celles-ci au point. Le ministre des Affaires étrangères a informé le président du Conseil de sécurité des Nations unies de cette décision par lettre du 15 avril 1994. Dans cette lettre, ainsi que dans une lettre du même jour adressée au secrétaire général des Nations unies, le ministre non seulement confirme le point de vue du Gouvernement belge qui souhaite retirer le bataillon belge « en tout état de cause » et « sans délai », mais conseille en outre de mettre fin à l'ensemble de l'opération de la Minuar. « Toutes les informations dont nous disposons renforcent notre appréhension que l'ensemble de la Minuar risque d'être exposé à des risques très graves et de rester impuissant devant une situation qui se détériore de plus en plus ». Par ces lettres, il a confirmé la lettre que le représentant permanent de la Belgique auprès des Nations unies avait déjà transmise, le 13 avril, au président du Conseil de sécurité des Nations unies.

De façon informelle, le ministre des Affaires étrangères avait déjà informé, le 12 avril 1994, M. Boutros Ghali, le secrétaire général des Nations unies, de la décision de retirer les Casques bleus belges du Rwanda, lors d'un entretien à Bonn. Au point 3 du rapport que le ministre des Affaires étrangères a fait de cet entretien, il signale que le secrétaire général des Nations unies partage le point de vue belge. « Je partage votre analyse » fut, selon le rapport, la réaction du secrétaire général des Nations unies, M. Boutros Ghali (télex du 13 avril 1994 de Minafet Bruxelles à DelbelUNO New York).

M. Boutros Ghali prétend cependant qu'il n'était pas d'accord sur la décision belge : « I voiced my disagreement and asked that the Belgian troops at least leave their heavy weapons in Rwanda so they could be used by other UNAMIR contingents. » (introduction du secrétaire général des Nations unies M. Boutros Ghali, dans « The United Nations and Rwanda 1993-1996 » ­ Blue Book Series ­ Volume X ­ par. 113).

Le général Dallaire lui aussi s'opposait d'ailleurs à la cessation de l'opération, tout comme le colonel Marchal, qui fait état, dans son rapport confidentiel de mai 1995, des conversations qu'il avait eues en tant que chef de la Minuar pour le secteur de Kigali avec le représentant spécial des Nations unies, M. Booh Booh, et son conseiller, M. Khan : « Je conserve un pénible souvenir de l'entrevue au cours de laquelle j'ai communiqué (...), que le gouvernement belge avait décidé de retirer son contingent, suite à l'assassinat de dix de ses Casques bleus. La réponse (...) fut cinglante et je ne suis pas prêt de l'oublier: parce que la Belgique a eu dix morts, elle se fout pas mal (textuel) des milliers de Noirs qui vont être assassinés ».

Que le secrétaire général des Nations unies fût d'accord ou non sur la décision belge reste une question ouverte. Il ressort en tout cas des documents examinés qu'à partir du 12 avril, une offensive diplomatique a été lancée par le Ministère belge des Affaires étrangères visant à convaincre les membres du Conseil de sécurité des Nations unies et les pays qui fournissaient des troupes à la Minuar de suspendre l'opération tout entière. Toutes les ambassades belges concernées ont été associées à cette offensive.

En fin de compte, sous la pression d'un certain nombre de pays africains, les « pays non alignés », et du secrétariat des Nations unies, les choses n'iront pas aussi loin. Après de longues discussions au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, une communication sera diffusée à l'échelle du monde le 15 avril 1994 dans laquelle l'on dit comprendre la décision belge, mais où l'on fait également connaître la volonté des autres pays qui fournissent des troupes de maintenir leurs hommes au Rwanda (voir le télex du 16 avril 1994 de DelbelUNO New York à Minafet Bruxelles). Le 21 avril 1994, le Conseil de sécurité des Nations unies adoptera la résolution nº 912, dont le point 8 signale que l'on a décidé de maintenir une présence limitée de la Minuar au Rwanda.

En tout cas, dans notre pays, personne n'a contesté la décision du Gouvernement de retirer les Casques bleus belges du Rwanda. Au contraire, l'assassinat des dix paras a provoqué un choc tel, tant dans l'opinion publique que parmi l'ensemble des autorités politiques, qu'il y avait unanimité, tous partis confondus, pour retirer les troupes belges.

Tant le Gouvernement que les parlementaires ont mis l'accent sur le fait qu'il fallait en premier lieu se préoccuper de la sécurité des troupes et ressortissants belges, tandis que les violences commises, qui sont d'ailleurs décrites dans la majorité des interventions lors des débats parlementaires comme un énième « conflit ethnique », ont éveillé une attention nettement moindre. C'est uniquement au cours de la réunion publique du 11 avril 1994 de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants qu'un intervenant a posé la question suivante : « Kunnen wij met gekruiste armen blijven toezien op een gekarakteriseerde genocide ? » (intervention de M. Eyskens ­ Chambre des représentants ­ Annales des réunions publiques de commission ­ Affaires étrangères ­ 1993-1994 ­ C. 78 ­ 16).

Au cours de la séance plénière du Sénat du 22 avril 1994, l'on a posé la question : « Kan de wereldgemeenschap lijdzaam toezien hoe weerloze burgers worden afgemaakt (...) ? », tandis qu'un autre membre dit son inquiétude au sujet de la catastrophe humanitaire qu'il pressent à la suite de la décision du Conseil de sécurité des Nations unies de réduire le contingent de la Minuar (interventions de MM. Van Wambeke et Bougard ­ Sénat ­ Annales parlementaires ­ 1993-1994 ­ pp. 1915 à 1931).

Bien que la décision de retirer les Casques bleus belges du Rwanda n'ait dès lors quasi pas fait l'objet de discussions, le groupe ad hoc a vérifié, dans les documents examinés, de quelles informations les autorités belges disposaient à l'époque. Plus particulièrement, le groupe ad hoc a vérifié quelles informations sont parvenues aux autorités belges après le 7 avril 1994, et ce jusqu'au 19 avril 1994, date à laquelle les troupes belges de la Minuar ont quitté le Rwanda.

­ L'info du 7 avril 1994 (22h30) du SGR (qualification B) qui signale que de nombreux massacres sont en cours dans les cités.

(documents SGR nº 3692).

­ Le télex du 7 avril 1994 d'Ambabel Washington à Minafet Bruxelles, dans lequel le State Department américain demande quelle est la réaction belge aux événements qui ont eu lieu au Rwanda et demande si nous pouvons donner notre accord à une modification, par les Nations unies, des règles d'engagement, de sorte que les forces onusiennes de maintien de la paix soient en mesure de protéger les étrangers présents au Rwanda et de les évacuer.

(documents SGR nº 4158).

­ Le complément d'information du 8 avril 1994 (18 h) du SGR à différents destinataires parle « (...) de véritables chasses à l'homme et à des exécutions sommaires.(...) Il est difficile de se faire une idée du nombre de victimes (...). Ils se compteraient au moins par centaines et probablement par milliers (certaines sources font état de plus de 1 500 TUTSI déjà recensés comme tués à KIGALI). (...). La radio partisane « des Milles Collines » appelle au massacre. ».

(documents SGR nº 6992 et suiv.).

­ Le SITREP du 8 avril 1994 de l'attaché militaire de l'ambassade de France à Washington, transmis au SGR, fait état de massacres, à l'intérieur et à l'extérieur de Kigali, de Tutsis et d'opposants au régime rwandais.

(documents SGR nº 4473 et suiv.).

­ Le complément d'information du 9 avril 1994 (23 h) du SGR à différents destinataires parle de : « Les atrocités perpétrées par des Sdt (surtout la Garde Présidentielle, qui serait régulièrement accompagnée de miliciens ­ probablement INTERA-HAMWE, du MRND, et IMPUZAMUGAMBI, de la CDR) se poursuivraient également, surtout envers les TUTSI, mais également envers des HUTU de l'opposition. (...). Il est extrêmement hasardeux de vouloir évaluer le nombre de victimes parmi la population locale, mais elles doivent (...) se monter à plus de 10 000. ».

(documents SGR nº 6953 et suiv.).

­ Le complément d'information du 10 avril 1994 (20h30) du SGR à différents destinataires signale qu'à Gisenyi « (...) les civils Hutus qui se livraient à un véritable massacre de Tutsis ».

(documents SGR nº 6939).

­ Le complément d'information du 10 avril 1994 (22h15) du SGR à différents destinataires mentionne que « l'info confirme nos craintes qu'un affrontement extrêmement violent se produise dès que les forces rwandaises en présence seront « entre elles ».

(documents SGR nº 6903 et suiv.)

­ L'info du 10 avril 1994 (22h20) du SGR (qualification B-2) mentionne « que tous les Tutsis, que les Hutus trouvent, sont massacrés ».

(documents SGR nº 3682).

­ Le complément d'information du 10 avril 1994 (23h59) du SGR à différents destinataires reprend une information concernant Gisenyi et Kigali, et mentionne que : « À Kigali a eu lieu un véritable bain de sang, commis par la Garde Présidentielle et les milices Interahamwe. La ville est jonchée de milliers de cadavres (...). ».

(documents SGR nº 6897).

­ L'info du 12 avril 1994 (9h40) du SGR (qualification B-2) décrit en détail les massacres massifs qui ont été commis par des commandos véhiculés par des camions de l'armée et de la gendarmerie. L'on y mentionne également que quelque 2000 réfugiés se trouvent dans l'école sous la protection des Casques bleus belges. Le groupe ad hoc fait remarquer qu'il s'agit ici probablement de l'école Don Bosco, dans laquelle se trouvait un des grands cantonnements des troupes belges de la Minuar.

(documents SGR nº 3664).

­ Le complément d'information du 12 avril 1994 (24h00) du SGR à différents destinataires dont le point 1 e. signale que : « Il se confirme que les bandes de jeunes miliciens « INTERAHAMWE » et « IMPUZAMUGAMBI » (du MRND et de la CDR) étaient bien les acolytes des Tp des FAR (surtout Garde Présidentielle) qui se sont livrées à des exactions et des massacres. Ces jeunes étaient transportés vers les endroits où ils pouvaient se rendre « utiles » par des Veh des FAR ou de la Gd Nat. ».

(documents SGR nº 6828 et suiv.).

­ Enfin, le briefing du 22 avril 1994 décrit la façon dont s'est déroulée l'opération « Silver Back » le 14 avril 1994 et le retrait de KIBAT le 19 avril 1994. Cette description de la situation au Rwanda ne laissait plâner plus aucun doute sur le génocide en cours. « Le 17 et le 18 avr 94. (...) À Kigali les combats se poursuivent et les massacres de civils dans les zones non encore contrôlées par le FPR également. Le 19 avr 94. (...) On signale encore de nombreuses horreurs (découvertes de charniers, massacres de blessés pendant leur évacuation par la Croix Rouge, etc.). (...) Des centaines de milliers de Rwandais ont perdu la vie dans les combats ou ont été massacrés par les FAR et les milices armées. »

Le groupe ad hoc ne peut faire autrement que de constater ­ bien que cela ne relève pas, à strictement parler, de sa mission ­ que la Belgique et la communauté internationale sont restées sourdes aux événements effroyables qui ont eu lieu au Rwanda, même lorsque des informations de plus en plus nombreuses à ce propos paraissaient dans la presse. Tout le monde pensait à l'assassinat des dix Casques bleus belges, mais personne ne le situait dans le cadre d'un génocide. Personne ne s'est souvenu des communications qui dénonçaient la menace d'attentats qui seraient commis sur des Casques bleus belges dans le but de forcer les troupes de la Minuar à quitter le pays. Enfin, personne n'a attiré l'attention sur le fait que le retrait des Casques bleus belges allait peut-être permettre aux milieux extrémistes hutus de commettre un génocide, planifié et préparé avec soin, comme il s'est avéré par la suite.

En avril 1994, notre pays et l'ensemble de la communauté internationale ont commis une bévue.


4.10. Autres questions

4.10.1. Les livraisons d'armes au Rwanda

Outre le dossier « Arming Rwanda ­ The arms trade and human rights abuses in the Rwandan war » ­ janvier 1994 ­ Human Rights Watch Arms Project (p. 14 et suiv.), que l'on retrouve intégralement dans les documents examinés, le groupe ad hoc a découvert les indications suivantes.

(documents SGR nº 2062 et suiv.).

­ L'info du 11 janvier 1994 du SGR (qualification B), dont le point 4 mentionne que selon une source qui corrobore ses informations à l'aide de documents, Lemonnier Dominique, de nationalité française, fournit des armes et des munitions au Rwanda.

(documents SGR nº 1691 et suiv.).

­ Le télex nº 222 du 15 mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, concernant les livraisons d'armes et de munitions au Rwanda par l'armée égyptienne (contrat du 30 mars 1993), par Mil. Tec. Corp. de Sussex, Grande-Bretagne (contrat du 11 mai 1993) et par Soc. Dyl-Invest de Cran-Gevrier, de France (contrat du 3 mars 1993). La Minuar bloque le déchargement. Le télex mentionne également que la Minuar avait déjà intercepté, le 21 janvier 1994, à l'aéroport de Kigali, une livraison de munitions déclassées, parmi lesquelles des mortiers de l'armée belge, en provenance de France.

­ Le procès-verbal de la réunion de coordination Affaires étrangères ­ Défense nationale du 17 mars 1994 dans lequel on peut lire, au point 9, que « L'état-major fera une enquête sur la découverte par la Minuar de livraisons d'armes, signalées par Ambabel Kigali, sur lesquelles il n'a pas non plus été informé. »

­ L'info du 29 avril 1994 du SGR (qualification B-2) qui signale que, vers le 16-17 avril 1994, 40 tonnes de munitions en provenance d'Israël ont été livrées par avion à Goma. Ces munitions étaient destinées à l'armée rwandaise.

(documents SGR nº 3745).


4.10.2. L'attentat contre l'avion présidentiel.

En ce qui concerne la réponse à la question de savoir qui a ordonné l'attentat contre l'avion présidentiel qui a eu lieu le 6 avril 1994, le groupe ad hoc a découvert les indications suivantes :

­ L'info du 7 avril 1994 du SGR (qualification B) dans lequel l'on émet l'hypothèse suivante : « les auteurs du tir sur l'avion ne seraient pas nécessairement le FPR qui est sur sa colline, mais pourraient bien être des militaires qui ne veulent pas la paix ».

(documents SGR nº 3710).

­ L'info du 12 avril 1994 du SGR (qualification B-2-3) qui signale qu'au Rwanda, chacun pense que c'est le colonel Bagosora qui est responsable de l'attentat contre l'avion présidentiel.

(documents SGR nº 3664).

­ L'info du 15 avril 1994 du SGR (qualification B) dans laquelle un informateur déclare qu'après avoir été en rapport avec un ancien ministre rwandais ainsi qu'avec un officier de haut rang de l'armée rwandaise, les éléments dont il dispose indiquent, pour la plupart, que ce serait le colonel Bagosora qui se trouve derrière l'attentat contre l'avion présidentiel. Le personnel de la tour de contrôle de l'aéroport devait également faire partie du complot.

­ Le complément d'information du 19 avril 1994 du SGR à divers destinataires, dans lequel sont émises des hypothèses sur l'identité des responsables de l'attentat contre le président Habyarimana. Selon une des hypothèses plausibles, il faut chercher les coupables dans l'entourage du président lui-même, « attribuant l'attentat aux « faucons » du régime, proches des beaux-frères du président (...) ».

(documents SGR nº 6743 et suiv.).

­ Les infos des 7, 9, 12 et 22 avril 1994 du SGR (qualifications allant de B à F) qui font état de sources fiables, selon lesquelles le président zaïrois Mobutu a préparé l'attentat en concertation avec des milieux hutus extrémistes. Kongolo, le fils de Mobutu, aurait mis le plan en oeuvre. Les missiles qui ont servi à commettre l'attentat auraient été achetés en France, auraient transité par l'aéroport d'Ostende et seraient arrivés à Goma en passant par Kinshasa. M. Ruggiu de RTLM aurait séjourné à cette époque à Gbadolite. Les tentatives visant à imputer la responsabilité de l'attentat aux Belges peuvent elles aussi s'inscrire dans le cadre de ce scénario. Malgré le démenti du Gouvernement belge, la presse zaïroise officielle a continué à accuser les Belges, notamment les 14 et 15 avril. « L'implication de la Belgique dans l'assassinat des présidents (...) est quasi certaine. »

(documents SGR nº B.I. X 0528, C 0065, X 0654 et 3713).

­ L'info du 22 avril 1994 du SGR (qualification B) dans laquelle l'on peut lire :

« Il nous faut donc revoir notre position quant aux responsables de l'attentat contre l'avion présidentiel. Tout fait croire maintenant que les auteurs font bien partie de la fraction dure des Ba-Hutu à l'intérieur de l'armée rwandaise. Chose étrange, qui fait supposer qu'il n'y a pas eu improvisation en la matière: une demi-heure après le crash, et donc bien avant l'annonce officielle à la radio, la « purification ethnique » commençait à l'intérieur du pays, menée sauvagement d'après des listes préétablies. (...) Ce groupe gravitait dans l'orbite de Madame la présidente dont les frères et cousins étaient devenus hauts dignitaires du régime. Ils avaient trempé dans des affaires de terreur et d'argent et il était impensable pour eux de renoncer à leurs privilèges et passe-droits. C'est eux qui dirigeaient les « Interahamwe », les jeunesses du MRND qui formaient les sinistres « escadrons de la mort ». Ce lobby comprenait également des militaires de haut rang, et c'est parmi eux qu'il faut chercher les responsables de l'attentat contre l'avion présidentiel. Donc, pas Madame en personne, mais son clan qui a été dépassé par sa propre logique interne de violence. »

(documents SGR nº 3734).

Outre ces indications provenant d'informateurs qui attribuent l'attentat aux ultras de l'ancien régime rwandais, les documents examinés par le groupe ad hoc contiennent un témoignage intéressant qui émane d'un sujet belge qui, peu de temps après la destruction de l'avion présidentiel, a reçu la visite d'un des proches collaborateurs du président Habyarimana. Le groupe ad hoc connaît l'identité exacte de cette personne, mais il a choisi de ne pas la mentionner dans le présent rapport afin de garantir la sécurité personnelle de l'intéressé et des membres de sa famille qui seraient encore en vie. Elle a déclaré que le président Habyarimana lui a confié : « j'en ai marre de tous ces ultras qui me mettent sans arrêt des bâtons dans les roues ».

La prestation de serment du gouvernement de transition, dont l'installation était prévue par les accords d'Arusha, devait avoir lieu le 9 avril 1994, quelques jours après que le président Habyarimana serait revenu de l'étranger.

(documents SGR nº 3640).

Bien que le SGR ait attribué la qualification C (et non A ou B) à la source d'où provient cette information, le groupe ad hoc a décidé de l'intégrer dans le présent rapport parce que les renseignements qu'elle fournit correspondent tout à fait aux informations que l'on trouve dans d'autres documents, à savoir le SITREP du 23 mars 1994 du Comd Secteur Kigali (colonel Marchal) au C Ops, dans lequel il est fait état de l'entretien qu'a eu le colonel Marchal avec ce collaborateur proche du président Habyarimana. Celui-ci lui a déclaré que l'on pouvait s'attendre à ce que le gouvernement de transition soit installé dans les jours à venir. « Cette information semble se vérifier aujourd'hui. Ce matin j'ai eu la visite du Comd Bn de la Garde Présidentielle qui est venu coordonner les activités de sécurité pour la MEP du GTBE ».

Le colonel Marchal signale également que, lors d'un entretien qu'il a eu avec le ministre de la Défense, ce dernier lui a confirmé que la prestation de serment serait organisée dans les prochains jours. Le colonel Marchal lance cependant l'avertissement suivant : « Toutefois, les deux jours qui viennent seront sans doute ceux de tous les dangers. Certains éléments ultra sont tout à fait capables d'entamer un processus de déstabilisation qui n'est ni difficile à initier ni compliqué à amplifier ».

(documents C Ops nº 5121 dans le dossier de l'auditorat général près la Cour militaire ­ Not. nº 01 00009.95 ­ Farde instruction D ­ 1428).


4.10.3. La diplomatie parallèle.

Durant la période étudiée par le groupe ad hoc , c'est-à-dire entre août 1993 et avril 1994, se sont rendus au Rwanda, le ministre des Affaires étrangères, le secrétaire d'État à la Coopération au développement, le ministre de la Défense accompagné de douze membres du Sénat et de la Chambre des représentants ainsi que M. Wilfried Maertens, ex-premier ministre, dont la visite avait été organisée par Mme Rika De Backer.

Le groupe ad hoc a également découvert des éléments tendant à indiquer l'existence d'une diplomatie parallèle.

­ Le télex nº 1249 du 17 décembre 1993 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui fait état de deux rencontres de M. Scheers, avocat au barreau de Bruxelles, avec le président Habyarimana. « Heb geen contact meer gehad (...) » poursuit l'ambassadeur. « Wel heeft hij mij laten weten dat hij uw diensten op de hoogte zou brengen over verloop en conclusies van zijn zending ».

­ Le document du 17 décembre 1993, qui signale que plusieurs anciens membres de la CMT-MTS (Dubois, Logist) travaillent pour le président Habyarimana. C'est d'ailleurs le président qui signale, le premier, le décès de l'un d'eux (Logist) à l'ambassadeur belge.

­ Le télex nº 81 du 29 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles, qui mentionne que l'avocat Scheers réside à nouveau au Rwanda, où il compte avoir des conversations très confidentielles avec le président Habyarimana. Il aurait informé le chef de cabinet, M. Willems, le directeur, M. Jaenen, et M. Struye, le conseiller diplomatique du Premier ministre, de sa nouvelle mission. « Certains interlocuteurs, qu'il n'a pas nommés » avaient conseillé à M. Scheers, dit encore l'ambassadeur, de « ne pas avoir de contacts avec l'ambassade de Belgique ».

­ Le télégramme du 7 février 1994 du ministre des Affaires étrangères à Ambabel Kigali, dans lequel il signale que son cabinet a été contacté par l'avocat M. Scheers, qui demandait, au nom du président Habyarimana, s'il était exact que le ministre ferait une visite au Rwanda. « Ik denk dat wij een grote voorzichtigheid aan de dag moeten leggen met die tussenpersonen die om niet gekende redenen steeds trachten op een of andere wijze de indruk te wekken dat zij betrokken worden bij de relaties tussen België en Rwanda. »


4.10.4. L'implication d'autres nations.

Le groupe ad hoc a découvert les éléments suivants dans les documents qu'il a examinés.

­ L'info du 28 décembre 1993 du SGR (qualification B) qui mentionne, en ses points 7 et 8, une participation militaire française qui va bien plus loin qu'il n'est admis officiellement. C'est ainsi que deux militaires français mettraient le réseau téléphonique sur écoute, surtout les téléphones des ambassades.

(documents SGR nº 1239 et suiv.).

­ L'info du 11 janvier 1994 du SGR (qualification B) qui signale que les conseillers français qui sont restés au Rwanda après le retrait du Dét. Noroît « (...) organisent une campagne de dénigrement des Casques bleus belges (...) ». La source confirme que deux militaires français s'emploient à mettre le central téléphonique de Kigali sur écoute.

(documents SGR nº 1691).

­ Le télex nº 56 du 20 janvier 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles comportant un compte rendu de plusieurs rencontres avec quasi tous les partis politiques rwandais. Le point 3.4 fait état de l'opposition du président du PL, M. Mugenzi, aux accords d'Arusha. « Het is geweten dat hij o.a. in Frankrijk verbleef en er bestaat een vermoeden dat Parijs hem heeft beïnvloed om terug bij Habyarimana aan te sluiten ... »

­ Le télex nº 184 du 5 mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles par lequel l'ambassadeur transmet deux messages d'un informateur qui attirent l'attention sur le fait que le président zaïrois Mobutu et le président rwandais Habyarimana sont impliqués dans l'assassinat du secrétaire général du PSD, M. Gatabazi. « De source absolument certaine Gatabazi a été une victime expiatoire des consultations magiques faites chez Mobutu. On a essayé dix noms (...) seul Gatabazi « a été agréé par les magiciens » pour mourir afin d'asseoir l'autorité de Habyarimana. Celui-ci devait installer le gouvernement avant l'enterrement pour que Gatabazi représentant tout ce qui s'oppose à Habyarimana emporte les énergies de l'opposition définitivement vaincue. L'information qui est de la famille même du président ajoute que ce fut la même chose pour Gapyis (...) » (message du 1er mars 1994) (le président Habyarimana a tenté, le 23 février 1994, soit un jour après l'assassinat de M. Gatabazi, d'installer unilatéralement un gouvernement transitoire sans participation du FPR ­ voir les télex nos 154, 157, 159 et 163 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles). « Gatabazi a été assassiné par 4 tireurs de l'armée zaïroise (Rumangabo). Ils ont quitté Kigali le mercredi 23/2 par hélicoptère pour Gisenyi » (message du 4 mars 1994 et idem documents SGR nº 3214 ­ info du 8 mars 1994 du SGR ­ qualification B-3).

­ Le télex nº 222 du 15 mars 1994 d'Ambabel Kigali à Minafet Bruxelles concernant des livraisons d'armes en provenance de la France (voir le point 4.10.1).

­ L'info du 15 avril 1994 du SGR (qualification B) qui annonce que G. Ruggiu a quitté le Rwanda sans tambour ni trompette. « L'intéressé, suite aux événements, aurait été rapatrié par les Français. »

(documents SGR nº 3637).


Avec cette analyse approfondie des documents qu'il a pu consulter, le groupe ad hoc estime avoir rempli la mission qui lui a été confiée par le Sénat.

Il appartient à la Commission des Affaires étrangères d'envisager la suite qu'elle entend donner au présent rapport.

Le groupe ad hoc formule l'espoir que la lecture du présent document et la réflexion qu'il engendrera permettront aux autorités belges civiles et militaires et à la communauté internationale d'en tirer les enseignements nécessaires afin d'éviter à l'avenir certaines erreurs et d'empêcher la répétition d'événements aussi tragiques.


ANNEXES


1. Lettre du Premier ministre du 27 novembre 1996.

2. Lettre du ministre de la Défense du 18 novembre 1996.

3. Lettre du président du Sénat au ministre des Affaires étrangères du 12 décembre 1996.

4. Télex du général Dallaire au quartier général des Nations unies New York du 11 janvier 1994.

5. R.O.E. ­ Directive opérationnelle nº 2 : dispositions réglementant l'ouverture du feu (provisoires) du 19 novembre 1993.

6. R.O.E. ­ synthèse 1 : Gedragsregels voor de leden van de militaire delegatie van UNAMIR die gemachtigd zijn wapens en munitie te dragen.

7. R.O.E. ­ synthèse 2 : Directives de la Minuar pour le comportement des militaires aux points de contrôle.

8. Procédure opérationnelle pour l'établissement de la zone de consignation d'armes de Kigali.

9. Rapport topographique.

10. Liste des cantonnements.

11. Lettre du ministre des Affaires étrangères du 31 décembre 1996.

ANNEXE 1


Lettre du Premier ministre du 27 novembre 1996.

Aan de heer Frank Swaelen

Voorzitter van de Senaat

Paleis der Natie

Natieplein 1

1009 BRUSSEL

Mijnheer de Voorzitter,

Betreft : Rwanda.

In antwoord op uw brief van 12 november 1996 heb ik de eer U hierbij de dossiers (nota aan Ministerraad, advies Inspectie van Financiën) over te maken die aan de ministers werden medegedeeld ter voorbereiding van de vergaderingen van de Ministerraad van 26 november en 3 december 1993.

De besprekingen, die de beperkte Ministerraad en de Ministerraad tijdens de periode augustus 1993-april 1994 regelmatig aan Rwanda wijdden, geschiedden, op uitzondering van de bijgaande documenten, op basis van mondelinge mededelingen en toelichtingen.

De notulen van het wekelijks overleg tussen Buitenlandse Zaken en Landsverdediging worden U rechtstreeks door de minister van Buitenlandse Zaken overgemaakt.

Met de meeste hoogachting,

Jean-Luc DEHAENE.

ANNEXE 2


Lettre du ministre de la Défense du 18 novembre 1996.

À Monsieur F. SWAELEN,

Président du Sénat

Place de la Nation 1

1009 BRUXELLES

Monsieur le Président,

Vos lettres du 25 octobre et du 12 novembre relatives à la consultation de documents supplémentaires par le groupe ad hoc Rwanda a retenu toute mon attention.

Pour ce qui est des notes d'informations du SGR (les INTSUM) pour la période du 23 mars au 6 avril 1994, SGR me confirme qu'elles ont toutes été transmises dans les fardes 17 et 18 remises à votre disposition. Il s'agit des documents numérotés 007407 à 007412 (vendredi 25 mars 1994) et le numéro 007097 du 1er avril 1994. Il n'y a pas eu d'INTSUM entre le 1er avril et le 6 avril 1994.

Les notes de JS au ministre et/ou au Conseil des ministres ont, selon JS, toutes été transmises. Mais je voudrais aussi indiquer qu'il y avait bien entendu des rencontres régulières entre le ministre et le chef d'état-major qui ne faisaient pas nécessairement l'objet de minutes. Ceci explique que le nombre de notes de JS soit relativement peu élevé pendant la période.

Pour ce qui est des procès-verbaux des réunions à l'état-major concernant le Rwanda, j'ai fait transmettre par l'EMG ce 13 novembre à Mme Van Maele l'ensemble des documents servant de base aux briefing journalier à l'état-major général pour la période avril 93 - fin avril 94.

Enfin, pour ce qui est des minutes des réunions de concertation avec le ministre des Affaires étrangères, je pense qu'il serait plus indiqué de les requérir auprès de ce département car il pilotait les réunions en question.

Je vous prie de croire, monsieur le président, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs.

Jean-Pol PONCELET.

ANNEXE 3


Lettre du président du Sénat au ministre des Affaires étrangères du 12 décembre 1996.

De heer E. DERYCKE

Minister van Buitenlandse Zaken

Quatre-Brasstraat 2

1000 BRUSSEL

Brussel, 12 december 1996

Geachte heer Minister,

De notulen van de coördinatievergaderingen Buitenlandse Zaken ­ Landsverdediging heb ik goed ontvangen, waarvoor mijn oprechte dank.

Na een aandachtige lezing van de documenten blijkt dat niet van alle wekelijkse coördinatievergaderingen de notulen werden overgemaakt.

Graag had ik U dan ook willen vragen mij zo spoedig mogelijk de notulen van alle coördinatievergaderingen met betrekking tot Rwanda voor de periode augustus 1993-eind april 1994 ter inzage te laten bezorgen.

Wellicht ging niet iedere week een coördinatievergadering door. Een overzicht van de weken waarin geen coördinatievergadering plaatsgreep en dus geen verslag werd opgesteld zou voor de werkzaamheden van de ad-hocgroep Rwanda van bijzonder groot nut zijn.

In naam van de ad-hocgroep Rwanda dank ik U voor uw bereidwillige medewerking.

Met de meeste hoogachting,

Frank SWAELEN.


ANNEXE 4


Télex du général Dallaire au quartier général des Nations Unies New York du 11 janvier 1994.

TRADUCTION D'UN DOCUMENT RÉDIGÉ EN LANGUE ANGLAISE

Annexe A/1 au PV nº 1424 du 20 décembre 1995.

Du Service de police judiciaire auprès de la Justice militaire.

Date : le 11 janvier 1994

Concerne : Demande de protection d'un informateur

1. Commandant de la Force mis en contact avec l'informateur par un très très important politicien du gouvernement. L'informateur est un entraîneur au top niveau dans le cadre de la milice armée de l'Interahamwe (MRND).

2. Il nous a informés qu'il était responsable des manifestations de samedi dernier dont le but était de viser des députés des partis de l'opposition se rendant aux cérémonies et des soldats belges. Ils espéraient forcer le BN du FPR à livrer bataille (étant donné qu'on lui tirait dessus) aux manifestants et provoquer une guerre civile. Les députés devaient être assassinés à leur entrée ou à leur sortie du Parlement. Les soldats belges devaient être provoqués et s'ils recouraient à la force, certains d'entre eux devaient être tués et donc garantir le retrait belge du Rwanda.

3. L'informateur a confirmé que 48 paracommandos des FAR et quelques membres de la gendarmerie ont participé aux manifestations en civil. De même au moins un ministre du MRND et le sous-préfet de Kigali étaient de la manifestation. Les FAR et l'Interahamwe fournissaient les communications radio.

4. L'informateur est un ancien membre de la sécurité du président. Il a également indiqué qu'il était payé 150 000 francs par mois par le parti MRND pour entraîner l'Interahamwe. Il fait rapport directement au chef d'état-major des FAR et au président du MRND pour l'assistance financière et matérielle.

5. L'Interahamwe a entraîné 1 700 hommes dans des camps militaires des FAR en-dehors de la capitale. Les 1 700 hommes sont répartis en groupes de 40 dans tout Kigali. Depuis que la Minuar s'est déployée, il a entraîné 300 personnes au cours de sessions d'entraînement de trois semaines dans des camps des FAR. L'entraînement était centré sur la discipline, les armes, les explosifs, le combat rapproché et la tactique.

6. Le but principal de l'Interahamwe dans le passé était de protéger Kigali contre le FPR. Depuis le mandat de la Minuar, il a reçu l'ordre de recenser tous les Tutsis de Kigali. Il soupçonne que c'est pour leur extermination. L'exemple qu'il nous a donné est qu'en 20 minutes, ses miliciens pouvaient tuer jusqu'à 1 000 Tutsis.

7. L'informateur déclare qu'il est contre l'extermination des Tutsis. Il soutient l'opposition au FPR, mais ne peut soutenir le massacre d'innocents. Il a également déclaré qu'il croit que le président n'a pas le plein contrôle de tous les éléments de son ex-parti/faction.

8. L'informateur est préparé à indiquer l'emplacement de caches d'armes importantes, avec au moins 125 armes. Il a déjà distribué 110 armes, y compris 35 avec des munitions et peut nous donner des détails concernant leur situation. Les armes sont de type G3 et AK47 fournis par les FAR. Il était prêt à se rendre aux caches d'armes ce soir ­ si nous lui donnions la garantie suivante. Il demande que lui et sa famille (sa femme et ses quatre enfants) soient placés sous notre protection.

9. Nous avons l'intention de prendre des mesures dans les 36 heures qui viennent avec une heure H possible, mercredi, à l'aube (heure locale). L'informateur déclare que les hostilités pourraient reprendre si l'impasse politique prend fin. La violence pourrait se produire le jour des cérémonies ou le lendemain. C'est pourquoi mercredi constituerait la plus grande chance de succès et serait également le moment le plus approprié pour fournir des données significatives aux négociations politiques en cours.

10. Il est recommandé que l'informateur se voie accorder la protection et soit évacué du Rwanda. Le QG n'a pas d'expérience antérieure de l'ONU dans de telles matières et demande d'urgence des directives. Aucun contact n'a été pris jusqu'ici avec l'ambassade en vue de se renseigner pour voir s'ils sont disposés à la protéger pendant un certain temps en lui accordant l'immunité diplomatique dans leur ambassade à Kigali avant de le faire sortir du pays avec sa famille.

11. Le Commandant de la Force rencontrera le personnage politique très très important demain matin afin de s'assurer que cette personne est consciente de tous les paramètres de son engagement. Le Commandant de la Force manifeste certaines réserves quant à la soudaineté du revirement de l'informateur « de lâcher le paquet » avec ces informations, reconnaître l'existence de caches d'armes et le planning détaillé des raids qui se produiront demain soir. La possibilité d'un piège n'est pas entièrement exclue, car il pourrait s'agir d'un coup monté contre le personnage politique très très important. Le Commandant de la Force informera le RSSG dès demain matin pour s'assurer son soutien.

13. Peux ce que veux. Allons-y. [NDT : en français dans le texte].

ANNEXE 5


R.O.E. ­ Directive opérationnelle nº 2 : dispositions réglementant l'ouverture du feu (provisoires) du 19 novembre 1993.

DIRECTIVE OPÉRATIONNELLE Nº 02 : DISPOSITIONS RÉGLEMENTANT

L'OUVERTURE DU FEU (PROVISOIRES)

Généralités

1. La conduite d'opérations militaires est controlée et réglementée par les dispositions du droit international et national, les conventions et la priorité. C'est dans ce cadre légal qu'il appartient aux Nations Unies (ONU) de fixer les paramètres qui règleront les opérations des forces de l'ONU. Les dispositions réglementant l'ouverture du feu (ROE) sont les moyens permettant à l'ONU de fournir des directives politiques et légales réglementant l'usage de la force aux commandants à tous niveaux. Les ROE sont établies à l'état de projet par la Force, mais sont approuvées par l'ONU et ne peuvent être modifiées qu'avec l'autorisation de l'ONU.

2. La Résolution du Conseil de Sécurité du .... octobre 1993 stipulait :

« La Minuar est équipée d'armes défensives. Le recours aux armes est normalement autorisé uniquement pour se défendre. Le recours à la force à des fins de dissuasion ou de rétorsion est interdit. L'autodéfense comprend la résistance aux tentatives d'empêcher la Force par des moyens violents de s'acquitter de sa mission dans le cadre du mandat de la Minuar. Dans l'application de ces dispositions, celle à laquelle il ne saurait être dérogé et à laquelle tous les membres de la Minuar adhèreront sera le recours à la force minimum (cfr. Définitions).

3. La Minuar est une force de maintien de la paix, sans engagement envers les parties impliquées dans la guerre civile rwandaise. En vertu des termes de l'accord de paix d'Arusha et du mandat de l'ONU, la Minuar a un engagement envers toutes les parties pour les aider à réaliser la paix. L'impartialité est la clé à cet égard et toutes les actions de la Minuar doivent viser à assurer la poursuite de cet objectif. Toutefois, il peut se produire des circonstances où l'usage de la force par le personnel de la Minuar serait justifié. Lorsque c'est le cas, la nature du maintien de la paix demandera que de telles actions de la Minuar soient appliquées avec un frein : l'usage de la force minimum.

4. Les ROE dont question dans cette directive s'appliquent à tout le personnel de toutes les nations fournissant du personnel à la Minuar. Les ROE sont rédigées sous forme d'interdictions ou de permissions. Sous forme d'interdictions, ce sont des ordres de ne pas entreprendre certaines actions. Sous forme de permissions, elles sont une ligne directrice pour les commandants leur indiquant que certaines actions peuvent être prises si elles sont estimées nécessaires pour atteindre l'objectif de la mission. Les commandants à tous les niveaux sont priés de traduire cette directive et devront s'assurer de sa diffusion à tout soldat sous leur commandement. En outre ils s'assureront que tous les soldats sous leur commandement comprennent cette directive.

5. Les modifications de cette directive seront émises comme nécessaire et approuvées par l'ONU.

6. Cette directive sera classée CONFIDENTIEL RÉSERVÉ À L'ONU.

Définitions

7. Les définitions clés suivantes doivent être clairement comprises par tout le personnel de la Minuar :

a. Force. Utilisation de moyens physiques pour imposer sa volonté. La force militaire est l'utilisation de moyens physiques fournis par des corps de troupes entraînés, armés et disciplinés sous un commandement unifié dans le même but et implique généralement le recours à des niveaux de violence significatifs. Toutefois toute la raison d'être du maintien de la paix est que la paix devrait être obtenue sans le recours à la force militaire. Le maintien de la paix est substantiellement différent de l'application de la paix en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Les opérations de maintien de la paix de l'ONU, y compris la Minuar, seront effectuées par des observateurs militaires et de police non armés et des forces armées exclusivement équipées pour l'autodéfense.

b. Autodéfense. Action de se protéger ou de protéger son unité, face à un besoin urgent et ne laissant pas le choix des moyens ni de temps pour des délibérations;

c. Intention hostile. L'intention hostile est une/des actions(s) qui semble(nt) préparer une action agressive contre le personnel ou l'équipement des forces de maintien de la paix et/ou des biens sous leur responsabilité;

d. Acte hostile. Un acte hostile est toute action agressive contre le personnel ou l'équipement des forces de maintien de la paix et/ou des biens sous leur responsabilité. En décidant d'une réaction appropriée par les forces de maintien de la paix, il y a lieu d'avoir à l'esprit que l'utilisation de la force armée n'est autorisée qu'en présence d'une attaque ou d'une attaque imminente;

e. Force minimum. Le degré de force minimum autorisé nécessaire, raisonnable et légitime étant donné les circonstances;

f. Dommage concomitant. Dommage aux personnes ou aux biens adjacents à, mais ne faisant pas partie d'une cible autorisée;

g. Identification positive. Identification assurée par un moyen spécifique; peut être réalisée par n'importe laquelle des méthodes suivantes : visuelle, mesures de soutien électronique, repérage, corrélation de plan de vol, imagerie thermique, analyse acoustique passive ou procédures d'identification ami-ennemi;

h. Force armée. L'utilisation d'armes à feu et d'autres armes (c.à.d. bâtons, baïonnettes, gaz CS, etc.), y compris coups de semonce.

i. Force non armée. Utilisation de la force physique sans usage d'armes à feu ou d'autres armes (par ex., bâtons, baïonnettes, gaz CS, etc.).

Pouvoir

8. La directive générale concernant la délégation de pouvoir pour l'utilisation des différents types d'armes est la suivante :

a. Commandant de la Force ou Commandant faisant fonction en son absence

(1) Armes d'appui lourdes (ex. : lance-roquettes, pièce d'artillerie, mortiers légers, etc.)

(2) Mitrailleuses, ou canons lourds (cal .50, 20 mm, etc.)

(3) Mitrailleuses moyennes (ex. : FN MAG, M60, etc.)

b. Commandants de Secteur

(1) Mitrailleuses légères; et

(2) toutes les armes personnelles de tir automatique.

c. Commandant de bataillon jusqu'au niveau sous-officier en présence d'une menace

(1) Armes personnelles pour monocoups.

9. Lorsque la situation le permet, les QG subordonnés doivent informer les QG supérieurs avant de recourir à la force armée. Lorsque ce n'est pas possible, le commandant présent lorsque l'incident menace, agira à sa discrétion en suivant la présente directive.

Concept

10. Le personnel de la Minuar peut utiliser ses armes :

a. pour se défendre, défendre d'autres vies de l'ONU, ou des personnes sous sa protection contre une attaque directe, en agissant toujours sous les ordres de l'officier supérieur présent sur les lieux de l'incident;

b. pour défendre la possession ou la propriété ou des installations appartenant à ou sous la protection de l'ONU contre tout dommage, vol ou destruction;

c. pour résister à des tentatives par des moyens violents d'empêcher la Force de s'acquitter de sa mission, en agissant sous l'autorité personnelle du Commandant de la Force ou de son remplaçant autorisé uniquement;

d. pour résister à des incursions militaires ou paramilitaires délibérées dans des zones protégées par les Nations Unies (ex., les quartiers du FPR).

Principes

11. Lorsque se produit un incident qui requiert le recours à la force, les principes suivants seront d'application :

a. seule une force minimum cohérente avec la réalisation de l'objectif immédiat sera utilisée;

b. si possible, la prévention par négociation sera épuisée avant tout recours aux armes;

c. si possible, avertissement et escalade de la force non armée avant tout recours à une force armée;

d. si possible, des tirs de semonce précèderont le « tir d'efficacité » (le tir d'efficacité est le tir au centre de la masse de la cible);

e. si une situation menaçante se développe et que le tir d'efficacité semble être la seule option, il ne sera commencé qu'après que l'ensemble de la procédure d'avertissement dont question ci-dessus ait été épuisée, sauf en cas de menace immédiate selon le para 11, où un retard aurait pour résultat des victimes ou la destruction de biens, auxquels cas le tir d'efficacité peut être commencé sans délai sur l'ordre du commandant le plus ancien présent;

f. dans le tir d'efficacité, le principe directeur sera la force minimum. Il faut veiller à assurer que le dommage concomitant soit réduit au minimum (par ex., une action qui entraînerait un dommage concomitant est interdite) et à ce que ce ne soit pas la Minuar qui commence une escalade du niveau de violence. La rétorsion est interdite. Il faudra répondre à toute action par une action équivalente de la Minuar.

g. le tir doit être controlé par le commandant le plus ancien présent et cessera une fois que le but a été atteint; et

h. après l'incident de tir, le commandant le plus ancien présent transmettra un rapport complet le plus tôt possible.

12. Lorsque c'est possible, toute escalade dans le recours à la force sera autorisé par la voie hiérarchique de la Minuar. Une demande radio en clair d'autorisation de tirer peut avoir un effet apaisant en soi. L'autorisation d'avoir recours à un niveau de violence plus élevé doit être obtenue du commandant approprié suivant le par. 9. Le commandant le plus ancien sur place sera responsable de l'évaluation de la situation et de la prise de l'action appropriée à la situation.

Types de force

13. Il y a deux types de force : force non armée et force armée :

a. Force non armée. La force non armée implique le recours à tous moyens, sauf l'usage d'armes à feu ou autres, pour s'acquitter de la mission confiée par mandat à la Minuar. Exemples : recours à des moyens physiques tels que le corps à corps, utilisation de véhicules pour bloquer, etc. Le personnel de la Minuar est autorisé à avoir recours à la force non armée :

(1) lorsque la sécurité du personnel de l'ONU est menacée par des menaces non armées;

(2) lorsque des infiltrations ou enveloppements sont tentés sans coups de feu;

(3) lorsque les locaux de l'ONU sont violés;

(4) en autodéfense contre une attaque non armée;

(5) lorsque des tentatives non armées sont faites pour enlever ou arrêter des civils ou du personnel militaire de l'ONU;

(6) lorsque des tentatives non armées sont faites pour voler des biens de l'ONU ou sous la responsabilité de l'ONU; et

(7) lorsque des tentatives non armées sont faites pour empêcher le personnel de la Minuar d'exécuter sa mission telle qu'ordonnée par ses commandants.

b. Force armée. La force armée est le recours à toute arme ou arme à feu. Des exemples sont l'utilisation du gaz CS pour empêcher l'accès aux installations de l'ONU, l'usage de la baïonnette pour disperser une foule, le recours à des coups ajustés pour défendre un convoi contre une attaque armée. Le personnel de la Minuar peut recourir à la force armée contre des personnes armées :

(1) en autodéfense;

(2) contre des tentatives de désarmer le personnel de la Minuar;

(3) lorsque du personnel de la Minuar est en danger de mort;

(4) lorsque d'autres vies sont en danger;

(5) pour défendre les installations ou les véhicules de l'ONU contre une attaque armée;

(6) lorsque des tentatives sont faites pour forcer le personnel de la Minuar au moyen d'une force armée à se retirer d'une position qu'il a reçu l'ordre d'occuper de ses supérieurs;

(7) en cas de tentatives par le recours à la force armée de pénétrer dans les installations de l'ONU ou d'isoler une force de l'ONU;

(8) en cas de tentative par la force d'empêcher le personnel de la Minuar d'effectuer des missions assignées par ses commandants; et

(9) en cas de tentative d'enlèvement ou d'arrestation de civils ou de personnel militaire de l'ONU par la force.

Actes criminels

14. L'histoire récente du Rwanda est grevée de guerre civile, de dislocation de grands éléments de la population, de terrorisme, de violence ethnique et politique, de banditisme armé et d'effondrement économique virtuel. Le potentiel d'une augmentation dramatique du banditisme armé pendant le mandat de la Minuar, suite à la démobilisation rapide d'environ 35 000 militaires, le taux de chômage élevé, la surpopulation et la désertion massive dans l'armée, sont très élevés.

15. Pour la plus grande partie, le maintien de la loi et de l'ordre et donc le contrôle de l'activité criminelle, incombent à la police locale, surveillée par les observateurs de la police civile de l'ONU Minuar (POLCIVUN). Toutefois, pendant la période de démobilisation, la capacité de la police locale peut être sérieusement mise à l'épreuve. Il est très probable que le personnel militaire de la Minuar se voie demander d'aider la POLCIVUN et les autorités locales, pour le maintien de la loi et de l'ordre. Dans ces circonstances, ces dispositions réglementant l'ouverture du feu devraient être utilisées pour soutenir les autorités locales et la POLCIVUN. Dans ces circonstances, le personnel militaire ou les unités seront placés en soutien de POLCIVUN qui agiraient en appui de la police locale dans le maintien de la loi et de l'ordre.

Crimes contre l'humanité

17. Des actes criminels motivés ethniquement ou politiquement peuvent également être perpétrés pendant ce mandat et demanderont moralement et légalement que la Minuar utilise tous les moyens disponibles pour y mettre fin. Exemples : exécutions, attaques ou personnes déplacées ou réfugiés, émeutes ethniques, attaques contre des soldats démobilisés, etc. A ces occasions, le personnel militaire de la Minuar suivra les ROE élaborées dans cette directive, en appui de la POLCIV UN et des autorités locales ou en leur absence, la Minuar prendra l'action nécessaire pour empêcher tout crime contre l'humanité.

DISPOSITIONS RÉGLEMENTANT L'OUVERTURE DU TIR

17. RÈGLE NUMÉRO UN : AUTORISATION DE PORT D'ARMES

a. SITUATION A : PAS D'AUTORISATION.

b. SITUATION B : AUTORISATION DE PORT D'ARMES ACCORDÉE.

18. RÈGLE NUMÉRO DEUX : ÉTAT DES ARMES

a. SITUATION A : Les armes seront portées avec des magasins chargés.

b. SITUATION B : Les armes seront portées, chargées et le cran d'arrêt mis.

19. RÈGLE NUMÉRO TROIS : RÉPONSE À UNE INTENTION HOSTILE OU UN ACTE HOSTILE SANS RECOURS AU TIR

a. SITUATION A : Observer et rapporter, mais se retirer afin de préserver...

b. SITUATION B : Rester sur place. Prendre contact et établir une liaison avec la partie adverse et/ou les autorités locales concernées.

c. SITUATION C : Observer et rapporter. Rester sur place. Avertir l'agresseur de l'intention de recourir à la force et se montrer résolu par des moyens appropriés sans ouvrir le feu.

d. SITUATION D : Observer et rapporter. Rester sur place. Avertir l'agresseur de l'intention d'avoir recours à la force et se montrer déterminé par tous les moyens appropriés. Recours au tir à titre de démonstration autorisé.

20. RÈGLE NUMÉRO QUATRE : DÉSARMEMENT DE PARAMILITAIRES OU DE CIVILS

a. SITUATION A : Pas d'autorisation accordée.

b. SITUATION B : Autorisation accordée. Ce faisant avoir recours à la force minimum et escalade jusqu'au recours au tir en cas d'intention hostile ou d'acte hostile. Remettre à l'autorité appropriée dès que possible.

22. RÈGLE NUMÉRO CINQ : TIRS D'INTERVENTION ET DE SEMONCE

a. SITUATION A : Intervention interdite.

b. SITUATION B : Intervention par le tir d'efficacité contre des cibles identifiées positivement et désignées uniquement après tirs de semonce dans le cadre du processus d'avertissement.

23. RÈGLE NUMÉRO SIX : CONTRÔLE DES SYSTÈMES D'ARMEMENT

a. SITUATION A : Armement, préparation, mouvement et tir en présence des forces en conflit sont interdits.

b. SITUATION B : Activité désignée en présence des forces en conflit est autorisée, mais sera spécifiée par les notes suivantes :

(1) Armer (type de système);

(2) Préparer (type de système);

(3) Bouger (type de système);

(4) Tirer (type de système).

24. Règles et états normaux. Dans la situation normale, quotidienne, le statut des ROE suivant est d'application :

a. Règle nº 1, Situation B (autorisation de port d'armes accordée);

b. Règle nº 2, Situation A (armes portées, chargées et cran de sûreté mis);

c. Règle nº 3, Situation B (rester sur place. Établir contact et liaison avec la (les) partie(s) adverse(s) et/ou les autorités locales concernées);

d. Règle nº 4, Situation B (Autorisation accordée. Ce faisant utiliser la force minimum et procéder à l'escalade jusqu'au recours aux tirs en cas d'intention ou d'acte hostile. Remettre à l'autorité appropriée dès que possible);

e. Règle nº 5, Situation A (intervention interdite); et

f. Règle nº 6, Situation A (armement, préparation, mouvement et tir des armes en présence des forces en conflit sont interdits).

25. Donc pour récapituler le statut normal :

26. Les changements du statut normal des ROE tel que décrit au para 21 pour la Force dans son ensemble seront ordonnés par le Commandant de la Force ou en son absence, par son remplaçant désigné. Les commandants de Secteur peuvent demander des changements du statut normal qui seront autorisés par le Commandant de la Force ou la personne qu'il désignera. Les commandants de Secteur peuvent ordonner des changements du statut normal pour les unités ou sous-unités sous leur commandement si le Commandat de la Force ou son représentant désigné l'autorise.

Procédure de provocation

27. La procédure de provocation sera suivie dans tous les cas, sauf lorsque la menace immédiate d'autodéfense conseille un tir immédiat :

a. avertir l'agresseur d'arrêter;

b. répéter l'avertissement autant de fois que nécessaire pour assurer la compréhension;

c. charger les armes si c'est autorisé;

d. tirer des salves de semonce dans un sol sûr en s'assurant que les ricochets sont impossibles; et

e. si les tirs de semonce sont ignorés, ouvrir le feu, sur ordre et sous le contrôle d'un supérieur par un tir d'efficacité unique ajusté, jusqu'à ce que la mission de protection soit menée à bien. Escalade du tir d'efficacité avec d'autres systèmes d'armement uniquement sur ordre du commandant approprié.

Ouverture du feu sans provocation

28. Le seul cas où il est autorisé d'ouvrir le feu sans provocation est une attaque tellement inattendue que même un instant de retard :

a. pourrait entraîner la mort ou des blessures graves à du personnel de l'ONU;

b. pourrait entraîner la mort ou des blessures graves à des personnes se trouvant sous la protection de la Minuar; et

c. pourrait mener au vol, dommage ou destruction de biens de la Minuar ou de biens que la Minuar a été mandatée pour protéger.

Action avant d'ouvrir le feu

29. En toutes circonstances, avant d'ouvrir le feu, le personnel de la Minuar sera guidé par le principe de la force minimum. Les commandants donneront toujours un avertissement avant d'ouvrir le feu et des coups de semonce seront tirés avant d'avoir recours au tir d'efficacité, sauf dans les cas décrits au par 24, où le tir d'efficacité sera ouvert immédiatement. Dans des circonstances normales, la séquence suivante sera suivie :

a. Avertissement. En fonction des circonstances, un avertissement peut être donné verbalement, par un signe ou par illumination, ex. phares rouges portatifs, projecteurs, etc. L'avertissement sera également transmis par la voie hiérarchique avec des rapports de situation permanents;

b. Tirs de semonce. Si la menace persiste, les tirs de semonce seront tirés dans une zone sûre où il n'y a pas de danger de ricochet ou de dommage concomitant; et

c. Tir d'efficacité. Si les mesures qui précèdent n'ont pas eu d'effet sur la situation, le personnel de la Minuar peut sous ordre et contrôle, procéder à un tir d'efficacité.

Action pendant les tirs

30. Le tir ajusté sera tiré pour l'efficacité, c.à.d., tiré sur le centre de la masse visible de la cible. Le tir sera contrôlé et ne sera pas aveugle. Les tirs automatiques et tirs d'armes d'appui ne seront utilisés qu'en dernier recours et seulement sur l'ordre du commandant approprié de la voie hiérarchique. Le tir d'efficacité ne se poursuivra que le temps nécessaire pour atteindre le but immédiat. Le commandant sur place indiquera et contrôlera par des ordres de contrôle de tir les tirs dirigés de préférence vers les chefs ou instigateurs de la menace. Des rapports de situation permanents seront transmis via la voie hiérarchique.

Action après les tirs

31. Après le tir d'efficacité, les commandants s'assureront que les actions suivantes sont prises :

a. Sur le plan médical. Tout blessé, y compris ceux sur qui le personnel de la Minuar a tiré, recevra les premiers soins, si une telle action peut être menée à bien sans mettre en danger la vie du personnel de l'ONU;

b. Consignation par écrit. L'incident sera consigné par écrit, y compris :

(1) heure du tir;

(2) armes utilisées;

(3) type de cartouches et quantité tirée, et

(4) preuves, de préférence photographique, seront rassemblées.

c. Etablissement de rapports. Les informations ci-dessus seront rapportées par la voie hiérarchique au QG de la Force Attn Commandant de la Force et Chief Operations Officer :

(1) Sur qui ou sur quoi a-t-on tiré;

(2) Pourquoi le personnel de l'ONU a-t-il ouvert le feu ?

(3) Où l'incident s'est-il produit ?

(4) Quand l'incident et toutes les activités, y compris les coups de feu, se sont-ils produits;

(5) Quelle est la situation actuelle; et

(6) Comment la situation s'est développée ?

Conclusion

32. Aucune directive définitive ne peut être rédigée qui puisse détailler toutes les actions possibles pour toutes les situations. Le but de la présente directive était de donner des directives qui pourraient servir à guider les commandants et soldats à tous les niveaux dans le recours à la force. Il est critique et impératif que tous les membres de la Minuar comprennent cette directive et l'appliquent à toutes les situations qui peuvent se développer et pourraient demander le recours à la force.

33. En conclusion, tous les commandants doivent s'assurer que cette directive est traduite dans leur langue nationale et que tous les soldats sous leur commandement sont entièrement familiarisés avec son contenu et son intention.

Annexe

Annexe A. Aide-mémoire pour les membres de la Minuar (non jointe, sera publiée plus tard).

ANNEXE 6


R.O.E. ­ synthèse 1 : Gedragsregels voor de leden van de militaire delegatie van UNAMIR die gemachtigd zijn wapens te dragen.

UNO BEPERKTE VERSPREIDING

Gedragsregels voor de leden van de militaire delegatie van UNAMIR

die gemachtigd zijn wapens en munitie te dragen

1. Definities

a. Wettige zelfverdediging

Handeling om zichzelf of zijn eenheid te beschermen bij confrontatie met een crisistoestand die geen keuze laat ten aanzien van de middelen en geen tijd tot overdenkingen.

b. Vijandelijke daad

Een vijandelijke daad is elke agressieve actie tegen personeel of uitrustingen van de UNO Vredesmacht of tegen al dat waarvoor zij verantwoordelijk is.

c. Minimaal geweld

De toegestane laagste graad die in de gegeven omstandigheden noodzakelijk, redelijk en gewettigd is.

2. Algemene regels

a. Gebruik van geweld is toegestaan in geval van wettige zelfverdediging.

b. Gebruik steeds het MINIMAAL noodzakelijk geweld.

c. Gebruik vuurwapens enkel als laatste hulpmiddel.

3. Waarschuwingen

a. Roep « ONU, HALTE OU JE TIRE » of « ONU, HAGARARA CYANGWA NINAMGA NIURASE ».

b. Herhaal de waarschuwing zo vaak als nodig is.

c. Wapens laden.

d. Waarschuwingsschoten vuren in een ongevaarlijke richting waar geen gevaar is voor ketsen.

e. Zonodig, het vuur openen op bevel en onder toezicht van een meerdere.

4. Vuren zonder waarschuwing

Vuren zonder waarschuwing is toegelaten wanneer het niet onmiddellijk beantwoorden van een verrassingsaanval tot gevolg heeft dat :

a. UNO-personeel dreigt gedood of zwaar gewond te worden.

b. Personen onder bescherming van de UNO dreigen gedood of zwaar gewond te worden.

c. Eigendom van de UNO of onder bescherming van de UNO dreigen te worden gestolen, beschadigd of vernietigd.

5. Acties tijdens het vuren

a. Mik tijdens het vuren.

b. Vuur niet meer dan noodzakelijk is.

c. Neem alle voorzorgsmaatregelen om enkel het doel te raken.

6. Actie na het vuren

a. Geef alle gewonden de eerste zorgen.

b. Registreer het uur en de gebruikte wapentypen.

c. Stel een rapport op voor het hoger echelon door te antwoorden op de vragen : Wie ? Waar ? Waarom ?

UN-RESTRICTED

RÈGLES D'ENGAGEMENT

INSTRUCTIONS À TOUT PERSONNEL DE LA MINUAR AUTORISÉ DE PORT D'ARMES ET MUNITIONS

RÈGLES GÉNÉRALES

1. Vous avez le droit d'utiliser la force en cas de légitime défense.

2. Dans toute autre situation un minimum de force doit être utilisé. LE RECOURS AUX ARMES À FEU DOIT ÊTRE L'ULTIME RESSORT !

SOMMATIONS

3. Une sommation doit être donnée avant chaque ouverture du feu, sauf dans les cas suivants :

a. Si donner cette sommation pourrait augmenter le risque de mort ou de blessure grave de vous-même ou de toute autre personne.

b. Si vous ou d'autres personnes êtes la cible d'une attaque armée.

4. Vous devez crier les sommations en français « ONU, HALTE OU JE TIRE » ou en Kinyarwanda « ONU, GUSABIE UHAGARARA WAKWANGA UKARASWA. »

OUVERTURE DU FEU

5. Le tir ne peut être ouvert que contre une personne en train ou sur le point de commettre un acte HOSTILE ET SEULEMENT LORSQUE L'ON NE DISPOSE D'AUCUN AUTRE MOYEN POUR EMPECHER CET ACTE HOSTILE. Toujours suivant les circonstances certains exemples sont donnés :

a. L'acte d'ouvrir le feu ou d'être sur le point de le faire.

b. L'acte de poser, détoner, ou lancer un explosif (y compris cocktail Molotov).

c. L'acte de conduire un véhicule délibérément contre une personne sans qu'il y ait aucun autre moyen de l'arrêter.

d. S'IL N'Y A AUCUN AUTRE MOYEN D'EMPÊCHER L'ACTE HOSTILE.

6. Les cas où le paragraphe 5 n'est PAS d'application :

a. L'individu essaie de prendre possession, d'endommager ou de détruire la propriété ou l'installation que vous êtes chargé de garder ET

b. IL N'Y A AUCUNE AUTRE FAÇON D'ARRÊTER SON ACTE.

7. Si vous devez ouvrir le feu, vous :

a. ne devez tirez qu'après avoir visé ET,

b. ne devez pas tirez plus que nécessaire, ET

c. devez prendre toutes les précautions afin de ne blesser nul autre que la cible.

DÉFINITIONS

8. Les définitions suivantes seront employées :

a. LÉGITIME DÉFENSE

Action qui sert à se protéger soi-même ou son unité en cas de besoin urgent et accablant ne permettant aucun choix de moyens ni le temps pour des débats.

b. ACTE HOSTILE

Tout acte hostile contre du personnel ou du matériel ou des propriétés sous la responsabilité des Forces de Maintien de la Paix. Pour décider de la réponse appropriée de la part des Forces de Maintien de la Paix, il faut se rappeler que l'emploi de forces armées est uniquement autorisé en présence d'une attaque ou d'une attaque éminente.

c. FORCE MINIMUM

Le degré minimum autorisé de force qui est nécessaire, raisonnable et légal dans les circonstances.

ANNEXE 7


R.O.E. ­ synthèse 2 : Directives de la Minuar pour le comportement des militaires aux points de contrôle.

UN RESTRICTED

UNAMIR guidelines for soldier's behavior at checkpoints

DO DO NOT REMARKS
1. SMILE when approaching the vehicle and talking to the driver. Do not show DISRESPECT or that you perhaps dislike him. The attitude you show to a Rwandese is very important. Be friendly.
2. SPEAK to the driver and let him speak to the passengers.
3. REQUEST him to what you want him to do. Do not PUT your head or arm in through the side window or OPEN the door without permission. If you even by accident, touch a female, you may apologize.
4. SPEAK naturally and not louder than needed. Do not SHOUT or SHOW that you may be impatient. If you shout he may misunderstand and think you are cursing at him. If so you may commit an offense.
5. When searching a person, do it with extra COURTESY. Use scanners whenever possible. Do not SEARCH a female personally or tell her to put her hands up. Do not point a weapon directly towards anyone unless you must for security reasons. Touching a person may be regarded by him to be very unpleasant. However, he understands the need for it and done correctly, he will normally not object to it.
6. Whatever happens at the CHP, STAY CALM, and do the best you can be POLITE even if you are OFFENDED. Do not get involved in excited ARGUMENT about any matter. Do not use FORCE unless force is used against you and then use minimum force only. State that you are following orders. Whenever the needs arises, DO NOT hesitate to call your CHP commander.
7. Always MAINTAIN a high standard of dress and military bearing. Do not become careless or sloppy in APPEARANCE. If you look professional people accept your authority better and are more willing to cooperate.

DIFFUSION RESTREINTE ONU

Directives de la Minuar pour le comportement des militaires aux points de contrôle

À FAIRE À ÉVITER REMARQUES
1. SOURIEZ lorsque vous vous approchez du véhicule et lorsque vous vous adressez au chauffeur. Ne lui montrez pas votre MÉPRIS ou un dégoût quelconque à son égard. Votre attitude envers un Rwandais est d'une grande importance. Montrez-vous amical.
2. ADRESSEZ-VOUS au chauffeur et demandez-lui de s'adresser aux passagers.
3. DEMANDEZ-LUI ce que vous voulez lui demander. Gardez-vous de METTRE la tête ou le bras à travers la fenêtre ou d'OUVRIR la porte sans autorisation. Si, même par accident, vous touchez une femme, prenez le soin de vous excuser.
4. PARLEZ d'une façon naturelle et n'élevez pas la voix plus que nécessaire. Gardez-vous d'ÉLEVER LA VOIX ou de MONTRER votre impatience. Si vous élevez trop la voix, vous risquez de vous faire mal entendre et l'interlocuteur pourrait se sentir insulté. Si tel est le cas, vous commettez une faute.
5. Lorsque vous fouillez une personne, faites cela avec beaucoup de COURTOISIE. Servez-vous de détecteurs autant que possible. Gardez-vous de fouilles corporelles sur une femme ou de lui demander de mettre les bras en l'air. Évitez de pointer une arme directement contre quelqu'un, à moins que les raisons de sécurité ne vous dictent de procéder ainsi. La personne que vous touchez peut trouver le geste trop gênant. Cependant, elle peut bien vous comprendre si vous vous y prenez avec tact, et il n'y aura pas d'objection.
6. Peu importe ce qui se passe au Point de Contrôle, RESTEZ CALME et efforcez-vous d'être POLI même si vous êtes OFFENSÉ. Ne vous embarquez pas dans des DISPUTES quelconques. Évitez de recourir à la FORCE, à moins que la force ne soit utilisée contre vous. Dans ce cas, utilisez la force minimum seulement. Dites que vous exécutez des ordres. Chaque fois que de besoin, N'HÉSITEZ PAS à contacter le Commandant de votre Point de Contrôle.
7. AVOIR toujours une tenue vestimentaire et un comportement militaire bien soignés. Évitez de porter une tenue qui vous donne l'APPARENCE d'une personne négligée. Si vous avez une apparence de professionnel, les gens accepteront facilement votre autorité et ils seront plus enclins à vous faciliter la tâche.

ANNEXE 8


Procédure opérationnelle pour l'établissement de la zone de consignation d'armes de Kigali.

PROCÉDURE OPÉRATIONNELLE POUR L'ÉTABLISSEMENT

DE LA ZONE DE CONSIGNATION D'ARMES DE KIGALI

Généralités

1. À la lumière de l'accord de paix d'Arusha et de la résolution 872 (1993) du 5 octobre 1993, il est nécessaire d'établir une zone de consignation d'armes à Kigali et ses environs.

2. L'objet de l'établissement de cette zone est triple : a) assurer la mise en place saine et paisible d'un Gouvernement de transition à base élargie au Rwanda; b) assurer la sécurité de la communauté des expatriés résidant à Kigali et de toute la population résidant à Kigali et; c) contrôler le mouvement et l'emploi des éléments militaires des FGR (Forces gouvernementales rwandaises), du FPR (Front patriotique rwandais) et des autres éléments armés se trouvant à Kigali et ses environs.

3. La zone de consignation d'armes à Kigali sera établie dans la phase 1 des opérations de la Minuar et sera maintenue au cours des phases 2 et 3.

Responsabilités

4. Le commandant du secteur de Kigali est responsable de la mise en place de la zone de consignation des armes de Kigali, en collaboration avec la gendarmerie nationale et la police locale.

5. Les bataillons d'infanterie et les observateurs militaires des Nations Unies déployés à Kigali fourniront le personnel et assureront le contrôle de la zone de consignation d'armes.

Zone d'opération

(Voir Annexe A).

Définitions relatives à l'établissement et au maintien de la zone de consignation d'armes

6. Arme : Tout objet qui peut être utilisé pour causer un dommage physique, une blessure ou une intimidation à un individu est une arme. Ceci comprend les armes lourdes comme les pièces d'artillerie, les tanks, les roquettes, les missiles, etc. ainsi que les armes légères comme les armes à feu, les couteaux, les épées, les baïonnettes, les lances, les bâtons, les gourdins, etc.

7. Zone de consignation : Une zone où les mouvements et l'emploi des forces/troupes ou des armes de n'importe quelle partie sont contrôlés et réglementés par les forces de la Minuar. Le renforcement de la sécurité pour les militaires de la Minuar et pour ses éléments civils est également du ressort de cette zone.

8. Points de contrôle : Des équipes de contrôle seront déployées pour le contrôle des mouvements et l'inspection des véhicules et des piétons afin de renforcer les mesures de contrôle, les ordres et les règlements. Ceux-ci peuvent être statiques ou mobiles.

a. points de contrôle statiques : Des militaires occuperont en permanence des endroits fixes. Ceux-ci seront normalement placés sur les intersections des grands axes routiers telles que les points d'entrée/de sortie d'une zone contrôlée, etc. Le point de contrôle statique fonctionne 24 heures sur 24 et 7 jours par semaine. Il doit disposer d'une radio et d'un moyen de communication avec la base/le G du bataillon.

b. points de contrôle mobiles : Les points de contrôle statiques ne peuvent pas suffir pour couvrir toute une zone d'opération. Dans de telles circonstances, les points de contrôle mobiles s'avèrent nécessaires. Ces points seront composés au minimum d'une section (10 personnes) avec deux véhicules des Nations Unies. Le point de contrôle mobile sera établi à des moments et endroits variables à intervalles irréguliers. Ils doivent disposer d'un moyen de communication avec l'autorité hiérarchique.

9. Barrage routier : Un point de contrôle statique ou mobile qui barre la route et empêche les véhicules de circuler librement est appelé « barrage routier ». Le barrage routier doit disposer des signaux sur lesquels on peut lire « Route barrée » en Anglais, en Français et en Kinyarwanda. Ces signaux doivent être assez lisibles à distance par les conducteurs de véhicules.

10. Perquisition : L'opération de perquisition est une cause de harcèlement et de gêne pour la population. Cette opération devra alors être courte, méthodique et convenable avec un comportement courtois de la part des militaires menant cette opération. Les principes suivants devront être employés pendant de telles opérations :

a. Des précautions doivent être prises pour éviter tout dommage aux véhicules ou aux biens perquisitionnés.

b. Les véhicules transportant les dépouilles mortelles et le cortège funèbre ne seront pas fouillés. Une mesure de suivi sera prise selon la nécessité.

c. Toutes les armes, munitions et explosifs non autorisés trouvés doivent être confisqués moyennant récepissé délivré à leurs détenteurs. Les prévenus seront remis à la disposition des autorités compétentes du Gouvernement. Les armes seront reprises par la Minuar.

d. Perquisition des véhicules : Chaque fois qu'un véhicule est perquisitionné, la partie qui perquisitionne doit vérifier systématiquement le coffre arrière, la partie du moteur, la cabine du chauffeur et celle des passagers, le dessous du châssis, etc. Les véhicules suspects doivent être complètement fouillés.

e. Fouille personnelle : Si la situation l'exige, le commandant du secteur peut autoriser les fouilles personnelles. Cela doit se faire d'une manière honorable en évitant de scandaliser publiquement la personne fouillée. Les femmes ne devront être fouillées qu'à l'aide d'un détecteur de métaux et ne feront PAS l'objet de fouille corporelle. En cas de circonstances très suspectes, des femmes seront utilisées pour fouiller d'autres femmes.

f. Perquisition de quartier : La perquisition de quartier se fera seulement dans le cadre d'une opération de cordon. Dans la perquisition d'un quartier, les personnes y habitant devront être isolées. La maison ou le magasin sera perquisitionné en présence de son propriétaire.

11. Ratissage et fouille : La Minuar peut être amenée à organiser une opération de fouille en vue de rechercher des armes, munitions et explosifs. Une autorisation préalable du Quartier Général de la Minuar est nécessaire pour exécuter une telle opération. Cette opération se fera en liaison avec la gendarmerie et la police locale et elle doit être faite avec des forces et des réserves suffisantes.

12. Patrouille : La patrouille formera une importante partie de l'opération dans la zone de consignation d'armes. Ceci sera fait tant par le bataillon d'infanterie que par les observateurs militaires de l'ONU.

a. Types de patrouilles : En fonction du terrain et de l'intensité de l'opération, on peut avoir :

(1) la patrouille à pied

(2) la patrouille montée

(3) la patrouille aéroportée

(4) la patrouille par voie fluviale ou lacustre

b. Objet de la patrouille :

(1) Confirmer, vérifier ou superviser un incident, une violation de l'accord ou du cessez-le-feu.

(2) Obtenir les informations du terrain, topographie etc.

(3) Superviser et inspecter les stocks/dépôts/magasins d'armes, de munitions et d'explosifs des deux forces.

(4) Localiser et confisquer les armes, munitions, explosifs, etc.

(5) Indiquer la présence des Nations unies.

(6) Assurer la protection des parties ou de la population.

(7) Empêcher les infiltrations des éléments armés dans les zones/endroits contrôlés.

c. Effectifs : En aucun cas, une patrouille à pied ne peut être faite par moins d'une section (8 à 10 personnes), une patrouille montée par moins de deux véhicules, une patrouille fluviale/maritime par moins de deux bateaux/vaisseaux convenables.

d. Sécurité : Contrairement aux patrouilles conventionnelles, la sécurité de la patrouille de l'ONU repose sur l'information préalable des deux parties, par l'intermédiaire des officiers de liaison. Cependant les aspects suivants doivent être tenus en considération :

(1) N'ENTREPRENEZ JAMAIS de patrouille dans les zones suspectées d'être minées.

(2) S'assurer que les signes/marques UN, sous forme de drapeau des Nations Unies, de matériel peint en blanc portant la marque UN et le logo des Nations Unies, soient bien visibles pendant la patrouille.

13. Escortes » : À la Minuar, l'escorte sera de deux types :

a. L'Escorte par les observateurs militaires de l'ONU : Cette escorte sera composée d'observateurs militaires non armés. En cas de suspicion d'un danger quelconque, cette escorte sera renforcée de militaires provenant des bataillons d'infanterie. Les escortes non armées seront normalement fournies aux personnalités importantes des deux parties, des agences de l'ONU, des missions étrangères et aux personnalités très importantes en visite.

b. Escortes armées : Les escortes armées seront composées de militaires d'infanterie. Elles seront destinées aux convois de l'ONU, au corps des troupes ou aux personnalités très importantes en guise de marque d'honneur et pour des raisons de sécurité.

c. Autorité pouvant détacher des escortes : le quartier général des forces de la Minuar, sur recommandation du commandant du secteur, sera le seul autorisé à détacher les escortes. L'officier chef de liaison est le coordinateur chargé du détachement des troupes.

Conditions préalables du plan de mise en oeuvre

14. L'exécution du plan de mise en oeuvre de la zone de consignation d'armes de Kigali est tributaire de l'accomplissement préalable des conditions suivantes :

a. Le Gouvernement rwandais doit fournir à la Minuar les informations détaillées sur les effectifs, les armes (y compris les pièces d'artillerie/mortiers/systèmes de défense anti-aérienne), les munitions et la disposition/emplacement de toutes les formations, unités et campements au sein de la zone de consignation d'armes déployés dans un rayon de dix kilomètres à partir du centre de la ville de Kigali. L'état de la situation militaire locale doit être immédiatement disponible.

b. Le FPR doit fournir à la Minuar les informations détaillées sur les effectifs, les armes, ainsi que les munitions de son bataillon qui doit être installé à Kigali. Il doit également faire parvenir à la Minuar le plan de congés, le plan de relève, etc. de ce bataillon.

c. Tous les mouvements d'unités constituées/corps de troupes, d'armes, de munitions et d'avions/hélicoptères militaires de toutes les parties seront soumis au regard attentif et au contrôle rigoureux de la Minuar, à partir du jour où les mesures de sécurité seront déclenchées dans la zone.

d. Les stocks/dépôts d'armes et de munitions des deux parties dans la zone de consignation d'armes seront de temps à autre examinés, vérifiés et inspectés par la Minuar quand elle le jugera nécessaire.

15. Après le déploiement des bataillons d'infanterie de l'ONU dans la région de Kigali, les mesures de contrôle suivantes devront être respectées par les autorités politiques/militaires tant des FGR et que du FPR :

a. Les forces gouvernementales devront se retirer de toutes leurs positions défensives, points statiques de contrôle, piquets et gardes se trouvant dans la ville et rentrer dans les casernes, à l'exception de certains points sensibles qui continueront à être protégés militairement. Les points et les forces autorisées figurent en Annexe B.

b. Toutes les parties devront interrompre leurs activités de patrouille dans la zone de consignation d'armes. Toutefois, la gendarmerie nationale, en collaboration avec la Minuar, continuera ses missions de sécurité dans la zone. En plus de la gendarmerie nationale, existent la police des établissements publics et privés, la sécurité des biens privés organisée en sociétés (COBRA SECURITY, SECURIC,...) et l'auto-défense de la population (rondes nocturnes, ZAMU), à condition que ces groupes d'auto-défense des quartiers puissent être formellement identifiés par les gendarmes accompagnant les patrouilles de la Minuar et que leurs mouvements soient gérés par la gendarmerie.

c. Les munitions des armes/armements lourds tels que les canons d'artillerie, les chars, les systèmes de missiles/roquettes, les hélicoptères armés, etc. seront privés de leurs systèmes d'armes et gardés dans les stocks/dépôts situés à l'intérieur des zones/cantonnements sous la responsabilité respective des parties et la Minuar les surveillera.

d. À l'exception de la garde présidentielle et des gardes aux points repris en Annexe B, il n'y aura pas de mouvement d'unités formées ou de contingents d'un effectif dépassant la force d'une section (10 personnes) de n'importe laquelle des deux parties en dehors des casernes ou d'autres endroits désignés, sans l'autorisation préalable du QG de la Minuar.

e. Les deux parties seront autorisées à escorter leurs chefs politiques et les commandants militaires lors de leurs déplacements. L'escorte aura au maximum l'effectif d'une section (10 personnes) et disposera de fusils/pistolets semi-automatiques, chacun avec 60 cartouches.

Les autorités suivantes auront le droit d'être escortées :

(1) Le président ­ l'escorte présidentielle sera fournie par un peloton et aura au maximum l'effectif de deux sections (10 personnes par section). Dans certains cas de situations de grande envergure dans la zone de consignation, le nombre de sections pourrait être porté à trois. Dans les occasions où le président doit assister à de grandes manifestations, le déploiement détaillé de personnels armés sera discuté et coordonné au QG de la Minuar.

(2) Le président de l'Assemblée nationale, le président de la Cour suprême, le Premier ministre, les membres du Gouvernement et d'autres personnalités importantes dont les noms et les fonctions seront notifiés à la Minuar.

(3) Le chef du commandement central/Conseil politique du FPR et d'autres personnalités très importantes dont les noms et les fonctions seront notifiés à la Minuar.

(4) Les membres du Haut Conseil de commandement de l'armée et du Conseil de commandement de la gendarmerie nationale ainsi que le chef des forces armées du FPR en fonction.

f. Toutes les escortes des forces seront soumises à la supervision des observateurs militaires de l'ONU et, si nécessaire, escortées par les troupes de la Minuar.

g. Les deux parties peuvent avoir des gardes rapprochées dans les résidences et les bureaux des hautes personnalités ainsi qu'au sein de leurs quartiers généraux pour des raisons de sécurité. De telles gardes seront d'un effectif maximum de dix (10) hommes, resteront à l'intérieur de l'endroit gardé et ne pourront avoir à leur disposition aucun système d'armes offensives comme les chars, les pièces d'artillerie, les missiles/roquettes et les hélicoptères armés.

h. Toutes les forces seront autorisées à pratiquer les activités habituelles de formation/exercice à l'intérieur de leurs casernes et bivouacs, sauf les exercices de déploiement de pièces d'artillerie, de mortiers, de défense anti-aérienne et des chars/APC. Les forces seront autorisées à faire leurs activités administratives de routine à l'intérieur des camps/cantonnements dans les limites désignées.

Modus operandi :

16. La composante militaire de la Minuar, c'est-à-dire, le bataillon d'infanterie et les observateurs militaires, devront en tout temps, en coordination avec la police civile de la Minuar, s'assurer que les conditions préalables reprises dans les paragraphes suivants sont mises en oeuvre et respectées.

17. Pour l'établissement de la zone de consignation d'armes de Kigali et la mise en oeuvre des mesures de contrôle, le bataillon d'infanterie et les observateurs militaires du secteur de Kigali devront tous deux procéder comme suit :

a. Établissement des points de contrôle : Les points de contrôle tant mobiles que statiques devront être établis sur toutes les intersections des grands axes routiers et les points d'entrée et de sortie de la zone. Les points de contrôle statiques doivent être établis aux points d'entrée et de sortie des cantonnements des FGR et du FPR, avec des effectifs suffisants. Tous les mouvements d'entrée et de sortie des FGR et du FPR devront être contrôlés.

b. Barrages routiers : En plus des points de contrôle, des barrages routiers seront également érigés, surtout pendant la nuit.

c. Perquisition : Les opérations de perquisition seront effectuées sur tous les points de contrôle mobiles et sur tous les points de contrôle statiques. Elles se feront à des intervalles de temps irréguliers.

d. Patrouille : Des programmes élaborés de patrouille seront préparés tant par le bataillon d'infanterie que par les observateurs militaires pour couvrir toutes les routes principales, les routes secondaires, les cantonnements et les installations importants du point de vue opérationnel, les endroits occupés par le FPR, l'aéroport, etc. Les observateurs militaires seront toujours accompagnés par des escortes armées pendant leurs patrouilles de nuit.

e. Cordon : Ceci sera fait en coordination avec la gendarmerie nationale et la police locale, et sur information spécifique se rapportant à la découverte de caches d'armes, de munitions et d'explosifs. L'opération de cordon sera à éviter pendant la nuit.

18. Les observateurs militaires de l'ONU surveilleront, observeront, mèneront des investigations et feront rapport sur les situations suivantes :

a. Le déploiement des FGR et tous changements quant à leurs troupes/systèmes d'armement déjà déployés, y compris les munitions, dans et aux environs de la ville de Kigali (dans un rayon de 10 kilomètres).

b. Tous les mouvements d'entrée ou de sortie des FGR et du FPR dans ou en dehors de leurs zones respectives.

c. Déploiement et redéploiement, s'il y en a, d'importants systèmes d'armement comme l'artillerie de campagne, les fusils anti-aériens, les chars/APC ainsi que les hélicoptères armés, etc. des deux parties.

d. Le désordre et autres troubles civils, attroupements, les meetings et réunions des partis politiques, etc., en collaboration avec la police civile des Nations Unies.

e. Les assassinats, intimidation et persécutions à caractère politique affectant le fonctionnement de la Minuar.

Conclusion

19. L'Etablissement de la zone de consignation d'armes de Kigali est vital pour le succès de la mission de la Minuar. Ceci est, en effet, la première phase importante du processus de paix au Rwanda. Le succès de cette phase d'opération dépendra d'une planification élaborée et approfondie et de l'exécution minutieuse de toutes les différentes mesures de contrôle par le bataillon d'infanterie et le groupe d'observateurs militaires du secteur de Kigali.

20. Le degré de l'intensité de l'imposition des mesures de contrôle et de restrictions de mouvements, du déploiement et du redéploiement des FGR et des forces du FPR reposera en dernier lieu sur la coopération entre les composantes militaires de la Minuar déployées sur le terrain d'une part et les FGR et le FPR d'autre part. La plus grande prudence doit être exercée et une neutralité absolue devra être observée dans le contrôle des deux forces antagonistes, afin qu'aucune partie ne se sente lésée ou trahie.

ANNEXE B

Sécurité des points sensibles

1. Une sécurité militaire sera assurée à certains points sensibles ou vitaux.

2. Le nombre indiqué dans le tableau ci-après reprend le nombre maximum autorisé d'hommes armés chargés de la sécurité de ces points.

3. L'unité de défense disposera de fusils ou de pistolets semi-automatiques chacun avec 60 cartouches.

4. Dans le cas particulier de la sécurité des quartiers militaires, un piquet armé d'intervention de 10 hommes sera autorisé. Armes et munitions du piquet seront enfermées dans un local ad hoc. La garde armée des camps militaires se fera au corps de garde principal et se composera au maximum de six hommes et d'un sous-officier.

5. La sécurité des résidences et des lieux de travail ou de réunion des VIP se fera conformément aux procédures opérationnelles, paragraphe 15. g.

6. Liste des points sensibles retenus par la Minuar

a. Radio-télévision : 10

b. Prison de Kigali : 50

c. Télécom + BNR Kigali : 10

d. ELECTROGAZ Gikondo : 10

e. Captage d'eau YANZE : 10

f. Centre d'épuration d'eau : 10

g. Dépôts carburant : 10

h. Aéroport : 10

j. Station terrienne Nyanza : 10

k. JABANA transfo. : 10

l. CRCD : 10

m. Télécom JARI : 10

n. NYAMIRAMBO : 30

o. REMERA : 30

p. KICUKIRO : 30

ANNEXE C

ESCORTE ­ SUPERVISION

1. MISSION DES OBSERVATEURS MILITAIRES DE L'ONU :

A. Escorter les personnalités désignées dans et en dehors de la KWSA (zone de consignation d'armes de Kigali).

B. Contrôler et vérifier toutes les armes, munitions et matériel militaire stockés et gardés à des endroits désignés au sein de la KWSA.

C. Contrôler tous les mouvements des unités militaires constituées au sein de la KWSA.

2. RESPONSABILITÉS D'ESCORTE :

A. Les escortes non armées seront effectuées par les OMNU. Les escortes armées seront conduites par les bataillons d'infanterie durant la nuit.

B. L'autorisation des escortes doit être donnée par le QG du secteur. La planification est hebdomadaire ­ La confirmation, la coordination et le briefing se font 24 heures à l'avance.

C. Effectifs :

Escorte non armée ­ Une équipe d'OMNU.

Escorte armée ­ Minimum deux véhicules armés.

D. Coordination :

(1) L'officier de liaison du secteur Kigali est responsable de l'information, de la planification, de la coordination et du contrôle des escortes.

(2) Le chef d'escorte recevra un briefing de l'officier de liaison du secteur le jour précédant la mission (voir 4).

(3) Le rapport sera fait au QG du secteur à la fin de chaque mission (voir 4).

(4) a. Point de départ.

b. Heure de départ (estimée ­ effective).

c. Composition détaillée du convoi.

d. Point de contact.

e. Responsabilité du convoi.

f. Destination.

g. Itinéraire et remarques (INFO).

h. Heure estimée d'arrivée (effective).

i. Incident : quoi, où, quand, réaction.

j. Composition de l'escorte.

k. Logistique.

SIGNE :

3. CONTRÔLE ET VÉRIFICATION DU MATÉRIEL, DES ARMES ET MUNITIONS :

A. Les inventaires doivent être fournis par les deux parties au QG du secteur par l'intermédiaire des officiers de liaison.

B. Les registres doivent être tenus à jour.

C. Le contrôle des visites se fera à intervalles irréguliers sans avertissement (pas plus de 72 heures entre deux contrôles).

D. Le nombre de OMNU devrait être suffisant afin d'éviter toute manipulation frauduleuse durant l'inspection. Pour une inspection de grande envergure, le Bn Infanterie donnera des renforts pour la surveillance.

E. Au moment de l'inspection, le chef de l'équipe OMNU invitera la personne responsable des lieux à l'accompagner, avec les registres.

F. Il faudra contrôler : la quantité, les numéros d'enregistrement, les mutations et le stockage.

G. Le rapport sera fait au QG du secteur :

a. Nom du chef de l'équipe.

b. Cantonnements inspectés.

c. Personnes contactées.

d. Objets inspectés et remarques.

e. Propositions pour : d'autres investigations, l'amélioration de la procédure et la date du contrôle suivant.

4. CONTRÔLE DU MOUVEMENT DES UNITÉS MILITAIRES CONSTITUÉES

A. Tous les mouvements seront planifiés une semaine à l'avance et communiqués au QG du secteur par les officiers de liaison des deux parties tous les jeudis avant 10.00 heures.

B. Le chef de l'équipe OMNU sera briefé par le LO du QG du secteur :

a. Objet du mouvement.

b. Effectifs de l'unité.

c. Point et heure de départ.

d. Itinéraire et destination.

e. Point de contact (POC).

C. Chaque mouvement sera accompagné et contrôlé par une équipe OMNU. Si les circonstances l'exigent, l'équipe OMNU sera renforcée par une unité d'infanterie (effectifs à déterminer par le QG du secteur).

D. Le rapport de mission sera adressé au QG de secteur en ce qui concerne les points repris au para. B. Le rapport comprendra les incidents et les propositions éventuelles.

ANNEXE D

Police civile

1. MISSION DE LA POLICE CIVILE DE L'ONU (POLCIVNU)

A. Aider la gendarmerie et la police locale à contrôler et contrer les activités criminelles dans la KWSA.

B. Etre prêt, avec la gendarmerie et la police locale, à épauler les bataillons d'infanterie dans l'établissement et la mise en oeuvre de la KWSA.

2. D'UNE MANIÈRE GÉNÉRALE

A. Échange d'informations :

(1) Tout membre des forces de la Minuar doit noter toute information concernant tout sujet de nature à faire réussir la mission et en particulier tous les sujets relatifs aux activités de police.

(2) Transmission des informations :

a. La police civile de l'ONU obtient des informations grâce à des contacts quotidiens avec la gendarmerie et la police locale.

b. Les rapports de mission des OMNU seront exploités par le secteur.

c. Exploitation des rapports quotidiens de situation préparés par les bataillons.

d. Les info. importantes et urgentes doivent être immédiatement transmises au QG concerné afin d'éviter l'escalade ou la détérioration des situations.

e. Un représentant de la police civile de l'ONU participera aux réunions quotidiennes au QG du secteur de Kigali afin de prendre connaissance des activités du bataillon au sein de la zone.

f. Le QG du secteur de Kigali déléguera un LO permanent au QG de la gendarmerie.

B. Organisation :

(1) Suivant l'organisation de la KWSA, la police civile de l'ONU consacrera une équipe à chaque secteur (Nord-Centre-Sud) et gardera une équipe de réserve.

(2) Les activités de surveillance seront coordonnées par le QG de secteur.

(3) Les demandes d'intervention comporteront les informations suivantes : quoi, où, quand, réaction, évolution éventuelle de la situation et degré d'urgence de l'intervention (pas urgent, dès que possible, urgent).

BIJLAGE 9


Topografisch verslag.

Rapport topographique et plan

Deux membres du groupe ad hoc Rwanda se sont rendus à Kigali afin d'avoir une vision précise des lieux et permettre ainsi d'apprécier l'itinéraire des dix paras, le 7 avril 1994 et les circonstances exactes de leur assassinat.

Cela devait permettre au groupe ad hoc de visualiser les informations contenues dans les documents consultés.

Il en a résulté les constatations suivantes :

­ Les événements se sont produits dans un espace géographique très limité.

­ Les barrages pour atteindre la résidence du Premier ministre, cette résidence, le camp Kigali où nos paras ont été assassinés, l'École royale militaire où le général Dallaire a participé à la réunion du 7 avril au matin, et la morgue de l'hôpital de Kigali où les corps de nos paras ont été déposés, tous ces lieux sont situés dans un cercle, d'un rayon de quelque 500 à 600 mètres (cf. plan ci-joint).

­ La distance entre la route d'où le général Dallaire a aperçu plusieurs corps étendus de soldats belges et le bâtiment devant lequel les corps se trouvaient est d'environ 35 mètres.

­ Le bâtiment devant lequel et à l'intérieur duquel nos para-commandos ont été abattus après avoir combattu, présente de nombreux points d'impact de balles, et des traces d'éclats de grenades, témoins de l'intensité des tirs et de la résistance de nos paras.

Cette visite du bâtiment s'est révélée particulièrement émouvante.

ANNEXE 10


Liste de cantonnements.

Liste des cantonnements

Code Description Unité Force
AGUSTA Maison privée Détachement hélicoptère 09 Pers
BEVERLY HILLS école technique officielle Gp SUD
ETO DON BOSCO Poste secours bataillon, ACP 90 Pers
CAILLOU Maison privée Logement ACP 06 Pers
CAPUCCINO Hangar et une maison de la société RWANDEX Base logistique
Atelier de la société IVECO 41 Pers
CHINATOWN Maison privée PC Gp CITY 15 Pers
DOLCE VILLA Maison privée Partie état-major bataillon
Détachement judiciaire 18 Pers
FRANCISCUS Ecole ATS DON BOSCO Gp AIRFIELD (1/2 PC + 1P1)
Ateliers techniques salésiens Padre, démineurs 50 Pers
MIRADOR Maison privée UN P1 Gp CITY 36 Pers
PEGASUS Maison privée état-major bataillon 21 Pers
RAMADAN Maison privée UN P1 Gp CITY 36 Pers
TOP GUN Alentours ancienne tour de contrôle de l'aéroport Gp AIRFIELD (1/2 PC + 1P1) 40 Pers
VIKING Maison privée P1 mortier 25 Pers
VIPERE Entrepôt à l'OUEST de la nouvelle tour de contrôle CVRT
5 véhicules 5 Pers
VITAMINE Maison privée Partie détachement médical 5 Pers

Cette implantation avait été reprise du Bn précédent.

La dispersion des cantonnements avait été imposée à la fois par le Comd Force et les disponibilités en logement.

Un projet de construction de bungalows à l'aérodrome (projet KIGALODGE) avait été introduit dès le mois de février après la reconnaissance par S6 et devait à terme permettre de regrouper à l'aérodrome l'ensemble du Gp AIRFIELD, le Det Heli et l'ACP.

BIJLAGE 11


Lettre du ministre des Affaires étrangères du 31 décembre 1996.

De heer Frank SWAELEN

Voorzitter van de Senaat

Paleis der Natie

Natieplein, 2

1009 BRUSSEL

Mijnheer de Voorzitter,

Betreft : ad hoc-commissie Rwanda

In antwoord op uw brief van 12 december jongstleden kan ik u mededelen dat de verslagen van de coördinatievergaderingen die u werden bezorgd door het toenmalige Kabinet van Buitenlandse Zaken werden opgesteld. Het feit dat deze documenten nu nog steeds beschikbaar zijn heeft louter te maken met het feit dat een deel van de diskettes van het vorige Kabinet per toeval niet werden uitgewist en op mijn Kabinet verder werden gebruikt.

Een nieuw onderzoek op mijn administratie (met inbegrip van navraag bij inmiddels gepensioneerde personeelsleden) leverde geen nieuwe documenten op. Navraag bij een gewezen kabinetslid dat dit dossier beheerde, leerde mij overigens dat de coördinatie rond Rwanda meestal gebeurde in de rand van vergaderingen rond Joegoslavië en zich beperkte tot het regelen van allerhande praktische modaliteiten.

Met de meeste hoogachting,

Erik DERYCKE.

VI. AFKORTINGEN ­ ABRÉVIATIONS

AMBABEL : Belgische ambassade/Ambassade de Belgique

APC : Armoured Personnel Carriers

ARDHO : Association pour la protection des droits de l'homme

AVP : Association des volontaires de paix

BAT : Bataljon, Bataillon, Battalion

Bde : Brigade

Bn : Bataljon, Bataillon

Bn KGL : Bataljon Kigali, Bataillon Kigali

BYABAT : Ghanian Battalion

CDR : Coalition pour la défense de la république

CHP : Checkpoint

CLADHO : Collectif des ligues et associations de défense des droits de l'homme

C Ops : Centre d'opérations

Ctl : Control

CTM : Coopération technique militaire

CVRT : Combat Vehicle Reconnaissance ­ Tracked

DelbelUNO : Belgische delegatie bij de VN/Délégation belge auprès de l'ONU

Det : Detachement, Détachement

Det BE : Détachement belge

DGSE : Direction générale de la sécurité extérieure (France, Frankrijk)

DRM : Direction du renseignement militaire (France, Frankrijk)

EEI : Essentiële elementen van informatie/Éléments essentiels d'information

ESM : École supérieure militaire (Kigali)

FAR : Forces armées rwandaises

FC : Force Commander

FIDH : Fédération internationale des droits de l'homme

FPR : Front patriotique rwandais

GdN : Gendarmerie nationale

IDC : Christen-democratische Internationale/Internationale démocrate-chrétienne

JS : Joint Staff

JSO : Joint Staff, Afdeling operaties/Joint Staff, Division Operations

JSO-P : Joint Staff, Operaties-Personeel/Joint Staff, Opérations-Personnel

KIBAT : Belgian Battalion

KWSA : Kigali Weapon Secure Area

MDR : Mouvement démocratique républicain

MINAFET : Ministère des Affaires étrangères

MINUAR : Mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda

MRDN : Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement

MTS/CTM : Militaire technische coöperatie/Coopération technique militaire

NIF : Neutral international force

OAE : Organisatie voor de Afrikaanse Eenheid

ORINFOR : Office d'information du Rwanda

PL : Parti libéral

PNUD : Programme des Nations unies pour le développement

PP-MDN : Porte-parole ­ Ministère de la Défense

PSD : Parti social démocrate

QG : Quartier général

QRF : Quick Reaction Force

ROE : Rules of Engagement/Régles d'engagement

RTLM : Radiotélévision libre Mille Collines

RUTBAT : Bangladesh Battalion

SECURE SITREP : Situation Report

SGR : Algemene Dienst Inlichtingen van het Ministerie van Landsverdediging/Service général du Renseignement du Ministère de la Défense nationale

UNAMIR : United Nations Assistance Mission for Rwanda

UNCIVPOL : United Nations Civilian Police

UNHCR : United Nations High Commissioner for Refugees

UNOMUR : United Nations Observer Mission Uganda-Rwanda

VN : Verenigde Naties


(1) (E/CN.4/1994/7/Add.1) ­ Report by the Special Rapporteur on extrajudicial, summary or arbitrary executions on his mission to Rwanda, 8-17 April 1993, including as annex II the statement of 7 April 1993 of the Government of Rwanda concerning the final report of the independent International Commission of Inquiry on human rights violations in Rwanda since 1 October 1990.

(2) Second progress report of the Secretary-General on UNAMIR for the period from 30 December 1993 to 30 March 1994, requesting an extension of its mandate for a period of six months.